Hier, vous vous êtes fait le porte-parole des associations qui condamnent farouchement le référentiel : il faut vérifier l'âge des internautes, disiez-vous, quoi qu'il en coûte pour la vie privée – les conditions du respect de cette dernière, vous vous en fichiez. C'est l'un des premiers arguments que vous avez avancés pour vous opposer à l'article 1er . Aujourd'hui, pour rejeter l'article 2, vous relayez un argument totalement contraire, celui de La Quadrature du net, qui s'oppose à ce que l'Arcom soit investie du pouvoir de blocage – quoi qu'il en coûte pour les enfants. J'ai du mal à vous suivre. Soit vous êtes attaché au respect de la vie privée, auquel cas vous devriez accueillir favorablement l'article 1er et le référentiel qui encadre les décisions de l'Arcom pour protéger l'intimité et les données personnelles ; soit vous êtes attaché à la santé des enfants, quelles qu'en soient les conséquences pour les données personnelles, auquel cas vous devriez applaudir des deux mains l'article 2 qui confie à l'Arcom des pouvoirs de police et de blocage à l'encontre des sites qui violent le code pénal – quelles que soient les méthodes utilisées pour vérifier l'âge des internautes.
Je reconnais qu'il faut être vigilant lorsqu'on transfère des compétences du juge vers une autorité administrative : toutes les garanties et tous les moyens de recours sont-ils réunis ? C'est le cas du présent projet de loi. Quand un transfert est décidé, il doit évidemment se limiter aux domaines dans lesquels l'autorité administrative est compétente. Aucun des aspects qui requièrent l'indépendance du juge, son impartialité, sa capacité de jugement et sa connaissance de la jurisprudence ne doit tomber dans l'escarcelle de l'autorité administrative. En l'occurrence, il n'est pas question de demander à cette dernière de déterminer, à la place du juge, si une pratique peut être considérée comme illégale à la lumière de la jurisprudence. Il est uniquement demandé à l'autorité administrative de vérifier si, oui ou non, un site internet contrôle l'âge de ses utilisateurs. Il serait indigne d'alourdir la charge des magistrats avec cette question parfaitement binaire – d'autant que le référentiel élaboré par l'Arcom en précisera les contours. Aussi est-il légitime de confier cette faculté à l'autorité administrative.