La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures.
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant aux amendements n° 11 et identiques portant article additionnel après l'article 1er .
Je vous informe que l'adoption des amendements de rédaction globale de l'article 1
Il se fonde sur l'article 98, alinéa 5, du règlement et sur l'article 45 de la Constitution.
Je m'interroge sur la recevabilité des amendements identiques que nous examinons. En effet, ils font référence à un article du code rural et de la pêche maritime qui n'existe pas. Pour vous mettre de bonne humeur, en ce vendredi matin, je salue la créativité de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), mentionnée dans l'exposé des motifs de l'un des amendements. Est-il toutefois utile que notre assemblée perde du temps à examiner ces amendements ?
M. Loïc Prud'homme applaudit.
Ces amendements ont été déclarés recevables par le service de la séance. Nous allons donc les examiner. Nous prenons cependant note de votre rappel au règlement.
Les amendements n° 945 de M. Vincent Descoeur et 3930 de Mme Hélène Laporte sont défendus.
La parole est à Mme la rapporteure de la commission des affaires économiques, pour donner l'avis de la commission.
Ces amendements proposent que le premier alinéa du V de l'article L. 122-1 du code de l'environnement mentionne « l'étude préalable d'impact prévue à l'article L. 122-1-4 du code rural et de la pêche maritime ». Cet article du code rural et de la pêche maritime n'existant pas, je demande aux auteurs des amendements de bien vouloir les retirer.
La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, pour donner l'avis du Gouvernement.
Même avis.
Au-delà de la reconnaissance de l'intérêt général de l'agriculture comme principe fondateur du droit et des politiques publiques, que nous avons inscrite hier dans le projet de loi, des modifications appropriées du code de l'environnement sont nécessaires, en particulier dans le domaine de la politique de l'eau.
Cet amendement, repris par plusieurs collègues, vise à rappeler que l'agriculture, que les productions agricoles ont besoin d'eau – il est parfois nécessaire de souligner certaines évidences. Nous reviendrons certainement sur le fait que l'usage de cette ressource doit être équilibré et tenir compte des besoins du secteur.
L'amendement n° 3931 de Mme Hélène Laporte est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements identiques ?
Ils visent à modifier l'article L. 211-1 du code de l'environnement pour y mentionner que l'agriculture est « d'intérêt général majeur », conformément à l'article L. 1 A du code rural et de la pêche maritime, que l'Assemblée a adopté hier soir.
Le rééquilibrage que ces amendements visent à opérer entre la politique de l'eau et l'agriculture me paraît inutile pour deux raisons. D'une part, le fait que l'agriculture soit reconnue d'intérêt général majeur joue en sa faveur face à certains critères de gestion de l'eau. Désormais, l'agriculture fera l'objet d'une attention spécifique et sera privilégiée, le cas échéant, au détriment de l'article L. 211-1 du code de l'environnement. D'autre part, le 5
L'agriculture est pleinement prise en considération dans la gestion de l'eau en France. Les amendements sont satisfaits. J'invite leurs auteurs à les retirer.
L'eau est évidemment importante pour l'agriculture. C'est d'ailleurs le sens de plusieurs dispositions du projet de loi. La reconnaissance de l'agriculture comme étant d'intérêt général majeur permettra d'adapter les politiques publiques en fonction des besoins en eau du secteur. En outre, comme l'a indiqué Mme la rapporteure, le 5
Par quel miracle des amendements identiques qui modifient le code de l'environnement sur la question de la gestion équilibrée de la ressource en eau, qui relève de la Charte de l'environnement et de plusieurs directives européennes, peuvent-ils être considérés comme recevables ? Sur le fond, ils remettent en cause le partage de l'eau entre agriculteurs en en modifiant les dispositions.
Outre qu'ils portent atteinte aux principes généraux de la gestion de l'eau et du code de l'environnement, ces amendements sont malheureusement révélateurs de vos intentions.
Je l'ai expliqué en commission : en cas de contentieux, le juge se réfère davantage au code pénal qu'au code rural ; il est donc nécessaire d'inscrire dans le code pénal que la souveraineté alimentaire est un intérêt fondamental de la nation. Tel est le sens de l'article 1er
L'amendement n° 3406 est retiré.
Considérant que les territoires insulaires métropolitains et les territoires de montagne font face à des difficultés similaires liées à leur géographie spécifique, le présent amendement s'inspire du VI de l'article L. 1 du code rural et de la pêche maritime, relatif à l'agriculture de montagne, pour reconnaître la spécificité de l'agriculture insulaire.
Si les agriculteurs des îles partagent les mêmes défis et les mêmes inquiétudes que leurs homologues du continent, ils sont en outre soumis aux contraintes de l'insularité. À Belle-Île-en-Mer, le prix du gazole non routier est environ 50 centimes plus cher qu'ailleurs. Le coût de l'approvisionnement en matériels et produits agricoles y est aussi supérieur puisqu'il faut les transporter par la mer – près de 51 euros la tonne. De manière générale, tout est plus cher dans les îles pour les particuliers, les professionnels et les collectivités. Cette particularité insulaire fait l'objet d'une reconnaissance officielle depuis son inscription dans la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite 3DS. Il s'agit de donner une réalité à la préservation et, pour certaines îles, au renouveau de l'agriculture insulaire.
L'agriculture est présente sur l'île de Batz, avec les légumiers, à Belle-Île-en-Mer – vingt agriculteurs –, à Ouessant, à Yeu et à Arz, qui comptent des éleveurs et des maraîchers. À Sein et à Molène, des projets sont actuellement lancés pour relancer l'agriculture. Historiquement, certaines îles étaient davantage tournées vers la terre que vers la mer. Ainsi, l'île d'Yeu comptait autrefois 50 % de terres agricoles, contre moins de 5 % aujourd'hui. À Belle-Île-en-Mer, si la surface agricole a aussi diminué avec le temps, elle occupe toujours plus d'un quart du territoire.
Il est nécessaire de sauvegarder l'identité et la vitalité des territoires insulaires en appliquant des politiques adaptées à leurs spécificités. Ces territoires ne sont pas grands, mais ils n'en méritent pas moins toute notre attention.
Cet amendement a été cosigné par tous les députés des îles du Ponant.
Mme Maud Gatel applaudit.
Je comprends également la passion qui vous anime, monsieur le député Pahun, ainsi que d'autres de vos collègues, sur ces sujets-là.
Je vous rappelle toutefois que la particularité insulaire est déjà reconnue dans la loi 3DS. Il ne nous paraît donc pas utile de la faire figurer à nouveau dans le présent projet de loi.
Reste que, eu égard à l'attention que vous y portez les uns et les autres, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.
Mme Maud Gatel applaudit.
L'amendement n° 3718 est adopté.
L'amendement n° 1722 de Mme Josiane Corneloup est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Votre amendement, par lequel vous souhaitez que les politiques publiques concourent à la promotion active de la souveraineté alimentaire, est satisfait par le deuxième alinéa de l'article L. 1 A du code rural et de la pêche maritime, tel que l'Assemblée l'a adopté hier, qui dispose que « les politiques économiques, sociales et environnementales concourent à assurer la souveraineté alimentaire et agricole de la France », la suite de l'article faisant référence aux politiques publiques susmentionnées. Je vous demande donc de retirer votre amendement.
L'amendement n° 1722 , ayant reçu un avis défavorable du Gouvernement, est retiré.
Ces amendements, en dépit de leur portée symbolique, nous semblent importants : ils visent à reconnaître le rôle que jouent la viticulture et le pastoralisme dans la prévention des feux de forêt. Je sais bien, comme député de la Gironde, que la présence de barrages naturels sont un atout dans la lutte contre ces incendies.
Il est vrai que des expériences ont mis en évidence que les plantations de vigne permettent de stopper la propagation de feux d'espaces naturels. En arrivant sur la vigne, en effet, si l'incendie cause des dégâts, principalement au niveau des premières rangées, le feu ne passe pas au-delà. Des plantations de vigne ont ainsi montré leur efficacité, notamment dans l'Aude, et en particulier dans le massif de la Clape.
Mais d'autres dispositifs, comme des plantations de haies ou la constitution de chemins forestiers, sont également efficaces. C'est notamment le cas dans la forêt des Landes.
Sans nier le rôle de la viticulture dans la lutte contre la propagation de feux, son importance n'est pas supérieure à celle d'autres dispositifs. Je vous demande donc de retirer votre amendement.
Vous avez raison, monsieur le député de Fournas : l'agriculture, en particulier la viticulture et le pastoralisme, permet de lutter contre les risques d'incendies de forêt, risques qui vont malheureusement devenir plus importants à cause du dérèglement climatique.
Mais, Mme la rapporteure l'a dit, d'autres activités agricoles peuvent contribuer à cette lutte. L'importance spécifique, en la matière, du pastoralisme et de la viticulture a par ailleurs été reconnue dans l'article 1er du texte, ce qui témoigne de l'intérêt que nous portons à ces activités. Je demande le retrait de l'amendement ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Je voulais vous signaler ce qui me semble être une anomalie : l'amendement n° 1960 apparaît comme tombé, alors même que nous ne l'avons pas examiné.
Il est tombé du fait de l'adoption, hier soir, de l'amendement portant nouvelle rédaction globale de l'article 1er .
Le service de la séance va examiner cette question et nous y reviendrons si nécessaire.
Sourires.
Cet amendement vise l'instauration d'une étude préalable d'impact économique et social, afin de matérialiser l'intérêt général qui s'attache à la protection, à la valorisation et au développement de l'agriculture, conformément au principe du développement durable.
Je souhaite également que soit rédigée une étude préalable d'impact économique et social, afin, comme vient de le préciser notre collègue, de matérialiser l'intérêt général qui s'attache à la protection, à la valorisation et au développement de l'agriculture, conformément au principe du développement durable.
Les amendements identiques n° 939 de M. Vincent Descoeur, 1523 de M. Francis Dubois et 3929 de Mme Hélène Laporte sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Je donne un avis défavorable pour deux raisons.
Tout d'abord, cet amendement, du fait de son caractère général et de certains des termes qui y sont employés, est totalement inapplicable. Que signifie, par exemple, « avoir des conséquences négatives importantes sur l'agriculture » ? Cette imprécision se révélerait un nid à contentieux.
Vous précisez ensuite que la disposition que vous défendez doit se faire dans le respect du développement durable, que vous dites consacré par le Conseil constitutionnel. Or, dans la décision du Conseil constitutionnel en date du 31 janvier 2020, ce n'est pas le développement durable qui est consacré, mais la « protection de l'environnement », en tant que patrimoine.
L'amendement n° 1096 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je reviens sur les revendications, toujours d'actualité, que le monde agricole a formulées en ce début d'année, à propos de la complexité administrative, des questions normatives et de la fiscalité.
J'entends des déclarations d'intention promettant de ne pas surenchérir sur les normes existantes et de ne pas créer de nouvelles taxes. Or, depuis le 1er janvier, la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, loi dite climat et résilience, prévoit qu'une taxe puisse être créée dès lors que les objectifs de réduction des engrais azotés ne seraient pas respectés deux années consécutives.
Il est louable d'avoir une trajectoire. Il est également louable de vouloir réduire le volume des intrants, ainsi que celui des émissions de protoxyde d'azote et d'ammoniac. Le monde agricole est prêt à s'engager dans cette démarche, pourvu qu'il soit accompagné.
Mais la réponse est à chaque fois la même : créer de nouvelles taxes et rosser celles et ceux qui ne respecteraient pas ces objectifs, alors que les agriculteurs sont parfois bien contraints, pour assurer la fertilité de leur sol et préserver leur production, d'utiliser des engrais.
Cet amendement ne vise pas à contester les dispositions de la loi climat et résilience, mais à contester la possibilité de créer de nouvelles taxes qu'ouvre l'article que nous examinons.
Je suis défavorable, pour deux raisons, à cet amendement.
D'une part, la redevance dont vous souhaitez supprimer la possibilité est un outil parmi d'autres pour favoriser la réduction des émissions d'ammoniac et de protoxyde d'azote liées à l'usage d'engrais minéraux azotés. Il serait dommage de se priver de ce moyen d'avoir une influence sur les comportements.
D'autre part, et contrairement à ce que vous écrivez dans votre exposé sommaire, il ne s'agit en rien d'appliquer « une imposition rapide et sans préparation adéquate ». Si, en effet, vous lisez dans son intégralité le III de l'article 268 de la loi climat et résilience, partie que vous souhaitez abroger, vous y verrez bien précisé que la mise en œuvre de cette redevance doit veiller « à préserver la viabilité économique des filières agricoles concernées et à ne pas accroître d'éventuelles distorsions de concurrence avec les mesures en vigueur dans d'autres États membres de l'Union européenne ». La création de la redevance se fera après réflexion, sans précipitation.
Avis défavorable également. La loi n'envisage cette redevance que comme une possibilité et, s'il était d'aventure prévu qu'elle soit instaurée, vous aurez l'occasion d'en débattre.
Vous avez raison de souligner que les agriculteurs font des efforts, si bien que cette trajectoire de réduction des engrais azotés est, à l'heure actuelle, tenue sans difficulté. L'article de la loi est par ailleurs bien équilibré, comme Mme la rapporteure l'a rappelé, en ce qu'il mentionne la nécessité de veiller à ce qu'une éventuelle redevance ne vienne pas pénaliser, par des distorsions de concurrence, notre agriculture.
Je ne comprends que trop bien maintenant que l'objectif du projet de loi que nous examinons est d'abroger, trois ans après sa promulgation, des articles de la loi climat et résilience : illustration parfaite de la revanche historique que vous voulez prendre sur la Charte de l'environnement, sur le Grenelle de l'environnement et sur d'autres dispositions adoptées depuis.
Nous avions voté contre l'article 268 de la loi climat et résilience. Il est absolument nécessaire que nous sortions des engrais azotés de synthèse, et le mécanisme prévu par cet article est tellement compliqué que personne n'y comprend rien. Il a par ailleurs récemment fait l'objet de reculs de la part du Gouvernement.
Cela permet de souligner un paradoxe : on ne peut pas demander aux agences de l'eau et à la politique environnementale de subventionner un certain nombre d'actions visant à réduire l'impact de l'agriculture sur la ressource en eau, tout en refusant qu'il existe une recette pour les financer.
En matière de revanche, madame Batho, ne généralisez pas : pour ma part, et comme d'autres collègues, je n'étais pas député à l'époque.
L'amendement n° 4301 n'est pas adopté.
L'amendement n° 1180 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement vise définir une stratégie foncière pour les territoires d'outre-mer – des agriculteurs et des agricultrices doivent pouvoir s'y installer. À La Réunion, par exemple, leur moyenne d'âge est de 53 ans : ils seront donc nombreux, ici aussi, à partir à la retraite.
On constate également que la population augmente plus vite, dans ces territoires, que ne s'accroît la production agricole. Votre ministère indique qu'il existe un important potentiel de remise en culture de certaines terres – en Martinique, en Guadeloupe et à La Réunion notamment.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à Mme Chantal Jourdan, pour soutenir l'amendement n° 3680 .
Cet amendement vise à mettre en place une stratégie foncière spécifique à chaque territoire d'outre-mer afin d'assurer l'objectif de renouvellement des générations. On constate un véritable désordre foncier, qui bloque les transmissions, et la prolifération des terres dites incultes, qui pourraient être requalifiées ou revalorisées en terres agricoles.
Vous souhaitez une stratégie foncière pluriannuelle dans chaque territoire d'outre-mer. Je vous renvoie au rapport très complet rédigé par Stéphane Artano, Vivette Lopez et Thani Mohamed Soilihi au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer, en date du 28 juin 2023, qui préconise une stratégie foncière autour de quatre actions : sauvegarder les terres agricoles déjà cultivées ; reconquérir les terres agricoles exploitables ; transmettre pour assurer la relève des générations ; aménager dans une perspective d'agriculture durable.
Je suis donc d'accord sur le principe de la mise en œuvre d'une stratégie foncière outre-mer mais la protection de la souveraineté alimentaire de ces territoires – incluant l'agriculture et, donc, la politique foncière – est acquise dans le cadre de l'article 1
Chaque territoire ultramarin a une histoire foncière et agricole singulière, même si les outils de droit commun s'appliquent : contrôle des structures, commissions départementales de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF), sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer), statut du fermage.
En outre, Mayotte ou la Nouvelle-Calédonie, par exemple, disposent d'outils originaux, spécifiques, placés pour certains sous le contrôle de l'État.
Enfin, certains territoires disposent également de schémas d'aménagement régionaux qui visent précisément à proposer une vision stratégique pour le territoire. En l'état du droit, rien n'empêche donc les collectivités locales ultramarines de renforcer les aspects fonciers dans ces documents. Avis défavorable.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir l'amendement n° 3118 .
Les secteurs agricole et agroalimentaire occupent un poids relatif important dans les économies d'outre-mer en matière d'emplois, de contribution à l'activité productive locale ou de recettes d'exportation. À ce titre, le programme 149, Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l'aquaculture, contribue aux objectifs stratégiques de développement de l'agriculture ultramarine.
Notre collègue Marcellin Nadeau, premier signataire de l'amendement, souhaite accélérer sa mise en œuvre effective, en ciblant l'impératif de souveraineté alimentaire dans les collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution, en grand retard alors que, plus que partout ailleurs, en raison du caractère îlien, vulnérable et contraint de ces territoires, souveraineté agroalimentaire et souveraineté énergétique sont des nécessités vitales pour lutter contre le dérèglement climatique.
Vous souhaitez que le projet de loi prenne spécifiquement en compte certaines actions dans le cadre de la stratégie consistant à faire bénéficier les collectivités d'outre-mer de la souveraineté alimentaire.
Il est vrai que les territoires d'outre-mer présentent des spécificités agricoles, du fait de leur caractère insulaire et éloigné : productions spécifiques, rendements inférieurs à ceux de métropole pour des cultures ou élevages comparables, aléas climatiques plus importants, taille des parcelles et des exploitations moindre qu'en métropole.
L'importance des territoires d'outre-mer et la prise en compte de leurs spécificités figurent déjà au dernier alinéa du II de l'article 1er , dans la rédaction que nous avons adoptée hier soir.
L'article L. 1 A du code rural et de la pêche maritime dispose désormais que « les objectifs de politiques publiques susmentionnés devront tenir compte et répondre aux contraintes climatiques et géographiques spécifiques aux collectivités d'outre-mer, caractérisés par l'éloignement et l'insularité ».
Vous le constatez, nous sommes donc bien conscients de ces caractères spécifiques. Je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement.
Je comprends l'intention de l'amendement – tenir compte des spécificités ultramarines. Je vous rappelle que nous y avons donné droit hier en adoptant un sous-amendement que vous souteniez. Le principe est donc désormais inscrit à l'article 1er .
Les spécificités ultramarines sont bien réelles, vous avez raison. Dans ces territoires, il ne s'agit pas seulement de souveraineté mais d'autonomie alimentaire, compte tenu de la distance et des surcoûts.
En revanche, je vous demanderai de bien vouloir retirer cet amendement – à défaut, mon avis sera défavorable – car le programme 149 vise déjà à améliorer notre autonomie alimentaire, territoire par territoire et secteur par secteur. Je pense également au plan de souveraineté pour la filière fruits et légumes, qui prévoit des moyens spécifiques pour l'outre-mer.
Je prends acte de vos explications mais, n'étant pas l'auteur de cet amendement, je le maintiens.
L'amendement n° 3118 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Mathilde Hignet, pour soutenir l'amendement n° 2788 .
Nous souhaitons que le Gouvernement soumette une présentation de la trajectoire sur cinq ans du programme national de développement agricole et rural (PNDAR) et dresse un bilan de ce programme pour l'année passée.
Le compte d'affectation spéciale pour le développement agricole et rural (Casdar) s'élève chaque année à environ 147 millions d'euros. Il est alimenté par la taxe collectée par l'Agence de développement agricole et rural (Adar), dite taxe Adar, dont le montant varie en fonction du chiffre d'affaires de l'exploitation.
Ce compte d'affectation alimente le PNDAR qui finance les chambres d'agriculture, les instituts techniques agricoles (ITA) et les organismes nationaux à vocation agricole et rurale (Onvar).
Le PNDAR oriente directement le développement agricole pour les années à venir et représente une somme importante. Il est donc nécessaire que les parlementaires l'examinent et que ce programme soit soumis à une obligation de résultat.
L'amendement vise à prévoir la présentation du programme au Parlement, ainsi qu'un bilan et la présentation du programme de l'année n+1 chaque année lors de l'examen du projet de loi de finances.
Vous souhaitez que le Gouvernement présente le PNDAR au début de chaque programmation puis, chaque année, une trajectoire de financement. Il est vrai que ce programme est un document important puisqu'il permet d'orienter les actions des acteurs du développement agricole et rural vers des objectifs prioritaires pour notre agriculture. L'instrument financier de ce programme national – le Casdar – est bien connu dans le milieu rural.
Le PNDAR est établi pour cinq ans par le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et fait, alors, l'objet d'une présentation au Parlement. Il n'est pas nécessaire d'inscrire le principe d'un bilan annuel dans la loi puisque nous pouvons auditionner le ministre régulièrement afin de disposer d'un état des lieux et de nous assurer que la trajectoire prévue est bien la bonne. Je demande le retrait de votre amendement.
Votre amendement est satisfait par la procédure en vigueur. Je vous demande de retirer votre amendement ; à défaut, mon avis sera défavorable.
Je soutiens la proposition de notre collègue Mathilde Hignet. C'était le sens de notre amendement, tombé, à la suite de l'adoption de l'amendement Alfandari réécrivant l'article 1er , qui prévoit une évaluation tous les dix ans. Cela nous semble trop long au regard des impératifs démographique et climatique.
J'en profite pour vous présenter mes excuses, madame la présidente, puisque c'est bien une erreur rédactionnelle qui a fait tomber notre amendement.
Notre proposition visait à réviser régulièrement le plan stratégique national (PSN) afin de prendre en compte des objectifs que nous nous sommes fixés en matière de souveraineté et d'agroécologie par exemple, et de différencier les aides en fonction de la surface, en privilégiant les soixante-neuf premiers hectares, puisque c'est la surface moyenne des exploitations agricoles de notre pays. Cela permettrait d'appuyer puissamment notre politique d'installation.
Même s'il vous semble satisfait, rien n'empêche d'adopter cet amendement puisqu'il s'agit d'un projet de loi d'orientation qui, par essence donc, vise à inscrire des orientations dans la loi.
L'amendement n° 2788 est adopté.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à Mme Hélène Laporte, pour soutenir l'amendement n° 3127 .
Il s'agit d'un amendement d'appel sur deux sujets : l'étiquetage des produits et les marchés publics. Nous plaidons pour une véritable traçabilité alimentaire. Ainsi, quand vous allez faire vos courses, il est très difficile de différencier une tomate du territoire marmandais, du Lot-et-Garonne ou de France, d'une tomate du Maroc.
En ce qui concerne les marchés publics, quand les poulets consommés en France sont issus de l'importation à 50 %, cette proportion monte à 70 % pour l'alimentation hors domicile, qui inclut la restauration assurée dans tous les établissements et institutions publics – comme les écoles, les hôpitaux ou les Ehpad.
Comment pouvons-nous être crédibles dans notre stratégie de « Manger français » quand, en l'état du droit, les collectivités publiques ne peuvent favoriser la production alimentaire nationale dans leurs marchés ?
Le droit européen des marchés publics est à l'origine de cette situation ubuesque. Il est pourtant évident que la commande publique doit favoriser nos producteurs, en privilégiant les produits français chaque fois que c'est possible.
Vous plaidez pour une loi de patriotisme économique. Les deux sujets que vous évoquez posent problème : instaurer une priorité d'accès aux marchés publics au bénéfice des agriculteurs français serait contraire au droit de la concurrence, notamment au droit européen ; l'étiquetage de l'origine des produits relève de la réglementation européenne, et toute modification doit faire l'objet d'une concertation au niveau européen. Avis défavorable.
Même avis.
Comme hier, chaque fois que nous proposons des mesures de bon sens – il s'agit tout de même de favoriser l'agriculture française dans les marchés publics –, vous brandissez le droit européen !
Il faut mener ce combat à Bruxelles, et vous ne voulez pas le mener. Selon vous, le droit de la concurrence nous interdirait toute mesure de ce type. Faut-il donc laisser les produits ukrainiens, et ceux du marché unique, entrer en France sans rien faire ? Vous ne voulez pas bouger car mener un bras de fer avec la Commission serait antieuropéen.
Il va tout de même falloir qu'à un moment vous preniez votre bâton de pèlerin et votre courage à deux mains pour défendre les agriculteurs à Bruxelles car ça commence à faire beaucoup !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Ce que vous venez de dire est faux, cher collègue. Il ne s'agit pas d'un combat contre la Commission, mais d'un combat de conviction avec nos vingt-six partenaires européens. Le droit de la concurrence nous protège tous puisque nous exportons également des produits agricoles.
Vous avez raison, il faut mener le combat pour que 20 à 30 % de la commande publique, en valeur ou en volume, soient réservés à des producteurs et fournisseurs locaux. Le groupe Renew a bataillé sur cette question.
« Oh ! » sur les bancs du groupe RN.
Vous avez tort quand vous visez la Commission. Elle traduit seulement les inconséquences des États membres et nos propres contradictions.
Si nous menons ce travail de conviction, c'est par passion du compromis. Il vaut mieux surmonter ce qui nous divise par la délibération, plutôt que par les frontières et les armes ; c'est cela l'histoire de l'Europe !
Protestations sur les bancs du groupe RN.
Vous n'adhérez pas à cette vision puisque vous accusez la Commission et l'Europe de tous les maux. Mais ne dites pas que nous refusons de mener ce combat. C'est faux ; je le répète, nous plaidons pour qu'une partie de la commande publique puisse être réservée à des produits locaux. C'est un travail de longue haleine puisqu'il s'agit de modifier les règles du marché commun.
M. Jean-Luc Fugit applaudit.
L'amendement n° 3127 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Hélène Laporte, pour soutenir l'amendement n° 3128 .
C'est également un amendement d'appel : nous proposons d'inscrire dans ce texte un objectif de rééquilibrage des politiques budgétaires en faveur des campagnes françaises et du monde agricole. Comme nous le disons depuis plusieurs décennies, les territoires perdus de la République ne sont pas les quartiers populaires des grandes agglomérations – contrairement à ce que prétendent systématiquement nos adversaires. Ces quartiers ont bénéficié de milliards d'euros qui n'ont jamais réglé leurs problèmes faute de s'attaquer à leur source. En revanche, les campagnes françaises et le monde agricole pâtissent d'un défaut d'investissement public ; nos agriculteurs sont les premiers à en faire les frais. Avec eux, c'est la souveraineté alimentaire française qui est touchée.
L'amendement n° 3128 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 3731 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Notre débat porte sur l'agriculture mais, en France, il serait plus pertinent de parler d'agricultures au pluriel. Les territoires du pourtour méditerranéen sont en première ligne face au changement climatique : ils connaissent des difficultés d'accès à l'eau et le dérèglement climatique les expose de plus en plus fréquemment à des aléas qui gagnent en importance. Ainsi, depuis trois ou quatre ans, les cultures viticoles de plusieurs départements ont subi le gel, la grêle, le mildiou et la sécheresse. Les difficultés sont réelles : serons-nous en mesure de pérenniser une pratique agricole dans ces zones soumises à un climat méditerranéen ? D'autant plus que les projections montrent qu'elles s'étendront vers le nord de la France dans les années à venir.
Une expérimentation s'avère donc nécessaire. Nous proposons qu'elle soit menée pendant trois ans dans cinq départements du pourtour méditerranéen, notamment en région Occitanie : il s'agira de faciliter l'adaptation au changement climatique – accès à l'eau, développement de nouvelles espèces et de nouvelles pratiques culturales – en combinant les politiques publiques pour que nos territoires puissent conserver une agriculture résiliente et nos agriculteurs se projeter dans l'avenir.
Par cet amendement, vous souhaitez qu'un dispositif résilient en faveur de l'agriculture méditerranéenne soit expérimenté dans cinq départements du pourtour méditerranéen.
L'agriculture est une activité économique de première importance en région Occitanie, qui compte plus de 60 000 exploitations agricoles et 3 millions d'hectares – ce qui en fait l'une des premières régions agricoles de France. La région Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca) est également fortement marquée par l'agriculture : on y recense plus de 22 000 exploitations agricoles et 284 produits labellisés. Des problèmes agricoles communs à ces deux régions ont été identifiés, notamment par les participants au Salon Med'Agri qui s'est tenu en janvier 2023 : ils ont constaté des difficultés spécifiques, par exemple en matière de pluviométrie.
Des expérimentations peuvent être menées mais doivent-elles vraiment être inscrites dans la loi ? À défaut d'un retrait, je donnerai un avis défavorable.
Merci, monsieur le député Taupiac, de mettre en avant les difficultés que rencontrent les exploitants agricoles non seulement sur le pourtour méditerranéen, mais aussi dans le reste de la zone soumise à un climat méditerranéen. Vous parlez de cinq départements ; je ne suis pas sûr de comprendre auxquels vous pensez, puisque la rive méditerranéenne en compte un peu plus.
Par ailleurs, nous avons devancé votre appel : dans les prochaines semaines, nous présenterons un plan d'accompagnement de l'agriculture méditerranéenne doté de 50 millions d'euros. Même si nous partageons votre constat, nous pensons que le temps n'est plus aux expérimentations – il faut aller au-delà. Notre plan rejoint toutefois votre proposition sur plusieurs points – accès à l'eau, résilience des modèles, pratiques agroécologiques, évolution des cultures. Il faut aussi réorganiser les filières pour tenir compte des évolutions de l'assolement.
C'est donc un projet global que nous vous présenterons prochainement. Nous procéderons sans doute territoire par territoire, pour prendre en compte les spécificités de chaque maillon : les intercommunalités, les régions et les autres collectivités locales. En effet, le plan touche à la question des circuits locaux, à l'économie de filières, à la gestion de l'eau, à l'évolution des pratiques, et à la résilience des systèmes.
Je vous demande donc de retirer votre amendement : un travail sur ces difficultés étant en cours, il n'y a pas lieu de faire figurer dans la loi une expérimentation – qui plus est à la portée trop limitée. À défaut d'un retrait, je donnerai un avis défavorable.
Monsieur le ministre, vous avez raison ; tous les syndicats que nous avons auditionnés en commission s'accordent sur le fait que l'agriculture méditerranéenne représente un enjeu spécifique, y compris au-delà de la région Occitanie. On ne peut qu'être d'accord avec le collègue Taupiac, mais je salue les travaux engagés, qui comportent une dimension de coopération méditerranéenne : nous avons beaucoup à apprendre de nos voisins méditerranéens, notamment des pays du Maghreb. Leur avance en matière d'agronomie et d'économie ouvre la voie à une transmission de technologies et de savoir-faire.
Inscrire ces préoccupations dans la loi me paraît sensé. Il ne s'agit pas de rendre la loi bavarde – c'est un enjeu actuel, tant macro et microéconomique que d'aménagement du territoire. Il faut aussi penser à l'effet rebond : certains utilisent la crise climatique qui touche déjà l'agriculture méditerranéenne pour justifier qu'on démantèle les normes environnementales auxquelles est soumise l'agriculture au nord de la Loire. Inscrire cette expérimentation dans la loi permettrait d'ouvrir des perspectives d'équilibre en matière d'aménagement et de production sur tout le territoire national.
L'amendement n° 3966 n'est pas adopté.
La parole est à M. Dominique Potier, premier orateur inscrit sur l'article 1er bis .
Après l'intérêt général majeur, voici les intérêts fondamentaux de la nation. Cette proposition dont on connaît l'origine idéologique – elle vient du groupe Les Républicains – a été adoptée à notre grande surprise avec le soutien du Gouvernement et de la majorité. L'intérêt général majeur était un objet juridique non identifié ; l'article 1er bis pourrait être plus dangereux. De deux choses l'une : soit l'ajout est insignifiant, et nous n'avons pas besoin d'une loi bavarde ; soit il a des implications juridiques, et l'on touche à des enjeux de défense et de sécurité nationales. En effet, dans la loi, porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation, c'est-à-dire révéler des secrets qui mettent en péril l'intégrité du pays ou sa sécurité, relève de la trahison.
Monsieur le ministre, chers collègues, nous partageons tous ici je crois l'espoir que les débats portant sur l'agriculture, notamment les débats locaux, soient apaisés, fondés sur la science, démocratiquement organisés et qu'ils ne s'enlisent pas. Mais à partir du moment où l'on considère que porter une parole critique sur les dérives de tel ou tel modèle agricole relève du crime de guerre, on est dans la démagogie, le mensonge ou la forfaiture. En tout cas, on n'est plus à la hauteur d'un débat digne de l'Assemblée nationale.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Je rejoins notre collègue Dominique Potier pour dénoncer un article vide ou dangereux – bel exemple de ces articles dont Les Républicains ont le secret. Il est vide puisque l'article L 410-1 du code pénal compte déjà au nombre des intérêts fondamentaux de la nation l'équilibre de son milieu naturel, son environnement et les éléments essentiels de son potentiel scientifique et économique. Que l'on place l'agriculture du côté de l'équilibre des milieux naturels, de la recherche agronomique ou des activités économiques, elle fait donc déjà partie des intérêts fondamentaux de la nation.
Cet article est aussi dangereux car les intérêts fondamentaux de la nation sont à mettre en rapport avec la défense nationale. On dit de quelqu'un qui trahit la nation en transmettant des documents secret-défense à un pays étranger qu'il s'en prend aux intérêts fondamentaux de la nation.
Contester ou même entraver un projet agricole ne revient pas, quoi qu'on en pense, à trahir son pays, ni à en menacer l'intégrité. Mais vous avez peut-être une arrière-pensée : criminaliser des militants opposés aux fermes usines ou aux bassines, qu'elles soient méga, giga ou téra – aux militants qui s'en prennent d'après vous à l'agriculture. Méfiez-vous car cette disposition pourrait se retourner contre des agriculteurs opposés à la construction de lotissements ou à un projet autoroutier détruisant des terres agricoles.
Cet article est intéressant, et la présentation qu'ont faite nos deux collègues de l'article L 410-1 du code pénal incomplète. Cet article précise bien que relèvent des intérêts fondamentaux de la nation l'indépendance et l'intégrité du territoire, sa sécurité, la forme républicaine de ses institutions – c'est explicite –, et les moyens de sa défense et de sa diplomatie – le régalien pur et dur. Mais il ne s'arrête pas là : il fait mention de l'équilibre du milieu naturel de la France et de son environnement, et des éléments essentiels de son potentiel scientifique et économique et de son patrimoine culturel. On ne peut donc pas dire que dans notre droit les intérêts fondamentaux de la nation sont circonscrits à des sujets purement régaliens – ils comprennent aussi des éléments sociaux et sociétaux. Ajouter l'agriculture après la mention des intérêts économiques est cohérent avec l'article 1er
Par ailleurs, votre argumentation manque de cohérence. Nous avons déjà beaucoup parlé de la sécurité alimentaire ; il y a donc bien un lien direct entre l'alimentation et les questions de sécurité. Par conséquent, le préciser dans la loi relève du bon sens. Nous serons donc favorables à l'article 1er bis .
Cet article long de deux lignes, qui pourrait sembler ridicule, est dangereux et disproportionné.
…et RN, il conduirait à faire figurer au rang des intérêts fondamentaux de la nation le potentiel agricole. Ce dernier serait alors protégé par la section du code pénal relatif aux crimes et délits contre la nation. Devra-t-on alors envisager la condamnation de celles et ceux qui votent des accords de libre-échange détruisant l'agriculture française ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Claude Raux applaudit également.
Je fais partie de ceux qui considèrent que défendre nos agriculteurs, c'est impérieux et que défendre la souveraineté alimentaire, c'est vital. Je considère toutefois que vous vous contentez d'effets de manche, alors qu'en matière d'actes concrets, vous êtes aux abonnés absents. En effet, si l'on considère que la souveraineté alimentaire et l'agriculture sont des intérêts majeurs, il faut s'opposer aux traités de libre-échange ! Il faut mettre en place des outils fiscaux pour taxer les produits qui ne respectent pas les normes sociales, environnementales et sanitaires lorsqu'ils franchissent nos frontières ! Or, en bons libéraux que vous êtes, vous refusez d'actionner ces leviers. En contrepartie, vous faites des effets de manche et vous vous contentez d'un blabla inefficace, avec les dangers que cela comporte.
Si seule l'opposition tenait ce discours, on pourrait le mettre sur le compte de la mauvaise foi : la proposition vient des LR, de la droite parlementaire – nous nous y opposons. Mais le Conseil d'État dit qu'il ne convient pas de retenir cette notion, « la portée d'une telle mention n'étant pas claire et son utilité apparaissant douteuse ». La lecture du Conseil d'État démontre votre turpitude avec efficacité. C'est lorsqu'on signe dans les couloirs du Parlement européen ou dans ceux des organisations internationales des accords qui portent atteinte à notre souveraineté que l'on devrait être condamné lourdement pour atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation.
Sur les amendements n° 38 et identiques, je suis saisie par les groupes Renaissance et Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de trois amendements identiques, n° 38 , 2671 et 4199 , tendant à supprimer l'article.
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l'amendement n° 38 .
Permettez-moi de répondre à M. Charles Sitzenstuhl au sujet de l'article 410-1 du code pénal. En vigueur depuis le 1er
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous présenter la jurisprudence en la matière ? À quel moment quelqu'un a-t-il été accusé de mettre en cause l'intégrité de la recherche scientifique, des équilibres naturels ou de l'équilibre sociétal de notre pays ? La disproportion de la disposition que vous proposez est telle qu'elle confine à la démagogie la plus basse.
Nous n'allons pas nous lancer dans une compétition de déclarations d'amour, mais si on aime et si on respecte le monde paysan, on ne fait pas preuve de démagogie à son égard et on lui applique un registre de droit proportionné.
Le monde paysan, comme tous les secteurs économiques – peut-être même plus que d'autres –, a un sens profond des droits et des devoirs ; il est sincèrement républicain. Ne cultivons pas cette tendance qui voudrait en faire une corporation placée au-dessus des autres, comme l'a dit le Premier ministre avec beaucoup de démagogie. C'est une profession parmi d'autres, qui remplit certes une mission essentielle pour le pays, mais qui n'a pas besoin d'être protégée comme le sont la sûreté nucléaire et la sécurité militaire.
La parole est à Mme Manon Meunier, pour soutenir l'amendement n° 2671 .
Je souscris aux propos de nos collègues de gauche. Cet article vise à modifier un article du code pénal figurant dans le Livre IV relatif aux crimes et délits perpétrés contre la nation, l'État et la paix publique. La disposition proposée est complètement disproportionnée, puisqu'elle vise à placer le potentiel agricole sur le même plan que la défense.
Je rejoins notre collègue Dominique Potier : cet article est démagogique. Soit il s'agit d'une prise de position électoraliste et démagogique, visant à faire croire au secteur agricole qu'il est placé au-dessus des autres et que l'on fait des choses pour lui – alors que certains juristes expliquent que cela ne servira à rien. Soit il s'agit de la continuité de votre politique : l'unique solution que vous proposez à tous les problèmes, c'est la répression.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Soit cet article sera inutile, soit il permettra d'alourdir les peines à l'encontre des militants mobilisés dans les luttes, qui sont parfois eux-mêmes des paysans.
Il est vrai que suivant leur camp, vous ne les considérez pas de la même manière.
Or ce n'est pas ce qu'attend le monde agricole. Dans ce projet de loi ne figurent aucun prix ni aucune volonté de s'opposer aux traités de libre-échange : il ne contient que des propositions symboliques, alors que les agriculteurs qui ont manifesté en janvier demandaient des solutions concrètes. Quand ils prendront connaissance du contenu de ce projet de loi, je ne pense pas qu'ils vous remercieront et qu'ils applaudiront des deux mains.
M. Charles Sitzenstuhl s'exclame.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l'amendement n° 4199 .
Pourrions-nous faire preuve d'un peu de sérieux sur des sujets de cette gravité ? L'article 410-1 du code pénal n'a jamais été modifié depuis sa codification en 1994. Il porte sur la permanence des institutions républicaines et sur la défense de la nation.
Vous faites comme si cet article du code pénal était isolé, mais à sa suite, une section détaille les crimes correspondants aux atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation, c'est-à-dire l'ingérence, la trahison, l'espionnage et l'intelligence avec une puissance étrangère. Autant de crimes graves, qui sont d'actualité dans le contexte géopolitique et international actuel.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Et vous voulez modifier ces dispositions, comme si elles n'avaient pas d'importance, pour ajouter « notamment l'agriculture » ! Le Conseil d'État a fait des dissertations sur le sens du mot « notamment » en droit, concluant qu'il est vide de toute substance. Est-ce que nous pourrions cesser, pardonnez-moi l'expression, le foutage de gueule ,
« Oh ! », « Ce n'est pas poli ! » et protestations sur plusieurs bancs des groupes RE, RN et LR
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Ces amendements tendent à supprimer l'article 1er
L'oratrice marque une pause.
Je viens d'entendre une expression assez choquante, c'est pourquoi je me permets de prendre du temps – le temps que mérite l'agriculture.
Premièrement, vous n'indiquez nullement les raisons motivant ces amendements…
…pour lesquelles vous souhaitez supprimer cette référence dans le code pénal. En l'état, il paraît difficile de les voter.
Si, je vous ai écoutés et je vous ai lus également. Deuxièmement, contrairement à ce que vous laissez entendre dans vos exposés sommaires, l'agriculture n'est introduite que de façon accessoire dans l'article 410-1 du code pénal.
L'agriculture y est introduite comme n'étant que l'un des aspects du potentiel économique de la France. Il s'agit de faire écho au dispositif de l'article L. 1 A du code rural et de la pêche maritime, qui spécifie justement que la souveraineté alimentaire et la souveraineté agricole de notre pays contribuent – je l'entends avec un « c » majuscule –…
Exclamations sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Vous semblez découvrir que la culture et le champ économique, entre autres sujets, font partie des intérêts fondamentaux de la nation.
Soit l'article 1er
Ensuite, il me semble utile d'ajouter « notamment agricole » à cet article du code pénal. Cette adjonction aurait dû être effectuée en 1994, mais l'enjeu de l'arme alimentaire n'a émergé que récemment dans le champ géopolitique.
Il y a dix ans, les acteurs mondiaux et européens ne recouraient pas à l'arme alimentaire les uns contre les autres. L'alimentation et l'agriculture sont devenues des armes au service de la déstabilisation des territoires, s'attaquant par conséquent aux intérêts fondamentaux des nations. Aussi ajouter au domaine économique la dimension agricole, qui doit faire l'objet d'une vigilance particulière, me paraît-il utile.
Certains acteurs géopolitiques font de l'agriculture une arme de déstabilisation alimentaire et, parfois, de déstabilisation sociale, voire démocratique.
La Russie en fait partie, entre autres, mais ne vous inquiétez pas, d'autres pays y viendront. C'est pourquoi cette adjonction est utile. Avis défavorable.
Permettez-moi d'invoquer un philosophe Lot-et-Garonnais, Michel Serres. Rassurez-vous, il n'est pas affilié à la Coordination rurale, il se place à un bien autre niveau.
Exclamations sur divers bancs.
Michel Serres considère l'alimentation et la vie comme sacrées ; il donne une importance particulière à ceux qui pratiquent l'agriculture, à ce que représente l'agriculture comme potentiel de vie et, j'y insiste, à sa dimension sacrée. Il est important de pouvoir le faire.
Monsieur Lavergne, nous relaierons auprès de la Coordination rurale vos propos pour le moins déplacés…
…qui traduisent une forme de mépris de classe – et de mépris tout court – à l'égard d'un syndicat qui ne mérite pas que vous lui vomissiez dessus. Ce n'est pas à la hauteur !
Ce n'est pas ce qu'il a fait !
Chers collègues de la gauche, je ne vous comprends pas. Vous expliquez que cette disposition serait inutile et dangereuse : par définition, si elle est inutile, elle ne peut pas être dangereuse. Il faudrait vous mettre d'accord.
Savez-vous quel enfer représente, pour un éleveur, l'obtention des autorisations nécessaires à l'installation d'un poulailler de quelques milliers de volailles ? Vous prêtez à ces installations, en employant un vocabulaire relevant de la surenchère, des dimensions qu'elles n'ont pas ; elles n'ont rien à voir avec ce qu'on peut trouver ailleurs en Europe – en Pologne par exemple.
Vous cautionnez des groupuscules qui, par principe, s'attaquent à tout projet d'élevage ne correspondant pas aux dimensions qui vous agréent, à savoir dix poules et un mouton !
L'enfer administratif que j'ai évoqué met en péril la souveraineté alimentaire que nous sommes censés défendre. Par ailleurs, je n'ai pas obtenu de réponse sur le fond, ce qui traduit bien votre gêne à ce sujet. Vous vous faites le relais d'ingérences allemandes…
…qui ont tenté de torpiller notre parc nucléaire, avec la complicité du Gouvernement, et qui s'emploient désormais à torpiller l'agriculture française.
C'est pourquoi il est prudent et raisonnable de voter cet article, afin de nous prémunir de gens qui sabordent la souveraineté alimentaire comme vous le faites.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Je ne suis pas certain que Michel Serres méprise les syndicats et je ne crois pas qu'il soit de bon ton de citer un philosophe pour justifier ses propres sophismes.
Mme Hélène Laporte s'exclame.
Encore une fois, nous sommes en train de faire perdre du temps à la représentation nationale.
Bien évidemment, nous saisirons le Conseil constitutionnel de cette disposition.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Exclamations sur quelques bancs du groupe RE.
Souvenons-nous qu'à l'occasion de l'examen de la réforme des retraites, nous avions perdu deux jours à débattre de l'index senior…
…qui a été retoqué par le Conseil constitutionnel – comme 40 % des dispositions de ce projet de loi – et ne s'applique donc pas.
Cependant, la disposition dont il est ici question ouvre le champ à une répression des opposants à des projets manifestement contraires à l'intérêt général, en particulier en matière d'agriculture et d'alimentation.
Le cas s'était déjà présenté lors de l'examen du projet de loi relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire. Parce que vous vouliez multiplier par deux ou trois les peines d'amende et de prison pour ceux qui s'introduisent dans une centrale, nous avions déposé un recours devant le Conseil constitutionnel qui a retoqué la mesure.
L'arsenal juridique répressif contre les habitants, les agriculteurs ou les riverains qui s'opposent à des projets d'agrobusiness ou de mégabassine est déjà important. On se souvient de Sainte-Soline : on sait que vous utilisez les armes de l'antiterrorisme pour aller pincer des gens impliqués sur le terrain, chez eux, à six heures du matin ; ils se retrouvent ensuite au quatrième sous-sol de la sous-direction antiterroriste (SDAT).
L'arsenal répressif en vigueur suffit, il faut arrêter de se payer de mots et respecter les Français et les agriculteurs. Nous devons faire en sorte qu'ils perçoivent un revenu digne pour leur travail, plutôt que d'envoyer la cavalerie à tout bout de champ.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Monsieur Lavergne, au sein du groupe Socialistes, nous avons une ligne de conduite : il nous arrive d'avoir des controverses avec des syndicats sur certains sujets. Toutefois, du point de vue de l'éthique politique, il ne nous appartient pas de les critiquer. En revanche, nous ne nous privons jamais de critiquer la réponse politique du Gouvernement à ces mêmes syndicats. Le respect de l'autonomie du monde syndical est notre ligne de conduite – c'est presque une règle constitutionnelle.
M. Pascal Lavergne s'exclame.
Vous avez commis une maladresse, nous pouvons en convenir. Par ailleurs, monsieur Lavergne, vous avez utilisé le terme « sacré » en parlant de l'agriculture : dans cet hémicycle, parce qu'il est lui-même sacré, on n'invoque pas le sacré avec légèreté – et c'est moi qui le dis…
Venons-en au fond : Delphine Batho, comme souvent, a été la plus précise d'entre nous.
L'article que vous évoquez comporte une sous-section, que vous ne pouvez pas ignorer et qui aborde des questions de sécurité nationale, qui peuvent être de nature culturelle, institutionnelle ou économique.
Or l'exemple de M. de Fournas de querelles démocratiques, institutionnelles ou simplement juridiques à propos d'un élevage ou d'une pratique de prélèvement d'eau, n'a rien à avoir, s'il ne la trahit pas, avec l'intention des Républicains, ici soutenus avec démagogie le Gouvernement.
Les conflits locaux relatifs à l'eau ou aux bâtiments méritent d'être débattus et le quantum des peines peut lui-même faire l'objet d'un débat démocratique. En revanche, ajouter l'agriculture aux éléments constituant les intérêts fondamentaux de la nation, pour ne plus permettre une discussion démocratique à son sujet, c'est faire offense à la tradition démocratique et républicaine si chère au monde agricole.
Préférons le droit à la démagogie. Le Conseil d'État a tranché cette question et nous tentons de vous aider à vous départir de votre fausse bonne idée. Céder à la démagogie, c'est profondément desservir ceux qu'on croit servir. Retrouvons la raison !
Des atteintes très importantes aux éléments essentiels du potentiel agricole du pays tombent-elles sous le coup de la protection des intérêts fondamentaux de la nation ? Oui, et le code pénal le prévoit déjà.
La disposition que vous cherchez à introduire dans la loi est dangereuse et je veux démontrer pourquoi : on ne peut pas banaliser, a fortiori dans le contexte actuel, les questions de défense nationale et les questions graves de sécurité intérieure. Il y a quelque chose d'infantile à vouloir modifier l'article 410-1 du code pénal, pour y ajouter la mention « notamment l'agriculture », car vous paraissez n'avoir aucune conscience de la portée des dispositions de cet article ni de son histoire au sein des institutions de la République française ! Voilà pourquoi votre disposition est dangereuse.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES et SOC.
J'ai bien lu les exposés sommaires des amendements soutenus par M. Potier ou d'autres députés siégeant à gauche de l'hémicycle, sur les bancs des groupes LFI, Écologiste et Socialistes. Dans celui de l'amendement n° 4199 , on lit, à propos de l'article 1er
Ce qui est mortifère, c'est bien le choix de tels termes. Vous parlez d'une criminalisation, dont il n'est pourtant jamais question dans le projet de loi : si quelqu'un souhaite exprimer son désaccord vis-à-vis d'un projet agricole ou alimentaire, rien ne permettra de l'en empêcher ou de le sanctionner.
Vous estimez également que produire est mortifère.
C'est pourtant le sens de votre exposé sommaire. Produire n'est pas mortifère et fort heureusement, nous sommes capables de produire, quels que soient les systèmes et les modèles agricoles retenus – chacun a son avis sur le sujet.
J'ai l'impression que vous omettez que nous ne sommes pas que 67 millions sur terre ! Pour citer Mme Batho – pardonnez-moi d'être vulgaire, je ne fais que reprendre ses propos –, le foutage de gueule, c'est de considérer qu'on n'est qu'entre nous. Le foutage de gueule, c'est de considérer que ne plus produire permettra de nourrir la population. Le foutage de gueule, c'est de considérer que l'agriculture est accessoire. Le foutage de gueule, c'est de laisser penser qu'on défend l'agriculture alors qu'en fait, on ne défend pas les agriculteurs, mais ceux qui sont leurs ennemis.
Souhaitez-vous mettre l'agriculture à un haut niveau et souhaitez-vous mettre la production alimentaire au rang des enjeux stratégiques de la nation ou non ? Voilà la véritable question à se poser, à laquelle nous répondons, nous, par l'affirmative !
Nous devons abandonner toute naïveté au sujet de l'agriculture et de l'alimentation. Des opérateurs étrangers viennent déstabiliser le pays dans de nombreux domaines – culturel, économique ou stratégique – et l'agriculture en fait partie.
Qu'a fait M. Poutine ? Il a mis l'énergie et l'agriculture au service de sa politique de déstabilisation.
Nous devons donc lutter contre ces agissements et, je le répète, abandonner toute naïveté. Il est vrai qu'il est paradoxal d'affirmer qu'un même article est inutile et qu'il aurait de graves conséquences. Or nous devons entériner le fait que l'agriculture occupe une place particulière parmi nos intérêts stratégiques. Savoir et pouvoir nourrir sa population, voilà ce qui constitue la stratégie et l'autonomie alimentaire d'un pays. Inversement, un pays incapable de nourrir sa population et les populations à ses frontières ne saurait se réclamer d'une quelconque autonomie stratégique.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 72
Nombre de suffrages exprimés 71
Majorité absolue 36
Pour l'adoption 21
Contre 50
Reprenez-vous l'amendement n° 3662 de Mme Françoise Buffet, madame la rapporteure ?
L'amendement n° 3662 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 1er bis, amendé, est adopté.
Chose suffisamment rare pour être notée, nous voterons cet article puisqu'il vise à accentuer le soutien aux organisations de producteurs (OP). Celles-ci permettent aux producteurs de s'organiser, par exemption du droit européen de la concurrence, pour mieux faire face aux grandes industries agroalimentaires et de transformation, mais disposent de très peu de moyens. Je regrette d'ailleurs – et je ne crois pas être la seule – que le Gouvernement leur en accorde aussi peu.
Les OP rencontrent également des difficultés. Les adhérents de Sunlait, une organisation rassemblant des producteurs commerçant avec Savencia, déplorent par exemple que cette multinationale achète leur lait à un prix volontairement bas, afin de les encourager à quitter leur OP particulièrement efficace. L'État et le Gouvernement doivent agir bien davantage pour réguler ce type de pratiques et pour conforter, grâce à une régulation des marchés et des comportements des multinationales, les organisations de producteurs.
En la matière, le projet de loi n'est pas suffisamment ambitieux. Vous savez que l'évaluation de la loi Egalim 2 du 18 octobre 2021 par nos collègues Dive, Descrozailles et Ramos est en cours. J'espère qu'ils prendront en compte nos travaux et, bien qu'une autre mission d'évaluation ait été confiée à deux députés de la minorité présidentielle, je souhaite que les conclusions de celle de l'Assemblée nationale soient pleinement suivies.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
À nos collègues qui douteraient de l'intérêt de ce projet de loi, je rappelle qu'il reconnaît l'importance de s'unir et de se regrouper en organisations de producteurs : c'est un exemple de son utilité. Les OP, je tiens à le rappeler, rassemblent de grandes exploitations, mais également de petites, voire de très petites exploitations ; elles n'excluent aucun mode de culture – conventionnel, agroécologique ou biologique – et tous les exploitants peuvent cohabiter au sein d'une même OP.
Les OP offrent à leurs adhérents une assistance technique, apportée par des techniciens et des qualiticiens compétents. De plus, elles permettent la création d'unions commerciales répondant aux attentes de leurs clients et renforçant la protection des agriculteurs vis-à-vis de pressions commerciales.
Les OP peuvent être réunies en associations d'organisation de producteurs (AOP), organisant la mise en marché des produits et négociant avec les représentants de la grande distribution, qui peut représenter jusqu'à 80 % de certaines filières et 30 % à 50 % des promotions commerciales.
L'article 1er
L'article 1er ter est adopté.
Selon moi, il ne peut y avoir de souveraineté agricole sans souveraineté sur la transformation et souveraineté des consommateurs, notamment des plus humbles. Après guerre, on a travaillé de la fourche à la fourchette pour envisager la défense des paysans et des sols, mais je pense que le temps est venu de raisonner de la fourchette à la fourche.
Dorénavant, en effet, les productions dépendront du consommateur, pour qui le premier critère d'achat est le prix et le deuxième l'origine. Mes amendements visent à lutter contre la filouterie de certains acteurs agroalimentaires. Par exemple, les cordons-bleus commercialisés sous la marque Père Dodu sont emballés dans une boîte arborant notre coq national stylisé dans un hexagone bleu, blanc, rouge, alors qu'aucun produit agricole français n'entre dans leur composition.
En adoptant mes amendements, vous permettrez aux consommateurs d'exercer leur préférence nationale sur certains produits. Sachant que le ministre pourra ultérieurement agir par décret, je vous demande de permettre au consommateur d'aider l'agriculture française en achetant des produits français et non étrangers.
Vous souhaitez que les politiques publiques obligent à afficher certaines mentions détaillées, relatives à l'origine du produit. Je partage votre intention, et bien que le consommateur souhaite davantage de transparence au sujet de l'origine des produits, frais notamment, je demanderai le retrait de votre amendement : l'affichage de ces informations est déterminé par des politiques communautaires qui requièrent donc une concertation avec nos partenaires européens.
Vous avez raison, une partie de notre politique alimentaire et agricole dépend de la manière dont on peut informer mieux le consommateur. Vous menez d'ailleurs ce combat depuis longtemps.
Vous avez raison, détailler l'origine de certains produits permet d'informer sur les pratiques agricoles. Celles-ci étant réputées les meilleures en France et en Europe, d'aucuns s'étonneraient qu'on ne puisse pas en faire mention.
Vos amendements posent toutefois deux difficultés. En 2018, nos débats avaient déjà abordé l'étiquetage des produits, pour conclure au caractère inopérant d'un certain nombre de mesures. En effet, au niveau européen, le règlement du 25 octobre 2011 concernant l'information sur les denrées alimentaires (règlement Inco) s'impose.
Plusieurs pays européens réclament la mention de l'origine nationale sur les produits alimentaires et il reviendra à l'Allemagne, lors de la prochaine réunion, dans quelques jours, du Conseil de l'Union européenne, de faire valoir cette demande. Nous la soutiendrons, estimant qu'elle contribuera, en matière de commande publique et d'étiquetage, au développement de dispositions comparables à celle de nos lois Egalim, mais à l'échelle communautaire.
Afin que les mesures que vous appelez de vos vœux soient opérantes, elles doivent être prises au niveau européen. Si tel n'était pas le cas, nous ne manquerions pas d'être assignés en justice au motif que nos pratiques ne sont pas conformes à un règlement européen et en passant outre cette contrainte, ne mettrions-nous pas en scène notre propre incapacité à améliorer ces pratiques ?
Je suis d'accord avec vous et si je le répète, ce n'est pas pour mieux mettre de côté votre proposition – je vous vois déjà sourire : elle est déjà relayée et même sur la table au niveau européen, signe des progrès que nous avons accompli en six ans – même si cela paraît long. Ainsi, même si chacun reconnaît que la mention de l'origine est importante, nous ne pouvons pas soutenir votre amendement et nous exposer à la sanction d'un juge administratif, qui rappellerait à bon droit la non-conformité de l'affichage que vous voulez vis-à-vis d'un règlement – et même pas d'une directive.
En attendant, nous pourrions nous inspirer de ce qu'a fait Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat, lorsqu'elle a engagé la démarche volontaire de préparation de l'origine-score. Je rappelle que le nutri-score avait lui-même vu le jour après une démarche volontaire de la France, mais qu'en absence d'accord européen, il ne s'était pas imposé à l'échelle communautaire.
Je vous invite donc à retirer votre amendement. Je comprends ses fondements, j'y insiste, mais c'est au niveau européen que nous menons le combat qui est le vôtre. J'ai bon espoir de le voir gagné dans les semaines qui viennent car tous les pays membres réclament un cadre européen pour donner la possibilité au consommateur d'identifier l'origine du produit qu'il achète et pour supprimer les mentions trompeuses qui permettent par exemple de faire croire qu'un assemblage de miels produits à divers endroits du monde est d'origine européenne.
En conclusion, nous pouvons engager une démarche volontaire, pour déployer l'origine-score par exemple, mais elle ne s'appliquera qu'à ceux qui le veulent : seul un règlement européen permettra de contraindre ceux qui se livrent à des pratiques troublant les consommateurs. En l'occurrence, l'affichage de l'origine d'un produit sera évoqué lors de la prochaine réunion du Conseil, je l'ai dit, et je ne doute pas que nous avancerons à ce sujet puisque, sous l'impulsion de la France et de l'Allemagne, répondent déjà favorablement plusieurs pays – l'Espagne et l'Italie, entre autres.
Je ne retirerai pas mes amendements. Le nutri-score ne s'applique certes pas au niveau européen, monsieur le ministre, mais il s'applique aux produits français et sauve des vies humaines puisque, grâce à lui, en toute transparence, le consommateur est dissuadé d'acheter des produits ultratransformés. Je suis un député français, vous êtes un ministre français, faisons de la France l'aiguillon de la future réglementation européenne et imposons immédiatement en France l'obligation que je propose – nous verrons ce qui se passera ensuite en Europe.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous soutiendrons l'amendement n° 342 de M. Ramos. Premièrement, il a raison d'aborder la question de la transparence de l'information du consommateur.
Deuxièmement, ce dispositif n'est pas contradictoire avec l'origine-score, dispositif proposé par la ministre Olivia Grégoire, puisqu'il s'agit de proposer l'élaboration d'une méthodologie d'affichage par décret. Cette disposition ne serait donc pas contraignante.
Troisièmement, vous avez raison, le vrai sujet est la révision du règlement Inco. Le vote de cet amendement démontrerait que la représentation nationale s'empare de cette question. Différents rapports parlementaires ont déjà proposé de réviser ce règlement. Nous inscririons dans le dur un dispositif qui, je le répète, relèverait bien du registre réglementaire.
L'ordre dans lequel nous examinons les articles tombe parfois bien : il y a deux minutes, nous assistions à un numéro de claquettes, au cours duquel on nous a dit que l'agriculture relevait d'intérêts fondamentaux de la nation. Or lorsque notre collègue Ramos nous propose de préserver concrètement la souveraineté alimentaire française, en informant le consommateur de la provenance des produits qu'il achète, on renvoie à des négociations, qui mettraient de côté notre souveraineté, à savoir notre capacité à prendre nous-mêmes en main notre destin et celui des consommateurs. Voilà l'illustration des libéraux pris au piège de leurs propres turpitudes.
Pour rappel, il aura fallu que monte la grogne des agriculteurs, à une semaine du Salon de l'agriculture, pour que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique commande à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) de procéder aux contrôles dans la grande distribution, afin de constater le sort réservé aux produits agricoles – constat que les agriculteurs font fréquemment à nos côtés – et à quel point les consommateurs sont piégés.
Ils pensent acheter un produit français alors qu'ils achètent un produit, élevé à coups de seringues, mauvais pour la santé, et tirant les prix vers le bas.
M. Inaki Echaniz applaudit.
Je ne fais pas de numéros de claquettes sur les intérêts fondamentaux de la nation. Je considère que la défense de la souveraineté alimentaire relève d'un intérêt supérieur. Je souscris donc aux amendements de notre collègue Ramos.
Nous soutiendrons cette proposition, qui est une des revendications du monde agricole. Au mois de janvier, certains agriculteurs ont manifesté pacifiquement, invitant la population à les accompagner dans les supermarchés pour examiner tous les produits. Il s'agissait de prendre conscience de la quantité de produits étiquetés avec un drapeau français, qui ont été non pas produits mais uniquement transformés en France, ce qui est trompeur pour le consommateur.
Parmi ces agriculteurs, il y avait un groupe d'apiculteurs. Je vous invite à constater le nombre de pots de miels dont l'étiquette arbore le drapeau français ou laisse penser qu'il s'agit d'un produit régional, alors que ce miel a été importé de l'autre bout du monde. Les apiculteurs nous ont expliqué que, pour vivre correctement de leur travail, le kilo de miel doit s'élever à 12 euros. Or, du fait de ce marketing trompeur qui inverse le rapport de force, les miels importés sont plus forts sur le marché et imposent le prix aux apiculteurs locaux, qui est vendu 3 euros le kilo, environ, à la grande distribution. Il est donc temps de donner la priorité à l'apiculture française qui s'effondre ; les apiculteurs tirent la sonnette d'alarme. Le vote de la proposition de M. Ramos réglera le problème pour l'ensemble des produits car le miel n'est pas le seul concerné.
Monsieur le ministre, lors de l'examen de l'article 1er bis, vous avez soutenu que la consécration de l'agriculture au rang d'intérêt fondamental de la nation, au même titre que la défense, ne soulevait pas de problème constitutionnel ; mais imposer un étiquetage des produits et la transparence à l'égard des consommateurs poserait un problème de constitutionnalité. Il faut tout de même être un peu cohérent.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Je soutiens les amendements de Richard Ramos qui continue de combattre en faveur d'une alimentation française, saine et de qualité. Je le remercie pour son engagement.
Pour rappel, durant les manifestations, les jeunes agriculteurs sont les premiers à s'être rendus dans les supermarchés, afin de mettre des étiquettes sur les produits pour distinguer les produits français de ceux qui ne l'étaient pas. En effet, lorsqu'il examine une étiquette, le consommateur s'y perd entre le lieu d'abattage, le lieu d'élevage et le lieu de transformation…
En outre, pour des raisons de marketing, les emballages arborent de nombreux drapeaux français qui ne reflètent pas du tout l'origine des produits. Les consommateurs français ont donc des difficultés à comprendre.
Nous partageons tous le combat mené par M. Ramos en faveur d'une vie saine. Néanmoins, comme l'a indiqué le Gouvernement, ce combat doit être mené au niveau européen.
Par ailleurs, au sein du projet de loi Egalim 4, plusieurs dispositions concerneront l'origine. Nous pourrons donc débattre de cette question lors de son examen.
Je partage l'argumentation du ministre, je suis contre ces amendements, mais c'est un contre bienveillant.
En effet, nous débattons d'une question qui suscite une attente de la société. Dans le cadre des travaux de la commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté alimentaire de la France, nous avons assisté à des auditions surprenantes. Un groupe d'industriels a réclamé l'application de règles beaucoup plus strictes quant à l'utilisation du drapeau bleu, blanc, rouge au niveau national, mais il ne se prive pas d'apposer, sur ses produits destinés à l'exportation, une signalétique avec les couleurs nationales qui rappelle la France, alors que ce groupe est dans ce cas beaucoup moins regardant quant à l'origine des produits – les industriels concernés ne sont donc pas toujours vertueux. Aussi sommes-nous ici confrontrés à un problème très complexe.
Lors de la crise agricole, beaucoup d'acteurs agricoles et de l'agroalimentaire se sont plaints de la surtransposition. Faisons attention, d'un côté, à ne pas dire qu'il faut lutter contre la surtransposition et, de l'autre, à voter une réglementation sans nous coordonner avec nos partenaires européens. L'avis défavorable émis par le Gouvernement sur ces amendements est le plus sage car cette question doit faire l'objet d'une harmonisation entre les vingt-sept États membres.
« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous saluons la constance de notre collègue Ramos dans son combat en faveur de la bonne bouffe. Il faut mettre fin à une tromperie dans le droit de la consommation.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES. – M. Richard Ramos applaudit également.
Nous devons voter l'amendement n° 342 ; compte tenu de sa rédaction, rien n'y fait obstacle. Nous devons l'adopter.
Du reste, nous avions voté des dispositions comparables dans la loi Egalim 3 du 30 mars 2023, mais elles sont insuffisantes.
Je soutiens les amendements de M. Ramos d'autant plus qu'il n'y a pas risque de surtransposition. Il existe un règlement européen, qui a bien été identifié dans le cadre des travaux de la commission d'enquête sur les causes de l'incapacité de la France à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l'exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire. Il peut être révisé.
La France doit militer pour réformer l'indication de l'origine géographique qui, lorsque Stéphane Le Foll était ministre chargé de l'agriculture, avait été étendue à la viande et à d'autres produits. Richard Ramos propose de la généraliser.
Par ailleurs, cet amendement activerait un mécanisme de soutien aux organisations de producteurs par des programmes opérationnels (PO). Il est avéré que la France demande trop peu à bénéficier des programmes opérationnels en faveur des OP. Voilà deux bonnes raisons d'être favorables à ces amendements.
Applaudissements sur les bancs des groupes RN, LFI – NUPES, LR, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – M. Richard Ramos applaudit également.
Cet article ne fixe aucun objectif chiffré en matière de formation, alors que notre ambition est de renforcer les politiques d'installation, de développer l'agroécologie, de nous adapter au contexte climatique, d'ouvrir la porte à davantage de jeunes femmes voulant exercer le métier d'agricultrice, d'accroître significativement le nombre de personnes formées, d'augmenter le niveau de diplôme moyen – au passage, le bachelor ne garantit pas forcément le grade de licence. C'est très bien, cet article est pétri de bonnes intentions, mais il ne nous indique pas comment les concrétiser. Où sont les objectifs précis que devrait fixer la loi ?
Quel niveau de soutien doit-on apporter à des filières fragilisées, comme la filière laitière, par exemple, dont nous avons beaucoup parlé hier, afin de garantir leur maintien ? Tout se jouera au cours des formations agricoles. Comment le législateur contrôlera l'atteinte de cet objectif en l'absence d'indicateur ?
Par ailleurs, pour améliorer la formation de nos futurs agriculteurs, il faut traiter d'un sujet important, que cet article n'aborde pas. Il s'agit du mal-être et des conditions de travail des enseignants et des personnels travaillant dans les lycées agricoles. Pourtant, ces lycées agricoles font la fierté des territoires. Mais, hélas, ces formations font face à une crise d'attractivité. Si l'on ne travaille ni sur le bien-être ni sur la valorisation de ces personnels clés, comment former les nouvelles générations en agriculture ? Il y a une question de ressources humaines à traiter au sein des lycées agricoles.
Il y a également un dysfonctionnement avéré, certains enseignants n'ayant pas été payés pendant deux ou trois mois d'affilée. Le projet de loi doit résoudre le problème de l'accompagnement des enseignants, afin de les revaloriser. Si nous voulons un enseignement agricole qui soit à la hauteur des ambitions de notre nation agricole, je vous demande de pouvoir débattre de cette question relative aux personnels des lycées agricoles.
Je profite de l'occasion qui m'est offerte pour évoquer un amendement relatif au crédit d'impôt recherche (CIR), déclaré irrecevable. Il vise à compléter l'alinéa 10 de l'article 2 en prévoyant d'amplifier l'effort de recherche, pour accompagner la transition agroécologique et climatique.
Je prends l'exemple de la filière viticole du département du Gers, dont je suis élu, fortement affectée par de nombreux aléas climatiques depuis de nombreuses années. Nous sommes confrontés à un problème : les syndicats des organismes de défense et de gestion (ODG) n'ont pas pu bénéficier du crédit d'impôt recherche. Une association regroupant plusieurs filières s'est constituée – je vais vous faire voyager dans mon terroir : l'armagnac, le floc, le côtes-de-gascogne, le madiran, le pacherenc et le saint-mont.
Cette association a obtenu un rescrit qui lui a permis de lancer ses recherches. Au bout de trois ans, la direction départementale des finances publiques (DDFIP) a rendu un avis défavorable, et l'association n'a finalement pas pu débloquer les fonds. J'avais interpellé le ministre à ce sujet. L'amendement proposé par le groupe LIOT me paraissait déterminant : il proposait d'ouvrir le bénéfice du crédit d'impôt recherche à l'ensemble des structures agricoles, pour amplifier l'effort de recherche et permettre à ces structures de bénéficier d'un accompagnement financier. En l'occurrence, il s'agissait de faciliter le développement de l'agriculture biologique viticole. Tous les amendements ayant été déclarés irrecevables en raison de leur coût pour les finances publiques, j'espère que nous aurons l'occasion de reparler du sujet lors du débat budgétaire, à l'automne.
On ne le manquera pas !
Je ne vois pas comment nous pouvons accompagner les transitions sans un accompagnement financier permettant aux filières de s'adapter.
Le renouvellement des générations et la transition agroécologique sont de formidables chances pour développer et renforcer l'enseignement agricole, pour orienter, former, accompagner. Aux côtés des établissements privés, les 173 établissements publics locaux forment plus de 94 000 élèves, apprentis et étudiants. Pourtant, l'enseignement agricole public n'est pas valorisé à la hauteur du rôle actif qu'il joue dans les territoires ruraux : seulement 44 % des élèves de l'enseignement agricole sont inscrits dans un établissement public.
Rassurez-vous : il ne s'agit pas de rallumer la guerre scolaire – le privé est bien implanté et fait une grande part du travail –, mais d'assumer de plus grandes ambitions pour l'enseignement agricole public. Ouvert à toutes et à tous, sans faire de distinctions ni dresser de barrières, il est notre bien commun et fait partie intégrante de l'école de la République. Le défi du renouvellement des générations aurait dû être l'occasion de renforcer et de développer l'enseignement public, mais cela nécessite une volonté politique et des moyens financiers que le Gouvernement ne paraît pas disposé à consentir.
Donner envie aux jeunes de s'orienter vers les métiers de l'agriculture et susciter des volontés d'installation suppose des conditions de vie et de travail acceptables. Ce leitmotiv revient à chaque fois que je discute avec des élèves de l'enseignement agricole dans mon territoire. Or le texte ne contient aucune mesure relative à un droit au repos, à un revenu digne, à la préservation de la santé des agricultrices et des agriculteurs. Il n'aborde jamais la question des moyens, quand il n'est pas délétère pour l'environnement. En matière d'enseignement et de formation, de belles phrases succèdent sans conteste à de beaux mots, sans qu'un centime n'apparaisse dans l'histoire.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
J'évoquerai l'ensemble du titre II. Les enjeux liés à la formation des nouveaux agriculteurs, auxquels nous nous sommes consacrés avec Nicole Le Peih, sont l'essence même de toute entreprise de pérennisation de l'agriculture française. Il serait vain de chercher à simplifier la vie des agriculteurs sans favoriser le renouvellement des générations. Les auditions, en amont de l'examen du texte en séance publique, des représentants des organisations publiques et privées de l'enseignement agricole en France, ont été fructueuses. Ces derniers ont une nouvelle fois apporté la preuve, si cela était nécessaire, de leur dévotion à former les agriculteurs de demain et à satisfaire les besoins croissants des métiers agricoles qui, de plus en plus pluridisciplinaires, supposent de nouvelles compétences.
Je suis ravi de défendre l'article 5, consacré à la durée des formations de l'enseignement supérieur conduisant à un diplôme national de premier cycle en sciences et techniques de l'agronomie.
L'article 7 crée, lui, un dispositif permettant aux auxiliaires vétérinaires – justifiant de compétences certifiées par le conseil national de l'ordre des vétérinaires –, ainsi qu'aux élèves inscrits dans les écoles vétérinaires, de réaliser certains actes médicaux et de chirurgie sur les animaux, au sein de l'établissement vétérinaire auquel ils appartiennent, sous la responsabilité d'un vétérinaire. Ce dispositif est crucial pour assurer un bon maillage vétérinaire des territoires ; ces derniers ne peuvent s'en passer. En outre, il constitue un premier levier pour surveiller l'émergence d'épizooties.
À l'heure des transitions écologique, énergétique et, plus largement, environnementale, il importe de bien former les futurs agriculteurs aux défis techniques et technologiques du changement climatique, et donc de se pencher sur les questions de la formation et du renouvellement des générations.
Nous discutons depuis quelques jours d'un projet de loi qui consacre la réduction du nombre d'agriculteurs. La trajectoire est ancienne, mais vous la faites perdurer. On se paye de mots pour faire croire le contraire mais, de fait, l'article 2 sonne comme l'aveu d'une arnaque intellectuelle et politique.
Il ne prévoit – si on l'examine attentivement – aucun moyen pour enrayer la baisse historique des moyens alloués aux formations ; vous ne corrigez même pas cela. Pire, il ne contient ni objectifs ni moyens chiffrés pour mettre en adéquation le vœu – pieux – d'augmenter de 30 % le nombre de personnes formées en créant des postes dans les lycées agricoles. Vous voulez faire croire que vous cherchez à corriger cette trajectoire « décroissante » – pour paraphraser M. Dive –, alors que vous portez la responsabilité de l'effondrement du nombre d'agriculteurs et des moyens pour les former.
Sur ce sujet comme sur d'autres, vous aurez, cet automne, un réveil difficile. Les agriculteurs s'apercevront que cette loi ne répond à aucune de leurs demandes.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Alors qu'ils aimeraient céder leurs exploitations dans de bonnes conditions et trouver des jeunes motivés et formés pour les reprendre qui, avant de s'engager dans cette carrière, aimeraient pouvoir compter sur des revenus décents, le texte n'aborde aucune de ces questions. J'y insiste : l'article 2 est emblématique de l'absence de volonté de redresser cette trajectoire décroissante.
Mêmes mouvements.
Nous abordons l'examen du titre II, dédié à la formation et à l'innovation au service du renouvellement des générations, qui représente presque un tiers du projet de loi : les articles 2 à 7 bis, six sur dix-neuf – c'est dire le poids de cette question en son sein.
Mes amendements traduisent mon attention à deux points en particulier. Tout d'abord, au fait d'associer les branches professionnelles, à chaque fois que cela est possible, à la conduite des politiques publiques relatives à l'enseignement agricole, afin d'analyser les besoins en matière de formations professionnelles initiales. J'espère que ces amendements trouveront un écho favorable au sein du Gouvernement. Il me semble très important de veiller à l'adéquation entre les formations et le monde économique ; c'est une nécessité, particulièrement en agriculture.
Le deuxième point qui a retenu mon attention concerne, dans le prolongement des propos de l'orateur précédent, la question de la reconnaissance du privé. Ce dernier, vous le savez, occupe une place importante dans l'enseignement agricole, puisque près de 600 des 800 établissements sont privés. Vous considérez que ces derniers « concourent » au service public de l'enseignement agricole. Je considère pour ma part qu'ils en sont une « composante », ce qui n'est pas tout à fait la même chose. La nuance sémantique a son importance : vous dites que les établissements publics sont une composante de ce service public, alors que les établissements privés y concourent. Il faudra rectifier cela. La réussite du privé est attestée par le taux d'emploi des anciens élèves. Cet enseignement mérite d'être pleinement reconnu.
L'article 2 définit les objectifs programmatiques en matière d'orientation, de formation, de recherche et d'innovation. Il vise non seulement à accroître le nombre d'apprenants pour faire face au défi du renouvellement des générations, mais également à les doter de nouvelles compétences et d'une capacité à penser les chocs et la résilience, conditions indispensables pour assurer la souveraineté alimentaire.
En tant que rapporteurs pour avis, Bertrand Sorre et moi-même partageons les objectifs fixés pour augmenter le nombre de personnes formées aux métiers de l'agriculture et de l'agroalimentaire, pour élever le niveau de diplôme et de compétences – notamment en matière de transition agroécologique et climatique –, ou encore pour accroître le nombre d'actifs bénéficiant d'une formation tout au long de la vie.
Nous saluons le lancement de deux programmes nationaux devant permettre d'atteindre ces objectifs : celui portant sur l'orientation et la découverte des métiers de l'agriculture, de l'agroalimentaire et du vivant, qui comportera des actions à destination des élèves des écoles élémentaires et des collèges ; et celui portant sur la formation accélérée des professionnels en matière de transitions agroécologique et climatique.
Lors des auditions conduites avec notre collègue Bertrand Sorre, les représentants des professions agricoles ont dit souhaiter être associés à l'élaboration de ces programmes. Parce que leur demande est légitime, nous avons défendu trois amendements en commission des affaires culturelles et de l'éducation, avec Mmes Sophie Mette et Annie Genevard, tendant à associer les professionnels des branches concernées et les établissements d'enseignement agricole, d'une part à la conduite des politiques publiques concourant à atteindre les objectifs énumérés à l'article 2, et, d'autre part, à l'élaboration des deux programmes, en vue de leur mise en œuvre. Nous nous réjouissons que l'un des trois amendements ait été adopté par la commission des affaires économiques.
Enfin, parce qu'il est primordial que les médias diffusent une image plus fidèle des agriculteurs, nous défendrons un amendement visant à les associer à des programmes de promotion des métiers du vivant.
L'article 2 définit les priorités du Gouvernement en matière d'orientation, de formation, et de recherche agricoles. Le groupe RN ne peut que partager les objectifs ambitieux affichés pour tenir compte des enjeux liés à la souveraineté alimentaire et à la transition écologique. Il est évident que l'avenir de l'agriculture dépend de la capacité à orienter et former correctement les jeunes qui voudraient emprunter cette voie.
En revanche, de tels objectifs ne seront réalisés que si le Gouvernement alloue des moyens à la hauteur de ces ambitions. Nos réserves portent sur ce point.
Un plan national d'orientation ne peut avoir qu'une portée générale. Nous proposerons d'amender le texte pour que le programme de découverte des métiers agricoles et des autres métiers du vivant soit plutôt régional que national car nos agricultures sont diverses. En matière d'orientation et de formation professionnelles, si nous voulons susciter des vocations, l'échelon régional est donc plus pertinent.
Pour que le texte n'ait pas qu'une portée symbolique, il doit se doter d'objectifs opérationnels adaptés et réalisables. Nos amendements iront dans ce sens.
Pour stopper l'hémorragie démographique – voire l'hémorragie tout court – du secteur agricole, il faut : définir un cap, décider d'un modèle, travailler à la souveraineté alimentaire et démontrer que les métiers agricoles permettent de vivre, ce qui passe par des prix rémunérateurs. C'était le sens de l'article 1er , au cours de l'examen duquel nous avons exprimé nos doutes quant à votre capacité à concrétiser ces objectifs.
Il faut également rendre ces métiers plus attractifs : conditions de travail, protection sociale – régime de retraite compris. Nous avons réussi à faire adopter quelques-uns de nos amendements à ce sujet hier. Tant mieux. Si l'on veut favoriser l'attractivité de ces métiers, il faut aussi travailler la question de leur pénibilité, en se dotant de moyens suffisants, en particulier pour que des services de remplacement soient mis en place, notamment dans les filières les plus chronophages, où les agriculteurs se privent souvent de week-ends et de leur droit aux vacances – les jeunes générations y sont attachées.
Il faut aussi travailler au maillage territorial des formations, et doter les internats de moyens pour les rendre accessibles aux publics les plus éloignés, y compris à ceux qui ne viennent pas du monde agricole.
Enfin, il faut fixer des objectifs chiffrés. Ce qui est valable pour le monde agricole l'est aussi pour la filière pêche. Je déposerai des amendements à ce sujet. Un tiers des patrons de pêche feront valoir leurs droits à la retraite, dans les cinq ans à venir. Si nous ne formons pas des pêcheurs et des agriculteurs pour s'adapter aux prévisions démographiques, nous risquons, faute de bras, de ne pas réussir à stopper l'hémorragie, alors que le secteur, dont dépend notre souveraineté alimentaire, en a besoin.
La parole est à M. Éric Girardin, rapporteur général de la commission des affaires économiques.
Hier, nous avons hissé la souveraineté alimentaire au rang d'intérêt général majeur. Pour rendre cette consécration effective, et relever les défis que représentent les mutations sociétale, environnementale, climatique, économique et numérique auxquelles l'agriculture est confrontée, nous devons actionner différents leviers.
L'article 2, qui est programmatique, affirme le rôle des politiques publiques d'éducation dans la refonte du lien entre la nation et les secteurs de l'agriculture et de l'agroalimentaire. Il fixe les orientations assignées aux politiques publiques pour répondre au fort besoin en emplois des secteurs de l'agriculture et de l'agroalimentaire qui se manifesteront d'ici à 2030. À cet égard, il définit un objectif d'accroissement significatif, d'ici à 2030, du nombre d'apprenants ainsi que de celui de vétérinaires et d'ingénieurs agronomes. Enfin, il détermine les finalités des politiques d'orientation et de formation aux métiers de l'agriculture, qui s'inscrivent dans le cadre de l'objectif stratégique plus général du renouvellement des générations en agriculture et de la contribution de cette politique à la souveraineté agricole.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
Je tiens à saluer, sur chaque titre du projet de loi, la qualité des débats en commission. Le titre II vise à former et à orienter une nouvelle génération d'agriculteurs, en adaptant les formations agricoles aux nouveaux enjeux. La commission, lors de ses travaux, a rappelé de façon unanime son attachement à l'enseignement agricole, dans sa diversité et sa pluralité. Ce point d'accord nous a permis d'examiner le titre II dans les meilleures conditions.
Nous le savons, beaucoup d'agriculteurs partiront à la retraite dans les années qui viennent, ce qui nous oblige à réagir rapidement et à prendre ce problème à bras-le-corps. Il s'agit de susciter la curiosité pour le monde agricole de l'ensemble des élèves et pas seulement de ceux qui en sont issus. La création d'un diplôme de niveau bac + 3 contribuera à l'attractivité des métiers de l'agriculture et intégrera à la formation de base dispensée un enseignement de compétences managériales et agronomiques. L'accent a ainsi été mis, dans le titre II comme dans les travaux de la commission, sur ces dimensions essentielles que sont la formation et l'innovation, au service du renouvellement des générations. Les débats de qualité que nous avons eus en commission nous ont déjà bien éclairés et ont apporté un premier lot de satisfactions et de réponses. Faisons en sorte que le débat en séance fasse preuve du même sens de la responsabilité collective, pour aller à l'essentiel et avancer.
Sur l'amendement n° 751 , je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. le ministre.
L'examen de l'article 2 nous fait entrer dans le titre II destiné à former mieux et davantage, afin de répondre au problème du renouvellement des générations en agriculture. Je salue à mon tour la qualité des travaux de la commission des affaires économiques, nourris par ceux de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, qui sont tout aussi précieux. Je rappellerai brièvement ce que contient le titre II, en commentant les modifications apportées en commission.
D'abord, il s'agit de développer les actions de découverte de l'agriculture à destination de tous les élèves des écoles élémentaires. En effet, la découverte des métiers de l'agriculture et de l'agroalimentaire – qu'ils soient ceux de chef d'exploitation ou de salarié – doit se faire dès le plus jeune âge, afin de combler le hiatus parfois constaté entre le monde agricole et le reste de la société. Beaucoup d'agriculteurs ont fait part de cette défiance quotidienne de la société à l'égard de leurs activités.
Ensuite, l'article 2 vise à offrir des stages en immersion aux élèves de collège ou de lycée, ainsi qu'à lancer une campagne de communication à destination du grand public, qui permettra d'attirer d'autres profils. Je salue les amendements adoptés par la commission des affaires économiques qui identifient des leviers importants, tels que renforcer la communication ou accroître la coopération entre l'éducation nationale et les régions en matière d'orientation et de valorisation pédagogique des pratiques agroécologiques. Il s'agit, monsieur le président de la commission et mesdames et messieurs les rapporteurs, d'un apport utile fourni par la commission.
D'autre part, la commission a souhaité insérer, dans le texte, des objectifs chiffrés – c'était notamment l'objet d'un amendement de M. Taupiac, soutenu par le groupe LIOT : augmenter de 30 %, par rapport à 2022, le nombre d'apprenants dans les formations de l'enseignement agricole ; augmenter de 75 %, par rapport à 2017, le nombre de vétérinaires formés ; augmenter de 30 %, par rapport à 2017, le nombre d'ingénieurs agronomes formés. Ces chiffres traduisent une réalité déjà à l'œuvre : les moyens alloués à la formation des vétérinaires sont en hausse, et permettront d'atteindre l'objectif. Aujourd'hui, la moitié des vétérinaires exerçant en France n'y ont pas été formés.
M. Inaki Echaniz s'exclame.
Cela n'est pas normal quand on connaît l'importance des questions sanitaires, que nous avons évoquées hier, notamment au sujet de l'approche « Une seule santé ». La formation des vétérinaires dans leur pays d'exercice est un élément de la souveraineté.
Cet enjeu rejoint celui de la politique d'insertion professionnelle des jeunes dans le monde agricole que le titre II vise à développer.
Ce dernier précise également la place de l'enseignement privé – j'en profite pour saluer les enseignants des établissements d'enseignement agricoles publics comme privés. La richesse du monde agricole, c'est la richesse de son enseignement.
La richesse de l'enseignement ? C'est une blague ? Vous l'avez mis à l'os !
Le système d'enseignement agricole français – je parle sous le contrôle de nombreux experts de ces questions – est envié par nombre d'autres pays et constitue un élément de notre compétitivité. La richesse et la force de l'agriculture française ont en partie reposé sur notre capacité à accompagner les agriculteurs, à partir de la fin de la deuxième guerre mondiale, grâce à un système d'enseignement original, qui dépend non du ministère de l'éducation nationale mais de celui de l'agriculture. Chacun reconnaît l'utilité de cette particularité de l'enseignement agricole, qui repose – pour répondre à Mme Genevard – sur une composante publique éminente et sur une composante privée. Le terme de « composante » permet de souligner les spécificités de chacune.
Enfin, pour répondre à certaines interpellations lancées depuis les bancs de la gauche, selon lesquelles les moyens manqueraient pour que les choses avancent, je rappellerai qu'entre 2009 et 2019, les effectifs de l'enseignement agricole ont baissé de 1 % par an en moyenne ; or, entre 2019 et aujourd'hui, ils ont augmenté de 1 % par an. Nous avons donc déjà commencé à résoudre le problème et les différentes initiatives prises depuis le premier quinquennat du Président de la République ont porté leurs fruits. Dans le contexte d'une démographie des enseignants qui est loin d'être galopante – c'est le moins que l'on puisse dire –, l'enseignement agricole est le seul à stabiliser ou à accroître ses effectifs chaque année. C'est donc que quelque chose s'est passé. Je rends hommage aux membres du corps enseignant agricole, qui contribuent à l'attractivité de cet enseignement, et salue son caractère très inclusif, puisqu'il permet à des personnes parfois éloignées d'une formation ou d'un emploi de trouver un métier porteur de sens. En matière d'insertion professionnelle, l'essentiel des jeunes qui passent par l'enseignement agricole exercent très rapidement un métier.
C'est aussi l'objet de l'article 2 que de conforter ce résultat.
Les politiques de formation et d'orientation, que nous allons examiner à l'occasion de la discussion de l'article 2, doivent tenir compte des défis que doit relever l'agriculture. Or, cela ne vous surprendra guère, nos façons d'appréhender ces enjeux sont différentes, ce qui n'est pas sans effet sur nos manières de concevoir la formation.
Selon nous, les grands défis sont d'abord celui de la souveraineté alimentaire, dont nous n'avons pas la même définition,…
Effectivement !
…puisque nous ne la réduisons pas, contrairement à vous, à un solde positif de la balance commerciale, mais y intégrons la capacité des populations à décider souverainement de la provenance et de la qualité de leur alimentation ; ensuite, celui de la bifurcation écologique. Pour relever ces deux défis, il nous faut davantage d'agriculteurs – la reconnaissance de cette nécessité est au cœur des amendements que nous avons déposés. Or le nombre d'agriculteurs baisse tendanciellement, et un quart d'entre eux partiront bientôt à la retraite, ce qui nous conduit vers une agriculture sans paysans. Cet amendement vise à corriger cette trajectoire en l'annonçant dès le début de l'article 2.
Nous proposons simplement d'en revenir à la formulation de l'article avant qu'elle n'ait été révisée par Bercy, lors de l'élaboration de l'avant-projet de loi. L'article 2 indique actuellement que les politiques qu'il promeut doivent « contribue[r] » à l'installation des agriculteurs. Nous proposons d'écrire que ces politiques doivent « assurer le renouvellement des générations d'actifs ». Cette formulation est en deçà de notre propre position, mais elle a le mérite d'être celle qui avait été initialement proposée par le ministère de l'agriculture, sans doute avant que Bercy ne considère qu'assurer le renouvellement des générations coûterait trop cher et la fasse retirer du texte.
Applaudissements sur les bancs des groupe LFI – NUPES et SOC
et à revenir à la version initiale de votre ministère, en indiquant dès le début de l'article 2 que des moyens seront alloués pour augmenter le nombre d'agriculteurs et réaliser la bifurcation écologique.
Mêmes mouvements.
J'entends votre souhait – en Bretagne, on manque actuellement de 6 000 paires de bras pour travailler dans le secteur agricole. Cependant, votre amendement, qui vise à favoriser le renouvellement générationnel en agriculture, est déjà satisfait. Le premier alinéa du IV de l'article 1
Je vous demande donc de retirer l'amendement, sans quoi mon avis sera défavorable.
Nous avons déjà eu ce débat en commission. L'amendement est satisfait, d'autant qu'à la suite d'un amendement adopté en commission, l'article 2 précise le nombre d'apprenants supplémentaires à former d'ici à 2030.
D'autre part, je ne comprends toujours pas ce que vous appelez la « bifurcation » – vous me faites peur avec ce terme.
Non, monsieur de Fournas, « bifurcation » ne signifie pas la même chose que « transition ». La transition serait-elle un moyen terme entre bifurcation et statu quo ?
Quoi qu'il en soit, les objectifs et les moyens sont précisés dans l'article 2 tel qu'adopté par la commission. Par conséquent, mon avis est défavorable.
L'hémorragie du nombre d'agriculteurs a été reprochée à plusieurs reprises à Emmanuel Macron. En me penchant sur les statistiques, j'ai trouvé quelques chiffres, par décennie, à même d'éclairer le débat : entre 1990 et 2000, nous avons perdu 353 000 agriculteurs – qui étaient 1 million en 1990 –, soit une baisse de 34 % ; entre 2000 et 2010, la baisse est de 26 % ; enfin, entre 2010 et 2020, la baisse est de 20 %. Reprocher la diminution du nombre d'agriculteurs au Président de la République ou aux ministres des gouvernements d'Emmanuel Macron, dont Marc Fesneau, est donc exagéré : cette baisse a débuté il y a longtemps, et certains ici devraient, au lieu d'adresser des reproches aux autres, faire preuve de davantage d'humilité,…
Oui !
…puisqu'ils ont occupé par le passé des responsabilités qui auraient pu leur donner l'occasion de se pencher sur la question.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Monsieur Lavergne, vous n'avez pas dû m'écouter : à aucun moment, je n'ai reproché la baisse du nombre d'agriculteurs à ce gouvernement. J'ai simplement établi un constat.
Les chiffres que vous avez cités permettent d'illustrer la différence entre la transition et la bifurcation. Lorsque vous mettez en évidence une augmentation du nombre de formations après une longue période de baisse, vous vous référez à une logique de transition, trop lente à nos yeux par rapport à la bifurcation.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Attention au tête-à-queue !
La rapporteure dit que mon amendement est satisfait. La question que je me pose, c'est de savoir pourquoi la toute première version de l'article 2 n'a pas été conservée par le Gouvernement – ce sont des personnes travaillant dans les services du ministère de l'agriculture qui ont appelé notre attention sur ce changement de rédaction. Le mot « doivent » est finalement absent du projet de loi et nous proposons dans notre amendement de le réintroduire. Il ne s'agit pas de se contenter de dire que l'on veut tendre vers ; le rôle de l'État est de s'assurer qu'il y ait suffisamment d'enseignants pour qu'il y ait suffisamment d'agriculteurs formés.
Mêmes mouvements.
Il lui revient aussi de chiffrer les besoins à travers une planification – autre gros mot !
Pourquoi une bifurcation est-elle nécessaire ? Le modèle agricole actuel est confronté à deux problèmes majeurs. D'une part, les agriculteurs n'arrivent pas à vivre de leur activité. Il existe un risque d'effondrement : il pourrait ne plus y avoir à terme d'agriculteurs, ce qui nous ferait perdre totalement notre souveraineté. D'autre part, le recours aux pesticides reste trop important – question à laquelle vous n'avez pas répondu, monsieur le ministre. Le plan Écophyto a été lancé depuis des années, et les ventes de pesticides ont augmenté de 10 % par rapport à 2008 !
Les chiffres, je les connais, chers collègues : j'ai été membre du conseil scientifique de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) pendant cinq ans !
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES. – M. Inaki Echaniz applaudit également.
Tout cela montre qu'il faut engager une bifurcation très rapidement, d'autant qu'on observe le même phénomène pour les émissions de gaz à effet de serre.
Notre agriculture a besoin de plus de bras pour compenser la baisse de rendements qu'entraînera une moindre intensivité. Il faut donc former plus d'agriculteurs.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Le renouvellement des générations ne saurait obéir à une injonction de l'État ou de quiconque.
Eh oui !
Ce qui permet d'assurer un tel renouvellement, c'est la certitude pour les candidats à la reprise d'exploitations agricoles de pouvoir vivre de leur travail et d'accéder à du foncier à un prix raisonnable.
Bref, il faut privilégier une approche économique. Ce n'est pas le Green Deal européen, la stratégie « de la ferme à la table » ou la diminution des surfaces arables qui permettront d'atteindre cet objectif.
Dans mon département du Doubs, il y a presque une installation pour un départ. Pourquoi ? Tout simplement parce que la terre à comté garantit un niveau de revenus suffisant à nos agriculteurs. La clef est là.
Ne voyez toutefois pas dans mes propos un mépris pour les considérations environnementales. Elles s'imposent aux agriculteurs comme à l'ensemble de la société, mais dans des proportions raisonnablement calibrées afin que cela ne pèse pas sur l'équilibre économique des exploitations.
Je ne peux pas laisser passer les affirmations mensongères de La France insoumise selon lesquelles l'utilisation des produits phytosanitaires aurait augmenté. L'augmentation rapportée est en réalité liée à l'utilisation de l'indicateur de « nombre de doses unités » (Nodu), que vous avez imposé avec vos amis écologistes à un gouvernement prétendument de droite en 2007 lors du Grenelle de l'environnement, indicateur tronqué et mensonger.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Il ne permet pas d'établir de différences entre les produits contenant des substances CMR – cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction – de catégorie 1, en baisse de 96 % depuis 2016, et les produits phytosanitaires de synthèse, qui ne sont pas dangereux.
L'indicateur Nodu ne veut rien dire et c'est pour cela qu'un changement s'impose.
Je vous avais demandé en novembre dernier que soit mis en place un autre indicateur, monsieur le ministre, et vous aviez refusé. Depuis, heureusement, une mobilisation agricole salutaire vous a incité à retenir l'indicateur européen.
Cela correspond à une recommandation qui figurait dans le rapport que Dominique Potier a fait au nom de la commission d'enquête sur les causes de l'incapacité de la France à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l'exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire.
M. Dominique Potier fait un geste de dénégation.
Nous arrivons enfin à une solution de bon sens. Cet indicateur européen permet de mettre en évidence une baisse de 35 % du recours aux produits phytosanitaires depuis les années 2011-2013. Ce faisant, il reflète les efforts considérables consentis par les agriculteurs en ce domaine.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Monsieur de Fournas, vous étiez membre de la commission d'enquête, vous n'avez pas d'excuses. Ce que vous dites est un mensonge.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.– M. Jimmy Pahun applaudit également.
Vous avez d'autant moins d'excuses – et c'est plutôt un compliment que je vous fais – que vous avez été très assidu aux réunions. Je dois vous reconnaître toutefois une forme de cohérence car vous avez défendu en permanence la phytopharmacie et le statu quo en matière de recours aux pesticides.
Cela ne vous donne pas droit pour autant de mentir.
Pendant nos travaux, nous nous sommes penchés sur l'harmonisation des procédures d'autorisation de mise sur le marché (AMM) à l'échelle européenne et sur l'adoption d'un indicateur de mesure européen. Toutefois, nous n'avons pas cité l'indicateur de risque harmonisé de catégorie 1, HRI 1.
Vous reprendrez le rapport, monsieur de Fournas.
Nous savions en effet qu'il comportait un effet d'ardoise magique et qu'à quantités et toxicités égales de pesticides, il faisait disparaître 30 % des impacts dans notre pays. Le retenir, c'est répondre, de manière opportuniste, à la colère du monde paysan.
Mme Marie Pochon applaudit.
Ce n'est pas sérieux ; voilà un bien mauvais procédé du point de vue démocratique.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 70
Nombre de suffrages exprimés 69
Majorité absolue 35
Pour l'adoption 19
Contre 50
L'amendement n° 751 n'est pas adopté.
Il s'agit de remplacer les mots « aux métiers de l'agriculture » par les mots « en matière agricole, de pêche et aquacole ». L'ensemble des cosignataires souhaite ainsi attirer l'attention sur la pêche et l'aquaculture, notamment la conchyliculture, qui constituent au même titre que l'agriculture des piliers de notre souveraineté alimentaire, cœur de ce projet de loi d'orientation.
Je dis souvent : pêche et agriculture, même combat. Même combat pour la souveraineté alors que deux tiers des produits de la mer consommés en France sont importés ; même combat pour de meilleurs prix et revenus ; même combat pour une meilleure transition écologique et énergétique ; même combat pour parer les attaques dont toutes les deux font l'objet de la part de certains bancs de cet hémicycle ou de certaines associations qui veulent opposer les modèles. Nous l'avons bien vu avec l'interdiction de la pêche dans le golfe de Gascogne au mois de janvier, alors que la pêche et l'agriculture reposent en France sur les modèles parmi les plus durables au monde.
Je suis saisie de plusieurs demandes de scrutin public : sur l'amendement n° 630 , par le groupe Gauche démocrate et républicaine – NUPES d'une demande de scrutin public ; sur l'amendement n° 3188 , par le groupe Renaissance.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission ?
Même avis.
D'abord, par construction, vos demandes sont en partie satisfaites.
Ensuite, il ne vous aura pas échappé que la pêche, contrairement à l'aquaculture, ne dépend pas du ministère de l'agriculture. Avec mon collègue Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer et de la biodiversité, nous sommes convenus qu'elle ferait l'objet de dispositions spécifiques mais que celles-ci, n'avaient pas lieu de figurer dans un projet de loi consacré principalement à l'agriculture, en particulier pour ce qui concerne la formation.
Avec mon collègue Luc Lamirault, je suis corapporteur de la mission d'information relative au modèle économique du secteur de la pêche. Celui-ci est bousculé de toutes parts. La manière dont les Britanniques anticipent la clause de revoyure sur le Brexit nous préoccupe fortement, tout comme l'état d'impréparation de la France dans la constitution d'une task force européenne destinée à défendre la pêche. Les problèmes liés au renouvellement des générations, s'ils ne sont pas anticipés, risquent quant à eux de fragiliser encore un peu plus la filière pêche.
Au moment de la discussion des projets de loi Egalim, il nous avait été dit que la pêche ferait l'objet de dispositions spécifiques ; les lois du 30 octobre 2018, du 18 octobre 2021 et du 30 mars 2023 ont donc fait l'impasse dessus. Et c'est de nouveau le cas pour le présent projet de loi.
Rappelons que les deux tiers des 34 kilogrammes de produits de la mer consommés en moyenne par an et par habitant en France sont importés. Les seules politiques publiques réservées à la pêche consistent à mettre en place des plans de sortie de flotte pour envoyer à la casse des bateaux contraints de rester à quai : voilà qui va contribuer à nous faire dévisser en matière de souveraineté.
Je veux bien qu'on nous dise qu'Hervé Berville va travailler sur des mesures spécifiques mais j'aimerais avoir un calendrier. Luc Lamirault et moi-même allons remettre notre rapport en septembre et il faudrait que le Gouvernement s'engage fermement à présenter un texte consacré à la pêche alors qu'elle est en train de souffrir profondément.
C'est la raison pour laquelle je voterai en faveur de l'amendement présenté par mon collègue Le Gac.
J'aimerais réagir aux propos de Mme Genevard sur le comté. L'un des débats que nous avons depuis le début de la discussion de ce projet de loi relève de la question suivante : le respect du vivant et la préservation des écosystèmes sont-ils compatibles ou non avec la capacité de notre agriculture à assurer notre souveraineté alimentaire ?
Mon métier m'a conduite à travailler sur le cahier des charges du comté avec le comité interprofessionnel de gestion du comté. Il se trouve qu'il s'agit d'une production exemplaire, comme vous l'avez vous-même souligné, madame Genevard : son cahier des charges est particulièrement exigeant sur le plan environnemental. Les producteurs ont réussi à allier pleinement harmonie avec le vivant et performance économique et sociale. Pour l'alimentation des vaches, l'ensilage et les produits contenant des organismes génétiquement modifiés (OGM) sont interdits et un minimum d'un hectare de superficie herbagère par bête est requis.
Voilà qui montre que performances écologiques et performances économiques et sociales peuvent aller de pair. L'opposition entre environnement et agriculture que Les Républicains, l'extrême droite et la minorité présidentielle entretiennent repose sur une vision arriérée !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Rappelons que cet hiver, l'interdiction n'a concerné que la pêche au chalut pélagique et au filet. Les pêcheurs utilisant d'autres méthodes ont pu poursuivre leurs activités. Il y avait d'ailleurs encore beaucoup de poissons sur les étals.
Cette interdiction me paraît avoir été une bonne chose. Elle a permis aux pêcheurs, aux utilisateurs de la mer et aux ONG d'amorcer une réflexion sur l'avenir de la pêche. Les pêcheurs savent qu'ils doivent se réformer. Ils ne pourront continuer à utiliser 3 litres de gazole pour pêcher 1 kilo de poissons et il leur faudra aller vers d'autres métiers. Il importe de penser aussi à réserver la bande côtière à l'exercice d'autres activités professionnelles.
Comme M. Jumel, j'estime qu'une évolution est nécessaire, notamment en matière de quotas de pêche. Il serait bon qu'ils soient moins restrictifs pour les petits bateaux que pour les gros.
C'est terrible, monsieur le ministre, mais nous ne parvenons pas à avoir des chiffres exacts. J'ai cru lire dans la presse que seuls deux dauphins ont été retrouvés échoués sur les côtes de Bretagne alors que les années précédentes, il y en avait beaucoup plus. Nous devons examiner la situation de plus près et faire confiance à Pelagis, l'observatoire des mammifères et oiseaux marins, qui, depuis des années, suit l'évolution des populations de dauphins.
Mme Delphine Batho applaudit.
Je veux remercier mon collègue Potier d'avoir souligné mon assiduité aux réunions de la commission d'enquête. Je défendais les intérêts non pas de la phytopharmacie mais d'une agriculture réaliste, capable d'assurer notre souveraineté alimentaire.
Puisqu'il m'a traité de menteur, j'invite chacun à se reporter à la page 52 de son rapport : « Votre rapporteur juge très souhaitable de chercher à reprendre cet indicateur HRI sans délai. Il incite le Gouvernement à ?uvrer en ce sens auprès des institutions européennes. ». Il s'agit bel et bien de l'indicateur HRI 1 qui a été repris dans le plan Écophyto.
M. Dominique Potier fait un geste de dénégation.
Chacun pourra comparer la description qui en est faite sur le site du ministère de l'agriculture et celle du HRI dans le rapport de M. Potier : ils sont identiques. Merci pour ce moment, monsieur Potier.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Sourires.
Nous avons eu le débat sur l'opportunité d'intégrer la pêche au sein de ce projet de loi à l'article 1er .
Je rappelle que le code rural et de la pêche…
…considère bel et bien la pêche comme faisant partie de l'agriculture. Gardons-nous d'ouvrir une liste car tout appelle ensuite à la compléter. Si nous ajoutons la pêche – et vos demandes sont tout à fait légitimes, monsieur Jumel –, pourquoi pas aussi l'élevage, qui constitue une activité considérable dans notre pays ?
Quant au comté, je me réjouis, madame Trouvé, que vous connaissiez bien cette filière. Le comté incarne précisément l'exemple d'une écologie bien comprise, qui ne prend pas le pas sur une filière économique. L'exigence du cahier des charges du comté en matière environnementale est au contraire au service de la filière.
C'est notre conception de l'écologie, qui n'est pas exactement la vôtre.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
J'ai bien entendu ses propos relatifs aux mesures spécifiques à la pêche qui pourraient être déclinées ultérieurement par M. Berville. Le rapport de notre collègue Sébastien Jumel pourrait nous offrir l'occasion de formuler un certain nombre de propositions. Nous l'attendons avec impatience et espérons qu'il sera suivi de mesures concrètes et précises pour la pêche, qui est – je le répète – un pilier de notre souveraineté alimentaire.
L'amendement n° 2287 est repris par M. Sébastien Jumel.
La parole est à M. le ministre.
Ce qu'a dit Mme Genevard est très juste, à propos non seulement du comté – j'y reviendrai – mais surtout du code rural, qui est aussi celui de la pêche. Au moment où nous entamons les articles relatifs à la formation, veillons à ne pas faire la litanie, non des saints, mais des mots que nous voudrions introduire dans le texte, parce qu'on va finir par le dévoyer. Examinons comment la législation existante a été conçue – je pense en particulier aux lois dites Rocard – et veillons à ne pas ajouter des mots aux mots.
Monsieur Jumel, je ne vous reprochais pas votre intervention.
J'ai bien en tête le débat intéressant que nous avons eu hier à propos de l'échalote et de l'oignon et je reconnais volontiers l'importance de la pêche, notamment pour notre souveraineté. Attention, toutefois : en ajoutant des mots aux mots, nous risquerions de porter atteinte à la lisibilité de la loi que nous devons élaborer.
D'autre part, je salue la conversion du Rassemblement national, qui prêche désormais pour une harmonisation européenne.
Monsieur de Fournas, vous avez dit que l'indicateur devait être européen : c'est bien la première fois !
M. Grégoire de Fournas s'exclame.
Je ne vous agresse pas, je vous explique, comme disait l'autre !
Enfin, Mme Genevard et Mme Trouvé ont toutes deux eu raison de souligner l'originalité de la filière du comté. Reconnaissons néanmoins que tout n'est pas reproductible – chaque filière a ses spécificités. Et peut-être pourrions-nous nous accorder sur le fait que les producteurs de comté seraient très menacés si nous n'arrivions pas à réguler la prédation lupine.
Tout de même, monsieur le ministre ! Ce n'est pas comme si la pêche n'était pas un secteur d'activité économique majeur, qui représente des milliers d'emplois et qui est consubstantiel à l'identité de nos littoraux ! Ce n'est pas comme si la pêche n'était pas bousculée par les velléités anglaises post-Brexit qui fragilisent la pêche des Hauts-de-France et de Normandie ! Ce n'est pas comme si la pêche industrielle n'asphyxiait pas la pêche artisanale qui fait vivre nos criées et nos ports ! Ce n'est pas comme s'il n'y avait aucun enjeu de renouvellement des générations – un tiers des employés de la pêche sont concernés par des départs à la retraite d'ici à cinq ans !
Considérer que la pêche n'est pas, au côté de l'agriculture, un secteur stratégique de notre souveraineté alimentaire, c'est prendre le risque énorme de réveiller une colère déjà lourde dans le monde agricole. La pêche est bouleversée en ce moment par le déploiement de cinquante projets éoliens offshore le long du littoral – soit un parc tous les dix kilomètres –, qui risquent d'amputer les zones de pêche et de créer des conflits d'usage majeurs qu'il faut anticiper. Nous sommes loin des oignons et des échalotes !
La pêche est un secteur à part entière, inhérent à notre souveraineté alimentaire.
L'amendement n° 2287 n'est pas adopté.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir l'amendement n° 630 .
Je ferai savoir, sur tous les quais de France, que le Front national a été aux abonnés absents lorsqu'il a été question de la pêche.
Le présent amendement vise à inscrire dans la loi des objectifs chiffrés en matière de formation.
L'amendement est satisfait : demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Même avis.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 66
Nombre de suffrages exprimés 66
Majorité absolue 34
Pour l'adoption 34
Contre 32
L'amendement n° 630 est adopté.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Les politiques publiques doivent être cohérentes avec les spécificités des territoires, notamment ultramarins. Elles doivent tenir compte des réalités et des spécificités locales, bien différentes entre la Guadeloupe, par exemple, et un département de l'Hexagone.
Même avis : la précision apportée par cet amendement est utile.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 64
Nombre de suffrages exprimés 64
Majorité absolue 33
Pour l'adoption 62
Contre 2
L'amendement n° 3188 est adopté.
L'amendement n° 2681 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je suis saisie de plusieurs demandes de scrutin public : sur l'amendement n° 1921 , par le groupe Socialistes et apparentés ; sur les amendements n° 2581 et identiques, par les groupes Renaissance et La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Mélanie Thomin, pour soutenir l'amendement n° 1921 .
Cet amendement du groupe Socialistes vise à renforcer l'égalité de genre dans les politiques d'orientation et de formation en matière agricole,…
…afin de donner aux jeunes femmes les mêmes possibilités d'entreprendre un cursus agricole.
En effet, si nos débats ont mis en évidence la présence des jeunes femmes dans ces cursus, leurs perspectives de carrière dans les métiers agricoles, notamment dans les métiers à responsabilités, sont plus minces. Si le développement des études agricoles est un objectif central, encore faut-il promouvoir les possibilités de carrière pour les jeunes femmes qui intègrent ces formations.
Dans ma circonscription, des femmes travaillent dans le secteur agricole : elles sont ouvrières dans les usines agroalimentaires, salariées agricoles – par exemple dans les serres de fraises et de tomates à Plougastel. Ces femmes courageuses exercent des métiers difficiles. Pourtant, les femmes ne représentent que 24 % des chefs d'exploitation agricole.
C'est pourquoi les politiques de formation doivent contribuer à renforcer l'égalité entre les femmes et les hommes, afin de permettre à toutes et tous de bénéficier des mêmes conditions de formation aux métiers d'agricultrice ou d'agriculteur et d'accès au métier de chef d'exploitation.
Mmes Manon Meunier et Marie Pochon applaudissent.
Je comprends l'objectif de votre amendement. Vous souhaitez que les politiques d'orientation et de formation aux métiers de l'agriculture mettent l'accent sur l'égalité de genre, les femmes ne représentant aujourd'hui que 24 % des chefs d'exploitation agricole.
Toutefois, la féminisation est d'ores et déjà une réalité : s'agissant de l'enseignement agricole technique, à la rentrée 2023, les filles représentaient 44 % des effectifs des élèves, des apprentis et des étudiants. Je le confirme en ce qui concerne les trois lycées agricoles de ma circonscription. Les effectifs féminins sont d'ailleurs assez stables sur les dix dernières années.
En outre, certaines professions agricoles sont très féminisées ; ainsi, les écoles vétérinaires nous ont appris, lorsque nous les avons auditionnées, que les femmes représentaient aujourd'hui 60 % de la profession, contre 49 % en 2015. L'évolution est satisfaisante et des initiatives sont prises pour sensibiliser les jeunes filles aux métiers de l'agriculture.
Je demande donc le retrait de votre amendement, son objectif étant satisfait en pratique ; à défaut, mon avis serait défavorable.
L'amendement est satisfait. C'est une réalité : 44 % des apprenants et apprentis dans l'enseignement technique agricole sont des femmes – chiffre qui s'élève à 49 % dans l'ensemble de l'enseignement agricole. Dans peu de secteurs, on observe une telle parité entre les hommes et les femmes.
De surcroît, lors de la discussion de l'article 1
Avis défavorable.
Nous avons eu l'ébauche de ce débat en commission et je souhaite y revenir à la faveur de l'amendement de notre collègue.
Je ne suis pas favorable à cet amendement pour plusieurs raisons. La première est de forme : la notion d'égalité de genre renvoie à des éléments précis : théorie du genre, approche genrée des questions de société…
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Eh oui !
Ce n'est pas la même chose de parler de parité et d'égalité entre les hommes et les femmes que de parler de genre. Il faut assumer les mots que l'on utilise.
Pour cette raison de forme – qui renvoie à des considérations idéologiques –, je n'y suis donc pas favorable.
Je pense aussi que les agricultrices méritent mieux que des postures de principe. Elles demandent des mesures concrètes, et c'est pourquoi j'ai défendu hier le sous-amendement qu'évoquait le ministre à l'instant.
Quand on parle des agricultrices, il faut commencer par évoquer leur statut. Beaucoup d'entre elles font désormais partie d'un groupement agricole d'exploitation en commun – un Gaec. Le Gaec entre époux, que la droite a fait adopter, a été une révolution pour les femmes agricultrices. De plus, grâce à la disposition adoptée à l'initiative de M. Chassaigne, le statut de conjoint collaborateur ne durera que cinq ans, au terme desquels il faudra un autre statut. Il faut donc travailler à ce futur statut des conjoints et collaboratrices, pour qu'elles accèdent notamment au statut de chef d'exploitation.
S'agissant de la formation des agriculteurs, elle s'adresse bien sûr aux agricultrices. Pourtant – le fait est attesté par les représentants du monde agricole – elles y ont moins recours, tout simplement parce que leur charge de travail répartie entre la famille, l'exploitation et parfois les engagements associatifs relègue souvent la formation au second plan. Il faut donc faciliter l'accès des agricultrices à la formation.
Enfin, se posent des questions de rémunération, qui induisent elles-mêmes des questions de retraite.
Quand on parle des agricultrices, il convient donc d'aller dans le détail et de ne pas se contenter de déclarations de principes, qui finalement n'ont pas beaucoup de sens.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Madame Genevard, je tiens à rappeler que le terme de genre est déjà utilisé dans l'éducation nationale.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Je comprends que cela puisse vous défriser, mais faites preuve d'un peu de cohérence : la notion de genre est utilisée dans les administrations et dans les services de l'État. Il n'y a pas lieu d'y voir l'expression d'un projet caché, ni d'entretenir des fantasmes au sujet de ce mot.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Monsieur le ministre, vous évoquez la proportion quasi égale de jeunes filles et de jeunes hommes dans les lycées agricoles.
C'est la réalité !
Oui, c'est un fait, mais il faut regarder dans le détail ce que cela recouvre. Les lycées agricoles incluent aussi des filières de service à la personne, d'aide à domicile ou encore de soin ; peut-être est-ce ce qui permet d'arriver à cette proportion. C'est pourquoi l'amendement concerne uniquement les filières spécifiques à l'agriculture : il vise à encourager les jeunes femmes à s'y engager et à devenir, à terme, cheffe d'exploitation. Il est nécessaire d'inscrire cet objectif dans le texte pour encourager les femmes à prendre toute leur place dans le modèle agricole.
Je vous ai fait hier une recommandation musicale ; aujourd'hui, je vous ferai une recommandation cinématographique. Le film Artzain Soil – dont le titre français est Bergère sans terre – illustre le parcours difficile des femmes dans l'agriculture. Il convaincra peut-être notre collègue du groupe Les Républicains : oui, les femmes sont présentes dans ce secteur, mais elles font face à de réelles difficultés d'intégration et de promotion. Il faut tenir compte de ce fait et les accompagner.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Jean-Claude Raux applaudit également.
Je suis un peu triste, madame Genevard : hier, considérant que nous avions des progrès à faire en la matière, vous avez défendu un sous-amendement, n° 4743 , visant à valoriser le rôle des agricultrices.
Je me réjouissais du chemin parcouru ensemble depuis l'examen en commission. Nous y avons tenu des débats rigoureux, étayant par des chiffres la description des inégalités entre hommes et femmes dans le secteur de l'agriculture, soulignant que les femmes sont payées 27 % de moins, qu'elles perçoivent des retraites dérisoires ou encore qu'elles n'ont souvent pas de statut. Nous avions avancé, et j'étais très heureuse d'avoir l'occasion de voter, aux côtés de mon groupe, pour votre sous-amendement. L'Assemblée nationale peut se féliciter de l'avoir adopté, car il traite d'une question cruciale.
Quand on parle d'inégalités de genre, on ne peut pas choisir ses combats !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
On ne peut pas considérer que la retraite et la rémunération sont les seuls sujets importants ; cela reviendrait à sortir de la lutte pour la reconnaissance du rôle des agricultrices. Les paysannes nous demandent d'aller plus loin. Elles réclament bien sûr les mêmes revenus que les hommes, les mêmes retraites et la même considération sur le plan économique, mais elles demandent aussi d'être symboliquement et idéologiquement autant reconnues que les hommes.
Mme Anne-Laure Blin s'exclame.
Cela implique de se pencher sur la formation, qui doit jouer pleinement son rôle pour promouvoir l'égalité de genre. Le féminisme n'est pas qu'une affaire de femmes : il faut aussi que les hommes, enseignants comme agriculteurs, s'en emparent et reconnaissent la place des femmes dans l'agriculture.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – MM. Inaki Echaniz et Jean-Claude Raux applaudissent également.
C'est pourquoi l'État doit envoyer un signal fort en poussant pour l'égalité de genre au cours de la formation. Si la proportion d'hommes et de femmes est équilibrée en lycée agricole, comment expliquer que seuls 24 % des chefs d'exploitation sont des femmes ? C'est qu'il existe un sexisme systémique.
« Oh ! » sur plusieurs bancs des groupes RN, LR et RE.
Ce n'est pas du sexisme !
Je sais bien que vous ne comprenez pas la notion de sexisme systémique ; elle désigne le sexisme diffus dans la société. Ce phénomène explique qu'à l'arrivée, seulement 24 % des chefs d'exploitation sont des femmes.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Chantal Jourdan et M. Jean-Claude Raux applaudissent également.
Quelle suffisance ! Vous pensez que vous êtes la seule à savoir ce que veut dire « systémique » ?
Je souhaite apporter un témoignage à l'appui de l'avis de Mme la rapporteure et de M. le ministre.
Je viens de l'Aveyron, premier département de France en matière d'installation de jeunes agriculteurs et de jeunes agricultrices. Je confirme que le taux de féminisation des lycées agricoles de mon département, particulièrement de celui de ma circonscription, est supérieur à 50 %. Je ne parle pas d'étudiantes visant des métiers de service, des métiers du secteur agroalimentaire ou même la belle profession de vétérinaire, mais bien d'étudiantes souhaitant s'installer comme agricultrices.
Je vous invite à parcourir l'Aveyron : vous y verrez des cheffes d'exploitation fières de leur métier, dont je précise qu'il est très difficile puisqu'il est exercé en zone de montagne, dans un bassin d'élevage, notamment de vaches allaitantes. Cette activité nécessite beaucoup d'engagement, aussi ces femmes sont-elles passionnées par leur métier. J'en prends d'ailleurs à témoin Mme la présidente de l'Assemblée nationale, qui, à l'occasion de ses nombreux déplacements en province ,
Exclamations sur les bancs du groupe SOC
a eu l'occasion de rencontrer certaines de ces cheffes d'exploitation et de constater la passion qui les anime.
Sourires.
La difficulté du métier est réelle, mais il existe des formes d'organisation professionnelle qui permettent de concilier la vie personnelle et familiale avec la vie professionnelle. Je pense notamment aux Gaec déjà évoqués par Mme Genevard.
Ayons un peu d'optimisme ! Nous pouvons être fiers de la manière dont évolue l'agriculture dans les territoires, y compris les plus difficiles.
Absolument !
Depuis plusieurs mois, les agriculteurs ont largement exprimé les difficultés qu'ils rencontrent. Dans ce contexte, la gauche choisit pourtant d'entamer un nouveau débat complètement lunaire. Monsieur Echaniz, quel est le problème si les hommes veulent conduire un tracteur et si les femmes veulent être vétérinaires ? Arrêtez d'emmerder les gens avec vos délires idéologiques !
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
D'ailleurs, où est la gauche quand il s'agit de rétablir la parité dans la magistrature, une profession aux trois quarts féminine ? Là, ça ne vous dérange pas ! Pourrait-on revenir aux vrais problèmes des agriculteurs et arrêter de faire de l'idéologie ?
Je porte un regard positif sur les avancées réalisées en la matière. Il y a un mois, j'ai accompagné le directeur général de l'enseignement et de la recherche au ministère de l'agriculture pour visiter deux établissements d'enseignement agricole dans ma circonscription. C'était à Montmorillon – tout près de chez vous, madame Meunier – et à Venours. Dans chaque classe – il s'agit uniquement de classes d'élevage, pas des filières sociales évoquées par M. Echaniz –, les femmes étaient plus nombreuses que les hommes. Dans chaque classe, nous avons demandé aux étudiants lesquels d'entre eux voulaient devenir exploitants ; à chaque fois, les femmes étaient plus nombreuses à répondre positivement.
D'autre part, ayant passé la moitié de ma vie d'adulte en Scandinavie, je ne saurais trop vous mettre en garde contre la discrimination positive.
Elle constitue souvent elle-même une source majeure de discrimination. On ne parvient pas à l'égalité par la discrimination, mais par l'absence de discrimination. La France a atteint le point où, pour promouvoir une société juste et équilibrée, sans discrimination, les règles doivent s'appliquer de la même manière à tous, hommes et femmes, quelles que soient leurs aspirations. Nous pouvons être fiers que la France soit parvenue à ce niveau ; continuons comme cela !
Il y a 38 % de femmes dans cette assemblée ! Où est l'égalité réelle ? Où est la discrimination positive ?
Dans l'agriculture comme dans d'autres domaines, on ne peut pas nier l'histoire. Mme Meunier parle de sexisme ; il est vrai que l'agriculture a eu des progrès à faire en la matière. J'ai connu de nombreuses femmes qui ont passé un brevet d'études ménagères : à l'époque, c'est vrai, elles apprenaient avant tout à être une bonne épouse. Dans les exploitations agricoles, elles étaient conjointes participantes, jusqu'en 1999 où elles ont accédé au statut de conjointe collaboratrice. Depuis, certaines d'entre elles – j'en connais personnellement – sont devenues cheffe d'exploitation à la retraite de leur mari. Cela fait donc bien longtemps qu'il existe des femmes cheffe d'exploitation agricole !
Bien sûr, il faut nous montrer attentifs aux femmes de la génération que j'évoque. C'est tardivement qu'elles ont accédé à un statut, et je tiens à dire que leur retraite n'est pas encore à la hauteur.
Toutefois, les choses ont beaucoup changé dans l'enseignement agricole. Par exemple, le milieu de l'équitation, autrefois exclusivement masculin, s'est féminisé. De nombreuses femmes sont cheffe d'exploitation aux côtés de leur époux. Ainsi, la femme de mon cousin horticulteur est cogérante de leur exploitation. Nous avons fait des progrès.
D'autre part, votre expression est très floue. Quelle est l'égalité de genre que vous demandez ? Si c'est la parité dans chaque secteur, elle est impossible à atteindre.
Ce n'est pas une obligation ! D'ailleurs, cela n'est pas l'objet d'une loi d'orientation.
En outre, l'enseignement agricole, comme l'éducation nationale, sensibilise déjà les élèves aux questions d'égalité entre les hommes et les femmes. Quoi qu'il en soit, votre rédaction manque de précision.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 68
Nombre de suffrages exprimés 65
Majorité absolue 33
Pour l'adoption 21
Contre 44
L'amendement n° 1921 n'est pas adopté.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à onze heures cinquante-cinq, est reprise à douze heures cinq.
Cet amendement rédactionnel déposé à l'initiative de mon collègue Nicolas Ray, vise à substituer, à l'alinéa 3, le mot « le » au mot « du ». Il est d'intérêt majeur : en témoigne la demande de scrutin public de la part de la majorité – que je remercie.
Sourires. – Mme Marie Pochon et M. Antoine Léaument applaudissent.
Je me permets de vous signaler que le groupe LFI – NUPES a lui aussi demandé un scrutin public sur ces amendements identiques d'intérêt majeur…
Sourires.
La parole est à Mme Mathilde Hignet, pour soutenir l'amendement n° 2684 .
Je ne dirai pas mieux que mon collègue Dubois : ce sont effectivement deux excellents amendements rédactionnels.
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Quel est l'avis de la commission sur ces excellents amendements rédactionnels ?
Sourires.
C'est vrai qu'ils sont d'intérêt général majeur et je remercie leurs auteurs pour leur vigilance rédactionnelle. Avis favorable.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 45
Nombre de suffrages exprimés 45
Majorité absolue 23
Pour l'adoption 45
Contre 0
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 631 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Claude Raux, pour soutenir l'amendement n° 4364 .
Si nous voulons réellement augmenter le nombre de personnes formées aux métiers de l'agriculture et le nombre d'actifs dans le secteur, il semble souhaitable, et même logique, d'augmenter le nombre d'enseignantes et enseignants qui les forment. Pour porter à 25 000 le nombre de personnes diplômées chaque année, cinquante postes d'enseignant devront être créés chaque année d'ici à 2028, ce qui nécessite davantage de moyens pour le service public de l'éducation. Ces moyens sont d'autant plus nécessaires que la crise des vocations dans ce secteur s'accélère. Or le projet de loi ne contient aucun moyen financier supplémentaire. Soyons donc cohérents avec les objectifs fixés et n'attendons pas un regain d'attractivité des métiers de l'agriculture pour mener une politique publique ambitieuse en la matière.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Vous souhaitez étendre les dispositifs de l'article 2 aux métiers de l'enseignement. Il est effet assez logique de recruter davantage d'enseignants en établissements agricoles si l'on veut former davantage d'élèves. Néanmoins, votre proposition me semble élargir trop le champ de l'article 2, et je vous demanderai donc de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, mon avis serait défavorable.
Défavorable.
Nous soutiendrons cet amendement, parce qu'on se heurte toujours au même problème : vous voulez former davantage d'agriculteurs, mais sans y consacrer les moyens nécessaires, notamment s'agissant du nombre d'enseignants. C'est la même chose qu'avec les médecins : M. Attal a déclaré vouloir augmenter le nombre de médecins, mais cette grande annonce n'a pas été suivie de l'ombre d'une augmentation du nombre de praticiens hospitaliers, de maîtres de conférences et de professeurs. Comment alors espérez-vous qu'ils soient formés ? C'est toujours le même débat ! Pour mettre en cohérence votre volonté de former davantage d'agriculteurs et le nombre d'enseignants nécessaires, il faut absolument voter en faveur de cet amendement.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Jean-Claude Raux applaudit également.
L'article 2 a une vocation programmatique. Quant aux moyens, nous avons toujours été au rendez-vous : j'en veux pour preuve les efforts consacrés à la formation des vétérinaires en vue d'augmenter le nombre de professionnels de ce secteur – pour ne citer que cet exemple.
L'amendement n° 4364 n'est pas adopté.
L'amendement n° 3589 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Claude Raux, pour soutenir l'amendement n° 4361 .
Ces secteurs participant en première ligne aux transitions agroécologique et climatique, c'est l'ensemble du monde de l'agriculture et du vivant qui connaît des besoins en emplois – et cette tendance va se poursuivre. Partant, c'est tout le champ des métiers non seulement de l'agriculture, mais aussi du vivant, qui doit croître. Ne soyons pas restrictifs, pensons global ! Cet amendement propose donc de retenir la dénomination « métiers de l'agriculture et du vivant » – ce qui n'est pas sans rappeler la campagne « L'aventure du vivant » : cela devrait vous satisfaire, monsieur le ministre.
Il me semble qu'avec cet amendement, qui tend à substituer la référence aux métiers de l'agroalimentaire par une référence aux métiers du vivant, on sort du champ de l'article 2. En effet, les métiers du vivant sont très diversifiés. Le site du ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire y inclut les métiers de la terre, de la nature, du végétal, de la forêt et du bois. Cette appellation recouvre également les métiers et formations dans les secteurs de la production agricole, de la transformation agroalimentaire, de la santé animale et des services associés à la production agricole – une dimension très importante. La notion de métier du vivant dépasse donc très largement le seul périmètre de l'agroalimentaire visé dans la rédaction actuelle de l'article 2. Même si tous ces métiers doivent être pris en considération, je ne suis pas certaine qu'un tel élargissement corresponde aux objectifs du projet de loi.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, mon avis serait défavorable.
Même avis, pour les mêmes raisons.
Vous avez de l'agriculture une conception plutôt restrictive, qui ne correspond plus à la réalité ni à celle défendue par l'Inrae. Vous n'avez aucune ambition en matière d'enseignement supérieur et de recherche dans les domaines de la biologie végétale et de l'écologie, qui sont pourtant indispensables pour mener à bien la bifurcation écologique. Pour protéger les insectes grâce aux haies, par exemple, nous avons besoin de chercheurs, d'ingénieurs et d'étudiants de niveau master qui connaissent la biodiversité. C'est un impensé de votre projet de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 4361 n'est pas adopté.
Le renouvellement des générations impose non seulement d'augmenter le nombre d'apprenants dans les formations de l'enseignement agricole, mais également d'améliorer la reconnaissance du travail des femmes dans l'agriculture et de renforcer l'attractivité de tous les métiers agricoles pour celles-ci. Le monde agricole demeure largement masculin,…
…une tendance qui ne va pas en s'arrangeant : alors qu'on comptait 39 % de femmes dans l'agriculture en 1982, elles ne sont plus que 27 % aujourd'hui.
Veiller à lutter contre les inégalités femme-homme dans la formation agricole, c'est très concret – je le dis en tant que fille d'une cheffe d'exploitation à qui, toute sa vie, on a demandé où était le patron : c'est assurer aux agricultrices des perspectives de carrière dans d'autres secteurs que les métiers des services ; c'est les accompagner dans l'obtention d'un statut – quelque 132 000 femmes d'exploitants n'ont pas de statut, ce qui invisibilise totalement leur action directe ou indirecte sur l'exploitation, tandis que les autres sont souvent réduites au sous-statut de conjointe collaboratrice, bénéficiant de moindres droits sociaux ; c'est accorder des moyens à la lutte contre les inégalités salariales ; c'est leur assurer l'accès aux droits sociaux et à la protection sociale : seuls 57 % des congés maternité sont pris et trop de femmes sont lésées en cas de séparation.
Qu'il s'agisse de la répartition genrée des tâches, des freins à la projection dans les métiers agricoles ou de l'accès aux machines agricoles, ces constats sont documentés par les centres d'initiative pour valoriser l'agriculture et le milieu rural (Civam). L'intégration des enjeux d'inégalités de genre dans la formation agricole est un levier majeur pour renouveler les générations et assurer la transition, puisque les femmes sont davantage présentes dans les pratiques agricoles durables.
Nous nous félicitons que le sous-amendement n° 4743 de Mme Genevard ait été adopté hier. Cependant, pour que cette orientation générale soit effective, il est essentiel de la décliner dans tous les titres. Tel est l'objet de cet amendement.
Mme Manon Meunier applaudit.
L'amendement est satisfait en pratique, puisque l'article L. 801 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue de l'article 60 de la loi du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, précise en son dernier alinéa que l'enseignement et la formation professionnelle publics aux métiers de l'agriculture, de la forêt, de la nature et de ses territoires « participent également à la lutte contre les stéréotypes sexués ».
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Je l'ai dit tout à l'heure, ainsi que votre collègue Genevard : cette question occupe déjà une place importante dans l'article 1er . Je le répète : ce n'est pas parce qu'on répète quinze fois la même chose qu'elle a plus de puissance.
Avis défavorable.
L'amendement n° 3809 n'est pas adopté.
Cet amendement a été déposé à l'initiative de M. Frédéric Maillot, député de La Réunion. Il vise à augmenter le nombre de formations au métier d'ingénieur en agronomie tropicale. La Réunion, par exemple, ne compte actuellement qu'un seul brevet de technicien supérieur (BTS) dans ce domaine.
Sur l'amendement n° 2736 , je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission ?
L'amendement est satisfait par l'utilisation du terme générique d'ingénieur agronome et par le fait que la politique en faveur de la souveraineté alimentaire prend en considération les spécificités des territoires ultramarins.
En outre, il existe au moins dix à quinze spécialités pour les ingénieurs agronomes : l'agrobioscience végétale, l'élevage, l'agroécologie, le génie de l'environnement, etc. Il ne saurait être question de commencer une liste à la Prévert qui ne sera jamais exhaustive.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
La préoccupation des territoires ultramarins est légitime. Elle s'est d'ailleurs exprimée hier à travers l'adoption des sous-amendements des groupes GDR – NUPES et LIOT dans le cadre de la réécriture de l'article 1er . Nous venons par ailleurs d'adopter un amendement à l'article 2 visant à ce que soit prise en considération la spécificité des territoires ultramarins. Ce que vous demandez va un peu trop loin, puisque vous abordez la question de la formation des ingénieurs, qui ne relève pas de la loi.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 51
Nombre de suffrages exprimés 49
Majorité absolue 25
Pour l'adoption 20
Contre 29
L'amendement n° 2736 n'est pas adopté.
Cet amendement, déposé à l'initiative de mon collègue Jumel, vise à inscrire dans la loi la volonté de mettre un terme au recul du nombre d'exploitations agricoles. Nous sommes passés de 490 000 exploitations en 2010 à 390 000 aujourd'hui, soit une chute de 20 %. Des études, en particulier de la Cour des comptes, indiquent que nous pourrions en perdre encore plus de 100 000 d'ici à 2035. Nous proposons que la lutte contre cette régression soit un objectif législatif de la politique agricole, et pas seulement une intention.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable : l'amendement est satisfait par la logique générale du projet de loi, qui vise à enrayer la diminution du nombre d'exploitations agricoles en France.
Je comprends votre intention, monsieur Peu, mais permettez-moi de vous rappeler qu'en commission, il a été inscrit à l'article 8, relatif à la politique d'installation : « La France se fixe comme objectif de compter au moins 400 000 exploitations au terme de la période de programmation ». Cela revient donc au même.
Il a par ailleurs été fixé à l'article 2, toujours à l'initiative des commissaires aux affaires économiques, un nombre minimum d'apprenants et un objectif d'augmentation d'ici à 2030 de 30 % de leur nombre par rapport à 2022. Il me semble que c'est suffisant.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Notre proposition s'inscrit dans la logique du texte, et c'est bien pour cette raison que nous voulons qu'elle y figure noir sur blanc.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
On dit traditionnellement que ce qui va sans dire va mieux en le disant : c'est également vrai pour le travail législatif.
Mêmes mouvements.
C'est déjà fait !
Le vote à main levée n'ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 50
Nombre de suffrages exprimés 50
Majorité absolue 26
Pour l'adoption 21
Contre 29
L'amendement n° 632 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Mélanie Thomin, pour soutenir l'amendement n° 1922 .
L'objectif de ce projet de loi est en grande partie de répondre à la crise agricole que nous traversons depuis de nombreux mois. Pour répondre à la crainte des agriculteurs de voir disparaître leur exploitation, en particulier quand ils partent à la retraite, il importe d'adapter les formations. Le sentiment général est que personne ne veut reprendre ces exploitations. Avec la reconnaissance du rôle des femmes en agriculture, les formations seraient adaptées, donnant ainsi de nouvelles ressources pour reprendre les exploitations.
Les femmes de 2024 sont un vivier précieux. J'ai été élevée avec une génération de femmes qui, dans leur carrière, ont toujours hésité entre des métiers de ville – caissière, femme de ménage, employée à la coopérative – et un engagement dans le monde agricole. La conciliation d'une vie de femme avec le métier d'exploitant agricole est un parcours semé d'embûches. On constate très souvent des renoncements.
Je salue la brèche ouverte hier par Mme Genevard et souhaite que l'intégration de cette ambition, en particulier dans les formations, sécurise le parcours des jeunes femmes dans les métiers d'agricultrice et de cheffe d'exploitation. Au sein de l'éducation nationale, le même problème se pose d'ailleurs au sujet de la place des jeunes filles dans les filières mathématiques.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LFI – NUPES.
Pour les mêmes raisons que pour l'amendement n° 1921 , demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
L'amendement n° 1922 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement vise à assurer un suivi précis et actualisé des objectifs de formation. À ce stade, même si l'amendement de mon collègue Taupiac a été adopté en commission, l'article se limite à des déclarations de bonnes intentions, sans fixer de cap ni les moyens pour y parvenir.
Depuis 2017, des faits significatifs vont dans un sens diamétralement opposé aux objectifs affichés : abandon du schéma prévisionnel national des formations de l'enseignement agricole, suppression de l'Institut agronomique, vétérinaire et forestier de France (IAV2F), absence d'une évaluation indépendante du système d'enseignement technique agricole et situation problématique d'AgroParisTech.
Je profite de cet amendement pour évoquer la création de formations supérieures vétérinaires privées. Un amendement de mon collègue Stéphane Delautrette, député de Haute-Vienne, visait à ouvrir une cinquième école vétérinaire publique à Limoges. Tous les acteurs y sont favorables, en particulier la région Nouvelle-Aquitaine et son président Alain Rousset qui n'attendent que l'assentiment du ministère de l'agriculture. Je déplore que cet amendement ait été jugé irrecevable, alors qu'il avait été adopté par la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Nous avons besoin d'objectifs chiffrés et de l'engagement ferme du ministre de l'agriculture d'ouvrir cette cinquième école.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable : votre amendement est obsolète depuis l'adoption de l'amendement de M. Taupiac qui définit des objectifs chiffrés aux alinéas 2 à 5 de l'article 2.
Avis défavorable : vous demandez des objectifs chiffrés mais vous n'en indiquez pas dans l'amendement, contrairement à celui déjà adopté par la commission des affaires économiques.
L'amendement n° 2346 n'est pas adopté.
L'adoption de l'amendement de M. Taupiac a permis en effet de fixer des objectifs chiffrés et je propose, par le présent amendement, que ces objectifs fassent l'objet d'une évaluation tous les deux ans devant le Parlement. Cela permettrait d'éviter de reproduire les erreurs du passé. Je pense, en particulier, à l'absence de contrôle de la loi Egalim : il a fallu la crise agricole pour provoquer un sursaut d'implication sur la question. Nous demandons donc que le Parlement contrôle périodiquement si les objectifs fixés dans le texte ont été ou non atteints.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable : il me semble assez facile de demander au ministre compétent de faire le point sur la mise en œuvre de ces politiques à l'occasion d'une audition par les commissions compétentes en matière d'éducation de l'Assemblée nationale ou du Sénat. Il est inutile de l'inscrire dans la loi.
Avis défavorable : le Gouvernement est à la disposition du Parlement. Nous venons donc à chaque fois que vous le souhaitez répondre à vos questions. Il n'est pas nécessaire de l'inscrire dans la loi.
Nous soutenons l'amendement.
L'exposé sommaire souligne les contradictions entre les objectifs affichés et certaines décisions prises. L'école AgroParisTech, fer de lance de l'enseignement supérieur agronomique, a ainsi été fondue dans l'université Paris-Saclay, plutôt que dans un grand ensemble d'écoles d'enseignement supérieur agronomique, ce qui aurait appuyé la spécificité de cet enseignement. Il se trouve que j'étais enseignante-chercheuse à AgroParisTech ; j'ai fait partie de la communauté éducative qui s'est battue contre ce projet de fusion.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
J'appuie donc fortement cette demande : il est nécessaire que nous évaluions régulièrement si les objectifs en matière d'enseignement agricole et plus particulièrement agronomique sont atteints. Au-delà des grands mots et des grandes phrases, des décisions sont prises en contradiction avec les objectifs de ce projet de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
À l'instar de Stéphane Peu tout à l'heure, nous préférons que ces dispositions soient inscrites dans la loi. Je suis comme saint Thomas : je ne crois que ce que je vois.
Sourires.
Nous vous appelons donc, chers collègues, à voter pour l'amendement.
Cependant, je note, monsieur le ministre, votre disponibilité pour venir à la commission des affaires culturelles et de l'éducation, dont je suis membre. Je transmettrai l'expression de votre volonté à la présidente de la commission, Isabelle Rauch, et j'espère que nous pourrons vous recevoir prochainement. Néanmoins, nous voulons inscrire cette disposition dans la loi pour qu'ait lieu une véritable évaluation.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 58
Nombre de suffrages exprimés 58
Majorité absolue 30
Pour l'adoption 32
Contre 26
L'amendement n° 653 est adopté.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LFI – NUPES.
Je me réjouis de l'adoption de l'amendement n° 653 , qui place le Parlement au cœur du contrôle de la loi.
En revanche, je note, monsieur le ministre, que vous ne m'avez pas répondu au sujet de l'irrecevabilité de l'amendement concernant l'ouverture d'une école vétérinaire à Limoges ; peut-être pourriez-vous vous exprimer à ce sujet.
L'amendement n° 654 vise à supprimer la référence aux « autres collectivités territoriales intéressées » pour ne mentionner que les régions.
L'amendement vise à supprimer la référence aux « collectivités territoriales intéressées » dans la disposition permettant à diverses personnes publiques de conduire des politiques en faveur de la formation et de l'orientation. Pourtant, il convient que toutes les collectivités intéressées puissent participer à cet effort collectif car elles sont complémentaires : si les départements ont à leur charge les collèges, les écoles municipales peuvent également avoir un rôle à jouer, y compris dans le cadre de fermes pédagogiques ou d'autres initiatives. Il ne faut fermer aucune porte.
L'avis de la commission est très défavorable.
Je rappelle à M. Echaniz que, du fait de la séparation des pouvoirs, ce n'est pas le Gouvernement qui prononce l'irrecevabilité, c'est l'Assemblée. C'est intéressant de relire de temps en temps la Constitution.
Ensuite, je suis étonné que, vous qui êtes un territorial, vous proposiez de restreindre le champ de ceux qui pourraient intervenir en particulier dans l'orientation mais aussi dans d'autres domaines aux seules régions. Comme l'a dit la rapporteure, la découverte des métiers concerne l'ensemble des collectivités territoriales. Plus il y aura de collectivités impliquées, mieux ce sera pour que l'agriculture soit reconnue et découverte.
Avis défavorable.
L'amendement n° 654 n'est pas adopté.
Il a pour objet d'intégrer des professionnels du monde agricole dans l'élaboration du programme national de renforcement de la formation agricole. En effet, qui, mieux que les agriculteurs et leurs représentants, est en mesure d'éclairer les politiques publiques sur les besoins du monde agricole en matière de formation ? Pour garantir que ce programme soit pertinent et adapté à la réalité du terrain, il est en effet impératif de le concevoir en collaboration avec les professionnels du secteur. Leur implication est nécessaire non seulement pour en définir le contenu, mais aussi pour déterminer la manière la plus efficace de l'appliquer. Adopter une telle approche assurerait une formation cohérente avec les priorités identifiées par les professionnels agricoles.
Nous en venons aux amendements identiques.
La parole est à M. Laurent Panifous, pour soutenir l'amendement n° 895 .
Il vise à favoriser la concertation avec des représentants de la profession. Pour que le contenu du programme et la manière dont il sera dispensé soient en prise avec les réalités du terrain, pour que les professionnels se mobilisent pour y concourir et pour qu'il soit cohérent avec les enjeux qu'ils jugent prioritaires, il est nécessaire qu'il soit conçu en concertation avec les représentants de la profession agricole.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement n° 2813 .
S'agissant de la formation et de l'implication des jeunes, il faut absolument que la profession participe à la concertation. Il vaut mieux le dire explicitement, plutôt que de se contenter d'affirmer que ce sera assurément le cas.
Il soulève la question de l'implication des professionnels de l'agriculture dans l'instauration du programme national d'orientation et de découverte des métiers agricoles. Cela répond à la nécessité que nos concitoyens soient sensibilisés très jeunes à l'importance de l'agriculture et des métiers du vivant.
Il faut rendre les choses concrètes, pratiques, proches de la réalité du terrain grâce à l'expérience et aux connaissances des professionnels.
C'est le premier d'une série d'amendements sur une question qui me paraît très importante : il faut que les branches professionnelles concernées soient systématiquement associées à l'élaboration et à l'application du programme national d'orientation et de découverte des métiers de l'agriculture et de l'alimentation. Les agriculteurs montrent en bien des circonstances à quel point ils s'inscrivent toujours dans une logique de coconstruction, de concertation ; ils ont un souci de l'efficacité et du pragmatisme qui n'est pas toujours aussi présent dans les collectivités territoriales – je peux me permettre de le dire en tant qu'ancienne conseillère régionale. Il est donc bon que les professionnels indiquent quels sont les besoins du terrain et participent à définir comment les formations peuvent être rendues adéquates à ceux-ci.
Une des spécificités de la formation agricole est qu'elle ne se perd pas dans des interrogations sur l'adéquation des formations. L'université connaît de tels débats, mais la formation agricole vise toujours le pragmatisme et l'adaptation aux besoins. Les professionnels sont ouverts à la discussion : ils ne cherchent pas à préempter la formation ni à en définir les contours de manière exclusive. Cependant, il faut qu'ils soient associés dès le début à la formation.
La parole est à Mme Géraldine Bannier, rapporteure pour avis, pour soutenir l'amendement n° 1334 .
Il est très similaire au précédent et a été adopté par la commission des affaires culturelles et de l'éducation. Il est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
L'amendement n° 2682 vise à établir le programme d'orientation et de découverte des métiers agricoles et du vivant après concertation avec des représentants de la profession. Je suis très favorable à cette idée ; j'interviens moi-même régulièrement dans des lycées agricoles qui participent à la transmission des savoirs, à l'accompagnement des nouveaux agriculteurs et à l'aide à la formation.
Cependant, l'amendement est satisfait car l'alinéa 14 de l'article 2, qui porte spécifiquement sur le programme national d'orientation et de découverte des métiers agricoles et du vivant, précise que celui-ci est établi « en associant les établissements d'enseignement technique agricole publics ou privés et les professionnels des métiers concernés ».
Je demande donc le retrait de l'amendement n° 2682 , sans quoi j'émettrai un avis défavorable. Je donne le même avis sur les autres amendements en discussion commune.
Même avis.
Nous avons évoqué cette question en commission et vous avez fait droit à cette préoccupation. L'alinéa 14 de l'article 2 établit en effet que « l'État et les régions établissent un programme national d'orientation et de découverte de ces métiers et des autres métiers du vivant, en associant les établissements d'enseignement technique agricole publics ou privés et les professionnels des métiers concernés » – il me paraît préférable de mentionner les professionnels plutôt que les branches.
Sur l'amendement n° 2687 , je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Loïc Prud'homme.
On ne peut pas dire que les organisations professionnelles ne soient pas déjà bien représentées dans la formation. Nous ne sommes donc pas favorables à augmenter encore leur poids. L'émancipation doit demeurer la boussole de l'enseignement, par différence avec ce que vous nous présentez : l'employabilité future des élèves qui participent à ces programmes de découverte et de formation.
C'est aussi méconnaître grandement le travail des enseignants en lycée agricole public ou même dans l'enseignement privé professionnel. En effet, ces enseignants, en rapport direct avec leur programme d'enseignement, font déjà le lien avec le milieu professionnel : ils en sont très proches, mais de manière réfléchie, en adéquation avec leurs objectifs pédagogiques.
C'est pourquoi nous sommes opposés à ces amendements. Nous pensons qu'il faut plutôt donner des moyens et une certaine latitude aux enseignants pour qu'ils entretiennent des liens avec les milieux professionnels, sans pour autant inverser le rapport pédagogique et que les milieux professionnels indiquent aux enseignants la direction de leurs enseignements.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe SOC.
L'argument de M. le ministre ne tient pas car notre amendement concerne la totalité du II de l'article 2, lequel traite non seulement de la formation, mais aussi de l'effort de recherche et de la collaboration entre la recherche publique et les entreprises. L'amendement est donc justifié. Vous avez raison pour la question de la formation, qui est abordée à l'alinéa 14, mais il faut également associer les professionnels à la définition des programmes de recherche, etc.
Après avoir entendu les explications de Mme la rapporteure et de M. le ministre, je retire mon amendement.
L'amendement n° 3613 est retiré.
Je n'aime pas les témoignages personnels, mais je ferai une exception : j'ai passé cinq ans dans l'enseignement professionnel et je peux vous dire qu'il y a des innovations non seulement sur le plan socioculturel, avec l'ouverture qu'il apporte, mais aussi grâce aux liens permanents avec le monde de l'entreprise, qui est intégré à l'établissement. Ces formations sont même le prototype du campus des métiers qui avait été esquissé pour l'ensemble de l'enseignement professionnel.
Pourtant – sur ce point je rejoins les arguments de Loïc Prud'homme et j'apporte mon soutien au ministre, qui fait preuve de prudence –, sans doute n'aimerions-nous pas, Charles de Courson, que les lycées professionnels soient gérés par la CGT et d'autres n'apprécieraient pas qu'ils le soient par le Medef. Il y a une autonomie éducative, même s'il est tout à fait normal que les établissements nouent des partenariats avec le monde de l'entreprise et les branches professionnelles.
Inscrire l'association des branches professionnelles dans la loi reviendrait à imposer à l'enseignement agricole une forme de diktat idéologique, qui menacerait la capacité créative et l'autonomie inhérentes à son écosystème. J'en suis issu, comme de nombreux collègues : c'est un enseignement d'excellence, qui repose sur la transmission des humanités et leur incarnation dans les sciences du vivant. Protégeons-le de toutes les pressions politiciennes pour lui conserver sa noblesse éthique.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Je suis tentée de retirer mon amendement, mais les propos tenus par notre collègue Dominique Potier m'inclinent à faire un commentaire, en prenant appui sur l'organisation de l'enseignement agricole privé dans les maisons familiales rurales (MFR).
Dans celles-ci, le président du conseil d'administration est un agriculteur, un professionnel.
Cela fonctionne en effet très bien. Je ne crois pas qu'associer des professionnels de l'agriculture conduise à des dérives idéologiques. Je ne retrouve pas du tout mon amendement dans le portrait que vous en dressez, ni dans les risques que vous pointez. Au contraire, il émane de la volonté de veiller à ce que les jeunes formés dans nos établissements agricoles privés puissent s'épanouir professionnellement. C'est dans ce sens que nous avons adopté un amendement très intéressant sur les ateliers pédagogiques. Faire le lien avec la réalité du métier, grâce à l'intervention des professionnels du monde agricole, est extrêmement précieux ; cela ne sert pas le grand capital de l'agriculture.
Ayant enseigné pendant vingt ans dans l'enseignement supérieur agronomique, je voudrais apporter un témoignage. En premier lieu, il faut faire confiance aux enseignants.
Mme Mathilde Hignet applaudit.
Lorsque l'on enseigne dans ces établissements, on s'appuie tantôt sur les acteurs professionnels, sur les syndicats agricoles, sur les interprofessions, tantôt sur les syndicats de salariés agricoles, tantôt sur des associations de consommateurs – tout dépend du module que nous enseignons. La liberté académique fait partie du modèle d'enseignement français, et elle doit être préservée. Je rejoins l'opposition du ministre à ces amendements, parce qu'ils remettent en cause la liberté académique et la confiance dans les enseignants.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Monsieur de Courson, ayant assisté aux travaux de la commission, vous savez que l'article 2 prévoit plus loin de « développer des collaborations entre la recherche publique et les entreprises » – c'est le résultat de l'adoption d'un amendement. Si nous ajoutons une mention similaire, l'article risque de devenir redondant, voire mégaredondant, selon l'expression à la mode.
Si nous avons besoin de nous appuyer sur les professionnels – leur implication est une tradition de l'enseignement agricole, comme l'a souligné M. Potier –, les travaux en commission ont permis de trouver un point d'équilibre, qui me semble répondre à ce que vous souhaitez.
L'amendement n° 2682 n'est pas adopté.
L'amendement n° 3733 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Mathilde Hignet, pour soutenir l'amendement n° 2687 .
Le présent amendement questionne l'opportunité d'employer la notion de « collectivités territoriales intéressées », qui suggère que l'implication des communes, des départements et des régions dans les politiques d'orientation et de formation dépendra de la volonté de leurs élus. Étant donné que vous avez voulu inscrire que l'agriculture est d'intérêt général majeur, toutes les collectivités locales devraient être associées à la volonté nationale de promotion de l'agriculture.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Jean-Claude Raux applaudit également.
Vous souhaitez supprimer le terme « intéressées ». À mon sens, il convient de conserver cette précision pour bien montrer que la participation aux politiques d'orientation et de formation n'est pas obligatoire mais qu'elle est ouverte aux collectivités territoriales qui le souhaitent. Cela garantit leur liberté d'action.
Avis défavorable.
Je relève que vous avez pris acte de la notion d'intérêt général majeur et que vous souhaitez même en tirer des conclusions. Il ne faut cependant pas déroger au principe de libre administration des collectivités locales, qui implique de leur laisser le choix et de les associer sous d'autres formes que la contrainte.
Avis défavorable.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 53
Nombre de suffrages exprimés 52
Majorité absolue 27
Pour l'adoption 12
Contre 40
L'amendement n° 2687 n'est pas adopté.
Le présent amendement, adopté par la commission des affaires culturelles et de l'éducation, vise à permettre la participation des groupements de collectivités territoriales aux politiques d'orientation et de formation. Je laisse M. Raux défendre cette proposition.
La parole est à M. Jean-Claude Raux, pour soutenir l'amendement n° 4363 .
Atteindre les objectifs de renouvellement des générations en agriculture nécessite, en premier lieu, la mobilisation de l'État et des régions, mais également celle de l'ensemble des échelons territoriaux, lesquels affectent plus ou moins fortement et de façon variée l'agriculture par leurs politiques publiques. Les groupements de communes doivent ainsi pouvoir contribuer à la réalisation des objectifs définis à l'horizon 2030. Or, si les communes et les départements sont bien concernés en tant que collectivités territoriales, la rédaction actuelle exclut les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), qui n'entrent pas dans cette catégorie.
Il s'agit non pas d'obscurcir le texte, comme on me l'a reproché en commission, mais de le compléter. Il serait difficilement compréhensible que les EPCI soient les seules structures administratives à ne pas contribuer aux objectifs fixés par la loi.
Défavorable.
Mais dès lors que l'on évoque les collectivités territoriales, de facto leurs groupements sont concernés ; au titre de leur compétence de développement économique, ils peuvent être associés. Il est donc inutile de les ajouter.
J'en ai assez que l'on se sente obligé d'associer systématiquement les groupements de communes à chaque fois que l'on évoque les collectivités territoriales. L'échelon communal a sa force et sa pertinence. Croyez bien que, lorsque le sujet le mérite, les communes savent se regrouper pour prendre des décisions concertées.
Sur l'amendement n° 1379 , je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de deux amendements, n° 3190 et 3890 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Max Mathiasin, pour soutenir l'amendement n° 3190 .
Le présent amendement relève de la même logique que le précédent que j'ai défendu, et qui a été adopté, tendant à ce que les politiques publiques d'orientation et de formation soient adaptées aux territoires. Il s'agit donc d'ajouter, à l'alinéa 6, les mots « et adaptées aux territoires ».
La parole est à Mme Chantal Jourdan, pour soutenir l'amendement n° 3890 .
Cet amendement, déposé par notre collègue Élie Califer, tend à adapter les politiques publiques de l'éducation agricole aux spécificités de chaque territoire. La Guadeloupe, par exemple, connaît une forte diminution du nombre de chefs d'exploitation et une prédation des terres par les promoteurs immobiliers. Il semble important de renforcer les politiques publiques de façon qu'elles tiennent compte de ces spécificités.
Ils sont, à mon sens, déjà satisfaits par l'utilisation du terme générique « appropriées », qui implique notamment que les politiques d'orientation et de formation aux métiers de l'agriculture soient adaptées aux spécificités des territoires ; et ce d'autant plus qu'elles seront conduites en partie par des collectivités territoriales, qui auront à cœur d'agir au plus près du terrain.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Les amendements sont déjà satisfaits par l'adoption de l'amendement n° 3188 de M. Mathiasin. Inscrire la même chose une deuxième fois me semble superfétatoire – la rédaction de l'amendement précédent est d'ailleurs plus judicieuse.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Je présenterai tout à l'heure un amendement relatif à la recherche. À cet égard, les outre-mer sont confrontés à un problème extrêmement grave : la maladie du citrus greening, qui viendrait d'Asie. Elle sévit dans tous les outre-mer français, notamment en Guadeloupe et en Martinique, où elle détruit l'ensemble des agrumes. Nous importons des agrumes de Colombie ou de Costa Rica, mais ils nous reviennent fort chers et contiennent des produits phytosanitaires. S'ils peuvent être conservés assez longtemps pour être acheminés jusque chez nous, c'est probablement qu'ils ne sont pas soumis aux mêmes normes de production.
Il est donc nécessaire de mieux adapter les politiques, notamment de recherche, aux spécificités des outre-mer et des milieux tropicaux. Par exemple, la maladie que j'évoque n'affecte pas du tout les agrumes et les produits agricoles de la métropole.
Au risque de paraître têtu, je répète que votre amendement est déjà satisfait. L'article 2 est désormais rédigé ainsi, compte tenu de l'adoption de votre précédent amendement : « Les politiques d'orientation et de formation aux métiers de l'agriculture contribuent à la politique d'installation des nouveaux agriculteurs et de transmission des exploitations agricoles définie au IV de l'article L. 1 du code rural et de la pêche maritime. Les politiques publiques de l'éducation, de la recherche, de l'innovation et de l'insertion professionnelle y concourent en cohérence avec les spécificités des territoires. » Tout est déjà dit dans le premier amendement que nous avons adopté, auquel j'ai donné droit.
La logique me commande donc de vous demander de nouveau le retrait ; à défaut, mon avis serait défavorable.
Je propose que nous examinions un dernier amendement, le n° 1379, sur lequel j'ai annoncé le scrutin public, puis nous lèverons la séance.
La parole est à M. Loïc Prud'homme, pour le soutenir.
Il s'agit du premier d'une série d'amendements qui posent des objectifs chiffrés.
Vous prévoyez d'augmenter de 30 % le nombre de personnes s'installant, sans toutefois inscrire d'objectif chiffré dans la loi. Par cet amendement, nous proposons de former 30 000 personnes par an – nous aurons sans doute l'occasion de reparler des chiffres, puisque nous avons déposé des amendements de repli –, afin de passer, dans dix ans, de 400 000 exploitations à 500 000, ce qui nous semble d'ailleurs un objectif fort modeste.
Nous avons eu en commission des affaires économiques ce débat sur le nombre de personnes à former, les moyens à y consacrer, le nombre d'enseignants et de classes. Cependant, au bout de quelques heures de discussion, vous avez fini par me dire, monsieur le ministre, que ce n'était pas ainsi que les choses se passaient. Je vous ai alors demandé comment vous comptiez atteindre l'objectif de 30 % d'installations supplémentaires. Depuis, je ne sais toujours pas ce qu'il en est.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
J'espère donc que vous nous expliquerez enfin, après cette attente insoutenable, comment vous espérez atteindre cet objectif.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous souhaitez inscrire dans la loi un objectif chiffré concernant le nombre de personnes à former aux métiers de l'agriculture et de l'agroalimentaire : vous proposez 30 000 personnes. Je suis toujours méfiante à l'égard de tels objectifs chiffrés ; je préfère que l'on fixe un cap,…
Sourires.
…une trajectoire, comprenant éventuellement un pourcentage – ce que nous avons fait dans les alinéas précédents grâce à l'adoption en commission de l'amendement de M. Taupiac. C'est pourquoi j'appellerai à la prudence et vous invite à retirer votre amendement ; à défaut, mon avis serait défavorable.
J'invite à voter contre l'amendement.
Je connais votre sagacité et votre vigilance, monsieur Prud'homme. Nous avons assisté à la même réunion de la commission des affaires économiques. « Augmenter de 30 % le nombre d'apprenants dans les formations de l'enseignement agricole technique qui préparent aux métiers de l'agriculture et de l'agroalimentaire par rapport à 2022 » : voilà comment cela se passe !
« Augmenter de 75 % le nombre de vétérinaires formés en France par rapport à 2017 » ; « augmenter de 30 % le nombre d'ingénieurs agronomes formés par rapport à 2017 » : voilà comment cela se passe !
Je sais désormais comment cela se passe : c'est la pensée magique ! Dont acte !
Mme Manon Meunier applaudit.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 60
Nombre de suffrages exprimés 60
Majorité absolue 31
Pour l'adoption 10
Contre 50
L'amendement n° 1379 n'est pas adopté.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture.
La séance est levée.
La séance est levée à treize heures.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra