La séance est ouverte.
La séance est ouverte à seize heures.
L'ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, de la proposition de loi visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels (n° 2399).
La parole est à Mme Nicole Le Peih, rapporteure de la commission mixte paritaire.
Quatre mois seulement après la première lecture, dans cette assemblée, de la proposition de loi visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels, nous voici réunis pour voter le texte adopté par la commission mixte paritaire (CMP). Ce calendrier, dont je me félicite, illustre la volonté du Parlement d'avancer rapidement sur le sujet des troubles anormaux de voisinage, qui constitue une préoccupation du quotidien pour nos concitoyens.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale définissait un cadre clair au sein du code civil : il codifiait la jurisprudence de la Cour de cassation s'agissant de la responsabilité sans faute pour trouble anormal de voisinage et reprenait l'exception à ce principe intégrée au code de la construction et de l'habitation. Cette exception prévoit que la responsabilité civile pour trouble anormal de voisinage peut être écartée lorsque trois critères sont réunis : l'antériorité de l'activité à l'origine du trouble, le respect de la législation en vigueur et surtout la poursuite de l'activité dans les mêmes conditions. Notre objectif était de rendre le droit plus lisible afin qu'il soit encore plus accessible à nos concitoyens.
Le texte a été enrichi au Sénat. Au-delà de modifications rédactionnelles, la Chambre haute a souhaité aller plus loin en introduisant au sein du code rural et de la pêche maritime un régime spécifique pour les activités agricoles.
Consciente des enjeux particuliers relatifs aux exploitations agricoles, j'ai travaillé avec la sénatrice Françoise Gatel pour conserver un régime spécial qui n'empiète pas sur le droit au recours des voisins susceptibles de subir un trouble anormal. Je tiens à saluer les échanges constructifs que nous avons eus avec la rapporteure du texte au Sénat. Nous avons travaillé de concert pour vous proposer un dispositif qui n'entrave pas la liberté d'entreprendre tout en préservant le droit au recours.
Ainsi, le présent texte prévoit que l'exonération s'applique dès lors que les activités agricoles à l'origine du trouble anormal n'ont subi aucune modification substantielle. Cette rédaction avait été suggérée par le Conseil d'État en 2019. La même logique s'applique lorsque les modifications des conditions d'exercice sont liées à une mise aux normes, afin de ne pas pénaliser un exploitant qui se conforme simplement à la législation ou à la réglementation en vigueur. Ce n'est donc pas un blanc-seing à l'ensemble des troubles de voisinage, mais un dispositif de bon sens, que nous vous proposons.
Nous avons conscience que la proposition de loi ne réglera pas les besoins des exploitants agricoles du jour au lendemain. Tout comme le projet de loi d'orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture que nous examinerons bientôt, elle fait néanmoins partie des solutions concrètes que nous mettons en œuvre pour y répondre. Avec cette proposition de loi, nous voulons être à l'écoute de tous nos territoires. Ce texte doit apporter de la visibilité à nos concitoyens en codifiant une jurisprudence, et en inscrivant dans le code civil à la fois le principe et son exception.
Je remercie le garde des sceaux pour son engagement sans faille en faveur du texte, engagement qui s'est concrétisé lors de sa visite dans le Morbihan, au cours de laquelle il a été à l'écoute des demandes de nos concitoyens en faveur d'un bien vivre-ensemble. Je salue également Caroline Yadan, responsable du texte au sein du groupe Renaissance, ainsi que Raphaële Jegou, administratrice de la commission des lois, qui nous a accompagnés pour l'examen de ce texte, et mes collaborateurs.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE, ainsi que sur les bancs des commissions.
La parole est à M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice.
Le texte que vous vous apprêtez, je l'espère, à adopter définitivement cet après-midi me tient particulièrement à cœur et je veux d'emblée dire ici ma satisfaction à l'issue des travaux de la commission mixte paritaire. Désormais, le code civil disposera que nul ne peut causer à autrui un trouble anormal de voisinage. Je salue très chaleureusement la rapporteure Le Peih qui a permis cette avancée dans le cadre d'un intense travail avec la Chancellerie. Ne nous y trompons pas : si ce texte répond à un besoin réel de nos campagnes, il a avant tout vocation, en tout cas dans sa première partie, à s'appliquer à toutes les relations de voisinage.
Chacun a le droit de jouir paisiblement de sa propriété, de son logement ou de son fonds et a droit à réparation du préjudice qu'il subit. L'introduction de ce principe général dans le code civil consacre la jurisprudence de la Cour de cassation. Elle renforce ainsi la sécurité juridique du droit français et assure l'égalité de tous les citoyens devant la loi.
Le texte institue par ailleurs une exception tirée de la théorie de la pré-occupation afin de trouver un meilleur équilibre entre les différents intérêts en présence.
Ainsi est posé le principe selon lequel celui qui s'installe à proximité d'un lieu particulièrement bruyant ou malodorant ne peut se plaindre d'un trouble anormal du voisinage lorsque la nuisance existait déjà au moment de son installation. Je me félicite que la commission mixte paritaire soit judicieusement revenue au texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, lequel visait de façon générale toutes les activités « quelle qu'en soit la nature ». Cette rédaction permettra au texte de s'appliquer au plus grand nombre.
Je salue également le travail de la CMP sur la notion d'« installation » du voisin lésé qui figurait dans la proposition de loi initiale. Je ne peux, par ailleurs, que me féliciter de la suppression des deux alinéas relatifs, d'abord, aux troubles sonores des enfants et, ensuite, à la codification de la jurisprudence du Tribunal des conflits.
Enfin, la commission mixte paritaire a souhaité étendre le périmètre d'exonération pour les activités agricoles par l'ajout de dispositions spécifiques dans le code rural et de la pêche maritime. Oui, il est ubuesque que certains, dérangés par le bruit des tracteurs et des moissonneuses, s'attaquent à ceux qui nous nourrissent alors même qu'ils avaient connaissance de l'environnement dans lequel ils s'installaient ! Désormais, cela ne sera plus possible, et c'est heureux.
Sur la portée de cette exemption, le texte final vise l'hypothèse d'une modification non substantielle de la nature ou de l'intensité des conditions d'exploitation de l'activité. Cette rédaction est plus prudente que celle adoptée en première lecture par le Sénat. Elle me semble préférable quand il s'agit de restreindre les conditions dans lesquelles la responsabilité civile peut être mise en œuvre.
Pour conclure, la proposition de loi qui vous est soumise aujourd'hui est un texte d'équilibre et de concorde, qui définit les contours de ce fameux vivre-ensemble respectueux de chacun que j'ai déjà eu l'honneur d'évoquer devant vous. Cette avancée est permise grâce au travail de compromis mené en parfaite intelligence par les deux assemblées. Je forme le vœu que, dans le droit fil de la politique de l'amiable, ce texte contribue à une résolution plus rapide des conflits et à la pacification des relations de voisinage dans l'ensemble du territoire. Il est grand temps !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem, ainsi que sur les bancs des commissions.
Les troubles de voisinage sont parfois nombreux. La cohabitation entre voisins, que ce soit en ville ou à la campagne, nécessite des accommodements et la conciliation de modes de vie différents et d'activités humaines variées – économiques, commerciales, agricoles, mais aussi jouissance de son domicile. Bien souvent, il faut le noter, le bon sens et le dialogue permettent de régler les différends et de restaurer les conditions du vivre-ensemble, ce qui est heureux. Toutefois, il est parfois nécessaire de recourir à une médiation ou à la justice. Ce texte a pour ambition de contribuer à apaiser les cohabitations difficiles. Si cette intention est louable et mérite d'être soutenue, nous nous interrogeons toujours sur l'utilité et l'efficacité de la proposition de loi au terme du processus législatif.
Depuis de nombreuses années, la Cour de cassation défend le principe selon lequel « nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage ». Il s'agit d'un régime de responsabilité objective, c'est-à-dire qu'il ne dépend pas de la manifestation d'un comportement fautif, mais appelle la démonstration d'un trouble excédant la gêne potentiellement acceptable dans le cadre des relations de voisinage, gêne évaluée par le juge en tenant compte des circonstances spécifiques dans lesquelles se trouve le plaignant.
Ainsi, l'absence de faute ne constitue pas un moyen d'échapper à une condamnation et, inversement, la simple existence d'une faute ne suffit pas à caractériser un trouble anormal du voisinage. La jurisprudence a élargi la notion de voisinage au-delà des immeubles contigus englobant une aire de proximité dans laquelle vivent plusieurs personnes, en ville comme à la campagne.
Enfin, pour qu'un trouble soit reconnu, il doit excéder les inconvénients normaux du voisinage et présenter un caractère continu et permanent.
Cette proposition de loi a pour objet de consacrer tous ces éléments jurisprudentiels en introduisant un nouvel article dans le code civil, qui comprendrait à la fois le principe de responsabilité civile fondé sur les troubles anormaux de voisinage et son exception liée à l'antériorité du trouble constaté, décrite à l'article L 113-8 du code de la construction et de l'habitation.
Si nous saluons l'ouverture d'une discussion sur les conflits de voisinage et les troubles du quotidien, nous regrettons qu'elle ne s'accompagne pas d'un débat plus large sur les solutions de médiation à instaurer afin de régler les différends ou les nuisances, ou sur les moyens possibles de limiter les nuisances liées à des activités spécifiques. De toute évidence, cette proposition de loi est un peu bavarde et ne fait rien de plus qu'introduire dans nos textes des principes déjà établis et appliqués.
Cependant, le code civil comme les autres codes n'ont pas besoin d'être exhaustifs. S'agissant de troubles complexes à évaluer, l'appréciation du juge est nécessaire. Il est tout à fait louable de vouloir rendre le droit plus lisible, mais il peut être dommageable de l'enfermer dans des dispositions strictes.
Au cours de la navette parlementaire, le texte a évolué dans le bon sens. La proposition de loi initiale se contentait de codifier la jurisprudence relative aux troubles anormaux de voisinage sans intégrer un régime adapté pour les activités agricoles. À l'issue de nos discussions, le texte prévoit la création d'une exception relative aux activités agricoles qui ne peuvent faire l'objet d'un trouble anormal de voisinage lorsqu'elles existaient « antérieurement à l'acte transférant la propriété ou octroyant la jouissance du bien, ou, à défaut d'acte, à la date d'entrée en possession du bien de la personne lésée ».
Cette précision était nécessaire pour apaiser les relations entre les exploitants agricoles et certains néoruraux. Si notre campagne est belle et apaisante, elle est parfois perçue, à tort, par certains urbains qui souhaitent quitter le tumulte des villes, comme un espace vide de toute nuisance. Nous devons prendre conscience collectivement qu'il existe des nuisances à la campagne comme en ville. Le coq chante à l'aurore, la vache beugle, le canard cancane et le tracteur sillonne les chemins et les champs. Ce rappel peut faire sourire les élus des territoires ruraux, mais nous rencontrons tous des maires qui sont placés en position de médiateurs et obligés d'arbitrer des litiges liés au chant du coq, au bruit des tracteurs ou simplement à leur circulation sur les routes.
Je salue l'ensemble des élus des communes rurales pour leur travail quotidien en faveur du vivre-ensemble. Nous aurions pu parler de cela aussi, ainsi que des moyens que nous pourrions leur donner pour les accompagner dans cette mission. Bien qu'il ne change pas grand-chose, le groupe Socialistes et apparentés votera en faveur de ce texte.
« Chacun de nous est responsable de tout devant tous. » Fiodor Dostoïevski, en 1860, nous rappelait déjà que nous avions tous l'obligation de répondre du dommage causé à autrui et d'en assumer les conséquences, ce que notre droit définit précisément comme le principe de responsabilité civile.
Adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels était essentiel : c'est l'objectif de la proposition de loi de ma collègue Nicole Le Peih – dont je salue ici le talent et le travail de qualité –, qui a fait l'objet d'un travail en commission mixte paritaire.
S'il faut adapter ce droit, c'est parce qu'il ne repose pour l'essentiel que sur cinq articles du code civil, qui datent de 1804 et sont demeurés pratiquement inchangés. Les bouleversements humains, sociaux, économiques, scientifiques et technologiques qui ont eu lieu depuis ont fait évoluer son interprétation, ce qui a suscité une importante construction jurisprudentielle, élaborée depuis plus de deux siècles par la Cour de cassation. Par conséquent, la seule lecture des articles 1240 et suivants du code civil ne suffit plus à appréhender la réalité du droit français de la responsabilité civile ; elle peut même être source d'incertitude juridique pour l'ensemble des justiciables.
Ainsi, le droit existant prévoit une exception à la faculté d'être indemnisé en cas de préjudice lié à un trouble anormal du voisinage, lorsque ce préjudice résulte de l'activité « normale » d'une exploitation agricole ou commerciale, et que l'exploitation préexistait à l'installation du voisin qui s'en plaint. Toutefois, si cette exception est prévue dans notre droit à l'article L. 113-8 du code de la construction et de l'habitation, la notion même de « trouble anormal du voisinage » reste jurisprudentielle. Il s'agit d'une création, dite prétorienne, des juges, en vertu du principe selon lequel « nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage ». Eu égard aux enjeux qu'elle soulève, cette notion doit donc être inscrite dans notre droit.
Par ailleurs, la proposition de loi a aussi pour objectif de concilier les préoccupations des mondes rural et urbain. Elle tend en effet à limiter les conflits de voisinage entre les nouveaux habitants d'un territoire et les acteurs – notamment économiques, culturels et touristiques – déjà établis sur celui-ci. L'article unique du texte inscrit donc dans le code civil la notion de trouble anormal du voisinage mais aussi l'exception au principe de responsabilité lorsque ce trouble résulte d'activités préexistantes à l'installation se poursuivant dans les mêmes conditions.
Le texte a été enrichi lors de son passage au Sénat : outre des modifications visant à clarifier l'acte juridique prouvant l'antériorité, les sénateurs ont inséré dans le code rural et de la pêche maritime une exonération particulière pour les activités agricoles. Suite à la CMP, où les échanges ont été de qualité, cette exonération est maintenue dans le texte qui nous est soumis. La responsabilité sans faute d'un exploitant agricole pourra être écartée dès lors que ses activités se seront « poursuivies dans les mêmes conditions » ou « sans modification substantielle de leur nature ou de leur intensité ». Il appartiendra alors au juge de déterminer ce qui relève ou non d'une modification substantielle. Nous avons ainsi abouti à une exonération à la fois protectrice des exploitations agricoles et respectueuse du droit de leurs voisins au recours.
En définitive, cette proposition de loi – qui n'exclut nullement, mon cher collègue Leseul, le recours à des mesures de médiation –, fruit d'un travail effectué en bonne intelligence avec la Chambre haute, permet une nécessaire évolution de notre droit positif, afin que chacun puisse vivre paisiblement à côté de son voisin. Le groupe Renaissance votera donc le texte avec conviction et enthousiasme.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Le texte soumis à notre vote vise à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels. Mais qu'est-ce que la responsabilité civile ? Elle peut se définir comme l'obligation de répondre de tout dommage causé à autrui et d'assumer les conséquences civiles qui en découlent, par le biais de la réparation. Nous traitons aujourd'hui de l'un de ces dommages : les troubles anormaux du voisinage, véritables fléaux qui empoisonnent littéralement les relations humaines. Le bruit de voisinage nocturne ou diurne constitue l'une de leurs manifestations les plus communes qui trouve ses racines dans un individualisme exacerbé et dans la perte totale du respect dû à autrui.
La notion de « trouble anormal du voisinage » est, il faut bien le reconnaître, une notion complexe, que nous ne devons en aucun cas sous-estimer si nous voulons l'appréhender pour ce qu'elle est vraiment. Elle repose sur plusieurs critères. Il faut d'abord définir un rapport de voisinage, entendu dans un sens très large : la proximité géographique importe moins que la portée de la gêne occasionnée. Ainsi, le rapport de voisinage peut être caractérisé dès lors qu'une personne, se trouvant sur son fonds, est incommodée par l'activité d'un tiers, même situé à plusieurs kilomètres.
La notion de trouble est elle aussi définie largement : elle vise tout comportement susceptible de produire une perturbation. Son champ est donc très varié : bruits, odeurs, pollutions, perte de vue dégagée ou d'ensoleillement. L'atteinte au caractère esthétique d'une zone géographique peut également être reconnue comme constitutive d'un trouble anormal du voisinage : peut être condamné à ce titre celui qui arrache des plantations pour y édifier, à leur place, un bâtiment.
Toutefois, si une telle notion, apparemment simple, est si mal comprise, c'est notamment parce que l'anormalité du trouble incriminé, qui doit être établie pour qu'une condamnation soit prononcée, est souvent difficile à estimer. En effet, contrairement à une idée reçue, il ne suffit pas toujours, pour démontrer son caractère anormal, d'analyser le trouble en lui-même : il faut aussi tenir compte du contexte environnemental dans lequel il se manifeste. Un comportement venant troubler la tranquillité du voisinage ne sera aucunement condamné s'il apparaît comme normal aux yeux des magistrats. Son anormalité doit en effet être appréciée souverainement par les juges du fond en fonction des circonstances de temps et de lieu, donc de l'environnement dans lequel il s'inscrit. Ainsi, comme cela a été dit, un chant de coq ne constituera pas un trouble anormal du voisinage s'il se produit dans une commune rurale et éloignée du centre-ville, même s'il gêne certains riverains.
Par ailleurs, quand bien même un trouble anormal du voisinage serait caractérisé, on pourra opposer à celui qui s'en plaint l'argument suivant : il aurait dû le déceler au moment de son installation dans la zone de la nuisance. Une telle exception ne vaut toutefois que si l'activité en cause existait antérieurement et n'a pas subi de modifications postérieures à l'installation du plaignant dans le voisinage.
Cette exception relative à la pré-occupation, vivement débattue dans le domaine juridique, a toutefois été fortement atténuée par la Cour de cassation qui, dans un arrêt du 10 juin 2004, considère que cette règle n'est pas applicable aux activités ne faisant l'objet d'aucune réglementation. Ainsi, les juges ont pu décider qu'un golf, activité non soumise à réglementation, ne pouvait se prévaloir d'une exception de pré-occupation pour s'exonérer de sa responsabilité en cas de trouble anormal du voisinage résultant de l'exercice régulier de son activité.
La jurisprudence, c'est bien ; l'inscription claire et nette des principes dans la loi, c'est mieux. C'est pourquoi je souscris, ainsi que le groupe Rassemblement national, à cette initiative. Je voterai cette proposition de loi.
Nous sommes réunis pour examiner une proposition de loi qui prétend apporter une solution aux conflits de voisinage, répondre aux préoccupations du monde rural et protéger les agriculteurs de poursuites abusives. Certes, l'idée de consacrer dans le code civil le principe des troubles anormaux du voisinage, une jurisprudence bien établie depuis près de quatre décennies, peut sembler judicieuse. En théorie, cela assurerait une application uniforme de la loi sur l'ensemble du territoire, garantissant sécurité juridique et clarté des règles.
Mais voilà, en même temps que vous inscrivez ce principe de responsabilité dans la loi, vous introduisez un ensemble d'exceptions qui, le vidant de sa substance, permettront à des exploitants de poursuivre des activités nuisibles sans en être tenus responsables. Une fois de plus, vous vous faites ici les relais des lobbys de l'agriculture intensive, au détriment de l'intérêt général.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
En effet, selon le texte, les victimes de troubles anormaux de voisinage ne pourront être indemnisées si le trouble en question provient d'une activité antérieure à leur installation et est conforme à la réglementation. D'ailleurs, vous insistez : cette exception s'appliquera à toute activité, « quelle qu'en soit la nature ».
Sur le fondement d'une telle exception, une fois de plus, les jugements iront dans un seul sens : ils exonéreront systématiquement les industriels de leur responsabilité, quelles que soient la nature et la gravité du préjudice.
Concrètement, un nouvel arrivant ne pourra plus jamais se plaindre de la pollution si l'industrie qui l'avoisine polluait déjà avant son arrivée. Nous ne pourrons plus agir si la pollution était déjà là ! Vous entérinez ainsi la possibilité de continuer à polluer là où l'on a toujours pollué sans que personne – jusque-là – ne s'en plaigne. Voilà le sens du texte que vous soumettez à notre vote !
M. Antoine Léaument applaudit.
Fake news !
Le texte permettra à l'agriculture intensive de s'étendre, malgré ses externalités polluantes, mais aussi d'assouplir les contraintes relatives à la constructibilité des terres, un terrain constructible pouvant valoir dix fois le prix d'une terre agricole. Avec vous, pollueurs et spéculateurs gagnent sur tous les tableaux ; c'est tout simplement inacceptable.
Les sénateurs sont allés encore plus loin en exonérant de responsabilité l'exploitant agricole dès lors qu'il n'a pas apporté de « modification substantielle » à la nature ou à l'intensité de son activité agricole. Vous alimentez la caricature d'un face-à-face entre des agriculteurs présumés victimes et des néoruraux présumés dangereux.
Vos propos, monsieur le ministre, évoquant des citadins qui « emmerde[nt] » les agriculteurs et encombrent les tribunaux,…
…en sont la preuve, alors même que le rapport de la commission des affaires culturelles de notre assemblée, du 22 janvier 2020, sur la proposition de loi visant à définir et protéger le patrimoine sensoriel des campagnes françaises, souligne la difficulté de quantifier le phénomène judiciaire des troubles de voisinage, faute de données fiables.
Vous occultez complètement les milliers de ruraux qui habitent la campagne depuis des générations
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES
et qui, eux aussi, se plaignent de la mise en danger de leurs conditions de vie par un modèle agricole que vous défendez.
Aïe aïe aïe !
Ce sont tous les habitants, y compris les paysans, et pas seulement les néoruraux, qui subissent les effets de l'industrialisation agricole !
En réalité, une fois de plus, votre proposition de loi ne protège ni les néoruraux, ni les agriculteurs : elle est un gage pour les industriels polluants. Un tel texte est écologiquement indéfendable, tant il va à l'encontre des enjeux environnementaux et tend à pérenniser les situations nuisibles à l'environnement.
Au lieu de dissuader les industriels de continuer à polluer sans penser aux conséquences, et alors même que l'on connaît les impacts désastreux sur le changement climatique et la vie humaine, vous restreignez le droit à la réparation des habitants de la ruralité. Au lieu de contraindre, vous légitimez voire encouragez les pollueurs à continuer. Comme l'a justement souligné Stéphane Galais, secrétaire national de la Confédération paysanne, cette proposition de loi « populiste et binaire » dresse « les agriculteurs contre les écolos et les néoruraux », au lieu de « les relier autour d'un projet de relocalisation alimentaire » utile à l'ensemble du pays.
M. Antoine Léaument applaudit.
En conclusion, monsieur le ministre, cette loi, prétendument conçue pour défendre la ruralité, octroie un permis de polluer aux industriels et aux grands exploitants.
Votre gouvernement restera dans l'histoire comme celui qui fut condamné à plusieurs reprises pour inaction climatique et pour avoir insuffisamment lutté contre la pollution de l'air. L'arrestation, ce matin, de plusieurs militants écologistes mobilisés contre Lafarge, illustre votre action permanente au service des lobbys.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Ici, une loi pour exonérer les pollueurs ; ce matin, l'usage des moyens de l'antiterrorisme pour diaboliser les mobilisations contre ceux dont vous protégez les intérêts.
Face au désastre écologique multiforme qui menace l'avenir et la survie de l'espèce humaine, nous sommes pour une bifurcation écologique radicale,…
…dans l'intérêt de notre communauté humaine et de notre planète. Alors que vous servez les intérêts des pollueurs, nous servons l'intérêt du peuple. C'est pourquoi nous voterons contre ce texte !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Bravo, deux députés LR parmi nous ! C'est deux de plus que jeudi pour le texte en faveur du revenu des agriculteurs.
La proposition de loi dont nous achevons aujourd'hui l'examen vise à moderniser le droit de la responsabilité civile, lequel repose sur cinq articles du code civil qui n'ont pas évolué depuis leur entrée en vigueur en 1804. Elle vise à introduire dans ce code le principe de responsabilité fondée sur les troubles anormaux de voisinage, consacré par la jurisprudence, afin qu'il puisse être appliqué uniformément sur l'ensemble du territoire.
Ce texte apportera une réponse aux batailles de voisinage qui se multiplient dans nos campagnes.
Je pense notamment au cas emblématique d'un éleveur de mon département de l'Oise, Vincent Verschuere, condamné à verser 100 000 euros de dommages et intérêts à ses voisins plaignants au motif que l'extension de son exploitation causait des nuisances visuelles et olfactives. Il a pu faire face à cette sanction grâce à la solidarité des habitants de l'Oise et des élus, qui se sont mobilisés à ses côtés.
Le législateur a décidé d'agir afin d'éviter que ces situations ne se multiplient et ne viennent fragiliser encore un peu plus nos exploitations agricoles. À l'issue de l'examen de la proposition de loi, je me félicite que députés et sénateurs soient parvenus à construire un texte équilibré qui protège la liberté d'entreprendre et la jouissance des biens. L'objectif est clair : restreindre les recours pour trouble anomal de voisinage, c'est-à-dire limiter le nombre de contentieux engagés par ceux qui s'installent dans un environnement rural qu'ils ont souvent fantasmé, sans en accepter les spécificités.
Absolument !
Le chant du coq, les odeurs à proximité d'une exploitation, le bruit des tracteurs et des moissonneuses, ou encore le son des cloches, font partie intégrante de la ruralité et ne peuvent pas être sans cesse remises en cause par des nouveaux arrivants.
Il est d'autant plus important de protéger nos agriculteurs contre les actions et les recours abusifs que le monde agricole est en proie à un véritable sentiment d'abandon, qui s'est encore exprimé au mois de février dernier.
Enfin, ce texte permettra d'aider les maires à désamorcer les conflits de voisinage et contribuera à désengorger les tribunaux, qui en ont bien besoin.
Très bien !
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera en faveur de ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Le texte que nous examinons aujourd'hui vise à consacrer une jurisprudence constante relative à la responsabilité civile. Plus précisément, il s'agit, d'une part, d'introduire dans le code civil le principe de responsabilité sans faute en cas de troubles anormaux du voisinage et, d'autre part, de consacrer les exceptions à cette règle. Ce texte est le fruit d'un travail transpartisan que le groupe Démocrate est fier de défendre. J'insiste sur cette belle preuve de coopération dans l'espoir de vous inciter à soutenir une proposition de loi qui, loin de diviser – comme le voudrait la famille « contre tout » qui siège à l'extrême gauche de cet hémicycle –, promeut véritablement le vivre-ensemble dans nos campagnes.
Si je soutiens cette proposition de loi, c'est parce qu'elle témoigne d'une meilleure compréhension des enjeux ruraux contemporains et d'une détermination à répondre aux inquiétudes de nos concitoyens. Ainsi, son application permettra de mieux accompagner nos agriculteurs face aux défis de la cohabitation, et ce de façon uniforme sur l'ensemble du territoire. Concrètement, il s'agit de sécuriser davantage les secteurs industriels et artisanaux qui font la fierté de nos campagnes, en garantissant la pérennité de leurs activités, mais aussi et surtout d'apaiser les conflits de voisinage, notamment entre agriculteurs et néoruraux.
Si le droit de jouir paisiblement de sa propriété est important, nous ne pouvons pas, pour autant, ignorer le contexte spécifique qui peut entourer les conflits de voisinage. En ville, on s'habitue aux voisins fêtards, aux sirènes des pompiers, à la pollution ambiante. De la même façon – et aussi curieux que ce rappel puisse paraître –, à la campagne, il faut s'habituer aux sons de la nature, à l'odeur du bétail et aux bruits des activités agricoles, qui sont essentielles à notre santé et à notre souveraineté alimentaire. Le respect de la nature et la question de la transition écologique ne se réduisent pas à l'achat de produits bio au supermarché : à la campagne, des femmes et des hommes travaillent sans interruption pour nous permettre de consommer des produits de qualité.
Dans ma circonscription, qui est à la fois rurale et attrayante pour nombre de nos concitoyens d'Île-de-France, j'ai constaté qu'il devenait nécessaire d'imaginer une nouvelle pédagogie et de nouvelles formes d'arbitrage entre les agriculteurs, maillon crucial de notre société, et les néoruraux ou citadins en quête d'une résidence secondaire. C'est précisément l'objet de ce texte, qui s'inscrit dans la continuité des six années d'engagement de la majorité en faveur d'une agriculture mieux valorisée et solidaire.
C'est pourquoi nous saluons l'introduction d'une exonération spécifique, dorénavant mieux sécurisée juridiquement, pour les activités agricoles. Cette exception au principe de trouble anormal de voisinage, fondée sur la théorie de la pré-occupation, permettra aux agriculteurs de poursuivre leurs activités agricoles librement, à condition de le faire dans les mêmes conditions que précédemment ou sans modification substantielle. Le juge pourra alors écarter toute responsabilité dans les cas où l'activité est antérieure à l'origine du trouble, ou bien lorsque le respect de la législation en vigueur est assuré.
Un citoyen ne pourra donc pas, en bonne conscience, s'installer à proximité d'un lieu bruyant ou odorant puis se plaindre d'un trouble anormal ou d'une nuisance qui existait avant son emménagement : ce serait faire preuve de mauvaise foi. Il appartiendra donc à la justice de trouver un équilibre entre la protection des exploitations agricoles et le respect du droit au recours des voisins – une harmonie que nous encourageons avec cette proposition de loi. Tant que nous bénéficierons des efforts de nos agriculteurs, qui assurent notre souveraineté alimentaire, il nous faudra apprendre à vivre avec l'odeur du foin, le bruit du tracteur et les chants du coq Maurice ! Il nous faut adapter le droit afin de favoriser le vivre-ensemble sans compromettre nos activités rurales.
Après des semaines de contestations agricoles, il est temps de mener une politique d'apaisement et d'accompagnement dans les territoires, d'autant qu'en tout état de cause, ce texte aura vocation à s'appliquer à toutes les relations de voisinage et permettra de poser les conditions du vivre-ensemble – raison pour laquelle je vous encourage à le soutenir. Le groupe Démocrate, pour sa part, le fera.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem, ainsi que sur les bancs des commissions.
Adapter le droit aux bouleversements sociaux contemporains n'est jamais chose aisée. C'est d'autant plus vrai lorsqu'il s'agit de s'attaquer au droit de la responsabilité – sans doute un des pans du droit civil qui suscite le plus d'intérêt et de débats, tant ses conséquences sur la vie quotidienne de nos concitoyens sont à la fois particulièrement sensibles et aisément perceptibles.
Le texte qui nous est proposé ce jour, et qui vise à codifier une notion jurisprudentielle rendue célèbre par les moqueries qu'elle a pu susciter, est indubitablement bienvenu. Alors que nous faisons face à une judiciarisation croissante des problèmes de voisinage, la proposition de la rapporteure, notre collègue Nicole Le Peih, répond de manière claire et équilibrée à un problème auquel chacun d'entre nous peut être confronté. Le dispositif prévu, ainsi que la clause exonératoire qui lui est associée, fondée sur la théorie de la pré-occupation – laquelle repose elle-même sur trois critères –, est réaliste.
Le groupe Horizons et apparentés, que je représente aujourd'hui, est certain que, loin de remettre en question la souveraineté du pouvoir judiciaire, le texte permettra de réduire l'incertitude à laquelle les justiciables sont confrontés en homogénéisant l'application de ces règles sur le territoire.
Je dois reconnaître que, lors de son examen en première lecture à l'Assemblée, notre groupe s'était inquiété de cette conception procédurière des rapports sociaux et de cette tendance à la production excessive de normes. Depuis son passage au Sénat, qui a permis l'introduction d'un régime spécifique pour les activités agricoles – je remercie d'ailleurs ici les sénateurs Françoise Gatel et Laurent Duplomb pour leurs apports précieux –, ces réserves ne sont plus d'actualité, bien au contraire : parce qu'il définit précisément les conditions de l'exonération de responsabilité pour les agriculteurs, ce texte nous paraît désormais primordial. En effet, le compromis trouvé permet de respecter la liberté d'entreprendre des exploitants agricoles et de protéger nos agriculteurs des conséquences délétères d'actions en justice abusives.
Les oppositions ont tenté – et tentent toujours – de réduire ce texte à une défense caricaturale du monde rural face à l'arrivée des néoruraux dans nos campagnes.
M. Antoine Léaument s'exclame.
On accuse ainsi la majorité de traiter les inquiétudes agricoles de manière populiste et électoraliste. Permettez-moi de m'inscrire en faux : ce texte répond à une attente légitime du monde agricole. Il tend à mettre un terme à des procès abusifs qui grèvent la vie économique de notre pays et contribuent au malaise des exploitants. Si nous débattons aujourd'hui, c'est uniquement en raison d'un excès : celui de certains nouveaux habitants lorsqu'ils en viennent à saisir la justice, à l'instrumentaliser et à s'opposer à des exploitations qui étaient là bien avant leur arrivée.
Je ne vous apprendrai rien en vous disant que le groupe Horizons et apparentés est particulièrement soucieux des problèmes auxquels sont confrontés les élus locaux. Même si vous connaissez mon tropisme, je vous assure que je ne suis pas obnubilé par les collectivités territoriales et que je ne vois pas tout à travers ce prisme.
Sourires.
Il se trouve simplement que cette question concerne aussi les maires, bien souvent en première ligne du règlement de ces conflits de voisinage, qui interpellent et accaparent tous les maillons de l'échelon local en ralentissant son bon fonctionnement.
Enfin, ces conflits alimentent l'idée, à laquelle le groupe Horizons refuse de souscrire, d'une rupture du lien entre le monde agricole et une partie des Français. Dans un contexte de crise agricole, nous croyons qu'il est important de dire et de redire aux agriculteurs que nous sommes à leurs côtés pour défendre des solutions pragmatiques et efficaces.
Bien sûr !
Cette proposition de loi ne tend pas à répondre à l'ensemble des préoccupations de ceux qui dédient leur vie professionnelle – et bien trop souvent leur vie personnelle –, à nous nourrir. Elle n'en demeure pas moins indispensable pour ramener la sérénité dans nos rapports sociaux.
Vous l'aurez compris, soucieux de préserver l'harmonie des relations entre nos concitoyens, le groupe Horizons votera évidemment en faveur de ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE, ainsi que sur les bancs des commissions.
La question des troubles du voisinage est aussi vieille que les sociétés humaines. Les efforts entrepris pour concilier les intérêts contradictoires ont toujours existé. C'est à juste titre que les tribunaux judiciaires ont dégagé, dès le milieu du XIX
C'est pourtant le piège dans lequel nous tombons avec cette proposition de loi, dont les défenseurs s'abritent derrière le paravent d'une image d'Épinal de la ruralité. Ce texte est présenté comme une adaptation de la responsabilité civile aux enjeux actuels, comme si les troubles de voisinage en milieu rural étaient un problème majeur, alors que les chiffres de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) révèlent que le nombre de décisions judiciaires en la matière reste stable. C'est en réalité un prétexte assez grossier pour faire obstacle au droit à un environnement sain.
Nous sommes en désaccord avec ce texte, pour deux raisons. D'abord, il élargit inutilement le champ d'application de la cause légale d'irresponsabilité, introduite dans notre droit en 1976 pour tenir en échec les recours lorsque l'activité en cause est licite et antérieure à l'installation des voisins. Ce privilège d'antériorité semble frappé au coin du bon sens : celui qui s'installe à proximité d'une installation nuisible ou polluante ne pourrait finalement s'en prendre qu'à lui-même. « Si l'on choisit la campagne, on doit l'accepter telle qu'elle est », pour reprendre les mots du garde des sceaux. Mais, à y regarder de plus près, cette clause exonératoire de responsabilité présente le défaut majeur de sacrifier l'exigence de justice sur l'autel de la défense de l'ordre établi. Elle crée une forme de propriété éminente au profit du plus ancien, qui se comporte alors comme un seigneur bénéficiant du privilège de détériorer la qualité de vie de ses voisins sans compensation, juste parce qu'il était là avant.
Et qu'il bosse !
Au surplus, cette disposition condamne de facto des habitants à vivre dans un environnement dégradé, qui ne respecte ni leur santé ni leur équilibre écologique.
On est sur Mars !
Nous ne pouvons donc que nous opposer à l'élargissement du champ d'application de ce que nous considérons comme une anomalie juridique.
La seconde raison qui nous empêche de soutenir ce texte est la protection spéciale accordée aux agriculteurs par le Sénat, protection qui leur permettrait d'échapper à la justice même si leur activité évolue, et non pas simplement s'ils souhaitent la maintenir.
C'est lunaire !
Ce serait aller bien au-delà du privilège d'antériorité, puisqu'on octroierait ainsi un privilège catégoriel, au motif qu'il faudrait, pour citer le Premier ministre, « mettre l'agriculture au-dessus de tout ».
Cette rupture d'égalité ne se justifie pas, va très clairement à l'encontre du droit au recours, et apparaît comme anachronique à l'heure où nous devrions nous concentrer sur la concrétisation du droit à un environnement sain. Tout cela est alimenté par une image de carte postale, selon laquelle on pourrait opposer ceux qui travaillent, c'est-à-dire les agriculteurs – comme vous venez d'ailleurs de l'affirmer, monsieur le ministre –, à ceux qui profitent, c'est-à-dire les néoruraux. C'est sous cet angle simplificateur qu'est présenté le problème alors que chacun sait que les actions en justice sont le plus souvent conduites par les ruraux eux-mêmes.
Certaines affaires judiciaires sont clairement instrumentalisées, ce qui est d'autant plus regrettable qu'elles sont la plupart du temps mal comprises. Je pense notamment à la récente affaire de l'agriculteur de l'Oise, condamné à verser des dommages et intérêts à ses voisins – un cas évoqué à plusieurs reprises lors des débats au Sénat, mais de manière tronquée, puisque rien n'a été dit des motifs qui ont conduit le juge à adopter cette solution. En l'occurrence, le tribunal judiciaire ne pouvait que constater le trouble anormal de voisinage, puisque le permis de construire dont l'agriculteur se prévalait était illégal et avait été annulé par la justice administrative quelques années plus tôt, pour atteinte à la salubrité publique.
Nous sommes évidemment pour le chant du coq et pour les agriculteurs, mais nous sommes contre le fait de prendre les Français pour des pigeons. Le groupe Écologiste votera donc contre ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Adopté en première lecture par notre assemblée au début du mois de décembre, le texte qui nous occupe entend consacrer le principe jurisprudentiel de la responsabilité fondée sur les troubles anormaux de voisinage. Il institue par ailleurs une exception générale, tirée de la théorie de la pré-occupation, à ladite responsabilité afin de trouver un meilleur équilibre entre les intérêts en présence.
Est-il utile d'inscrire dans la loi un régime de responsabilité qui fonctionne même s'il résulte d'une création prétorienne ? Cette question se pose depuis que nous avons commencé à débattre de la proposition de loi.
M. le garde des sceaux nous a indiqué en première lecture qu'« introduire ce principe général dans le code civil le rendra plus accessible et renforce la sécurité juridique du droit français, tout comme l'égalité de nos concitoyens devant la loi ».
Nous ne sommes pas convaincus par cette argumentation. En vérité, si nous inscrivons aujourd'hui dans le code civil le principe selon lequel chacun a le droit de jouir paisiblement de sa propriété, de son logement, de son fonds et a droit à réparation du préjudice qu'il subit en cas de trouble anormal du voisinage, c'est uniquement pour faire valoir une exception générale à ce principe tiré de la théorie dite de la pré-occupation.
Cette exception est calquée sur les dispositions de l'article L. 113-8 du code de la construction et de l'habitation aux termes desquelles « les nuisances dues à des activités agricoles, industrielles, artisanales, commerciales, touristiques, culturelles ou aéronautiques, n'entraînent pas droit à réparation lorsque le permis de construire […] a été demandé […] postérieurement à l'existence des activités les occasionnant dès lors que ces activités s'exercent en conformité avec les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur et qu'elles se sont poursuivies dans les mêmes conditions. »
Le texte que vous nous proposez prévoit ainsi qu'aucune des activités « quelle qu'en soit la nature » existant avant l'installation de celui qui se plaint de trouble anormal du voisinage n'engage la responsabilité de l'auteur des troubles dès lors qu'elle s'exerce « dans les mêmes conditions ou dans des conditions nouvelles qui ne sont pas à l'origine d'une aggravation du trouble anormal ».
Disons-le nettement, cette rédaction n'est pas pleinement satisfaisante.
Depuis l'origine, ce texte vise à répondre aux préoccupations du monde rural. Sa motivation principale est d'éviter la multiplication des actions en justice engagées par de nouveaux arrivants ayant acquis une propriété à la campagne. Ainsi que le rappelait, en première lecture, mon collègue André Chassaigne : « Il est fréquent de voir des situations dégénérer, alors que le litige repose à l'origine sur des raisons futiles. »
Combien de chants de coq, de cloches annonçant l'angélus, de bruits d'engins agricoles, d'odeurs d'excréments émis par des animaux d'élevage sont-ils à l'origine de batailles juridiques interminables ?
Nous partageons votre souci d'y mettre un frein.
Il reste que la rédaction proposée et l'ajout d'une clause exonératoire au profit des agriculteurs pour les troubles causés par « la mise en conformité de l'exercice de [leurs] activités aux lois et aux règlements, ou sans modification substantielle de leur nature ou de leur intensité » soulève des interrogations. Ne sera-t-elle pas de nature à générer des effets de bord, à nuire aux intérêts légitimes des riverains, à constituer un nouveau nid à contentieux ?
Nous restons en tout état de cause assez perplexes sur l'utilité et sur les motivations cachées de ce texte qui tend à faire prévaloir les enjeux économiques sur la qualité de vie et le bien-être de nos concitoyens.
Pas du tout !
S'il s'entoure de précautions suffisantes, la pente n'en est pas moins dangereuse : il n'y a qu'un pas entre la défense légitime du principe de pré-occupation et l'érection de l'activité économique en totem d'immunité.
Afin d'éviter que certaines situations ne tournent au drame lorsque des acquéreurs ont investi toutes leurs économies dans un achat immobilier et se retrouvent prisonniers d'une situation non voulue, nous restons convaincus qu'il aurait été souhaitable de privilégier une autre approche. Nous aurions pu, par exemple, systématiser la pratique de certaines études notariales qui imposent aux futurs acquéreurs d'accomplir toutes les diligences utiles et nécessaires afin de s'informer sur l'environnement proche du bien acheté, notamment sur les éventuelles nuisances liées à des activités industrielles, artisanales, agricoles ou sportives. C'était d'ailleurs l'objet de l'un de nos amendements de première lecture.
En conclusion, si nous ne sommes pas dupes de certains sous-entendus de ce texte, nous confirmons notre vote en sa faveur.
Sur l'ensemble de la proposition de loi, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Olivier Serva.
Dans la vie, il y a parfois des moments difficiles, mais il y a aussi des moments plus sympathiques : tel est le cas aujourd'hui où l'affaire du coq Maurice s'invite d'une certaine manière dans notre hémicycle ! Cette affaire d'un coq qu'on avait voulu punir pour son chant est sans doute la plus connue, la plus emblématique et la plus médiatisée – elle fut couverte par près de 300 journaux, régionaux et même étrangers – des très nombreux litiges pour troubles anormaux du voisinage examinés chaque année par nos juges.
Chez moi en Guadeloupe, à Bouillante, un livreur de pain accusé de nuisances sonores causées par le klaxon qu'il utilisait pour prévenir sa clientèle de sa présence s'est vu confisquer son véhicule, et, à Sainte-Anne, un temple hindou, installé depuis cent soixante-six ans, a été attaqué en justice par le voisinage pour nuisances sonores.
Il est coutume de dire que vivre à la campagne comporte de très nombreux avantages. Il existe cependant quelques inconvénients qu'il convient que chacun supporte en bonne intelligence. Lorsqu'on s'installe en zone rurale, il faut savoir respecter un certain nombre de valeurs et, en particulier, l'authenticité de ces territoires.
Cependant il arrive de plus en plus fréquemment qu'aucun terrain d'entente ne puisse être trouvé entre voisins ! Derrière l'augmentation du nombre d'actions judiciaires, se profile une confrontation à peine cachée entre le monde rural et le monde urbain. Si l'opposition n'est pas nouvelle, force est de constater que les effets de l'étalement urbain et de l'arrivée de ce que certains appellent les « néoruraux » se font de plus en plus ressentir. Il n'est guère étonnant que cela produise des conflits de voisinage.
Ainsi que notre rapporteure l'a rappelé, le droit en vigueur résulte d'une jurisprudence bien établie et ne sera pas brusquement remis en cause par le texte dont nous discutons. La Cour de cassation a consacré en 1986 l'adage selon lequel « nul ne doit causer à autrui un trouble anormal du voisinage ».
Le régime prétorien construit et développé par les juridictions paraît fonctionner correctement depuis près de quarante ans. On pourrait donc estimer que cette proposition de loi n'a qu'une faible valeur ajoutée.
Toutefois, s'il est vrai qu'elle reprend, en tentant de l'adapter, la définition du trouble anormal, c'est-à-dire du trouble qui excède celui qu'on peut normalement attendre et tolérer de ses voisins, elle a le mérite de codifier ce droit pour le sécuriser. La création d'un nouvel article dans le code civil est chose rare et n'a rien d'anodin.
La création d'un nouvel article 1253 du code civil contribuera à harmoniser le droit dans nos territoires en évitant des divergences trop fortes dans le traitement des litiges entre nos concitoyens.
Ce texte constitue aussi une avancée essentielle pour nos agriculteurs. Son principal intérêt réside dans la consécration d'un régime adapté pour les activités agricoles, ce qui fait progresser notre droit. Alors que le monde agricole fait face à de multiples normes et règles et que les exploitants doivent aussi faire attention aux relations de voisinage, les agriculteurs éviteront grâce à ce texte de voir leur responsabilité engagée tant que leur activité se poursuit avec la même intensité ou sans « modification substantielle » depuis l'installation des voisins venant à se plaindre d'un trouble.
Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires souscrit pleinement à cette avancée.
L'objectif n'est pas d'opposer de manière caricaturale campagne et ville mais d'établir un cadre juridique équilibré. Certes, la quiétude est un sentiment précieux, certes, il faut continuer à lutter contre les nuisances sonores, cependant, cette lutte ne doit pas tomber dans l'excès au point de désirer un environnement neutre, épuré de toute trace de vie.
Au-delà de son contenu juridique, cette proposition de loi contient un message politique fort. Elle permet que la loi énonce clairement que, lorsque l'on s'installe à la campagne ou dans tout autre lieu de résidence, on se doit d'en accepter les éléments d'identité quand bien même certains les considéreraient comme des contraintes.
Le groupe LIOT votera donc pour ce texte.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 53
Nombre de suffrages exprimés 53
Majorité absolue 27
Pour l'adoption 46
Contre 7
L'ensemble de la proposition de loi est adopté.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures.
Le projet de loi de ratification de l'ordonnance du 24 mai 2023 s'inscrit dans une démarche de clarification et d'harmonisation, pour rendre le droit domanial plus lisible et plus facilement applicable en Polynésie.
Je veux en premier lieu remercier Hadrien Ghomi, rapporteur de la commission des lois, pour son travail sur ce texte et pour les auditions qu'il a menées dans ce cadre. Je tiens aussi à saluer le travail des sénateurs, qui a conduit à l'adoption du texte en première lecture à l'unanimité par la Chambre haute le 14 mars.
Pendant longtemps, la législation domaniale en Polynésie française a souffert d'un manque de clarté dû à la multiplicité des régimes en vigueur et à la diversité des types de domaines concernés.
Depuis 1977, la Polynésie française détient la propriété de son domaine, à la suite du transfert par l'État de l'intégralité de son domaine public maritime, à l'exception des zones réservées à l'exercice de sa souveraineté, notamment celles employées par la marine nationale.
Bien que jouissant d'une grande autonomie en matière de gestion domaniale, l'État et ses établissements publics continuent néanmoins à disposer d'un important domaine public, incluant des infrastructures de transport telles que des aérodromes ou des ports, des tribunaux, des écoles ainsi qu'un domaine privé.
Au cours du quinquennat précédent, le Parlement a adopté la loi organique du 5 juillet 2019 qui modifie le statut d'autonomie de la Polynésie française dans le but de simplifier le droit en vigueur. Ce texte donne compétence à l'État pour étendre au territoire polynésien les règles applicables à son domaine privé et à celui de ses établissements publics, tout en soumettant les dispositions législatives et réglementaires correspondantes au régime de l'applicabilité de plein droit. En outre, il a eu pour effet d'étendre le régime d'applicabilité de plein droit aux dispositions législatives et réglementaires relatives au domaine public des établissements publics de l'État, alignant ainsi le régime d'applicabilité de ces dispositions sur celui qui prévalait pour le domaine public de l'État.
Ainsi, depuis 2019, les règles relatives au domaine public et au domaine privé de l'État et de ses établissements publics sont applicables de plein droit en Polynésie française. En résumé, en alignant la situation sur celle des autres collectivités d'outre-mer, la loi de 2019 harmonise les règles en vigueur et octroie à l'État le pouvoir de définir les réglementations concernant son domaine privé ainsi que le domaine de ses établissements publics en Polynésie française.
Il restait néanmoins à mettre le code général de la propriété des personnes publiques – ou CG3P – en cohérence avec ces nouvelles dispositions. Nous devons en effet à la Polynésie et à nos collectivités d'outre-mer un droit de qualité et facile à appliquer – je sais que nombreux sont les députés sur ces bancs qui y sont attachés. C'est à cet objectif que répond l'ordonnance du 24 mai 2023 que je vous propose de ratifier.
Cette ordonnance s'inscrit dans le prolongement de la démarche de codification du droit domanial applicable à l'outre-mer qui avait été entreprise par l'ordonnance du 28 septembre 2016, modifiant la cinquième partie du CG3P qui contient les dispositions relatives à l'outre-mer. L'ordonnance de 2016 avait opéré une refonte de cette cinquième partie afin de rendre plus lisible le droit domanial dans les collectivités concernées et d'en faciliter l'application. Les règles relatives au domaine privé de l'État en Polynésie française n'avaient pu, cependant, entrer dans le champ de cet exercice, le Conseil d'État ayant rendu, le 15 septembre 2016, un avis dans lequel il estimait que l'État n'était compétent que pour son domaine public et celui de ses établissements publics.
L'ordonnance traduit dans le livre VI de la cinquième partie législative du CG3P, consacré à la Polynésie française, la nouvelle répartition des compétences entre l'État et cette collectivité opérée par la loi organique du 5 juillet 2019. Elle permet de compléter la partie législative de ce code consacrée à l'outre-mer, en renforçant, tant pour les praticiens que pour les usagers, la cohérence et la lisibilité des règles de droit domanial applicables en Polynésie française.
Cette ordonnance est prise sur le fondement de l'article 74-1 de la Constitution, qui confère au Gouvernement une habilitation permanente pour étendre par ordonnances, dans les collectivités régies par l'article 74 et en Nouvelle-Calédonie, les dispositions législatives en vigueur en métropole dans les matières relevant de la compétence de l'État. L'ordonnance donne davantage de lisibilité au droit domanial en Polynésie française, dans le respect – j'y suis très attaché – des compétences de la collectivité.
Je veux en profiter pour souligner le travail de consultation qui a été mené, et je me félicite que l'assemblée de la Polynésie française ait exprimé un avis favorable sur la loi organique de 2019. Je sais que le dialogue se poursuivra avec la ministre déléguée chargée des outre-mer, Marie Guévenoux, que je veux aussi saluer.
À l'occasion de la discussion de ce texte, qui finalise la mise à jour de la partie législative du CG3P, je tiens également à souligner le travail important accompli par les agents de la DIE, la direction de l'immobilier de l'État. Parmi eux, je tiens en particulier à saluer – comme j'ai eu l'occasion de le faire lors de l'examen du texte au Sénat – l'engagement de Pierre Brun, administrateur des finances publiques adjoint, qui a consacré une grande partie de sa carrière à l'élaboration et à l'interprétation du CG3P.
En conclusion, l'ordonnance harmonise les règles applicables au domaine de l'État en Polynésie française. En créant un ensemble unifié, elle prévient les lacunes et les incohérences juridiques. Elle assure une conformité avec le droit polynésien en établissant une législation coordonnée avec les dispositions locales, évitant ainsi les contradictions. Pour toutes ces raisons, je vous invite à adopter ce projet de loi.
La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Nous sommes réunis pour examiner le projet de loi ratifiant l'ordonnance du 24 mai 2023 modifiant les dispositions du code général de la propriété des personnes publiques relatives à la Polynésie française.
En préambule, je tiens à remercier les services de la commission des lois, en particulier Adrien Gros pour le travail qu'il a réalisé à mes côtés.
Cette ordonnance rend l'État compétent pour définir les règles applicables à son domaine privé. Elle répare ainsi une omission du législateur, dans le champ de la loi organique comme de la loi ordinaire, et tire les conséquences des évolutions du statut de la Polynésie française intervenues en 2019 – vous y avez fait référence, monsieur le ministre.
Avant de présenter plus en détail le contenu de l'ordonnance, permettez-moi de rappeler brièvement le cadre juridique dans lequel elle s'inscrit. De manière générale, les biens qui appartiennent à l'État se répartissent entre son domaine public et son domaine privé.
Les biens du domaine public, tout d'abord, sont soumis à un régime exorbitant du droit commun, qui assure leur inaliénabilité et leur imprescriptibilité. Ils doivent être affectés soit à l'usage direct du public, soit à un service public, pourvu qu'ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à son exécution. Il s'agit principalement, en Polynésie française, d'équipements et d'installations de nature très diverse : aéroports, sites militaires, bâtiments d'enseignement supérieur ou encore tribunaux.
Quant aux biens du domaine privé, ils sont définis par opposition au domaine public : ce sont les biens dont l'État est propriétaire et qui ne relèvent pas du domaine public. Les biens du domaine privé sont principalement soumis aux règles du droit privé, même si le fait qu'ils appartiennent à une personne publique les rend incessibles à vil prix et insaisissables.
En Polynésie française, le domaine privé de l'État représente près de 12,5 kilomètres carrés. Il comprend essentiellement des immeubles de bureaux ou d'habitation, des terrains ou encore des bâtiments techniques. Ces biens sont détenus par les ministères civils ou par le ministère des armées, ainsi que par des opérateurs tels que Météo-France ou l'Ifremer, l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer.
Dans l'Hexagone et dans l'essentiel des territoires d'outre-mer – sous réserve de leurs compétences –, c'est le code général de la propriété des personnes publiques, entré en vigueur en 2006, qui organise les règles de la domanialité publique comme privée.
Toutefois, l'extension des règles intéressant les biens du domaine privé n'a pas été possible en Polynésie française, car le statut organique de 2004 ne prévoyait pas que l'État puisse légiférer sur son domaine privé ni sur celui de ses établissements publics.
En effet, en tant que collectivité d'outre-mer relevant de l'article 74 de la Constitution, la Polynésie française est régie par le principe de spécialité. Le statut organique adopté en 2004 prévoit ainsi que la Polynésie française dispose d'une compétence de principe dans toutes les matières à l'exception des plus régaliennes, tandis que l'État et les communes n'exercent que des compétences d'attribution.
En outre, dans les matières qui relèvent de la compétence de l'État, les dispositions législatives et réglementaires doivent comporter une mention expresse pour être applicables, sauf dérogation. Or, jusqu'à sa modification par la loi organique du 5 juillet 2019, et bien que l'État soit propriétaire de son domaine privé, le statut de la Polynésie française ne prévoyait pas que l'État puisse légiférer sur son domaine privé ni sur celui de ses établissements publics. L'État détenait une compétence d'attribution strictement limitée aux règles intéressant son domaine public.
Cette situation était doublement singulière. D'une part, elle présentait un caractère inhabituel au regard des régimes en vigueur dans les autres collectivités d'outre-mer, dans lesquelles l'État disposait généralement d'une compétence en matière de domanialité privée ; d'autre part, elle empêchait en pratique l'harmonisation avec le droit applicable dans l'Hexagone et dans les autres territoires ultramarins en matière de domanialité privée. Alors que le CG3P était entré en vigueur en 2006, et qu'il avait été étendu aux territoires ultramarins dix ans plus tard, le domaine privé de l'État en Polynésie française restait régi par les règles de l'ancien code du domaine de l'État.
La loi organique du 5 juillet 2019 a réparé cet oubli du législateur et a ouvert la voie à une mise en cohérence juridique en étendant les compétences de l'État aux règles intéressant son domaine privé, qui sont désormais applicables de plein droit.
Quatre ans plus tard, l'ordonnance dont la ratification est proposée à notre assemblée tire les conséquences des possibilités ouvertes par la loi organique de 2019.
L'ordonnance, qui comporte six articles, présente un double apport.
Premièrement, elle prévoit l'application de plein droit des dispositions du CG3P, non seulement au domaine public de l'État et de ses établissements publics en Polynésie française, mais également à leur domaine privé. Elle étend ainsi à la Polynésie française les nouvelles règles de la domanialité privée issues du CG3P et met fin, par conséquent, à l'application du code du domaine de l'État.
Deuxièmement, elle procède à plusieurs adaptations techniques afin d'assurer le respect des compétences que la loi organique réserve à la Polynésie française et des spécificités de ce territoire.
Je tiens à insister sur ce point : l'ordonnance s'inscrit dans le respect absolu des compétences de la Polynésie française telles qu'elles sont prévues par le statut. Elle n'empiète aucunement sur les compétences de la collectivité. La majeure partie de l'ordonnance s'attache, au contraire, à identifier précisément – on pourrait même dire, chirurgicalement – les dispositions qui ne pourront pas s'appliquer en Polynésie, ainsi que celles qui devront être adaptées.
Lors des auditions que j'ai conduites et lors de l'examen du texte en commission la semaine passée, la question des biens culturels maritimes a été soulevée. Je souhaite remercier les représentants de l'assemblée de la Polynésie française, ainsi que nos collègues Mereana Reid Arbelot et Tematai Le Gayic, pour leur participation à ces travaux. Leurs deux amendements que nous examinerons tout à l'heure me donneront de nouveau l'occasion, je l'espère, de rassurer les élus polynésiens. Je souhaite dès maintenant insister sur plusieurs points.
Premièrement, s'agissant de l'acquisition des biens publics culturels, l'ordonnance opère une codification à droit constant, dans le parfait respect des compétences de la Polynésie française prévues par le statut organique de 2004. Elle n'étend en aucun cas les compétences de l'État en la matière. Il faut rappeler que la notion de gisement mentionnée dans le code du patrimoine doit être comprise comme un gisement archéologique au sens de ce code, c'est-à-dire comme un navire entier et sa cargaison, par exemple, et non comme un gisement au sens du code minier : les gisements de ressources naturelles ne sont donc pas concernés. Il faut également rappeler que cette disposition s'appliquerait aux biens situés dans le seul domaine public de l'État, qui est résiduel en Polynésie française. J'ai rappelé en commission les éléments qui m'ont été transmis par les services des ministères concernés : le domaine maritime public de l'État en Polynésie comprend les zones de Moruroa et Fangataufa ainsi que la base navale de Fare Ute à Papeete.
Deuxièmement, la mesure de coordination prévue par l'ordonnance est utile, car en l'absence d'une telle précision, nous serions confrontés à une incertitude juridique préjudiciable, et même dommageable. Je demanderai donc le retrait des amendements précités.
Avant de conclure, je dirai quelques mots de la méthode suivie par le Gouvernement, à savoir le recours à une ordonnance au titre de l'article 74-1 de la Constitution. Cet article permet au Gouvernement d'étendre et d'adapter par ordonnances les dispositions de nature législative en vigueur dans l'Hexagone. Mais, à la différence des ordonnances prises en vertu de l'article 38, celles qui sont prises en vertu de l'article 74-1 doivent impérativement être ratifiées par le Parlement dans les dix-huit mois suivant leur publication, sous peine de devenir caduques. Cela préserve le rôle du Parlement, puisqu'il est nécessairement saisi du projet de loi de ratification. Il faut donc se féliciter de la méthode choisie, qui associe la souplesse nécessaire à des mesures techniques et à une application rapide, avec un contrôle parlementaire effectif au moment de la ratification.
En conclusion, le projet de loi de ratification que nous nous apprêtons à examiner clarifie les règles applicables au domaine privé de l'État en Polynésie française et contribue ainsi à l'accessibilité et à l'intelligibilité du droit dans cette collectivité. La commission des lois l'a adopté sans le modifier – vous l'avez rappelé, monsieur le ministre –, et je vous propose de faire de même aujourd'hui.
Ia ora na – bonjour à tous. Le projet de loi ratifiant l'ordonnance du 24 mai 2023 modifiant les dispositions du code général de la propriété des personnes publiques relatives à la Polynésie française appelle des remarques, tant sur la forme que sur le fond.
S'agissant de la forme, je rappellerai que l'ordonnance prise en mai 2023 n'a fait l'objet d'aucune consultation des autorités polynésiennes, alors que l'article 9 du statut de la Polynésie dispose que « l'assemblée de la Polynésie française est consultée […] sur les projets d'ordonnance pris sur le fondement de l'article 74-1 de la Constitution ». Cependant, en raison du contexte électoral de la Polynésie lors de la rédaction de ce projet d'ordonnance, l'organe législatif du pays, c'est-à-dire de la Polynésie, n'a pas pu se prononcer. Par conséquent, son avis favorable a de facto été présumé. On peut donc s'interroger sur la validité de cette procédure d'adoption.
S'agissant du fond, je ferai deux remarques essentielles. La première a trait au domaine public de l'État, plus particulièrement aux contours de son domaine public maritime en Polynésie. Actuellement, il n'existe plus de domaine public maritime de l'État dans cette collectivité, à l'exception des dépendances nécessaires à l'exercice de ses compétences en matière de défense et de sécurité. Mais selon l'ordonnance, l'État pourrait devenir propriétaire de certains biens culturels maritimes, tels que des gisements, épaves, vestiges ou d'autres biens présentant un intérêt préhistorique. Or en vertu de l'article 47 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, cette dernière est compétente pour réglementer et exercer « le droit d'exploration et le droit d'exploitation des ressources naturelles biologiques et non biologiques, notamment les éléments des terres rares », matériaux pouvant se révéler hautement stratégiques pour notre territoire. On comprendra que cette ordonnance pourrait entraîner un risque d'immixtion de l'État dans les compétences de notre pays. Dès lors, il conviendrait que l'État clarifie l'ensemble des zones publiques maritimes dont il pense être le propriétaire en Polynésie.
Ma seconde remarque tient à la notion de zone contiguë. Selon la procédure prévue à l'article L. 532-1 du code du patrimoine, l'État pourrait devenir propriétaire de biens culturels maritimes « qui sont situés dans le domaine public maritime ou au fond de la mer dans la zone contiguë ». Toutefois, une telle zone n'est mentionnée nulle part dans notre statut, et le pays – la Polynésie – reste jusqu'à présent le propriétaire des rivages de la mer, des eaux intérieures, des eaux territoriales ainsi que de la zone économique exclusive (ZEE), dans le respect des engagements internationaux. C'est pourquoi il serait bénéfique pour tous que l'État explicite enfin cette notion.
Te aroha ia rahi – Salutations à tous.
Disons-le d'emblée : c'est un projet de loi technique dont nous débattons, mais il est très important pour la Polynésie française. Les deux principaux enjeux de ce texte, bien que simples dans leur énoncé, sont complexes à atteindre : simplification juridique et respect des spécificités locales. M. le rapporteur a rappelé que depuis 1977, la Polynésie française est propriétaire de son propre domaine, auquel l'État a transféré l'entièreté de son domaine public maritime, à l'exception des dépendances affectées à l'exercice de sa souveraineté. Si cette collectivité d'outre-mer est donc particulièrement autonome en matière domaniale, l'État conserve la propriété d'un vaste domaine public, qui comprend des palais de justice, des ports et des écoles, mais également d'un domaine privé.
Cette présentation juridique peut paraître simple, mais sur le terrain, il n'en est rien : l'enchevêtrement des compétences dans les cinq archipels qui composent la Polynésie ne brille pas par sa clarté… Ce phénomène n'est d'ailleurs pas propre au territoire polynésien – la complexité du droit domanial en outre-mer est un largement documentée. Voilà plusieurs années que les élus ultramarins lancent des alertes sur cette situation, fruit du morcellement du droit de la domanialité et d'un éparpillement des normes applicables.
Ce n'est pourtant pas la première fois que notre assemblée se réunit pour tenter de simplifier et d'ordonner le volet ultramarin du code général de la propriété des personnes publiques. Le présent projet de loi de ratification s'inscrit dans la lignée de la loi organique de 2019, qui visait déjà à clarifier les compétences entre l'État et les collectivités en matière domaniale. La nouvelle ordonnance doit permettre de clarifier encore la répartition des compétences domaniales en Polynésie française. La principale évolution qu'elle comporte réside dans la consécration explicite de la compétence de l'État et de son pouvoir normatif sur son propre domaine public et sur son domaine privé. L'ordonnance permet ainsi de sortir définitivement du flou juridique qui persistait en la matière. A priori, ce texte va donc dans le bon sens. Je ne doute pas qu'il sera adopté en séance, comme il l'a été en commission.
Le groupe LIOT émet cependant deux réserves.
La première tient à l'absence de consultation effective des élus locaux polynésiens sur ce texte. J'insiste sur ce point, car je doute que quiconque, ici, puisse croire un seul instant qu'une telle consultation est un point de procédure négligeable. Je note d'ailleurs que lors de l'examen en commission, l'ensemble des groupes d'opposition et certains députés de la minorité présidentielle ont relevé ce manquement. L'article 74-1 de la Constitution prévoit explicitement que « les ordonnances sont prises en Conseil des ministres après avis des assemblées délibérantes intéressées […] » – en l'occurrence, de l'assemblée de la Polynésie française. Si celle-ci a certes été saisie, elle n'a pas pu rendre son avis en raison du contexte électoral de 2023.
Notre seconde réserve porte sur la propriété des biens maritimes, question très sensible en Polynésie. L'article 2 de l'ordonnance rend applicable un article du CG3P qui prévoit que les biens culturels maritimes situés dans le domaine public maritime sont acquis par l'État. Or en pratique, depuis les transferts opérés en 1996, la quasi-totalité du domaine public maritime appartient à la collectivité de Polynésie. Notre groupe s'interroge donc sur l'opportunité de cette disposition et sur les catégories de biens qui seraient concernées. Les élus locaux s'inquiètent de cette mesure ; ils y voient un risque d'intrusion de l'État dans l'exploitation des ressources naturelles présentes dans les sous-sols marins. J'ai noté que des députés de circonscriptions polynésiennes ont déposé des amendements de suppression sur ce point précis ; notre groupe les votera.
Au-delà de ces deux réserves, le groupe LIOT votera ce projet de loi.
Ce texte montre, une fois encore, avec quelle légèreté le Gouvernement traite le Parlement. Je ne conteste évidemment pas le principe des ordonnances prises au titre de l'article 74-1 de la Constitution, mais je regrette qu'il y soit recouru pour certaines questions que le Gouvernement entend se réserver sous prétexte de leur technicité.
Nous débattons de la ratification d'une ordonnance qui porte sur des sujets importants pour la Polynésie française, mais qui n'a fait l'objet ni d'un véritable travail législatif sur le fond, ni de délibérations approfondies, éclairées par une analyse préalable. Nous aurions dû avoir de vrais temps d'échange et d'audition. Monsieur le rapporteur, vous disiez en commission qu'il y avait eu une audition, mais vous conviendrez avec moi que c'est très largement insuffisant. Il n'y aura donc pas eu de travail de fond mené par les députés sur les dispositions du code général de la propriété des personnes publiques relatives à la Polynésie française. C'est d'autant plus regrettable que l'assemblée de la Polynésie française n'a pas pu rendre un avis en raison de la période des élections territoriales, comme l'ont relevé les deux précédents orateurs. J'ajoute que le Sénat a adopté le projet de loi après un débat singulièrement court. Je ne conteste pas que l'ordonnance dont nous débattons a le mérite de clarifier et de sécuriser certains éléments juridiques, mais des points d'alerte demeurent à propos de certaines dispositions du code général de la propriété des personnes publiques relatives à la Polynésie française.
Notre principal sujet de préoccupation concerne les gisements – sur ce point, notre collègue Tematai Le Gayic a déposé un amendement important. L'article L. 5621-2 du code général de la propriété des personnes publiques pose problème et doit être abrogé. Je rappelle qu'il permet de recourir à l'article L. 1127-1 du même code, donnant la possibilité à l'État d'acquérir des biens culturels maritimes lorsque le propriétaire ne peut pas être retrouvé, en application de l'article L. 532-2 du code du patrimoine. Or la loi définit les gisements comme des biens maritimes, et donc comme des biens susceptibles de revenir à l'État in fine. Cela entrerait en contradiction avec l'article 47 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, qui dispose : « La Polynésie française réglemente et exerce les droits de conservation et de gestion, le droit d'exploration et le droit d'exploitation des ressources naturelles biologiques et non biologiques, notamment les éléments des terres rares, des eaux intérieures, en particulier les rades et les lagons, du sol, du sous-sol et des eaux sur-jacentes de la mer territoriale et de la zone économique exclusive dans le respect des engagements internationaux. » Il y a là potentiellement un problème juridique qu'il s'agit de prendre en compte. J'ai entendu votre argumentation, monsieur le rapporteur, sur la notion de gisement, qui ne serait pas la même dans le code minier et dans le code du patrimoine, mais même si tel est le cas, je pense que les amendements de M. Le Gayic ne sont pas contradictoires avec votre interprétation des textes.
Le groupe Écologiste votera le projet de loi, en espérant néanmoins que l'ordonnance qu'il a pour objet de ratifier sera encore améliorée par les amendements de notre collègue Tematai Le Gayic.
Nous examinons un texte important pour la Polynésie française. Il conclut un long processus d'harmonisation du droit domanial en vigueur.
L'ordonnance que nous nous apprêtons à ratifier procède à une mise en cohérence qui paraît logique, et à laquelle peu de monde s'oppose. Elle vise à rendre opérationnelle la compétence de l'État pour l'administration de son domaine privé et du domaine des établissements publics nationaux présents en Polynésie française.
L'absence de compétence avait en effet complexifié une gestion locale soumise à d'autres défis. Le législateur avait remédié à cette situation singulière grâce à la loi organique du 5 juillet 2019, qui prévoyait expressément la compétence de l'État. Cette modification avait recueilli un avis favorable de l'assemblée de la Polynésie française.
L'ordonnance qu'il nous est proposé de ratifier comprend les ajustements nécessaires à la pleine application de cette réforme. Les débats en commission des lois ont montré la nécessité d'une telle ratification, laquelle a été favorablement accueillie par la quasi-totalité des groupes.
Assez technique, l'ordonnance soulève néanmoins certaines interrogations, comme l'ont montré les débats au Sénat et à l'Assemblée nationale, notamment en ce qui concerne la capacité de l'État à acquérir des biens culturels dans le domaine public maritime selon la procédure en vigueur.
À cet égard, il importe de souligner que l'article L. 5621-2 du code général de la propriété des personnes publiques précise que l'article L. 1127-1 du même code n'est applicable en Polynésie française qu'aux seuls biens situés dans le domaine public maritime de l'État. L'ordonnance intervient en outre à droit constant, s'inscrivant dans des dispositions existantes du code du patrimoine.
Le domaine public maritime de l'État est très limité en Polynésie française, puisqu'il est cantonné à quelques infrastructures portuaires. Cela amènera les autorités polynésiennes à conserver la gestion administrative de la quasi-totalité du domaine public maritime.
Quant aux interrogations portant sur les gisements miniers, la différence de sens dans lequel le terme « gisement » est employé dans le code minier et dans le code du patrimoine conduira à affirmer la compétence des autorités polynésiennes sur l'acquisition de gisements de ressources naturelles et la compétence de l'État sur les gisements de nature archéologique.
Il serait incohérent de supprimer cette compétence de l'État ; de surcroît, cela perturberait gravement l'équilibre ardemment recherché avec les autorités polynésiennes.
Non seulement la non-ratification de l'ordonnance déboucherait sur une impraticabilité opérationnelle, mais encore elle serait contraire à l'indispensable esprit de collaboration.
Pour toutes ces raisons, le groupe Renaissance soutiendra ce projet de loi.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Si la République est une et indivisible, elle reconnaît néanmoins les spécificités de ses territoires ultramarins. Ceux-ci participent à la grandeur de la France et font de notre nation une puissance mondiale. Ils contribuent, grâce notamment à la ZEE qu'ils ouvrent, au développement économique de notre pays.
Pourtant, ils figurent parmi les oubliés de la République. Ils subissent les mêmes maux que la métropole, mais à un niveau plus dramatique encore. La Polynésie française connaît un taux de chômage de 44 %, six fois plus élevé qu'en métropole. Elle n'est pas épargnée non plus par la défaillance des services publics : la chambre territoriale des comptes soulignait en 2022 que le service de l'eau était de mauvaise qualité.
Dans l'attente de réformes ambitieuses susceptibles d'améliorer durablement le quotidien de nos compatriotes ultramarins, nous sommes saisis du projet de loi de ratification d'une ordonnance modifiant les règles de domanialité applicables en Polynésie française.
Cette ordonnance fait suite à la loi organique de 2019 qui mettait fin à une ambiguïté législative, source d'illisibilité et d'insécurité juridique, puisque l'État se voyait dénier le droit de légiférer sur son domaine privé et sur le domaine des établissements publics nationaux situés en Polynésie.
La compétence de l'État ayant été affirmée par cette loi, l'ordonnance qu'il nous est proposé de ratifier vise à améliorer la cohérence et la lisibilité des règles de droit domanial applicables en Polynésie française, tout en ajustant certaines procédures au cadre juridique et administratif polynésien.
Si, sur le fond, les modifications législatives proposées ne nous posent pas de problème, nous sommes en profond désaccord avec la méthode utilisée par le Gouvernement.
En premier lieu, je tiens à rappeler que l'assemblée de la Polynésie française n'a pas été en mesure de rendre un avis sur le projet d'ordonnance. En effet, son avis lui a été demandé en même temps que se déroulaient les élections territoriales polynésiennes : elle n'a donc pas pu examiner le texte, et son avis a été réputé favorable de facto. Sans doute n'aurait-elle pas exprimé d'avis négatif, mais elle aurait pu enrichir la discussion et exprimer des réserves ou des suggestions. Ce genre de méthode, qui ne semble déranger personne au sein de l'exécutif, témoigne de la maigre considération qu'éprouve le Gouvernement envers nos compatriotes ultramarins.
Enfin et surtout, nous dénonçons fermement le recours excessif aux ordonnances sous la présidence d'Emmanuel Macron. Un rapport sénatorial de 2022 indique qu'avec 350 ordonnances en cinq ans, soit 70 par an au cours de son premier mandat, il est le président qui a le plus recouru à cette méthode.
Je dénonce le recours à tous les types d'ordonnances : celles prises sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, comme celles visées par l'article 74-1.
Légiférer par cette procédure relève toujours d'un choix politique, celui d'écarter la représentation nationale de la construction d'un texte.
Si le recours aux ordonnances se justifiait par l'efficacité de la procédure, pourquoi pas ? Or, bien au contraire, le même rapport sénatorial indique qu'il faut en moyenne 250 jours pour l'adoption d'une loi au Parlement, contre 466 jours pour la publication d'une ordonnance – mais nous savons l'amour du macronisme pour tout ce qui est lourd, inutile et inefficace.
Murmures sur les bancs des groupes RE et Dem.
Utilisation abusive du 49.3, des votes bloqués et des ordonnances : les méthodes de gouvernement utilisées par le Président de la République conduisent à dénier à notre assemblée son rôle fondamental, celui de discuter, d'amender et de voter la loi.
Dans ces conditions, et parce que nous ne pouvons accorder notre approbation lorsque le Parlement est ainsi contourné, le Rassemblement national s'abstiendra.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Nous nous apprêtons à ratifier un texte utile à la Polynésie française, qui prend la poussière dans les cartons du Gouvernement depuis trop longtemps. Comme pour tous les textes relatifs aux outre-mer depuis votre arrivée au pouvoir, vous décidez de passer par voie d'ordonnance, ce qui ralentit la procédure législative, donc la mise à jour du droit dans les outre-mer. Légiférer à double vitesse, c'est une rupture de l'État de droit, une rupture de l'égalité des droits – mais selon vous, peut-être ce texte pouvait-il attendre ?
L'ordonnance comprend une disposition concernant la cession de domaines de l'État en vue de réaliser des logements sociaux en Polynésie française. La Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) a publié il y a quelques jours un rapport accablant sur le droit au logement en France. Les ménages les plus pauvres dédient 38 % de leurs revenus au logement ; une demande de logement sur sept trouve une réponse pour les plus pauvres ; les personnes qui meurent à la rue sont de plus en plus nombreuses ; les expulsions s'accélèrent sans donner lieu à des relogements ; le pouvoir d'achat des Français est plus que jamais menacé ; le droit au logement est en voie de disparition.
La Polynésie française, où le pouvoir d'achat est plus faible que dans l'Hexagone, est particulièrement sinistrée en matière de logement social. L'Office polynésien de l'habitat recensait, en 2023, 3 200 demandes de logements sociaux en attente, alors qu'il n'avait la capacité d'en délivrer que 300. Les demandeurs doivent attendre dix années en moyenne avant d'être logés. Mais vous avez considéré que ce n'était pas urgent.
Qu'ils attendent ! Vous aviez probablement mieux à faire. Cet été-là, au lieu de rédiger ce texte, vous prépariez un énième remaniement du Gouvernement, ce qui ne change rien à la vie des Français – sauf pour les quelques-uns dont vous êtes les obligés : les ultrariches du pays.
Les territoires d'outre-mer méritent mieux que votre mépris ! Ce mépris se manifeste par les délais insupportables que vous infligez gratuitement à leurs habitants, alors qu'il vous suffirait de prendre immédiatement les décisions. Ce mépris se manifeste par les politiques délétères qui créent des conditions de vie insupportables dans les territoires d'outre-mer, où la vie est trop chère et où les services publics sont largement inexistants. Et parfois, ce mépris se manifeste dans l'hémicycle par des moqueries et des insultes directes envers les représentants des outre-mer.
Les habitants des outre-mer sont considérés par ce gouvernement comme des citoyens de seconde zone. C'est inacceptable.
Pourtant, si la France dispose du premier domaine maritime mondial pour ce qui est de la biodiversité, c'est grâce à ses territoires ultramarins. Il faut le protéger à tout prix. C'est pourquoi nous soutiendrons les amendements visant à préserver les ressources naturelles de la Polynésie de la mainmise de l'État français. Nous devons faire des outre-mer l'avant-garde de la bifurcation écologique et du progrès social ; cela ne peut plus attendre. Je le répète : les habitants des territoires d'outre-mer méritent mieux que d'être considérés comme des citoyens de seconde zone. Nous voterons pour le projet de loi, mais aussi pour les amendements.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
J'associerai à mon intervention mon collègue Mansour Kamardine, qui est particulièrement engagé, comme vous le savez, pour la défense et la promotion des territoires d'outre-mer.
Le présent projet de loi porte sur la ratification – obligatoire pour les collectivités relevant de l'article 74 de la Constitution – d'une ordonnance, en l'espèce l'ordonnance n° 2023-389 du 24 mai 2023 modifiant les dispositions du code général de la propriété des personnes publiques relatives à la Polynésie française.
Ce texte concerne la question, complexe en droit, des règles applicables à la gestion du domaine public de l'État. Ces règles encore plus complexes lorsqu'elles concernent les outre-mer, compte tenu de leurs évolutions statutaires successives – notamment lorsqu'elles portent sur les collectivités régies par la spécialité législative inscrite à l'article 74 de la Constitution. C'est le cas de la Polynésie française, où le domaine privé de l'État s'étend sur 12,5 kilomètres carrés.
Il nous est proposé de réparer l'omission des règles applicables au domaine privé de l'État en Polynésie dans la législation en vigueur, et d'harmoniser le droit applicable à ce domaine en Polynésie avec le droit commun valant dans les outre-mer.
L'ordonnance y pourvoit en modifiant, en cinq articles, le livre VI de la cinquième partie du CG3P, l'article 6 fixant les responsabilités ministérielles pour ce qui est de l'application de l'ordonnance. L'article 1
L'État a harmonisé et adapté les règles applicables à son domaine privé dans les territoires d'outre-mer par l'ordonnance n° 2016-1255 du 28 septembre 2016. Néanmoins, jusqu'en 2019, la répartition des compétences entre l'État et la collectivité territoriale concernant le domaine polynésien portait exclusivement sur le domaine public de l'État, comme le prescrivait l'article 14 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française. Aussi les règles applicables au domaine privé de l'État jusqu'à l'ordonnance de 2023 étaient-elles celles du CG3P antérieures aux modifications de 2016. De plus, la compétence de l'État à définir les règles applicables à la gestion de son domaine privé n'a été établie que tardivement, avec l'entrée en vigueur de la loi organique du 5 juillet 2019 portant modification du statut d'autonomie de la Polynésie française. En effet, la loi organique antérieure répartissant les compétences entre l'État et la collectivité polynésienne n'avait pas formellement confié à l'État l'établissement des règles régissant son domaine privé, et la collectivité polynésienne ne s'était pas saisie de cette compétence.
Huit ans après avoir recodifié les règles applicables à la gestion du domaine privé de l'État dans les outre-mer, cinq ans après l'entrée en vigueur du statut actuel de la Polynésie française, le droit va enfin être actualisé.
On ne pourra pas dénoncer une quelconque précipitation ! Nous ne pouvons qu'encourager le Gouvernement à accroître ses capacités de réaction et, surtout, de simplification du droit. Celui-ci est devenu un mastodonte dont l'inertie freine la mise en œuvre des orientations et l'atteinte des objectifs politiques décidés démocratiquement. Il suffit de parcourir, comme je l'ai fait le week-end dernier, le code général de la propriété des personnes publiques, de son article 1
L'État de droit, oui, mais le droit n'est jamais une fin ! Au groupe Les Républicains, nous appelons à une reprise en main démocratique de l'action publique et au lancement d'une mission de simplification de l'ensemble de nos normes.
Enfin, il est dommage que la Polynésie n'ait pas été davantage associée à ce texte. La coconstruction ne doit pas être un vain mot.
Néanmoins, constatant que le texte ne suscite pas d'opposition de la part des responsables élus de la Polynésie, et même qu'il recueille l'agrément des collègues polynésiens présents sur ces bancs, et afin de rendre intelligible le droit applicable au domaine privé de l'État en Polynésie française, de le sécuriser et de l'harmoniser, le groupe Les Républicains votera le projet de loi.
Les spécificités géographiques et géologiques de la Polynésie française, avec ses 118 îles volcaniques et coralliennes, exigent naturellement la mise en place d'un régime juridique adapté. L'ordonnance du 24 mai 2023, attendue par un grand nombre de Polynésiens, tend à clarifier le droit domanial de ce territoire.
Ce texte met fin au régime de spécialité législative qui prévalait pour l'application des dispositions relatives au domaine public des établissements de l'État. Il aligne enfin le régime polynésien sur celui de l'applicabilité de plein droit pour ce qui relève du domaine public de l'État.
Pour rappel, la loi organique du 5 juillet 2019 portant modification du statut d'autonomie de la Polynésie française a clarifié le droit domanial applicable sur ce territoire, en y étendant expressément la compétence de l'État à son domaine privé ainsi qu'au domaine public et privé de ses établissements publics. Le régime d'applicabilité de plein droit a également été étendu à l'ensemble des dispositions relatives aux domaines public et privé de l'État et de ses établissements publics.
Consultée sur le projet de loi organique en 2019, l'assemblée de la Polynésie française a émis un avis favorable. En dépit de l'évolution de la loi statutaire de la Polynésie française en 2019, les dispositions du CG3P applicables à la collectivité n'avaient toujours pas fait l'objet d'une actualisation et n'avaient donc pas d'effet juridique.
L'ordonnance du 24 mai 2023 modifiant les dispositions du CG3P vient donc traduire la nouvelle répartition des compétences entre l'État et la Polynésie française. Elle prend en compte l'évolution du régime d'applicabilité du droit domanial dans la collectivité, en procédant à l'extension des règles du CG3P relatives à l'acquisition, à la gestion et à la cession des biens relevant du domaine privé de l'État et de ses établissements publics en Polynésie française.
Dans cette collectivité d'outre-mer qui s'étend sur une superficie comparable à celle de l'Europe, la multiplicité des régimes applicables rendait jusqu'à présent le droit domanial incompréhensible. Une clarification était donc essentielle. Considérant que l'ordonnance améliore la cohérence et la lisibilité des règles du droit domanial applicable en Polynésie française, le groupe Démocrate votera le projet de loi.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.
Le projet de loi que nous examinons vise à corriger une incohérence, fruit de la fragmentation normative existant en Polynésie française. Longtemps, le droit domanial y est resté illisible en raison du nombre important de régimes applicables et de catégories de domaines.
La loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française a permis une clarification et un partage du domaine polynésien entre l'État, la collectivité et les communes, ainsi que le partage des compétences afférent. Pourtant, une lecture stricte de ses dispositions conduisait à considérer que l'État n'était pas compétent en Polynésie française pour établir les règles relatives à son domaine privé et à celui de ses établissements publics. Cette compétence revenait donc par défaut aux institutions de la Polynésie française pour les 12,5 kilomètres carrés concernés.
La loi organique du 5 juillet 2019 portant modification du statut d'autonomie de la Polynésie française a permis de faire un premier pas vers la résolution de cette situation. Elle a ainsi expressément étendu la compétence de l'État en Polynésie française à son domaine privé et aux domaines public et privé de ses établissements publics.
Cependant, cette réforme ne peut être pleinement effective sans une mise en cohérence concrète du code général de la propriété des personnes publiques. En effet, la loi organique ne permet pas à elle seule d'identifier dans ce code les règles applicables en Polynésie, avec ou sans adaptation, et celles qui ne le sont pas.
L'ordonnance n° 2023-389 du 24 mai 2023 traduit dans le code général de la propriété des personnes publiques la répartition des compétences entre l'État et la Polynésie française issue de la loi organique du 5 juillet 2019. Elle permet ainsi de compléter la partie législative consacrée à l'outre-mer de ce code en renforçant, tant pour les praticiens que pour les usagers, la cohérence et l'intelligibilité des règles du droit domanial applicables en Polynésie française. Par exemple, elle procède à la codification, à droit constant, du régime particulier d'aliénation des terrains relevant du domaine privé de l'État en vue de la construction de logements locatifs sociaux ou d'équipements collectifs.
Si cette ordonnance donne davantage de lisibilité au droit domanial en Polynésie française, elle ne remet aucunement en cause les compétences de la collectivité, ainsi que cela a été exposé par le M. le ministre au Sénat. Une adoption conforme de ce texte en permettrait l'entrée en vigueur rapide. Le groupe Horizons et apparentés votera en faveur du projet de loi.
L'ordonnance qu'il nous est proposé de ratifier vise à clarifier le droit domanial applicable en Polynésie française. Elle prévoit d'harmoniser les règles et de donner à l'État une compétence en matière d'établissement des dispositions relatives à son domaine privé et aux domaines privé et public de ses établissements publics en Polynésie française. Une telle évolution était nécessaire, puisque le code général de la propriété des personnes publiques n'avait pas été mis en cohérence avec ces nouvelles dispositions.
Ces modifications contribueront à une meilleure conciliation entre le droit positif dans l'Hexagone et le droit spécifique à la Polynésie française concernant la gestion des biens publics. Il convient en effet de clarifier la répartition des compétences et le régime d'application du droit domanial en Polynésie française.
Nous soutenons la ratification de cette ordonnance, afin d'assurer à la population polynésienne un plus important développement du parc locatif social et une meilleure gestion des terrains publics du territoire.
Comme le montre le diagnostic territorial de 2021 publié par l'Institut de la statistique de la Polynésie française, la pauvreté est plus importante dans l'archipel qu'en France métropolitaine : 26 % des Polynésiens vivent sous le seuil de pauvreté, contre 14 % des personnes résidant dans l'Hexagone. Par ailleurs, il apparaît que l'offre de logement social n'est pas assez importante en Polynésie française – c'est également le cas dans l'Hexagone. L'absence de politique en faveur du logement social sous la présidence d'Emmanuel Macron, notamment la non-compensation pour les bailleurs sociaux de la baisse des aides personnalisées au logement (APL), a fortement limité la production de nouveaux appartements. En Polynésie, le manque de foncier et l'essor des résidences secondaires aggravent la situation. Avec la réforme du code général de la propriété des personnes publiques, de nouvelles règles permettront à l'État de vendre des terrains de son domaine privé à prix réduit, notamment pour construire des logements sociaux.
Nous nous satisfaisons que l'ordonnance, tout en donnant davantage de lisibilité au droit domanial en Polynésie française, ne remette aucunement en cause les compétences de la collectivité. Mes collègues du groupe Socialistes et apparentés et moi-même ajoutons toutefois que si ces mesures sont nécessaires au déploiement du logement social dans l'archipel, elles seront loin de résoudre les difficultés que connaissent nos concitoyens de Polynésie.
Dans tous les départements, régions et collectivités d'outre-mer, il est nécessaire que le Gouvernement alloue des moyens adaptés aux réalités de chaque territoire pour développer une offre de logement social digne. L'austérité budgétaire annoncée par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est, ici comme ailleurs, une bien mauvaise nouvelle. Parent pauvre de la politique du Gouvernement depuis de nombreuses années, le logement social doit redevenir une priorité, en métropole comme en Polynésie française.
Tout en indiquant que cette réforme du droit domanial et de la propriété est nécessaire – ce qui justifie un vote favorable –, les députés du groupe Socialistes et apparentés considèrent qu'elle n'est pas suffisante pour répondre aux défis du logement social en Polynésie française.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, l'article unique du projet de loi.
L'article unique est adopté.
La parole est à M. Steve Chailloux, pour soutenir l'amendement n° 1 portant article additionnel après l'article unique.
La confusion est telle, entre les notions employées par l'article L. 1127-1 du CG3P et par l'article L. 532-2 du code du patrimoine auquel il renvoie, qu'il est préférable d'abroger l'article L. 5621-2 du code général de la propriété des personnes publiques. Tel est l'objet de cet amendement déposé par mon collègue polynésien Tematai Le Gayic, qui, ce faisant, tend une perche au Gouvernement : cette abrogation lui laisserait le temps de clarifier ces notions avant de les étendre à la Polynésie et de risquer d'empiéter sur les compétences de la collectivité.
Qu'est-ce que le domaine public maritime de l'État en Polynésie ? M. le rapporteur entretient la confusion en définissant le domaine public de l'État. Nous demandons une définition du domaine public maritime de l'État – j'insiste sur l'adjectif « maritime ». Qui, entre la Polynésie et l'État, est compétent en matière de biens culturels maritimes ? Que signifie la notion de gisement ? S'étend-elle aux terres rares, qui sont de la compétence de la Polynésie française – l'article 47 de la loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française est formel à ce sujet ?
Enfin, y a-t-il une zone maritime contiguë en Polynésie française ? L'article L. 532-1 du code du patrimoine semble y faire référence.
Je précise que la rédaction de l'ordonnance soumise à l'assemblée de la Polynésie française était différente de celle qui a été présentée au Sénat. Elle ne comprenait pas l'article L. 5621-2 du CG3P, qui a donc échappé à son examen. Il serait par conséquent judicieux d'abroger cet article et de clarifier toutes ces notions avant de discuter d'une quelconque extension. Il ne faudrait pas que, sous couvert de clarification, l'État empiète sur les compétences de la Polynésie.
Cet amendement fait écho aux débats qui ont eu lieu au Sénat et en commission des lois, ainsi qu'à des craintes formulées par les représentants de l'assemblée de la Polynésie française, que j'ai tenu à auditionner. Mes arguments seront les mêmes que ceux que j'ai présentés en commission des lois. Il est important de les rappeler, même si c'est un peu long.
Premièrement, l'objet de l'article L. 5621-2 du CG3P n'est pas d'étendre la compétence de l'État mais, au contraire, de la limiter. En effet, en application de la loi organique de 2019 et de l'ordonnance de 2023, l'ensemble des règles du CG3P sont désormais applicables de plein droit en Polynésie française. De ce fait, des adaptations s'imposent. Dans ce contexte, l'article L. 5621-2 clarifie le droit applicable. Il précise que seuls les biens culturels situés dans le domaine public maritime de l'État peuvent lui revenir lorsque leur propriétaire est inconnu, ce qui exclut très clairement les biens situés dans le domaine public maritime de la Polynésie française.
Deuxièmement – comme je l'ai rappelé dans mon propos introductif –, la codification se fait ici à droit constant et ne modifie en rien les règles en vigueur de longue date. L'article L. 5621-2 du CG3P n'est que le miroir de l'article L. 750-2 du code du patrimoine, applicable en Polynésie depuis la création de ce code, en 2004.
Troisièmement, ces dispositions respectent parfaitement les compétences de la Polynésie française. J'accorde à ce point une importance particulière. L'article 47 du statut organique de 2004 prévoit que l'État peut disposer de droits résiduels et donc d'un domaine public maritime. L'article LP. 111-6 du code du patrimoine de la Polynésie française, issu d'une loi de pays, consacre également l'existence du domaine public maritime de l'État. En pratique, le domaine public maritime de l'État en Polynésie française est très limité. D'après les éléments que j'ai reçus de la part du ministère des armées, il comprend les trois zones suivantes : celles où avaient lieu les essais nucléaires, dans les atolls de Moruroa et de Fangataufa, et la base navale de Fare Ute, à Papeete.
Dernier point : la zone contiguë ne fait pas partie du domaine public maritime, qui comprend la mer territoriale mais ne s'étend pas au-delà. Je tiens à rassurer M. le député, sur ce point comme sur les autres : la zone contiguë n'est pas concernée par cet article. Je demande donc le retrait de l'amendement ; à défaut, j'émets un avis défavorable.
Je souscris à tous les arguments développés par le rapporteur. J'insiste sur le fait que nous ne remettons absolument pas en question les compétences de la Polynésie relatives à son domaine maritime, qui sont déjà strictement définies. Surtout, l'objectif de l'ordonnance est de préciser des dispositions à ce stade confuses – il faut bien le reconnaître. Or l'abrogation de l'article L. 5621-2 du CG3P introduirait la plus grande confusion : l'État aurait la possibilité d'acquérir des biens culturels situés largement en dehors de son propre domaine public maritime. J'émets donc un avis défavorable.
L'amendement n° 1 n'est pas adopté.
Sur l'ensemble du projet de loi, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Steve Chailloux, pour soutenir l'amendement n° 2 .
Il vise à exclure les gisements du champ d'application, en Polynésie, de l'article L. 1127-1 du CG3P, dans la mesure où la notion de gisement, définie à l'article L. 532-1 du code du patrimoine, soulève des difficultés d'interprétation, notamment au regard de l'article 47 du statut de la Polynésie, selon lequel celle-ci « réglemente et exerce les droits de conservation et de gestion, le droit d'exploration et le droit d'exploitation des ressources naturelles biologiques et non biologiques, notamment les éléments des terres rares, des eaux intérieures, en particulier les rades et les lagons, du sol, du sous-sol et des eaux surjacentes de la mer territoriale et de la zone économique exclusive ».
L'Assemblée générale des Nations unies a eu à se prononcer sur la question et a tranché en adoptant, le 13 décembre 2019, une résolution dans laquelle elle a exhorté l'État français à « garantir la souveraineté permanente du peuple de la Polynésie française sur ses ressources naturelles, y compris les ressources marines et les minéraux sous-marins ».
L'article L. 1127-1 pourrait concerner des ressources naturelles hautement stratégiques pour notre territoire. Il nous semble donc pertinent d'écarter les gisements de son champ d'application.
De même que précédemment, je demande le retrait de l'amendement, sans quoi mon avis sera défavorable. Je vais m'efforcer de reprendre tous les éléments dont j'ai fait part en commission des lois.
La notion de gisement doit être comprise non pas comme un gisement au sens du code minier, mais comme un gisement archéologique au sens du code du patrimoine. L'article L. 531-2 de ce dernier code prévoit que les biens culturels maritimes doivent présenter « un intérêt préhistorique, archéologique ou historique » ; il s'agit notamment de « gisements », d'« épaves » ou de « vestiges ». Le décret du 26 décembre 1961 fixant le régime des épaves maritimes précise que les gisements archéologiques sont entendus comme des épaves d'une certaine « importance », telles que « les navires entiers et leur cargaison ». Je tiens à vous rassurer, en rappelant ce que j'ai indiqué en commission à notre collègue Tematai Le Gayic : les dispositions en question ne concernent absolument pas les gisements miniers, c'est-à-dire les ressources naturelles.
Je souhaite à mon tour vous rassurer : les gisements visés ne sont en aucune manière des ressources naturelles ; il s'agit seulement d'épaves au sens du code du patrimoine. À l'instar du rapporteur, je demande le retrait de l'amendement, sans quoi mon avis sera défavorable.
L'amendement n° 2 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 68
Nombre de suffrages exprimés 58
Majorité absolue 30
Pour l'adoption 58
Contre 0
Le projet de loi est adopté.
Applaudissements sur quelques bancs.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures dix.
La parole est à M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.
Le texte soumis à votre examen est d'apparence très technique, mais ses effets seront, dès sa promulgation, très concrets pour bon nombre de nos concitoyennes et concitoyens. Son adoption est essentielle pour assurer la pérennité, dans les collectivités du Pacifique, de plusieurs évolutions récentes de notre droit. Le Gouvernement a en effet étendu et adapté par ordonnance en date du 19 avril dernier différentes mesures du code de la santé publique déjà en vigueur dans l'Hexagone et les collectivités d'outre-mer, afin qu'elles puissent s'appliquer en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna, en tenant compte, bien sûr, des spécificités de ces territoires.
Cette ordonnance a été prise sur le fondement de l'article 74-1 de la Constitution, qui prévoit une habilitation permanente du Gouvernement pour étendre, à certaines collectivités d'outre-mer, des dispositions législatives en vigueur et qui relèvent de la compétence de l'État. La contrepartie évidente de ladite habilitation permanente est que les ordonnances prises sur ce fondement doivent être ratifiées par le Parlement, ce qui implique la présentation d'un projet de loi spécifique, d'où ma présence devant vous. Faute d'une ratification expresse par les parlementaires dans un délai de dix-huit mois, l'ordonnance deviendrait caduque.
Dans la mesure où les dispositions de l'ordonnance ont pris effet dès leur publication, le présent projet de loi de ratification tend non pas à modifier le droit pour l'avenir, mais à assurer la pérennité des modifications apportées au code de la santé publique. Concrètement, une absence de ratification entraînerait, pour nos concitoyens du Pacifique, un retour à un droit antérieur dans les matières visées par l'ordonnance. Cette régression concernerait des sujets d'importance.
Le premier objet de l'ordonnance est de rattraper, dans les trois collectivités du Pacifique, un certain retard en matière d'applicabilité de dispositions récentes du code de la santé publique relatives aux RIPH, les recherches impliquant la personne humaine. Ces dispositions précisent les conditions dans lesquelles ces recherches peuvent être menées ; elles garantissent la sécurité et la bonne information du participant.
En adaptant à ces territoires le droit applicable issu des dernières évolutions législatives nationales et européennes, le Gouvernement pose un cadre sécurisant qui permettra le développement des recherches dans ces territoires.
L'ordonnance étend et adapte également diverses dispositions législatives relatives à la santé, dans le respect du partage de compétences entre l'État et chacune de ces collectivités. C'est notamment le cas de certaines dispositions de la loi du 2 mars 2022 visant à renforcer le droit à l'avortement ; il s'agit en particulier de l'allongement du délai de recours à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) de douze à quatorze semaines, et de la suppression du délai minimal de réflexion à l'issue d'un entretien psychosocial, alors que vous avez voté au Congrès, il y a à peine un mois, l'inscription dans notre Constitution de la liberté de recourir à l'IVG. L'unification des règles en la matière vise à améliorer et à sécuriser l'effectivité du droit des femmes à pleinement disposer de leur corps dans tous les territoires de la République.
Pour les îles Wallis et Futuna, l'ordonnance a également étendu certaines dispositions de la loi du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification qui prévoient l'extension des compétences des sages-femmes en matière de dépistage et de traitement des infections sexuellement transmissibles.
Pour la Polynésie française, il s'agit d'étendre les dispositions de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, relatives à la protection par le secret de la prescription de la contraception aux personnes mineures. Là encore, l'objectif du Gouvernement est de sécuriser par ordonnance des mesures législatives importantes pour l'accès à la santé et à la prévention, afin qu'elles bénéficient à l'ensemble de nos concitoyens.
Le projet de loi vous est soumis après son examen attentif en commission des affaires sociales. J'en profite pour saluer le travail de sa présidente et rapporteure, Charlotte Parmentier-Lecocq, ainsi que l'engagement des députés ultramarins des trois collectivités du Pacifique. Grâce à de nombreux amendements adoptés en commission, vous avez enrichi le projet de loi pour l'améliorer et l'adapter au mieux aux enjeux des collectivités concernées.
Je suis certain que notre objectif trouvera un écho favorable dans votre assemblée. Il s'agit, je le répète, d'assurer la pérennité de mesures utiles et importantes, notamment celles concernant les recherches impliquant la personne humaine et le délai de recours à l'interruption volontaire de grossesse.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
La parole est à Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, présidente et rapporteure de la commission des affaires sociales.
Je suis honorée d'être la rapporteure de ce texte qui porte extension et adaptation de dispositions relatives à la santé à la Polynésie, à la Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna. En effet, comme tous les députés de la majorité, j'attache une grande importance à nos territoires d'outre-mer.
Le Gouvernement sollicite, par ce projet de loi, la ratification d'une ordonnance de l'article 74-1 de la Constitution. Ce rendez-vous ne se produit que quelques fois par législature, et le fait qu'un texte similaire ait précédé celui-ci dans l'hémicycle ne change rien à cette rareté. Nous connaissons tous les ordonnances de l'article 38 de la Constitution. Beaucoup s'en plaignent régulièrement, au motif qu'elles dépossèdent le Parlement de sa compétence sur tous les sujets, ou presque. La ratification qui nous est demandée aujourd'hui est relative à un objet différent.
Une ordonnance de l'article 74-1 de la Constitution a la particularité de se limiter en pratique à une seule thématique, l'adaptation et l'extension de la loi nationale aux collectivités de Polynésie française, de Nouvelle-Calédonie et de Wallis-et-Futuna. Le Parlement n'habilite pas le Gouvernement à agir ; c'est la Constitution qui y pourvoit directement. La seule condition est de ratifier l'ordonnance dans les dix-huit mois suivant sa publication, sans quoi elle est caduque. Je veux prendre un instant pour remercier le Gouvernement qui, par sa programmation efficace de l'agenda législatif, nous permet de jouer pleinement notre rôle. Nous examinons une ordonnance du 19 avril 2023, ce qui nous laisse jusqu'au 20 octobre prochain pour nous prononcer.
Le texte étend aux collectivités du Pacifique des dispositions relatives à la recherche impliquant la personne humaine, à l'avortement et aux droits des personnes malades. Pour nos juridictions suprêmes, le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État, ce ne sont pas des questions sanitaires, mais des éléments relatifs aux libertés publiques et à la politique de recherche, qui relèvent en conséquence des compétences de l'État, non des territoires. C'est la raison d'être du projet de loi et du rapport que je vous présente.
Qu'on me permette de le répéter : l'objet de cette ordonnance est de rendre applicable le droit commun aux collectivités du Pacifique. L'exercice ne consiste donc pas à voter la loi. Le Parlement a déjà discuté, sur le fond, de la procédure de l'avortement et des droits des malades, et nous avons déjà intégré dans nos droits les règles européennes sur la recherche. Comme l'a reconnu la rapporteure du Sénat, qui fut la première assemblée saisie, il ne s'agit pas de refaire le match. Les débats ont déjà eu lieu et les options ont déjà été arrêtées.
En commission des affaires sociales, nous avons veillé à prendre en compte les contributions des territoires concernés. Notre collègue Mereana Reid Arbelot et moi-même avons présenté, à nous deux, trente-quatre amendements. La commission a adopté vingt et un d'entre eux, dont une majorité d'identiques, pour parfaire le dispositif de l'ordonnance et corriger autant que possible les imperfections du code de la santé publique dans les territoires du Pacifique. Je crois que chacun conviendra de la bonne entente qui a prévalu en commission, et le fait que le vote du projet de loi ait été acquis sans opposition vient en témoigner. Je suis certaine que le Gouvernement s'associera à cette démarche de consensus.
Par cette ordonnance, dont le Sénat a presque unanimement voté la ratification le mois dernier, la France permet que tous les Français et toutes les Françaises aient les mêmes droits dans le domaine de la santé. Ce principe d'égalité ne doit pas faire débat entre nous. Par conséquent, je vous demande de soutenir ce projet de loi de ratification.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
L'ordonnance du 19 avril 2023 que l'on nous propose de ratifier touche à des sujets assez techniques et parfois sensibles.
L'extension des dispositions relatives à la recherche sur la personne humaine est très attendue par les territoires du Pacifique. Elle permettra un meilleur accès des patients aux essais cliniques et aux thérapies innovantes, notamment pour le traitement des cancers. Le texte inclut l'extension de la compétence des comités de protection des personnes (CPP) hexagonaux aux recherches dont le promoteur est établi en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie ou à Wallis-et-Futuna, afin que ces travaux puissent être évalués par un CPP ; l'application des dispositions issues du droit européen dans le champ de la recherche clinique, et l'extension de la compétence de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l'ANSM.
Cela permettra de réduire la perte de chances des patients de ces territoires. Ne l'oublions pas, la Polynésie française a été le théâtre de près de 200 essais nucléaires pendant trente ans, jusqu'en 1996. Selon les chercheurs de l'Inserm, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, ces essais pourraient être responsables de 0,6 % à 7,7 % des cas de cancers de la thyroïde développées dans l'archipel.
La Nouvelle-Calédonie explique que ces dispositions lui permettront de conduire des recherches spécifiques sur les problématiques régionales.
En revanche, les représentants de Wallis-et-Futuna reconnaissent eux-mêmes que ces dispositions seront sans objet sur leur territoire du fait de la faiblesse de l'offre de soins. À ce titre, les patients présentant des pathologies complexes font l'objet d'une évacuation sanitaire, dite Evasan, vers la Nouvelle-Calédonie, voire l'Australie ou l'Hexagone. Pire, en matière de prévention, notre collègue sénateur de Wallis-et-Futuna, Mikaele Kulimoetoke, faisait remarquer, lors de la séance des questions d'actualité au Gouvernement du 12 octobre 2022, au ministre de la santé de l'époque, François Braun, que, depuis 2005, aucune politique de prévention n'avait été élaborée par l'agence de santé du territoire des îles Wallis et Futuna, ce qui a permis à des maladies telles que le diabète ou les maladies cardiovasculaires de se développer sur le terrain wallisien et futunien. Nous ne pouvons que le déplorer.
Les dispositions relatives à l'IVG permettent l'extension de douze à quatorze semaines du délai de recours à l'interruption volontaire de grossesse, ainsi que la suppression du délai minimal de réflexion à l'issue d'un entretien psychosocial. Nous y souscrivons. Cependant, la question de l'effectivité de ce droit, qui se pose dans tout le pays, est encore plus forte dans ces territoires-là : qu'il s'agisse des infrastructures, des compétences des professionnels de santé, de l'accès aux moyens de contraception ou encore de l'accès aux soins gynécologiques, les conditions ne sont toujours pas réunies pour garantir effectivement ce droit. C'est ce que faisait remarquer, à juste titre, notre collègue député polynésien Tematai Le Gayic à l'antenne de Polynésie La Première, à l'issue du vote du Congrès sur la constitutionnalisation du droit de recours à l'IVG.
Si le groupe LIOT soutient le texte, nous exprimons quelques regrets. Ces regrets sont d'abord ceux des territoires du Pacifique eux-mêmes concernant les modalités de leur saisine sur les projets d'ordonnance. Nous regrettons ensuite le long délai qui s'est écoulé entre la publication de l'ordonnance et la demande de ratification ; ce décalage est trop souvent la règle pour l'outre-mer. Enfin, nous regrettons l'absence de prise en compte des demandes de modification formulées par la Nouvelle-Calédonie, auxquelles certains amendements répondront peut-être. Néanmoins, nous nous satisfaisons de voir que les demandes de modifications formulées par la Polynésie française ont été intégrées par l'Assemblée nationale à l'issue de l'examen du texte en commission.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Le texte que nous examinons ratifie l'ordonnance n° 2023-285 du 19 avril 2023 portant extension et adaptation à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie et aux îles Wallis et Futuna de diverses dispositions législatives relatives à la santé. Ce texte comportait un article unique lors de son examen en commission. Il en ressort enrichi de deux articles supplémentaires apportant des corrections de références nécessaires pour étendre et adapter les dispositions ratifiées et prévoyant l'évaluation, par le Gouvernement, du coût de l'allongement de douze à quatorze semaines du délai légal de recours à l'interruption volontaire de grossesse.
Sur le fond, l'ordonnance a pour objet l'extension à ces territoires de dispositions relatives à la recherche impliquant la personne humaine, de l'allongement du délai de recours à l'interruption volontaire de grossesse et de quelques dispositions relatives à l'organisation et la réalisation des soins.
Les dispositions relatives à la recherche impliquant la personne humaine ont, selon le rapport du Sénat, fait l'objet d'une forte demande de la Polynésie française ainsi que de la Nouvelle-Calédonie en vue d'intégrer des patients de ces territoires au sein d'essais thérapeutiques afin de leur permettre l'accès à des traitements innovants. Il est ici question de rattraper le retard accumulé dans l'applicabilité des lois de bioéthique en matière de recherche, avec l'intégration de dispositions adoptées depuis 2012.
Le second objet du texte est d'adapter et d'étendre au territoire des îles Wallis et Futuna, à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française certaines dispositions de la loi de 2022 sur l'avortement, celles relatives à l'allongement du délai de recours à l'interruption volontaire de grossesse de douze à quatorze semaines, et à la suppression du délai minimal de réflexion à l'issue d'un entretien psychosocial.
Enfin, l'ordonnance étend des dispositions de la loi du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dite Rist 1, relatives à l'extension des compétences des sages-femmes en matière de dépistage et de traitement des infections sexuellement transmissibles pour Wallis-et-Futuna, ainsi que des dispositions de la loi de 2016 de modernisation de notre système de santé, dispositions relatives à la protection par le secret de la prescription de la contraception aux personnes mineures, pour la Polynésie française.
En effet, il est indispensable que ces dispositions soient appliquées à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie et aux îles Wallis et Futuna. Néanmoins, la ratification de l'ordonnance pose à nouveau la question de l'effectivité des droits. Elle ne peut qu'être la bienvenue, dans la mesure où elle comble un retard flagrant dans l'accès à des traitements innovants et met fin à une rupture d'égalité avec le territoire hexagonal s'agissant de l'allongement du délai de recours à l'IVG. Mais force est de constater qu'il ne suffit pas de consacrer un droit pour qu'il soit effectif. Le rapport du Sénat le souligne : « Cependant, si l'extension à Wallis-et-Futuna de la réglementation relative à la RIPH réalisée à la demande de l'agence de santé vise à ne pas priver les patients d'opportunités cliniques, elle ne peut, en réalité, pas s'appliquer au regard de l'offre de soins du territoire ».
Comme ce même rapport le souligne aussi, un problème d'application effective pourrait également advenir concernant les dispositions relatives à l'IVG : « L'extension de ce principe se heurte cependant parfois aux réalités de l'offre de soins locale et aux adaptations, non anticipées, des dispositions locales, quand la mise en œuvre de l'IVG relève de la compétence santé du pays en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. » De la même manière, l'équipement disponible ou les compétences attribuées aux professionnels de santé ne permettent pas nécessairement de rendre ce droit effectif, ni d'assurer sa prise en charge.
Pour rendre les droits applicables, deux éléments sont nécessaires. En premier lieu, leur reconnaissance. En ce sens, l'ordonnance est la bienvenue, et c'est la raison pour laquelle le groupe Écologiste votera en faveur du texte. En second lieu, leur application effective qui, elle, dépend des moyens humains et financiers. C'est bien cette question qui est posée en creux et sur laquelle nous souhaitons appeler votre attention.
Le projet de loi soumis à notre examen ce jour vise à garantir une application uniforme et adaptée de la législation en matière de santé publique sur l'ensemble du territoire français.
Une application uniforme, car l'ordonnance du 19 avril 2023 étend d'abord le champ d'application des lois bioéthiques de 2021, notamment en matière de recherche impliquant la personne humaine, à la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Wallis-et-Futuna. Cette extension est nécessaire à la sécurisation juridique des expériences scientifiques menées, comme au respect des droits fondamentaux des participants à ces expériences, essentielles pour la recherche scientifique et médicale.
L'ordonnance permet également d'étendre et d'adapter aux territoires concernés la loi qui consacre l'allongement du délai de recours à l'IVG de douze à quatorze semaines. Engagement du Président de la République et de notre majorité...
…cette mesure est un acte politique fort, traduisant un progrès social majeur en faveur du droit des femmes à disposer pleinement de leur corps. Enfin, l'ordonnance permet d'étendre l'accès aux soins et de renforcer la politique de prévention en santé dans les territoires concernés. Deux mesures complémentaires ont ainsi été consacrées dans la loi : l'extension des compétences des sages-femmes en matière de dépistage des infections sexuellement transmissibles, permise par la loi Rist 1, et l'accès effectif à la contraception pour les personnes mineures, permis quant à lui par la loi du 26 janvier 2016.
Les dispositions législatives concernées sont déjà en application sur le territoire métropolitain ; elles y ont prouvé leur bien-fondé, voire leur nécessité. Ces avancées législatives sont le fruit de combats politiques menés par notre majorité depuis 2017 ; néanmoins, nous avons entendu nos collègues du groupe GDR évoquer un certain nombre de problèmes.
L'examen du texte en commission des affaires sociales et le travail de concertation mené avec le Gouvernement ont porté leurs fruits et permis de perfectionner ce texte de ratification.
J'appelle donc de mes vœux un vote à l'unanimité, qui enverrait un signal fort à nos compatriotes vivant dans les territoires concernés.
La représentation nationale est sensible à l'égale considération des citoyens français où qu'ils résident – en métropole comme dans les territoires d'outre-mer –, a fortiori quand des droits aussi fondamentaux que ceux relatifs à la santé publique sont en jeu.
Le groupe Renaissance votera ce projet de loi, dans un objectif de cohérence de l'action politique menée et par conviction profonde.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Voilà l'illustration du respect du Rassemblement national pour les outre-mer !
Mme Angélique Ranc s'exprimera ultérieurement. La parole est à Mme Mathilde Panot.
Dans l'élaboration des lois et leur application, les territoires dits d'outre-mer sont constamment mis de côté ; vous en apportez une nouvelle preuve aujourd'hui. Vous choisissez trop souvent de renvoyer l'application des lois dans les outre-mer à des ordonnances, un dispositif antidémocratique, pour contourner le Parlement.
Ainsi, nos concitoyens ultramarins se retrouvent sans cesse relégués à des ordonnances d'application, prises tardivement, dans des domaines fondamentaux. C'est un facteur d'inégalité entre citoyens. L'ordonnance dont il est question ce jour étend des dispositions législatives datant de plusieurs années – douze ans pour certaines ! Cette méthode est inacceptable, a fortiori sur des sujets tels que la recherche sur des pathologies et le droit à l'avortement. Les femmes polynésiennes, calédoniennes et wallisiennes doivent attendre pour bénéficier de droits garantis des années plus tôt dans l'Hexagone.
La République doit garantir la même protection à ses citoyens, quel que soit l'endroit où ils se trouvent. C'est d'autant plus important que nous parlons de collectivités ultramarines où l'accès aux services de santé est déjà difficile, alors même que les problèmes de santé sont exacerbés. À titre d'exemple, près d'un quart des Polynésiens souffrent de diabète, et je ne parle même pas des conséquences pour la santé des quelque 200 essais nucléaires effectués pendant trente ans par la France dans le Pacifique, jusqu'en 1996.
Ce retard dans l'égalité des droits est d'autant plus préjudiciable que l'extension des dispositions relatives aux recherches impliquant la personne humaine a été réclamée avec force par la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie, notamment pour intégrer des patients à des essais thérapeutiques, pour leur permettre d'accéder à des traitements innovants et pour conduire des recherches spécifiques sur des enjeux régionaux de santé.
Les projets de lois doivent faire l'objet de concertation en amont, avec les autorités locales, et doivent être transposés plus efficacement et plus rapidement, afin que toutes et tous bénéficient des mêmes droits. Les trois collectivités dont il est question ont bien été consultées, formellement, mais sans que ces consultations permettent de discuter dans de bonnes conditions. Leurs représentants ont tous déploré les conditions dans lesquelles ces collectivités ont été saisies.
Le Congrès de Nouvelle-Calédonie a rendu un avis favorable, tout en critiquant les risques juridiques liés aux renvois aux dispositions européennes qui ne sont pas directement applicables outre-mer. C'est le seul avis reçu par le Gouvernement. L'assemblée de Wallis-et-Futuna a transmis à la sénatrice rapporteure de ce texte une délibération portant avis favorable, qui n'a manifestement pas été consultée par les services du Gouvernement. Enfin, le gouvernement de Polynésie française a indiqué qu'un projet d'avis a été préparé, sans avoir pu être formalisé avant la publication de l'ordonnance, puisqu'il a été sollicité en période préélectorale ; cet avis serait a priori favorable, sous réserve de certaines modifications.
Les droits ne doivent jamais rester théoriques, mais être effectifs. L'extension à Wallis-et-Futuna de la réglementation relative aux recherches impliquant la personne humaine, demandée par l'agence de santé pour ne pas priver les patients d'opportunités, ne pourra s'appliquer en raison de la faiblesse de l'offre locale de soins. L'assemblée territoriale a considéré, dans son avis, que ces extensions étaient « sans objet », constatant qu'il est « techniquement impossible d'avoir ces types de recherches sur le territoire en raison de l'absence de structures adaptées et de l'insuffisance – voire de l'absence –, de personnels compétents en matière de recherche ». Le rapport du Sénat note également que les dispositions améliorant l'accès à l'IVG pourront rencontrer des difficultés locales d'application, car l'équipement disponible, pour prendre ce seul exemple, est limité en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.
Le groupe La France insoumise – NUPES votera ce texte, mais alerte le Gouvernement : les habitants des outre-mer ne sont pas des citoyens entièrement à part, ils doivent l'être à part entière.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Le présent projet de loi vise à ratifier l'ordonnance n° 2023-285 du 19 avril 2023 portant extension et adaptation à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie et aux îles Wallis et Futuna de diverses dispositions législatives relatives à la santé. Le premier objet de ce texte est de rendre applicables certaines dispositions des récentes lois de bioéthique en matière de recherche, notamment les dispositions se rapportant aux RIPH. Il précise les conditions dans lesquelles ces recherches peuvent être menées et garantit la sécurité et la bonne information des participants.
Le second objet du texte est l'extension et l'adaptation aux territoires français du Pacifique des dispositions relatives à l'allongement des délais de recours à l'IVG et à la suppression du délai minimal de réflexion. De plus, le texte étend et adapte les compétences des sages-femmes en matière de dépistage et de traitement des infections sexuellement transmissibles pour Wallis-et-Futuna. Enfin, il garantit, en Polynésie, le secret de la prescription de la contraception aux personnes mineures.
En ce qui concerne l'actualisation du droit en matière de recherche impliquant la personne humaine, l'ordonnance de 2023 répond à une demande ancienne et réitérée des acteurs polynésiens et néo-calédoniens. Nous nous en réjouissons, notamment car elle permet, pour nos compatriotes du Pacifique, l'accès à des protocoles médicaux desquels ils étaient jusqu'à présent exclus. Cependant, malgré leur demande, nos compatriotes wallisiens et futuniens en restent exclus – j'y reviendrai.
En revanche, l'allongement du délai de recours à l'IVG n'était sollicité par aucune des collectivités concernées. C'est donc en tant que garant des libertés publiques sur ces territoires que le Gouvernement introduit cet allongement, alors que l'exercice de ce droit relèvera des collectivités s'agissant de l'organisation, de la formation des personnels et de la mise à disposition de locaux idoines, mais également en matière budgétaire. Le Gouvernement crée ainsi un droit dont il ne garantit pas l'exercice concret.
L'examen du texte en commission des affaires sociales a mis en lumière le manque de coconstruction de l'ordonnance avec les acteurs de Polynésie, de Nouvelle-Calédonie et de Wallis-et-Futuna. Monsieur le ministre, nous le regrettons tout de même. Néanmoins, nous saluons le travail des membres de la commission des affaires sociales, notamment de Mme la rapporteure ; nous saluons tout particulièrement celui de nos collègues polynésiens, qui ont permis d'améliorer largement l'ordonnance par l'introduction du nouvel article 2, dont les dispositions corrigent et mettent en cohérence le droit applicable en Polynésie, et de l'article 3 qui tend à évaluer les coûts que doivent supporter les collectivités en raison des droits créés pour elles par le Gouvernement. Compte tenu de ces améliorations, le groupe Les Républicains votera ce texte.
Enfin, au nom de mon groupe, particulièrement de son président Olivier Marleix, j'invite le Gouvernement à significativement améliorer ses modalités de consultation et d'association des acteurs locaux dans l'élaboration des textes concernant les territoires ultramarins. Cette invite vaut pour les collectivités du Pacifique, des Antilles et d'Amérique, et plus encore pour les territoires de l'océan Indien, notamment Mayotte ; le Gouvernement semble y jouer la montre plutôt que de négocier sur le futur projet de loi d'urgence, dont l'examen en conseil des ministres est annoncé dans cinq semaines. Cela provoque l'inquiétude de mon collègue et ami Mansour Kamardine.
Ia orana. Bozu. Avant tout, permettez-moi de saluer nos frères et sœurs polynésiens, calédoniens, wallisiens et futuniens, qui dorment encore ou se réveillent à peine.
La Polynésie française dispose d'un système de santé autonome, qui doit relever des défis liés à une géographie dispersée et à l'évolution des dépenses de santé. La couverture maladie universelle (CMU) est en place depuis 1994, mais le financement du système de santé reste un enjeu majeur.
En Nouvelle-Calédonie, le système de santé est confronté à des défis similaires, avec des problèmes de financement et des maladies chroniques en augmentation. Un plan de réforme, Ma santé Nouvelle-Calédonie, vise à adapter le système aux besoins actuels.
À Wallis-et-Futuna, le système de santé repose sur une agence de santé qui gère les soins et les urgences. Il n'y a pas de médecine libérale et les évacuations sanitaires sont courantes en raison de l'isolement des îles. Voilà pour le décor.
Depuis la réforme constitutionnelle de 2003, notre Constitution habilite le Gouvernement à actualiser, par voie d'ordonnance, le droit applicable à l'outre-mer, en particulier à la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna. La contrepartie de cette relative simplicité est la ratification de l'ordonnance par le Parlement moins de dix-huit mois après sa publication.
Nous sommes réunis ce jour pour exercer notre rôle de législateur, selon une perspective plus légistique que politique. Si le délai de dix-huit mois peut faire l'objet de discussions – une échéance plus courte aurait été plus judicieuse –, il importe néanmoins que nous nous acquittions de notre tâche avec sérieux et diligence, sans quoi plusieurs collectivités du Pacifique – la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna – subiraient un retour vers le passé en matière de législation de santé publique.
Ce projet de loi de ratification, adopté à la quasi-unanimité par le Sénat, vise à garantir la pérennité de plusieurs évolutions de notre droit. Je pense entre autres à l'encadrement de la recherche médicale impliquant la personne humaine, adapté et plus protecteur grâce aux diverses lois de bioéthique que nous avons adoptées ici ces dernières années. Je pense également à l'harmonisation des délais de recours à l'interruption volontaire de grossesse, fixés à quatorze semaines pour toutes les femmes, où qu'elles résident, y compris dans les îles du Pacifique – il s'agit là d'une mesure précieuse pour l'égalité des droits des femmes. Je pense enfin à plusieurs dispositions qui améliorent l'accès aux soins, notamment celles issues de la loi Rist 1, du nom de notre collègue que je salue. Ces dispositions permettront demain un meilleur dépistage et un meilleur traitement des infections sexuellement transmissibles ; elles permettront également d'élargir les capacités de prescription des sages-femmes, masseurs-kinésithérapeutes, orthophonistes et ergothérapeutes. Enfin, nos compatriotes polynésiens, calédoniens, wallisiens et futuniens porteurs de handicap verront – il en était temps – leur accès aux soins et leur accompagnement facilités.
Mes chers collègues, la réalité médicale et sociale des Français du Pacifique est difficile et spécifique, ce que je rappelais en introduction de mon propos. Ceux-ci souffrent de sévères difficultés d'accès à la santé, auxquelles il convenait de remédier. Ce sera en partie chose faite aujourd'hui.
Si l'exercice de notre rôle de législateur nous conduit à renforcer l'égalité juridique et sanitaire des habitants des collectivités françaises de l'océan Pacifique, n'oublions pas non plus de les accompagner dans leur développement, notamment économique.
Le groupe Démocrate votera bien entendu en faveur de ce projet de loi.
Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui revêt une importance capitale pour les habitants des collectivités françaises du Pacifique. En effet, nous sommes invités à nous prononcer sur la ratification de l'ordonnance du 19 avril 2023, qui vise à étendre et à adapter diverses dispositions appliquées aujourd'hui en métropole, dans le but d'offrir aux Polynésiens, Calédoniens, Wallisiens et Futuniens un accès équitable aux avancées médicales et au droit en matière de santé.
Dans le respect des procédures, le Gouvernement a consulté les assemblées des collectivités concernées, conformément à l'article 74-1 de la Constitution, afin de les associer à l'élaboration de politiques les concernant directement. De plus, l'absence de contestation quant à d'éventuels empiètements de l'État sur les compétences dévolues à ces collectivités témoigne du consensus que suscite la nécessité de cette législation, qui permettra de répondre aux besoins locaux en matière de santé publique.
Bien que d'aspect technique, cette ordonnance comble le retard important accumulé, notamment en matière de bioéthique. En alignant les droits et les pratiques médicales locaux sur ceux de la métropole, elle vise à garantir l'égalité d'accès aux soins et aux avancées médicales à tous les citoyens français, quel que soit leur lieu de résidence.
Dans le domaine de la recherche impliquant la personne humaine, cette ordonnance vise à combler les lacunes actuelles et à assurer une application rigoureuse des lois de bioéthique en vigueur en métropole depuis 2012. Ainsi, elle prévoit l'intégration de dispositions du code de la santé publique visant à encadrer ces recherches dans le respect absolu de la sécurité et de l'information des participants. Ces dispositions renforcent notamment le rôle des comités de protection des personnes, garants de l'éthique et de la légalité des études menées qui émettent un avis préalable sur les conditions de validité de toute recherche impliquant la personne humaine.
Ce rattrapage permet d'harmoniser les pratiques de recherche et de garantir une application uniforme des règles dans l'ensemble du territoire français.
De manière plus concrète, l'ordonnance affectera positivement la vie quotidienne des habitants des collectivités du Pacifique. Par exemple, la loi du 2 mars 2022 visant à renforcer le droit à l'avortement étend les délais de recours à l'interruption volontaire de grossesse à quatorze semaines, tout en supprimant le délai minimal de réflexion post-entretien psychosocial, offrant ainsi aux femmes une plus grande autonomie dans leurs décisions de santé reproductive.
L'ordonnance étend et adapte à Wallis-et-Futuna les dispositions relatives au possible recours à la téléconsultation et à l'autorisation pour les sages-femmes de réaliser, en établissement de santé, des interruptions volontaires de grossesse par voie instrumentale. L'application de la loi Rist 1 y élargira les compétences des sages-femmes en matière de dépistage et de traitement des infections sexuellement transmissibles. L'ordonnance prévoit aussi l'application des dispositions relatives aux produits pharmaceutiques garantissant ainsi aux femmes de Wallis-et-Futuna l'accès à l'interruption volontaire de grossesse médicamenteuse réalisée lors de la huitième ou de la neuvième semaine d'aménorrhée.
Ces mesures renforcent donc les capacités locales de prise en charge préventive et curative. Elles contribuent ainsi à améliorer la santé sexuelle et reproductive des habitants des collectivités françaises du Pacifique. En Polynésie française spécifiquement, l'application des dispositions de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, relatives à la protection par le secret de la prescription de la contraception aux personnes mineures, reflète la volonté du Gouvernement de garantir l'accès aux services de santé reproductive dans le respect des droits individuels, notamment ceux des jeunes.
Le groupe Horizons et apparentés porte une grande attention aux territoires d'outre-mer, dans lesquels la loi se doit d'être adaptée et appliquée, en veillant à l'effectivité des droits pour tous nos concitoyens. Tel est clairement l'objectif de l'ordonnance.
Nous saluons également l'adoption quasi unanime de ce texte lors de son examen au Sénat et nous formons l'espoir que pareil consensus se manifeste lors du vote prévu aujourd'hui à l'Assemblée nationale. Les modifications apportées par amendement en commission des affaires sociales visent d'ailleurs à rendre les dispositions de la loi plus effectives, grâce à une meilleure prise en compte des réalités locales et des pouvoirs des collectivités du Pacifique en matière de santé.
Notre groupe votera donc, comme il l'a fait en commission, en faveur de ce projet de loi de ratification.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes HOR, RE et Dem.
L'ordonnance rend applicable aux trois collectivités du Pacifique les dispositions relatives aux recherches impliquant la personne humaine. En effet, il y a dans ces trois territoires des vides juridiques, apparus avec les évolutions législatives qu'a récemment connues la métropole.
Ce texte vise également à rendre applicables à ces territoires des évolutions législatives récentes, relatives aux droits des personnes malades, à la santé sexuelle, à l'interruption volontaire de grossesse et à différents produits pharmaceutiques. Concrètement, il doit permettre de rendre applicables dans ces collectivités d'outre-mer les nouveaux droits votés dans l'Hexagone, ce qui était nécessaire et attendu.
Il est notamment question de l'allongement du délai de recours à l'IVG de douze à quatorze semaines de grossesse, de la suppression du délai minimal de réflexion de deux jours avant de confirmer sa volonté d'avorter, de l'utilisation possible de la téléconsultation dans le cadre d'une IVG médicamenteuse, de l'extension du rôle des sages-femmes dans le dépistage et le traitement des infections sexuellement transmissibles, autant de dispositions devant améliorer le système de santé en favorisant la confiance et la simplification des procédures.
Quelques semaines après le vote du Congrès et la constitutionnalisation du droit à l'IVG, je me réjouis, avec les députés du groupe Socialistes et apparentés, de pouvoir discuter de ces mesures. Elles doivent permettre de traduire dans les faits ces évolutions législatives nationales.
S'il est tout à fait pertinent de permettre l'application du droit national en matière d'avortement dans les collectivités du Pacifique, nous souhaitons profiter des discussions de ce soir pour rappeler qu'il est nécessaire de porter une attention toute particulière aux moyens mis à disposition des départements, collectivités et régions d'outre-mer pour rendre pleinement effectif ce droit constitutionnel.
L'ordonnance qu'il nous est proposé de ratifier vise également à étendre à la Polynésie française la possibilité de déroger à l'obligation faite à certains professionnels de santé de recueillir le consentement de l'autorité parentale, dans certaines situations, lorsque des actions de prévention, de traitement ou de dépistage sont nécessaires pour assurer la santé sexuelle et reproductive des mineurs. En outre, elle vise à assurer la confidentialité de la prescription de contraception aux mineurs.
Ces mesures sont tout à fait nécessaires, mais il reste important de s'assurer que les moyens alloués aux organismes de prévention et d'accompagnement, notamment au Planning familial, soient suffisants dans l'ensemble des territoires d'outre-mer, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
En commission, le projet de loi de ratification a pu être amélioré, notamment grâce au travail de notre collègue de Polynésie française, Mereana Reid Arbelot, et de la rapporteure. Plusieurs amendements ont ainsi été adoptés tendant à permettre une détermination locale des modes d'exercice et de coopération entre les professionnels de santé, à adapter les règles de gestion des établissements de transfusion sanguine ou encore à adapter les règles d'octroi des autorisations sanitaires pour l'assistance médicale à la procréation.
Avec les députés du groupe Socialistes et apparentés, nous voterons en faveur de ce texte de ratification d'une ordonnance visant à étendre et adapter certaines dispositions de droit, au profit de nos concitoyens de Polynésie française, de Nouvelle-Calédonie et de Wallis-et-Futuna. Toutefois, nous tenons à exprimer notre inquiétude, vive et générale, quant à l'état du système de santé dans ces territoires et, plus globalement, dans les collectivités, départements et régions d'outre-mer.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.
Ia ora na – bonjour à tous. En guise de propos liminaire, je saluerai, à la suite de mes collègues, le travail accompli par la rapporteure. Je souhaite également féliciter ma collègue, la députée polynésienne Mereana Reid Arbelot, pour avoir apporté à cette ordonnance, par de nombreuses corrections, la pertinence qui lui faisait manifestement défaut.
Nous nous retrouvons donc aujourd'hui à débattre d'un texte complété et d'une ordonnance que le Gouvernement, sur le fondement de l'article 74-1 de la Constitution, nous demande de ratifier sous peine de caducité : l'ordonnance n° 2023-285 du 19 mars 2023 portant extension et adaptation de diverses dispositions relatives à la santé à Wallis-et-Futuna, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.
Cette ordonnance apportera aux collectivités du Pacifique des évolutions majeures en matière de santé. L'actualisation des dispositions relatives à la recherche impliquant la personne humaine offrira aux patients wallisiens, futuniens, calédoniens ou polynésiens en situation d'échec thérapeutique la possibilité d'accéder à des traitements innovants, tout en étant protégés par un cadre juridique leur garantissant une meilleure sécurité.
L'actualisation du droit relatif à l'interruption volontaire de grossesse, qui permettra aux femmes vivant dans ces collectivités de jouir du même délai de recours que celles vivant en France hexagonale et dans les départements ultramarins, est également bienvenue. Cette harmonisation apparaît d'ailleurs comme une nécessité, dès lors qu'elle intervient au lendemain de l'inscription, dans la norme la plus fondamentale de la République, de la liberté d'interrompre sa grossesse. L'exercice de cette liberté doit donc être prévu dans les mêmes conditions pour toutes femmes, dans tout le territoire français.
Aussi bienvenue que soit l'extension de ces dispositions, je ne peux néanmoins m'empêcher de porter un regard critique quant à la pertinence de leur adaptation dans le droit positif des collectivités locales qui les accueillent. Le travail est criant de laxisme, tant sur la forme que sur le fond.
Sur la forme, les renvois sur renvois – parfois vers des articles abrogés depuis longtemps dans le code de la santé publique ou encore vers des organismes compétents qui n'existent pas ou plus – rendent l'ordonnance du 19 mars 2023 difficilement lisible, intelligible et accessible, sans parler des erreurs rédactionnelles. Ces défauts font planer le risque de l'insécurité juridique dans ces territoires et démontrent le non-respect des tableaux « compteurs Lifou ».
La consultation des assemblées délibérantes concernées a été bâclée : l'assemblée de la Polynésie Française a par exemple été empêchée par son renouvellement intégral de rendre un avis sur cette ordonnance. En outre, celle-ci aurait gagné en pertinence dans l'adaptation des dispositions à la Polynésie, si un travail de collaboration étroite avec l'assemblée et le gouvernement de la Polynésie française avait été réalisé.
Il est également important de souligner que certaines dispositions, notamment celles relatives à la recherche impliquant la personne humaine, sont entrées en vigueur dans le droit français en 2012, mais que leur extension aux collectivités du Pacifique n'intervient que maintenant, près de quatorze ans plus tard. Le manque de clarté de l'ordonnance, le manque de concertation et l'intervention tardive de l'extension semblent démontrer que les collectivités du Pacifique sont reléguées au second plan dans les préoccupations du gouvernement central.
Ce manque de considération est plus flagrant encore sur le fond, notamment en ce qui concerne la Polynésie française. Il n'est pas judicieux d'y étendre des dispositions applicables dans l'Hexagone sans les adapter aux spécificités sociales ou géographiques de ce territoire. En effet, la société polynésienne est totalement différente : la religion s'y est profondément enracinée, au point de remodeler l'identité de son peuple, mais ce n'est pas le cas au sein de la société française.
L'extension de ces dispositions doit impérativement prendre en considération ces spécificités, au risque de voir naître en Polynésie des recherches scientifiques délétères pour ses habitants. L'harmonisation du droit relatif au recours à l'IVG sur l'ensemble du territoire français est louable mais, en Polynésie, cet idéal d'égalité juridique se heurte à la réalité matérielle. Le recours à l'IVG reste difficilement accessible pour la grande majorité des Polynésiennes. C'est pourquoi étendre des grands principes, c'est bien, mais les rendre effectifs, c'est encore mieux.
Les députés polynésiens, comme le groupe GDR – NUPES, voteront pour ce texte, en émettant néanmoins des réserves quant à son adaptation. Nous espérons que les amendements que nous avons déposés pour améliorer le texte seront adoptés. Mauruuru, Te aroha ia rahi – merci, salutations à tous !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Le projet de loi a pour objectif d'adapter à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie et aux îles Wallis et Futuna diverses dispositions législatives relatives à la liberté, à la santé publique ainsi qu'à la recherche. En somme, ce texte constitue une belle avancée en tant qu'il permet à des patients de ces territoires d'être associés à des recherches cliniques.
Nous nous réjouissons que ces dispositions permettent, par exemple, à des patients atteints de cancer et en échec thérapeutique de participer à des protocoles de recherche, et d'accéder plus facilement à des traitements innovants. Jusqu'à présent, ces territoires devaient mener leurs propres recherches sur des pathologies jugées spécifiques, car liées aux caractéristiques des populations ou de leur région.
Nous aurions pourtant tort de nous arrêter à cette avancée théorique en ignorant la réalité de l'offre de soins qui est insuffisante dans ces territoires français : elle ne permet pas toujours de passer de la théorie à la pratique. Dans les îles Wallis et Futuna, la situation du système de santé est particulièrement préoccupante. Si les dispositions relatives aux recherches sur la personne humaine n'ont pas semblé soulever de problèmes majeurs lors de leur adoption par le Sénat et l'Assemblée nationale, l'extension des dispositions de la loi du 2 mars 2022 visant à renforcer le droit à l'avortement, qui étend de douze à quatorze semaines le délai légal de recours à l'IVG, reste une question clivante. Aucun de ces trois territoires n'a d'ailleurs demandé l'extension de l'allongement du délai.
L'accessibilité de ces droits constitue un véritable enjeu, car l'absence d'équipements et de formation des sages-femmes à l'acte chirurgical comporte des risques non négligeables. Comme à son habitude, le Gouvernement semble se borner à étendre de grands principes sans anticiper leur réelle application par les territoires, donc sans en assurer un accès effectif et équitable.
Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe Rassemblement national préfère s'abstenir sur le projet de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.
L'article 1er
Cet amendement est identique à celui de Mme Reid Arbelot, qui, en commission des affaires sociales, avait déposé un amendement visant à supprimer une disposition du code de santé publique qui n'était plus opérante en Polynésie française. Or tel qu'il était rédigé, l'amendement s'appliquait également à la Nouvelle-Calédonie. Nous sommes convenus qu'elle le retire en vue d'en proposer un nouveau. C'est pourquoi nous avons déposé ces amendements identiques.
Conformément à son statut organique, la Polynésie française est compétente en matière de santé. Cet amendement vise à charger l'autorité compétente de nommer un coordinateur lorsqu'une recherche impliquant la personne humaine, confiée à plusieurs investigateurs, est conduite en Polynésie française.
Défavorable. L'amendement prévoit de conférer au gouvernement local des prérogatives dans un domaine qui ne relève pas forcément du Gouvernement dans le droit commun. Il n'y a pas lieu de transposer à la Polynésie française un dispositif qui n'est pas prévu.
Cet amendement vise à confier à l'autorité compétente la responsabilité de désigner un investigateur coordonnateur. En métropole, il revient au promoteur de la recherche de nommer un investigateur coordinateur car c'est le promoteur qui confie la réalisation de la recherche dans un lieu donné à un ou plusieurs investigateurs. Dans le cadre de recherches menées en Polynésie française, je ne saisis pas ce qui justifierait une modification de la répartition des rôles, qui est de droit commun. J'émets donc un avis défavorable.
L'amendement n° 7 n'est pas adopté.
L'amendement n° 4 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Il vise à compléter l'article L. 1211-6-1 du code de la santé publique. La rédaction de l'amendement déposé en commission était trop large. Nous l'avons donc modifiée afin de limiter l'application de la mesure au territoire polynésien.
L'amendement vise à laisser aux autorités polynésiennes compétentes le soin de déterminer les critères relatifs aux personnes pouvant bénéficier d'un don du sang en Polynésie française.
Si l'État est compétent pour fixer les principes relatifs notamment à la qualité, à la sécurité, au caractère éthique des dons et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain – qui relèvent des libertés publiques –, l'application des règles est de la compétence de la Polynésie française. Le pays dispose déjà d'une réglementation relative au don du sang et fixant les critères de sélection des donneurs de sang. Il convient donc de supprimer la disposition qui attribue cette compétence à l'État.
Avis défavorable. Nous sommes en total désaccord. Cet amendement conduirait, en quelque sorte, à lever, en Polynésie, l'interdiction de discriminer les donneurs de sang en fonction de leur orientation sexuelle, ce que nous ne souhaitons pas. En effet, il vise à donner aux territoires concernés la compétence de déterminer les critères relatifs à la sélection des donneurs. Ce n'est pas ce que nous souhaitons. Le respect des droits et des libertés est en jeu.
J'émets également, avec la même force que la rapporteure, un avis défavorable sur cet amendement, car il vise à transférer à l'autorité sanitaire locale les compétences relatives à la détermination des critères de sélection des donneurs de sang, qui incombent à l'État. Certes, une réglementation locale en matière de don de sang s'applique déjà en Polynésie, mais la détermination des critères d'éligibilité au don relève de la compétence nationale et n'a pas vocation à être différente selon les collectivités.
L'amendement n° 12 n'est pas adopté.
Sur l'ensemble du projet de loi, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l'amendement n° 2 rectifié .
Il vise à corriger une erreur matérielle.
L'amendement n° 2 rectifié , accepté par la commission, est adopté.
En commission, Mme la rapporteure a justifié son avis défavorable sur cet amendement par le fait que le droit français prévoyait déjà un accompagnement psychologique systématique des femmes ayant recours à l'IVG.
Or, depuis la loi du 4 juillet 2001 relative à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception, les entretiens psychologiques ne sont plus obligatoires pour les femmes majeures, que ce soit avant ou après l'IVG. En pratique, seuls 6 % des établissements privés et 49 % des établissements publics continuent de les proposer aux femmes majeures. Lorsqu'aucun entretien n'est prévu au sein de la structure, seuls 5 % des établissements proposent systématiquement un entretien en dehors de celle-ci.
Par ailleurs, ces entretiens présentent bien des défauts auxquels la loi devrait remédier : leur durée est trop courte, leur contenu est inadapté, la proportion de psychologues parmi les professionnels de santé qui les réalisent est insuffisante. L'essentiel reste cependant de les rendre réellement accessibles et de les proposer systématiquement à toutes les femmes mineures et majeures.
J'émets le même avis défavorable qu'en commission. L'amendement est satisfait car il vise à proposer aux femmes majeures un entretien psychologique avant l'IVG alors que le code de la santé publique prévoit déjà qu'une telle consultation est systématiquement proposée avant et après l'IVG. Je remarque que, tel qu'il est rédigé, votre amendement ne tend pas à rendre cet entretien obligatoire et qu'il ne mentionne qu'un entretien préalable à l'IVG et aucun entretien postérieur. Ce dernier point fait craindre qu'il vise à décourager les femmes d'avoir recours à l'avortement.
Je suis fortement défavorable à votre amendement qui vise à ce qu'un accompagnement psychologique soit systématiquement proposé aux femmes qui souhaiteraient recourir à une interruption volontaire de grossesse dans les trois collectivités concernées par le projet de loi.
Notre Constitution prévoit que, dans les matières qui demeurent de la compétence de l'État, le Gouvernement peut étendre par ordonnance, dans les collectivités d'outre-mer, les dispositions de nature législative en vigueur en métropole. Notre Constitution prévoit également que les lois puissent faire l'objet d'adaptation tenant aux particularités des collectivités.
Or l'adoption de votre amendement créerait une obligation qui n'est pas en vigueur en métropole et qui ne semble pas justifiée par un besoin d'accompagnement psychologique local plus important qu'en métropole.
L'amendement n° 10 n'est pas adopté.
L'article 2, amendé, est adopté.
La parole est à M. Steve Chailloux, pour soutenir l'amendement n° 3 , portant article additionnel après l'article 2.
Il est issu d'une proposition de l'assemblée de la Polynésie française, et vise à insister sur la nécessité de prendre en considération les spécificités polynésiennes. Je tiens à exprimer notre regret que l'assemblée de la Polynésie française n'ait pas été associée à l'élaboration de cette ordonnance. Étant donné que c'est l'organe législatif local compétent en matière de santé, son expertise en matière de droit local et de culture locale aurait permis que ce texte gagne en pertinence.
Sur le fond, l'amendement vise à conditionner la validité des recherches impliquant les personnes humaines menées en Polynésie française, non seulement à l'avis du comité de protection des personnes, mais également à celui du comité d'éthique de la Polynésie française. Créé en 1999, il s'est vu confier la mission de donner des avis et recommandations sur les problèmes éthiques soulevés par les nouvelles technologies, la recherche et les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé.
Ce comité fonde son analyse sur son expertise de la société polynésienne. Il importe de garder à l'esprit que cette dernière est totalement différente de la société française : la religion s'y est profondément enracinée au point de remodeler l'identité de son peuple. En conséquence, les concepts sociétaux les plus importants reposent sur des définitions différentes de la laïcité, des mœurs, de l'éthique, voire sur des définitions scientifiques différentes. Pour préserver cette éthique, ne pas troubler les mœurs et, par extension, l'ordre public, il est primordial de faire valider les recherches impliquant la personne humaine réalisées en Polynésie française par un comité d'éthique, composé d'experts des spécificités culturelles polynésiennes.
Cet amendement a été examiné par la commission en application de l'article 88 du règlement et a reçu un avis défavorable : en effet, appliquer des règles d'éthique différentes en Polynésie de celles qui s'appliquent ailleurs en France pourrait menacer les droits dont tous les Français bénéficient, y compris en Polynésie française.
Cet amendement induirait une forme de surtransposition – thème à la mode. Il conduirait en effet à complexifier les procédures, puisqu'il prévoit deux avis éthiques – alors qu'un seul avis éthique est requis en métropole –, en plus de l'autorisation de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Une telle procédure n'apporterait pas de garanties supplémentaires et soulèverait des interrogations, dès lors que l'avis d'un second comité d'éthique s'imposerait à celui du comité de protection des personnes. Avis défavorable.
L'amendement n° 3 n'est pas adopté.
L'article 3 est adopté.
La parole est à M. Steve Chailloux, pour soutenir l'amendement n° 6 , portant article additionnel après l'article 3.
En Polynésie, le délai de recours à une interruption volontaire de grossesse est de douze semaines, contre quatorze dans l'Hexagone. La présente ordonnance aura pour effet d'harmoniser ce délai dans l'ensemble du territoire français, ce qui est une entreprise louable, surtout au lendemain de la consécration de la liberté de recourir à l'avortement dans la Constitution – les députés polynésiens se sont d'ailleurs prononcés en sa faveur.
Cet idéal se heurte néanmoins à la réalité de l'archipel polynésien, qui compte 118 îles réparties sur une superficie maritime de presque 2,5 millions de kilomètres carrés. L'IVG reste difficilement accessible pour la grande majorité des Polynésiennes, car les structures médicales qui la pratiquent se trouvent toutes sur l'île principale, Tahiti. Les autres îles ne disposent parfois que d'infirmeries, voire uniquement de centres de premiers secours. Les Polynésiennes habitant dans les îles et atolls les plus éloignés souffrent de leur insularité : aux consultations chez le gynécologue, il faut ajouter le coût du billet et une séparation avec le conjoint ou la famille, entre autres ; autant d'obstacles dissuasifs. Il serait plus cohérent de parler de l'extension du droit de recourir à l'IVG à Tahiti, plutôt qu'à la Polynésie. Garantir un accès effectif et harmonieux à ce droit implique de rapprocher les Polynésiennes des structures de soins proposant des IVG. Il est tout aussi nécessaire de connaître le coût d'un tel rapprochement.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 6 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Les dispositions relatives aux missions et prérogatives de l'ANSM et de l'Agence de la biomédecine sont éparpillées à divers endroits du code de la santé publique. Ainsi, afin de comprendre le contenu des missions de l'ANSM, il convient de se référer aux articles L. 5541-2 et suivants et L. 5311-1 et suivants du code ; pour ce qui concerne l'Agence de la biomédecine, il faut se référer à l'article L. 1542-14, qui renvoie lui-même au titre IV du livre V de la première partie ainsi qu'au titre IV du livre IV de la deuxième partie du code.
L'éparpillement de ces dispositions et leur intrication complexe rendent la répartition des compétences des deux agences absolument illisible. Outre ces multiples dispositions législatives, ces agences peuvent également passer des conventions avec les autorités polynésiennes sur des points précis, comme ce fut le cas pour la convention sur les greffes rénales signée avec l'Agence de la biomédecine en août 2013.
Nous demandons au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport définissant la répartition des missions et des prérogatives de l'ANSM et de l'Agence de la biomédecine en Polynésie française, ainsi que leurs modalités d'application.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 8 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 73
Nombre de suffrages exprimés 57
Majorité absolue 29
Pour l'adoption 57
Contre 0
Le projet de loi est adopté.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE, LFI – NUPES et Dem.
L'ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, de la proposition de loi visant à soutenir l'engagement bénévole et à simplifier la vie associative (n° 2415).
La parole est à Mme Fabienne Colboc, suppléant M. Quentin Bataillon, rapporteur de la commission mixte paritaire.
Nous sommes réunis pour parachever les travaux du Parlement relatifs à la proposition de loi visant à soutenir l'engagement bénévole et à simplifier la vie associative, qui a fait l'objet d'un large consensus dans les deux chambres, avant qu'elles ne s'accordent sur un texte commun lors de la commission mixte paritaire (CMP) qui s'est tenue le 27 mars dernier.
Je salue l'important travail réalisé par l'auteur et rapporteur du texte, Quentin Bataillon, qui a su œuvrer dans un esprit transpartisan. Il ne pouvait être présent parmi nous et m'a demandé de le suppléer : il est retenu par une réunion publique, consacrée précisément à cette proposition de loi et planifiée depuis de nombreuses semaines.
Je salue également votre travail, madame la ministre déléguée chargée du renouveau démocratique : vous avez suivi ce texte de près et l'avez largement soutenu. Je suis heureuse de vous voir siéger de nouveau sur ces bancs pour soutenir les associations.
Un esprit de rassemblement a prévalu entre l'Assemblée nationale et le Sénat : les principales dispositions du texte, figurant dans les articles 1er , 2 et 3, ont été adoptées conformes dans les deux chambres. Lors de la CMP, toutes les voix et positions ont pu s'exprimer sereinement, et chacun a accepté de revenir sur certains points pour favoriser l'adoption d'un texte qui nous paraît à tous absolument nécessaire et qui résulte, donc, d'un compromis.
En CMP, nous avons entériné sans difficulté certaines avancées proposées par le Sénat, telles que l'élargissement du congé de citoyenneté aux délégués bénévoles du Défenseur des droits – article 2 bis A – ou encore l'autorisation de don par un salarié, sous forme monétisée, de jours de congé non pris à une association – article 2 bis .
Nous avons également conservé, avec quelques modifications rédactionnelles, l'article 3 bis issu du Sénat, prévoyant l'élargissement à la fonction publique hospitalière de l'expérimentation de mise à disposition d'agents en faveur des associations, en la limitant cependant aux seuls fonctionnaires. Il nous a paru préférable d'exclure les contractuels de ce dispositif, car les structures hospitalières et médico-sociales recourent à eux pour pallier des difficultés de recrutement ou des manques de personnel et pour faire face à des besoins particuliers ; les mettre à disposition d'associations n'aurait eu guère de sens.
Pour des questions de conformité au droit européen, nous avons supprimé l'article 6 ter, ajouté par le Sénat, qui visait à rendre les associations éligibles au régime du groupe TVA. J'interpelle d'ailleurs le Gouvernement : pour faire avancer ce dossier, il doit nécessairement intervenir à Bruxelles.
La CMP a par ailleurs rétabli l'article 7 bis dans sa version issue de l'Assemblée nationale. Il nous tenait particulièrement à cœur, ainsi qu'à de très nombreux acteurs du monde associatif, car il consacre dans la loi l'existence du Guid'Asso.
Nous avons également pu rétablir, dans une version complétée, l'article 7 ter, consacré à une demande de rapport au Gouvernement. Malgré la réticence traditionnelle du Sénat envers de telles demandes, nous avons su le convaincre de l'utilité d'un rapport visant à collecter des informations et des indicateurs que nous ne pouvons pas obtenir par nous-mêmes, notamment en ce qui concerne l'emploi dans les associations. Demandé par différents groupes politiques, ce rapport nous permettra d'étayer nos futurs travaux.
L'accord trouvé en CMP est une très bonne nouvelle, d'abord et avant tout pour le monde associatif, auquel nous manifestons, de la sorte, notre attachement. Ce texte ne permettra pas, à lui seul, de résoudre l'ensemble des problèmes auxquels sont confrontés ses acteurs, mais il constitue indéniablement un premier jalon pour les 22 millions de bénévoles et les 1,5 million d'associations que compte notre pays – je tiens encore à les saluer.
Pour l'ensemble de ces raisons, je vous invite, chers collègues, à voter la proposition de loi.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du gouvernement.
Vous êtes, en vos qualités respectives, des engagés du quotidien, et vous vous apprêtez à voter un texte en faveur d'autres engagés du quotidien : les 15 millions de Françaises et de Français qui s'investissent sans relâche dans des associations. Nous devons les accompagner pour qu'ils puissent continuer à faire vivre nos quartiers, à soutenir nos jeunes et à venir en aide aux plus démunis. À l'heure où la division menace, nous devons, plus que jamais, rappeler que ces engagés du quotidien font office de véritables remparts républicains. Il nous revient de les soutenir, de les accompagner et de les aider à aider les autres.
Depuis 2017, le Gouvernement et la majorité ont fait de cet impératif une ambition et une réalité. En les aidant sur le plan financier, tout d'abord : les crédits alloués au fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) ont augmenté cette année, grâce à l'Assemblée nationale, passant de 50 millions à près de 70 millions d'euros ; pas moins de 16 000 structures en ont bénéficié, en grande majorité des petites et moyennes associations.
Nous avons également simplifié la vie de ces acteurs du quotidien, par exemple en consolidant la protection juridique des dirigeants d'associations ou en déployant des outils plébiscités sur le terrain, tels que le guichet unique Le Compte asso ou le Guid'Asso, dont les crédits ont augmenté dans le cadre de la loi de finances pour 2024.
Nous devons continuer à nous mobiliser, loin des querelles partisanes, afin que nos nuances politiques soient une force au service du débat démocratique – les engagés du quotidien en ont constamment besoin.
Le texte a été enrichi et amendé par la CMP, et j'espère qu'il connaîtra une issue positive au terme de son parcours. Je ne détaillerai pas l'ensemble des mesures qu'il contient, de l'assouplissement des conditions de recours au congé d'engagement associatif à l'ouverture du mécénat de compétences en faveur des associations aux entreprises de moins de 5 000 salariés.
Dans cette chambre qui m'est particulièrement familière, je suis fière d'apporter le soutien plein et entier du Gouvernement à ce texte qu'a puissamment défendu Quentin Bataillon, lequel est suppléé aujourd'hui par Fabienne Colboc : il prouve qu'au-delà de nos nuances, nous pouvons mener une action politique résolue et engagée à l'endroit d'autres engagés, en faveur des associations, de ces femmes et de ces hommes qui, partout, font vivre nos quartiers.
La parole est à Mme Isabelle Rauch, présidente de la commission mixte paritaire.
Nous pouvons tous nous réjouir que la commission mixte paritaire qui s'est réunie le 27 mars soit parvenue à un accord. En effet, celui-ci signifie que la proposition de loi visant à soutenir l'engagement bénévole et à simplifier la vie associative sera définitivement adoptée si notre assemblée approuve le texte aujourd'hui, car le Sénat, pour sa part, l'a déjà fait le 2 avril.
Je tiens à saluer l'esprit de consensus qui a prévalu lors de l'examen du texte dans chacune des assemblées, puis lors de la CMP : à chaque fois, la proposition de loi a été adoptée à l'unanimité. Ainsi avons-nous signifié aux associations combien elles comptent pour nous, pour notre société, pour notre démocratie : elles sont indispensables à la cohésion et au lien social. Or force est de constater qu'un grand nombre d'entre elles souffrent de la complexité des procédures et que l'engagement des bénévoles n'est pas suffisamment reconnu. La proposition de loi nous permet précisément d'agir dans ces deux directions. C'est pourquoi elle me tient particulièrement à cœur ; j'en suis d'ailleurs l'une des premières signataires.
Je relève que les dispositions figurant dans la version initiale de la proposition de loi ont été adoptées sans difficulté par les deux assemblées : soit elles ont été votées conformes, soit elles n'ont fait l'objet que de modifications d'ordre rédactionnel qui ne changent ni la nature ni la portée des dispositifs. Je m'en félicite, car cela témoigne tout autant du caractère transpartisan desdites dispositions que de la qualité du travail accompli en amont, en particulier par le rapporteur, Quentin Bataillon, que je remercie d'avoir défendu ce texte depuis de longs mois. Tout au long des débats, en commission, en séance publique puis lors de la CMP, il a témoigné d'un esprit d'ouverture et de rassemblement.
Ainsi, l'assouplissement des conditions d'acquisition de droits dans le cadre du compte d'engagement citoyen (CEC) a été adopté d'emblée, de même que la facilitation du recours au congé d'engagement associatif et au congé de citoyenneté ou l'élargissement du mécénat de compétences en faveur des associations aux entreprises de moins de 5 000 salariés, sans oublier la simplification des prêts entre associations et l'instauration d'une déclaration, en lieu et place de la demande d'autorisation, pour les associations et fondations reconnues d'utilité publique, en cas d'organisation de lotos ou de tombolas.
Le texte sur lequel nous sommes appelés à nous prononcer résulte d'un compromis entre les deux chambres. Comme à l'issue de toute négociation, il y a des motifs de satisfaction et des frustrations. Néanmoins, dans l'ensemble, nous pouvons tous reconnaître que le texte marque une avancée pour les associations, qui se trouvent confortées dans leur action au plus près des territoires et de chacune et chacun d'entre nous.
Je me réjouis particulièrement que nous ayons pu réintégrer dans le texte l'article 7 bis, qui consacre dans la loi le réseau Guid'Asso. Les sénateurs considèrent que les dispositifs de ce type n'ont pas leur place dans la loi. Tout en comprenant leur point de vue, je constate que l'accompagnement des associations revêt une importance toute particulière, d'autant plus que la volonté politique, dans ce domaine, n'a pas toujours été aussi forte qu'actuellement et que rien ne nous assure qu'elle le restera.
Les associations doivent pouvoir trouver facilement les informations dont elles ont besoin sans qu'on leur impose des démarches et des interlocuteurs multiples. La vocation des dirigeants bénévoles est de se consacrer à la cause qu'ils défendent, elle n'est pas de s'épuiser en formalités. Voilà qui justifie pleinement, à nos yeux, la pérennisation de Guid'Asso par son inscription dans la loi.
Nous avons dû accepter la suppression de certains dispositifs d'information des bénévoles dont la charge reposait sur les associations elles-mêmes, ce qui allait à l'encontre de notre objectif de simplification. Le Gouvernement se fera un devoir, j'en suis certaine, de communiquer davantage et de façon plus claire en direction des bénévoles pour les informer de leurs droits et des dispositifs qui leur permettent d'améliorer leur formation et de valoriser leur engagement associatif.
Je tiens à souligner, une fois encore, la bonne nouvelle que sera, pour les associations, l'adoption de ce texte, et je vous remercie toutes et tous, par avance, de lui apporter votre soutien.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Les 13 millions de bénévoles qui animent nos associations forment le cœur battant de nos territoires : ils donnent de leur temps au service du bien commun. Il est donc indispensable de leur rendre hommage et d'encourager leur engagement. À l'heure du repli sur soi et du triomphe de l'individualisme, leur dévouement doit être accompagné et facilité. Par leur action au quotidien, ils dynamisent le monde culturel, sportif et patrimonial et pallient parfois les manquements de l'État.
Pourtant, les responsables d'associations nous interpellent régulièrement pour nous alerter sur les lourdeurs administratives qui entravent inutilement leurs projets et découragent certains bénévoles. Depuis 2017, ces contraintes n'ont pas été allégées, bien au contraire ; de fait, les effectifs peinent à retrouver leur niveau d'avant la crise sanitaire et le volume des dons ne cesse de diminuer. Il était donc important d'assurer ces responsables du soutien de la représentation nationale au moment où la crise des vocations touche également le monde associatif.
Cette proposition de loi, largement transpartisane et adoptée à l'unanimité par les deux chambres, témoigne de la volonté de mieux accompagner les associations et de simplifier la vie des bénévoles. Elle ne représente pas un changement de paradigme qui donnerait un nouvel élan à l'engagement associatif, mais elle marque une avancée qui doit être saluée. Elle comporte des mesures utiles en faveur d'un meilleur accompagnement des bénévoles et d'une simplification de la vie associative.
Voici quelques avancées concrètes qui faciliteront la vie des associations.
Tout d'abord, les conditions d'acquisition de droits dans le cadre du compte d'engagement citoyen sont assouplies : les bénévoles dirigeants ou encadrants investis dans des associations déclarées depuis au moins un an pourront bénéficier du dispositif – enfin !
Ensuite, l'assouplissement des conditions de recours au congé d'engagement associatif et au congé de citoyenneté ainsi que la facilitation du recours aux prêts aux associations étaient attendus : ils contribueront à accompagner les associations et à sécuriser leurs bénévoles.
Enfin, la possibilité pour les communes d'exonérer les associations de la redevance d'occupation du domaine public lorsqu'elles organisent certains événements permettra de sécuriser une pratique répandue.
Cependant, ce texte aurait pu être plus ambitieux. Par exemple, la réserve parlementaire n'y est pas évoquée. Ce n'est pas aux fonctionnaires et aux préfets de distribuer de manière discrétionnaire l'argent public. Le FDVA, qui a remplacé la réserve parlementaire, est trop rigide pour les associations, si bien que les plus modestes d'entre elles renoncent parfois à faire les démarches nécessaires. Les associations sont désormais moins bien accompagnées et financées, et nous avons perdu en proximité avec les acteurs locaux.
Par ailleurs, les dirigeants d'associations nous interpellent régulièrement au sujet de la lourdeur administrative des demandes de subventions. Les démarches trop complexes découragent certaines structures, qui préfèrent souvent renoncer à aller au terme du processus. Ce texte n'apporte pas de solution à cette difficulté. Nous aurions également souhaité des dispositions qui permettent d'encourager les jeunes à s'impliquer davantage dans le tissu associatif et de mieux les représenter dans les instances dirigeantes.
Ainsi, cette proposition de loi ne révolutionnera pas l'engagement associatif ni ne suscitera un élan massif vers l'engagement citoyen. Elle comporte néanmoins des mesures bienvenues qui, pour une fois, ne viennent pas contraindre ou complexifier davantage la vie des associations.
La crise de l'engagement a des causes profondes, qui ne pourront pas être résolues par un seul texte législatif, parfois technique et manquant d'ambition. Mais par son caractère consensuel, qui lui permettra d'être adopté rapidement, et grâce à des mesures de bon sens, celui-ci permettra d'alléger certaines contraintes qui pèsent sur les associations et les bénévoles, eux qui donnent de leur temps pour une cause qui leur tient à cœur.
Toute initiative qui encourage la prise de responsabilités associatives est positive. C'est pourquoi le groupe Rassemblement national votera en faveur de ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Elle s'appelait Brigitte. C'était un jour de l'hiver 2010. Je finissais mes études et je vivais en colocation avec deux amis. Le nouveau propriétaire de l'immeuble était venu nous rendre visite pour nous expliquer qu'il souhaitait que l'on parte avant la fin de notre contrat de location, qui expirait un an et demi plus tard. Il voulait faire des travaux rapidement – la ville ne s'apprêtait même pas à accueillir les Jeux olympiques !
Nous étions jeunes, nous vivions de peu, nous partageant entre nos études et nos petits boulots ; nous ne connaissions pas nos droits. L'un de nous a eu l'idée de consulter une association spécialiste du logement. C'est ainsi qu'une fin d'après-midi, je me suis retrouvé dans la salle d'une maison associative. Autour de moi, des hommes, des femmes – surtout – et des enfants. Tous, je l'ai su après, étaient menacés d'une expulsion de leur logement ou vivaient déjà dans la rue.
Michel venait les chercher par ordre d'arrivée, comme dans la salle d'attente d'un médecin. Quand mon tour est venu, j'ai été reçu dans un petit bureau rempli de casiers plein de dossiers par Brigitte. Juste avant moi, une femme était en pleurs. Brigitte lui tenait la main et essayait de trouver les mots pour la rassurer. Il y avait, dans ce lien, une chaleur qui se dégageait dans toute la pièce.
Brigitte lui expliquait chaque étape de la défense qu'il fallait entreprendre pour éviter l'expulsion, chacune des démarches qu'elles allaient faire ensemble. La femme est repartie ; elle était moins malheureuse que dans la salle d'attente. Elle avait essuyé ses larmes dans le bureau de Brigitte ; elle avait les épaules plus hautes : elle avait retrouvé de la dignité.
Brigitte s'est ensuite occupée de notre dossier. Je passe sur les détails : nous avons proposé au propriétaire de quitter notre logement à la fin de l'année universitaire, fin juin, moyennant quoi nous ne paierions plus de loyer. Je ne croyais pas à cette solution : six mois de loyer, c'était énorme ! Mais lorsque nous lui avons fait la proposition, le propriétaire a gardé le silence : il a réfléchi, compté, puis il a dit d'accord.
Cet hiver-là, j'ai appris deux choses : il y en a pour qui le temps est fait pour compter, comme ce multipropriétaire, et d'autres, comme Brigitte, pour qui le temps est fait pour donner.
Notre problème réglé, j'ai rejoint Brigitte et les autres bénévoles dans ce petit bureau de l'association Droit au logement, où, pendant des années, nous avons reçu des gens. À ses côtés, j'ai appris la patience, le droit, l'empathie. Brigitte était à la retraite, après avoir été ingénieure en physicochimie. Elle en profitait pour reprendre des études aux beaux-arts ; elle aimait la photographie, et était également bénévole aux Rencontres du cinéma italien à Toulouse – elle était elle-même fille de migrants italiens.
Brigitte est morte d'un cancer, en décembre 2016. Elle était mon amie.
Je vous parle de Brigitte, mais j'aurais pu vous parler également de Nacéra, bénévole au Secours populaire, d'Olivier, bénévole dans un club de foot, de Marie, bénévole dans une maison pour chômeurs, ou d'Ahmed, bénévole dans une association de protection de la nature. Tous ces gens donnent de leur temps gratuitement, sans attendre autre chose que les liens qu'ils vont tisser et le sourire qu'ils vont donner. Ils sont 16 millions, en France, à libérer ainsi le temps du travail et de l'argent.
Sans elles, sans eux, nos enfants ne feraient plus de sport, nos aînés seraient davantage isolés, les plus vulnérables d'entre nous seraient si peu secourus. Ils créent des espaces d'humanité qui rendent la vie meilleure et plus juste. Souvent, ils pallient les carences du Gouvernement. Car s'il est bienvenu de mettre à l'ordre du jour l'engagement des bénévoles – c'est pourquoi nous voterons pour le texte –, encore faut-il que les avancées soient significatives.
Nul n'oublie la suppression des emplois aidés engagée par M. Macron, qui se poursuit et dont l'impact s'élève à plus de 1 milliard d'euros par an pour les associations. Il y a quelques mois, on nous avait annoncé la tenue de grandes assises pour simplifier la vie associative. Mais le Gouvernement n'a organisé qu'une simple consultation en ligne, dont il a le secret, qui n'a débouché sur aucune proposition concrète.
Pas de débat non plus sur le financement des associations ou les lourdeurs administratives, si pesantes que les bénévoles s'arrachent les cheveux en remplissant des dossiers d'appels à projets pour obtenir de minces subventions. Au contraire, le Gouvernement n'hésite pas à mettre en œuvre des politiques nuisibles aux associations, notamment en repoussant l'âge de la retraite à 64 ans, ce qui va faire baisser le nombre de bénévoles, ou en supprimant l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), mesure dont on sait désormais qu'elle a provoqué une chute des dons aux associations de 50 % !
Autre inquiétude : on ouvre la porte au clientélisme – déjà bien trop présent dans certaines villes, comme Toulouse – en donnant la possibilité aux communes d'accorder une exonération de la taxe d'habitation à certaines associations et pas à d'autres.
Nous aurions préféré un débat ouvert sur un financement pérenne des emplois et des projets, avec de vrais engagements dans la durée, un véritable plan de formation pour les salariés et les bénévoles, avec des aides réelles pour valoriser les acquis. Voilà une belle occasion manquée : ces millions de bénévoles qui se dévouent au quotidien méritaient certainement mieux que ce texte !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe GDR – NUPES.
Nous sommes réunis pour forger l'avenir du tissu associatif, pilier incontournable de notre société. Le présent texte, élaboré par la commission mixte paritaire, constitue l'aboutissement d'un travail collectif, et une avancée significative en faveur des associations et des millions de bénévoles qui en sont l'âme et le moteur. Ils sont 22 millions à agir, sur tout le territoire, en faveur de la cohésion sociale, au service des autres. Je salue leur engagement.
Comme député des Hauts-de-Seine, je suis témoin de l'extraordinaire dynamisme des associations, dont l'engagement contribue puissamment à la cohésion et au rayonnement d'une ville telle que Boulogne-Billancourt. Cette proposition de loi est un hommage à leur dévouement et une reconnaissance de leur rôle essentiel dans la société, à Boulogne-Billancourt comme ailleurs.
L'adoption de ce texte en première lecture marquait déjà une avancée considérable. Le travail mené en commission mixte paritaire n'a fait que la renforcer, en conférant au texte encore davantage d'ampleur et de consistance, afin qu'il réponde de la meilleure façon possible aux enjeux. Je souhaite revenir sur les mesures phares qu'il contient, et qui seront, à n'en pas douter, bénéfiques pour l'ensemble de la société.
Tout d'abord, l'assouplissement des conditions du recours au congé d'engagement associatif – en particulier par l'élargissement du congé de citoyenneté aux délégués bénévoles du Défenseur des droits –, ainsi que l'autorisation de dons, par un salarié, de jours de repos qu'il n'aurait pas pris, monétisés au profit d'associations, constituent des gestes forts. Ces mesures permettent de reconnaître et de valoriser l'implication des citoyens dans la vie associative ; elles encouragent l'engagement bénévole, en accordant aux acteurs associatifs la flexibilité nécessaire pour concilier vie professionnelle et engagement social.
Le texte élargit également le mécénat de compétences aux entreprises de moins de 5 000 salariés. Cette mesure essentielle permettra aux associations d'accéder plus facilement à des compétences professionnelles cruciales, propices à leur développement et à leur professionnalisation.
Les dispositions adoptées à l'article 6 en matière de prêts entre associations garantiront une plus grande transparence financière, et renforceront la coopération interassociative : les structures modestes pourront bénéficier d'un soutien financier vital, en toute légalité et en toute confiance. Ces mesures envoient un signal fort aux associations : elles reconnaissent leur autonomie et leur capacité à se soutenir mutuellement. Cela ne fera que renforcer leur rôle dans le tissu social, au niveau local comme national.
L'inscription dans le texte du réseau Guid'Asso consacre, quant à lui, la nécessité d'un soutien organisé et structuré à la vie associative locale. Ce dispositif deviendra la pierre angulaire de l'aide apportée aux associations, en garantissant sur le long terme une information et une assistance de qualité.
Avec la conscience aiguë de notre mission de législateur, nous devons saisir cette occasion de graver, dans le marbre de la loi, notre reconnaissance envers tous ceux qui incarnent les héros silencieux de notre société. C'est pourquoi le groupe Renaissance votera résolument en faveur de cette proposition de loi.
Pour finir, permettez-moi de saluer l'engagement et les efforts remarquables de mes collègues : le rapporteur Quentin Bataillon – qui se trouve ce soir en réunion publique dans le Loir-et-Cher, aux côtés du député Christophe Marion, pour y présenter cette proposition de loi –, Fabienne Colboc, ainsi que la ministre, Prisca Thevenot. Cette proposition de loi, que nous avons façonnée collectivement, trace un chemin novateur en faveur de l'engagement civique.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE et sur plusieurs bancs du groupe Dem, ainsi que sur les bancs des commissions.
Comités des fêtes, associations mémorielles ou de prévention, structures de lutte contre les discriminations, clubs destinés aux adolescents, équipes de football ou de rugby : sans ces associations et leurs bénévoles, la vie de nos communes, en particulier dans les zones rurales, serait bien vide, et notre tissu social serait fracturé.
Pour prendre un exemple récent, des milliers de visiteurs ont afflué, le week-end dernier, comme chaque année, à Saint-Félix-Lauragais, dans ma circonscription, pour célébrer la fête de la Cocagne. Cet événement s'inscrit dans une longue tradition du pays de cocagne, depuis l'époque où la production du pigment bleu, issu du pastel, faisait la richesse du Lauragais. Sans les nombreux bénévoles qui se mobilisent chaque année – pour organiser les spectacles, promouvoir l'événement, rechercher des subventions, veiller à la coordination avec les différentes municipalités, garantir la sécurité des lieux, guider les visiteurs ou animer des stands –, cet événement n'aurait jamais pu voir le jour ni se perpétuer. Si je ne peux le citer sans me remémorer avec émotion les fêtes typiquement haut-garonnaises, je sais que chacun connaît de belles célébrations de ce type dans sa circonscription.
Cette proposition de loi était plus que nécessaire afin de répondre aux défis modernes auxquels les associations sont confrontées ; elle s'efforce d'apporter des solutions concrètes aux problèmes quotidiens que rencontrent ces chevilles ouvrières de la cohésion sociale.
Le texte répond d'abord aux difficultés de recrutement auxquelles les associations font face. Chacun, dans sa circonscription, connaît leur peine à accueillir de nouveaux profils. Dans le Lauragais, pas un rendez-vous associatif ne se tient sans que le sujet ne soit abordé, et dans les communes rurales – comme à Espanès, à Auriac-sur-Vendinelle ou à Gardouch –, ce mal est exacerbé. Pour relever le défi du renouveau de l'engagement bénévole, nous devrons rassembler toutes les bonnes volontés.
L'ouverture aux bénévoles, qui œuvrent dans des associations déclarées depuis au moins un an, des droits de formation inscrits sur le compte personnel de formation (CPF), dans le cadre du compte d'engagement citoyen, constitue la première mesure du texte.
La proposition de loi renforce également l'implication des entreprises, en facilitant le recours au mécénat de compétences, en assouplissant les conditions de recours au congé associatif, et en valorisant les actions de soutien à la vie associative dans la déclaration de performance extrafinancière.
Le groupe Démocrate a obtenu certaines avancées, dont la possibilité ouverte aux associations d'abonder le CPF de leurs adhérents – une étape nécessaire, quand on sait que l'utilisation du compte d'engagement citoyen est cent fois inférieure à l'ambition originelle.
Toutefois, nous devons réfléchir aux moyens d'aller plus loin. La commission mixte paritaire a réintroduit la demande de rapport au Gouvernement sur la situation de l'emploi dans le secteur associatif et sur la performance des dispositifs de soutien à l'engagement dans les associations. Ce rapport permettra d'alimenter notre réflexion, d'assurer le suivi des nouveaux dispositifs, et d'étudier la possibilité de maintenir les droits acquis par des salariés partant à la retraite au titre du compte personnel de formation. Je me tiens à la disposition du Gouvernement pour approfondir le sujet de la formation bénévole, qui m'est cher, et que j'ai déjà eu l'occasion de défendre au nom du groupe Démocrate.
Par ailleurs, le texte simplifiera les procédures auxquelles sont soumises les associations, en particulier leurs conditions de prêt ; elles pourront ainsi relever plus facilement les défis financiers auxquels elles sont confrontées. L'inflation a en effet eu un effet délétère sur la situation économique des associations, en particulier sur leurs coûts de fonctionnement – même si le bouclier énergétique leur a épargné des dépenses plus importantes encore, les sauvant parfois de la faillite.
Cependant, et de façon plus générale, le fonds pour le développement de la vie associative et les divers dispositifs de soutien aux associations demeurent mal connus, alors qu'ils peuvent parfois les sauver de la faillite. Je peux en témoigner : alors que nous sommes souvent appelés à l'aide par des associations rencontrant des difficultés, j'ai appris il y a seulement quinze jours l'existence du programme Prev'Asso, développé en Occitanie pour aider les associations en crise. Ce manque d'information est parfois fatal.
Néanmoins, en précisant les missions du réseau national Guid'Asso, la proposition de loi renforcera l'accompagnement des associations et des structures bénévoles dans leurs démarches de financement. Les acteurs intervenant auprès d'elles se trouveront ainsi mieux coordonnés et structurés. Nous répondrons donc à leurs attentes, sur ce sujet essentiel.
Pour toutes ces raisons, les députés du groupe Démocrate voteront en faveur de ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem, ainsi que sur les bancs des commissions.
Les chiffres sont éloquents : la France compte 20 millions de bénévoles, répartis dans 1,5 million d'associations, qui salarient 1,8 million de personnes. Sport, culture, action sociale et humanitaire, loisirs, éducation et environnement, tous les secteurs de la société sont irrigués par la vie associative. Les associations font partie du quotidien de chaque ville et de chaque village de notre pays. La conviction selon laquelle les associations et la mobilisation bénévole sont un gage de vitalité pour tous les territoires de la République est unanimement partagée.
Mon département en particulier, la Vendée, bénéficie d'une culture du bénévolat probablement unique en France, qui rassemble toutes les générations, constitue un important facteur de cohésion sociale, et contribue à façonner l'identité locale. Cependant, comme dans les autres départements, nous ressentons les effets de l'après-covid, de l'individualisme grandissant, de la dispersion des mobilisations, des contraintes financières et de la complexité administrative. Ces difficultés majeures font craindre pour la pérennité de certains évènements et de certaines structures.
Ce texte apporte une réponse, c'est pourquoi je me suis engagée afin qu'il aboutisse. En travaillant à lever les contraintes pesant sur les associations, à améliorer la situation des bénévoles, à les fidéliser, à renforcer l'attractivité de leurs missions, à simplifier les démarches et la vie quotidienne, nous participons à consolider et à mieux reconnaître l'engagement associatif, qui est l'une de nos libertés fondamentales. Cette proposition de loi marque une reconnaissance et un soutien à celles et à ceux qui ne comptent ni leur temps, ni leur énergie.
Le groupe Horizons et apparentés se félicite de la qualité du dialogue et des débats parlementaires, ainsi que des apports qu'ils ont permis ; c'est pourquoi nous avons souhaité, avec les groupes Démocrate et Renaissance, que ce texte aboutisse au plus vite. Il complétera la loi du 1er juillet 2021 en faveur de l'engagement associatif, ainsi que les récentes avancées de la loi de finances pour 2024, notamment la suppression de la taxe d'habitation pour les associations.
L'accord trouvé en commission mixte paritaire témoigne de ce bon état d'esprit. Je me réjouis que l'essentiel des dispositions du texte initial ait fait l'objet d'un accord. Nous répondons ainsi à de nombreuses attentes, et nous manifestons notre volonté d'aider et de soutenir sans nuance le monde associatif.
Le texte vise d'abord à encourager le bénévolat et le volontariat, en les reconnaissant mieux : extension des droits de formation, renforcement du congé d'engagement, ouverture du mécénat de compétences. Je me réjouis particulièrement de ce dernier point : l'allégement des contraintes pesant sur le mécénat de compétences constituait une attente forte dans mon département ; ce sera désormais chose faite pour les entreprises de moins de 5 000 salariés qui souhaiteront mettre leurs salariés à la disposition d'un organisme d'intérêt général. Ce sera également possible dans les trois fonctions publiques, de l'État, territoriale et hospitalière.
Le texte vise ensuite à simplifier la vie des associations et de leurs bureaux. Une association a besoin de moyens pour fonctionner, et il est essentiel que son accès au crédit soit facilité. C'est le sens des articles 6 et 7, ce dernier harmonisant les motifs de recours aux loteries, tombolas et lotos.
Le groupe Horizons et apparentés comprend la position du Sénat, qui a supprimé les articles qui risquaient de faire peser de nouvelles obligations sur les associations. L'introduction de l'article 2 bis est, quant à elle, plus que bienvenue, puisqu'elle rend possible le don de jours de congé monétisés aux associations, comme c'est déjà le cas pour les aidants.
Conformément à notre vote en première lecture, et en nous tenant fidèlement aux côtés des associations et des bénévoles, les députés du groupe Horizons voteront avec enthousiasme en faveur de ce texte.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem. – Mme la rapporteure suppléante applaudit également.
Ces dernières années, de nombreux textes ont eu pour objectif de simplifier la vie associative. C'est le cas de l'ordonnance de 2015 portant simplification du régime des associations et des fondations, ou encore des deux lois du 1er
Construire la France de l'engagement, ce n'est pas contraindre l'emploi associatif ni enlever du temps libre aux gens, comme l'a fait la réforme des retraites – elle a porté au monde associatif un coup que les mesures de cette proposition de loi ne sauraient compenser. Le temps est une richesse pour les associations, et la réduction du temps de travail à l'échelle d'une vie est le meilleur cadeau que nous puissions faire au monde associatif.
Nous soutiendrons la plupart des mesures prévues par le texte : elles améliorent le recours au contrat d'engagement citoyen ainsi qu'au congé bénévole ; elles sécurisent le dispositif proposé par le groupe GDR, voté dans la loi de finances pour 2024, qui permet aux organes délibérants d'exonérer de taxe d'habitation les associations. Nous sommes favorables à l'élargissement des possibilités données aux personnes non opérateurs de jeux d'organiser des lotos, prévu à l'article 7, ainsi qu'à la mise à disposition temporaire du domaine public communal aux associations, prévue à l'article 9.
Mais comme souvent, il y a le texte, et il y a le contexte – en l'occurrence, les associations d'aide humanitaire n'arrivent plus à faire face à tous les besoins. Elles prennent de plein fouet la hausse de la précarité, sans parvenir à répondre à l'ensemble des urgences. Aide alimentaire, hébergement d'urgence, précarité énergétique : les besoins sont énormes. Nous n'accepterons jamais que la France devienne un pays de philanthropie où les politiques aggravent les inégalités, où nous serions les spectateurs d'un système qui met l'argent au cœur de tout, mû par la seule recherche du profit, et qui délègue à la générosité individuelle la gestion des conséquences désastreuses qu'il produit.
La santé du monde associatif et la vitalité de l'engagement bénévole sont les conséquences directes d'un contexte social et économique. C'est aussi pour cela que nous devons particulièrement veiller à ne pas dévoyer le fait associatif, dont le modèle économique est en pleine mutation. En 2005, les subventions publiques représentaient 34 % des ressources associatives, contre 20 % en 2017. Quant aux recettes d'activité, elles représentaient 49 % de leurs ressources en 2005, contre 66 % il y a sept ans. Si ces chiffres démontrent la professionnalisation croissante des associations et leur dépendance à l'égard des marchés publics, la crise du covid puis l'inflation n'ont fait qu'aggraver leurs charges et affaiblir leurs capacités à proposer de nouveaux projets. Cela peut entraîner une perte de sens dans l'engagement et, en conséquence, une baisse du bénévolat. Il est donc impératif de traiter cette question.
Les associations sont donc bien souvent la solution aux problèmes sociaux, à la disparition du service public et aux carences de l'État ; ce dernier leur demande pourtant, de manière unilatérale, de signer un contrat d'engagement républicain pour s'assurer qu'elles se conforment bien aux principes de la République. Les députés du groupe GDR ont toujours participé à l'amélioration concrète de la vie des associations, aussi bien pour soutenir leur trésorerie que pour reconnaître l'importance du bénévolat. Nous regrettons que le texte se contente d'avancées mineures, s'agissant par exemple de l'extension du congé d'engagement ou de sa rémunération par défaut. Nous voterons néanmoins la proposition de loi, afin que les dispositions qu'elle contient entrent en vigueur.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.
La séance est reprise.
Sur l'ensemble de la proposition de loi, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Olivier Serva.
Le constat est clair : nous partageons tous la volonté de mieux reconnaître l'engagement associatif et d'affirmer notre soutien aux associations qui participent à l'animation et à la résilience des territoires. Bien évidemment, cette proposition de loi ne permettra pas à elle seule de résoudre l'ensemble des problèmes auxquels le monde associatif est confronté, mais elle constitue un premier jalon. Beaucoup l'ont rappelé à cette tribune avant moi : les associations sont cruciales pour la vie de nos territoires. Près de 20 millions de bénévoles donnent de leur temps et sont un exemple de solidarité et de générosité ; ils pallient, au sein de leurs associations, l'absence et les carences des pouvoirs publics. Il était donc nécessaire d'encourager ces femmes et ces hommes, qui se mobilisent dans un contexte où le bénévolat associatif connaît de fortes turbulences liées à la crise sanitaire et à ses conséquences depuis 2020.
Notre priorité est que l'engagement des citoyens soit encouragé et mieux reconnu. À ce titre, les dispositions de la présente proposition de loi sont bienvenues. Ainsi, les bénévoles qui œuvrent dans des associations ayant moins de trois ans d'existence pourront désormais bénéficier d'un compte d'engagement citoyen pour leurs droits à la formation ainsi que du congé d'engagement associatif. Néanmoins, nous pensons qu'il aurait fallu aller plus loin en élargissant le périmètre des bénévoles concernés par ces deux dispositifs. En effet, le CEC est sous-utilisé et ne cible pas forcément les formations relatives à l'engagement associatif. Et qu'en est-il de la rémunération de tout ou partie du congé d'engagement citoyen ? Le groupe LIOT salue l'ouverture du mécénat de compétences aux entreprises de moins de 5 000 salariés. Elle va dans le bon sens, puisqu'elle permet aux salariés de conjuguer leur engagement associatif avec un parcours professionnel exigeant.
Nous nous réjouissons aussi de l'apport du Sénat, maintenu en CMP, autorisant le don de congés monétisés aux associations. C'est une solution immédiate, y compris pour les salariés qui ne bénéficient pas de compte épargne-temps. Un regret en revanche, à l'issue de la commission mixte paritaire : tous les articles relatifs à l'information des bénévoles ont été supprimés, alors que le faible recours aux dispositifs existants est souvent la conséquence de leur notoriété insuffisante.
Par ailleurs, s'intéresser à l'engagement, c'est aussi reconnaître la mutation des formes de l'engagement, marquée par une utilisation plus forte du numérique. Pour en tenir compte, d'autres outils pourraient être déployés afin d'améliorer et de valoriser l'engagement associatif.
Le groupe LIOT défend la prise en compte de l'engagement bénévole dans le calcul de la retraite. Nous avons également proposé d'aménager les horaires des bénévoles qui exercent une activité salariée, de créer une plateforme numérique qui simplifierait les demandes de subvention des associations, ou encore de valoriser l'engagement dans les parcours scolaires. J'ai d'ailleurs déposé une proposition de loi en ce sens.
Enfin – et c'est sans doute la principale lacune de ce texte –, la question du manque de moyens n'est quasiment pas abordée, alors qu'elle se pose de façon aiguë depuis la suppression de l'ISF, qui a entraîné une diminution des dons. Les associations d'aide alimentaire, en particulier, sont très durement fragilisées et sont désormais contraintes de refuser des bénéficiaires. En parallèle, depuis la suppression de la réserve parlementaire, le montant du FDVA stagne, même si la réaffectation des comptes bancaires inactifs devrait permettre un abondement supplémentaire. Il serait cependant judicieux de confier l'utilisation des fonds aux collectivités, mieux à même que les préfectures de connaître les besoins des associations dans leur territoire, d'autant que les besoins restent importants, notamment en ce qui concerne la formation des bénévoles.
Cette proposition de loi constitue donc une première étape, même si elle ne permettra pas de lever tous les freins qui empêchent la pleine reconnaissance et la valorisation de l'engagement associatif. Elle apportera quelques avancées attendues par le secteur associatif. C'est la raison pour laquelle le groupe LIOT votera avec confiance en faveur de ce texte.
Applaudissements sur les bancs des commissions.
Générosité, civisme, solidarité, respect… Le monde associatif est une richesse, de surcroît partagée, une fois n'est pas coutume ! Il est une richesse pour tous les territoires dans lesquels il intervient, une richesse pour ses bénévoles dont l'engagement contribue à l'épanouissement personnel, une richesse pour nos enfants et nos aînés, pour notre vie collective et donc pour notre société. Pourtant, ces dernières années, le secteur associatif n'a pas été épargné : crise sanitaire, crise énergétique, inflation, réforme des retraites. Le contexte est difficile, voire pénible, parfois, pour les bénévoles. Le sujet qui nous occupe vient donc à propos.
La proposition de loi qui nous est soumise s'inscrit dans le prolongement des assises de la simplification de la vie associative. Ce temps de coconstruction a été jugé décevant par les associations – je le regrette comme elles, car les 16 millions de personnes qui les font vivre ont beaucoup plus à dire et à proposer. Néanmoins, le texte contribue à faire avancer les choses, sans répondre encore à l'enjeu du développement de l'engagement associatif le plus large possible. Les disparités dans l'engagement bénévole risquent de perdurer selon les tranches d'âge et les milieux sociaux.
Cette réalité doit nous conduire à poser concrètement la question du temps libéré pour s'engager en faveur de la société et du bien commun. Conjuguée à bien d'autres évolutions relatives aux temps de la vie, elle devrait nous conduire à poser la question de la semaine de quatre jours – et non en quatre jours ! –, qui passe par une réduction du temps de travail. Cette grande avancée sociale n'est pas pour aujourd'hui, mais le débat sera ouvert un jour, souhaitons-le !
Il faut savoir reconnaître des avancées, symboliques mais fortes. Je me réjouis que nous ayons répondu collectivement à une attente des acteurs du monde associatif en inscrivant dans le texte le dispositif Guid'Asso, qui mérite d'être soutenu et pérennisé et dont nous renforçons la légitimité. Le réseau permet de coordonner et de structurer l'accompagnement des associations, à terme sur l'ensemble du territoire, en lien avec les organismes publics et les collectivités territoriales. Simplifier et accompagner les démarches associatives, c'est préserver du temps et de l'énergie aux bénévoles pour qu'ils se consacrent au cœur de leurs missions et de leurs engagements.
De même, je me réjouis que la commission mixte paritaire ait réintroduit l'article prévoyant que le Gouvernement rende un rapport sur l'évaluation et l'amélioration des différents types de congés dont peuvent bénéficier les actifs bénévoles. Il permettra de dessiner de nouvelles pistes d'évolution pour la vie associative.
Pour ces apports, je tiens à saluer et à remercier l'écoute et la posture constructive du rapporteur Quentin Bataillon, de Mme la présidente de la commission mixte paritaire, Isabelle Rauch, et de mes collègues du Sénat ayant participé à la CMP.
Certaines dispositions du texte exigent cependant que nous restions vigilants. Le mécénat de compétences a déjà donné lieu à des dérives, les grandes entreprises s'en servant comme d'un outil d'optimisation fiscale. Ce dispositif représente un coût pour l'État : alors que le Gouvernement nous promet déjà 20 milliards de coupes budgétaires pour l'année prochaine et cherche à faire des économies, augmenter une dépense fiscale n'est peut-être pas la meilleure chose à faire. Ce n'est pas faute d'appeler de manière répétée à une revue des recettes ! Le périmètre du mécénat de compétences ayant été élargi, l'encadrement et le contrôle dont il fait l'objet doivent s'intensifier.
S'agissant du financement de la vie associative de manière générale, le constat est clair : pour faciliter le fonctionnement des associations, nous devons sortir du système des appels à projets court-termistes – que tout le monde rejette – et revenir à un financement pérenne.
Nous n'en sommes donc pas encore au grand soir du développement associatif et du soutien à l'engagement, mais ce texte constitue une avancée qui, je l'espère, en annonce d'autres. Il faut savoir s'en réjouir : le groupe Écologiste – NUPES votera la proposition de loi.
Les associations jouent un rôle essentiel au sein de la société française. Elles font la vitalité de nos territoires, maintiennent nos traditions, soutiennent les plus fragiles, les plus jeunes et les plus âgés, et valorisent notre patrimoine. L'impact des associations dans le développement de la vie démocratique est indéniable : la vie associative est reconnue par tous comme une source essentielle de cohésion nationale.
Les associations permettent à des bénévoles de s'engager et de se rassembler autour d'un projet ou d'une cause qui leur tient à cœur, en parallèle de leur carrière professionnelle et de leur vie personnelle, et de manière désintéressée. La France compte 1,5 million d'associations et plus de 13 millions de bénévoles qui mettent généreusement leurs compétences à leur service. Un Français sur trois a un engagement bénévole.
Pour autant, les associations ont été fragilisées par le covid, qui a malheureusement entraîné le départ des bureaux de nombreux bénévoles de plus de 70 ans. Alors que le nombre de bénévoles avait fortement diminué durant la crise sanitaire, les associations ont retrouvé un niveau d'engagement similaire à celui de 2019. Les données de 2023 permettent toutefois de constater une diminution significative du nombre de bénévoles – de 2 millions par rapport à l'année 2021. Il faut être vigilant.
Les associations supportent des contraintes administratives toujours plus lourdes ; elles doivent faire face à l'augmentation des coûts et à la baisse des dons liées à la crise inflationniste. Les Français sont généreux, mais la conjoncture est de plus en plus difficile pour tous.
Le secteur associatif est confronté à de nouveaux défis, comme la mutation des profils – les moins de 35 ans s'engagent de plus en plus alors que le repli des plus de 65 ans, piliers traditionnels du bénévolat, est continu –, mais aussi la complexité croissante des démarches administratives nécessaires au bon fonctionnement d'une association – gestion administrative et financière, demandes d'agrément et de subventions.
La présente proposition de loi contient plusieurs dispositions destinées à valoriser et à promouvoir l'engagement des bénévoles, en améliorant leur formation et leur accompagnement, en reconnaissant leur investissement et en simplifiant les responsabilités des dirigeants associatifs.
Animés par une volonté commune – ce texte étant jugé utile par toutes les sensibilités politiques des deux chambres –, les représentants de l'Assemblée nationale et du Sénat ont consenti à des concessions pour aboutir à un texte commun en commission mixte paritaire.
Le deuxième alinéa de l'article 1er
Les articles 1er
Les membres de la CMP, dont faisait partie notre collègue Maxime Minot, ont décidé de conserver deux ajouts majeurs du Sénat : le don de congés non pris convertis en unités monétaires au profit d'associations, ainsi que la possibilité pour les communes d'exonérer de redevance d'occupation du domaine public les associations qui organisent un événement. Cela permettra de sécuriser d'un point de vue juridique une pratique très répandue, dans les territoires ruraux notamment.
Le texte issu de la CMP maintient l'exclusion des contractuels de la fonction publique d'une possible mise à disposition au profit des associations. Il inscrit également dans la loi le réseau Guid'Asso.
Le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi. En cette période si particulière pour notre nation, il importe de soutenir les associations et leurs bénévoles car ils accomplissent un travail précieux et indispensable, au service de tous.
Notre vote n'est toutefois pas un chèque en blanc. La situation critique des associations exige de prendre en urgence de nouvelles mesures de soutien, en particulier pour pallier la fin de la réserve parlementaire. Le FDVA a partiellement compensé la suppression de la réserve, mais cela reste insuffisant pour nos territoires.
C'est pour cette raison qu'avec Dino Cinieri, André Villiers et Frédéric Descrozaille, nous avons déposé une proposition de loi visant à rétablir la réserve parlementaire au profit des associations et des petites communes. J'espère que nous aurons l'occasion d'en discuter ici dans les prochains mois !
Les associations et leurs bénévoles sont indispensables à la vie sociale de nos communes, petites ou grandes, ainsi qu'à l'animation des territoires. Alors que des pans entiers de ce qui constitue le lien social sont mis à mal – la solidarité, le partage, les services publics –, c'est grâce aux associations et aux bénévoles que nous pouvons vivre ensemble. Il faut donc les soutenir.
Pourtant, depuis 2017, les associations ont la vie dure. Emmanuel Macron a supprimé l'ISF, en expliquant que cette suppression ferait ruisseler les richesses. Résultat : c'est le volume des dons aux associations qui a fondu.
Il a ensuite imposé aux associations le contrat d'engagement républicain – une procédure de plus, inefficace, unanimement décriée, et qui a conduit à de graves dérives. Les décisions arbitraires de l'autorité administrative se succèdent, systématiquement sanctionnées par la justice, comme vient de nous le rappeler le cas d'Alternatiba : la justice a tranché en donnant, une fois de plus, raison à l'association.
Depuis 2017, aucun grand texte en faveur du monde associatif n'a été voté. Nous attendions donc davantage de cette proposition de loi, surtout après une crise sanitaire qui a durement touché les associations, et après une réforme des retraites qui ne sera pas sans conséquence sur le bénévolat.
Pour répondre aux attentes du monde associatif, renforcer la formation des bénévoles, encourager l'activité et les projets des associations, accompagner la structuration territoriale des réseaux associatifs et soutenir la trésorerie des associations, il faut des moyens financiers. Or les dispositions prévues par ce texte ne coûtent pas un centime au Gouvernement.
Soutenir l'engagement bénévole, c'est faire en sorte que tout le monde puisse être bénévole. Il n'y a pas de crise des vocations bénévoles : les Français n'en ont pas moins envie ; ils en ont simplement moins le temps. Donner de son temps suppose d'en disposer. Si l'engagement bénévole est moindre chez les actifs que chez les jeunes et les seniors, c'est à cause de l'intensification du travail et de l'allongement des carrières causé par le recul de l'âge de la retraite– toutes les études le montrent.
Comment concilier l'engagement bénévole avec la vie professionnelle ? Il faut un autre partage des temps de vie. C'est le sens de ma proposition de loi visant à instaurer la semaine de quatre jours pour les bénévoles associatifs. Il faut permettre aux salariés qui le veulent d'avoir du temps pour s'engager, à côté de leur travail. Les actifs doivent pouvoir aménager leur temps de travail pour consacrer quelques heures par semaine, voire un jour, à l'engagement associatif de leur choix. Je regrette que nous n'ayons pas trouvé un compromis sur une telle mesure, pourtant de bon sens et très attendue par le mouvement associatif.
La proposition de loi de notre collègue Quentin Bataillon n'apporte pas de réponse à la crise du temps qui frappe le bénévolat. Pour autant, je le concède bien volontiers, le texte apporte quelques améliorations à des dispositifs qui favorisent l'engagement bénévole – je pense au compte d'engagement citoyen et au congé d'engagement associatif, dispositifs créés par les socialistes. La présente proposition de loi en facilite l'accès : c'est indéniablement une bonne chose. C'est pourquoi nous la soutiendrons et la voterons.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES.
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi, compte tenu du texte de la commission paritaire.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 60
Nombre de suffrages exprimés 60
Majorité absolue 31
Pour l'adoption 60
Contre 0
L'ensemble de la proposition de loi est adopté.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, SOC et Écolo – NUPES.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heure quarante-cinq :
Discussion de la proposition de loi visant la prise en charge par l'État de l'accompagnement humain des élèves en situation de handicap pendant le temps de pause méridienne.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures trente.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra