Intervention de Olivier Serva

Séance en hémicycle du lundi 8 avril 2024 à 16h00
Extension et adaptation à la polynésie française à la nouvelle-calédonie et aux îles wallis et futuna de dispositions législatives relatives à la santé — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Serva :

L'ordonnance du 19 avril 2023 que l'on nous propose de ratifier touche à des sujets assez techniques et parfois sensibles.

L'extension des dispositions relatives à la recherche sur la personne humaine est très attendue par les territoires du Pacifique. Elle permettra un meilleur accès des patients aux essais cliniques et aux thérapies innovantes, notamment pour le traitement des cancers. Le texte inclut l'extension de la compétence des comités de protection des personnes (CPP) hexagonaux aux recherches dont le promoteur est établi en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie ou à Wallis-et-Futuna, afin que ces travaux puissent être évalués par un CPP ; l'application des dispositions issues du droit européen dans le champ de la recherche clinique, et l'extension de la compétence de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l'ANSM.

Cela permettra de réduire la perte de chances des patients de ces territoires. Ne l'oublions pas, la Polynésie française a été le théâtre de près de 200 essais nucléaires pendant trente ans, jusqu'en 1996. Selon les chercheurs de l'Inserm, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, ces essais pourraient être responsables de 0,6 % à 7,7 % des cas de cancers de la thyroïde développées dans l'archipel.

La Nouvelle-Calédonie explique que ces dispositions lui permettront de conduire des recherches spécifiques sur les problématiques régionales.

En revanche, les représentants de Wallis-et-Futuna reconnaissent eux-mêmes que ces dispositions seront sans objet sur leur territoire du fait de la faiblesse de l'offre de soins. À ce titre, les patients présentant des pathologies complexes font l'objet d'une évacuation sanitaire, dite Evasan, vers la Nouvelle-Calédonie, voire l'Australie ou l'Hexagone. Pire, en matière de prévention, notre collègue sénateur de Wallis-et-Futuna, Mikaele Kulimoetoke, faisait remarquer, lors de la séance des questions d'actualité au Gouvernement du 12 octobre 2022, au ministre de la santé de l'époque, François Braun, que, depuis 2005, aucune politique de prévention n'avait été élaborée par l'agence de santé du territoire des îles Wallis et Futuna, ce qui a permis à des maladies telles que le diabète ou les maladies cardiovasculaires de se développer sur le terrain wallisien et futunien. Nous ne pouvons que le déplorer.

Les dispositions relatives à l'IVG permettent l'extension de douze à quatorze semaines du délai de recours à l'interruption volontaire de grossesse, ainsi que la suppression du délai minimal de réflexion à l'issue d'un entretien psychosocial. Nous y souscrivons. Cependant, la question de l'effectivité de ce droit, qui se pose dans tout le pays, est encore plus forte dans ces territoires-là : qu'il s'agisse des infrastructures, des compétences des professionnels de santé, de l'accès aux moyens de contraception ou encore de l'accès aux soins gynécologiques, les conditions ne sont toujours pas réunies pour garantir effectivement ce droit. C'est ce que faisait remarquer, à juste titre, notre collègue député polynésien Tematai Le Gayic à l'antenne de Polynésie La Première, à l'issue du vote du Congrès sur la constitutionnalisation du droit de recours à l'IVG.

Si le groupe LIOT soutient le texte, nous exprimons quelques regrets. Ces regrets sont d'abord ceux des territoires du Pacifique eux-mêmes concernant les modalités de leur saisine sur les projets d'ordonnance. Nous regrettons ensuite le long délai qui s'est écoulé entre la publication de l'ordonnance et la demande de ratification ; ce décalage est trop souvent la règle pour l'outre-mer. Enfin, nous regrettons l'absence de prise en compte des demandes de modification formulées par la Nouvelle-Calédonie, auxquelles certains amendements répondront peut-être. Néanmoins, nous nous satisfaisons de voir que les demandes de modifications formulées par la Polynésie française ont été intégrées par l'Assemblée nationale à l'issue de l'examen du texte en commission.

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