Adapter le droit aux bouleversements sociaux contemporains n'est jamais chose aisée. C'est d'autant plus vrai lorsqu'il s'agit de s'attaquer au droit de la responsabilité – sans doute un des pans du droit civil qui suscite le plus d'intérêt et de débats, tant ses conséquences sur la vie quotidienne de nos concitoyens sont à la fois particulièrement sensibles et aisément perceptibles.
Le texte qui nous est proposé ce jour, et qui vise à codifier une notion jurisprudentielle rendue célèbre par les moqueries qu'elle a pu susciter, est indubitablement bienvenu. Alors que nous faisons face à une judiciarisation croissante des problèmes de voisinage, la proposition de la rapporteure, notre collègue Nicole Le Peih, répond de manière claire et équilibrée à un problème auquel chacun d'entre nous peut être confronté. Le dispositif prévu, ainsi que la clause exonératoire qui lui est associée, fondée sur la théorie de la pré-occupation – laquelle repose elle-même sur trois critères –, est réaliste.
Le groupe Horizons et apparentés, que je représente aujourd'hui, est certain que, loin de remettre en question la souveraineté du pouvoir judiciaire, le texte permettra de réduire l'incertitude à laquelle les justiciables sont confrontés en homogénéisant l'application de ces règles sur le territoire.
Je dois reconnaître que, lors de son examen en première lecture à l'Assemblée, notre groupe s'était inquiété de cette conception procédurière des rapports sociaux et de cette tendance à la production excessive de normes. Depuis son passage au Sénat, qui a permis l'introduction d'un régime spécifique pour les activités agricoles – je remercie d'ailleurs ici les sénateurs Françoise Gatel et Laurent Duplomb pour leurs apports précieux –, ces réserves ne sont plus d'actualité, bien au contraire : parce qu'il définit précisément les conditions de l'exonération de responsabilité pour les agriculteurs, ce texte nous paraît désormais primordial. En effet, le compromis trouvé permet de respecter la liberté d'entreprendre des exploitants agricoles et de protéger nos agriculteurs des conséquences délétères d'actions en justice abusives.
Les oppositions ont tenté – et tentent toujours – de réduire ce texte à une défense caricaturale du monde rural face à l'arrivée des néoruraux dans nos campagnes.