Intervention de Éric Dupond-Moretti

Séance en hémicycle du lundi 8 avril 2024 à 16h00
Adaptation du droit de la responsabilité civile — Présentation

Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice :

Le texte que vous vous apprêtez, je l'espère, à adopter définitivement cet après-midi me tient particulièrement à cœur et je veux d'emblée dire ici ma satisfaction à l'issue des travaux de la commission mixte paritaire. Désormais, le code civil disposera que nul ne peut causer à autrui un trouble anormal de voisinage. Je salue très chaleureusement la rapporteure Le Peih qui a permis cette avancée dans le cadre d'un intense travail avec la Chancellerie. Ne nous y trompons pas : si ce texte répond à un besoin réel de nos campagnes, il a avant tout vocation, en tout cas dans sa première partie, à s'appliquer à toutes les relations de voisinage.

Chacun a le droit de jouir paisiblement de sa propriété, de son logement ou de son fonds et a droit à réparation du préjudice qu'il subit. L'introduction de ce principe général dans le code civil consacre la jurisprudence de la Cour de cassation. Elle renforce ainsi la sécurité juridique du droit français et assure l'égalité de tous les citoyens devant la loi.

Le texte institue par ailleurs une exception tirée de la théorie de la pré-occupation afin de trouver un meilleur équilibre entre les différents intérêts en présence.

Ainsi est posé le principe selon lequel celui qui s'installe à proximité d'un lieu particulièrement bruyant ou malodorant ne peut se plaindre d'un trouble anormal du voisinage lorsque la nuisance existait déjà au moment de son installation. Je me félicite que la commission mixte paritaire soit judicieusement revenue au texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, lequel visait de façon générale toutes les activités « quelle qu'en soit la nature ». Cette rédaction permettra au texte de s'appliquer au plus grand nombre.

Je salue également le travail de la CMP sur la notion d'« installation » du voisin lésé qui figurait dans la proposition de loi initiale. Je ne peux, par ailleurs, que me féliciter de la suppression des deux alinéas relatifs, d'abord, aux troubles sonores des enfants et, ensuite, à la codification de la jurisprudence du Tribunal des conflits.

Enfin, la commission mixte paritaire a souhaité étendre le périmètre d'exonération pour les activités agricoles par l'ajout de dispositions spécifiques dans le code rural et de la pêche maritime. Oui, il est ubuesque que certains, dérangés par le bruit des tracteurs et des moissonneuses, s'attaquent à ceux qui nous nourrissent alors même qu'ils avaient connaissance de l'environnement dans lequel ils s'installaient ! Désormais, cela ne sera plus possible, et c'est heureux.

Sur la portée de cette exemption, le texte final vise l'hypothèse d'une modification non substantielle de la nature ou de l'intensité des conditions d'exploitation de l'activité. Cette rédaction est plus prudente que celle adoptée en première lecture par le Sénat. Elle me semble préférable quand il s'agit de restreindre les conditions dans lesquelles la responsabilité civile peut être mise en œuvre.

Pour conclure, la proposition de loi qui vous est soumise aujourd'hui est un texte d'équilibre et de concorde, qui définit les contours de ce fameux vivre-ensemble respectueux de chacun que j'ai déjà eu l'honneur d'évoquer devant vous. Cette avancée est permise grâce au travail de compromis mené en parfaite intelligence par les deux assemblées. Je forme le vœu que, dans le droit fil de la politique de l'amiable, ce texte contribue à une résolution plus rapide des conflits et à la pacification des relations de voisinage dans l'ensemble du territoire. Il est grand temps !

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