Intervention de Stéphane Rambaud

Séance en hémicycle du lundi 8 avril 2024 à 16h00
Adaptation du droit de la responsabilité civile — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Rambaud :

Le texte soumis à notre vote vise à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels. Mais qu'est-ce que la responsabilité civile ? Elle peut se définir comme l'obligation de répondre de tout dommage causé à autrui et d'assumer les conséquences civiles qui en découlent, par le biais de la réparation. Nous traitons aujourd'hui de l'un de ces dommages : les troubles anormaux du voisinage, véritables fléaux qui empoisonnent littéralement les relations humaines. Le bruit de voisinage nocturne ou diurne constitue l'une de leurs manifestations les plus communes qui trouve ses racines dans un individualisme exacerbé et dans la perte totale du respect dû à autrui.

La notion de « trouble anormal du voisinage » est, il faut bien le reconnaître, une notion complexe, que nous ne devons en aucun cas sous-estimer si nous voulons l'appréhender pour ce qu'elle est vraiment. Elle repose sur plusieurs critères. Il faut d'abord définir un rapport de voisinage, entendu dans un sens très large : la proximité géographique importe moins que la portée de la gêne occasionnée. Ainsi, le rapport de voisinage peut être caractérisé dès lors qu'une personne, se trouvant sur son fonds, est incommodée par l'activité d'un tiers, même situé à plusieurs kilomètres.

La notion de trouble est elle aussi définie largement : elle vise tout comportement susceptible de produire une perturbation. Son champ est donc très varié : bruits, odeurs, pollutions, perte de vue dégagée ou d'ensoleillement. L'atteinte au caractère esthétique d'une zone géographique peut également être reconnue comme constitutive d'un trouble anormal du voisinage : peut être condamné à ce titre celui qui arrache des plantations pour y édifier, à leur place, un bâtiment.

Toutefois, si une telle notion, apparemment simple, est si mal comprise, c'est notamment parce que l'anormalité du trouble incriminé, qui doit être établie pour qu'une condamnation soit prononcée, est souvent difficile à estimer. En effet, contrairement à une idée reçue, il ne suffit pas toujours, pour démontrer son caractère anormal, d'analyser le trouble en lui-même : il faut aussi tenir compte du contexte environnemental dans lequel il se manifeste. Un comportement venant troubler la tranquillité du voisinage ne sera aucunement condamné s'il apparaît comme normal aux yeux des magistrats. Son anormalité doit en effet être appréciée souverainement par les juges du fond en fonction des circonstances de temps et de lieu, donc de l'environnement dans lequel il s'inscrit. Ainsi, comme cela a été dit, un chant de coq ne constituera pas un trouble anormal du voisinage s'il se produit dans une commune rurale et éloignée du centre-ville, même s'il gêne certains riverains.

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