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Intervention de Mathilde Panot

Séance en hémicycle du lundi 8 avril 2024 à 16h00
Extension et adaptation à la polynésie française à la nouvelle-calédonie et aux îles wallis et futuna de dispositions législatives relatives à la santé — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMathilde Panot :

Dans l'élaboration des lois et leur application, les territoires dits d'outre-mer sont constamment mis de côté ; vous en apportez une nouvelle preuve aujourd'hui. Vous choisissez trop souvent de renvoyer l'application des lois dans les outre-mer à des ordonnances, un dispositif antidémocratique, pour contourner le Parlement.

Ainsi, nos concitoyens ultramarins se retrouvent sans cesse relégués à des ordonnances d'application, prises tardivement, dans des domaines fondamentaux. C'est un facteur d'inégalité entre citoyens. L'ordonnance dont il est question ce jour étend des dispositions législatives datant de plusieurs années – douze ans pour certaines ! Cette méthode est inacceptable, a fortiori sur des sujets tels que la recherche sur des pathologies et le droit à l'avortement. Les femmes polynésiennes, calédoniennes et wallisiennes doivent attendre pour bénéficier de droits garantis des années plus tôt dans l'Hexagone.

La République doit garantir la même protection à ses citoyens, quel que soit l'endroit où ils se trouvent. C'est d'autant plus important que nous parlons de collectivités ultramarines où l'accès aux services de santé est déjà difficile, alors même que les problèmes de santé sont exacerbés. À titre d'exemple, près d'un quart des Polynésiens souffrent de diabète, et je ne parle même pas des conséquences pour la santé des quelque 200 essais nucléaires effectués pendant trente ans par la France dans le Pacifique, jusqu'en 1996.

Ce retard dans l'égalité des droits est d'autant plus préjudiciable que l'extension des dispositions relatives aux recherches impliquant la personne humaine a été réclamée avec force par la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie, notamment pour intégrer des patients à des essais thérapeutiques, pour leur permettre d'accéder à des traitements innovants et pour conduire des recherches spécifiques sur des enjeux régionaux de santé.

Les projets de lois doivent faire l'objet de concertation en amont, avec les autorités locales, et doivent être transposés plus efficacement et plus rapidement, afin que toutes et tous bénéficient des mêmes droits. Les trois collectivités dont il est question ont bien été consultées, formellement, mais sans que ces consultations permettent de discuter dans de bonnes conditions. Leurs représentants ont tous déploré les conditions dans lesquelles ces collectivités ont été saisies.

Le Congrès de Nouvelle-Calédonie a rendu un avis favorable, tout en critiquant les risques juridiques liés aux renvois aux dispositions européennes qui ne sont pas directement applicables outre-mer. C'est le seul avis reçu par le Gouvernement. L'assemblée de Wallis-et-Futuna a transmis à la sénatrice rapporteure de ce texte une délibération portant avis favorable, qui n'a manifestement pas été consultée par les services du Gouvernement. Enfin, le gouvernement de Polynésie française a indiqué qu'un projet d'avis a été préparé, sans avoir pu être formalisé avant la publication de l'ordonnance, puisqu'il a été sollicité en période préélectorale ; cet avis serait a priori favorable, sous réserve de certaines modifications.

Les droits ne doivent jamais rester théoriques, mais être effectifs. L'extension à Wallis-et-Futuna de la réglementation relative aux recherches impliquant la personne humaine, demandée par l'agence de santé pour ne pas priver les patients d'opportunités, ne pourra s'appliquer en raison de la faiblesse de l'offre locale de soins. L'assemblée territoriale a considéré, dans son avis, que ces extensions étaient « sans objet », constatant qu'il est « techniquement impossible d'avoir ces types de recherches sur le territoire en raison de l'absence de structures adaptées et de l'insuffisance – voire de l'absence –, de personnels compétents en matière de recherche ». Le rapport du Sénat note également que les dispositions améliorant l'accès à l'IVG pourront rencontrer des difficultés locales d'application, car l'équipement disponible, pour prendre ce seul exemple, est limité en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.

Le groupe La France insoumise – NUPES votera ce texte, mais alerte le Gouvernement : les habitants des outre-mer ne sont pas des citoyens entièrement à part, ils doivent l'être à part entière.

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