Intervention de Steve Chailloux

Séance en hémicycle du lundi 8 avril 2024 à 16h00
Extension et adaptation à la polynésie française à la nouvelle-calédonie et aux îles wallis et futuna de dispositions législatives relatives à la santé — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSteve Chailloux :

Ia ora na – bonjour à tous. En guise de propos liminaire, je saluerai, à la suite de mes collègues, le travail accompli par la rapporteure. Je souhaite également féliciter ma collègue, la députée polynésienne Mereana Reid Arbelot, pour avoir apporté à cette ordonnance, par de nombreuses corrections, la pertinence qui lui faisait manifestement défaut.

Nous nous retrouvons donc aujourd'hui à débattre d'un texte complété et d'une ordonnance que le Gouvernement, sur le fondement de l'article 74-1 de la Constitution, nous demande de ratifier sous peine de caducité : l'ordonnance n° 2023-285 du 19 mars 2023 portant extension et adaptation de diverses dispositions relatives à la santé à Wallis-et-Futuna, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.

Cette ordonnance apportera aux collectivités du Pacifique des évolutions majeures en matière de santé. L'actualisation des dispositions relatives à la recherche impliquant la personne humaine offrira aux patients wallisiens, futuniens, calédoniens ou polynésiens en situation d'échec thérapeutique la possibilité d'accéder à des traitements innovants, tout en étant protégés par un cadre juridique leur garantissant une meilleure sécurité.

L'actualisation du droit relatif à l'interruption volontaire de grossesse, qui permettra aux femmes vivant dans ces collectivités de jouir du même délai de recours que celles vivant en France hexagonale et dans les départements ultramarins, est également bienvenue. Cette harmonisation apparaît d'ailleurs comme une nécessité, dès lors qu'elle intervient au lendemain de l'inscription, dans la norme la plus fondamentale de la République, de la liberté d'interrompre sa grossesse. L'exercice de cette liberté doit donc être prévu dans les mêmes conditions pour toutes femmes, dans tout le territoire français.

Aussi bienvenue que soit l'extension de ces dispositions, je ne peux néanmoins m'empêcher de porter un regard critique quant à la pertinence de leur adaptation dans le droit positif des collectivités locales qui les accueillent. Le travail est criant de laxisme, tant sur la forme que sur le fond.

Sur la forme, les renvois sur renvois – parfois vers des articles abrogés depuis longtemps dans le code de la santé publique ou encore vers des organismes compétents qui n'existent pas ou plus – rendent l'ordonnance du 19 mars 2023 difficilement lisible, intelligible et accessible, sans parler des erreurs rédactionnelles. Ces défauts font planer le risque de l'insécurité juridique dans ces territoires et démontrent le non-respect des tableaux « compteurs Lifou ».

La consultation des assemblées délibérantes concernées a été bâclée : l'assemblée de la Polynésie Française a par exemple été empêchée par son renouvellement intégral de rendre un avis sur cette ordonnance. En outre, celle-ci aurait gagné en pertinence dans l'adaptation des dispositions à la Polynésie, si un travail de collaboration étroite avec l'assemblée et le gouvernement de la Polynésie française avait été réalisé.

Il est également important de souligner que certaines dispositions, notamment celles relatives à la recherche impliquant la personne humaine, sont entrées en vigueur dans le droit français en 2012, mais que leur extension aux collectivités du Pacifique n'intervient que maintenant, près de quatorze ans plus tard. Le manque de clarté de l'ordonnance, le manque de concertation et l'intervention tardive de l'extension semblent démontrer que les collectivités du Pacifique sont reléguées au second plan dans les préoccupations du gouvernement central.

Ce manque de considération est plus flagrant encore sur le fond, notamment en ce qui concerne la Polynésie française. Il n'est pas judicieux d'y étendre des dispositions applicables dans l'Hexagone sans les adapter aux spécificités sociales ou géographiques de ce territoire. En effet, la société polynésienne est totalement différente : la religion s'y est profondément enracinée, au point de remodeler l'identité de son peuple, mais ce n'est pas le cas au sein de la société française.

L'extension de ces dispositions doit impérativement prendre en considération ces spécificités, au risque de voir naître en Polynésie des recherches scientifiques délétères pour ses habitants. L'harmonisation du droit relatif au recours à l'IVG sur l'ensemble du territoire français est louable mais, en Polynésie, cet idéal d'égalité juridique se heurte à la réalité matérielle. Le recours à l'IVG reste difficilement accessible pour la grande majorité des Polynésiennes. C'est pourquoi étendre des grands principes, c'est bien, mais les rendre effectifs, c'est encore mieux.

Les députés polynésiens, comme le groupe GDR – NUPES, voteront pour ce texte, en émettant néanmoins des réserves quant à son adaptation. Nous espérons que les amendements que nous avons déposés pour améliorer le texte seront adoptés. Mauruuru, Te aroha ia rahi – merci, salutations à tous !

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