Intervention de Steve Chailloux

Séance en hémicycle du lundi 8 avril 2024 à 16h00
Propriété des personnes publiques en polynésie française — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSteve Chailloux :

Ia ora na – bonjour à tous. Le projet de loi ratifiant l'ordonnance du 24 mai 2023 modifiant les dispositions du code général de la propriété des personnes publiques relatives à la Polynésie française appelle des remarques, tant sur la forme que sur le fond.

S'agissant de la forme, je rappellerai que l'ordonnance prise en mai 2023 n'a fait l'objet d'aucune consultation des autorités polynésiennes, alors que l'article 9 du statut de la Polynésie dispose que « l'assemblée de la Polynésie française est consultée […] sur les projets d'ordonnance pris sur le fondement de l'article 74-1 de la Constitution ». Cependant, en raison du contexte électoral de la Polynésie lors de la rédaction de ce projet d'ordonnance, l'organe législatif du pays, c'est-à-dire de la Polynésie, n'a pas pu se prononcer. Par conséquent, son avis favorable a de facto été présumé. On peut donc s'interroger sur la validité de cette procédure d'adoption.

S'agissant du fond, je ferai deux remarques essentielles. La première a trait au domaine public de l'État, plus particulièrement aux contours de son domaine public maritime en Polynésie. Actuellement, il n'existe plus de domaine public maritime de l'État dans cette collectivité, à l'exception des dépendances nécessaires à l'exercice de ses compétences en matière de défense et de sécurité. Mais selon l'ordonnance, l'État pourrait devenir propriétaire de certains biens culturels maritimes, tels que des gisements, épaves, vestiges ou d'autres biens présentant un intérêt préhistorique. Or en vertu de l'article 47 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, cette dernière est compétente pour réglementer et exercer « le droit d'exploration et le droit d'exploitation des ressources naturelles biologiques et non biologiques, notamment les éléments des terres rares », matériaux pouvant se révéler hautement stratégiques pour notre territoire. On comprendra que cette ordonnance pourrait entraîner un risque d'immixtion de l'État dans les compétences de notre pays. Dès lors, il conviendrait que l'État clarifie l'ensemble des zones publiques maritimes dont il pense être le propriétaire en Polynésie.

Ma seconde remarque tient à la notion de zone contiguë. Selon la procédure prévue à l'article L. 532-1 du code du patrimoine, l'État pourrait devenir propriétaire de biens culturels maritimes « qui sont situés dans le domaine public maritime ou au fond de la mer dans la zone contiguë ». Toutefois, une telle zone n'est mentionnée nulle part dans notre statut, et le pays – la Polynésie – reste jusqu'à présent le propriétaire des rivages de la mer, des eaux intérieures, des eaux territoriales ainsi que de la zone économique exclusive (ZEE), dans le respect des engagements internationaux. C'est pourquoi il serait bénéfique pour tous que l'État explicite enfin cette notion.

Te aroha ia rahi – Salutations à tous.

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