Intervention de Thomas Cazenave

Séance en hémicycle du lundi 8 avril 2024 à 16h00
Propriété des personnes publiques en polynésie française — Présentation

Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics :

Le projet de loi de ratification de l'ordonnance du 24 mai 2023 s'inscrit dans une démarche de clarification et d'harmonisation, pour rendre le droit domanial plus lisible et plus facilement applicable en Polynésie.

Je veux en premier lieu remercier Hadrien Ghomi, rapporteur de la commission des lois, pour son travail sur ce texte et pour les auditions qu'il a menées dans ce cadre. Je tiens aussi à saluer le travail des sénateurs, qui a conduit à l'adoption du texte en première lecture à l'unanimité par la Chambre haute le 14 mars.

Pendant longtemps, la législation domaniale en Polynésie française a souffert d'un manque de clarté dû à la multiplicité des régimes en vigueur et à la diversité des types de domaines concernés.

Depuis 1977, la Polynésie française détient la propriété de son domaine, à la suite du transfert par l'État de l'intégralité de son domaine public maritime, à l'exception des zones réservées à l'exercice de sa souveraineté, notamment celles employées par la marine nationale.

Bien que jouissant d'une grande autonomie en matière de gestion domaniale, l'État et ses établissements publics continuent néanmoins à disposer d'un important domaine public, incluant des infrastructures de transport telles que des aérodromes ou des ports, des tribunaux, des écoles ainsi qu'un domaine privé.

Au cours du quinquennat précédent, le Parlement a adopté la loi organique du 5 juillet 2019 qui modifie le statut d'autonomie de la Polynésie française dans le but de simplifier le droit en vigueur. Ce texte donne compétence à l'État pour étendre au territoire polynésien les règles applicables à son domaine privé et à celui de ses établissements publics, tout en soumettant les dispositions législatives et réglementaires correspondantes au régime de l'applicabilité de plein droit. En outre, il a eu pour effet d'étendre le régime d'applicabilité de plein droit aux dispositions législatives et réglementaires relatives au domaine public des établissements publics de l'État, alignant ainsi le régime d'applicabilité de ces dispositions sur celui qui prévalait pour le domaine public de l'État.

Ainsi, depuis 2019, les règles relatives au domaine public et au domaine privé de l'État et de ses établissements publics sont applicables de plein droit en Polynésie française. En résumé, en alignant la situation sur celle des autres collectivités d'outre-mer, la loi de 2019 harmonise les règles en vigueur et octroie à l'État le pouvoir de définir les réglementations concernant son domaine privé ainsi que le domaine de ses établissements publics en Polynésie française.

Il restait néanmoins à mettre le code général de la propriété des personnes publiques – ou CG3P – en cohérence avec ces nouvelles dispositions. Nous devons en effet à la Polynésie et à nos collectivités d'outre-mer un droit de qualité et facile à appliquer – je sais que nombreux sont les députés sur ces bancs qui y sont attachés. C'est à cet objectif que répond l'ordonnance du 24 mai 2023 que je vous propose de ratifier.

Cette ordonnance s'inscrit dans le prolongement de la démarche de codification du droit domanial applicable à l'outre-mer qui avait été entreprise par l'ordonnance du 28 septembre 2016, modifiant la cinquième partie du CG3P qui contient les dispositions relatives à l'outre-mer. L'ordonnance de 2016 avait opéré une refonte de cette cinquième partie afin de rendre plus lisible le droit domanial dans les collectivités concernées et d'en faciliter l'application. Les règles relatives au domaine privé de l'État en Polynésie française n'avaient pu, cependant, entrer dans le champ de cet exercice, le Conseil d'État ayant rendu, le 15 septembre 2016, un avis dans lequel il estimait que l'État n'était compétent que pour son domaine public et celui de ses établissements publics.

L'ordonnance traduit dans le livre VI de la cinquième partie législative du CG3P, consacré à la Polynésie française, la nouvelle répartition des compétences entre l'État et cette collectivité opérée par la loi organique du 5 juillet 2019. Elle permet de compléter la partie législative de ce code consacrée à l'outre-mer, en renforçant, tant pour les praticiens que pour les usagers, la cohérence et la lisibilité des règles de droit domanial applicables en Polynésie française.

Cette ordonnance est prise sur le fondement de l'article 74-1 de la Constitution, qui confère au Gouvernement une habilitation permanente pour étendre par ordonnances, dans les collectivités régies par l'article 74 et en Nouvelle-Calédonie, les dispositions législatives en vigueur en métropole dans les matières relevant de la compétence de l'État. L'ordonnance donne davantage de lisibilité au droit domanial en Polynésie française, dans le respect – j'y suis très attaché – des compétences de la collectivité.

Je veux en profiter pour souligner le travail de consultation qui a été mené, et je me félicite que l'assemblée de la Polynésie française ait exprimé un avis favorable sur la loi organique de 2019. Je sais que le dialogue se poursuivra avec la ministre déléguée chargée des outre-mer, Marie Guévenoux, que je veux aussi saluer.

À l'occasion de la discussion de ce texte, qui finalise la mise à jour de la partie législative du CG3P, je tiens également à souligner le travail important accompli par les agents de la DIE, la direction de l'immobilier de l'État. Parmi eux, je tiens en particulier à saluer – comme j'ai eu l'occasion de le faire lors de l'examen du texte au Sénat – l'engagement de Pierre Brun, administrateur des finances publiques adjoint, qui a consacré une grande partie de sa carrière à l'élaboration et à l'interprétation du CG3P.

En conclusion, l'ordonnance harmonise les règles applicables au domaine de l'État en Polynésie française. En créant un ensemble unifié, elle prévient les lacunes et les incohérences juridiques. Elle assure une conformité avec le droit polynésien en établissant une législation coordonnée avec les dispositions locales, évitant ainsi les contradictions. Pour toutes ces raisons, je vous invite à adopter ce projet de loi.

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