Intervention de Bruno Millienne

Séance en hémicycle du lundi 8 avril 2024 à 16h00
Adaptation du droit de la responsabilité civile — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBruno Millienne :

Le texte que nous examinons aujourd'hui vise à consacrer une jurisprudence constante relative à la responsabilité civile. Plus précisément, il s'agit, d'une part, d'introduire dans le code civil le principe de responsabilité sans faute en cas de troubles anormaux du voisinage et, d'autre part, de consacrer les exceptions à cette règle. Ce texte est le fruit d'un travail transpartisan que le groupe Démocrate est fier de défendre. J'insiste sur cette belle preuve de coopération dans l'espoir de vous inciter à soutenir une proposition de loi qui, loin de diviser – comme le voudrait la famille « contre tout » qui siège à l'extrême gauche de cet hémicycle –, promeut véritablement le vivre-ensemble dans nos campagnes.

Si je soutiens cette proposition de loi, c'est parce qu'elle témoigne d'une meilleure compréhension des enjeux ruraux contemporains et d'une détermination à répondre aux inquiétudes de nos concitoyens. Ainsi, son application permettra de mieux accompagner nos agriculteurs face aux défis de la cohabitation, et ce de façon uniforme sur l'ensemble du territoire. Concrètement, il s'agit de sécuriser davantage les secteurs industriels et artisanaux qui font la fierté de nos campagnes, en garantissant la pérennité de leurs activités, mais aussi et surtout d'apaiser les conflits de voisinage, notamment entre agriculteurs et néoruraux.

Si le droit de jouir paisiblement de sa propriété est important, nous ne pouvons pas, pour autant, ignorer le contexte spécifique qui peut entourer les conflits de voisinage. En ville, on s'habitue aux voisins fêtards, aux sirènes des pompiers, à la pollution ambiante. De la même façon – et aussi curieux que ce rappel puisse paraître –, à la campagne, il faut s'habituer aux sons de la nature, à l'odeur du bétail et aux bruits des activités agricoles, qui sont essentielles à notre santé et à notre souveraineté alimentaire. Le respect de la nature et la question de la transition écologique ne se réduisent pas à l'achat de produits bio au supermarché : à la campagne, des femmes et des hommes travaillent sans interruption pour nous permettre de consommer des produits de qualité.

Dans ma circonscription, qui est à la fois rurale et attrayante pour nombre de nos concitoyens d'Île-de-France, j'ai constaté qu'il devenait nécessaire d'imaginer une nouvelle pédagogie et de nouvelles formes d'arbitrage entre les agriculteurs, maillon crucial de notre société, et les néoruraux ou citadins en quête d'une résidence secondaire. C'est précisément l'objet de ce texte, qui s'inscrit dans la continuité des six années d'engagement de la majorité en faveur d'une agriculture mieux valorisée et solidaire.

C'est pourquoi nous saluons l'introduction d'une exonération spécifique, dorénavant mieux sécurisée juridiquement, pour les activités agricoles. Cette exception au principe de trouble anormal de voisinage, fondée sur la théorie de la pré-occupation, permettra aux agriculteurs de poursuivre leurs activités agricoles librement, à condition de le faire dans les mêmes conditions que précédemment ou sans modification substantielle. Le juge pourra alors écarter toute responsabilité dans les cas où l'activité est antérieure à l'origine du trouble, ou bien lorsque le respect de la législation en vigueur est assuré.

Un citoyen ne pourra donc pas, en bonne conscience, s'installer à proximité d'un lieu bruyant ou odorant puis se plaindre d'un trouble anormal ou d'une nuisance qui existait avant son emménagement : ce serait faire preuve de mauvaise foi. Il appartiendra donc à la justice de trouver un équilibre entre la protection des exploitations agricoles et le respect du droit au recours des voisins – une harmonie que nous encourageons avec cette proposition de loi. Tant que nous bénéficierons des efforts de nos agriculteurs, qui assurent notre souveraineté alimentaire, il nous faudra apprendre à vivre avec l'odeur du foin, le bruit du tracteur et les chants du coq Maurice ! Il nous faut adapter le droit afin de favoriser le vivre-ensemble sans compromettre nos activités rurales.

Après des semaines de contestations agricoles, il est temps de mener une politique d'apaisement et d'accompagnement dans les territoires, d'autant qu'en tout état de cause, ce texte aura vocation à s'appliquer à toutes les relations de voisinage et permettra de poser les conditions du vivre-ensemble – raison pour laquelle je vous encourage à le soutenir. Le groupe Démocrate, pour sa part, le fera.

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