La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures.
L'ordre du jour appelle la discussion, en application de l'article 34-1 de la Constitution, de la proposition de résolution de M. Éric Ciotti, M. Olivier Marleix, Mme Annie Genevard et les membres du groupe Les Républicains appelant à la dénonciation, par les autorités françaises, de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 (n° 1325).
Madame la présidente, monsieur le ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger, chers collègues, je suis heureuse d'ouvrir cette niche parlementaire au nom du groupe Les Républicains. Nous allons présenter aujourd'hui dix textes qui touchent à des priorités absolues pour les Français : l'immigration, l'éducation, la petite enfance, la santé, les transports publics, la langue française ou encore le logement. Nous voulons défendre nos valeurs, nos convictions et surtout répondre aux attentes de nos concitoyens de façon claire, efficace et déterminée. Aussi, j'espère que, sur chacun de ces bancs, nous saurons nous retrouver autour de ces propositions et agir dans le sens de l'intérêt général.
Par la proposition de résolution qui ouvre cette séance, nous invitons le Gouvernement à dénoncer l'accord franco-algérien de 1968 sur l'immigration. Cette initiative est très importante parce qu'elle est le corollaire indispensable du projet de loi sur l'immigration, que nous allons examiner la semaine prochaine en séance.
À ce propos, je regrette sincèrement que plusieurs avancées majeures adoptées par les sénateurs, dont je tiens à saluer le travail pour durcir ce texte, aient été modifiées voire, pour certaines, supprimées par la commission des lois de notre assemblée. Ce n'est pas en reculant que l'on pourra reprendre le contrôle de la situation migratoire.
Et ce n'est pas non plus en rejetant nos propositions que l'on parviendra à un consensus.
Nous avons besoin de réformes ambitieuses et nous avons besoin de décisions courageuses pour les rendre efficaces. Notre pays ne pourra en effet retrouver la maîtrise de l'immigration qu'en faisant les choix qui s'imposent face à des traités internationaux et face à une jurisprudence européenne qui nuisent à notre souveraineté. C'est l'objectif des deux textes sur l'immigration que nous proposons aujourd'hui. Dans un instant, par la voix de M. Éric Ciotti, nous défendrons une proposition de loi constitutionnelle dont l'adoption permettrait de proposer un référendum sur l'immigration et de déroger aux accords internationaux quand notre souveraineté est en jeu. Il s'agit d'une urgence si nous voulons mettre fin à l'immigration de masse incontrôlée.
C'est également l'objectif de la présente proposition de résolution. Vous en connaissez les enjeux. Parce qu'un traité international a une autorité supérieure à la loi, tant que l'accord de 1968 ne sera pas dénoncé, nous pourrons voter autant de lois que nous le souhaitons, nous ne retrouverons jamais une capacité totale à maîtriser les flux migratoires.
En effet, cet accord nous en empêche. Il crée, vous le savez, un régime privilégié pour les Algériens : il instaure un droit quasi-automatique à l'immigration ; il favorise leur entrée et leur installation ; il prévoit un document spécifique, le certificat de résidence pour les Algériens (CRA) ;…
…il facilite aussi la venue des conjoints et le regroupement familial ; il autorise également des régularisations de plein droit après dix ans de présence illégale sur notre territoire.
Voilà la réalité de cet accord qui n'a plus lieu d'être aujourd'hui, ne serait-ce que parce qu'il a été adopté il y a cinquante-cinq ans. Le contexte n'est évidemment plus le même depuis l'instauration de ce régime dérogatoire.
D'un point de vue économique, tout d'abord, nous sommes très loin de l'expansion que nous avons connue à la fin des années 1960. Le besoin de main-d'œuvre n'est plus le même.
Du point de vue de la pression migratoire ensuite : l'Algérie est le deuxième pays d'origine des primo-bénéficiaires de titres de séjour ; d'après l'Insee, en 2022, 880 000 étrangers en France étaient nés en Algérie ; 12,5 % des immigrés viennent de ce pays et, selon la Fondation pour l'innovation politique (Fondapol), chaque année entre 2017 et 2020, 10 000 Algériens en situation irrégulière sont restés en France. Comment prétendre retrouver la maîtrise de notre politique migratoire quand la première diaspora de France échappe à nos lois et au droit commun du séjour ? Nous devons réagir et nous devons le faire avec force et détermination.
Monsieur le ministre délégué, nous avons entendu les arguments du Gouvernement.
Pas encore…
Vous allez nous dire que la dénonciation de l'accord serait juridiquement impossible ou dangereuse ; mais l'immobilisme n'apporte rien de bon quand il est motivé par la peur.
L'excellente étude de Xavier Driencourt pour Fondapol apporte de nombreuses réponses à vos questions et d'abord en ce qui concerne la dénonciation unilatérale de l'accord. La convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités s'applique. Rien n'empêche de dénoncer l'accord s'il n'a pas vocation à être perpétuel. Et même si ce n'était pas le cas, qui pourrait nous en empêcher ?
Ensuite, monsieur le ministre délégué, vous allez nous dire que la situation pourrait in fine être plus défavorable qu'avant. Il faudrait alors nous expliquer comment le fait de mettre fin à un régime dérogatoire, pour appliquer nos lois, pourrait constituer un danger ?
Nous allons vous l'expliquer.
Quant au prétendu risque d'un retour à la libre circulation si l'accord était dénoncé, je rappelle qu'une note de la direction des affaires juridiques du Quai d'Orsay affirme que l'accord de 1968 a implicitement abrogé les funestes accords d'Évian sur ce point. Et puis nous sommes souverains : si plus aucun traité international ne s'impose, alors nous pourrons décider des conditions d'entrées sur notre territoire.
J'ajoute que les règles de l'espace Schengen s'appliquent à nos frontières. Si cet accord était dénoncé, nos autorités soumettraient sans nul doute les ressortissants algériens à l'obligation de présenter un visa avant l'entrée sur notre territoire.
Au-delà des questions juridiques, il y a aussi un certain nombre d'arguments politiques avancés par le Gouvernement. C'est sans doute là que se trouve notre véritable point d'achoppement. D'ailleurs, il semblerait que le Président de la République vive assez mal notre initiative et veuille dénier le droit au Parlement de traiter des affaires étrangères. Il est pourtant pleinement légitime que nous en parlions et, au lieu de s'en offusquer, le chef de l'État serait bien inspiré de rompre avec son exercice solitaire de la diplomatie et de nous écouter un peu plus souvent.
Il y a l'article 34 de la Constitution, tout de même !
Lorsque la majorité présente des propositions de résolution sur la politique étrangère, nous en débattons et nous les votons sans que cela pose problème au Président de la République.
Vous allez nous répondre, monsieur le ministre délégué, que nous risquons de mettre à mal le prétendu réchauffement de nos relations avec l'Algérie. Mais de quoi parlons-nous ?
Le président Tebboune n'a aucune volonté de dialoguer avec la France. Faut-il rappeler toutes ses provocations ? Faut-il rappeler qu'il a préféré aller voir Vladimir Poutine, qu'il a qualifié d'« ami de l'humanité », plutôt que de venir en France ? Faut-il rappeler qu'il a réintroduit dans l'hymne algérien un couplet violemment anti-Français de façon totalement honteuse ?
Exclamations sur les bancs des groupes RN et LR.
Faut-il aussi rappeler la suspension des laissez-passer consulaires et le refus de reprendre les ressortissants que nous voulons expulser ?
La réalité, c'est qu'il y a toujours des tensions très vives et très peu de volonté de les apaiser du côté du pouvoir algérien, même si le Gouvernement voudrait faire croire le contraire.
Dans ce contexte, l'accord de 1968 et son régime privilégié n'ont évidemment plus de raison d'être. Monsieur le ministre délégué, notre démarche est légitime, elle est indispensable – vous le savez bien.
Et c'est bien pour cela que l'exécutif propose désormais une révision de cet accord, alors même que nous venons de déposer la présente proposition de résolution.
Mais là aussi soyons clairs : un simple avenant ne serait qu'une demi-mesure. Tant que cet accord sera en vigueur, il y aura un régime dérogatoire qui échappera à la loi.
La ratification de l'accord est autorisée par la loi, il n'y échappe donc pas !
Il a déjà été révisé trois fois, sans que jamais les principes qui le fondent ne soient remis en cause. Voilà pourquoi le groupe Les Républicains veut aller plus loin ; voilà pourquoi nous souhaitons purement et simplement dénoncer cet accord.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Roger Chudeau applaudit également.
Chers collègues, l'heure n'est pas aux calculs politiciens et aux arrière-pensées…
Vives exclamations sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs du groupe RN.
M. Sébastien Delogu s'exclame.
Ah bon, vous dites ce que vous voulez ? Je pense qu'il y a une présidente.
Rappel à l'ordre ! La sanction pour provocation au tumulte, c'est valable pour tout le monde !
Je disais, chers collègues, que l'heure n'était plus aux calculs politiciens et aux arrière-pensées. Nous savons que notre constat est largement partagé par plusieurs groupes politiques de cette assemblée. Nous pouvons envoyer un message fort pour montrer notre détermination commune. C'est pourquoi je vous invite à être fidèles à vos convictions et à voter cette proposition de résolution en faisant à la fois preuve de responsabilité, de pragmatisme et de courage. C'est ce que les Français réclament, c'est ce qu'ils attendent de nous aujourd'hui. Alors soyons au rendez-vous.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et HOR.
Chers collègues, je vous rappelle que l'alinéa 3 de l'article 70 de notre règlement dispose qu'un député n'a pas à se livrer à une mise en cause personnelle, à interpeller un autre député ou à adresser à un ou plusieurs de ses collègues, des injures, provocations ou menaces. J'espère que cela sera respecté durant toute la journée.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR. – M. Stéphane Vojetta applaudit également.
Rappel au règlement
Mon rappel au règlement se fonde sur l'article que vous venez de mentionner, madame la présidente. J'ai entendu un certain propos…
…et, surtout, j'ai entendu ensuite : « Je dis ce que je veux ici ! » Certes, nous bénéficions de l'immunité parlementaire, mais elle implique aussi une responsabilité :…
…celle d'être courtois, ce que vous avez oublié d'être depuis très longtemps.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Elle implique aussi le respect des institutions et de nos règles de droit.
Le groupe Démocrate va s'opposer à cette proposition de résolution mais cela ne nous empêche pas de travailler sereinement, c'est-à-dire sans donner en permanence dans l'invective.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et LR, et sur plusieurs bancs des groupes RE et RN.
Discussion générale
Je tiens avant tout à ce que nous ayons une vision d'ensemble sur l'état actuel de notre relation avec l'Algérie. Vous avez dit, madame Tabarot, que nous faisions croire qu'il n'y avait pas de tensions entre les deux pays. Je rappelle que la commission des affaires étrangères, dans l'un de ses avis budgétaires, a appelé cette année par ma voix, après que j'ai effectué une mission en Algérie, à la révision de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 – l'avis en question est accessible depuis quatre mois.
L'état actuel de notre relation avec l'Algérie se caractérise par des faits sur lesquels nous serons, je pense, tous d'accord. Vous avez ainsi évoqué les blocages institutionnels et j'irai même plus loin : ce que j'ai constaté sur place, c'est du harcèlement administratif francophobe, parfois peu compréhensible tant il est absurde, y compris dans sa propre logique. En outre, le tempo de cette relation est dicté uniquement par les agendas intérieurs, alors que nous parlons de diplomatie – il est ici question d'un accord international.
Mais il ne faut pas oublier, chère collègue, qu'il y a en Algérie une énorme présence de Français et de francophiles. Il faut également prendre en considération les liens culturels, une francophonie très présente, très souvent « sous les radars », comme je l'ai écrit dans mon avis budgétaire. Et puis, en effet, il y a aussi une très importante présence d'Algériens en France et de Français d'origine algérienne – vous avez rappelé les chiffres : une immense majorité est intégrée et créatrice de richesses. Je vous rappelle néanmoins un chiffre tiré du même rapport et que vous avez oublié de citer : les Algériens sont les plus nombreux parmi les bénéficiaires du contrat d'intégration républicaine (CIR).
Chers collègues, je tenais à rappeler par cette brève introduction d'un commissaire des affaires étrangères qu'on ne pouvait traiter les questions de migrations internationales les yeux rivés sur notre territoire ou, pire, les yeux rivés sur notre microcosme : il est important de présenter les enjeux entre nos deux pays de manière globale avant de prendre des décisions hâtives.
Nos relations avec l'Algérie sont effectivement illisibles et chaotiques. Certains les perçoivent comme un rapport de force – souvent fantasmé ; d'autres comme un rêve illusoire de coupure, ou un lent et inéluctable divorce ; d'autres encore annoncent perpétuellement un grand retour de flamme, et exigent le statu quo éternel.
Telle est, à notre sens, l'origine – peut-être compréhensible – de cette proposition de résolution, maladroite, sinon démagogique,…
…qui traite mal d'une vraie question. Je rappelle qu'on ne soigne pas la varicelle en traitant les boutons.
Retenons trois arguments. Tout d'abord, si elle était suivie d'effet, la proposition de résolution, indépendamment même de notre relation avec l'Algérie, nous placerait hors du droit international. Notre pays ne peut pas emprunter, diplomatiquement, cette direction. Alors que le droit international est aujourd'hui remis en cause,…
…notre pays doit respecter le droit international et ne peut s'en affranchir.
Ensuite, cette proposition de résolution est bien trop réductrice. Vous avez affirmé, madame Tabarot, que cet accord nous « empêche » de maîtriser nos flux migratoires : ce terme est inadéquat. Nous avons réduit, dans le droit actuel, le nombre de visas de plus de 410 000 à un peu plus de 100 000, pour faire pression sur les retours. L'action de la France n'est pas bridée.
Enfin, la dénonciation de l'accord du 27 décembre 1968 serait évidemment contre-productive. Nous risquerions non seulement de revenir à la situation de 1962, mais également de voir les accords de Schengen – que vous avez cités – s'appliquer, alors qu'ils sont, dans bien des domaines, plus avantageux que l'accord de 1968.
Il n'y a aucune peur de notre part. Cet accord vieux de cinquante-cinq ans ne correspond effectivement plus au contexte actuel, y compris au détriment de notre partenaire algérien. Il faut donc le renégocier.
C'est ce que j'ai proposé, il y a quatre mois, et c'est ce que défend le groupe Démocrate (MODEM et indépendants) : la renégociation est la seule route diplomatique, respectueuse du droit international, qui permettra de sortir efficacement de l'imbroglio actuel.
Que pouvons-nous et que devons-nous exiger ? Par exemple, à propos d'un sujet que personne n'a évoqué mais qui me tient à cœur, la francophonie, nous devons, lors de la renégociation, refuser d'accorder des facilités à ceux qui, dans le même temps, cassent l'apprentissage du français en Algérie. Cette situation n'est pas normale.
Nous pouvons le faire par l'action diplomatique, non en restant dans notre coin.
Nous pouvons demander la révision du droit des travailleurs, qui n'est effectivement plus adapté, ou celle des règles du regroupement familial, qui ne relèvent pas du droit commun. Réciproquement, nous pourrions ouvrir aux étudiants algériens le passeport talent, le French Tech Visa, la carte de séjour pluriannuelle étudiant, car les étudiants algériens en France sont actuellement désavantagés par rapport aux autres.
Le groupe Démocrate ne soutiendra pas ce texte. Parfois, il faut être intelligent pour deux, au lieu de s'isoler bêtement.
Protestations sur les bancs du groupe LR. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Et là, monsieur Balanant, par de rappel au règlement ? On vient pourtant de dire à certains d'entre nous qu'ils étaient bêtes !
Souvenez-vous de la première séance de la législature, le 28 juin 2022 : elle fut ternie par le discours honteux d'un député d'extrême droite – un discours blessant, vantant les mérites de l'Algérie française et de la colonisation.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Soumya Bourouaha applaudit également. – Exclamations sur les bancs des groupes RN et LR.
Aujourd'hui, c'est au tour de la droite de nous servir cette vieille soupe rance, stigmatisante envers les Algériens. Cette lecture de l'histoire entre la France et l'Algérie, nourrie d'un imaginaire postcolonial et teintée de nostalgie d'un temps révolu, constitue le trait d'union entre la droite et l'extrême droite de cet hémicycle.
Au lieu de se préoccuper du quotidien des Français, et de l'inflation galopante,…
…le groupe Les Républicains propose aujourd'hui de s'attaquer à un accord international – l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 –, alors même que notre assemblée n'a pas le pouvoir de le remettre en cause.
M. Sébastien Delogu applaudit.
Cet accord est indissociable de l'histoire singulière qui lie notre pays à l'Algérie : une histoire complexe, dont nombre de nos concitoyens sont les héritiers. Il s'inscrit dans une histoire marquée par cent trente-deux ans de colonisation – dont huit ans de guerre d'indépendance – et six décennies – six ! – de relations bilatérales sinueuses. Une relation tumultueuse et fragile, parfois inflammable, à laquelle, précisément, vous voulez aujourd'hui mettre le feu.
« Mais non ! » sur quelques bancs du groupe LR.
Cet accord, déjà renégocié à trois reprises depuis 1968, correspondait initialement à la volonté de la France de revenir sur les accords d'Évian, et sur la libre circulation qu'ils permettaient.
Entrons dans le cœur de votre texte. Vous y énumérez les dispositions les plus favorables au séjour des Algériens en France. La principale est qu'un Algérien, installé en France depuis plus de trois ans, peut bénéficier d'une carte de résident pour dix ans, contre cinq ans pour un étranger de droit commun. On a connu des avantages plus exorbitants !
Parmi les dispositions de l'accord de 1968, vous omettez sciemment d'énumérer celles qui sont les plus défavorables aux Algériens, en étant bien plus strictes que le droit commun des étrangers en France.
Par exemple, les étudiants algériens sont les seuls soumis à une autorisation provisoire de travail (APT). Comme si cela ne suffisait pas, ils sont également les seuls à ne pouvoir travailler que 50 % de la durée légale.
Vous prétendez que cet accord produit un appel d'air, favorisant une immigration incontrôlée et incontrôlable des Algériens. La France a pourtant fait largement la démonstration qu'elle avait la main sur une immigration algérienne légale et stable, par une politique très restrictive de visas.
Enfin, rappelons que l'immigration illégale, la procédure d'éloignement, les contrôles et les sanctions, tout comme le droit d'asile des Algériens, ne sont pas régis par cet accord : ils relèvent du droit commun. Il faut le dire clairement : non, il n'existe pas de droit inconditionnel, ni de droit automatique à l'immigration des Algériens en France !
Abordons à présent la question que tout le monde se pose : que se passerait-il si cet accord était dénoncé unilatéralement à l'initiative de notre assemblée ? En imaginant une seconde qu'une telle dénonciation aboutisse, elle conduirait selon toute vraisemblance au statu quo ante, c'est-à-dire à un retour aux dispositions des accords d'Évian, et donc à une libre circulation des Algériens en France.
Je doute très sérieusement que ce soit l'intention initiale des auteurs de ce texte.
Néanmoins, il faut vous rendre compte, chers collègues, que même ce qui ne produit pas d'effet juridique peut entraîner des conséquences sociales et diplomatiques désastreuses. Au-delà de son caractère stigmatisant…
…envers les Algériens, première communauté étrangère établie en France, ce texte est une ode à la brutalité dans les relations internationales.
Cette proposition de résolution est irresponsable, et fait courir un risque grave à des relations bilatérales déjà fragiles.
Qui peut croire qu'une telle manœuvre contribue, d'une quelconque manière, au renouvellement de la relation franco-algérienne ? Elle revient bien plutôt à l'envenimer davantage.
Votre proposition de résolution est un leurre. Les députés du groupe Socialistes et apparentés dénoncent l'instrumentalisation et la haine systématique des étrangers, avec l'Algérien comme épouvantail.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – Exclamations sur les bancs du groupe RN. – Protestations sur les bancs du groupe LR.
Plus de soixante ans après son indépendance, il est temps de normaliser nos relations avec l'Algérie. Cette évidence s'impose alors que nous réformons nos procédures en matière d'asile et d'immigration aux niveaux national et européen.
On devrait s'attendre à ce que ces réformes s'appliquent à tous, et que notre politique d'accueil traite de manière équilibrée chaque ressortissant étranger, selon sa situation personnelle. Certes, des accords bilatéraux existent pour faciliter la circulation, le séjour et l'emploi des ressortissants de certains pays ; mais aucun d'entre eux n'échappe autant au droit commun que l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
À entendre les partisans de cet accord, il serait légitime, car il est issu d'une histoire de cent trente-deux années de colonisation, dont la mémoire demeure douloureuse, et il serait justifié par les facilités de circulation qui prévalaient avant l'indépendance. Cependant, la mémoire ne doit pas s'imposer comme l'alpha et l'oméga de nos politiques publiques.
Soixante ans après son indépendance, notre relation avec l'Algérie doit se construire sur des bases saines. La création d'une commission mixte d'historiens français et algériens sur l'histoire de la colonisation, voulue en 2022 par le Président de la République, permettra notamment de dépolitiser et d'aborder sereinement le passé. Concomitamment, la visite à Alger de la Première ministre, le 9 octobre 2022, a permis de renouveler les partenariats pour l'économie, la mobilité et la jeunesse, prouvant que l'on peut s'émanciper de la mémoire franco-algérienne dans de nombreux domaines. Cela devrait aussi être le cas pour la politique migratoire.
Le groupe Horizons et apparentés soutient la remise en cause de l'accord franco-algérien.
« Bravo ! » sur plusieurs bancs du groupe LR.
Nous considérons que cet accord relève d'une exception ; celle d'une histoire et d'une mémoire que la France comme l'Algérie cherchent à dépasser. Il constitue aussi une exception en raison des facilités démesurées qu'il accorde à une partie de la population immigrée en France.
Au regard des seize accords qui lient la France à des pays avec lesquels nous partageons une histoire – notamment coloniale –, les dispositions de l'accord de 1968 se révèlent beaucoup plus favorables que le droit commun pour les ressortissants algériens. Seuls les citoyens algériens peuvent bénéficier d'une régularisation en justifiant simplement d'une résidence en France – même illégale – de plus de dix ans. En cas de regroupement familial, l'exigence d'une insertion réussie dans la société française n'est pas vérifiée. Le conjoint algérien peut aussi obtenir un certificat de résidence de dix ans après un an de mariage seulement, contre trois ans de vie commune pour les autres nationalités.
De par son caractère exceptionnel, cet accord ne peut perdurer indéfiniment, dans une situation qui ne satisfait ni la France, ni l'Algérie.
Mme Fatiha Keloua Hachi s'exclame.
La France demande en retour, depuis de nombreuses années, une coopération renforcée dans la reconduite à la frontière des clandestins, et un accroissement du nombre des laissez-passer consulaires accordés par l'Algérie. De leur côté, certains étudiants et professionnels algériens se voient, du fait de cette situation particulière, exclus de dispositifs réservés aux étrangers en France, comme le passeport talent et les cartes de séjour « recherche d'emploi ou création d'entreprise » ou « stagiaire ».
Dénoncer cet accord pose des questions délicates sur le plan juridique, et plus encore en matière diplomatique. Nous ne minimisons pas les difficultés que cela engendrerait, et il revient à l'exécutif de fixer les objectifs de notre politique étrangère à ce sujet.
Parce que nous sommes convaincus qu'il appartient au Président de la République de déterminer les objectifs de la nation sur le plan international, nous n'aurions pu déposer nous-mêmes un tel texte ; mais puisqu'il nous est demandé de nous prononcer aujourd'hui sur la question, nous voterons en faveur de cette proposition de résolution.
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et LR, ainsi que sur quelques bancs du groupe RN. – M. Emmanuel Pellerin applaudit également. – Exclamations sur quelques bancs du groupe GDR – NUPES.
En 1961, Jean-Paul Sartre décrivait Frantz Fanon, militant et activiste pour l'indépendance du peuple algérien, comme la personne la plus séduisante et bouleversante qu'il eût jamais rencontrée. En 1962, Jean-Marie Le Pen déclarait, dans un entretien au journal Combat : « Nous avons torturé en Algérie parce qu'il fallait le faire. »
Depuis, les nostalgiques de l'Algérie française n'ont cessé de répandre leur vision de l'histoire, pourtant contestée par l'ensemble des historiens, chercheurs et sociologues. Gérard Longuet, ancien ministre de votre camp, madame Tabarot, faisait à la télévision, le 30 octobre 2012, un bras d'honneur à l'Algérie.
José Gonzalez, un peu plus à droite de vos bancs, inaugurait la législature en invoquant sa nostalgie de l'Algérie française.
M. José Gonzalez fait signe à l'oratrice.
Vous-même, madame Tabarot, nous avez gratifiés d'un refus de repentance mémorielle à propos des accords d'Évian, que vous trouvez « funestes ».
Je passerai bien évidemment sur vos amis, tel Jean-Pax Méfret, chantant joyeusement « nostalgérie », le 23 octobre 2022 au Cannet, ville que vous avez administrée pendant plus de vingt ans.
Cette résolution est la suite logique de cette idéologie rance, nostalgique du « temps béni des colonies », sur fond d'islamophobie et de racisme anti-Algériens.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RN et LR. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Fatiha Keloua Hachi applaudit également.
La France fut pendant cent trente-deux ans la puissance occupante du territoire algérien. Alors même que des Algériens, mais aussi des Français, sont les témoins toujours vivants des massacres perpétrés par l'armée française lors de la guerre d'indépendance,…
Parlez-nous des massacres du FLN – Front de libération nationale –, qui ressemblent beaucoup à ceux du Hamas aujourd'hui !
…vous nous expliquez que l'accord du 27 décembre 1968 est instrumentalisé comme une forme de dû en compensation des années de colonisation.
Avez-vous du respect, madame Tabarot, pour les étudiants algériens, qui ne peuvent disposer d'un titre de séjour pluriannuel, ni travailler sans autorisation préalable de la préfecture, contrairement à tous les autres étrangers étudiant sur notre sol ? Est-ce cela, selon vous, un régime favorable ?
Avez-vous du respect pour nos traités internationaux, qui tordent le cou à votre proposition de résolution ? À moins que vous ne soyez désormais de ceux qui appellent à la désobéissance, un peu à la manière les Soulèvements de la Terre !
Selon de nombreux juristes, dénoncer unilatéralement l'accord franco-algérien de 1968 nous ferait revenir aux accords d'Évian, qui prévoyaient une liberté de circulation totale entre l'Algérie et la France. Je ne suis pas certaine que votre ligne politique soit favorable à une ouverture plus large de notre pays, alors que vous préférez laisser les migrants en Méditerranée, que le patron de votre formation a déclaré qu'aucun port français ne devait accueillir des navires humanitaires et que vous demandez que des mineurs étrangers soient enfermés en centre de rétention administrative.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.
Votre proposition de résolution n'est qu'un affichage politicien. Vous voulez faire plaisir à la frange la plus extrême de votre électorat, celle-là même que vous cherchez le plus possible à retenir afin que ses voix ne partent pas au Rassemblement national.
Vous versez dans des clichés tous plus honteux les uns que les autres, et tant pis pour l'histoire et la vérité !
Tant pis pour cet accord, qui a été conclu dans un contexte de sortie de colonisation !
Tant pis pour ces Français d'origine algérienne, qui sont aujourd'hui médecins, ingénieurs, élus siégeant sur ces bancs, maires, sénateurs, ministres !
Vous préférez toujours pointer du doigt quelques cas isolés pour en faire des généralités outrancières et ainsi agiter le chiffon rouge entre deux peuples qui, pourtant, ont beaucoup plus à s'offrir qu'à s'arracher.
Au fond, cette proposition de résolution est dans la droite ligne des errements de politique étrangère de notre pays. Nous sacrifions l'intérêt de la France pour des considérations de bas populisme.
La vérité serait de dire que des siècles d'histoire nous unissent et que, dans la vraie vie, et non sur X, une profonde amitié lie les peuples algérien et français. Ce texte ne fera qu'affaiblir la position de la France en Afrique et au Maghreb.
Ayons donc le courage de dire qu'il constitue une erreur et qu'il tourne même le dos aux engagements pris par le Président de la République lors de sa visite en Algérie.
Les membres du groupe Écologiste ne voteront donc pas cette proposition de résolution, qui tord non seulement le cou à des siècles d'histoire, à des milliers d'historiens, de scientifiques et de spécialistes, mais aussi et surtout à l'humanité.
Nous ne la voterons pas, car nous devons continuer le travail de mémoire sur cette page sombre de notre histoire et non la rayer, voire, pire, la glorifier.
Vous l'aurez compris, nous ne sommes pas de ceux qui construisent des murs, mais de ceux qui bâtissent des ponts.
M. Laurent Jacobelli rit.
Nous ne sommes pas de ceux qui sombrent devant les pires sirènes démagogiques, obsédés par l'Algérie et les Arabes.
Nous ne voterons pas cette proposition de résolution, parce que ce serait une manière de tourner le dos à la Méditerranée et à notre histoire. J'espère que chacun saura que sa voix compte.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES.
À la lecture de cette proposition de résolution, nous comprenons vite qu'elle ne donnera pas lieu à des débats constructifs sur les liens unissant notre pays à l'Algérie. En effet, le fond de ce texte se limite à un objectif étriqué et rabougri : « Arrêter l'immigration de masse […]. » C'est à cela que vous résumez les relations étroites et complexes qui lient le peuple français au peuple algérien.
Nous aurions pu parler des partenariats culturels, des échanges universitaires et scientifiques ou de la nécessité de conduire un travail mémoriel commun sur l'histoire de nos deux pays, qui ne se résume pas aux flux migratoires auxquels vous voulez les réduire. Dans le climat médiatique nauséabond que nous connaissons, où les discours idéologiques d'extrême droite sont tenus librement, les membres du groupe Les Républicains font ainsi le choix malheureux d'en reprendre les thèmes et les termes.
La France et l'Algérie ont une histoire commune longue de plus d'un siècle. Pendant cent trente ans, Algériens et Français ont partagé une même nationalité.
Cette histoire a été profondément marquée par la violence de la colonisation, laquelle s'est matérialisée par des expropriations, des privations de liberté et une négation profonde de la dignité humaine, par une domination politique, économique et culturelle qui a profondément blessé et humilié et qui a fait de nombreuses victimes. Cette histoire, nous devons l'assumer, en reconnaissant les faits et en ayant les mots pour la qualifier. Oui, la colonisation est un crime contre l'humanité, et la décolonisation de l'Algérie qui s'ensuivit ne fut pas moins terrible.
Eu égard à ces années de colonisation au cours desquelles les Français d'Algérie circulaient librement sur l'ensemble du territoire français parce que les besoins en main-d'œuvre d'une économie en pleine expansion étaient importants, il n'est pas surprenant que les ressortissants algériens représentent aujourd'hui la première communauté étrangère dans notre pays.
Cela fait maintenant soixante ans que la guerre a pris fin et que l'Algérie a obtenu son indépendance.
« Oui ! » sur quelques bancs du groupe RN.
Cependant, les blessures ne cicatriseront pas sans un véritable travail mémoriel. L'ouverture des archives constitue à cet égard un combat utile et nécessaire, aussi bien pour comprendre notre histoire que pour œuvrer en faveur de l'avenir de nos deux pays.
Je déplore donc que cette proposition de résolution ne participe pas à la restauration de relations diplomatiques sereines et respectueuses entre l'Algérie et la France.
Ce texte s'inscrit en outre dans le contexte de l'examen du projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration – l'immigration étant devenue la seule boussole d'une droite en perte de repères.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.
L'accord franco-algérien de 1968 établit des conditions dérogatoires au droit commun s'agissant de la circulation, de l'emploi et du séjour en France des ressortissants algériens. Cet accord n'est pas injustifié : il a une raison d'être historique. Il ne prévoit donc pas de privilèges, et il constitue encore moins une anomalie : il est la conséquence d'une histoire commune qui demeure.
Je m'étonne d'ailleurs de la sélection des conditions dérogatoires que vous qualifiez d'avantageuses, car outre les exemples que vous citez, les ressortissants algériens n'ont pas accès à certains titres, tels que les passeports talent, les cartes de séjour pluriannuelles, ou encore les titres de séjour pour motif humanitaire auxquels ont normalement droit les victimes de la traite d'êtres humains ou de violences conjugales.
Et ne parlons pas des difficultés administratives auxquelles sont confrontés les étudiants algériens qui souhaitent venir étudier en France !
Notons d'ailleurs que le nombre de visas délivrés par la France aux ressortissants algériens a drastiquement baissé, passant de 412 000 en 2017 à seulement 131 000 en 2022.
N'oublions pas, enfin, les difficultés qu'éprouvent de nombreux Algériens nés Français sur le territoire algérien ou en France hexagonale, mais qui ont perdu leur première nationalité après l'indépendance de l'Algérie. Pour ces femmes et ces hommes, obtenir la réintégration dans leur nationalité d'origine relève du parcours du combattant, ce qui constitue une véritable injustice.
Ainsi, face à votre vision réductrice des relations entre nos deux pays, nous souhaitons plutôt rebâtir un partenariat resserré, équilibré et empreint de respect, lequel reposerait sur ce qui rassemble nos deux peuples, qui ont tant en commun. Vous l'avez certainement deviné, le groupe GDR ne votera pas ce texte.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Rappel au règlement
Il se fonde sur l'article 70, madame la présidente.
Au cours de l'intervention de ma camarade, la députée Soumya Bourouaha, nous avons entendu quelqu'un lui demander au nom de qui elle parlait. Je tiens à rappeler que quand une députée GDR parle à l'Assemblée nationale, comme l'ensemble des députés, elle le fait au nom du peuple français, et seulement au nom du peuple français.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, Dem, SOC et Écolo – NUPES, ainsi que sur quelques bancs du groupe RE.
Je souhaitais que cela soit bien noté, car j'estime que ce type d'interprétation n'a pas sa place ici.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Discussion générale
Les auteurs de cette proposition de résolution estiment que l'accord franco-algérien de 1968 est désuet, problématique et injuste. Les réticences de l'Algérie au sujet des obligations de quitter le territoire français (OQTF), ainsi que ses nombreux refus de titres de séjour de longue durée posent en effet la question de la réciprocité entre nos pays. La refonte de nos relations ne saurait être basée sur l'asymétrie et l'inégalité. Et nous devons d'autant plus faire preuve de vigilance que cet accord a des incidences sur l'espace Schengen.
Cela étant dit, le rapport de la Fondapol que vous citez dans l'exposé des motifs du texte précise qu'en matière d'OQTF, « les performances de l'Algérie […] sont meilleures que celles des autres pays du Maghreb ». Nous ne partageons donc pas votre volonté de faire de cet accord un totem de la politique de l'immigration, ni un sujet incontournable de la diplomatie française au Maghreb.
Notons d'abord que la présence des ressortissants algériens sur notre sol est à relativiser. Selon l'Insee, elle est restée quasiment stable au cours des cinq dernières années, oscillant entre 600 000 et 610 000 détenteurs d'un titre de séjour. Par ailleurs, indique également l'Insee, « en 2021, le pays dont les ressortissants [ont été] les plus nombreux à acquérir la nationalité française est le Maroc », avec 16 % du total, devançant ainsi l'Algérie.
Au-delà du nombre de titres de séjour, il faut également tenir compte des liens de causalité historiques. Pour ce faire, il suffit de regarder la situation de nos voisins européens.
En Belgique, l'immigration en provenance de la République démocratique du Congo est croissante. Surtout, elle s'inscrit, depuis les années 1990, dans une logique d'installation sur le territoire à la suite des études.
De la même manière, le Portugal a signé en 2022 un accord avec les États membres de la Communauté des pays de langue portugaise, accord qui permet la délivrance de visas temporaires et de visas de résidence permanente sans l'avis du service des étrangers et des frontières portugais. Cet accord concerne six pays, dont le Brésil et la Guinée-Bissau.
Vous voyez donc que s'il est original, l'accord franco-algérien de 1968 n'est pas une exception.
Ensuite, la dénonciation de cet accord n'apparaît pas comme une solution pertinente. En effet, si le séjour des Algériens en France relève de règles dérogatoires au droit commun, celles-ci laissent néanmoins de véritables marges de manœuvre aux autorités françaises – marges d'ailleurs plus importantes que celles dont nous disposons en matière diplomatique. Le contrôle de la délivrance des visas est en effet largement administratif. D'ailleurs, selon le rapport précité de Fondapol, « il y a […] eu entre 2017 et 2020 une politique très stricte d'examen » de ces demandes, laquelle a permis de réduire le nombre d'entrées. Au total, 183 000 visas ont été délivrés en 2019, contre 411 000 en 2017. La France ne subit donc pas les dispositions de l'accord de 1968.
Nous pourrions d'ailleurs nous demander pourquoi ni Jacques Chirac ni Nicolas Sarkozy, qui connaissaient pourtant bien la question, n'ont décidé de mettre fin à cet accord.
Permettez-moi de rappeler que son article 1er dispose que « le contingent de travailleurs algériens entrant en France […] sera fixé de nouveau d'un commun accord » passé celui prévu pour les trois premières années, ce qui signifie qu'un dialogue particulier sur la question des quotas doit avoir lieu.
Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires regrette les conséquences diplomatiques de votre volonté de dénoncer l'accord.
Tout d'abord, l'Algérie est un acteur clé de la région. Du point de vue sécuritaire, le pays a un rôle à jouer, étant donné sa situation entre la Libye, le Mali, le Niger et la Mauritanie. Sur le plan économique, il est un producteur d'énergies courtisé en tant que tel par nos partenaires européens souhaitant garantir du gaz et du pétrole à bas prix à leurs concitoyens dans le contexte de la guerre en Ukraine.
Ensuite, il n'est pas anodin que l'accord de 1968 ait été signé par les ministres des affaires étrangères de l'époque, en l'occurrence Abdelaziz Bouteflika pour ce qui concerne l'Algérie, qui fut ensuite président de son pays pendant vingt ans.
Dernier point, vous proposez un électrochoc diplomatique au moment où le Président de la République tente de réchauffer les relations franco-algériennes.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.
Le rapport de Benjamin Stora et la commission mixte d'historiens sur la colonisation tentent de relancer le nécessaire travail de mémoire autour de la décolonisation de l'Algérie, sujet qui empoisonne nos relations depuis soixante ans : ne mettons pas en péril ce processus.
Une troisième voie consisterait à rénover cet accord, afin d'assurer plus d'équité dans nos relations bilatérales avec l'Algérie. Malheureusement, vous préférez une position radicale qui consiste à rompre au moment où le dialogue pourrait reprendre. Et quand vous aurez mis fin à ce qui demeure une coopération historique, peut-être critiquerez-vous l'Algérie qui se jettera totalement dans les bras de la Chine et de la Russie.
N'oublions pas l'important apport des Algériens à la France au fil de l'histoire, qu'il s'agisse des harkis, de sportifs, comme le boxeur Marcel Cerdan, ou d'auteurs, comme Albertine Sarrazin, entre autres illustres ou anonymes. Pour toutes ces raisons, le groupe LIOT ne votera pas cette proposition de résolution.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, Dem, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Nous sommes ici pour parler de l'accord franco-algérien signé le 27 décembre 1968 et relatif aux conditions d'entrée et de séjour des Algériens en France métropolitaine. Pour situer le débat, rappelons un seul chiffre : 12,5 % des immigrés sur notre territoire sont Algériens.
Dès les premiers mots de la proposition de résolution, les auteurs affichent un objectif simpliste : « Arrêter l'immigration de masse […]. » Hurler avec les loups pour quelques miettes de voix ne fait pas, mes chers collègues Les Républicains, honneur à la grandeur de notre nation.
Nous avons signé des accords avec l'Algérie, et pas seulement celui de 1968 qui a d'ailleurs été renégocié à plusieurs reprises. Une commission bilatérale avait été créée à cette fin lors de la signature.
Que cet accord soit revu en concertation avec l'Algérie pour mieux prendre en compte le goût du jour et les évolutions historiques ne pose aucun problème. Ce serait conforme à l'esprit de responsabilité des pères de la République, qui surent mettre fin à une guerre effroyable, dont des familles sur les deux continents portent encore les stigmates.
De grâce, prenez garde à ne pas nous faire revivre un triste moment de l'histoire de notre pays, celui des ratonnades !
Certains, embusqués légèrement à votre droite, n'attendent que cela. Ne leur servez donc pas la soupe ! Soyez plutôt les dignes héritiers de Jacques Chirac, de Philippe Séguin et de bien d'autres représentants de votre famille politique – si vous en avez souvenance !
Ils n'ont jamais transigé sur les limites de l'arc républicain et ont su tenir les rênes de la France sans aucune compromission avec l'extrême droite. Vous croyez à présent pouvoir la doubler pour récupérer quelques voix qui vous confondraient.
Dénoncer cet accord unilatéralement plutôt que de le renégocier en réunissant la commission de suivi, comme le permettent les textes, ne pourrait s'interpréter que comme une agression à l'encontre d'un pays voisin et ami, auquel nous sommes unis par des liens historiques, profonds et intimes, malgré tout.
Que deviendrait la crédibilité de nos engagements et de la signature de la France, si nous agissions de la sorte ?
Je connais les intentions secrètes de ceux que vous suivez ou tâchez de doubler :…
…ils souhaitent tester la résistance de la représentation nationale sur le thème de la renégociation des accords internationaux. Après Alger, ils voudront aller plus loin, jusqu'à leur objectif caché, le Frexit ! Le voulez-vous vraiment ?
Pour conclure, le groupe Renaissance vous rejoint sur un point : les dispositions de cet accord ne correspondent plus à la situation actuelle.
Nous encourageons donc vivement le Gouvernement à renégocier cet accord, conformément aux engagements pris par le Président de la République.
Nous sommes intimement convaincus que la nécessaire révision de cet accord doit être entreprise par les gouvernements français et algérien dans le cadre d'une relation de confiance, qui est en voie de construction.
Notre Première ministre et certains ministres se sont rendus en Algérie pour la raviver.
Nous considérons que le vote de cette proposition de résolution ne ferait que repousser la révision. Or le groupe Renaissance privilégie l'action et les résultats aux postures et aux déclarations d'intention.
C'est pourquoi nous voterons contre cette proposition de résolution. Il faut en effet permettre au Gouvernement français d'engager les négociations de révision avec le gouvernement algérien, et cela en confiance.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Mme Karen Erodi applaudit également.
En 1968, l'accord franco-algérien qui occupe nos débats ce matin avait pour but de favoriser l'immigration algérienne en France.
C'était une réponse au développement rapide de notre économie pendant les Trente Glorieuses : il fallait encourager la venue d'une main-d'œuvre étrangère.
La France comptait alors moins de 300 000 chômeurs.
Cinquante-cinq ans plus tard, elle en compte plus de 5 millions, et 40 % des ressortissants algériens vivant en France sont chômeurs ou inactifs ;…
…c'est trois fois plus que les Français.
Cet accord – traité international dont la valeur juridique est supérieure à nos lois – régit de manière dérogatoire la circulation, le séjour et le travail des Algériens en France et prévoit des conditions d'entrée beaucoup plus favorables que pour les ressortissants des autres pays.
Ainsi, les Algériens peuvent accéder plus rapidement à la délivrance d'un titre de séjour valable dix ans. Le regroupement familial est quasiment automatique, sans que les conditions d'intégration soient préalablement vérifiées. Il n'existe aucune possibilité de leur retirer leur titre de séjour, même en cas de trouble à l'ordre public. Ils bénéficient d'une liberté totale d'établissement pour exercer une activité commerciale ou indépendante. Enfin, ils ne paient pas leur titre de séjour, dont le coût est donc à la charge du contribuable français.
Tout cela fait des ressortissants algériens la première nationalité immigrée dans notre pays : d'après l'Insee, plus de 900 000 Algériens vivent en France.
Malgré ces facilités, les Algériens fournissent quand même un contingent majeur de l'immigration illégale en France : en 2018, dans les hôpitaux publics de Marseille, ils représentaient ainsi 43 % des bénéficiaires de l'aide médicale de l'État (AME), réservée aux clandestins.
Le temps est venu de mettre fin à cette brèche dans notre ordre juridique,…
…à cause de laquelle les Algériens ne sont pas soumis à nos lois sur l'immigration.
Parce que le RN est pour l'égalité – l'égalité entre tous les étrangers –, le temps est venu de mettre fin à cet accord qui participe à l'immigration de masse, carburant de l'insécurité, dont les Français ne veulent plus.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe LR. – M. Meyer Habib applaudit également.
La semaine prochaine, nous examinerons le nouveau projet de loi sur l'immigration. Le ministre Darmanin doit reconnaître qu'une large partie de la population issue de l'immigration ne sera pas concernée par les dispositions de ce texte, ce qui le rendra encore moins efficace.
Dans ces circonstances, quel intérêt avons-nous à prolonger un tel régime, au profit d'un État qui manie l'immigration comme une arme de chantage contre la France – un État volontairement défaillant dans la délivrance des laissez-passer consulaires nécessaires à l'expulsion des Algériens sous obligation de quitter le territoire français, les fameuses OQTF ? Le président Macron et le ministre Darmanin nous ont maintes fois promis qu'elles seraient exécutées à 100 %, mais la France affiche toujours un piteux taux d'exécution de 12 % – ce qui met parfois en péril la vie de Français innocents.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Quel intérêt avons-nous à conserver cet accord alors qu'il n'est pas réciproque et que les Français ne disposent d'aucunes facilités pour se rendre en Algérie ? Nos journalistes, religieux, hommes d'affaires et enseignants rencontrent même les plus grandes difficultés à obtenir des visas de long séjour.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Nous l'affirmons : le temps est venu de dénoncer cet accord.
Le Gouvernement affirme le contraire.
Son premier argument est politique : une dénonciation de l'accord briserait la dynamique des relations entre nos pays alors que le président Tebboune pourrait accepter une visite officielle à Paris au printemps prochain.
Mais soyons honnêtes : la seule dynamique observée dans nos relations est celle du nombre de visas octroyés par la France. Rien que pour l'année 2023, il atteindra 300 000.
Si le président Tebboune se rend à Paris, il le fera pour négocier des avantages supplémentaires, mais aussi pour gagner en légitimité politique en Algérie.
Le Gouvernement s'oppose aussi à la dénonciation pour une raison juridique.
Cependant, comme le prévoit la Convention de Vienne, la France pourrait dénoncer unilatéralement le traité en estimant qu'il est obsolète. Les meilleurs juristes, y compris au sein de Gouvernement, considèrent que la dénonciation de l'accord aurait pour simple conséquence de soumettre les ressortissants algériens au droit commun, comme tous les autres ressortissants étrangers qui vivent dans notre pays.
Plutôt qu'une dénonciation, vous prônez donc une renégociation.
Mais l'accord a déjà été renégocié à plusieurs reprises, en maintenant toujours les avantages particuliers dont jouissent les Algériens. Cette voie est donc illusoire !
Beaucoup d'entre vous en sont conscients, puisqu'on a pu lire dans la presse que le sujet faisait débat au sein même de la majorité, que ce soit entre groupes ou entre députés. Même votre ancien Premier ministre, Édouard Philippe, le dit : « Le maintien de cet accord n'est plus justifié. »
Chers collègues, votons cette proposition de résolution. Elle permettra de remettre à plat nos relations avec Alger et d'instaurer un équilibre, sans chantage.
Dans tous les cas, en 2027, Marine Le Pen
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Applaudissements sur les bancs du groupe RN
fera ce que vous n'avez jamais eu le courage de faire en matière d'immigration, notamment s'agissant de cet accord qu'elle dénoncera.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Je vous informe, mes chers collègues que, sur la proposition de résolution, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Bastien Lachaud.
Un tissu de mensonges, de fantasmes et de lubies : voilà le texte que vous soumettez à notre assemblée aujourd'hui.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous vous en prenez à l'accord franco-algérien de 1968, que vous accusez de créer un « droit automatique à l'immigration ».
On croirait lire un tract d'extrême droite sur le prétendu grand remplacement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Anna Pic applaudit également.
Dès la première phrase, vous brandissez le spectre d'une « immigration de masse ». Mensonge ! Rappelons les faits : avec 12 % de sa population née à l'étranger, notre pays se situe tout à fait dans la moyenne des pays de l'Union européenne.
Vous pointez aussi la « trop grande place prise par l'immigration familiale ». Mensonge ! Les faits, encore : le nombre de titres de séjour liés à l'immigration familiale est en baisse de 4 % sur les vingt dernières années. Nous sommes très loin de la submersion !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Anna Pic applaudit également.
Vous décrivez l'accord franco-algérien comme « extrêmement favorable ». Mensonge encore – et même contresens historique. L'accord de 1968 a précisément été signé pour encadrer l'immigration algérienne. Il s'agissait alors d'une volonté partagée par les gouvernements du général de Gaulle et du président Boumédiène.
Par certains aspects, cet accord est bien favorable : l'histoire commune de nos deux pays, douloureuse, le justifie. Par d'autres, il l'est beaucoup moins : il est par exemple défavorable aux étudiants, et n'exonère nullement les ressortissants des règles d'accès au marché du travail et des règles d'éloignement.
Surtout, un fossé sépare les dispositions théoriques et la réalité vécue par des dizaines de milliers de gens dans les consulats et les préfectures : dossiers impossibles à déposer en ligne, rendez-vous impossibles à obtenir, blocages administratifs sans fin.
Lors de mes permanences parlementaires, je reçois semaine après semaine des familles franco-algériennes déchirées. Elles ne parviennent même pas à obtenir un visa de court séjour pour un grand-parent qui veut voir ses petits-enfants pendant les vacances.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Voilà la réalité ! Vous parlez d'un « droit automatique à l'immigration » : c'est un délire, pur et simple !
Au fond, vous savez sans doute tout cela, comme vous savez sans doute que votre texte est aussi inconséquent qu'incantatoire.
Il est inconséquent, car, selon le Conseil d'État, dénoncer l'accord franco-algérien de 1968 pourrait conduire au rétablissement du régime antérieur, instauré par les accords d'Évian de 1962 : la libre circulation totale entre l'Algérie et la France – soit l'effet inverse de celui que vous prétendez rechercher.
Votre texte est également incantatoire car, même si notre assemblée venait à le voter, il ne pourrait constituer une injonction à l'égard de l'exécutif. Seul le Président de la République a le pouvoir de dénoncer cet accord bilatéral.
S'il le dénonçait unilatéralement, comme vous le souhaitez, il violerait le droit international et discréditerait la parole de la France.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Désirez-vous cela ? Ce serait insensé – vous le savez aussi bien que nous.
Dans ces conditions, pourquoi vous obstiner ? Nous ne le savons que trop bien : habités par une obsession morbide,…
…vous rejouez à l'infini la guerre d'Algérie. Vous flattez le vent mauvais de la xénophobie et du racisme,
Protestations sur les bancs des groupes RN et LR. – Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Sabrina Sebaihi applaudit également
en espérant en tirer on ne sait quel bénéfice électoral inavouable. Vous tournez le dos à l'histoire et à l'honneur de votre famille politique, celle du gaullisme, pour courir après le Rassemblement national. Quel cynisme ! Quelle démagogie !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES.
Vous n'êtes pas les seuls dans cette assemblée à faire ce calcul sordide. D'autres, sur les bancs de la majorité présidentielle,
« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe RN
vous disputent la palme et voteront peut-être aujourd'hui avec vous.
Honte à vous ! Les conséquences de vos paroles sont graves !
Elles alimentent le climat anxiogène, le racisme et l'islamophobie qui étouffent notre pays. Elles font le jeu de l'extrême droite en accréditant ses thèses.
Qui en paie le prix ? Les étrangers, les binationaux, et, plus largement, nos concitoyens issus de l'immigration.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Ce sont ceux qui subissent la violence d'une administration qui restreint et piétine leurs droits, celle d'une stigmatisation permanente et d'une discrimination systémique…
…et, désormais, celle de groupuscules racistes qui se livrent à des expéditions punitives que vous ne parvenez même plus à condamner, si ce n'est du bout des lèvres.
« C'est l'État qui se pense lui-même en pensant l'immigration » écrivait le grand sociologue franco-algérien Abdelmalek Sayad.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Deux façons de penser la France et l'immigration s'offrent à nous. Une France républicaine, fidèle à ses principes universalistes, qui sait regarder son passé en face et s'ouvrir à l'avenir : c'est la nôtre ;
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Anna Pic applaudit également
ou une France rabougrie, hantée par de vieilles rancœurs et effrayée par des lubies racistes : c'est celle que vous défendez avec ce texte et que nous rejetons ! C'est pourquoi nous voterons contre cette proposition de résolution.
Les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent. – Les députés des groupes SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES applaudissent également.
Madame la présidente, nous n'allons pas nous faire traiter de racistes toute la journée !
La semaine prochaine nous examinerons le projet de loi sur l'immigration. Dépecé en commission par la majorité et par la NUPES – toujours prompte à rechercher l'électorat qui lui manque –, ce texte ne concernera pas l'immigration des Algériens. Pourquoi ? Parce que l'accord franco-algérien signé le 27 décembre 1968 relève du droit international et bénéficie, à ce titre, d'une autorité supérieure à la loi française. En d'autres termes, le droit au séjour des ressortissants algériens est entièrement régi par cet accord.
C'est fort dommage d'autant que l'on sait que l'immigration algérienne représente, depuis près de soixante ans, la principale communauté immigrée en France. Malgré les polémiques récurrentes, les chiffres sont éloquents : selon l'Insee, en 2021, 887 100 ressortissants algériens vivaient sur notre sol, soit 12,7 % des immigrés.
Il n'est qu'à écouter la bravade du président Tebboune, qui déclarait en 2020 – avec une pointe de mépris et de défi – que « près de 6 millions d'Algériens » vivaient en France ! Bien qu'exagérée, cette estimation n'en révèle pas moins combien les autorités algériennes comptent sur la masse de la diaspora algérienne – les personnes nées en France d'au moins un parent immigré – pour peser dans leurs relations avec Paris.
Cette diaspora, estimée à 563 000 personnes en 2011, a été réévaluée en 2019 à 2,6 millions de personnes, au moins. Au-delà de ces chiffres saisissants, cet accord franco-algérien est fondé sur des dérogations au droit commun fixé par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et ce, malgré ses révisions intervenues en 1985, 1994 et 2001.
Inutile d'égrener la trop longue liste de ces dérogations. Il suffit de rappeler qu'il n'existe à l'inverse aucun texte concernant l'entrée des Français sur le territoire algérien. Il suffit de rappeler, par exemple, que le coût administratif de l'émission des certificats de résidence reste intégralement à la charge des contribuables français, alors que les étrangers issus d'autres pays non européens doivent s'acquitter d'une somme de 225 euros.
La question de la suppression de cet accord et de ces droits exorbitants se pose aujourd'hui avec une particulière acuité. Non seulement le contexte n'est plus le même qu'en 1968, non seulement le gouvernement algérien ne respecte toujours pas ses propres obligations en matière de laissez-passer consulaires, mais il est de plus en plus insupportable de voir que les visas accordés par la France sont devenus un droit, « le prix à payer par la France pour la colonisation de l'Algérie cent trente-deux années durant », comme le déclarait le président Bouteflika en mai 2012. Tout se passe, au fond, comme si la guerre d'Algérie n'avait jamais pris fin.
Non, la France ne doit plus rien aux Algériens, a fortiori lorsque leurs gouvernements successifs ne cessent d'humilier et d'insulter la France et les Français.
Applaudissements sur les bancs des groupes RN et LR.
Dernière nouvelle en date, le gouvernement algérien demande l'interdiction de l'enseignement du français dans les écoles privées algériennes et de l'organisation de sessions du baccalauréat français à Alger. Que dire du rétablissement, en juin dernier, d'un vieux couplet anti-France dans l'hymne national algérien – « France, tu devras rendre compte » –, ce dont se félicitait l'ancien secrétaire général de l'Organisation nationale des moudjahidins ?
Non, la France n'a plus à être la soupape, le réceptacle, le régulateur ou l'exutoire des problèmes internes qui gangrènent une Algérie qui ne sait plus quoi faire de sa jeunesse au chômage, et qui nous envoie chaque année toujours plus d'étudiants qui ne repartiront jamais.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Non, la France n'a plus vocation à accueillir toujours plus d'immigrés algériens, qui viennent trop souvent pour bénéficier de la générosité de notre système de santé et d'une AME dévoyée. Non, la France n'a plus vocation à accueillir toujours plus de ressortissants algériens, dont 41 % ont plus de 15 ans et sont inactifs ou chômeurs.
Non, la France n'a plus vocation à accueillir une délinquance algérienne, qui représentait en 2021 20 % des étrangers écroués.
Applaudissements sur les bancs des groupes RN et LR.
Il y a plus grave que ces chiffres. Comment comprendre que seuls 12 % des enfants d'immigrés algériens étaient diplômés de l'enseignement supérieur,…
…et que 24 % d'entre eux n'étaient pas diplômés au-delà du brevet, d'après les derniers éléments en notre possession, datant de 2008 ?
Comment comprendre que de trop nombreux jeunes Français d'origine algérienne ne se sentent pas français ?
Exclamations sur les bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES.
Ces données parlent malheureusement d'elles-mêmes : il ne faut pas simplement dénoncer cet accord, il nous faut revoir toute notre politique d'assimilation et d'intégration !
Applaudissements sur les bancs des groupes RN et LR. – M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit également.
La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger.
Depuis de nombreuses années, pour ne pas dire des décennies, l'immigration cristallise les tensions dans notre pays et dans notre société tout entière. Les débats qui se tiennent régulièrement dans cette assemblée, jusqu'à celui qui nous réunit aujourd'hui, en sont l'une des expressions. Depuis 2017 et sous l'impulsion du Président de la République, les gouvernements successifs ont fait en sorte de prendre en la matière des positions équilibrées. Le projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, actuellement soumis à votre examen, en est un parfait exemple. Il vise à permettre de mieux expulser les individus qui n'ont pas vocation à rester sur notre territoire et de mieux intégrer ceux qui ont vocation à y rester. Le ministre de l'intérieur l'a résumé ainsi : simplification, intégration, fermeté.
Un autre sujet attise les passions : la relation forte – fruit de notre histoire – que nous entretenons avec l'Algérie.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
La remise en question, dans l'hémicycle, de l'accord de 1968, en témoigne ; celui-ci est montré du doigt par certains comme étant la source de tous les maux liés à l'immigration en France.
Mesdames et messieurs les députés, vous qui appelez à dénoncer cet accord, vous prétendez qu'il s'agirait là d'un moyen de mettre fin à un « droit automatique à l'immigration » et à une « immigration de masse ».
On ne peut décemment affirmer que dénoncer l'accord de 1968 reviendrait à mettre un terme à l'immigration.
Mmes Laure Lavalette et Caroline Parmentier s'exclament.
L'équation ne saurait être aussi simple.
Vous n'entendez rien parce que vous n'arrêtez pas de parler ! Seul M. le ministre délégué a la parole.
Ceux qui présentent cette équation comme telle, à des fins idéologiques, politiques et électoralistes, cherchent à leurrer notre société. Dans cette équation, non seulement de nombreux facteurs doivent être pris en considération, mais les faits et les chiffres doivent être maniés avec prudence. Cet accord n'octroie pas un « droit automatique à l'immigration », pas plus qu'il n'est la porte ouverte à « une immigration de masse », comme vous l'écrivez. Il n'existe pas de droit automatique aux visas – ni de court, ni de long séjour – pour les Algériens !
Dénoncer cet accord ne réglerait en aucun cas la question de l'immigration illégale à laquelle une grande partie des pays européens font face et que nous combattons.
Le Gouvernement s'oppose à la dénonciation de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et défend au contraire la nécessité de l'ajuster à la réalité de notre relation avec l'Algérie et à nos objectifs en matière d'immigration. Dénoncer cet accord ne réduirait pas l'immigration légale en provenance d'Algérie.
M. Thibault Bazin s'exclame.
Souffrez que nous vous répondions ! Nous vous avons écoutés !
Dans l'hypothèse de cette dénonciation, les Algériens seraient simplement soumis aux dispositions du droit commun des étrangers. Si dans certains cas, celui-ci est plus restrictif que l'accord de 1968, il peut être plus libéral dans d'autres cas.
Admettons que l'accord soit dénoncé : les demandes de visas déposées seraient tout simplement examinées selon de nouveaux critères. Aucun argument sérieux ne permet d'affirmer que le volume des titres de séjour diminuerait automatiquement. Il est illusoire de penser que l'existence de cet accord pousse les migrants algériens à choisir d'émigrer en France. Sa dénonciation n'aurait aucune incidence sur les migrations irrégulières.
N'écartons aucun élément de l'équation : cette dénonciation nous exposerait à une réaction des autorités algériennes, qui aurait de sérieuses conséquences et pourrait conduire à geler notre dialogue migratoire.
Un tel gel mettrait fin à la délivrance des laissez-passer consulaires par les consulats algériens en France…
…et donc, à la possibilité pour la France de faire réadmettre les ressortissants algériens en séjour irrégulier. La fin des laissez-passer consulaires nous conduirait aussi à envisager une sortie en masse des ressortissants algériens se trouvant dans les centres de rétention administratifs. Ce serait fortement préjudiciable, en particulier pour les profils les plus signalés. Nous avons donc besoin de ce dialogue migratoire.
Notre coopération en la matière avec l'Algérie est en amélioration, notamment s'agissant de la délivrance des laissez-passer consulaires, même si nous pouvons et devons toujours faire mieux.
J'en viens à un autre élément déterminant de cette équation complexe, que vous nous proposez pourtant de résoudre si simplement.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Nos relations militaires et sécuritaires avec l'Algérie pourraient être affectées par la dénonciation de cet accord, avec des conséquences directes sur la sécurité de la France et des Français, notamment en matière de lutte contre le terrorisme, les réseaux criminels et l'immigration illégale. Aujourd'hui, ces coopérations fonctionnent bien.
En tant qu'élus, vous savez combien elles sont importantes pour la sécurité de nos compatriotes : elles nous permettent d'arrêter des personnes qui ont appartenu à des groupes terroristes et menacent directement notre sécurité.
Mes chers collègues, je le répète, seul M. le ministre délégué a la parole.
Je vais donc poursuivre, si ça ne vous dérange pas trop.
Ce n'est pas parce que vous n'êtes pas d'accord sur le fond que vous ne devez pas respecter le débat démocratique !
Privés de nos canaux d'échanges, nous détecterions moins bien et moins rapidement ces profils dangereux qui pourraient rejoindre la France.
Par ailleurs, en tant que ministre délégué chargé du commerce extérieur, permettez-moi de rappeler que l'Algérie est notre deuxième partenaire commercial en Afrique et que la France est le deuxième partenaire commercial de l'Algérie. Des entreprises et des emplois français seraient indirectement menacés par la dénonciation de cet accord ; celle-ci n'est donc pertinente ni du point de vue juridique ni du point de vue politique.
Vous proposez de mettre fin à « l'immigration de masse », à « un droit automatique à l'immigration »…
…qui, en réalité, n'existent pas. La dénonciation de cet accord serait contre-productive par rapport au résultat que vous souhaitez atteindre.
Ce que nous proposons,…
…en revanche, c'est de travailler avec les autorités algériennes en vue d'adapter l'accord de 1968, afin qu'il réponde à la réalité des circulations humaines entre la France et l'Algérie et à nos objectifs en matière d'immigration.
Cet accord offre un cadre utile aux mobilités et au séjour des ressortissants algériens en France. Il est un outil qui permet la création de nouveaux modèles de mobilité et une meilleure régulation des migrations avec l'Algérie. Nous souhaitons désormais tendre vers davantage de migrations professionnelles, économiques, étudiantes, qui dynamiseraient la relation bilatérale et bénéficieraient à la France. Cette adaptation est possible. L'accord n'est pas resté figé en 1968.
En bonne entente avec les autorités algériennes, nous avons négocié trois avenants à l'accord, en 1985, en 1994 et en 2001. Dans chaque avenant, nous avons d'ailleurs précisé, de concert, les dispositions de l'accord, dans un sens plus restrictif et exigeant. En 1985, nous avons renforcé les exigences en matière d'admission des ressortissants algériens sur le territoire français, en la soumettant, par exemple, à des conditions de ressources et en précisant les conditions de délivrance des certificats de résidence. En 1994, nous avons rendu obligatoire la présentation d'un passeport et d'un visa pour les Algériens souhaitant se rendre en France, et nous avons précisé les conditions de péremption des certificats de résidence. En 2001, nous avons explicité les conditions du regroupement familial, y compris les cas pour lesquels il pouvait être refusé.
L'accord de 1968, je le répète, n'est donc pas figé. Quel intérêt aurions-nous à le dénoncer alors que nous pouvons l'améliorer ? Quand il s'agit de réguler les relations migratoires, ne vaut-il pas mieux disposer d'un outil que nous pouvons faire évoluer plutôt que de n'en avoir aucun ?
Nous souhaitons faire de cet accord un instrument au service du rééquilibrage de l'immigration. Nous voulons ainsi promouvoir les nouvelles mobilités, économiques, professionnelles ou étudiantes.
Nous souhaitons également renforcer les exigences républicaines en matière d'intégration, notamment sur les plans linguistique et civique.
Plutôt que de dénoncer l'accord et d'aller ainsi droit vers une crise politique, diplomatique et migratoire, travaillons, au contraire, à l'amender. C'est la voie de la responsabilité,…
…c'est celle que nous vous engageons à suivre en rejetant la proposition de résolution.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – MM. Christophe Bex et François Piquemal applaudissent également.
Nous en venons aux explications de vote.
La parole est à M. Frédéric Petit.
Je souhaite vous remercier, chers collègues. Une fois n'est pas coutume, nous avons débattu d'un sujet relatif aux affaires étrangères. À quelques rares exceptions près, nos échanges ne relevaient pas du café du commerce.
Les Démocrates en sont persuadés : la politique extérieure de la France se décide dans cet hémicycle ,
M. Matthias Tavel applaudit
Je l'ai dit clairement : nous ne sommes pas partisans du maintien de cet accord.
« Ah ! » sur les bancs du groupe LR.
Pour être bref, je rappelle que la mémoire est un outil diplomatique.
Chers collègues du Front national, …
« Rassemblement national ! » sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES
du Rassemblement national, si de nombreux Algériens vivant en France sont en effet inactifs, c'est parce que ceux qui nous ont aidés, au cours des Trente Glorieuses, ont désormais droit d'être à la retraite.
Madame Ménard, les étudiants étrangers viennent en France dans le cadre de la politique décidée par la France en la matière. En effet, nous avons décidé d'accueillir 500 000 étudiants.
La diplomatie institutionnelle est bloquée. Ne l'envenimons pas. La diplomatie conduite auprès de la société civile algérienne est très riche. Je suis moi-même député d'une diaspora ; je sais ce que cela veut dire. Laissons travailler les tisserands des liens humains que sont nos diplomates, véritables chefs d'orchestre qui arrivent à jouer avec tous les instruments diplomatiques. Ne faisons pas preuve d'idéologie ni de brusquerie, soyons patients.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem.
Au chapitre intitulé avec justesse « La cible algérienne » de son ouvrage de référence, La France et ses étrangers : L'aventure d'une politique de l'immigration de 1938 à nos jours, le politologue et expert des migrations, Patrick Weil, note que « la communauté algérienne […] suscite, pour des raisons d'ordre historique et symbolique, les réactions les plus passionnelles de la part, notamment, des opposants à la présence étrangère en France ».
M. Arthur Delaporte applaudit.
Voilà ce qui se joue avec cette proposition de résolution.
Cet accord est indissociable de l'histoire de la colonisation française et de la guerre d'indépendance algérienne qui s'est achevée avec les accords d'Évian en 1962. En dénonçant cet accord, vous faites preuve de déni. Votre surmoi s'exprime à la fois contre la colonisation et contre la décolonisation.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Parce que nous sommes tous Français, je peux le dire : Fatiha Keloua Hachi, Jérôme Guedj, Michèle Tabarot ou n'importe quel autre député, quelle que soit la circonscription qui nous a élus, nous avons tous en nous une part d'Algérie.
Vous avez prétendu que le statut dérogatoire au droit commun, introduit par l'accord, était un facteur d'immigration incontrôlée et incontrôlable ; la démonstration vous a été faite que tel n'était pas le cas. Vous avez prétendu que l'accord était plus favorable aux Algériens ; la démonstration vous a été faite, s'agissant en particulier des étudiants, que tel n'était pas le cas non plus.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
De plus, dénoncer cet accord conduirait à rétablir la libre circulation des ressortissants algériens, comparable à celle qui existe entre le département du Var et celui des Alpes-Maritimes. Je ne crois pas que M. Ciotti cherche à atteindre cet objectif. À moins que la libre circulation dont il est ici question soit celle des idées entre l'extrême droite et la droite, traduite dans cette proposition de résolution.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
« Les Français ! » sur les bancs du groupe RN
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES
vous étiez bien contents de trouver les Algériens quand il s'agissait de reconstruire le pays ; vous étiez bien contents de trouver les Algériens quand il s'agissait de construire vos résidences secondaires et vos piscines.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES, et sur quelques bancs du groupe SOC.
Mais aujourd'hui, alors qu'ils sont intégrés, qu'ils ont les mêmes boulots que vous tous, les mêmes aspirations, qu'ils partagent le même idéal de société et les mêmes rêves, c'est non. Vous vous servez d'une niche parlementaire pour promouvoir la pire des politiques, celle qui pointe du doigt une nationalité spécifique, celle qui pointe du doigt les Algériens. Malheureusement, nous n'en sommes qu'au début. Le prochain texte qui sera examiné, qui agite des fantasmes désuets, est empreint de la pire démagogie.
Mêmes mouvements.
À chaque actualité, vous souhaitez légiférer.
Nous le disons : les Algériens et les Franco-Algériens seront toujours les bienvenus en France.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Nous continuerons le travail de réparation et de mémoire entrepris dans le cadre de la relation franco-algérienne.
Il est impensable de voter une proposition de résolution défendue par une descendante d'un des dirigeants de l'OAS – Organisation de l'armée secrète –…
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES, et sur quelques bancs du groupe SOC. – Exclamations sur les bancs des groupes RN et LR.
Un rappel : les membres de l'OAS, organisation d'extrême droite, ont défendu la présence française en Algérie et assassiné plus de 2 000 Français et Algériens. Ils ont même commis une tentative d'attentat contre de Gaulle. Il est d'ailleurs assez savoureux de voir le groupe LR la réhabiliter au sein de cet hémicycle.
Pour toutes ces raisons, le groupe Écolo – NUPES votera contre cette proposition de résolution.
Les députés des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs du groupe SOC, dont quelques membres se lèvent, et sur les bancs du groupe GDR – NUPES.
C'est ça le totalitarisme de l'extrême gauche ! Ils prônent la discrimination à géométrie variable !
Depuis le début de la matinée, nous débattons de cette proposition de résolution, qui est le premier texte inscrit à l'ordre du jour de votre niche ; cette question vous préoccupe donc au plus haut point.
Vous dénoncez l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; c'est irresponsable. Ne soyons pas dupes : l'examen de cette niche s'inscrit dans le contexte de l'examen du projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, qui est le seul texte dans votre viseur, car vous voulez encore et toujours casser de l'immigré.
MM. Inaki Echaniz et Benjamin Lucas applaudissent.
Pour vous, c'est clair, les immigrés sont responsables de tout : du chômage, de l'inflation, de l'échec scolaire – j'en passe.
Votre discours manque d'humanité ; vous ne faites pas preuve de responsabilité. J'ai plutôt envie de croire à des liens reconstruits, à des relations apaisées et constructives,…
…notamment grâce à la conclusion de partenariats. Il faut se donner le temps, je serai à vos côtés pour resserrer ces liens. Nous avons besoin d'une République solide, du lien entre ces deux pays qui ont un passé commun et tellement de choses à faire ensemble. Ne le perdons jamais de vue.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Encore une fois, nous avons entendu absolument n'importe quoi venant de la gauche, à laquelle se sont joints le groupe Renaissance et le Gouvernement
Non, la dénonciation de cet accord n'implique pas de revenir aux stipulations des accords d'Évian de 1962 et de réinstaurer une libre circulation totale entre la France et l'Algérie, c'est totalement faux.
Les meilleurs juristes le disent, y compris dans des notes adressées au Gouvernement :…
…l'accord de 1968 entraînait l'abrogation des accords d'Évian de 1962. Dès lors, c'est le droit français commun à tous les étrangers qui s'appliquerait.
« Eh oui ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RN.
J'ai également entendu plusieurs groupes se plaindre du fait que cet accord restreindrait certains droits s'appliquant aux Algériens. Alors, dénonçons-le et donnons aux Algériens les mêmes droits et les mêmes devoirs que tous les étrangers dans notre pays. Je le répète, en 2023, 200 000 visas ont été délivrés par la France aux Algériens ; en 2022, 600 000 titres de séjour ont été accordés à des ressortissants algériens,…
…et 40 % des Algériens de plus de 15 ans qui vivent en France sont au chômage ou inactifs.
Les ressortissants algériens représentent, à eux seuls, 20 % de tous les étrangers incarcérés dans notre pays. Ils sont ainsi plus nombreux que tous les ressortissants des pays de l'Union européenne réunis. Ajoutons à cela un gouvernement algérien qui ne coopère absolument pas en matière de lutte contre l'immigration clandestine, qui bloque les laissez-passer consulaires, qui intervient dans la politique intérieure de la France lors des émeutes du mois de juin 2023, et qui utilise l'arme migratoire à nos dépens, en faisant du chantage.
Pitié, ne mélangeons pas tout, comme vous avez tenté de le faire. Cet accord, qui est au-dessus de toutes nos lois relatives à l'immigration, ne concerne pas les Franco-Algériens ou les Français d'origine algérienne, mais les Algériens étrangers.
La semaine prochaine, nous examinerons une nouvelle loi relative à l'immigration qui ne concernera pas les Algériens. Soyons cohérents. Les Français veulent que nous nous attaquions à l'immigration massive, cet accord en est indéniablement un des ressorts. Alors, dénonçons-le.
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Je souhaite revenir sur ma première expérience dans l'hémicycle : le premier discours que j'y ai entendu était nostalgique de l'Algérie française et niait les crimes de l'OAS.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES et sur quelques bancs du groupe RE. – Mme Soumya Bourouaha applaudit également.
Plusieurs de mes collègues l'ont dit, on a tous en nous un morceau d'Algérie. J'ai grandi en partie là-bas. Je viens d'une famille de pieds-noirs d'Algérie, qui y est restée après l'indépendance. J'ai des souvenirs très forts là-bas.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Je me rappelle, en particulier, de la Coupe du monde de football de 1982, durant laquelle l'Algérie avait battu l'Allemagne. Tout Alger s'était ensuite levée et hurlait à chaque but de la France à Séville.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Je me rappelle, il y a quarante ans et quatre jours, avoir traversé Paris entre ma mère et ma sœur – j'avais alors 11 ans – derrière un vieux monsieur algérien qui tapait sur une casserole en chantant « Ce soir, couscous chez Mitterrand ! »
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
C'était une promesse – une promesse de liberté, d'égalité, de fraternité ! Aujourd'hui, avec des sous-entendus racistes insupportables, vous stigmatisez toute une population.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Je veux dire à mes compatriotes d'origine algérienne, qui nous écoutent à Amiens, où j'ai grandi, à Marseille, où j'ai vécu, à mes frères et sœurs d'Algérie qui sont encore là aujourd'hui, que ce texte n'est pas proposé en notre nom.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES. – Mme Elsa Faucillon applaudit également.
Il m'est insupportable que nous soyons encore en train de discuter de ce genre de choses.
Ma collègue Sebaihi l'a dit, nous allons malheureusement continuer à en parler. Je vous le dis : si ce texte est voté, ce ne sera pas en notre nom. Pour l'égalité, la fraternité et la liberté, nous voterons contre !
Les députés des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES se lèvent et applaudissent.
Sur la forme, je redirai pour commencer qu'il est important que le Parlement s'exprime sur les questions de politique étrangère. Je veux également, de nouveau, assurer de notre amitié la commission des affaires étrangères ainsi que son président. L'accord en discussion ne s'applique pas au million d'Algériens présents sur notre sol ni aux millions qui souhaiteraient le rejoindre.
Sur le fond, comme l'a excellemment souligné ma collègue Stéphanie Kochert, nous ne devons pas être prisonniers de la mémoire : la politique mémorielle ne doit pas être l'alpha et l'oméga de la politique.
Le groupe Horizons considère cet accord trop dérogatoire à tous les autres accords internationaux et à notre droit.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur plusieurs bancs du groupe LR.
J'ai été mise en cause de manière assez honteuse au cours de cette matinée.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et RN. – M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit également.
Je rappelle que l'article 70 de notre règlement interdit les mises en cause personnelles – auxquelles vous n'avez pas hésité à vous livrer –,…
…tout comme il interdit de m'interpeller comme vous l'avez fait et de m'injurier.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et RN.
Vous étiez les amis du FLN – Front de libération nationale – qui a aidé à tuer des Français en Algérie. Vous êtes aujourd'hui les amis du Hamas qui tue les Palestiniens et a été d'une barbarie incroyable envers les Israéliens.
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LR et RN. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Le général de Gaulle doit se retourner dans sa tombe. Ce qu'on vit est terrible !
Avant d'en venir au sujet qui nous occupe, je laisse les partis de gauche à leur délire concernant la colonisation, qui n'a absolument rien à voir avec le présent texte.
Vives protestations sur les bancs des groupes LR et RN.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Plusieurs députés du groupe LR interpellent Mme la présidente.
Il faut que vous calmiez la gauche de l'hémicycle !
Madame la présidente, j'espère que vous prévoirez une sanction contre M. Delogu, qui a beaucoup insisté aujourd'hui.
Exclamations et applaudissements sur les bancs des groupes LR et RN.
Je comprends que ce texte pose problème et gêne cette extrême gauche qui ne veut rien entendre et, surtout, refuse de travailler pour le bien de la France.
« Bravo ! » sur les bancs du groupe LR, dont quelques députés applaudissent.
Nous voulons quant à nous dénoncer l'accord de 1968 car il est lourd de conséquences. Le projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration ne concernera pas les Algériens, dont l'entrée et l'installation sur le territoire national seront toujours facilitées, tout comme le regroupement familial.
Vous avez beau minorer l'impact de cet accord, il est réel ; une simple révision ne saurait l'atténuer. Voilà pourquoi je renouvelle mon appel à tous ceux qui partagent nos convictions…
S'il vous plaît, seule Mme Tabarot a la parole ! Chacun a pu s'exprimer.
Arrêtez d'insulter les personnalités qui ont fait l'histoire de notre pays.
J'appelle enfin le Gouvernement à se souvenir que les trois précédentes révisions de cet accord n'ont permis aucune amélioration. Depuis 2017, vous tentez tout auprès du gouvernement algérien pour changer les choses : le Président de la République est même allé plusieurs fois en Algérie battre sa coulpe et la Première ministre s'y est rendue avec seize ministres, ce qui n'a pas empêché le président Tebboune de refuser de délivrer des laissez-passer consulaires !
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et RN.
Ouvrez les yeux et prenez les décisions qui s'imposent avant l'examen, la semaine prochaine, du texte consacré à l'immigration.
Les députés du groupe LR se lèvent et applaudissent. – Quelques députés des groupes RN et HOR applaudissent également.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 267
Nombre de suffrages exprimés 265
Majorité absolue 133
Pour l'adoption 114
Contre 151
La proposition de résolution n'est pas adoptée.
Les députés des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES se lèvent et applaudissent. – Quelques députés du groupe RE applaudissent également.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix heures trente-cinq, est reprise à dix heures quarante-cinq.
La parole est à M. Éric Ciotti, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Monsieur le ministre de l'intérieur et des outre-mer, monsieur le ministre de la justice, je vous remercie de votre présence,…
C'est la marque du respect que nous vous devons !
…laquelle souligne le caractère majeur, pour notre pays, de la proposition de loi constitutionnelle dont j'ai l'honneur d'être le rapporteur.
Nos concitoyens n'ont plus confiance en la politique, car ils ont, hélas, cessé de croire que la parole publique pouvait agir sur leur quotidien comme sur le destin de la nation. Trop d'années d'impuissance et d'immobilisme ont nourri cette crise de confiance. Or aucun sujet n'a été davantage le théâtre de cette impuissance que l'immigration.
Notre pays fait face à une immigration de masse incontrôlée, dont les flux ne cessent de s'accélérer.
Le stock de permis de séjour a augmenté de 1,2 million par rapport à 2012 – 1,2 million d'étrangers de plus en dix ans ! – pour s'établir à 3,7 millions. En dix ans, le nombre de premiers titres de séjour délivrés s'est envolé : lorsque le président Sarkozy a quitté l'Élysée, il y en avait deux fois moins qu'aujourd'hui. Les éloignements, en revanche, étaient deux fois plus nombreux. Dans le même temps, les demandes d'asile ont été multipliées par trois depuis 2012, leur nombre s'élevant à 168 699 en 2022.
Et il ne s'agit ici que d'immigration légale. Vous évoquez vous-même, monsieur le ministre de l'intérieur, le chiffre de 700 000 étrangers en situation irrégulière ; d'autres parlent de 1 million. En tout état de cause, cette situation a des conséquences très lourdes pour notre pays et nos concitoyens.
Tous ces chiffres témoignent d'une perte de contrôle qui préoccupe d'autant plus gravement nos compatriotes qu'ils savent que nous sommes à l'aube de grands mouvements migratoires, liés notamment à l'évolution démographique de l'Afrique, dont la population atteindra 2 milliards de personnes en 2050.
Cette immigration, monsieur le garde des sceaux, est également source d'insécurité. Au 30 septembre 2023, d'après les chiffres transmis par vos services, 25 % du total des personnes incarcérées – détenues et prévenues – étaient de nationalité étrangère. Le lien statistique entre immigration et délinquance n'est plus à démontrer. En Île-de-France, dans les transports en commun, 93 % des mis en cause pour des vols non violents et 76 % des mis en cause pour des vols violents sont des étrangers !
Ce qui préoccupe nos concitoyens, c'est qu'ils voient de nouveau se jouer devant eux le spectacle de l'impuissance. En effet, monsieur le ministre de l'intérieur, votre projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration ne les convainc pas.
Ce n'est pas ce que disent les sondages !
Et ils ont raison, car ce texte ne nous permettra pas, vous le savez bien, de retrouver la maîtrise des flux migratoires. Malgré les améliorations apportées par le Sénat – que je salue –, consciencieusement détricotées en commission par l'alliance inédite de la majorité et de la NUPES,…
…– alliance qui s'est de nouveau manifestée à l'instant, cette fois sans le groupe Horizons, dont je salue le courage ,
« Eh oui ! » et applaudissements sur quelques bancs du groupe LR
par le rejet de la proposition de résolution de Michèle Tabarot visant à mettre fin à l'accord franco-algérien de 1968 –, malgré les améliorations apportées par le Sénat, disais-je, le projet de loi du Gouvernement ne permettra pas à la France de retrouver sa souveraineté en matière d'immigration.
Il ne nous permettra pas, notamment, de faire prévaloir la volonté du peuple français sur les jurisprudences nationales ou supranationales, qui nous condamnent trop souvent à l'impuissance.
Depuis 1981, vingt-neuf lois se sont succédé – vingt-neuf lois qui, pour la plupart, ont échoué à endiguer les flux migratoires, vingt-neuf lois qui ont toutes nourri la crise démocratique en donnant aux Français le sentiment d'une fatalité contre laquelle rien ne serait possible.
Plus il y a d'immigration, plus il y a de lois ; plus il y a de lois, plus il y a d'immigration.
Chers collègues, il est temps de redonner aux Français la maîtrise leur destin. Pour ce faire, changeons enfin de méthode, de cadre juridique, de pratiques et de modèle !
En théorie, il n'existe pas de droit général et absolu de séjour en faveur des étrangers opposable au législateur que nous sommes. Mais, en pratique, les jurisprudences des cours françaises et européennes ont multiplié les hypothèses et permis aux étrangers de bénéficier d'un véritable droit au séjour quasi constitutionnellement garanti. Ce sont ces verrous constitutionnels que notre proposition de loi tend à lever.
Le premier verrou est relatif au droit d'asile. Il ne s'agit pas, bien entendu, de remettre en cause ce principe fondamental qui fait honneur à notre nation et à notre histoire. La République a le devoir d'offrir l'asile aux persécutés et aux combattants de la liberté, d'où qu'ils viennent. Mais, nous le savons, le droit d'asile est scandaleusement et dangereusement dévoyé.
Il permet à un étranger entré irrégulièrement, en violant les lois de la République, sur le territoire d'obtenir un droit provisoire au séjour durant tout l'examen de sa demande. Et s'il est débouté – ce qui est le cas pour près des deux tiers des demandes –, il peut s'établir clandestinement sur notre sol et il sera quasiment impossible de l'expulser puisqu'il pourra bénéficier d'un droit au séjour sur d'autres fondements, qu'il ne manquera pas d'invoquer de façon récurrente à des fins dilatoires.
Pour faire sauter ce premier verrou, notre proposition de loi constitutionnelle tend à réformer le droit d'asile en instaurant le dépôt obligatoire des demandes dans nos ambassades et nos représentations diplomatiques ou à la frontière de la France et de l'Europe.
Le texte s'attaque également aux verrous constitutionnels qui nous empêchent de choisir qui entre, demeure ou doit quitter le territoire national. Il prévoit ainsi deux boucliers constitutionnels. Le premier autorise le législateur à définir des plafonds migratoires annuels par type de titres de séjour et par nationalité ; il nous permettra d'adopter une politique migratoire concertée et contrôlée chaque année par le Parlement, détenteur de la souveraineté du peuple.
Le second garantit l'expulsion des étrangers qui représentent une menace pour la sécurité publique ou qui ont été condamnés à une peine d'emprisonnement. Il nous permettra d'expulser les étrangers qui menacent la sécurité des Français, en mettant fin à ces situations scandaleuses, dans lesquelles nous nous retrouvons – ou plutôt dans lesquelles vous vous retrouvez, monsieur le ministre – dans l'incapacité d'expulser des étrangers délinquants récidivistes ou radicalisés.
C'est la loi, votre loi !
En ce qui concerne l'acquisition de la nationalité, notre proposition de loi constitutionnelle prévoit que tout étranger devra satisfaire – c'est bien le moins – à une condition d'assimilation. Elle consacre ainsi le principe selon lequel la qualité de Français n'est pas une qualité administrative mais le fruit d'une volonté nettement exprimée d'appartenir à un peuple riche de ses traditions civiques, de son histoire et de ses héritages culturels.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Par ailleurs, elle vise à supprimer, cher Mansour Kamardine, le droit du sol à Mayotte, ce qu'en l'état, la jurisprudence du Conseil constitutionnel ne permet pas…
Ah, de façon certaine, c'est autre chose !
Enfin, notre texte vise à élargir le champ du référendum législatif à tout projet ou proposition de loi ainsi qu'à tout projet de loi organique, permettant de ce fait l'organisation d'un référendum sur l'immigration. Celle-ci constitue un enjeu de souveraineté majeur, sur lequel le peuple doit enfin pouvoir être appelé à se prononcer. Il y va en effet de la souveraineté, de la liberté et de la confiance dans l'action publique.
En refusant de doter la France des outils indispensables à la reprise en main de notre politique migratoire, nous condamnerions les Français à la défiance et à la désespérance.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je conclus, madame la présidente.
Démontrons-leur avec force que les peuples libres ne connaissent pas la fatalité ! C'est au peuple et à lui seul de décider de son destin,…
…et non à des commentateurs de l'impuissance décernant des labels de bien-pensance. C'est pourquoi nous souhaitons que cette révision constitutionnelle soit approuvée.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, ministre de la justice, cher Éric
Murmures sur les bancs du groupe LR
– permettez-moi de me réjouir d'avoir le garde des sceaux devant moi –…
…monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, la France fait face, comme l'ensemble de l'Europe, à une pression migratoire importante, alimentée par des conflits qui se déroulent désormais aux portes de l'Europe, par des évolutions démographiques et économiques difficiles et par le changement climatique.
En 2023, la pression migratoire aux frontières intérieures comme extérieures a atteint des niveaux qu'elle n'avait plus connus depuis la crise migratoire de 2015. Les flux irréguliers sont en progression de plus de 60 % dans toute l'Europe. Ils ont notamment doublé – c'est un point important – en Autriche, en Hongrie et en Croatie. Quant à l'Allemagne, elle voit arriver sur son territoire trois fois plus d'irréguliers que la France.
La demande d'asile a été multipliée par deux en dix ans, et même par trois par rapport à 2007. En 2023, la hausse enregistrée par les services du ministère de l'intérieur est de 10 %, soit 121 539 premières demandes en guichet unique à la fin du mois d'octobre. Ce niveau est proche du pic de 2019 – le nombre des demandes avait alors atteint 138 420 – mais y demeure inférieur, alors qu'en Italie, en Autriche, en Allemagne, en Belgique et même en Espagne, le nombre des demandes est supérieur à ce qu'il fut cette année-là. La spécificité française me semble liée aux premières mesures prises par le Gouvernement, notamment sur le fondement de la loi de 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, dite loi Collomb, ainsi qu'à la restriction de l'accès à la nationalité décidé par le gouvernement d'Édouard Philippe, sous le premier quinquennat du Président de la République.
Le fait que la hausse soit plus importante en Europe, notamment chez nos voisins, n'empêche évidemment pas, monsieur le rapporteur, des mouvements secondaires vers la France. Je rappelle en effet que 40 % des demandes d'asile en France proviennent d'autres pays européens, et non de pays en guerre ou touchés par les difficultés qui ont été évoquées.
Face à cette situation, le Gouvernement prend ses responsabilités et a présenté au Parlement un texte de loi pour maîtriser l'immigration. Il est, si nous regardons les choses objectivement, sans polémique, complémentaire de la proposition de loi constitutionnelle que nous examinons, et d'une nature différente. L'une et l'autre ne s'annulent pas et peuvent éventuellement s'additionner pour ceux qui souhaitent réviser certaines dispositions de la Constitution.
Ces deux textes ont pour point commun d'avoir vocation à nous permettre de relever le défi migratoire, auquel doivent faire face notre pays, l'Europe et le monde. Vous connaissez, monsieur le rapporteur, l'immense respect que j'ai pour la représentation nationale et le travail parlementaire, ayant eu moi-même l'honneur de siéger dans cette assemblée, où j'ai été élu pour la première fois il y a plus de dix ans. Je veux donc vous dire que nous prenons au sérieux votre proposition de loi constitutionnelle.
Cependant, quelques doutes nous étreignent : s'agit-il vraiment d'un texte visant à modifier la Constitution ou d'une proposition de loi d'appel, comme l'on dirait d'un amendement ? Nous avons constaté que votre majorité sénatoriale a rejeté hier une grande partie de vos dispositions, puisque la commission des lois du Sénat a supprimé la plupart des articles que vous avez brillamment défendus il y a quelques instants. J'imagine que le travail sera encore intense au sein de votre propre famille politique pour aboutir à un texte constitutionnel.
C'est un fait ! Je le regrette, d'ailleurs, car cela nous aurait permis d'en débattre de façon plus intéressante encore : sachant que, pour modifier la Constitution au Congrès, le texte doit être approuvé à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés, il vous faut d'abord convaincre MM. Retailleau et Marseille.
Il n'en reste pas moins, monsieur Marleix, que le Sénat a rejeté plusieurs de vos propositions – et la chronologie est assez cocasse à relever.
Toutefois, puisque vous avez souhaité que nous en débattions en séance avec sérieux et solennité – réformer la Constitution, ainsi que les principes européens et internationaux qui y figurent, ne peut se faire en quelques minutes –, permettez-moi d'y répondre dans le même esprit.
Votre méthode pour lutter contre l'immigration légale – jusqu'à un certain degré – ou illégale consiste à modifier la Constitution pour y inscrire des dispositions qui touchent non seulement à la souveraineté de notre pays, mais aussi aux droits civils : droit de la nationalité, de l'immigration, à l'asile, dans le but d'en finir, je vous cite, avec le « chaos migratoire ».
Pour ce faire, votre proposition de loi constitutionnelle prévoit huit articles, répartis en quatre titres, sur lesquels nous reviendrons un par un. M. le garde des sceaux et moi-même essaierons de vous démontrer que certains de ces articles sont sans doute intéressants et mériteraient d'être approfondis – c'est le sens du travail parlementaire –, que d'autres n'apporteraient rien de plus que le chaos dans notre ordonnancement juridique, et que certains, enfin, ne visent qu'à répondre aux difficultés politiques que vous traversez actuellement.
Votre promesse consistant à reprendre le contrôle sur les politiques migratoires grâce à ce texte pose plusieurs problèmes. Elle me paraît en effet bâtie sur une appréciation plutôt impressionniste de la situation que nous vivons. Cela explique pourquoi, pour répondre à cette situation, vous proposez de rompre avec notre tradition constitutionnelle et de bouleverser l'ensemble des équilibres institutionnels – excusez du peu ! C'est sans doute ce qui a incité la commission des lois du Sénat à supprimer plusieurs articles du texte hier.
La présente proposition de loi vise à inscrire inutilement dans la Constitution des dispositions qui relèvent de la loi simple, parfois même du règlement, et que le Gouvernement entend précisément modifier dans le cadre de son projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, en cours d'examen à l'Assemblée nationale. Nous n'avons pas réussi à vous en convaincre totalement en commission des lois, mais nous en reparlerons à partir de lundi en séance. En effet, pourquoi inscrire dans la Constitution ce qui relève du règlement ou de la loi ordinaire, alors que le législateur peut, ici et maintenant, modifier ces dispositions ?
Surtout, vous promettez des résultats que votre proposition de loi constitutionnelle ne saurait garantir, tout en passant sous silence les conséquences négatives et très graves qu'aurait la révision proposée si elle était adoptée in abstracto, sans débat. Ces conséquences auraient dû vous conduire à baptiser votre texte non pas « proposition de loi constitutionnelle relative à la souveraineté de la France, à la nationalité, à l'immigration et à l'asile », mais plutôt « appel à un Frexit européen et constitutionnel ».
Je conteste d'abord les prémisses de votre proposition de loi constitutionnelle, selon lesquelles la France serait corsetée ou empêchée d'agir par des accords européens ou internationaux. Si vous voulez changer l'Europe, gagnez plutôt les élections européennes et modifiez les traités européens ! En lisant l'exposé des motifs de votre proposition de loi, les mots du général de Gaulle me sont revenus.
Je rappelle que ni M. Ciotti ni M. Marleix n'avaient voté à l'époque contre les traités européens proposés par le président Sarkozy et par le président Hollande.
Je n'ai donc pas de leçon de souveraineté à recevoir à ce titre. Personnellement, je m'étais prononcé contre ces traités qui privaient, selon moi, la France de sa souveraineté. Vous, vous les avez tous votés, à la suite des présidents de Gaulle, Pompidou, Giscard d'Estaing, Chirac et Sarkozy, jusqu'au traité de Lisbonne que vous avez soutenu et voté.
Monsieur Marleix, vous avez, les scrutins publics en font foi, voté pour les traités européens, y compris dans cet hémicycle. Il fallait être cohérent il y a quelques années.
Protestations sur plusieurs bancs du groupe LR.
Sourires sur les bancs du groupe SOC.
Seul M. le ministre a la parole. Vous pourrez intervenir tout à l'heure.
Il est assez difficile en effet de s'exprimer, madame la présidente.
Les protestations se poursuivent sur les bancs du groupe LR.
Il m'interpelle, il faut bien que je lui réponde, madame la présidente !
Vous répondrez tout à l'heure, lorsque vous aurez la parole. Pour l'instant, seul le ministre s'exprime, s'il vous plaît.
Pointer du doigt l'Europe comme mère de tous nos maux et de nos insuffisances, « ça n'aboutit à rien et ça ne signifie rien », comme disait le général de Gaulle. On peut s'exclamer « L'Europe ! L'Europe ! L'Europe ! » de façon béate, ou avec scepticisme : dans tous les cas, cela ne fait pas avancer les choses.
Comme le rappelait le président Sarkozy dans son allocution du 10 février 2008 sur les apports du traité de Lisbonne : « Ce traité simplifié, c'est la France qui a pris l'initiative de le proposer » – c'est cela, la politique – « pour sortir l'Europe de la crise institutionnelle dans laquelle elle se trouvait plongée. » Je trouve curieux que la famille politique du président Sarkozy, qui a tant œuvré pour que ce traité fasse partie de notre héritage, le balaie aujourd'hui d'un revers de la main.
Les réunions de famille, c'est à Noël, normalement : vous êtes en avance, c'est trop tôt !
Vous appelez de vos vœux une solution européenne, tout en la condamnant par avance – ce que je regrette –, en proposant de faire cavalier seul et en modifiant notre propre ordonnancement juridique.
Je ne peux être d'accord sur ce point. S'il est certain que l'Europe a de très grands progrès à faire, je remercie les parlementaires du parti populaire européen (PPE) d'avoir soutenu le projet, impulsé par le Président de la République, de pacte sur la migration et l'asile, qui prévoit des dispositions fortes, telles que l'élargissement d'Eurodac – base de données biométriques concernant les étrangers arrivant sur le sol européen – ou encore la création d'une nouvelle procédure d'asile à la frontière et de la fiction juridique de non-entrée sur le territoire de l'Union européenne. Je ne peux donc que vous recommander de faire vôtres, au cours de la campagne pour les élections européennes, les mesures votées par vos collègues députés européens et la proposition du président Macron, que j'ai eu l'honneur de défendre à plusieurs reprises pendant ces quatre dernières années.
En matière migratoire, les choix franco-français sont difficilement explicables. Il faut non seulement en tirer les conclusions et rappeler les conséquences des choix que vous avez opérés, monsieur le rapporteur Ciotti. C'est bien la majorité du président Sarkozy – et le président Sarkozy lui-même – qui est à l'origine de la révision constitutionnelle de 2008, laquelle a considérablement renforcé le poids de la Constitution et du bloc de constitutionnalité – dont les traités européens et le préambule de 1946 font partie – dans notre organisation institutionnelle.
Alors que nous nous apprêtons à fêter le quatorzième anniversaire de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC), je constate que plus de 370 décisions ont été prises par le Conseil constitutionnel pour censurer des dispositions législatives, censures qui s'ajoutent à celles prononcées dans le cadre de son contrôle a priori. Combien de fois ai-je entendu les parlementaires siégeant sur ces bancs dénoncer le fait que la menace de la censure constitutionnelle inhibe en permanence l'action parlementaire, atrophiant le débat et rétrécissant les horizons des possibles ? Nous en sommes d'accord.
Toutefois, si vous considérez qu'il faut rééquilibrer nos institutions au profit du Parlement, permettez-moi de vous dire que vous ratez votre cible. Les oukases que vous défendez en corrigeant la Constitution sans modifier le préambule de 1946, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (DDHC), ni les principes fondamentaux du droit, n'empêcheront nullement le Conseil constitutionnel de rendre des décisions contraires à votre texte, y compris en statuant sur des QPC. En plus d'être imparfaite dans le contenu de ses articles, votre réforme constitutionnelle échoue donc même à définir correctement sa cible.
En présentant cette proposition de loi constitutionnelle, vous proposez d'emprunter un chemin tortueux et de renier une partie de notre héritage institutionnel. Les sept péchés constitutionnels qui apparaissent dans ce texte sont intéressants et méritent chacun d'être appréhendés. Je constate cependant, monsieur le rapporteur, que les révisions constitutionnelles ne sont habituellement pas d'une telle envergure lorsqu'elles sont présentées dans une simple proposition de loi. Chaque fois, elles ont été le fruit d'un long travail, mené soit par le Parlement, soit par des comités de sages – tels que le comité Vedel en 1992 ou le comité Balladur en 2007 –, à la mesure des enjeux qu'implique une modification ambitieuse de la Constitution et que nous ne saurions balayer d'un revers de la main. Je vous renvoie notamment aux travaux, qu'il faudra sans doute encore approfondir, du comité présidé par Mme Simone Veil et institué par le président Sarkozy…
…qui avait conclu, en 2008, à l'inopportunité de modifier notre préambule constitutionnel, jugeant l'ajout de principes nouveaux à la fois inutile et hasardeux. En matière constitutionnelle, la sobriété, vous le savez, est la meilleure conseillère.
En résumé, pour faire évoluer la politique européenne, il ne faut pas modifier la Constitution mais gagner les élections européennes en juin prochain.
Pour négocier des traités européens, il faut être aux responsabilités. Mais peut-être faut-il voir dans votre proposition de loi constitutionnelle l'ouverture d'un premier débat européen, dans la perspective de la campagne de 2024 ? En tout cas, nous le recevons comme un appel.
Vous avez une singulière conception de la Constitution, que vous présentez comme un rempart contre le reste du monde ou comme un texte magique : aucune des dispositions constitutionnelles que vous proposez n'apparaît in extenso dans une autre Constitution au monde, de même qu'aucune autre Constitution ne prévoit le traitement des demandes d'asile à l'extérieur des frontières du pays. Je rappelle d'ailleurs que si vous changez plusieurs règles, vous ne modifiez toujours pas – je vous l'ai expliqué à plusieurs reprises – ni la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ni le préambule de 1946, lequel prévoit que toute personne qui demande l'asile peut le faire sur le territoire de la République.
Le général de Gaulle, dont vous revendiquez l'héritage – ce que je comprends fort bien –, a souhaité, à deux titres au moins, ne pas bouleverser l'équilibre institutionnel ; c'est pourtant ce que vous faites dans votre texte. D'abord, vous remettez en cause le rôle de l'exécutif dans la conduite de la politique extérieure de la nation. La tradition française – qui est du reste largement partagée chez nos voisins – consiste à confier au chef de l'État le soin de négocier et de ratifier les traités, comme le prévoit l'article 52 de la Constitution. Le Parlement approuve ou ratifie « les traités de paix, les traités de commerce, les traités ou accords relatifs à l'organisation internationale, ceux qui engagent les finances de l'État […] ». Cette répartition ne date pas de la V
…la chambre des députés l'avait acceptée. Adopter votre proposition reviendrait à priver le chef de l'État de son pouvoir de négociation sur la scène internationale. Reconnaissez que ce n'est pas une petite chose.
Cette épée de Damoclès qui pèserait sur le Président de la République et notre politique diplomatique, outre le fait qu'elle ne permettrait d'atteindre qu'imparfaitement vos objectifs en matière migratoire, conduirait à discréditer durablement la parole de la France et à insécuriser le Gouvernement dans sa conduite des relations extérieures.
Toujours en matière d'ordonnancement institutionnel, il est un autre pouvoir – M. le garde des sceaux y reviendra sûrement – dont vous souhaitez modifier le rôle : l'autorité judiciaire. Sans entrer dans le détail, permettez-moi de souligner que votre proposition de loi constitutionnelle ne modifie pas l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, en vertu duquel « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution. » Pour mener à bien votre révision constitutionnelle, il vous faut donc également modifier la DDHC – j'espère que vous défendrez des amendements en ce sens –, afin de pouvoir expulser quelqu'un sans qu'il ait accès à un juge, comme vous l'envisagez.
S'agissant de votre souhait d'élargir le référendum à « toutes les questions de nature législative », je rappelle que le Président de la République a lui-même ouvert cette possibilité. Toutefois, contrairement à Gérard Larcher, vous ne vous êtes pas rendu à Saint-Denis, monsieur le rapporteur, pour échanger avec lui – mais la porte est toujours ouverte. Cette évolution figurait dans un premier projet de loi constitutionnelle présenté en Conseil des ministres le 28 août 2019, sous la précédente législature – nous nous rejoignons donc sur ce point. Je ne saurais trop vous recommander, comme l'a fait le président du Sénat, de participer aux discussions que le Président de la République vous a proposées, pour que nous puissions, éventuellement, modifier l'article 11 de la Constitution.
Les questions que vous posez à propos de notre politique migratoire, donc de l'identité de la nation, sont légitimes. Néanmoins, beaucoup d'entre elles sont l'objet du projet de loi ordinaire que nous examinerons la semaine prochaine à l'Assemblée nationale – nous y reviendrons. D'autres soulèvent plusieurs interrogations, qui relèvent du droit constitutionnel.
L'article 1er de votre proposition de loi constitutionnelle, qui pose le principe selon lequel « Nul ne peut se prévaloir de son origine ou de sa religion pour se soustraire aux lois de la République et s'exonérer du respect des règles communes » est intéressant. Cependant, permettez-moi de rappeler que le Gouvernement a déjà créé le délit de séparatisme – réforme que vous avez accompagnée, et je vous en remercie – à l'article 433-3-1 du code pénal, dont l'efficacité a été prouvée. Nous aurons l'occasion, au cours du débat, de vous exposer les premières jurisprudences des tribunaux, toutes conformes à la volonté du législateur.
Ce même gouvernement vous propose d'ailleurs de voter l'article 13 du projet de loi relatif à l'immigration, qui prévoit – conformément à une demande du Sénat, retenue in extenso par la commission des lois de l'Assemblée – la création d'un contrat d'engagement au respect des principes de la République, que tout étranger sollicitant un document de séjour s'engagera à souscrire. En vertu de celui-ci, une personne pourra se voir retirer, si elle se prévaut de ses croyances ou de ses convictions pour s'affranchir des règles communes, son titre de séjour ou sa carte de résident, et les autorités pourront procéder à son expulsion. J'ajoute que cette disposition a été validée par le Conseil d'État. Je ne vois donc pas quelle serait la valeur ajoutée de l'inscrire dans la Constitution. Mais, dans la mesure où qui peut le plus peut le moins, je suis certain que vous adopterez l'article 13 du projet de loi proposé par le Gouvernement et validé par le Sénat.
À cet égard, je me réfère au comité Veil de 2008, dont les réflexions me paraissent de nature à éclairer nos débats : « L'idée d'afficher solennellement au fronton de la République certains principes nouveaux présente sans doute un attrait réel. […] Il n'en reste pas moins que cette conviction n'établit pas, par elle-même, la nécessité d'une révision du préambule de la Constitution au seul effet de procéder à tel ou tel affichage », si les dispositions en question ne trouvent pas de traduction dans la loi ordinaire. Finalement, nous faisons œuvre commune. Vous reconnaîtrez donc tout l'intérêt du projet de loi présenté par le Gouvernement.
Vous proposez par ailleurs d'inscrire le principe d'assimilation dans la Constitution, pour fixer un cadre constitutionnel à un domaine qui y échappe largement. Vous le savez, monsieur le rapporteur, le droit de la nationalité – qui est désormais intégré dans le code civil comme l'a souhaité, il y a quelques années, le ministre Méhaignerie – ne fait l'objet que d'un encadrement constitutionnel minimal. Il est le produit d'une histoire longue de plus de deux siècles qui, loin des débats caricaturaux entre droit du sol et droit du sang, a évolué, les conditions d'accès à la nationalité ayant été plus ou moins ouvertes au gré des régimes politiques et, il faut bien le dire, de la nécessité pour nos armées d'envoyer des soldats à la guerre. Les historiens nous apprennent que proclamer de grands principes est toujours nécessaire pour souder le destin des hommes ; votre proposition de loi constitutionnelle peut y contribuer.
Comme chacun ici le sait, les auteurs de la Constitution montagnarde du 24 juin 1793 – cette Constitution de gauche qui plaît tant à M. Léaument, même s'il n'est pas là pour le rappeler –, déclaraient que « tout étranger âgé de vingt et un ans accomplis, qui, domicilié en France depuis une année, y vit de son travail ou acquiert une propriété, ou épouse une Française, ou adopte un enfant, ou nourrit un vieillard […] est admis à l'exercice des droits de citoyen français ». Dès 1793, le droit du sol était proclamé et la question du travail posée. Deuxième grande loi ouvrant l'accès à la nationalité, la loi du 28 juin 1889 a ancré le droit du sol dans l'imagerie républicaine. Revenir sur le droit du sol pour lui préférer le droit du sang n'est donc pas une mince affaire – l'objet de votre proposition est sérieux.
La notion d'assimilation des étrangers qui deviennent Français, que je trouve intéressante, a été introduite plus tard dans notre droit, d'abord avec la loi du 10 août 1927, puis avec l'ordonnance du 19 octobre portant code de la nationalité prise par le gouvernement provisoire de la République française du général de Gaulle. Dès lors, je m'étonne que vous souhaitiez figer cette notion en l'inscrivant dans la Constitution, alors que sa plasticité permet précisément d'en modifier les contours par la loi ordinaire – nul doute que le Conseil constitutionnel a accompagné ces évolutions.
Vous avez d'ailleurs admis, en évoquant Mayotte il y a quelques instants, que le Conseil constitutionnel n'a jamais censuré les dispositions particulières relatives au droit du sol dans ce département : il a en effet accepté la dernière réforme législative, en vertu de laquelle un nouveau-né ne bénéficie du droit du sol que si l'un de ses deux parents est Français ou réside régulièrement sur le territoire national depuis plus de trois mois.
Nous en concluons que le droit ordinaire peut être modifié partout sur le territoire de la République. Vous auriez donc dû présenter une proposition de loi ordinaire plutôt qu'une proposition de révision constitutionnelle. La preuve du pudding étant qu'on le mange, je précise que la commission des lois du Sénat et, plus récemment, sur proposition de Mme Estelle Youssouffa et de M. Mansour Kamardine, celle de l'Assemblée nationale, ont introduit une modification historique à l'application des droits du sol et du sang à Mayotte, sans que ces amendements aient été jugés irrecevables au titre de l'article 45 de la Constitution – M. le président de la commission des lois pourra en témoigner. Là encore, j'espère que vous voterez le projet de loi ordinaire qui vous sera soumis la semaine prochaine : aucune jurisprudence constitutionnelle n'impose de changer la Constitution pour conduire une telle réforme.
Vous proposez d'instaurer des quotas limitatifs encadrant la délivrance des titres de séjour et des visas. Même si je n'écarte pas personnellement cette option, permettez-moi, monsieur le rapporteur, de m'interroger sur l'efficacité d'une telle mesure. Cette disposition mériterait sans doute d'être réécrite ou, en tout cas, complétée, dans la mesure où elle soulève un certain nombre de questions, comme l'avait pointé Pierre Mazeaud dans son célèbre rapport de 2008, rédigé à la demande du président Sarkozy. Si les motifs juridiques de réserve sont nombreux, la question est aussi politique.
Partout dans le monde, chaque fois que l'idée de quota migratoire est avancée, elle s'appuie sur la comparaison avec d'autres pays – il n'existe aucun contre-exemple, même dans les Constitutions les moins démocratiques. Les Républicains, par exemple, évoquent souvent le Canada, qui a fait de la définition de quotas le principe clé de sa politique migratoire. Rappelons cependant la vérité : au Canada, les quotas ne sont pas conçus comme limitatifs : ils constituent des objectifs à atteindre. Le parlement canadien a fixé une cible de 500 000 nouveaux immigrés cette année. Les députés Les Républicains souhaitent-ils que nous fixions un objectif d'augmentation des flux migratoires ? Je suppose que non, mais le laxisme dont vous semblez faire preuve en prenant l'exemple du Canada n'est pas sans nous inquiéter.
Je constate d'ailleurs que le Rassemblement national s'est toujours exprimé contre les quotas migratoires. Leur inscription dans la Constitution ne semble donc pas être l'apanage de ceux qui veulent combattre vigoureusement l'immigration illégale, qui ne serait évidemment pas comptabilisée dans ce quota.
Il est tout à fait vrai, monsieur le rapporteur – les débats en commission des lois l'ont montré –, qu'il faut modifier la Constitution pour créer des quotas migratoires. Faut-il pour autant le faire, sachant qu'ils ne s'appliqueraient ni aux demandeurs d'asile, évidemment, ni à l'immigration familiale – puisque la rédaction que vous avez retenue est, sur ce point, pour le moins ambiguë ? La question est intéressante. Si nous décidions par exemple d'accueillir 100 000 personnes par an, que ferions-nous de la 100 001
Nous sommes d'accord sur un point : nos concitoyens ont le droit de savoir combien de nouveaux arrivants notre pays accueille, et lesquels. Je me réjouis donc que les commissions des lois du Sénat et de l'Assemblée nationale aient inscrit, dans le projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, le principe d'objectifs chiffrés pluriannuels d'immigration – que l'on pourrait aussi qualifier de quotas migratoires, le terme retenu étant susceptible d'être corrigé au cours des débats parlementaires. Je rappelle d'ailleurs que les deux commissions ont œuvré ensemble à la rédaction du texte et que ces dispositions font partie des premiers ajouts du Sénat que l'Assemblée nationale a conservés.
Si ces quotas ou objectifs ne sont pas prescriptifs, il n'est pas nécessaire de modifier la Constitution. S'ils le sont, vous avez parfaitement raison : une révision s'impose. Toutefois, je constate encore une fois l'absence d'unanimité dans vos rangs et parmi ceux qui entendent lutter très fermement contre l'immigration.
Occupez-vous de votre majorité, nous nous occuperons de nos propres rangs !
Nous sommes ouverts à cette discussion – nous l'avons déjà indiqué.
En France, comme ailleurs dans le monde, l'immigration a augmenté plus rapidement au cours des vingt dernières années. La proportion d'immigrés augmente. Rappelons que parmi ces 6 à 7 millions de personnes, 2,5 millions ont acquis la nationalité française par mariage ou par naturalisation. En outre, près de 2 millions sont des citoyens européens venus s'installer librement en France et ne sauraient évidemment être inclus dans vos quotas migratoires.
Si la question des quotas est intéressante, ces derniers excluraient cependant, je le répète, les demandeurs d'asile, les ressortissants de l'Union européenne et toutes les personnes relevant du regroupement familial. En outre, leur application soulèverait de nombreuses questions. Il convient donc sans doute d'y travailler davantage avant d'envisager une modification aussi importante de notre Constitution.
Surtout, monsieur le rapporteur – et sans doute est-ce là un de vos principaux points de désaccord avec les sénateurs, qui ont supprimé l'article concerné hier –…
…vous faites du « bouclier constitutionnel » le point le plus important de votre texte. Ce bouclier soulève une question juridique très complexe et, s'il devait être adopté, plongerait la France dans un chaos juridictionnel et politique – comme le montre notamment l'exemple polonais, sur lequel je reviendrai.
En vous lisant, M. Ciotti, je ne peux m'empêcher de penser que vous le savez parfaitement – le contraire serait faire injure à vos compétences de juriste. Vous connaissez bien ce sujet, sur lequel vous travaillez depuis longtemps ; vous avez été à plusieurs reprises l'instigateur ou le rapporteur des lois relatives à l'immigration que vous dénoncez à présent – à tout le moins, vous avez participé à leur examen. Vous et les experts juridiques qui vous entourent savez très bien que ce bouclier constitutionnel ne tient pas.
Il me paraît indispensable d'expliciter la portée réelle de l'article 3, qui constitue la pierre angulaire de votre proposition de loi constitutionnelle. Dans notre système juridique, comme je le rappelais précédemment, le droit international et, singulièrement, le droit européen l'emportent sur le droit national. Nous l'avons nous-même voulu : le Parlement s'est toujours positionné en faveur de cette primauté, tout comme que le peuple français lorsqu'on lui a posé la question – y compris, évidemment, lorsqu'il s'est prononcé contre le traité établissant une constitution pour l'Europe rédigé sous l'égide de Valéry Giscard d'Estaing.
C'est indéniable. Tous les présidents de la République présidents issus de votre famille politique – MM. Georges Pompidou, Charles de Gaulle, Valéry Giscard d'Estaing, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy – se sont inscrits en faux contre ce que vous proposez, jusqu'à votre dernière candidate à l'élection présidentielle, Mme Valérie Pécresse, qui avait annoncé qu'elle ne reviendrait sur aucun des traités européens négociés par ses prédécesseurs, en particulier le traité de Lisbonne.
Je constate donc que les députés Les Républicains opèrent un virage à 180 degrés dans leur politique européenne. C'est leur droit le plus strict, même si je ne suis pas sûr que cette position soit partagée par l'ensemble des membres de votre parti – je songe par exemple aux déclarations récentes de M. Michel Barnier.
Élément cardinal de l'intégration européenne depuis les origines de la construction européenne, la primauté du droit communautaire a d'ailleurs été rappelée avec force en 2007 dans le traité de Lisbonne, négocié par Jacques Chirac puis ratifié pendant la présidence de Nicolas Sarkozy, dans une déclaration spécifique annexée au texte de l'accord.
Dans ce contexte, et logiquement – on peut le regretter mais c'est un fait, qui découle mécaniquement de ce qui précède –, la Cour de Luxembourg a jugé qu'une règle de droit interne qui obligerait une juridiction nationale à saisir en priorité sa cour constitutionnelle ou à suivre la position de cette dernière ne saurait empêcher le renvoi d'une question préjudicielle devant la Cour de justice de l'Union Européenne (CJUE), y compris, donc, en cas de QPC. En un mot, nos juges nationaux ont pleinement intégré le rôle qui était le leur : être les gardiens de la conventionnalité des dispositions nationales, qu'elles soient législatives, réglementaires ou constitutionnelles.
Dans ce contexte, l'exemple de la Pologne est intéressant, monsieur Ciotti, car elle a fait ce que vous proposez, ni plus ni moins. Votre texte tend à créer un nouvel ordonnancement juridictionnel, dans lequel un même juge serait soumis à des injonctions parfaitement contradictoires et incompatibles : il devra dans le même temps écarter le droit européen au profit du droit national – puisqu'une loi nationale permettra de faire primer la Constitution sur le droit conventionnel – et, conformément aux traités européens dont vous ne remettez pas en cause la place dans la même Constitution, faire primer le droit européen sur le droit national. Indubitablement, les esprits savants du Conseil d'État et de la Cour de cassation ne devront pas craindre de tomber dans la schizophrénie pour appliquer la proposition de loi constitutionnelle de M. Ciotti.
N'allez pas penser que cette crise constituera simplement un énième épisode, simplement plus rugueux, du dialogue des juges : elle se transformera en crise politique. Il suffit pour s'en convaincre d'observer l'exemple de la Pologne. Permettez-moi de vous rappeler les principaux épisodes de la crise polonaise, qui s'est terminée par une défaite en rase campagne du gouvernement l'ayant provoqué, afin que l'Assemblée prenne conscience des prochaines étapes qui nous attendent à coup sûr si le Parlement adoptait votre proposition de loi constitutionnelle.
Le 14 juillet 2021, dans un contexte de détérioration continue de l'État de droit liée aux réformes de l'autorité judiciaire, le tribunal constitutionnel polonais a déclaré contraire à la Constitution une ordonnance rendue le jour même par la CJUE, exigeant la suspension des activités de la chambre disciplinaire de la Cour suprême polonaise.
En effet, le gouvernement conservateur – c'est un euphémisme – polonais a souhaité modifier la Constitution pour qu'elle l'emporte sur le droit européen, sans sortir de l'Union européenne.
La proposition de loi constitutionnelle de M. Ciotti, notamment son article 3, est tout à fait valable, mais son adoption supposerait de l'Europe, admettez-le. De ce point de vue, il faut avouer que Mme Le Pen est plus cohérente sur ce point précis.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
La crise polonaise s'étant soldée par une reculade en rase campagne de la Pologne devant les injonctions européennes, il apparaît non seulement que le peuple souverain polonais a été trompé par ses représentants politiques, mais aussi que les règles européennes se sont in fine imposées aux Polonais.
Cette crise politique majeure n'a pas concerné uniquement l'Union européenne : elle a également affecté la politique intérieure polonaise, comme la récente élection l'a montré. Le gouvernement polonais, conservateur et pyromane, après avoir finalement renoncé à son projet de révision constitutionnelle, a été nettement battu et a provoqué des fractures très profondes dans le fonctionnement de ses institutions, de sa justice et de son administration. Tout ça pour ça !
On ne peut donc envisager sérieusement d'inscrire le bouclier constitutionnel dans ce texte sans sortir des traités européens – c'est pourquoi j'évoquais tout à l'heure un Frexit. C'est la position qu'a adoptée la commission des lois du Sénat. Nous ne pouvons pas vous suivre sur ce point.
Venons-en à l'article 7, qui prévoit l'expulsion systématique de certains étrangers délinquants. Je m'étonne, monsieur le rapporteur, que vous vouliez changer par voie constitutionnelle la loi ordinaire que vous avez vous-même fait adopter. Rappelons que la France est le seul pays de l'Union européenne où le ministre de l'intérieur et ses services – et, in fine, les juges – ne peuvent pas expulser les étrangers délinquants qui sont arrivés sur le territoire national avant l'âge de 13 ans, qui se sont mariés en France ou qui ont eu des enfants en France, en vertu de dispositions qui relèvent du débat qui nous occupe depuis plusieurs semaines.
C'est n'est ni la Constitution ni la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) qui nous empêchent d'expulser les étrangers délinquants, mais la loi que vous avez votée au début des années 2000, dans des conditions certes différentes – à l'époque vous travailliez pour M. Christian Estrosi, qui était ministre.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Ce n'est pas grave : on a le tous droit à l'erreur. MM. François Fillon et Nicolas Sarkozy eux-mêmes ont admis que les temps avaient changé et qu'il fallait modifier ces dispositions législatives, qui nous empêchent d'expulser des étrangers délinquants.
C'est tellement vrai que vous êtes vous-mêmes l'auteur, monsieur Ciotti, comme plusieurs parlementaires LR, de plusieurs propositions de lois ordinaires visant à revenir sur ces protections. Les articles 9 et 10 du projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration vont en ce sens. Il ne faut pas modifier la Constitution, mais voter le texte du Gouvernement. En commission des lois, au Sénat comme à l'Assemblée nationale, vos représentants ont d'ailleurs voté ces dispositions essentielles, qui permettront au ministre de l'intérieur de faire procéder à l'expulsion de 4 000 étrangers délinquants dès que le projet de loi aura été adopté par le Parlement.
Modifier la Constitution, à supposer que ce soit nécessaire – même si je crois avoir montré l'inverse – prendrait du temps et empêcherait les Français de bénéficier rapidement d'une meilleure sécurité. Et quand bien même votre proposition de loi constitutionnelle serait adoptée, il faudrait des lois ordinaires pour l'appliquer, ce qui reviendrait à revenir au dispositif proposé par le Gouvernement. Nous vous tendons une nouvelle fois la perche : notre projet de loi enrichi par le Sénat, sur lequel nous pouvons trouver un accord, nous permettra d'expulser les étrangers délinquants.
Ce serait se bercer d'illusions d'imaginer qu'une fois écartées les dispositions du droit européen et les jurisprudences de la CJUE, puisqu'à vous entendre, rien n'est plus simple, …
…le fait d'inscrire dans notre Constitution ce principe d'éloignement sans possibilité de recours dissuadera les juges d'y faire obstacle. C'est oublier qu'une telle disposition est contraire aux principes généraux du droit, mais également aux traités internationaux. Je vous renvoie à la récente décision de la Cour suprême britannique : alors même que le Royaume-Uni est sorti de l'Union européenne, les hauts magistrats ont déclaré illégal le projet d'expulser les immigrés au Rwanda.
Pour finir, …
Vous le voyez, nous prenons au sérieux votre texte, monsieur le rapporteur – il s'agit tout de même de modifier la Constitution !
Examinons votre proposition consistant à recevoir les demandeurs d'asile à l'extérieur de nos frontières, qui figure à l'article 8. En tant que ministre chargé de l'asile, permettez-moi de vous rappeler quelques faits qui sont la conséquence, non de notre Constitution ou du droit européen, mais des désordres de notre planète. Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés a dénombré 110 millions de personnes déplacées dans le monde sous l'effet des conflits au Soudan, en Syrie, en Ukraine, en Afghanistan, en Libye, au Moyen-Orient ou au Caucase. Ils amèneront leur lot de réfugiés, même si les deux tiers d'entre eux se déplaceront entre pays du Sud.
Bien évidemment, les persécutions endurées par les étrangers en raison de leurs opinions politiques, de leur religion ou de leur orientation sexuelle leur garantissent un droit fondamental que la France a inspiré au monde, le droit d'asile – vous l'avez rappelé vous-même, monsieur Ciotti, et je vous en remercie. Ces combattants de la liberté ne sauraient bien sûr être confondus avec ceux qui détournent le droit d'asile pour s'installer illégalement sur notre territoire. Nous sommes d'accord sur la nécessité de lutter contre l'usage détourné du droit d'asile que font la plupart des demandeurs dans notre pays – puisque 70 % des demandes aboutissent à un refus.
Pour des raisons démographiques, liées notamment aux évolutions attendues en Afrique, nous devons donc nous préparer à faire face à des migrations plus importantes, qui seront accélérées par le changement climatique. Elles ne relèvent pas à proprement parler de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, laquelle ne reconnaît pas le statut de réfugié climatique ou de réfugié démographique, mais elles alimenteront à coup sûr le travail des prochains ministres de l'intérieur et des futurs parlementaires.
L'Organisation internationale pour les migrations (OIM) estime que les catastrophes climatiques et démographiques pousseront 21 millions à 24 millions d'êtres humains en plus sur les mers du monde, soit 60 000 personnes par jour. Vous avez donc raison de dire que la crise migratoire est devant nous.
Nous avons déjà fait beaucoup pour adapter notre droit, mais sans doute faut-il aller plus loin et c'est précisément ce que propose le Gouvernement. Nous sommes bien sûr prêts à en discuter. Je rappelle que trois des six titres que compte notre projet de loi sont directement inspirés des préconisations du rapport du sénateur François-Noël Buffet en matière de simplification des procédures, de l'asile notamment. Nous voulons faire en sorte que le refus de la demande d'asile vaille OQTF – nous aurons l'occasion d'en reparler dans l'hémicycle – et nous souhaitons réduire les délais de traitement des demandes d'asile.
C'est le nerf de la guerre. Nous savons en effet que durant les trois ans que peuvent attendre les personnes ayant déposé une demande avant de recevoir une réponse définitive, elles ont le temps de s'installer. Pour des motifs liés à la protection de la vie privée et familiale, la France, comme la plupart des pays qui l'entourent, éprouve ensuite de grandes difficultés à les éloigner du territoire national.
Les propositions du Gouvernement, inspirées par le rapport Buffet, sont plus concrètes et plus opérantes que celle consistant à enregistrer les demandes d'asile aux frontières. Outre les difficultés constitutionnelles auxquelles elle se heurte, elle représente avant tout un risque majeur d'augmentation des demandes d'asile soumises à la France, puisqu'elle viendrait ajouter de nouvelles demandes à celles qui sont déjà déposées à l'intérieur de nos frontières.
Je voudrais dire quelques mots de cette procédure aux frontières, question très importante sur laquelle on revient souvent et qui ne manquera pas d'être soulevée à l'approche des élections européennes ou présidentielles. Le préambule de la Constitution de 1946, qui fait partie de notre bloc de constitutionnalité, dispose que toute personne persécutée a le droit de demander l'asile sur le territoire de la République. Il existe déjà, vous le savez, des visas au titre de l'asile et nous ne serions pas opposés à ce que les demandes soient déposées à l'extérieur de notre territoire, auprès de consulats ou d'ambassades. J'imagine que vous écartez cette possibilité pour les pays en guerre, mais cela semble envisageable depuis des pays voisins, par exemple dans le cas d'une personne ayant fui l'Afghanistan et qui engagerait des démarches au Pakistan ou en Turquie.
Toutefois, je l'ai dit, ces demandes d'asile viendraient s'ajouter à celles qui sont déjà traitées sur notre sol puisque vous ne proposez pas de revenir sur le préambule de la Constitution de 1946 ou sur la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Cela aurait pour conséquence d'augmenter le nombre de demandeurs d'asile en France. Aucun pays au monde n'a d'ailleurs retenu cette solution. Les deux seuls pays à avoir envisagé un tel dispositif, le Danemark et le Royaume-Uni ne l'ont pas appliqué, pour des raisons différentes : aucun demandeur d'asile présent sur leur sol n'a été envoyé dans un pays tiers, que ce soit l'Éthiopie ou le Rwanda, pour que leur dossier y soit étudié.
Voyez ce qui se passe en ce moment au Royaume-Uni : les démissions en chaîne des ministres s'étant prononcés en faveur de cette procédure montrent bien son inanité.
La proposition que vous formulez à l'article 8, monsieur le rapporteur, conduirait à voir s'accumuler les demandes d'asile, ce que le Gouvernement ne souhaite pas. Ou alors il vous faudrait tirer toutes les conséquences en proposant de modifier, comme je le disais, le préambule de 1946 et la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ce qui poserait d'autres questions institutionnelles que nous sommes cependant prêts à étudier dans la suite de nos débats.
Nous pouvons en débattre sans être d'accord ! Avouez en tout cas que votre proposition n'est pas très cohérente.
En vérité, ce que vous voulez, c'est un Frexit qui ne dirait pas son nom. Sans doute n'osez-vous pas aborder les élections européennes en affirmant que vous souhaitez sortir purement et simplement de l'Union européenne. De surcroît, votre proposition aboutirait aussi à s'affranchir de la Convention européenne des droits de l'homme, puisque vous ne modifiez pas ceux de ses articles qui encadrent les dispositions envisageables pour faire preuve d'une plus grande fermeté migratoire.
Nous vous proposons de faire le contraire, monsieur le rapporteur. Modifions l'Europe grâce au pacte sur la migration et l'asile – nous invitons vos amis du PPE à le défendre et les remercions pour leur soutien.
Ce qui est bien, c'est que quand le discours sera terminé, les élections européennes seront passées : on y verra plus clair !
Modifions, le cas échéant, nos règles internationales pour distinguer les réfugiés relevant du statut de la convention de Genève de 1951 de ceux de 2023.
Nous voyons bien là que vous voulez faire durer les débats, monsieur le ministre. C'est de l'obstruction ! Votre collègue Éric Dupond-Moretti a déjà eu recours à ces procédés !
En revanche, sortir purement et simplement de l'Union européenne et de la CEDH avec une simple proposition de loi constitutionnelle me paraît un peu excessif.
Nous prenons votre texte au sérieux. Nous pourrions retravailler la rédaction des articles 3 et 6 pour éliminer les conséquences négatives de leurs dispositions et les rendre consensuelles, grâce à un travail avec le Sénat. Avec le Président de la République, nous nous sommes déclarés favorables à une modification de l'article 11 de la Constitution en vue d'ouvrir son champ à la question migratoire. Toutefois, nous nous refusons à quitter l'Union européenne dans le seul but de répondre aux questions que vous soulevez.
Nous ne voulons pas multiplier les possibilités de dépôt de demandes d'asile, à moins de revoir l'article 8 de fond en comble. En avril 2022, le gouvernement de Boris Johnson a signé avec le Rwanda un « partenariat migratoire et de développement économique », changement majeur dans la politique migratoire du pays.
D'ici à la fin de votre intervention, le Royaume-Uni sera revenu dans l'Union européenne !
La Grande-Bretagne n'a jamais compté autant de personnes arrivées illégalement sur son sol que depuis sa sortie de l'Union européenne et cet accord devait constituer une solution. Son échec, comme celui du dispositif polonais, devrait conduire le grand parti du Gouvernement auquel vous appartenez à poser la question différemment.
Le « en même temps » que vous proposez, qui consiste à s'affranchir de la CEDH tout en restant dans son cadre et à sortir de l'Union européenne sans la quitter, ne me paraît pas efficace.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Nous vous invitons à travailler sur une réforme constitutionnelle, comme l'a fait le Président de la République.
Souvenons-nous des mots que vous employiez au sujet d'Emmanuel Macron avant qu'il ne soit Président !
Nous vous invitons à vous approprier sur le projet de loi que nous vous avons soumis.
Alexis de Tocqueville écrivait qu'une « idée fausse, mais claire et précise, aura toujours plus de puissance dans le monde qu'une idée vraie, mais complexe ». Face à la complexité du réel, nous avons toujours le choix entre la voie raisonnable, qui n'exclut ni la fermeté, ni l'ambition, ni l'efficacité – c'est le projet du Gouvernement –, et la voie hasardeuse suivie par les Britanniques et les Polonais.
C'est une plongée dans l'abîme qui nous menace si nous acceptons de modifier ab irato, sans réfléchir, certaines dispositions de la Constitution.
Si vous voulez convaincre l'Assemblée et le Gouvernement de vous suivre, travaillons ensemble, monsieur le rapporteur. Allez rencontrer le Président de la République
Exclamations sur les bancs du groupe LR
pour évoquer avec lui une modification de la Constitution, comme l'a fait le président Larcher, dont je salue le sens des responsabilités.
Un homme poli et distingué, le président Larcher ! Pas du tout un grossier personnage !
Les modifications législatives que nous proposons appellent un large consensus, vous le savez bien, puisqu'elles sont inspirées de propositions du Sénat. C'est un paquet clefs en main que nous vous présentons, et tous ceux qui appartiennent à des partis de gouvernement devraient le prendre en considération en écartant toute réflexion démagogique.
Monsieur le rapporteur, nous prenons votre texte comme une proposition de loi d'appel sur laquelle nous pouvons travailler ensemble.
Comme M. Ciotti l'a lui-même souligné, deux membres du Gouvernement sont présents pour l'examen de ce texte. Qu'auriez-vous dit s'il en avait été autrement ? Vous auriez réclamé à cor et à cri notre présence.
Cette proposition de loi tend à modifier huit articles de la Constitution et tous les traités européens ; son adoption remettrait en cause les engagements européens et internationaux de la France : permettez que nous nous exprimions pendant quarante-cinq minutes ! Nous avons autant de temps qu'il nous faut pour en parler. Si vous vouliez être sûrs d'aller jusqu'au vote, il aurait d'ailleurs fallu inscrire cette proposition de loi constitutionnelle comme premier point à l'ordre du jour.
Acceptez que nous prenions quelques instants pour discuter sérieusement.
Le projet de loi que nous examinerons à partir de lundi, tel que la commission des lois l'a adopté dans un souci l'intérêt général, n'enlève rien à votre proposition de loi constitutionnelle. L'examen de français pour obtenir un titre de séjour ne relève pas d'une loi constitutionnelle, mais de la loi ordinaire – j'espère que vous voterez notre projet de loi.
L'expulsion des délinquants étrangers, c'est encore la loi ordinaire – je vous renvoie aux modifications intervenues en 2000 – et j'espère que vous voterez notre projet de loi.
Le retrait des titres de séjour en cas de non-respect des principes de la République, c'est la loi ordinaire et j'espère que vous voterez notre projet de loi.
La possibilité offerte à la police aux frontières de procéder à une inspection des véhicules, comme les douaniers, c'est la loi ordinaire et j'espère que vous voterez notre projet de loi.
L'emploi de moyens coercitifs pour la prise d'empreintes de personnes en situation irrégulière, c'est la loi ordinaire et j'espère que vous voterez notre projet de loi.
Les dispositions concernant le droit du sang et le droit du sol à Mayotte pour lutter contre les difficultés que connaissent nos amis mahorais – M. Kamardine a déposé des amendements en ce sens –, c'est la loi ordinaire et j'espère que vous voterez notre projet de loi.
L'aggravation des peines à l'encontre des passeurs, qui seraient punis non plus pour un délit mais pour un crime, avec des peines de prison non plus de cinq ans mais de vingt ans, dans le prolongement des propositions du garde des sceaux, c'est la loi ordinaire et j'espère que vous voterez notre projet de loi.
La nécessité de présenter un titre de séjour régulier pour accéder au statut d'autoentrepreneur, c'est la loi ordinaire et j'espère que vous voterez notre projet de loi.
Les sanctions renforcées à l'encontre des employeurs qui, en embauchant des étrangers en situation irrégulière, créent des filières clandestines, c'est la loi ordinaire et j'espère que vous voterez notre projet de loi.
Les restrictions au regroupement familial, c'est la loi ordinaire et j'espère que vous voterez les modifications apportées par le Sénat.
Le renforcement des conditions de recrutement des personnes en situation irrégulière, avec l'obligation de faire travailler en même temps des personnes de nationalité française, c'est la loi ordinaire et j'espère que vous voterez notre projet de loi.
J'espère, monsieur le rapporteur, que vous voterez toutes les dispositions conformes à l'intérêt général, qui permettront de protéger les Français, sans pour autant modifier la Constitution. J'espère que vous voterez notre projet de loi ordinaire. Si tel n'est pas le cas, je devrai constater que vous faites alliance avec La France insoumise.
Discuter de la Constitution, c'est important et nous sommes ouverts à un tel débat. Nous pensons seulement qu'il faut le mener avec le Sénat, de manière consensuelle. Vous nous demandez souvent d'adopter les dispositions votées par la commission des lois de la Haute Assemblée. Force est de constater que celle-ci n'a pas soutenu hier votre proposition de loi constitutionnelle.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Enfin ! On aurait eu le temps d'écrire la Constitution de la VI
Monsieur le ministre, si on peut aller déjeuner tout de suite, dites-le nous !
À moins que mon tympan m'ait fait défaut, j'ai entendu parler de fromage et de dessert. Je ne sais pas qui est le fromage et qui est le dessert ,
Sourires
mais je tiens à vous dire, en préambule, que notre présence conjointe est le signe du respect que nous devons aux oppositions.
Elle s'explique aussi par l'importance du texte, car il n'aura échappé à personne qu'il s'agit de procéder à une modification constitutionnelle. Cela n'est pas rien. Je serai plus bref que mon collègue ,
« Ah ! » sur plusieurs bancs
mais je souhaite présenter un argumentaire sous l'angle du droit, comme c'est, il me semble, le rôle du garde des sceaux.
Si vous m'y autorisez, je commencerai par un mot d'introduction. Disons-le tout net, la maîtrise des flux migratoires et la lutte contre l'immigration illégale constituent des objectifs prioritaires de l'action du Gouvernement. Je vous rejoins donc, monsieur le rapporteur, quant à la nécessité de poursuivre notre action sur le terrain. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle mon collègue Gérald Darmanin défend avec force et avec détermination un projet de loi qu'examine actuellement votre assemblée.
Votre proposition de loi vise également à lutter contre le séparatisme islamiste, qui – là encore, je vous rejoins – constitue une réelle menace pour notre démocratie, car il teste à chaque attentat notre capacité à faire société et à faire vivre nos valeurs. C'est précisément la raison pour laquelle nous luttons contre lui sans relâche depuis 2017, en activant tous les leviers utiles pour lui mener une guerre sans merci et terrasser enfin ce que le Président de la République a appelé « l'hydre islamiste ».
Cela dit, puisque nous sommes ici réunis pour faire la loi – constitutionnelle, en l'occurrence –, je vous propose d'examiner au prisme du droit, avec objectivité et sans dogmatisme, les dispositions du texte qui vous est soumis.
Le titre I
L'article 1er a pour but de défendre à quiconque de se prévaloir de son origine ou de sa religion pour se soustraire aux lois de la République et aux règles communes. Or le Conseil constitutionnel a déjà établi comme principe constitutionnel l'unicité du peuple français, dont une décision du 15 juin 1999 précise qu'elle fait obstacle « à ce que soient reconnus des droits collectifs à quelque groupe que ce soit, défini par une communauté d'origine, de culture, de langue ou de croyance ». Il a par ailleurs jugé, par une décision du 19 novembre 2004, que « les dispositions de l'article 1er de la Constitution […] interdisent à quiconque de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s'affranchir des règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers ». Tout est dit.
Cela relève de l'évidence, mais il semblait nécessaire de le rappeler : la Constitution interdit déjà que la loi s'applique différemment à certaines personnes en raison de leur origine ou de leur religion.
Depuis 2017, la lutte contre la radicalisation identitaire et religieuse constitue, elle aussi, une priorité du Gouvernement. Ainsi, la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a permis de renforcer notre arsenal juridique pour lutter très concrètement contre tous les séparatismes. Elle a doté les pouvoirs publics de nouveaux outils grâce à la création d'un délit de séparatisme et d'un délit d'entrave à la fonction d'enseignant, à la création d'un déféré préfectoral visant à protéger la laïcité et la neutralité dans le service public, ou encore à un contrôle accru des associations. Dans une décision du 13 août 2021, le Conseil constitutionnel a validé l'essentiel de ces dispositions ; surtout, il n'en a pas contesté le principe. Il me semble donc, monsieur le rapporteur, que notre cadre constitutionnel actuel est déjà parfaitement adapté pour accomplir ce que vise votre article 1er .
L'article 2 vise à ouvrir le champ du référendum défini à l'article 11 de la Constitution à tout projet de loi ou projet de loi organique. J'ai eu l'occasion de m'exprimer récemment devant le Sénat au sujet de la rénovation de l'article 11, et je n'ai pas changé d'avis depuis : j'y suis favorable, à condition qu'un tel projet s'inscrive dans le cadre d'une réflexion aboutie sur l'avenir des institutions et de notre système représentatif. Or – permettez-moi de vous le dire avec la franchise que je vous dois – tel n'est pas le cas de cette proposition de loi.
Certes, le texte part d'un constat auquel je souscris : le champ référendaire de l'article 11 de la Constitution apparaît désormais à la fois trop restreint et trop incertain. Trop restreint, car de nombreux pans du droit qui intéressent pourtant au plus près les Français sont exclus de ce dispositif de démocratie directe ; comme l'a dit le Président de la République, il importe que les Français soient associés plus souvent et dans davantage de domaines à la prise de décisions publiques. Trop incertain, car les termes actuels de l'article 11 ont suscité de nombreuses controverses doctrinales, en particulier au sujet de la notion de réforme, au sens de la jurisprudence constitutionnelle. Le champ référendaire mérite donc, à tout le moins, d'être clarifié et, sans doute, d'être étendu.
Néanmoins, en dépit de l'ouverture à laquelle elle tend, la solution retenue dans la proposition de loi me semble déraisonnable. En effet, elle aurait pour effet d'étendre le champ référendaire à l'ensemble du domaine de la loi qui, on le sait, ne se limite même pas au champ de l'article 34 de la Constitution, mais le dépasse largement.
Je serai très clair : le Gouvernement n'est pas opposé au principe de l'extension du champ référendaire. Cependant, il importe de ménager certaines exceptions et de prendre garde à certaines catégories de lois qui apparaissent incompatibles avec la pratique du référendum. Je pense, bien entendu, aux lois particulières que sont les lois de finances, les lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) et les lois de programmation des finances publiques (LPFP) ; je suis sûr que les auteurs de la proposition de loi tomberont d'accord avec le Gouvernement sur ce point. Pour ma part, j'inclinerais à exclure, en outre, les matières particulières que sont le droit pénal et le droit fiscal, qui doivent rester des prérogatives exclusives du Parlement.
La solution que retient la proposition de loi pour modifier le champ référendaire ne me semble donc pas être la bonne. D'ailleurs, je rappelle que le Sénat examine, quasiment en même temps que l'Assemblée nationale, la même proposition de loi constitutionnelle. Or figurez-vous qu'hier matin, la commission des lois du Sénat a supprimé l'article 2 par l'adoption d'un amendement de la majorité sénatoriale, qui n'est pas la même que la majorité de l'Assemblée nationale.
En outre, le texte n'aborde pas la question essentielle des conditions de déclenchement du référendum d'initiative partagée (RIP). Or cet outil de respiration démocratique, dont le Président de la République a émis le souhait qu'il soit amélioré, recèle un potentiel considérable pour mieux associer les Français à l'élaboration des lois. Des pistes intéressantes de réforme ont été ouvertes le mois dernier devant le Sénat.
En l'état, le texte ne me paraît donc pas abouti.
Les débats que nous tiendrons nous permettront peut-être de faire évoluer l'article 2 pour parvenir à un consensus nous permettant de redonner à chaque citoyen, comme disait Jaurès, « sa part de souveraineté ».
L'article 3, ensuite, vise à instituer un bien mal nommé bouclier constitutionnel. Ce dispositif prétend écarter le droit international, au mépris du respect de la hiérarchie des normes, lorsque sont en cause des principes inhérents à l'identité constitutionnelle de la France ou à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la nation. Les auteurs du texte entendent ainsi se délier du respect des conventions internationales et des normes européennes qui protègent certains droits en matière d'immigration et d'asile.
Il s'agirait là d'une considérable régression. En effet, l'alinéa 14 du préambule de la Constitution de 1946 dispose que « La République française, fidèle à ses traditions, se conforme aux règles du droit public international ». L'article 55 de la Constitution de 1958 a repris cet héritage, en prévoyant très explicitement la supériorité des traités internationaux sur les lois. La Constitution demeure, en droit interne, la norme suprême. D'ailleurs, le Conseil constitutionnel a déjà eu l'occasion de rappeler, par exemple dans une décision du 27 juillet 2006, que « la transposition d'une directive ne saurait aller à l'encontre d'une règle ou d'un principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France ».
Pour sa part, le droit international est indifférent aux classifications de droit interne : il s'applique toujours avec la même rigueur, quels que soient les obstacles normatifs dans chaque pays. C'est la traduction du principe Pacta sunt servanda, qui signifie que les conventions obligent ceux qui les ont conclues.
Certains accablent souvent les conventions internationales ou l'Union européenne ; vous m'excuserez de faire ce rappel frappé au coin du bon sens, mais personne n'a forcé la France à signer ces traités. Comme l'a rappelé Gérald Darmanin, la France, par la voix de ses dirigeants successifs – y compris de votre famille politique, monsieur le président Ciotti, qui a eu bien raison de le faire à chaque fois qu'elle a été au pouvoir –,…
Sourires sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
…a souverainement décidé d'être partie ou non à différents traités, après en avoir mesuré tant les bénéfices que les désavantages.
En tout cas, la France, en nation qui tient sa parole, respecte les engagements qu'elle a pris. Si elle ne le fait pas, elle est passible d'une condamnation. Telle est la règle de droit. Or c'est à ce principe élémentaire, fondamental, cardinal que cette proposition de loi entend déroger. Est-ce là l'image que la France entend donner d'elle-même ?
Choisir cette voie porterait durablement atteinte à l'image de la France dans le monde, à la crédibilité du pays sur la scène internationale et à son influence au sein de l'Union européenne. Choisir cette voie, c'est prendre le risque de nous isoler diplomatiquement.
Pour conclure au sujet de l'article 3, je rappelle que la commission des lois du Sénat a, là encore, supprimé cet article hier matin, par l'adoption d'un amendement du sénateur centriste Philippe Bonnecarrère.
Il n'est pas d'usage d'invoquer la sagesse d'une chambre devant l'autre, mais permettez-moi de faire une exception et de saluer ce vote de la commission des lois du Sénat.
J'en viens enfin au titre II de la proposition de loi constitutionnelle, qui concerne les dispositions relatives à la nationalité.
À ce jour, la Constitution ne contient pas de dispositions sur la nationalité ; elle ne l'envisage que comme condition de l'expression du suffrage des citoyens. Elle confère au législateur le soin de fixer les règles relatives à la nationalité française.
Le législateur, j'en suis convaincu, doit conserver sa pleine et entière compétence pour décider des critères d'accès à la nationalité française. Lui seul est à même d'adapter le droit de la nationalité aux évolutions de notre société.
Concernant l'article 4, qui soumet l'accès à la nationalité française à l'assimilation à la communauté française, pardon de le rappeler, mais il ne fait que reprendre les termes de l'article 21-24 du code civil qui dispose en particulier que : « Nul ne peut être naturalisé s'il ne justifie de son assimilation à la communauté française, notamment par une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue, de l'histoire, de la culture et de la société françaises, […] et des droits et devoirs conférés par la nationalité française ainsi que par l'adhésion aux principes et aux valeurs essentiels de la République. » Monsieur le rapporteur, notre droit actuel est donc clair sur ce point et vos propositions sont – pardon de vous le dire avec cette liberté – redondantes.
Sourires.
Insérer la notion d'assimilation à la communauté française dans la Constitution n'aurait que peu d'effet puisque le principe de l'indivisibilité de la République, dont découle l'assimilation, est déjà consacré à l'article 1er de la Constitution.
Je remarque que, sur ce point, la majorité sénatoriale a amendé l'article 4 pour renvoyer à la loi les conditions d'application du principe d'assimilation. Or c'est déjà précisément ce que fait la loi – je viens de vous citer l'article du code civil en question.
Je vous rappelle que les dispositions légales actuelles portent déjà en elles-mêmes des critères permettant de s'assurer de la pleine intégration à la nation, par exemple la naissance et la résidence en France à l'âge de la scolarité obligatoire.
Je ne suis donc pas certain que cet ajout dans la Constitution change la donne, aussi n'y suis-je pas favorable.
Vous l'aurez compris, les débats à venir s'annoncent riches. Si, sur certains points, ils seront l'occasion de mettre à jour des divergences, je souhaite aussi qu'ils nous permettent de dégager des convergences, dans l'intérêt supérieur de notre pays et de notre démocratie.
Tel est, mesdames, messieurs les députés, mon état d'esprit alors que s'ouvre cette discussion générale.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Sans surprise, les commissaires aux lois ont rejeté notre proposition de loi constitutionnelle relative à la souveraineté de la France, à la nationalité, à l'immigration et à l'asile.
MM. Arthur Delaporte et Benjamin Lucas applaudissent.
Je veux tout d'abord revenir sur les conditions d'examen de ce texte. La nature du sujet et la gravité des événements qui ont endeuillé récemment notre pays, notamment la mort de Thomas et l'attentat terroriste islamiste du 2 décembre…
…ont tragiquement mis en lumière, une fois encore, une fois de trop, les questions que pose l'immigration dont sont originaires les auteurs présumés des meurtres.
Gérard Collomb craignait que, demain, nous vivions « face à face ». Aujourd'hui, nous y sommes,…
…comme madame le maire de Romans-sur-Isère l'a courageusement dénoncé, ce qui lui vaut des menaces de mort.
Dans une démocratie mature, nous devrions pouvoir débattre de ces sujets…
Exclamations sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
…sans avoir à subir les invectives et les procès d'intention, qui depuis un demi-siècle privent les Français non seulement de ce débat, mais surtout des décisions politiques qui s'imposeraient.
Pour 82 % des Français, l'immigration est un sujet dont on ne peut pas parler sereinement. Parmi eux, il y a, bien plus que vous ne le croyez, des Français issus de l'immigration qui aspirent à une vie paisible que ne peut leur garantir qu'une politique plus ferme.
« Rance », « radicalisée », et bien sûr « raciste », voilà les qualificatifs que nous avons entendus…
…avec M. le rapporteur, de la part d'une gauche, qui est, elle, pour le coup, complètement radicalisée, spéciale dédicace à M. Benjamin Lucas.
Elle s'est exprimée clairement en faveur d'un accueil inconditionnel de tous les étrangers qui souhaitent venir irrégulièrement sur notre sol.
Il y a les aveugles qui ne voient pas ce qu'ils voient, enracinés dans une idéologie qui fait fi des réalités, en se réfugiant dans des certitudes d'une autre époque. Pourtant, « Nul n'est censé ignorer la réalité », pour reprendre la formule de Laurent Obertone.
Et puis il y a les cyniques, qui font fi de l'intérêt général pour de petits calculs qui servent leurs intérêts politiques. Cette attitude de la gauche radicalisée est au prix d'un double renoncement : renoncement à voir la réalité et renoncement à entendre les Français qui vous disent, enquête après enquête, qu'il y a trop d'arrivées d'étrangers en France, ce que corroborent parfaitement les statistiques du ministère de l'intérieur : ces arrivées n'ont jamais été aussi nombreuses qu'en 2022. Actuellement, 78 % des Français considèrent qu'il y a trop d'immigrés en France ; c'est 11 points de plus en cinq ans. C'est le prix de l'irrésolution.
Les Français ne sont pas racistes, et pourtant certains vivent des situations extraordinairement difficiles. Allez donner des leçons aux habitants du quartier de La Chapelle à Paris qui vivent un enfer. Ce qui s'y passe est une honte absolue. Honte aussi à ceux qui ne veulent rien changer et n'offrent comme perspective que les eaux dangereuses de la Méditerranée ou les tentes de fortune des trottoirs de nos villes. Est-ce là l'humanité ?
Diminuer l'immigration, c'est précisément le sens des plafonds migratoires que nous voulons instaurer. Bien sûr, la gauche ne veut pas de quotas, mais la majorité n'en veut pas davantage. Vous l'avez dit clairement lors de l'examen du projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, la semaine dernière en commission. Et pourtant, monsieur le ministre de l'intérieur, vous avez déclaré à propos de cette proposition de loi constitutionnelle : « Discutons-en ! »
Nous y sommes, même si chacun est bien conscient que la réforme constitutionnelle se décide non à Beauvau mais à l'Élysée.
Réformer la Constitution pour défendre un droit qui n'est pas menacé ne pose pas de problème au Président de la République, mais réformer la Constitution pour répondre aux fractures engendrées par une immigration que nos dirigeants sont incapables de juguler, c'est le refus d'obstacle. Le Président de la République s'est étonné du fait que, lors de ses derniers déplacements, les personnes qu'il a rencontrées lui aient principalement parlé de pouvoir d'achat, comme si les problèmes dont on ne lui parle pas n'existaient pas. Mais pour entendre les Français, encore faut-il leur donner la parole.
Il n'est pas un autre phénomène qui ait modifié plus profondément notre pays que l'immigration, sans que jamais les Français n'aient eu leur mot à dire. Communautarisme, radicalisation, haine de la France et de ses valeurs fracturent comme jamais notre pays. Dans une enquête récente qui a fait grand bruit, 57 % des jeunes musulmans déclarent que la charia est plus importante que la République.
Terrible réalité qu'il faut regarder en face ! Rappeler que ni la religion ni l'origine n'autorisent à se soustraire aux lois de la République, c'est précisément l'objet de l'article 1er de cette proposition de loi constitutionnelle. Le communautarisme n'est rien de moins que la remise en cause du pacte républicain. Pour y mettre vraiment un terme, il faut renforcer nos exigences constitutionnelles.
Pour donner la parole aux Français, une réforme constitutionnelle est nécessaire et possible en élargissant le champ du recours au référendum prévu à l'article 11.
Si j'ai bien compris, vous y êtes favorable, monsieur le garde des sceaux. Comme vous le savez, il est limité actuellement à l'organisation des pouvoirs publics, aux réformes relatives à la politique économique et sociale et aux services publics qui y concourent ainsi qu'à la ratification des traités internationaux.
L'article 2 prévoit que les Français puissent se prononcer par référendum sur les questions relatives à l'entrée et au séjour des étrangers en France ainsi que sur le droit de la nationalité. Que craignez-vous que les Français vous disent que vous ne sachiez déjà ? Craignez-vous qu'ils vous placent devant vos responsabilités ?
Les Français ne sont pas racistes, je veux le redire. Ils sauront exprimer, de façon sensée et raisonnable, ce qui est bon pour le pays. Ils vous diraient sans doute, comme ils nous le disent, qu'il est moins utile d'exalter la diversité que de rappeler l'intérêt de ce qui doit impérativement nous unir : la langue, la culture, le respect des valeurs et des principes de la République, les droits et les devoirs.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs du groupe HOR.
C'est le sens de l'assimilation traitée dans l'article 4 qui a donné lieu en commission à des détournements de sens malhonnêtes intellectuellement. Les Bretons y ont vu une atteinte portée à leur identité, d'autres y ont même vu des relents de colonialisme
M. Antoine Léaument acquiesce
Il faut diminuer l'immigration, pour les étrangers eux-mêmes, ceux qui aiment la France et veulent y vivre et s'y intégrer. Cependant, depuis dix ans, à quoi avons-nous assisté ? À l'utilisation d'un instrument de régularisation permanent, avec la circulaire Valls du 28 novembre 2012. Manuel Valls, après avoir déclaré en 2012 que « L'immigration a été, est, et continuera d'être […] une chance » pour la France, a reconnu dix ans après, alors qu'il n'était plus en capacité de le faire, qu'« il faut arrêter l'immigration ». On ne peut être plus clair. Toutefois, la lucidité n'est crédible que quand elle peut se traduire en actes.
Le projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, censé résoudre le détournement du droit d'asile, a de fait élargi les possibilités d'y avoir recours. Durcir et assouplir à la fois est impossible. Il faut un message clair et une politique résolue. Je veux bien vous en accorder le crédit, monsieur le ministre de l'intérieur mais, hélas, votre majorité vous en empêche, au moins partiellement.
L'article 8 complète les dispositions relatives à l'asile et prévoit que les demandes soient effectuées en dehors du territoire national. En effet, vous l'avez dit vous-même, monsieur le ministre de l'intérieur, une fois que le demandeur d'asile est sur notre sol, même s'il sait qu'il n'y aura pas droit, de recours en recours il s'établit, fonde famille, trouve un travail grâce auquel, du fait de la disposition de l'article 4 bis de votre projet de loi, il pourra à terme être régularisé.
Je rappelle que, selon la Cour des comptes, 96 % des demandeurs d'asile déboutés restent en France.
C'est un vrai problème, auquel il faut apporter des solutions.
Nous vous faisons une proposition.
On peut y travailler.
Monsieur le garde des sceaux, chacun sait que le juge supplante trop souvent le politique. Le poids grandissant de la jurisprudence française et européenne contribue à une certaine impuissance publique, comme le dit Michèle Tribalat.
La France n'est-elle pas régulièrement condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme,…
… ou par la Cour de justice de l'Union européenne ? N'est-elle empêchée dans ses décisions, par exemple lorsqu'elle veut expulser un étranger, si dangereux soit-il, dès lors qu'il pourrait être exposé à de mauvais traitements dans son pays, qu'il risque d'y être jugé inéquitablement ou que sa santé est menacée ?
L'article 7 permet l'éloignement des étrangers représentant une menace pour l'ordre public ou ayant été condamnés à une peine d'emprisonnement. Comment comprendre que la majorité ait voté avec La France insoumise contre cet article 7 ? C'est indigne !
Au vu des amendements que vous avez déposés, la majorité s'abandonne aux futiles délices de la diversion. Vous irez expliquer à nos concitoyens, ceux-là mêmes qui souffrent de ces problèmes, pourquoi vous leur objectez la préservation de l'environnement et la lutte contre le changement climatique. C'est une provocation dont il n'y a pas lieu d'être fier.
Mme la présidente coupe le micro de l'oratrice, dont le temps de parole est écoulé. – Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Caroline Parmentier applaudit également.
« Est-il raisonnable, mes chers collègues, d'importer dans notre pays déjà si fracturé les débats qui divisent […] ? Est-il raisonnable de vouloir un référendum sur un tel sujet […] ? Vous savez pertinemment que, pour que le texte aboutisse, il faudra en passer par là ». Ces mots ont été prononcés par le président Retailleau lors de l'examen au Sénat de la proposition de loi constitutionnelle visant à protéger et à garantir le droit fondamental à l'interruption volontaire de grossesse.
Monsieur le rapporteur, votre proposition de loi constitutionnelle relative à la souveraineté, à la nationalité et à l'immigration – qui fait fi des principes conventionnels et constitutionnels – s'inscrit dans un climat de scepticisme et de défiance à l'endroit de la construction européenne. Comme en commission, j'aborde ce texte avec angoisse et inquiétude. Comment la famille politique des Républicains – si importante dans l'histoire contemporaine de notre pays et qui se dit héritière du gaullisme – peut-elle avoir abandonné les valeurs humanistes et républicaines qu'elle a, un temps, contribué à construire ?
Pourquoi courez-vous derrière les idées du Rassemblement national ? Vous ne les rattraperez jamais.
M. Benoit Mournet applaudit.
Je dois toutefois reconnaître que, depuis plusieurs années, vous avez le mérite d'être constants dans cette position quasiment anti-européenne. Déjà, la semaine dernière, lors de nos débats en commission sur le projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, vous avez perdu de longues minutes à débattre d'un amendement visant à rendre inapplicable l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme qui, je le rappelle, porte sur le droit à la vie privée et familiale.
Le groupe Démocrate ne peut donc que s'opposer fermement à une telle proposition de loi constitutionnelle qui va à rebours de nos valeurs et de notre attachement à la construction européenne. Ce que vous proposez contrevient à la plus élémentaire hiérarchie des normes, au motif qu'il faudrait sauver notre identité constitutionnelle. Or, ni le Conseil constitutionnel ni le Conseil d'État ne vous ont attendus pour s'assurer que les transpositions n'aillent pas à l'encontre d'une règle ou d'un principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France.
L'article 3, qui vise à créer une dérogation au droit européen en matière migratoire, n'a donc aucun sens. Vous iriez plus vite en disant clairement que vous voulez que la France sorte de l'Union européenne. Est-ce vraiment ce que souhaitent Les Républicains aujourd'hui ?
Ils sont partis, en effet. Nous nous targuons tous – à commencer par vous, monsieur le rapporteur – de vivre dans le pays des droits de l'homme. Au-delà des formules, il faut bien comprendre ce que cela signifie : nous avons la chance de vivre dans un pays qui défend des valeurs d'humanisme et de fraternité. Nous devons donc regarder les hommes et les femmes qui rejoignent notre territoire comme de véritables êtres humains, et non comme les variables d'ajustement de notre politique intérieure et de notre politique migratoire.
Mme Soumya Bourouaha applaudit.
Chers collègues du groupe Les Républicains, je pense que vous avez parfois tendance à l'oublier.
Vous souhaitez aussi inscrire dans la Constitution le fait que « nul ne peut se prévaloir de son origine ou de sa religion pour se soustraire aux lois de la République ». Je rappelle que le principe de laïcité garantit le respect de la liberté de conscience et de culte, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi. Dans sa décision du 19 novembre 2004, le Conseil constitutionnel a rappelé que les dispositions de l'article 1er de la Constitution, aux termes desquelles la France est une République laïque, interdisent à quiconque de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s'affranchir des règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers. Votre article, simplement déclaratoire, est donc déjà satisfait par le droit constitutionnel en vigueur.
Nos collègues européens débattent du pacte sur la migration et l'asile ; toute la semaine dernière, la commission des lois a débattu du projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration. Alors que nous reprenons nos débats en séance dès la semaine prochaine et jusqu'à Noël,…
…il aurait été logique et tout à votre honneur de retirer votre proposition de loi. L'opportunité d'un tel débat, alors même que les discussions ne sont arrivées à leur terme ni au niveau européen ni en France, est plus que contestable.
Mme la présidente coupe le micro de l'orateur, dont le temps de parole est écoulé. – M. Benoit Mournet applaudit.
« Immigration de masse » et « chaos migratoire » sont les mots d'ordre de cette proposition de loi constitutionnelle qui fonde sa légitimité sur l'idée d'une submersion migratoire, en agitant les peurs. Si nous n'avons pas toujours su veiller à un meilleur accueil et une répartition optimale des immigrés sur notre territoire,…
…ni contrôler plus efficacement l'immigration clandestine, il est extravagant d'en faire porter la responsabilité à la Constitution. Certes, comparaison n'est pas raison ; mais, en 2008, au moment de l'importante réforme constitutionnelle effectuée sous la présidence de Nicolas Sarkozy, il n'était pas question de perte de souveraineté de la France. Le défi migratoire ne peut justifier un tel changement de pied ; pour nous, il s'agit plutôt d'un appel du pied au Rassemblement national.
Sur la forme, de l'aveu même de certains membres du groupe LR, il s'agit d'un texte d'appel. En tant qu'élus, nous portons une lourde responsabilité républicaine. Je m'inquiète donc de voir une partie du groupe LR, qui nous a pourtant habitués à des exigences d'ordre et de droit, répondre ainsi aux sirènes du populisme.
Si l'immigration augmente – en raison des désordres géostratégiques, des guerres et du réchauffement climatique –, elle est loin de justifier d'agiter ainsi les peurs : pour moitié, l'immigration est liée aux migrations estudiantines ; pour un quart, elle est liée au travail ; pour un dernier quart, aux demandes d'asile. Imposons-nous donc de faire la pédagogie de la complexité plutôt que la démagogie de la simplification.
Sur le fond, c'est un texte au mieux inutile – car apportant de la confusion juridique –, et, au pire, dangereux et mortifère pour les droits fondamentaux. Inutile, l'article 1er , qui interdit de se prévaloir de son origine ou de sa religion pour se soustraire à la loi, l'est : à travers une formulation négative, il ajoute une disposition redondante dans la Constitution, laquelle pose déjà clairement le principe de laïcité dans son article 1er .
Par ailleurs, ce texte crée de l'insécurité juridique. L'article 3 rend inintelligible le principe de la hiérarchie des normes, dont l'application n'a pourtant pas révélé d'excès. Rester au sein de l'Union européenne sans faire primer les textes européens sur le droit national est impossible en l'état actuel du droit européen. Au lieu de se replier sur elle-même, la France doit être le fer de lance d'une coopération renforcée en matière migratoire.
La ratification des traités par les parlements nationaux permet d'émettre des réserves sur des dispositions internationales. Sans doute devons-nous en revanche exiger que notre Parlement soit davantage consulté sur l'engagement européen et international de la France. Ceci pourrait faire l'objet d'une disposition dans la loi fondamentale, mais il n'en est pas question dans le texte dont nous débattons.
Nous comprenons aussi que cette proposition de loi constitutionnelle constitue en réalité un Frexit conventionnel, dont l'une des motivations est de contrevenir à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui garantit le droit au respect de la vie privée et familiale. Or c'est méconnaître le second alinéa de cet article qui prévoit déjà des limitations extrêmement fortes. La jurisprudence équilibrée de la Cour européenne des droits de l'homme laisse par ailleurs une très grande latitude aux États.
Enfin, il s'agit d'un texte dangereux et mortifère pour les droits fondamentaux. L'extension du champ des textes pouvant être soumis au référendum – lequel nécessiterait d'ailleurs un simple avis, et non pas une décision du Conseil constitutionnel –, prévue à l'article 2, emporte un risque d'atteinte aux principes, droits et libertés garantis par la Constitution. C'est ici tout l'esprit du constituant de 1958, puis de 1995, qui est remis en question, puisqu'il s'agissait d'exclure les référendums susceptibles de susciter des tentations démagogiques.
Ce n'est pas pour des raisons démocratiques que vous souhaitez étendre le champ du référendum ; il s'agit plutôt d'utiliser cet outil pour aller chercher le vote populiste. Vous n'avez donc oublié les propos d'un des vôtres, Jacques Toubon, qui affirmait : « À un référendum sur l'immigration, la réponse ne peut être que populiste », puisque la question ne peut être qu'ambiguë et floue.
Il faudrait réfléchir à un champ référendaire impliquant une autre organisation, qui permette aux citoyens de s'emparer pleinement des questions posées. La priorité du groupe Socialistes et apparentés est plutôt de faciliter l'accès au référendum d'initiative partagée, dont les conditions d'activation sont très restrictives.
Là encore, une révision constitutionnelle est attendue, mais ce n'est pas celle que vous proposez. Mon groupe votera contre ce texte, tout en constatant que l'extrême droite implante au sein de la droite républicaine son vocabulaire et ses cadres de pensée, ce que nous regrettons sincèrement.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES.
En conclusion, je dirai que ce texte n'est ni fait, ni à faire. C'est ainsi que pourrait se résumer l'intervention du ministre de l'intérieur. .
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, Écolo – NUPES, LFI – NUPES et GDR – NUPES
Recouvrer notre souveraineté en matière d'immigration, tel est l'objectif louable que s'est fixé le groupe Les Républicains à travers cette proposition de loi constitutionnelle.
Force est de constater que, depuis 1986, nous avons voté plus de vingt lois sur l'immigration dans cet hémicycle. Pourtant, nous voici une nouvelle fois amenés à débattre de cette question qui – pour des raisons idéologiques mais aussi souvent intimes –, nous anime profondément et conduit malheureusement certains à se murer dans des postures regrettables.
Oui, pour l'Europe, la question migratoire est avant tout une question de résilience de long terme. Toutefois, elle ne saurait se poser sans tenir compte de la conjoncture géopolitique, dont l'évolution est très difficilement prévisible – qu'on songe aux guerres, aux crises économiques et, bientôt, aux effets du changement climatique. Selon certaines projections, l'Afrique comptera 4 milliards d'habitants en 2100, contre 650 millions en Europe, et sa population sera bien plus jeune. Nous partageons avec nous ce constat : face à ce vertige démographique, il faut agir.
Je crains cependant que le groupe Horizons et apparentés ne diverge quant aux solutions proposées pour y répondre efficacement. D'abord, il ne nous semble pas raisonnable de procéder à des modifications aussi substantielles du contenu et de l'équilibre de notre Constitution dans le cadre d'une niche parlementaire.
Ensuite, sur le fond, il est évident que personne ne doit pouvoir se prévaloir de son origine ou de sa religion pour enfreindre les lois de la République, ni accéder à la nationalité française sans en partager les valeurs, les coutumes et la langue. Ces principes, qui sous-tendent déjà la Constitution, nécessitent-ils que celle-ci soit modifiée ? Je ne le crois pas, d'autant qu'inscrire le principe d'assimilation dans la Constitution conduirait in fine le juge constitutionnel à décider ce qu'est être français – je ne crois pas que cette tâche doive lui revenir.
Outre ces propositions principielles, vous souhaitez que certaines demandes de titres de séjour s'effectuent en dehors de nos frontières, dans des lieux sûrs. C'est une excellente mesure. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous croyons profondément qu'il est nécessaire que les négociations portant sur le pacte européen sur la migration et l'asile aboutissent, afin de remédier aux insuffisances du règlement de Dublin.
Soyons lucides et honnêtes : la France n'est pas une île. Ce serait mentir que de faire croire qu'une politique française isolée et individuelle est possible au sein d'un espace de libre circulation des personnes – les promesses déçues de Mme Meloni en sont l'exemple le plus flagrant.
Deux des dispositions que vous proposez m'interrogent davantage et me semblent constituer une rupture avec l'Union Européenne, l'Europe et le monde. En proposant d'inscrire dans la Constitution la possibilité de déroger aux engagements européens et internationaux de la France, cette proposition de loi constitutionnelle me paraît à la fois remettre en cause la crédibilité et la fiabilité de la France, et légitimer le non-respect du droit européen et international par d'autres pays.
Le groupe Horizons et apparentés ne nie pas la nécessité d'infléchir l'interprétation jurisprudentielle de certains principes – tels que le droit à une vie privée et familiale – lorsqu'elle ne correspond pas aux enjeux sécuritaires auxquels l'Europe fait désormais face. Toutefois, nous sommes également convaincus que le dialogue des juges peut permettre d'atteindre cet objectif – les récents arrêts du Conseil d'État en témoignent.
Cette proposition entre aussi en rupture avec l'esprit même de notre Constitution telle que le général de Gaulle l'a imaginée. Les constituants de 1958 ont fait un choix auquel nous sommes attachés : celui de la démocratie représentative, qui, par le jeu entre une majorité et une opposition, permet de relayer et de structurer les débats qui animent notre société, selon des procédures claires et surtout en vertu d'un mode de désignation au suffrage universel direct qui assoit la légitimité de ceux qui font la loi.
S'il faut reconnaître que ce modèle souffre et qu'il est nécessaire d'instaurer des mécanismes de démocratie directe, on ne saurait opposer les souverainetés. Le groupe Horizons et apparentés considère qu'une telle extension du champ de l'article 11 de la Constitution constituerait une rupture avec l'héritage gaulliste et avec le principe même d'une démocratie représentative, auquel nous sommes particulièrement attachés.
Je me réjouis néanmoins que les dispositions permettant de donner les moyens juridiques à l'administration pour expulser les étrangers délinquants recueillent votre assentiment. Nous aurons l'occasion d'en débattre à compter de lundi prochain.
Vous l'aurez compris : le groupe Horizons et apparentés considère que la question migratoire, qui inquiète légitimement les Français, suppose de rétablir de la nuance – cela n'empêche ni la fermeté, ni, surtout, le réalisme. Or, il ne nous semble pas que cette proposition de loi constitutionnelle soit de nature à changer concrètement la donne en matière migratoire ; notre groupe ne la votera donc pas.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.
Abdellatif Kechiche, c'est la France.
Agnès Varda, c'est la France.
Alberto Giacometti, c'est la France.
Albert Uderzo, c'est la France.
Ali Baddou, c'est la France.
Amadeo Modigliani, c'est la France.
André Gorz, c'est la France.
André Masséna, c'est la France.
Andrée Chedid, c'est la France.
Annie Cordy, c'est la France.
Anselm Kiefer, c'est la France.
Balthus, c'est la France.
Benoît Poelvoorde c'est la France.
Bernard Stasi, c'est la France.
Carla Bruni, c'est la France.
Carlo Goldoni, c'est la France.
Céline Dion, c'est la France.
Charles Aznavour, c'est la France.
Christo, c'est la France.
Costa-Gavras, c'est la France.
Dalida, c'est la France.
Django Reinhardt, c'est la France.
Edvard Munch, c'est la France.
Elsa Triolet, c'est la France.
Emil Cioran, c'est la France.
Émile Zola, c'est la France.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Emir Kusturica, c'est la France.
Emmanuel Levinas, c'est la France.
Eugène Ionesco, c'est la France.
Éva Joly, c'est la France.
Françoise Giroud, c'est la France.
Frank Gehry, c'est la France.
František Kupka, c'est la France.
Frédéric Chopin, c'est la France.
Fritz Lang, c'est la France.
Georges Moustaki, c'est la France.
Zinedine Zidane, c'est la France.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES. – M. Benoit Mournet applaudit également.
Georges Charpak, c'est la France.
Henri Verneuil, c'est la France.
Henri Weber, c'est la France.
Henri Krasucki, c'est la France.
Henri Bergson, c'est la France.
Ignace Pleyel, c'est la France.
Jacques Brel, c'est la France.
Jacques Offenbach, c'est la France.
Jane Birkin, c'est la France.
Jean-Luc Godard, c'est la France.
Joe Dassin, c'est la France.
Joseph Kessel, c'est la France.
Joséphine Baker, c'est la France.
Joan Miró, c'est la France.
Jules Dassin, c'est la France.
Karl Lagerfeld, c'est la France.
Khaled, c'est la France.
Kofi Yamgnane, c'est la France.
Le Corbusier, c'est la France.
Léon Zitrone, c'est la France.
Léon Gambetta, c'est la France.
Linda Lemay, c'est la France.
Lino Ventura, c'est la France.
Plusieurs députés des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES scandent tour à tour « C'est la France ! » en même temps que l'orateur.
Cheb Mami, c'est la France.
Marc Chagall, c'est la France.
Marcel Marceau, c'est la France.
Melina Mercouri, c'est la France.
Najat Vallaud-Belkacem, c'est la France.
Mikis Theodorákis, c'est la France.
Missak Manouchian, c'est la France.
Monica Belluci, c'est la France.
Nana Mouskouri, c'est la France.
Jacques Necker, c'est la France.
Oscar Niemeyer, c'est la France.
L'orateur poursuit seul son propos.
Oscar Wilde, c'est la France.
Pablo Picasso, c'est la France.
Rachid Taha, c'est la France.
Rama Yade, c'est la France.
Raymond Forni, c'est la France.
Renzo Piano, c'est la France.
Rika Zaraï, c'est la France.
Robert Schuman, c'est la France.
Ruwen Ogien, c'est la France.
Samuel Beckett, c'est la France.
Serge Gainsbourg et sa Marseillaise, c'est la France.
Serge Reggiani, c'est la France.
Stéphane Hessel, c'est la France.
Sylvie Vartan, c'est la France.
Vassily Kandinsky, c'est la France.
Vincent Van Gogh, c'est la France.
Walter Benjamin, c'est la France.
Yves Montand, c'est la France.
Saliha Aksas, c'est la France.
L'accueil, c'est la France.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES, et sur quelques bancs du groupe RE.
Mêmes mouvements.
Célèbres ou anonymes, avec ou sans papiers, c'est la somme de ces femmes et ces hommes qui décident de faire nation qui font la France.
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES, et sur plusieurs bancs du groupe RE.
Notre nation, ce n'est pas une identité figée, mais un projet républicain sans cesse renouvelé. Nous ne sommes pas, nous ne serons jamais un peuple frileux et replié sur lui-même : nous sommes la France fière et généreuse, humaniste et fraternelle.
Mêmes mouvements.
Voilà ce qui nous sépare ; voilà pourquoi nous ne voulons pas – et n'accepterons jamais – faire de la Constitution de la République, à laquelle nous reconnaissons par ailleurs bien des défauts, le tract d'une droite radicalisée qui court après les thèmes et les termes chers à l'extrême droite.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES.
Pour nous, la Constitution doit être un hymne à la fraternité et à l'humanité,…
…une protection pour toutes celles et tous ceux qui, depuis que la France existe, concourent à la construire et à la faire vivre ; toutes celles et ceux qui combattent à ses côtés chaque fois qu'elle est menacée.
Voilà pourquoi, loin de céder à vos pulsions mortifères, nous vous proposerons de créer un service public de l'inclusion et d'accorder le droit de vote aux étrangers pour les élections locales, car l'inclusion passe d'abord par un processus civique et républicain.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES.
Parce qu'ils n'ont rien à y faire, nous vous proposerons aussi de ne plus comptabiliser dans les statistiques de l'immigration les étudiants étrangers, qui contribuent au rayonnement de notre pays, à sa richesse, et à son influence dans le monde. Ces étudiants sont notre fierté. Que toutes celles et tous ceux qui, devant un débat public englouti sous les thèmes et les termes de l'extrême droite, s'inquiètent de l'état de notre démocratie,…
…se rassurent : humanistes, républicains, amoureux de la liberté, de l'égalité et de la fraternité, vous avez un étendard derrière lequel vous rassembler – celui des humanistes qui, ici, rejetteront ce projet de révision constitutionnelle !
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES. – De nombreux députés des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES se lèvent pour applaudir. – Mme Fanta Berete applaudit également.
À l'initiative du groupe Les Républicains, nous débattons aujourd'hui de la proposition de loi constitutionnelle relative à la souveraineté de la France, à la nationalité, à l'immigration et à l'asile.
Lors de l'examen des articles, je vous proposerai de supprimer l'article 1er , qui dispose que « nul ne peut se prévaloir de son origine ou sa religion pour se soustraire aux lois de la République », car il est déjà satisfait par la Constitution
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES
– même si, dans les faits, on assiste plutôt à une dynamique contraire, qu'illustre parfaitement cette phrase de La Fontaine : « Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. »
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
L'article 2 vise à élargir le champ du référendum législatif – une demande un brin cocasse, quand on sait que c'est votre famille politique qui, en 2008, par la main de Nicolas Sarkozy, a trahi les Français en ratifiant le traité de Lisbonne contre lesquels ils s'étaient majoritairement élevés. Quelle idée de vouloir organiser des référendums si c'est ensuite pour les piétiner ! Cela n'a aucun intérêt.
L'article 3 vise à organiser un Frexit, comme y appellent déjà d'autres partis : vous n'avez qu'à monter un collectif, lancer une pétition et obtenir le nombre de signatures nécessaires pour ouvrir le débat et gagner la possibilité de consulter les Français sur la sortie de la France de l'Union européenne !
L'article 5 vise à supprimer le droit du sol à Mayotte. Notre collègue Mansour Kamardine n'est pas dans l'hémicycle, mais il connaît ma position sur ce sujet : il serait tout à fait fallacieux de laisser croire que cette disposition réglera les problèmes de fond que connaît ce département.
M. Antoine Léaument applaudit.
Aujourd'hui, Mayotte a surtout besoin que ses moyens soient renforcés et demande uniquement à être enfin considérée et traitée comme un département français à part entière – et non entièrement à part, comme c'est le cas aujourd'hui.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Enfin, je dénonce avec la plus grande fermeté l'article 4, qui vise à inscrire dans la Constitution le principe de l'assimilation. L'analyse que l'on en fait dépend évidemment du côté duquel on se trouve : si vous l'estimez positif, monsieur le rapporteur, ce n'est pas ce que j'ai retenu de mon histoire personnelle. Votre collègue sénateur, Bruno Retailleau, a été jusqu'à affirmer que la colonisation avait eu des bienfaits. À mes yeux, l'assimilation, c'est l'effacement de l'autre dans ce qu'il a de plus intrinsèque en lui imposant une autre culture
M. Antoine Léaument applaudit
– un principe que nous ne pourrons jamais cautionner, et dont l'ignominie a d'ailleurs été démontrée par de nombreux anthropologues européens et français. En commission, vous m'avez répondu qu'il figurait dans le code civil. Certes, mais je vous rappelle qu'à l'époque, l'esclavage était régi en toute légalité par un code noir ! À un moment, il faut savoir évoluer.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Si les Françaises et les Français d'origines diverses et variées s'opposent aujourd'hui, c'est essentiellement à cause de débats politiques de ce type. C'est très grave.
M. Antoine Léaument applaudit.
De tels débats n'ont plus lieu d'être, surtout ici.
En conclusion, allez donc au bout de votre idée : demandez à tous ceux qui ne vous ressembleraient pas de partir, ou refusez-leur l'entrée en France, puisque c'est là votre volonté cachée. Mais sachez qu'il y a belle lurette que la France est multiple !
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES. – Les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent pour applaudir.
Sourires.
Le calendrier d'examen de cette proposition de loi constitutionnelle nous incite fortement à penser que ce texte relève essentiellement d'une démarche de communication politique, et ne permettra donc pas d'améliorer la réponse à l'immigration.
Au-delà du fait qu'une telle révision constitutionnelle n'a que peu de chances d'aboutir, le groupe LIOT émet trois réserves principales.
Tout d'abord, résolument européens, nous sommes attachés aux valeurs européennes. Or l'article 3, qui tend à permettre de déroger au droit international et européen, impliquerait de dénoncer plusieurs traités. Si les auteurs de cette proposition précisent qu'il s'agit uniquement de préserver « l'identité constitutionnelle de la France », notre groupe tient à rappeler que cette limite a déjà été établie par le Conseil constitutionnel lui-même dans une jurisprudence constante : le texte ne crée donc rien de nouveau, se contentant de répéter un raisonnement déjà appliqué et nullement remis en cause. Le juge constitutionnel préserve déjà l'identité de la France, dans le respect de sa participation à l'Europe – trop souvent, d'ailleurs, au détriment de nos identités régionales.
Cette remarque conduit à notre deuxième réserve. Cette interprétation du Conseil constitutionnel a conduit, il y a à peine deux ans, à la censure partielle de la proposition de loi de notre collègue Paul Molac relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion,…
…comme de toute une série de mesures tendant à protéger les identités régionales. En introduisant dans la Constitution un article 2 disposant que « la langue de la République est le français », l'intention du constituant de 1992 était principalement de combattre l'hégémonie grandissante de l'anglais. Pourtant, et malgré l'introduction d'un article 75-1 dans la Constitution en 2008, à l'initiative de votre famille politique, l'article 2 est, en pratique, systématiquement interprété comme une opposition aux langues régionales. C'est en effet sur ce fondement que l'usage du corse a été interdit à l'Assemblée de Corse au printemps dernier – une décision mal vécue –, et que le préfet a récemment attaqué la décision de l'Assemblée de Martinique de faire du créole la deuxième langue officielle de l'île avec le français. Dans un tel contexte, vous comprendrez que nous ne partageons pas votre volonté de rigidifier une Constitution que nous considérons déjà comme un carcan étouffant les cultures et langues régionales.
Troisième réserve : en matière d'asile, notre groupe déplore la logique promue par l'article 8, qui imposerait aux demandeurs d'asile de faire leur demande en dehors des frontières, depuis les ambassades ou consulats français à l'étranger. Non seulement cette proposition est impossible à mettre en pratique, mais elle est aussi dangereuse : pour d'évidentes raisons d'urgence et de sécurité, le réfugié qui cherche à fuir son pays ne peut y effectuer la démarche, puisqu'il suffirait au régime qui le persécute d'attendre bien sagement à la sortie de la représentation diplomatique pour le faire arrêter – ou pire encore. Cette disposition serait d'ailleurs contraire à tous les engagements européens et internationaux, notamment la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés.
Enfin, conscient des enjeux de ce texte pour les Mahorais, notre groupe demande que Mayotte ne soit pas instrumentalisée. Nous tenons à rappeler que les Mahorais ont avant tout besoin de moyens concrets pour vivre décemment et dans un environnement serein, et que l'État n'est pas toujours à la hauteur des enjeux.
Au regard de l'ensemble de ces réserves importantes, et sachant que débutera la semaine prochaine l'examen en séance du projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, le groupe LIOT votera contre cette proposition de loi constitutionnelle.
M. Inaki Echaniz applaudit.
Après avoir adopté en commission, vendredi dernier, le projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, présenté par le ministre de l'intérieur, nous débattons aujourd'hui de la proposition de la loi constitutionnelle du président Éric Ciotti relative à la souveraineté de la France, à la nationalité, à l'immigration et à l'asile. Vous n'en serez pas étonné, monsieur le rapporteur, les deux textes diffèrent à bien des égards.
Cela dit beaucoup de la différence entre nos visions respectives des voies et moyens à emprunter pour mieux maîtriser les flux migratoires, sanctionner les personnes condamnées, améliorer les conditions de délivrance du droit d'asile et réussir l'intégration de celles et ceux qui ont fait le choix de la France, dans le respect de ses valeurs et de ses lois.
Cela dit beaucoup, aussi, de l'idée que nous nous faisons respectivement des conditions à réunir pour réussir l'intégration des ressortissants étrangers en France. Loin de toute incantation naïve sur les bienfaits de l'immigration, nous soutenons, à travers le texte du Gouvernement, une approche réaliste, responsable et équilibrée. Car oui, ce projet de loi, adopté par le Sénat, est un texte de compromis : nous avons su trouver un équilibre entre la préservation de l'esprit du texte du Gouvernement et les apports souhaités par le Sénat – contre lesquels il serait surprenant que le parti que vous présidez s'oppose, sachant que les parlementaires de votre famille politique appellent de leurs vœux un compromis.
Qui pourrait en effet s'opposer à des dispositions telles que l'encadrement plus strict du regroupement familial, la fin de la gratuité des transports en commun pour les personnes en situation irrégulière, le retrait du titre de séjour aux étrangers qui ne respectent pas les lois de la République, la simplification des recours, dont chacun sait qu'ils sont devenus trop longs, ou le fait que l'obtention d'un visa permettant d'entrer en France soit subordonnée à celle d'un laissez-passer consulaire ? Ce sont autant de mesures souhaitées par vos collègues du Sénat que notre majorité a tenu à conserver au sein du texte adopté par l'Assemblée en commission. Nos interrogations concernant vos positions sont d'autant plus fondées que plusieurs de vos propositions font écho à celles dont nous avons débattu dans le cadre du projet de loi présenté par le ministre.
Ainsi l'article 5 de ce texte vise-t-il à restreindre l'application du droit du sol à Mayotte, proposition que nous avions soumise au vote lors de l'examen de la future loi Collomb et qui fait l'objet de modifications inédites au titre VI de notre projet de loi. Votre article 7 fait pour sa part écho aux articles 9 et 10 du projet de loi, qui traitent respectivement de l'expulsion d'un étranger en situation régulière ayant commis des infractions graves et de la réduction, en cas de menace grave à l'ordre public, des recours existants contre une OQTF.
Je vous invite donc, monsieur le rapporteur, à prolonger le débat à l'occasion de l'examen en séance publique du projet de loi. Permettez-moi de le formuler directement mais respectueusement : vos électeurs ne comprendraient pas que les députés de votre groupe fassent barrage à l'expulsion des étrangers délinquants ou s'opposent à l'encadrement du droit du sol à Mayotte.
Nous avons également nos désaccords en matière de gestion des flux migratoires : votre texte promeut l'idée d'une France souveraine qui agirait sans l'Union européenne, en s'affranchissant de toute coopération avec nos voisins, mais aussi avec les pays d'origine des étrangers condamnés ou en situation irrégulière. Je ne peux imaginer que vous ne considériez pas l'impérieuse nécessité d'une solidarité et d'une responsabilité européennes. L'article 3 prévoit une dérogation au droit européen en matière migratoire ; or, vous le savez mieux que quiconque, seule une approche européenne permettra de réguler les flux et d'influer sur les États dont sont originaires les personnes qui cherchent à s'établir en Europe. Seules des règles communes, à la fois strictes, pragmatiques et humaines, permettront d'accueillir les personnes chassées de chez elles par un conflit ou contraintes de fuir leur pays en raison de leurs convictions. Seul le pacte sur la migration et l'asile que nous appelons de nos vœux protégera nos frontières. J'en veux pour preuve l'attitude de pays comme l'Italie qui, passé le temps des joutes électorales, ont décidé de rejoindre le concert des pays européen, ayant compris que seule la solidarité entre États permettra de conforter nos souverainetés et de maîtriser notre destin.
Enfin, je m'interroge au sujet de l'article 2, portant sur l'élargissement du champ référendaire, dont vous avez finalement refusé de débattre à l'occasion de la dernière journée de Saint-Denis. Je connais votre réponse : seul le Parlement est habilité à débattre de l'évolution de notre droit. Vous savez pourtant mieux que quiconque que les rencontres de Saint-Denis ne sont pas le lieu de la fabrique de la loi, qui reste l'apanage de notre assemblée, mais ont été – et resteront, si le Président de la République décide de les renouveler – l'occasion de débattre entre représentants des forces politiques de propositions telles que cette révision du champ d'application de l'article 11 de la Constitution, incluant la question migratoire, à laquelle vous attachez tant d'importance.
Notre rejet du texte n'est donc pas motivé par le refus du débat : il constitue un appel à la raison et à la responsabilité collective, et une nouvelle invitation à nous rassembler afin de répondre à la légitime attente des Français, à conjuguer fermeté, réalisme et humanité – le projet de loi soumis à votre examen par le ministre de l'intérieur vise à répondre à ce double défi. Notre rejet du texte doit être compris comme l'affirmation de valeurs intangibles et universelles, qu'il nous appartient de défendre. Résistons aux discours populistes qui prospèrent et progressent, en France comme en Europe. Rassemblons-nous autour d'une certaine idée de la France, ferme sur ses valeurs, exigeante dans la défense de ses intérêts et respectueuse du droit européen.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
En matière d'immigration, le constat est sans appel : 74 % des Français se déclarent insatisfaits de la politique migratoire menée par le Gouvernement. Face à cette situation, et même si nous sommes habitués aux postures des Républicains, qui, avant chaque élection, tentent de durcir le ton à ce sujet, le groupe Rassemblement national se réjouit de les voir encore une fois se rallier, après les avoir contestées, méprisées, fustigées, aux idées de Marine Le Pen.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Après tout, peu importe ! Comme beaucoup de Français, nous n'avons pas oublié le bilan catastrophique de leur passage au pouvoir – la présidence de Nicolas Sarkozy, ce sont presque 1 million d'étrangers entrés en France, la double peine assouplie et un Kärcher que nous attendons toujours. Nous n'oublions pas davantage leur part de responsabilité dans l'actuel chaos migratoire, puisqu'en 2017 et en 2022 ils ont, dès vingt heures cinq, appelé à voter en faveur d'Emmanuel Macron ,
Mêmes mouvements
quoique sachant pertinemment que l'immigration, aux yeux des macronistes, est un projet et non un problème. Comment oublier, également, que depuis 2022 ils n'ont eu de cesse, en refusant systématiquement de voter pour les motions de censure, de sauver ce Gouvernement qui détient tous les records en matière d'immigration ?
« Eh oui ! » et applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Conséquence logique de ces trahisons, 14 % des Français estiment que Les Républicains incarnent l'opposition à Emmanuel Macron, contre 40 % pour le Rassemblement national. Nos concitoyens sont lucides : ils préfèrent l'original à la copie !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
C'est pourquoi ils se retrouvent davantage dans la proposition de loi constitutionnelle déposée en 2018 par Marine Le Pen, bien mieux écrite et plus complète que celle-ci, laquelle, par exemple, remet en cause de la façon la plus surprenante la lecture gaulliste de l'article 11 de la Constitution, lecture qui a pourtant assuré l'élection au suffrage universel d'Emmanuel Macron, et avant lui celle de Nicolas Sarkozy. Cet article dispose que « le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal officiel, peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent ». Or qui pourrait ignorer ou même contester que l'immigration pèse considérablement sur les finances publiques ?
Citons quelques exemples à la volée : selon la secrétaire d'État chargée de l'enfance, un mineur non accompagné coûte entre 60 000 et 100 000 euros par an ; en 2018, selon l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les aides versées aux immigrés s'élevaient à 20,7 milliards d'euros, dont 9,5 milliards d'allocations familiales, 5 milliards d'aides au logement, 6 milliards d'aides contre l'exclusion, principalement le RSA ; et je ne peux pas ne pas évoquer la ruineuse aide médicale de l'État, qui dépasse le milliard d'euros !
De même, qui pourrait ignorer ou nier l'impact de l'immigration sur la politique sociale, alors qu'en 2018, indique le ministère de l'intérieur, un ménage immigré sur trois occupait un HLM ?
…sont évidemment palpables en matière d'insécurité. Les chiffres du ministère de la justice parlent d'eux-mêmes – un prisonnier sur quatre est étranger –, tout comme les drames abominables qui ont endeuillé la France en frappant Thomas, Lola, Mauranne et Laura, et tant d'autres.
Le texte présenté par Les Républicains vise également à instaurer des quotas migratoires, contre lesquels nous nous sommes toujours battus. Néanmoins, parce que nous travaillons au seul service de l'intérêt des Français,…
…nous agirons comme nous le faisons depuis notre élection, en votant pour les textes qui vont dans le bon sens, contre ceux qui vont dans le mauvais, et en tâchant d'amender ceux qui sont perfectibles. Nous invitons l'Assemblée nationale à répondre aux attentes de nos compatriotes en soutenant nos propositions : primauté absolue de la Constitution sur les traités internationaux, intégration à cette même Constitution de la priorité nationale, suppression du droit du sol, répression pénale à l'encontre des passeurs et de leurs complices.
Ce sont vos politiques qui suscitent les passeurs ! Vous remplissez leurs poches !
Adopter nos amendements, ce serait rendre aux Français leur pays ! Cependant, chers collègues du groupe Les Républicains, il est vraisemblable que votre texte ne sera pas adopté, la NUPES restant, de façon irresponsable, profondément immigrationniste
« Eh oui ! » sur quelques bancs du groupe RN
et les macronistes étant fâchés avec le référendum, comme le Président de la République l'a confirmé à Jordan Bardella à l'issue des rencontres de Saint-Denis, en dépit du fait que 75 % des Français y sont favorables. Dès lors, si vous tenez à un référendum sur l'immigration, il ne vous reste qu'une solution : voter pour Marine Le Pen en 2027 !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN. – MM. Carlos Martens Bilongo et Benjamin Lucas applaudissent également
vous voulez inscrire dans notre Constitution quelque chose qui s'y trouve déjà, à savoir le fait que ni la religion ni l'origine ne permettent de se soustraire aux lois de la République. Félicitations, vous venez d'inventer un principe majeur : la loi doit être respectée !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
C'est brillant ; on se demande comment personne n'avait eu l'idée avant vous ! En vérité, vous tentez encore une fois un coup de com' en ciblant à la fois les étrangers et ceux de nos compatriotes dont l'origine ou la religion, comme vous dites, ne vous convient pas.
En ce moment, nombre de nos concitoyens me disent : « Merci, vous me donnez envie de rester en France ».
Rires sur quelques bancs du groupe RN.
Cela signifie qu'ils sont tentés de la quitter. Parce qu'ils ne l'aiment pas ? C'est tout le contraire : ils l'aiment plus que vous. Seulement, ils ont l'impression de ne plus la reconnaître. À cause de l'immigration ? Non, à cause du racisme !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
Ils ont, comme vous dites, une origine – un nom, un prénom, une couleur de peau auxquels on les renvoie sans cesse, lors des contrôles de police, à l'école, sur les plateaux de télévision,…
…lorsque vous, Le Pen ou Zemmour ouvrez la bouche, lorsqu'ils cherchent un travail ou un logement. Pourtant, voyez-vous, ils sont Français. Ils aiment la France, parce que c'est leur pays. Ils y ont grandi, ils y ont leurs amis, leurs parents, leurs enfants, leurs souvenirs et leur avenir. Vous cherchez leurs racines ailleurs : elles sont ici ! Ils aiment la France, mais non celle des rois et des tyrans que La Marseillaise appelle à chasser ,
Mêmes mouvements
des capitalistes qui laissent mourir des enfants dans la rue, des impérialistes qui pillent le continent africain et voudraient l'importation de ses matières premières sans l'immigration de ses ressortissants ,
Mêmes mouvements
des groupuscules fascistes qui répandent la haine et la violence. Ils aiment la France de la Révolution, de la République sociale, celle de la devise Liberté, Égalité, Fraternité, celle des droits de l'homme et du citoyen, de l'abolition de l'esclavage, de la laïcité, de l'école gratuite et obligatoire ; la France des congés payés, de la Résistance et du débarquement de Provence, du suffrage universel, de l'interruption volontaire de grossesse, de la retraite à 60 ans et du mariage pour tous.
Mêmes mouvements.
Qu'est-ce que la France, monsieur Ciotti ? Ce n'est pas le territoire exigu de l'Hexagone, comme le savent bien nos compatriotes ultramarins, eux qui réclament qu'elle soit à la hauteur des promesses de la République. Ce n'est pas une religion : toutes coexistent chez nous, et la moitié des Français n'en ont aucune.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
Ce n'est pas une langue : vingt-neuf pays ont le français pour langue officielle et ce n'est pas la France, mais la République démocratique du Congo qui en compte le plus de locuteurs. Ce n'est pas une couleur de peau : notre peuple est métissé.
Mêmes mouvements.
Bonne nouvelle, d'ailleurs, car cela révèle que lorsque les Français font des enfants, ils se fichent de la couleur : ils ne pensent qu'à l'amour, à l'amour et non à la haine !
Qu'est-ce donc que la France ? Ce sont un peuple et une histoire qui se définissent par la rupture de 1789. Avant la Révolution, il n'y a ni Marseillaise, ni drapeau tricolore, ni République. Cette France naît de l'opposition à tout ce qui la précède : les privilèges, les rois, les nobles, la mainmise de l'Église. Elle les envoie à l'abîme. Elle prend la Bastille. Elle change le monde.
Mêmes mouvements.
Notre peuple fait nation en affirmant sa souveraineté ; il est politique, révolutionnaire, insoumis. Il était celui des sans-culottes et des communards, le voilà celui des gilets jaunes, des Soulèvements de la Terre ,
Mêmes mouvements
des marches pour les retraites et des révoltes urbaines de juin. Voilà la France, celle des centres-villes, des banlieues et des campagnes, des étudiants et des retraités, des salariés du public et du privé, des travailleurs et des chômeurs, des ouvriers et des cadres. Celle qui se fiche de la religion ou de la couleur de peau,…
…celle qui chante « Macron démission » et « Allons enfants de la patrie ! »,…
…celle qui ne baisse jamais les yeux. Cette France reste fidèle aux principes de la I
Les députés du groupe LFI – NUPES, ainsi que M. Benjamin Lucas, se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES.
Philippe Séguin, le 5 mai 1992, prononçait à cette tribune son fameux discours pour la France qui annonçait toutes les dérives et tous les dégâts malheureusement causés à notre pays par la fuite en avant supranationale de l'Union européenne. Il indiquait notamment – et c'est le cœur du débat qui nous occupe aujourd'hui : « Depuis que la règle de la majorité s'applique de plus en plus largement dans les prises de décision du Conseil européen et que les jurisprudences convergentes de la Cour de cassation et du Conseil d'État admettent que les traités et le droit communautaire qui en est dérivé bénéficient d'une primauté absolue sur nos lois nationales, le Gouvernement, dès lors qu'il est en minorité au Conseil, n'a plus son mot à dire pour infléchir les règles communautaires jugées inacceptables pour la France. »
En matière d'immigration, de droit d'asile, de contrôle des frontières, ces paroles étaient prophétiques. Nous avons payé très cher, en effet, les abandons de souveraineté consentis dans le traité d'Amsterdam ratifié le 3 mars 1999. Ce n'était pas faute, reconnaissez-le, d'avoir alerté, notamment avec Charles Pasqua, sur les dangers pour notre sécurité que faisaient courir de tels transferts de compétences à Bruxelles. Je me souviens, alors tout jeune député, avoir été bien seul dans cet hémicycle à batailler, avec Philippe de Villiers, contre sa ratification, imposée en pleine cohabitation par Jacques Chirac et Lionel Jospin. Quel dommage aussi, mes chers collègues, qu'en 2005 vous n'ayez pas entendu le « non » tonitruant et lucide des Français lors du référendum sur le projet de constitution européenne. Quel gâchis d'avoir ratifié le traité de Lisbonne, ici même, en 2008, sans comprendre qu'en privant la France de son droit de veto dans la plupart des domaines de l'action publique, les signataires des traités européens successifs nourrissaient l'impuissance des gouvernements et alimentaient la colère de nos concitoyens !
Mais quinze ans après – mieux vaut tard que jamais, chers collègues du groupe Les Républicains – je ne peux que me réjouir de votre prise de conscience salutaire. L'article 3 de votre proposition de loi constitutionnelle va dans le bon sens, puisque vous reconnaissez enfin que pour sortir du chaos migratoire, la France doit retrouver sa souveraineté, donc que le droit français doit être supérieur au droit européen. Dommage cependant que vous n'alliez pas au bout de votre logique, en vous limitant à des dispositions dérogeant aux articles 55 et 88-1 de notre Constitution, car ce qui vaut pour l'immigration vaut tout autant pour notre industrie, notre énergie ou nos services publics. J'espère que ce premier pas vers le rétablissement de notre souveraineté en appellera beaucoup d'autres.
À la primauté du droit français doit en effet s'ajouter le rétablissement de nos frontières nationales, seul moyen efficace de lutter contre l'immigration massive. Je note qu'après avoir repris le contrôle de ses frontières, l'Allemagne, en seulement un mois, a fait chuter l'immigration illégale de plus de 50 %. En définitive, il aura fallu la submersion migratoire, la ghettoïsation de nos villes, l'explosion de la délinquance et l'impuissance généralisée d'une Union européenne dont les instances favorisent objectivement l'immigration de masse, pour qu'enfin le bon sens revienne dans vos rangs. Que de temps perdu !
Permettez-moi alors de conclure en citant à nouveau Philippe Séguin, lui qui avait tout anticipé, tout prévu, et qui a été si mal traité en son temps par notre famille politique : « La souveraineté, cela ne se divise pas ni ne se partage et, bien sûr, cela ne se limite pas. » Oui le temps est venu de mettre fin au règne de l'impuissance publique en matière migratoire. Seule une France libre, coopérant…
…dans une Europe des nations et des projets à la carte, pourra enfin régler ses problèmes et redonner un sens au suffrage de nos concitoyens.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La discussion générale est close.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la proposition de loi constitutionnelle relative à la souveraineté de la France, à la nationalité, à l'immigration et à l'asile ;
Discussion de la proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par la territorialisation et la formation ;
Discussion de la proposition de résolution, déposée en application de l'article 34-1 de la Constitution, visant à rendre effectifs les soins palliatifs sur tout le territoire national ;
Discussion de la proposition de loi visant à relancer l'organisation des classes de découverte ;
Discussion de la proposition de loi portant plan d'urgence pour le recrutement et la formation initiale des enseignants du second degré ;
Discussion de la proposition de loi visant à baisser le prix des billets des trains express régionaux par une fiscalité allégée ;
Discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à protéger la langue française des dérives de l'écriture dite inclusive ;
Discussion de la proposition de loi portant mesures d'urgence pour remédier à la crise du logement ;
Discussion de la proposition de loi visant à pérenniser les jardins d'enfants gérés par une collectivité publique ou bénéficiant de financements publics.
La séance est levée.
La séance est levée à treize heures cinq.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra