…monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, la France fait face, comme l'ensemble de l'Europe, à une pression migratoire importante, alimentée par des conflits qui se déroulent désormais aux portes de l'Europe, par des évolutions démographiques et économiques difficiles et par le changement climatique.
En 2023, la pression migratoire aux frontières intérieures comme extérieures a atteint des niveaux qu'elle n'avait plus connus depuis la crise migratoire de 2015. Les flux irréguliers sont en progression de plus de 60 % dans toute l'Europe. Ils ont notamment doublé – c'est un point important – en Autriche, en Hongrie et en Croatie. Quant à l'Allemagne, elle voit arriver sur son territoire trois fois plus d'irréguliers que la France.
La demande d'asile a été multipliée par deux en dix ans, et même par trois par rapport à 2007. En 2023, la hausse enregistrée par les services du ministère de l'intérieur est de 10 %, soit 121 539 premières demandes en guichet unique à la fin du mois d'octobre. Ce niveau est proche du pic de 2019 – le nombre des demandes avait alors atteint 138 420 – mais y demeure inférieur, alors qu'en Italie, en Autriche, en Allemagne, en Belgique et même en Espagne, le nombre des demandes est supérieur à ce qu'il fut cette année-là. La spécificité française me semble liée aux premières mesures prises par le Gouvernement, notamment sur le fondement de la loi de 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, dite loi Collomb, ainsi qu'à la restriction de l'accès à la nationalité décidé par le gouvernement d'Édouard Philippe, sous le premier quinquennat du Président de la République.
Le fait que la hausse soit plus importante en Europe, notamment chez nos voisins, n'empêche évidemment pas, monsieur le rapporteur, des mouvements secondaires vers la France. Je rappelle en effet que 40 % des demandes d'asile en France proviennent d'autres pays européens, et non de pays en guerre ou touchés par les difficultés qui ont été évoquées.
Face à cette situation, le Gouvernement prend ses responsabilités et a présenté au Parlement un texte de loi pour maîtriser l'immigration. Il est, si nous regardons les choses objectivement, sans polémique, complémentaire de la proposition de loi constitutionnelle que nous examinons, et d'une nature différente. L'une et l'autre ne s'annulent pas et peuvent éventuellement s'additionner pour ceux qui souhaitent réviser certaines dispositions de la Constitution.
Ces deux textes ont pour point commun d'avoir vocation à nous permettre de relever le défi migratoire, auquel doivent faire face notre pays, l'Europe et le monde. Vous connaissez, monsieur le rapporteur, l'immense respect que j'ai pour la représentation nationale et le travail parlementaire, ayant eu moi-même l'honneur de siéger dans cette assemblée, où j'ai été élu pour la première fois il y a plus de dix ans. Je veux donc vous dire que nous prenons au sérieux votre proposition de loi constitutionnelle.
Cependant, quelques doutes nous étreignent : s'agit-il vraiment d'un texte visant à modifier la Constitution ou d'une proposition de loi d'appel, comme l'on dirait d'un amendement ? Nous avons constaté que votre majorité sénatoriale a rejeté hier une grande partie de vos dispositions, puisque la commission des lois du Sénat a supprimé la plupart des articles que vous avez brillamment défendus il y a quelques instants. J'imagine que le travail sera encore intense au sein de votre propre famille politique pour aboutir à un texte constitutionnel.