Il n'en reste pas moins, monsieur Marleix, que le Sénat a rejeté plusieurs de vos propositions – et la chronologie est assez cocasse à relever.
Toutefois, puisque vous avez souhaité que nous en débattions en séance avec sérieux et solennité – réformer la Constitution, ainsi que les principes européens et internationaux qui y figurent, ne peut se faire en quelques minutes –, permettez-moi d'y répondre dans le même esprit.
Votre méthode pour lutter contre l'immigration légale – jusqu'à un certain degré – ou illégale consiste à modifier la Constitution pour y inscrire des dispositions qui touchent non seulement à la souveraineté de notre pays, mais aussi aux droits civils : droit de la nationalité, de l'immigration, à l'asile, dans le but d'en finir, je vous cite, avec le « chaos migratoire ».
Pour ce faire, votre proposition de loi constitutionnelle prévoit huit articles, répartis en quatre titres, sur lesquels nous reviendrons un par un. M. le garde des sceaux et moi-même essaierons de vous démontrer que certains de ces articles sont sans doute intéressants et mériteraient d'être approfondis – c'est le sens du travail parlementaire –, que d'autres n'apporteraient rien de plus que le chaos dans notre ordonnancement juridique, et que certains, enfin, ne visent qu'à répondre aux difficultés politiques que vous traversez actuellement.
Votre promesse consistant à reprendre le contrôle sur les politiques migratoires grâce à ce texte pose plusieurs problèmes. Elle me paraît en effet bâtie sur une appréciation plutôt impressionniste de la situation que nous vivons. Cela explique pourquoi, pour répondre à cette situation, vous proposez de rompre avec notre tradition constitutionnelle et de bouleverser l'ensemble des équilibres institutionnels – excusez du peu ! C'est sans doute ce qui a incité la commission des lois du Sénat à supprimer plusieurs articles du texte hier.
La présente proposition de loi vise à inscrire inutilement dans la Constitution des dispositions qui relèvent de la loi simple, parfois même du règlement, et que le Gouvernement entend précisément modifier dans le cadre de son projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, en cours d'examen à l'Assemblée nationale. Nous n'avons pas réussi à vous en convaincre totalement en commission des lois, mais nous en reparlerons à partir de lundi en séance. En effet, pourquoi inscrire dans la Constitution ce qui relève du règlement ou de la loi ordinaire, alors que le législateur peut, ici et maintenant, modifier ces dispositions ?
Surtout, vous promettez des résultats que votre proposition de loi constitutionnelle ne saurait garantir, tout en passant sous silence les conséquences négatives et très graves qu'aurait la révision proposée si elle était adoptée in abstracto, sans débat. Ces conséquences auraient dû vous conduire à baptiser votre texte non pas « proposition de loi constitutionnelle relative à la souveraineté de la France, à la nationalité, à l'immigration et à l'asile », mais plutôt « appel à un Frexit européen et constitutionnel ».
Je conteste d'abord les prémisses de votre proposition de loi constitutionnelle, selon lesquelles la France serait corsetée ou empêchée d'agir par des accords européens ou internationaux. Si vous voulez changer l'Europe, gagnez plutôt les élections européennes et modifiez les traités européens ! En lisant l'exposé des motifs de votre proposition de loi, les mots du général de Gaulle me sont revenus.