C'est le nerf de la guerre. Nous savons en effet que durant les trois ans que peuvent attendre les personnes ayant déposé une demande avant de recevoir une réponse définitive, elles ont le temps de s'installer. Pour des motifs liés à la protection de la vie privée et familiale, la France, comme la plupart des pays qui l'entourent, éprouve ensuite de grandes difficultés à les éloigner du territoire national.
Les propositions du Gouvernement, inspirées par le rapport Buffet, sont plus concrètes et plus opérantes que celle consistant à enregistrer les demandes d'asile aux frontières. Outre les difficultés constitutionnelles auxquelles elle se heurte, elle représente avant tout un risque majeur d'augmentation des demandes d'asile soumises à la France, puisqu'elle viendrait ajouter de nouvelles demandes à celles qui sont déjà déposées à l'intérieur de nos frontières.
Je voudrais dire quelques mots de cette procédure aux frontières, question très importante sur laquelle on revient souvent et qui ne manquera pas d'être soulevée à l'approche des élections européennes ou présidentielles. Le préambule de la Constitution de 1946, qui fait partie de notre bloc de constitutionnalité, dispose que toute personne persécutée a le droit de demander l'asile sur le territoire de la République. Il existe déjà, vous le savez, des visas au titre de l'asile et nous ne serions pas opposés à ce que les demandes soient déposées à l'extérieur de notre territoire, auprès de consulats ou d'ambassades. J'imagine que vous écartez cette possibilité pour les pays en guerre, mais cela semble envisageable depuis des pays voisins, par exemple dans le cas d'une personne ayant fui l'Afghanistan et qui engagerait des démarches au Pakistan ou en Turquie.
Toutefois, je l'ai dit, ces demandes d'asile viendraient s'ajouter à celles qui sont déjà traitées sur notre sol puisque vous ne proposez pas de revenir sur le préambule de la Constitution de 1946 ou sur la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Cela aurait pour conséquence d'augmenter le nombre de demandeurs d'asile en France. Aucun pays au monde n'a d'ailleurs retenu cette solution. Les deux seuls pays à avoir envisagé un tel dispositif, le Danemark et le Royaume-Uni ne l'ont pas appliqué, pour des raisons différentes : aucun demandeur d'asile présent sur leur sol n'a été envoyé dans un pays tiers, que ce soit l'Éthiopie ou le Rwanda, pour que leur dossier y soit étudié.