Les auteurs de cette proposition de résolution estiment que l'accord franco-algérien de 1968 est désuet, problématique et injuste. Les réticences de l'Algérie au sujet des obligations de quitter le territoire français (OQTF), ainsi que ses nombreux refus de titres de séjour de longue durée posent en effet la question de la réciprocité entre nos pays. La refonte de nos relations ne saurait être basée sur l'asymétrie et l'inégalité. Et nous devons d'autant plus faire preuve de vigilance que cet accord a des incidences sur l'espace Schengen.
Cela étant dit, le rapport de la Fondapol que vous citez dans l'exposé des motifs du texte précise qu'en matière d'OQTF, « les performances de l'Algérie […] sont meilleures que celles des autres pays du Maghreb ». Nous ne partageons donc pas votre volonté de faire de cet accord un totem de la politique de l'immigration, ni un sujet incontournable de la diplomatie française au Maghreb.
Notons d'abord que la présence des ressortissants algériens sur notre sol est à relativiser. Selon l'Insee, elle est restée quasiment stable au cours des cinq dernières années, oscillant entre 600 000 et 610 000 détenteurs d'un titre de séjour. Par ailleurs, indique également l'Insee, « en 2021, le pays dont les ressortissants [ont été] les plus nombreux à acquérir la nationalité française est le Maroc », avec 16 % du total, devançant ainsi l'Algérie.
Au-delà du nombre de titres de séjour, il faut également tenir compte des liens de causalité historiques. Pour ce faire, il suffit de regarder la situation de nos voisins européens.
En Belgique, l'immigration en provenance de la République démocratique du Congo est croissante. Surtout, elle s'inscrit, depuis les années 1990, dans une logique d'installation sur le territoire à la suite des études.
De la même manière, le Portugal a signé en 2022 un accord avec les États membres de la Communauté des pays de langue portugaise, accord qui permet la délivrance de visas temporaires et de visas de résidence permanente sans l'avis du service des étrangers et des frontières portugais. Cet accord concerne six pays, dont le Brésil et la Guinée-Bissau.
Vous voyez donc que s'il est original, l'accord franco-algérien de 1968 n'est pas une exception.
Ensuite, la dénonciation de cet accord n'apparaît pas comme une solution pertinente. En effet, si le séjour des Algériens en France relève de règles dérogatoires au droit commun, celles-ci laissent néanmoins de véritables marges de manœuvre aux autorités françaises – marges d'ailleurs plus importantes que celles dont nous disposons en matière diplomatique. Le contrôle de la délivrance des visas est en effet largement administratif. D'ailleurs, selon le rapport précité de Fondapol, « il y a […] eu entre 2017 et 2020 une politique très stricte d'examen » de ces demandes, laquelle a permis de réduire le nombre d'entrées. Au total, 183 000 visas ont été délivrés en 2019, contre 411 000 en 2017. La France ne subit donc pas les dispositions de l'accord de 1968.
Nous pourrions d'ailleurs nous demander pourquoi ni Jacques Chirac ni Nicolas Sarkozy, qui connaissaient pourtant bien la question, n'ont décidé de mettre fin à cet accord.
Permettez-moi de rappeler que son article 1er dispose que « le contingent de travailleurs algériens entrant en France […] sera fixé de nouveau d'un commun accord » passé celui prévu pour les trois premières années, ce qui signifie qu'un dialogue particulier sur la question des quotas doit avoir lieu.
Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires regrette les conséquences diplomatiques de votre volonté de dénoncer l'accord.
Tout d'abord, l'Algérie est un acteur clé de la région. Du point de vue sécuritaire, le pays a un rôle à jouer, étant donné sa situation entre la Libye, le Mali, le Niger et la Mauritanie. Sur le plan économique, il est un producteur d'énergies courtisé en tant que tel par nos partenaires européens souhaitant garantir du gaz et du pétrole à bas prix à leurs concitoyens dans le contexte de la guerre en Ukraine.
Ensuite, il n'est pas anodin que l'accord de 1968 ait été signé par les ministres des affaires étrangères de l'époque, en l'occurrence Abdelaziz Bouteflika pour ce qui concerne l'Algérie, qui fut ensuite président de son pays pendant vingt ans.
Dernier point, vous proposez un électrochoc diplomatique au moment où le Président de la République tente de réchauffer les relations franco-algériennes.