La commission des affaires économiques a poursuivi l'examen du projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes (n° 762) (Mme Maud Bregeon, rapporteure).
Nous reprenons l'examen du projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, sur le rapport de notre collègue Maud Bregeon. Il nous reste 404 amendements à discuter.
Article 1er : Périmètre géographique et durée des mesures dérogatoires du titre Ier applicables à la construction de réacteurs
Amendement de suppression CE257 de Mme Anne Stambach-Terrenoir.
Nous souhaitons supprimer l'article 1er car nous sommes opposés à la philosophie de ce projet de loi. Il est urgent de planifier la sortie du nucléaire et certainement pas d'élaborer des procédures visant à accélérer la construction de nouvelles centrales. Le modèle nucléaire est rétrograde et dangereux, notamment parce que nous ne savons pas gérer les déchets produits, imposés aux générations futures pour des dizaines de millénaires. Le président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) lui-même rappelle qu'un accident est possible en France. Enfin, ce modèle n'est pas résilient face au dérèglement climatique, lequel ne fait que s'accélérer : la montée des eaux annoncée menace à court terme les centrales situées sur le littoral et les sécheresses – nous en connaissons une inédite cet hiver – menacent le débit des fleuves, donc le refroidissement des réacteurs.
Il faut au contraire soutenir les énergies renouvelables, ce que votre texte précédent qui leur était consacré ne permettait pas et que le présent projet de loi viendra encore freiner. Je rappelle que parmi les six scénarios qu'a présentés Réseau de transport d'électricité (RTE), trois d'entre eux aboutissaient à un mix électrique composé à 100 % d'énergies renouvelables : il est donc possible d'atteindre cet objectif, à rebours de l'orientation de ce projet de loi, qui est bien de nature politique.
Les dérogations que prévoient le texte risquent de conduire à une régression du droit de l'environnement, politique irresponsable dans le contexte que nous connaissons de dérèglement climatique et de chute de la biodiversité.
Nous avons besoin d'un cadre dérogatoire pour commencer plusieurs chantiers, qui ne concernent pas les îlots nucléaires mais les travaux annexes comme le terrassement. La majorité et certains groupes d'opposition estiment que cet article est nécessaire.
Je l'ai déjà dit, le réchauffement climatique n'affecte pas le refroidissement nucléaire, et les réductions de puissance ne sont pas liées à des enjeux de sûreté.
Quand vous dites que l'accélération des projets nucléaires fait reculer les énergies renouvelables, vous tombez encore une fois dans le travers de l'opposition des énergies décarbonées entre elles, sans avoir un mot pour le charbon, le gaz et le fioul, qui devraient être vos premiers ennemis dans la lutte contre le réchauffement climatique.
S'agissant du rapport de RTE, n'omettez pas les nombreux paris technologiques nécessaires à la réalisation d'un scénario avec 100 % d'énergies renouvelables, sans compter les impacts sur le mode de vie des populations, l'industrialisation du pays, les emplois, etc.
L'avis est défavorable.
Je soutiens l'amendement : le nucléaire se fonde également sur plusieurs paris technologiques, que ce soit dans le prolongement de la durée de vie des centrales existantes ou, surtout, dans la construction de réacteurs que nous sommes à l'heure actuelle incapables de fabriquer, les plans n'étant même pas achevés.
Ce ne sont pas les règles d'urbanisme qui augmentent les délais des projets nucléaires, comme le montre l'exemple de Flamanville.
Nous voterons évidemment contre ces amendements de suppression. La dérogation devra devenir la norme pour accomplir les grands travaux nécessaires à la lutte contre la crise climatique et au relèvement des grands enjeux technologiques que l'Occident doit affronter.
Une très intéressante publication américaine d'aujourd'hui montre que la Chine est en train de prendre l'ascendant technologique, voire de constituer des monopoles technologiques, dans l'ensemble des domaines qui recèlent les grands enjeux du XXIe siècle. Nous sommes prisonniers non pas d'une attitude prudente, mais d'une poltronnerie générale qui nous condamne à être débordés par des dictatures et des régimes autoritaires. Il faut donc dorénavant distinguer entre le bon droit, qui permet de prendre les bonnes décisions en temps et en heure après la consultation des instances démocratiques, et ce qui relève de la paperasserie et de la bureaucratie, et surtout d'un pouvoir exorbitant donné à une toute petite minorité, qui par profit de classe, utilise son manque de compétences pour bloquer le système démocratique.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CE632 de Mme Maud Bregeon.
Il s'agit d'un amendement de cadrage. Les ouvrages de raccordement doivent être inclus dans le cadre dérogatoire car il serait inutile d'accélérer les travaux liés au réacteur tout en prenant du retard sur le couplage au réseau.
L'amendement vise également à encadrer les mesures dérogatoires, en précisant que celles-ci concernent les phases de création et de mise en service du réacteur.
L'avis est très favorable, puisque l'amendement confère une vraie cohérence à l'ensemble des mesures du texte et qu'il va dans le sens des objectifs du projet de loi.
La définition initiale de la construction de réacteurs électronucléaires était trop vague et trop large, puisqu'elle comprenait celle du réacteur, l'ensemble des constructions, aménagements, équipements, installations et travaux liés à sa création ou à son exploitation, ainsi que leurs ouvrages de raccordement au réseau de transport d'électricité. Il n'y a pas lieu d'appliquer des procédures dérogatoires au droit commun sur un périmètre aussi large et aussi imprécis. Tel est le sens de notre amendement de suppression de l'alinéa 2 de l'article 2, que nous examinerons plus tard. La définition proposée à travers votre amendement, qui explicite ce que recouvre la construction d'un réacteur électronucléaire, se substitue à celle qui est donnée dans cet alinéa ; elle nous semble toujours très large, mais elle présente au moins le mérite d'apporter des restrictions bienvenues, qui touchent notamment la phase d'exploitation des réacteurs.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CE171 de Mme Julie Larnoes.
Nous proposons de supprimer le premier alinéa de l'article puisque le Sénat a introduit une disposition visant à rallonger la durée du régime dérogatoire de quinze à vingt-sept ans, permettant ainsi de projeter la demande d'autorisation de construction d'EPR2 et de petits réacteurs modulaires (PRM ou SMR, Small Modular Reactor ) jusqu'en 2050.
Une dérogation au droit commun d'une durée de vingt-sept ans peut-elle être raisonnablement considérée comme une dérogation ? Ne s'agit-il pas plutôt d'une atteinte manifeste et pérenne aux réglementations essentielles d'occupation d'espaces de notre territoire ? Si l'objectif du Gouvernement est de relancer un nouveau programme de construction de réacteurs nucléaires, auquel le groupe Écologiste-NUPES est opposé, nous tenons à rappeler que la durée nécessaire à l'achèvement d'un tel projet dépend bien davantage de la durée de construction, qui exige un haut degré technique, d'expertise et d'ingénierie, que de celle des procédures administratives. Déroger à ces dernières n'accélérera pas la sortie de terre de nouveaux réacteurs, ce qui témoigne de l'inutilité de ces mesures.
Tous les industriels et les autorités indépendantes, comme l'ASN, que nous avons auditionnés ont tenu des propos inverses aux vôtres sur l'utilité des mesures du projet de loi. Je rejoins les professionnels du secteur et suis convaincue que ces dispositions permettront d'accélérer les projets car en anticipant certaines étapes, on évitera l'accumulation de retards et on réalisera des actions critiques dans le parcours du programme.
Quant à nos divergences de fond sur le nucléaire, il me semble que nous en avons déjà largement débattu. Avis défavorable.
L'avis est également défavorable. Ces projets industriels se déploient dans des temps longs, d'où la nécessité de prévoir des dérogations d'une durée suffisante : le Gouvernement avait proposé quinze ans, Mme la rapporteure souhaite qu'elle atteigne vingt ans pour revenir en partie sur les vingt-sept ans qu'a votés le Sénat et qui nous paraissent excessifs.
Les procédures administratives peuvent inutilement allonger le projet car il y a des jalons dont le franchissement peut faire parfois perdre six mois, un an voire deux ans. Les mesures que nous défendons permettront de gagner plusieurs années ; la seule mise en compatibilité des documents d'urbanisme peut beaucoup ralentir un projet : tous ceux qui ont exercé des mandats locaux connaissent parfaitement ce sujet et savent à quel point ce type de procédure peut prendre du temps – je vois MM. Jumel et Saint-Huile opiner du chef. La partie industrielle du projet ne sera pas raccourcie, mais on fera l'économie de mois et d'années qui présentent assez peu de valeur pour l'industrie comme pour l'administration et la protection des Français.
Ni Mme la rapporteure, ni Mme la ministre n'ont répondu sur l'allongement du délai de quinze à vingt-sept ans. Une mesure qui s'applique aussi longtemps n'est pas dérogatoire, mais pérenne et gravée dans le marbre.
La commission rejette l'amendement.
Amendements identiques CE623 de Mme Maud Bregeon, CE212 de M. Benjamin Saint-Huile et CE442 de Mme Marie-Noëlle Battistel.
L'amendement vise à clarifier le texte en ne mentionnant plus les petits réacteurs modulaires, car nous ne souhaitons pas dresser la liste des différentes technologies. Les dispositions pourront s'appliquer aux PRM comme à l'ensemble des réacteurs électronucléaires de production d'électricité, voilà pourquoi il est inutile que le texte évoque particulièrement les PRM.
L'amendement est identique à celui de Mme la rapporteure, même si ses motivations diffèrent. L'essentiel est de se retrouver sur le fond du texte.
Il est à nos yeux trop tôt pour prévoir des mesures dérogatoires sur les PRM, puisque cette technologie n'en est même pas au prototype. Néanmoins, je me retrouve également dans l'argumentation de Mme la rapporteure et nous sommes en phase pour retirer la référence aux PRM.
L'amendement vise à respecter l'objet du projet de loi, qui ne concerne pas les petits réacteurs modulaires, dont l'avancée technologique est très loin de la phase d'industrialisation.
L'avis est favorable car le texte s'applique à tous les réacteurs qui produisent de l'électricité sur une base nucléaire, quelle que soit la technologie employée. Nous vous présenterons dans quelques mois un rapport sur les choix technologiques, ceux-ci pouvant être amenés à évoluer dans le temps : si nous annoncions un programme de construction de réacteurs, l'innovation, la recherche et développement, et la mise au point de certains réacteurs pourraient conduire EDF à nous recommander des choix technologiques différents ; s'ils correspondaient à la meilleure solution, il serait légitime de les suivre.
Nous avons choisi la neutralité technologique dans ce texte car les procédures administratives n'ont pas vocation à se prononcer sur la nature des réacteurs.
Je ne comprends pas l'exclusion des PRM. À la lecture de l'exposé sommaire de l'amendement, on comprend que le projet de loi a vocation à s'appliquer aux EPR2 et non aux PRM, qu'il semble mettre de côté alors qu'ils peuvent représenter une solution. Qui peut le plus peut le moins : nous avons intérêt à conserver cette précision, utile puisque, comme vous l'avez dit, tous les choix sont ouverts. Il ne faudrait pas que le projet de loi restreigne les possibilités à l'avenir.
La commission adopte les amendements.
Amendement CE426 de M. Jérôme Nury.
Cet amendement vise à faire bénéficier les installations de chantier et les aménagements de voirie qui seraient nécessaires à la construction de réacteurs, des mesures dérogatoires prévues par le texte. Nous avons beaucoup parlé des constructions pérennes, mais n'oublions pas les installations liées à la mise en service, qui sont absentes du projet de loi comme de l'amendement que vient de présenter Mme la rapporteure.
Je partage totalement le fond de l'amendement, mais le CE632 que nous venons d'adopter intégrait les installations nécessaires à la construction. L'amendement étant satisfait, j'en demande le retrait.
L'amendement est retiré.
Amendement CE198 de Mme Christelle Petex-Levet.
L'amendement vise à inclure dans le champ du texte les anciennes installations et pas seulement les actuelles. Je pense évidemment à Fessenheim, qui a accueilli des installations nucléaires. Il serait intéressant d'envisager d'y faire fonctionner des petits réacteurs ou des EPR, et il ne faut pas s'interdire d'envisager une reconversion de ce site.
Je demande là encore le retrait de l'amendement : tant qu'une installation n'est pas déclassée, elle est toujours considérée comme une installation nucléaire de base (INB) et les dispositions du texte s'y appliqueront. L'exploitant proposera les lieux les plus à même d'accueillir une paire d'EPR en fonction du foncier et de certaines considérations liées au territoire, mais la précision que vous souhaitez apporter ne me semble pas nécessaire.
L'arrêt d'un réacteur n'entraîne pas son déclassement automatique. Tant que le site reste une INB, il peut accueillir de nouveaux réacteurs, ce temps comprenant celui, très long, du démantèlement : s'agissant du Fessenheim, nous avons du temps devant nous.
Ce texte est pensé pour les vingt ou vingt-cinq prochaines années ; il n'est pas impossible que l'exploitant dépose une demande de déclassement dans cette période. Il faut donc prévoir cette situation dès maintenant : l'amendement vise à ménager la possibilité d'une reconfiguration de ce site dans dix ou quinze ans.
Je vous rassure, il est assez peu probable que Fessenheim ne soit plus une INB dans les vingt prochaines années, ou alors nous serions devenus très rapides dans la conduite de certaines opérations.
Nous soutiendrons cet amendement de bon sens du groupe Les Républicains, comme nous avons soutenu le précédent. Il envoie un signal politique car le choix de l'exploitant ne se fera pas sans indication politique. Il n'est donc pas inutile de rappeler qu'il sera possible de relancer des sites qui ont fonctionné.
L'amendement apporte une précision juridique bienvenue, qui encadrera l'interprétation que les juges administratifs pourront faire de la loi. Le groupe Rassemblement national n'a aucune confiance dans la bonne volonté de certains juges administratifs, compte tenu de leur formation et de leurs orientations idéologiques, d'interpréter correctement la loi. Ils sont capables de donner corps à des théories contestataires toutes plus farfelues les unes que les autres. Plus la loi est claire et explicite, moins le juge pourra donner suite aux recours que le camp d'en face déposera contre la relance de sites arrêtés. Les juges ne suivent pas toujours la loi, ce que l'on peut regretter.
Je peux partager l'objectif de l'amendement, mais je rejette les propos que vient de tenir notre collègue Jean-Philippe Tanguy : en démocratie, le contrôle des pouvoirs entre eux qu'implique leur séparation est plutôt sain. Il est rassurant pour la démocratie que notre pays compte des juges administratifs compétents et indépendants, capables d'interpréter le droit ; dans le cas contraire, nous ne serions plus en démocratie. Je suis très attaché au fait que les élus politiques assument leurs responsabilités, que le Parlement remplisse sa mission d'élaboration et de contrôle de la loi, et que le pouvoir judiciaire exerce ses attributions.
La rédaction du texte sur les INB est sans ambiguïté, alors que celle de l'amendement en introduit et fragilise le dispositif.
La commission rejette l'amendement.
Amendement rédactionnel CE584 de Mme Maud Bregeon, rapporteure.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CE365 de Mme Florence Goulet.
L'amendement vise à supprimer la limitation dans le temps des mesures de simplification prévues. La crise énergétique et le dépérissement de la filière nucléaire, qui ont rendu nécessaire la rédaction de ce texte, ne doivent pas se reproduire. Il n'existe aucune raison de limiter dans le temps, à l'avance, l'application de ces dispositions, dès lors que nous ignorons le moment où elles cesseront d'être nécessaires. Si ce jour devait venir, il convient de laisser aux générations futures le soin de légiférer en ce sens.
Il ne faut pas se donner vingt-sept ans pour régler les problèmes de 2023, mais imposer une marche à suivre pour que l'on puisse constater des premiers résultats dès 2031.
Le projet de loi a été soumis pour avis au Conseil d'État. Ce dernier a rendu une appréciation favorable sur un régime dérogatoire limité dans le temps. Voilà pourquoi mon avis est défavorable.
Le passage d'un régime dérogatoire temporaire à un régime dérogatoire permanent ne me poserait aucun problème. Il s'appliquera de toute façon pour vingt ans, soit une longue durée ; en outre, je ne doute pas que le législateur le prolongerait en cas de besoin à l'issue de cette période.
C'est dans un souci de robustesse juridique du texte et de prise en compte des observations du Conseil d'État que je suis défavorable à l'amendement.
Un régime dérogatoire doit connaître une limite temporelle. Celle-ci est fixée par rapport à la durée des projets industriels : le texte sur les énergies renouvelables l'a fixée à quatre ans puisque les projets dans ce domaine se montent plus rapidement, mais, dans le nucléaire, les projets se déploient sur une quinzaine d'années. Le Gouvernement avait donc initialement proposé une durée de quinze ans, le Sénat l'a allongée à vingt-sept ans et nous allons examiner des amendements qui proposent des durées différentes. L'avis est défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendements CE373 de Mme Florence Goulet, CE258 de M. Maxime Laisney, CE401 de Mme Marie-Noëlle Battistel, amendements identiques CE172 de Mme Julie Laernoes et CE213 de M. Benjamin Saint-Huile, amendement CE622 de Mme Maud Bregeon, rapporteure (discussion commune).
Il s'agit, dans le même esprit que l'amendement précédent, de supprimer la limitation dans le temps des mesures de simplification.
Un régime dérogatoire de vingt-sept ans s'apparente, comme je l'ai dit ce matin, à du provisoirement définitif ou à du définitivement provisoire. Les mesures dérogatoires contenues dans le projet de loi sur les énergies renouvelables ne sont, elles, prévues que pour quatre ans.
L'amendement vise à limiter dans le temps le régime du présent projet de loi. En fixant une durée aussi longue, n'avouez-vous pas votre incertitude sur la possibilité de construire rapidement des réacteurs ? Le Haut Conseil pour le climat (HCC) a d'ailleurs fait part du même doute. Vous dites régulièrement qu'il faudrait environ quinze ans pour construire un réacteur, mais les mesures dérogatoires s'appliqueront pendant vingt-sept ans. La démonstration est faite que le nucléaire n'est pas une solution pour lutter contre le réchauffement climatique, lequel est déjà à l'œuvre.
Pour revenir sur les SMR, j'espère que l'on a bien compris que le texte n'excluait pas cette technologie ; la commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la France a auditionné Jean-Marc Jancovici, qui a expliqué – même lui ! –que les SMR ne représentaient pas une solution.
L'amendement CE401 vise à ramener de 2050 à 2035 la date de caducité des dispositions du titre Ier pour les demandes d'autorisation de création d'une installation nucléaire de base. Notre groupe considère en effet que notre pays doit s'engager dans une dynamique permettant d'atteindre à terme un mix énergétique composé à 100 % d'énergies renouvelables et largement diversifié.
Nous avons pris toute notre part dans la coconstruction, le renforcement et l'adoption de la loi d'accélération des énergies renouvelables. Cependant, les besoins énergétiques futurs, estimés entre 700 et 750 térawattheures, le retard pris en matière de sobriété dans le bâtiment et les transports et celui qu'accuse le déploiement des énergies renouvelables rendent particulièrement difficile d'atteindre un tel objectif à l'horizon 2050. Ainsi, outre la nécessaire prolongation de la durée de service du parc électronucléaire existant pour retarder ou repousser un « effet falaise » à l'horizon 2040, la question de la nécessité de lancer un nouveau programme EPR2 n'est pas écartée.
Cependant, dans l'hypothèse où les débats à venir sur la loi de programmation sur l'énergie et le climat – et nous espérons bien que nous aurons ce débat – viendraient à arbitrer en faveur d'un nouveau programme nucléaire, nous concevons cette énergie comme une énergie de transition en vue d'atteindre l'objectif précité. Or, en prévoyant la possibilité du dépôt d'une demande de création d'installations nucléaires de base selon les modalités prévues par le titre Ier jusqu'en 2050, le projet de loi intériorise d'emblée l'idée que de nouveaux réacteurs pourraient continuer d'être mis en service jusqu'à la fin de la décennie 2060, pour un fonctionnement qui pourrait aller jusqu'au milieu du XXIIe siècle.
Au-delà même de la question des énergies renouvelables, celle de l'évolution des technologies nucléaires à une telle échéance est également posée, alors que les démonstrateurs Demo et Proto, qui doivent succéder à Iter – réacteur thermonucléaire expérimental international – en cas de succès, devraient confirmer ou infirmer, d'ici à 2045, la perspective d'un basculement vers la fusion nucléaire dans la deuxième partie du siècle.
Il semble plus raisonnable de revenir, comme y tend mon amendement CE172, au délai initialement choisi par le Gouvernement, qui est le minimum nécessaire pour lancer une opération en espérant qu'elle verra le jour. En outre, l'extension de la durée d'application de ces mesures de simplification jusqu'à 2050 laisse le champ libre pour la construction de réacteurs supplémentaires.
La durée de vingt-sept ans proposée par le Sénat pose des questions juridiques et nous avons des doutes par rapport au dispositif initial présenté au Conseil d'État. C'est la seule raison pour laquelle je propose de changer le délai prévu, car là n'est pas la question centrale du texte – qui est de savoir quelles mesures permettront, dans les dix ou quinze ans à venir, de lancer le premier programme d'EPR2, après quoi le législateur aura le temps de réfléchir à la suite. L'amendement CE622 vise donc uniquement à une sécurisation juridique.
Une durée illimitée induirait un risque d'inconstitutionnalité. Une durée de quatre ans, inférieure à celle qui est nécessaire pour constituer et valider le premier dossier d'autorisation de construction, ne permet de rien faire. Une durée de douze ans est encore un peu courte. Avis défavorable, donc, aux amendements CE373, CE258 et CE401. Restent les propositions de porter le délai à quinze ou vingt ans : compte tenu du travail accompli par Mme la rapporteure et afin de nous donner encore un amorti de cinq ans supplémentaires, je propose le retrait des amendements identiques CE172 et CE213 au profit de l'amendement CE622.
Tout d'abord, le nucléaire s'inscrit dans le temps long, et c'est donc une erreur que de s'enfermer dans des délais très courts. En deuxième lieu, relancer le programme Astrid – réacteur rapide refroidi au sodium à visée industrielle – ferait du nucléaire une énergie renouvelable, car nous retrouverions alors le cycle vertueux du combustible – et je rappelle à cet égard que nous disposons de réserves pour plusieurs siècles. Enfin, en réponse à M. Jumel, qui a invoqué la précision des textes, je tiens à souligner, pour avoir pratiqué pendant près de trente ans les tribunaux de l'ordre administratif aussi bien que judiciaire, que les magistrats demandent des textes précis et que l'imprécision ouvre la porte à l'interprétation, laquelle peut dénaturer l'esprit d'un texte. Il est donc de notre devoir d'être précis.
Je ne vois aucun obstacle à ce que l'on précise la loi. Je voulais surtout répondre à la diatribe de M. Tanguy, pour qui les juges administratifs sont de dangereux gauchistes. En démocratie, il faut éviter qu'un pouvoir en juge un autre, car il ne s'agit plus alors de démocratie.
Il est extravagant de prévoir des dérogations aussi longues. Sans même parler de vingt-sept ans, les durées proposées dans les amendements de repli de nos camarades sont elles-mêmes excessives. Du provisoire qui dure douze, quinze ou vingt ans n'est pas du provisoire : ayons au moins l'honnêteté de parler d'un changement de législation durable et permanent. Cela est d'autant plus nécessaire que la durée indiquée n'est pas le délai au terme duquel on espère voir les centrales fonctionner, mais celui dont on dispose pour déposer des demandes de création, auquel il faut encore ajouter au moins quinze ans pour la construction des centrales. Cette mesure engagerait donc la réglementation pour des décennies, voire pour un demi-siècle si l'on ajoute la durée de la dérogation et celle de la conclusion. Ce n'est pas sérieux et c'est, après ce qui a été fait pour les énergies renouvelables, un nouvel exemple du « deux poids, deux mesures » qui montre le favoritisme dont fait preuve le Gouvernement en faveur du nucléaire.
Successivement, la commission rejette les amendements CE373, CE258 et CE401, ainsi que les amendements identiques CE172 et CE213.
Elle adopte l'amendement CE622.
Amendements identiques CE255 de M. Maxime Laisney, CE327 de Mme Lisa Belluco et CE428 de M. Benjamin Saint-Huile.
Mon amendement CE255 tend à supprimer l'alinéa 2, qui étend les mesures dérogatoires aux installations d'entreposage du combustible – c'est-à-dire du combustible avant et après usage. Or nous avons déjà beaucoup de mal à savoir quoi faire de ce combustible usagé, qu'il s'agisse de son entreposage à proximité des centrales ou de son traitement à La Hague, puis peut-être son stockage définitif à Bure dans le cadre du projet de centre industriel de stockage géologique (Cigéo). Durant les auditions auxquelles nous avons procédé, il nous a été avoué qu'à La Hague, on réfléchissait, faute de place, à la possibilité de condenser le combustible usagé dans les piscines – et peut-être en viendra-t-on un jour à fabriquer des piscines supplémentaires !
La construction de nouveaux réacteurs envisagée dans ce projet de loi implique la génération de nouveaux déchets. C'est une fuite en avant pour ce qui concerne le combustible en général, et le combustible usagé en particulier. Nous proposons donc de supprimer cette extension des dérogations.
Le régime dérogatoire pour vingt ans permet aux installations d'entreposage de combustible nucléaire de bénéficier des mêmes dérogations, alors qu'elles ne se situent pas toujours à proximité d'installations nucléaires de base existantes. Il importe de respecter l'intégralité des procédures environnementales et d'urbanisme permettant de s'assurer de la possibilité technique et de l'opportunité de ces implantations. L'amendement CE327 tend donc à supprimer l'alinéa 2.
Il faut considérer le nucléaire dans sa globalité, de l'amont à l'aval du cycle, et c'est un principe de responsabilité que d'avoir une vision de l'ensemble du traitement des déchets. Si nous voulons relancer le nucléaire et renouveler le parc existant, il faut aussi prendre en compte le recyclage, l'entreposage et l'enfouissement. Avis défavorable à ces amendements.
Ces amendements identiques posent à nouveau le problème des déchets de la combustion dans des réacteurs traditionnels de troisième génération. Puisque, sous la pression de la population française, qui s'étonne de ne plus avoir assez d'électricité, le Gouvernement a décidé de relancer un cycle industriel de réacteurs, c'est l'occasion de relancer le programme Astrid. Évitons d'en rester au moteur à hélice quand on peut utiliser un moteur à réaction ! Nous pourrons ainsi traiter des générations de déchets nucléaires que nous avons en stock pour récupérer de l'uranium et du plutonium. Saisissez la balle au bond et favorisez l'innovation pour que nous puissions enfin arriver au réacteur de quatrième génération. Outre cette observation, je ne suis pas favorable aux amendements.
Le Rassemblement national a décidément un problème avec les faits ! Alors que les réacteurs nucléaires existants produisent des déchets, on prévoit d'en construire plusieurs autres. On peut certes rêver éternellement et croire qu'une génération future de réacteurs ne produira plus de déchets, mais c'est illusoire. On a essayé d'y parvenir, sans succès.
Nous ne nions pas le problème que représentent les déchets nucléaires, mais il ne faut pas appliquer à leur entreposage les mêmes mesures dérogatoires au droit de l'urbanisme et au droit de l'environnement qu'aux nouvelles installations – a fortiori pour vingt ans.
La commission rejette les amendements.
Amendement CE644 du Gouvernement, sous-amendement CE663 de Mme Maud Bregeon et amendement CE380 de Mme Florence Goulet (discussion commune).
Les dispositions du projet de loi ont été conçues comme un ensemble cohérent, principalement pensé pour l'accélération des projets de réacteurs nucléaires, notamment les dispositions concernant l'urbanisme. Les articles 2 et 3 vont de pair et les dispositions de l'article 4 sont pertinentes pour une installation industrielle comportant de nombreux bâtiments. L'amendement CE644 vise à les adapter au bénéfice des projets d'entreposage de combustible liés à la relance de ce nouveau programme nucléaire.
Afin d'assurer la cohérence des adaptations requises, l'amendement tend à prévoir une vérification de la cohérence de la demande de l'exploitant par le ministre compétent, au moyen d'un arrêté qui permettra de préciser les dispositions applicables. Il inclut trois critères généraux d'éligibilité, pour rester en cohérence avec le champ d'application de la loi concernant les réacteurs nucléaires.
L'amendement CE380 tend à étendre les mesures de simplification aux bâtiments annexes nécessaires aux réacteurs, afin d'éviter les recours dilatoires.
Avis favorable sur l'amendement du Gouvernement sous-amendé et défavorable sur l'amendement CE380, qui étendrait le régime dérogatoire à des réacteurs de recherche tels que l'accélérateur de particules du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) ou au projet Cigéo de Bure, puisque l'entreposage des déchets a été intégré au dispositif. Une telle extension me semble précipitée.
Avis favorable sur l'amendement rédactionnel de Mme la rapporteure et défavorable sur l'amendement CE381 de Mme Goulet.
Dans l'amendement de Mme la ministre figure un 1° ainsi rédigé : « Il a vocation à entreposer principalement des combustibles nucléaires ayant été irradiés dans des réacteurs électronucléaires existants ou dans des réacteurs électronucléaires mentionnés au I du présent article. » Qu'en est-il du reste ? De quels déchets s'agit-il ?
Il s'agit de combustible usé, et non pas encore de déchets, et qui ne proviennent pas, notamment, de réacteurs de recherche.
La commission adopte successivement le sous-amendement CE663 et l'amendement CE644 sous-amendé.
En conséquence, l'amendement CE380 tombe.
Amendements identiques CE565 du Gouvernement, CE173 de Mme Julie Laernoes, CE256 de Mme Aurélie Trouvé et CE537 de M. Stéphane Travert.
L'amendement CE565 vise à retirer les projets de production d'hydrogène bas carbone du champ d'application des dérogations. La rédaction issue du Sénat compliquerait plus qu'elle ne simplifierait la mise en œuvre de ces projets.
Avec un argumentaire quelque peu différent, l'amendement CE256 tend lui aussi à supprimer le lien entre l'hydrogène et le nucléaire. La production d'hydrogène par électrolyse peut être une bonne idée, mais le rendement est faible. Dans son discours du Creusot, le 8 décembre 2020, Emmanuel Macron avait affirmé ce lien, exprimé aussi d'une façon criante par les 7 milliards d'euros prévus par le plan de soutien à l'hydrogène bas carbone, qui est en réalité une promotion indirecte du nucléaire. C'est donc aussi pour cette raison que nous demandons la suppression de l'alinéa 3.
Sans remettre en cause le développement de la production d'hydrogène bas carbone, qui est un enjeu majeur, l'amendement CE537 tend, lui aussi, à la suppression de l'alinéa 3, qui rend les projets de cette nature éligibles aux dispositions du titre Ier.
Avis favorable. À titre personnel, je crois beaucoup à l'hydrogène à base d'électrolyse, a fortiori si l'électricité utilisée est bas-carbone. En l'occurrence, cependant, l'amendement aurait pour effet la création d'un régime intermédiaire entre les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) et les installations nucléaires de base, dont la mise en œuvre opérationnelle compliquerait les choses plus qu'elle ne les faciliterait.
Dans le droit français, la notion d'hydrogène bas carbone désigne l'hydrogène renouvelable et nucléaire, alors qu'en droit européen, le terme s'applique à l'hydrogène sur base nucléaire. Ainsi, monsieur Laisney, selon le point de vue, vous développeriez les énergies renouvelables ou les remettriez en cause.
Cet ajout du Sénat était de bon sens, car il est ici question d'une stratégie industrielle. Isoler la production d'hydrogène n'a aucun sens, car l'ensemble des études techniques menées sur la faisabilité et le rendement des processus de stockage par hydrogène – et a fortiori de production de puissance électrique au moyen de l'hydrogène – montrent que le nucléaire est la seule option viable, pour des raisons évidentes liées à l'utilisation du courant et à l'utilisation en base – ce qui n'est évidemment pas le cas pour le renouvelable intermittent.
Nous assistons au démantèlement progressif de toute ambition planificatrice du développement du nucléaire et d'un droit qui serait au service des objectifs industriels, écologiques et économiques – et non l'inverse. On retombe là dans tous les travers qui, depuis les années 1990, ont mis à terre la filière nucléaire.
Sur le fond, Mme la rapporteure a souligné à très juste titre la distinction entre ICPE et INB.
Quant à la position du groupe Rassemblement national, elle présente des contradictions. De fait, chers collègues, lors de l'examen du texte consacré aux énergies renouvelables, vous avez voté contre toutes les dispositions visant à inclure les gaz bas carbone, car le seul spectre d'une énergie renouvelable suffisait à provoquer votre rejet, mais si vous considérez, par exemple, le projet d'usine à hydrogène de Dunkerque, vous verrez qu'elle sera alimentée à la fois par le futur parc éolien offshore et par le parc nucléaire attenant de Gravelines : je vous souhaite bonne chance si vous voulez compter les électrons issus respectivement de ces deux sources pour savoir si l'hydrogène ainsi produit est de bonne ou de mauvaise qualité !
La commission adopte les amendements identiques.
En conséquence, l'amendement CE328 de Mme Lisa Belluco tombe.
Amendements identiques CE174 de Mme Julie Laernoes, CE402 de Mme Marie-Noëlle Battistel et CE536 de M. Stéphane Travert.
L'amendement CE174 vise à supprimer l'alinéa 4, qui prévoit la remise au Parlement d'un rapport sur la faisabilité et l'opportunité d'étendre les technologies des projets nucléaires et leurs conditions d'implantation. Il n'y a pas de raison d'envisager la possibilité d'une nouvelle extension de la durée – qui vient du reste d'être fixée à vingt ans – d'application et de simplification des procédures pour les objets nucléaires et leurs conditions d'implantation mentionnées au I de l'article 1er. N'inscrivons pas dans le marbre toutes ces mesures dérogatoires.
L'objet du rapport envisagé nous paraît mal défini et, du reste, cette évaluation relève plutôt des industriels et du régulateur que du Gouvernement. Par ailleurs, le délai proposé ne permettra aucun retour d'expérience dans l'hypothèse où une nouvelle génération d'EPR2 devrait être lancée à la suite des arbitrages définis dans la loi de programmation.
Le projet de loi comporte déjà de nombreuses demandes de rapports de cette nature. L'opportunité d'une extension des conditions d'implantation instaurées par le projet de loi sera examinée à l'occasion de l'élaboration par le Parlement d'un rapport d'évaluation de la loi, conformément aux dispositions de l'article 145-7 du règlement de l'Assemblée nationale. C'est la raison pour laquelle nous proposons, avec l'amendement identique CE536, la suppression de l'alinéa 4.
Pour ma part, ce rapport me va très bien. Il s'agit en effet de répondre à la question suivante, qui remonte assez régulièrement, notamment dans les consultations auxquelles nous avons procédé sur le mix énergétique : pourquoi pas des SMR sur des plateformes industrielles ?
Quelle que soit la réponse qu'apportera ce rapport, il est utile d'éclairer le débat, car cette question est posée tant par les élus locaux que par les parlementaires – c'est par exemple le cas dans mon territoire du Pas-de-Calais, où des élus locaux commencent à rêver de SMR. Il faut donc clairement paramétrer les choses.
Gardons la juste mesure de l'enjeu : il n'est ici question que de rapports, et non pas de décisions structurelles. Inutile donc de se rouler par terre en dénonçant la grande relance du nucléaire : il ne s'agit que d'éclairer un débat qui se tient réellement sur les territoires pour savoir comment équilibrer les enjeux de la décarbonation industrielle et le souci d'éviter une trop grande dissémination du nucléaire. L'avis serait donc défavorable, mais je suggère plutôt le retrait de ces amendements en vue de les retravailler d'ici à l'examen en séance. Je suis en revanche favorable à ce que nous nous posions cette question et y répondions pour éclairer le Parlement.
C'est tout à fait baroque ! D'ordinaire, et selon une longue tradition, les parlementaires demandent des rapports au Gouvernement, lequel demande, à juste titre, que l'on cesse d'inscrire de telles demandes dans la loi. Or, ici, c'est l'exact inverse qui se produit !
Du reste, est-il vraiment nécessaire qu'un rapport soit demandé par l'Assemblée pour que le Gouvernement le produise ? En d'autres termes, faut-il une loi pour demander un rapport ?
Non, monsieur le président. Je pourrai vous communiquer ce rapport lorsque je l'aurai fait. Vous pouvez aussi m'auditionner dans le cadre d'une mission d'information ou d'une commission d'enquête.
La commission adopte les amendements.
Amendements identiques CE624 de Mme Maud Bregeon et CE535 de M. Stéphane Travert.
Suivant la même logique, il s'agit de supprimer la demande de rapport figurant à l'alinéa 5.
Avis favorable. Produire chaque année un rapport d'application est peut-être un peu excessif.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, les amendements CE403 de Mme Marie-Noëlle Battistel, CE375 de Mme Florence Goulet, CE438 de Mme Anna Pic et CE439 de Mme Marie-Noëlle Battistel tombent.
Amendements CE585 de Mme Maud Bregeon et CE155 de Mme Julie Laernoes (discussion commune).
Selon le texte adopté par le Sénat, ce que recouvre la notion de proximité immédiate, qui doit être précisée par décret en Conseil d'État, « ne peut excéder le périmètre initial du plan particulier d'intervention [PPI] existant […] lorsque l'installation nucléaire de base […] en dispose ». Les PPI sont des documents qui permettent d'organiser les secours, c'est-à-dire la distribution d'iode, dans un rayon initial de 10 kilomètres et désormais de 20 kilomètres autour de l'installation, ce qui nous semble un périmètre bien trop large pour l'implantation de nouvelles installations.
Selon le rapporteur du texte au Sénat, l'Association des maires de France (AMF) a indiqué que la notion de proximité immédiate n'était pas définie sur le plan juridique et que « la mise en œuvre de cette mesure serait facilitée si l'installation existante et la nouvelle installation à proximité généraient le même périmètre de 20 kilomètres, c'est-à-dire si elles étaient situées à moins de 1 kilomètre l'une de l'autre ». Pourtant, la rédaction adoptée par le Sénat ne permet pas de s'assurer que la nouvelle installation nucléaire aura le même PPI que l'installation existante, mais seulement qu'elle sera construite dans un rayon de 20 kilomètres. Le groupe Écologiste propose, comme l'AMF, une distance maximale de 1 kilomètre entre les deux installations.
Avis défavorable, car une distance de 1 kilomètre me semble insuffisante. Il ne faut pas oublier que ces mesures dérogatoires concernent non seulement la construction du réacteur en tant que tel mais aussi celle des bâtiments annexes et auxiliaires, ainsi que celle des raccordements, lesquels iront nécessairement plus loin. C'est pourquoi le Sénat a introduit une limite correspondant à la zone du PPI, le périmètre devant ensuite être précisé par décret. Prévoir une distance maximale de 1 kilomètre reviendrait à enterrer toute possibilité d'accélération des constructions.
Avis favorable à l'amendement de la rapporteure, mais défavorable à celui de Mme Laernoes, qui ne correspond pas à la proposition de l'AMF. Celle-ci souhaite qu'on reste grosso modo dans l'enveloppe du PPI, ce qui est très différent.
Successivement, la commission adopte l'amendement CE585 et rejette l'amendement CE155.
Amendement CE214 de M. Benjamin Saint-Huile.
Nous considérons également qu'un périmètre de 20 kilomètres est excessivement large : cela va bien au-delà d'une « proximité immédiate ». C'est pourquoi nous demandons la suppression de cette disposition.
Avis défavorable. La suppression de la référence au périmètre du PPI enlèverait tout garde-fou : le décret pourrait prévoir, par exemple, une limite de 40 kilomètres, ce qui ne correspondrait pas, me semble-t-il, à ce que vous souhaitez. La rédaction actuelle me paraît satisfaisante, car elle laisse ouvert le champ des possibilités dans une limite de 20 kilomètres. La zone concernée pourra avoir un rayon inférieur, mais il faut laisser le Gouvernement travailler sur ce point avec l'exploitant.
Si vous enlevez cette précision, nous en resterons à la notion de proximité immédiate, qui peut être assez librement interprétée. Le Sénat a fixé une limite en se raccrochant à un objet juridiquement connu et maîtrisé. Enlever la référence au PPI serait contraire aux objectifs que vous défendez. Par conséquent, demande de retrait.
L'amendement est retiré.
Amendement CE74 de Mme Marie Pochon.
Alors qu'une loi votée en 2015, revue en 2019 par votre majorité et jamais abrogée depuis cette date, prévoyait de réduire la voilure du nucléaire en fermant douze réacteurs d'ici à 2035, nous discutons d'un projet de loi qui fait exactement le contraire. C'est dire la constance dont vous faites preuve.
Le présent texte n'a qu'une seule finalité, développer toujours plus le nucléaire, quoi qu'il en coûte. Pour cela, le Gouvernement souhaite déroger aux procédures existantes, non pendant 1 ou 5 ans, mais autour de 20 ans – pourquoi pas 54 ou 270 ? À ce stade, de toute façon, de telles dispositions ne sont plus dérogatoires mais permanentes.
Tout cela va à contre-courant de notre histoire. Je pense que vous l'avez toutes et tous remarqué, les ministres en ont même beaucoup parlé, la France est en situation de sécheresse en ce moment. Or, s'il y a un truc qui fonctionne assez mal en période de sécheresse, tout particulièrement en été, quand il fait très chaud, c'est bien le nucléaire. Mais c'est sans doute nous qui sommes anti-sciences : on ne doit pas savoir comment le nucléaire fonctionne…
Par ailleurs, l'allègement des procédures administratives est un grand classique : c'est toujours la norme le problème. Il me semble pourtant que les normes, de l'obligation de porter une ceinture de sécurité à l'interdiction des substances dangereuses, permettent de sauver des vies tous les jours en France. Face à l'urgence climatique, il se pourrait que des normes soient également nécessaires.
À défaut de supprimer cet article, comme le demandait un amendement de notre collègue Julie Laernoes, nous souhaitons introduire un peu de démocratie dans les procédures, grâce à la réalisation d'une enquête publique. Tel est le sens de cet amendement signé par vos Amish préférés.
Bienvenue, madame Regol. Nous sommes vraiment ravis de vous accueillir dans cette commission, mais nous aurions aimé que vous arriviez plus tôt : vous auriez ainsi entendu les réponses aux questions portant sur l'eau et le réchauffement climatique. Je ne me répéterai pas, mais vous pourrez consulter le compte rendu.
Le parallèle entre la ceinture de sécurité et la construction de réacteurs nucléaires me paraît, peut-être, un tout petit peu simpliste. Personne ne dit que des normes ne sont pas nécessaires. Néanmoins, nous en avons probablement trop accumulé ces dernières années, et il convient donc de procéder à une rationalisation, comme nous l'avons fait pour les énergies renouvelables, dans un texte qu'une partie de la NUPES a voté.
S'agissant de la dimension démocratique des procédures, chaque projet de réacteur s'accompagne d'une participation du public. Je crois que nous ne manquons pas d'enquêtes publiques, puisqu'il y en a lors de l'instruction de la demande d'autorisation de création du réacteur, lors de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale et lors de la réalisation de l'étude d'impact. Par ailleurs, des débats ont eu lieu durant l'élection présidentielle et durant les élections législatives, dont on a vu les résultats pour les tenants de l'atome et ses opposants.
Par conséquent, avis défavorable.
Je ne comprends pas du tout cet amendement, car il ne fait que répéter une disposition figurant déjà dans la loi et que nous ne remettons pas en cause. Une enquête publique est menée préalablement à la première autorisation environnementale, puis à l'autorisation de création de l'installation nucléaire de base et, mieux encore, la demande d'autorisation fait l'objet d'un débat public. Avis défavorable : n'alourdissons pas le texte par des rédactions superfétatoires.
J'ai peur que la ministre ait raison sur ce point, mais cela n'emporte pas mon adhésion sur le reste.
J'en profite pour vous poser une question : pourquoi les derniers textes relatifs à l'énergie ont-ils été examinés en premier par le Sénat, dont les positions ont l'air de vous embarrasser ? Les collectivités territoriales ne sont concernées que très indirectement par le sujet.
Cela arrive régulièrement, monsieur Jumel – vous connaissez bien le Parlement –, mais je vais laisser le Gouvernement répondre, puisque c'est son choix qui est en cause.
La charge de travail respective de chaque assemblée a pu jouer un rôle. Par ailleurs, le projet de loi relatif aux énergies renouvelables remettait au centre du jeu les élus des territoires. Il était ainsi beaucoup question des maires. La logique voulait donc que ce texte passe d'abord au Sénat.
J'observe d'ailleurs une chose intéressante : dans cette assemblée qui était présumée hostile aux énergies renouvelables, 320 sénateurs ont voté pour le texte, et 5 contre ; dans votre assemblée, une partie de la gauche – mais pas le parti socialiste –, qui était présumée favorable aux énergies renouvelables, n'a pas soutenu le texte. C'est toute la différence entre les paroles et les actes : il y a ceux qui parlent et ceux qui votent.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'article 1er modifié.
Article 2 : Mise en compatibilité des documents d'urbanisme avec un projet de réalisation d'un réacteur électronucléaire
Amendements de suppression CE6 de Mme Julie Laernoes et CE266 de M. Christophe Bex.
L'article 2 tend à modifier la procédure de mise en compatibilité des documents d'urbanisme lorsque leur évolution est nécessaire afin de construire de nouvelles installations nucléaires et tend à qualifier de projets d'intérêt général les projets de réacteurs nucléaires.
Nous nous opposons à l'instauration d'une procédure spécifique pour les réacteurs nucléaires qui déplacerait la maîtrise des procédures d'urbanisme des collectivités vers l'État. Loin d'être en faveur des collectivités, ce projet de loi placerait sous la direction de l'État toutes les procédures d'urbanisme relatives à la construction de nouvelles installations nucléaires. Cela revient à faire, encore une fois, une exception pour le nucléaire, et de telles dispositions paraissent éminemment contestables au regard du principe de libre administration des collectivités territoriales, garanti par l'article 72 de la Constitution.
Je rappelle, en outre, que ce ne sont pas les procédures d'instruction des demandes d'autorisation ou les procédures contentieuses engagées contre les décisions prises qui sont à l'origine des importants retards de construction des réacteurs nucléaires, mais les défaillances techniques de la filière. Le Conseil d'État a lui-même estimé, dans l'avis qu'il a rendu le 27 octobre 2022, que le gain de temps attendu grâce aux dispositions de cet article « ne peut être évalué avec certitude », ce qui signifie que son existence n'est pas certaine.
Nous souhaitons également la suppression de cet article qui vise à créer une nouvelle procédure dérogatoire au droit commun pour la mise en compatibilité des documents d'urbanisme en vue de la construction de nouveaux réacteurs électronucléaires.
Ces dispositions donneraient en effet à l'État la possibilité d'engager directement les procédures de mise en compatibilité des documents d'urbanisme, au mépris des compétences des collectivités territoriales. Ce serait un affaiblissement de la libre administration des collectivités que nous ne pouvons pas accepter.
Par ailleurs, même si on acceptait l'objectif du Gouvernement, qui est de relancer le nucléaire en France, l'utilité de la nouvelle procédure paraîtrait douteuse. Le Conseil d'État a souligné, dans son avis, que le gain de temps ne peut être évalué avec certitude, et le rapporteur du texte au Sénat a relevé que, selon les personnes qu'il a auditionnées, les principales origines des délais et des retards étaient la complexité et la technicité des études d'ingénierie ainsi que les problèmes de disponibilité des compétences, et non les procédures d'urbanisme. Rien ne justifie, par conséquent, que l'État agisse de manière autoritaire dans ce domaine, en enjambant les compétences des collectivités territoriales. Vous aviez d'ailleurs tenu un raisonnement assez différent lors de l'examen du texte consacré aux énergies renouvelables : une fois encore, vous faites deux poids, deux mesures.
La mise en compatibilité des documents d'urbanisme n'a rien d'exceptionnel : cela existe déjà dans le cadre des projets d'intérêt général, des déclarations de projet et des déclarations d'utilité publique. On le fait, notamment, pour la construction des autoroutes, des lignes de TGV et des aéroports, mais il est vrai que vous n'aimez pas ces opérations d'intérêt public.
Par ailleurs, contrairement à ce que vous affirmez, le Conseil d'État a estimé que cette procédure, qui maintient une instruction conjointe des projets par l'État et par les autorités compétentes en matière d'urbanisme, ne portait pas atteinte à la libre administration des collectivités territoriales.
Enfin, il ressort des auditions que ces dispositions permettront un gain de temps, estimé à au moins six mois. Tout ne se résume pas aux améliorations apportées à la conception de l'EPR2 par rapport à celle de l'EPR, qu'il s'agisse de l'absence de maintenance en cours d'exploitation ou de la rationalisation de certaines pièces.
Il ne s'agit pas, je l'ai dit tout à l'heure, de comprimer le temps des projets industriels mais d'éviter de perdre du temps administratif. Il y a parmi vous des élus locaux, ou d'anciens élus locaux, notamment d'anciens maires, qui savent bien que la mise en cohérence des documents d'urbanisme prend plusieurs mois, voire plusieurs années. C'est une procédure que l'on utilise pour de grands projets d'ordre national, dont fait partie la construction des réacteurs nucléaires, alors que les projets d'énergies renouvelables sont très locaux. Telle est la raison de la différence procédurale qui est prévue. J'observe, par ailleurs, que vous n'aviez pas les mêmes pudeurs à l'égard des élus locaux quand vous vouliez leur imposer des projets d'énergies renouvelables.
Nous partageons l'analyse de nos collègues écologistes selon laquelle les retards dans la conduite des projets émanent de pertes de savoir-faire, d'errements politiques, de problèmes très techniques ou même de difficultés d'ingénierie, mais ne sont pas liés aux procédures administratives.
En revanche, les élus peuvent gagner du temps sur le terrain de l'urbanisme, en anticipant les problèmes liés aux grands projets. Je pense notamment à la qualité sociale et environnementale de l'accueil qui leur est réservé. Si on veut, par exemple, loger les salariés d'une centrale autrement que dans des cages à poules ou comme des nomades du nucléaire, il faut être en mesure de modifier le plan local d'urbanisme (PLU). De même, si on veut transporter les matières nécessaires à un grand chantier autrement que par la route, par exemple par le rail, et développer les transports collectifs, il faut intégrer des modifications au niveau du schéma de cohérence territoriale (SCoT) et du PLU. Si on veut éviter les parkings ventouses qui peuvent laminer des terres agricoles et préempter un schéma directeur de transport ou de développement durable, alors il faut anticiper la question au niveau des PLU. C'est important quand on veut faire preuve d'exemplarité sociale et environnementale.
L'article 2 comporte des dispositions s'apparentant à la raison impérative d'intérêt public majeur qui figurait dans le projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables. Dans le présent texte, ces dispositions sont assorties de délais qui ne sont pas raisonnables. On ne peut pas demander aux collectivités territoriales de délibérer dans un délai d'un mois. Quand on a été, comme moi, un élu local, on sait bien que ce n'est pas possible. Par ailleurs, les déclarations d'utilité publique valent qualification d'intérêt général, ce qui permet de s'asseoir sur toutes les réglementations.
J'ai participé à l'élaboration d'un PLU métropolitain et d'un SCoT. J'ai notamment vu, dans ce cadre, comment l'État essayait de répondre à des mises en demeure européennes, au sujet de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, à travers le SCoT.
Il serait assez normal, quand il s'agit d'implanter un nouveau réacteur nucléaire ou une paire de nouveaux réacteurs nucléaires, ce qui a des implications, notamment en matière de travaux, de ne pas enlever tous leurs droits aux élus locaux. L'article 2 contrevient à plusieurs égards à la libre administration des collectivités territoriales, lesquelles se verront notamment imposer des délais intenables.
La commission rejette les amendements.
Amendement CE382 de Mme Christine Engrand.
Ce projet de loi, qui nous engage sur plusieurs décennies, doit être l'occasion de faire des choix forts. Les solutions prévues doivent être à la mesure des dégâts causés par près de deux décennies d'indifférence, voire d'hostilité à l'égard du nucléaire. Notre amendement tend ainsi à qualifier d'opération d'intérêt national la reconstruction de notre parc nucléaire. Cette solution aurait le grand avantage d'éviter toute procédure de mise en compatibilité, qui rallonge inévitablement les délais de construction de chaque réacteur, sans faire une croix sur la consultation des collectivités territoriales.
Selon l'article L. 102-12 du code de l'urbanisme, une opération d'intérêt national répond à des enjeux d'une importance telle qu'elle nécessite une mobilisation de la collectivité nationale et que l'État décide de lui consacrer des moyens particuliers. Cigéo bénéficie de cette qualification depuis juillet 2022. Ce qui a été fait pour les déchets nucléaires, faisons-le aussi pour la construction des réacteurs.
Nous y avons également réfléchi, mais il nous a été répondu lors des auditions qu'il faudrait que les projets aient une consistance suffisante, en matière de localisation comme sur le plan technique et technologique. Cela pourrait être envisageable, et encore je n'en ai pas la certitude, pour le premier projet, mais pas pour la troisième paire d'EPR, qui est envisagée dans la vallée du Rhône – on ne sait pas si ce serait plutôt du côté du Bugey ou de Tricastin. Par conséquent, demande de retrait et, à défaut, avis défavorable.
Je vais vous faire une réponse technique, comme tout à l'heure au sujet des ICPE et des INB, lorsque j'ai souligné que ces notions ne correspondaient pas aux mêmes façons de procéder, et que ce n'était donc pas une question politique qui se posait. Un projet d'intérêt général, de même, ce n'est pas la même chose qu'une opération d'intérêt national. Alors que la qualification de projet d'intérêt général a des conséquences en matière d'urbanisme, ce n'est pas le cas pour les opérations d'intérêt national, et la question de la mise en cohérence des documents d'urbanisme continue donc à se poser dans ce cadre. C'est la raison pour laquelle nous avons retenu, afin qu'il y ait une accélération, la rédaction qui figure dans le projet de loi.
Je dois dire que je commence un peu à m'inquiéter, à la suite des réponses qui sont apportées depuis hier, de la réalité de votre capacité à relancer un programme nucléaire. Mme la ministre a répondu, par exemple, qu'on ne savait pas vraiment quelle serait la localisation des futurs EPR, alors que seuls six d'entre eux sont prévus pour le moment – je n'ose imaginer ce que cela serait si on décidait d'en construire davantage, comme il le faudrait. Nous nous disions, a priori, que nous voterions avec enthousiasme ce projet de loi, mais je commence à me demander s'il n'y aura pas un autre creux nucléaire entre l'adoption du texte et le lancement concret d'un premier réacteur. Mon groupe commence à s'interroger sérieusement sur votre capacité à changer de pied.
Il ne faut pas confondre volonté d'avancer et gloubi-boulga légistique ou juridique. Je suis désolée de vous faire encore une réponse technique, mais vous êtes en train de freiner les projets nucléaires avec une idée qui ne marche pas, alors que je propose, pour ma part, d'aller plus vite en matière d'urbanisme, branche du droit qui a certaines implications. Si vous voulez soutenir le nucléaire, comme vous le prétendez, je vous invite à ne pas voter cet amendement. Vous pouvez faire de la politique, bien sûr, mais ce sera compris comme tel.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CE528 de Mme Louise Morel.
Afin d'accélérer concrètement la réalisation des projets nucléaires, le groupe Démocrate propose de supprimer une étape de la procédure, à savoir l'adoption d'un décret en Conseil d'État pour qualifier de projet d'intérêt général la construction d'un réacteur électronucléaire ou d'une installation d'entreposage de combustible nucléaire.
Il ne faudrait pas supprimer tout l'alinéa 1, comme tend à le faire votre amendement, car la qualification de projet d'intérêt général est un apport important du projet de loi : cela permet au contentieux de se dérouler devant le Conseil d'État, ce qui est pertinent pour ce genre de projets.
Je vous proposerai plutôt d'adopter un amendement du Gouvernement tendant à ne supprimer que la dernière phrase de cet alinéa, ainsi rédigée : « Cette qualification ne peut intervenir avant qu'ait été dressé le bilan du débat public organisé par la Commission nationale du débat public en application de l'article L. 121-8 du code de l'environnement ». Cela correspond à la partie de votre amendement avec laquelle je suis d'accord, car cette disposition constitue effectivement un frein.
Demande de retrait.
Je ferai la même demande. Même si cela peut paraître inhabituel, le décret en Conseil d'État sécurise les caractéristiques du projet en cas de contentieux. La fin de l'alinéa, en revanche, paraît superfétatoire : je vous proposerai donc de la supprimer.
L'amendement CE528 est retiré.
La commission adopte l'amendement de coordination CE633 de Mme Maud Bregeon.
En conséquence, l'amendement CE259 de M. Aymeric Caron tombe.
Amendements identiques CE643 du Gouvernement et CE124 de Mme Mathilde Paris.
Il s'agit de supprimer la précision selon laquelle la qualification de projet d'intérêt général ne peut intervenir qu'après le bilan du débat public organisé par la CNDP – Commission nationale du débat public –, car cela compliquerait la procédure.
Notre amendement a le même dispositif, mais pas du tout la même motivation.
Si nous voulons supprimer la mention du bilan du débat public, c'est parce que celui-ci est une énième et insupportable confiscation du pouvoir démocratique que les citoyens attribuent aux élus par leur suffrage, au profit de corps intermédiaires qui ne représentent qu'eux-mêmes et de populations qui sont toujours les mêmes, pas du tout représentatives des Français, en particulier des catégories modestes et moyennes ; celles-ci ont autre chose à faire de leur vie que de participer à des débats publics et font confiance aux élus et aux institutions de la République, notamment celles chargées de l'expertise scientifique. On vient encore de le voir, l'existence même de débats publics pose un sérieux problème. Revenons aux vraies valeurs de la démocratie : un débat démocratique, des élections, des élus qui font le travail et assument leurs responsabilités devant leurs concitoyens.
Cette vision est caricaturale. Le débat public est beaucoup plus équilibré que cela. À Dieppe, il a bien eu lieu au bout du compte et a permis, bien loin d'une assemblée monocolore, une confrontation de points de vue incluant notamment les ouvriers et les syndicats ; bref, la population s'en est mêlée, ce qui est une bonne chose pour la démocratie.
Madame la ministre, j'ai bien compris la distinction entre projet d'intérêt général, qui emporte des conséquences en matière d'urbanisme, et opération d'intérêt national, qui n'en emporterait pas. En revanche, le label Grand Chantier implique des conséquences en matière de gestion d'un projet de ce type. Par ailleurs, en ce qui concerne l'artificialisation des sols et sa compensation, la qualification de projet d'intérêt national peut avoir des effets pour le territoire concerné.
J'aimerais des éclaircissements sur ces points soit en commission, soit d'ici à l'examen en séance, plutôt que d'être renvoyé à une proposition de loi sénatoriale dont je ne connais pas la teneur et dont on ne sait pas si elle prospérera, ni, le cas échéant, quand et dans quelles conditions. Je le répète, la consommation foncière et les mesures de compensation sont des éléments déterminants de la qualité d'un projet et de la possibilité de l'accompagner.
Nous ne voterons pas les amendements, car ils représentent à nos yeux un grand recul en matière de participation du public, inscrite dans la Charte de l'environnement et dotée d'une valeur constitutionnelle.
Ce n'est pas un recul, car le débat public demeure : les propos qui ont été tenus pour défendre l'amendement sont politiques et déconnectés de son contenu réel. La rédaction du Sénat ajoute un rappel concernant le débat public qui introduit de la confusion dans la procédure. L'article L. 121-13 du code de l'environnement donne déjà l'assurance que la qualification de projet d'intérêt général pour la construction d'un réacteur électronucléaire interviendra postérieurement à la publication du bilan du débat public. Le droit de l'urbanisme et le régime des autorisations en ce qui concerne la participation du public et l'environnement sont un peu complexes. Il s'agit simplement de corriger une redondance qui crée de la confusion en matière juridique.
En aucun cas – je le dis à l'intention du RN – l'amendement ne supprime le débat public : si telle était son intention, cela ne marchera pas, car le dispositif visé est déjà prévu dans le droit et c'est un autre article qu'il aurait fallu amender.
Monsieur Jumel, la qualification de projet d'intérêt général est donnée par l'État pour permettre la mise en cohérence des documents d'urbanisme – PLU et SCoT –, tandis que celle d'opération d'intérêt national correspond à une opération d'aménagement de grande ampleur et donne compétence au préfet, mais dans le respect du PLU. Quant au Grand Chantier, il n'a pas de conséquences en matière d'urbanisme.
S'agissant du zéro artificialisation nette (ZAN), il fait l'objet de deux propositions de loi : l'une, sauf erreur, en préparation à l'Assemblée nationale, l'autre inscrite à l'ordre du jour du Sénat le 8 mars et qui a vocation à répondre à vos questions. Par souci de cohérence, l'application du ZAN doit être transversale, c'est-à-dire concerner les transports, le logement, l'industrie, l'énergie : il ne faut pas la segmenter par secteurs.
En ce qui concerne le ZAN, une proposition de loi du groupe Renaissance a été déposée à l'Assemblée et, au Sénat, une proposition de loi transpartisane est examinée au sein d'une commission spéciale. Nous verrons dans quelques semaines ou mois, par exemple à l'occasion d'une semaine de l'Assemblée, lequel de ces deux textes nous faisons prospérer : le texte sénatorial, qui pourrait être repris de façon également transpartisane par notre assemblée, la proposition de loi du groupe majoritaire ou une autre d'un autre groupe dans le cadre d'une niche.
La commission adopte les amendements.
Amendements identiques CE606 de Mme Maud Bregeon et CE260 de Mme Anne Stambach-Terrenoir
Cet amendement de coordination juridique tend à supprimer plusieurs précisions, dont celle, déjà apportée à l'article 1er, selon laquelle les systèmes de raccordement sont inclus dans la construction du réacteur.
La commission adopte les amendements.
Suivant l'avis de la rapporteure, elle rejette l'amendement CE440 de Mme Anna Pic.
Elle adopte successivement l'amendement CE544, rédactionnel, l'amendement CE546, de coordination, et l'amendement CE548, rédactionnel, de Mme Maud Bregeon, rapporteure.
Amendements identiques CE605 de Mme Maud Bregeon et CE519 de M. Stéphane Travert.
Mon amendement tend à supprimer le délai additionnel de quatre semaines plus deux semaines, applicable aux observations des communes et à leur traitement par l'État. Cette évolution votée au Sénat nous semble inopportune : s'il faut évidemment une concertation avec les collectivités, l'alinéa 10 prévoit déjà que le projet de mise en compatibilité fait l'objet d'un examen conjoint par l'État, la structure élaborant le SCoT et l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) ou la commune.
Les alinéas 6 et 7, ajoutés par le Sénat, rallongent les délais. À Flamanville, par exemple, nous disposons d'instances de concertation réunissant communes, intercommunalités, département, région et exploitant, qui peuvent y formuler toutes les observations nécessaires.
J'abonde dans le sens de M. Jumel : vous avez soumis le texte d'abord au Sénat, sans doute parce qu'il concerne les collectivités territoriales, mais vous proposez de supprimer les ajouts qui y ont été faits en leur faveur ; c'est étonnant.
Quant à l'exemple de Flamanville, ce sont certainement les procédures administratives des collectivités territoriales qui ont causé le retard du chantier…
Par ailleurs, elles sont tout à fait incluses dans la discussion. À Flamanville, les instances de concertation se réunissent peut-être même plus que de besoin, mais c'est une bonne chose pour faire évoluer ensemble le chantier, ainsi que les deux centrales déjà en fonctionnement.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, les amendements CE261 de M. Maxime Laisney, CE329 de Mme Lisa Belluco, CE405 de Mme Marie-Noëlle Battistel, CE156 de Mme Julie Laernoes et CE262 de M. Maxime Laisney tombent.
La commission adopte successivement les amendements de coordination CE549, CE547 et CE550 de Mme Maud Bregeon, rapporteure.
Suivant l'avis de la rapporteure, elle rejette l'amendement CE126 de Mme Mathilde Paris.
Amendements CE330 de Mme Lisa Belluco, CE267 de Mme Aurélie Trouvé et CE268 de M. Maxime Laisney (discussion commune)
Je regrette que nos précédents amendements soient tombés : les délais permettant l'information des communes sont absolument intenables ; c'est un manque de respect vis-à-vis des collectivités.
L'amendement CE330 tend à réécrire l'alinéa 11 pour préciser que « le projet de mise en compatibilité est soumis à la procédure de l'enquête publique […] lorsqu'il fait l'objet d'une évaluation environnementale » – puisque cette précision a été retirée – et que « s'il ne fait l'objet d'aucune évaluation environnementale, le projet de mise en compatibilité est soumis à la procédure de participation du public prévue à l'article L. 123-19 » du code de l'environnement.
En effet, la mise en compatibilité d'un document d'urbanisme en vue d'accueillir un projet électronucléaire mérite que le public en ait connaissance – à moins que vous n'ayez le nucléaire honteux, monsieur le président – et puisse s'exprimer dans le cadre d'une vraie enquête publique. Or les procédures de participation du public prévues à l'alinéa 11 n'apportent pas du tout les mêmes garanties que cette dernière. Conformément à l'esprit du code de l'environnement, les citoyens doivent pouvoir s'exprimer au sujet des décisions qui ont une incidence sur leur environnement.
L'amendement CE267 vise à donner plus de poids à la parole des Françaises et des Français : il est important de les entendre à ce sujet, même si on sait que ce n'est pas votre préoccupation première.
Nous souhaitons donc que la participation du public soit systématiquement garantie au moyen d'une enquête publique lors de la procédure de mise en compatibilité des documents d'urbanisme en vue de la construction d'un réacteur. La procédure prévue par le projet de loi ne comprend qu'une participation par voie électronique, voire une simple mise à disposition du public lorsque le projet ne fait pas l'objet d'une évaluation environnementale : ce n'est pas satisfaisant.
L'amendement CE268 est de repli : il prévoit que la participation du public est au moins garantie par une procédure par voie électronique, toujours pour les mêmes raisons – l'écoute, etc.
Une enquête publique a lieu au stade de l'autorisation environnementale et une autre au moment de la création de l'INB. S'agissant de la mise en compatibilité, si elle emporte des incidences environnementales, une évaluation environnementale a lieu et la participation du public par voie électronique est prévue ; sinon, le projet de mise en compatibilité est simplement mis à la disposition du public.
C'est l'autorité environnementale, et non l'exécutif, qui décide si une évaluation environnementale est nécessaire. En outre, les mesures visées ont été considérées comme proportionnées par le Conseil d'État. Elles nous semblent équilibrées et adaptées aux enjeux.
Tous, nous écoutons les Français dans nos circonscriptions. Je ne me permettrais pas de dire que vous n'écoutez pas les gens. Ne soyons pas binaires. En réalité, nos avis divergent sur le fond. Il n'y a ici ni bons, ni mauvais démocrates.
Ce que veulent les Français, c'est participer à la décision sur le projet nucléaire et être consultés concernant les projets qui ont un impact environnemental, ce n'est pas qu'on leur soumette des projets de modification de documents d'urbanisme dès lors qu'il est acquis qu'ils sont sans conséquence sur l'environnement. Ne mélangeons pas tout. Les enquêtes publiques ont lieu aux moments déterminants du projet. S'il y a impact environnemental, une consultation du public a lieu ; sinon, il est logique que l'on se borne à une information, comme le dispose l'article.
Quand on n'a pas le nucléaire honteux, on fait en sorte qu'il y ait un vrai débat sur le nucléaire, qui n'a jamais eu lieu dans notre pays ; on définit clairement ses objectifs devant les Français – personne ne sait combien de réacteurs supplémentaires vous voulez ; on ne cornaque pas les collectivités territoriales.
Vous venez de le dire, madame la ministre : l'enquête publique et la consultation du public n'obéissent pas à la même procédure. Ici, on restreint la participation du public. Pourtant, quand on habite à proximité d'une installation actuelle ou future, il est normal de participer, autorisation environnementale ou non.
S'agit-il en réalité d'éviter tout recours, de faire en sorte que tout le monde file doux et de mettre les intéressés devant le fait accompli ? Alors que le nucléaire suppose une forte acceptation, vous affaiblissez toutes les procédures qui y tendent, qu'elles concernent les collectivités ou le public.
Il est faux de dire qu'il n'y a pas eu de débat sur le nucléaire dans notre pays. Nous n'avons peut-être pas fait la même campagne pour les élections législatives mais, pour ma part, j'étais face à un candidat dont la position sur le nucléaire était radicalement opposée à la mienne – un écologiste – et qui était farouchement hostile à la création d'EPR ; nous avons eu à ce sujet un débat quotidien et nous étions très engagés l'un comme l'autre.
C'est un débat. Laisser penser qu'il n'y a pas de débat est une erreur, et c'est dommage. Les gens débattent, s'informent, se documentent, les experts s'expriment. Il ne s'agit pas d'un sujet surprise qui débarque tout à coup sans que les Français en aient entendu parler. Il y a bien eu un processus démocratique, des élections, et il y a de vrais débats dans tout le territoire.
La gauche considère qu'il n'y a pas de débat tant qu'elle n'a pas remporté le débat. Il peut y avoir autant d'élections que l'on veut, si les décisions prises sont contraires à ce qu'elle pense, c'est que les gens n'ont pas compris et qu'il faut leur réexpliquer 250 fois. C'est sans fin. La seule solution serait un bon petit plan bien ficelé qu'on présenterait aux Français, par exemple le plan « Marie Curie », et qu'on soumettrait à référendum. Un débat référendaire national ne prendrait pas plus de temps que chaque débat public sur la moindre centrale nucléaire ou infrastructure.
Encore faudrait-il respecter le vote du peuple : la gauche avait réussi à obtenir qu'on s'assoie sur le résultat du référendum sur Notre-Dame-des-Landes ! Le principe que j'énonce n'est donc même pas respecté si ses conséquences ne plaisent pas à l'extrême gauche. Quand je vois le comportement de certains, toujours à quémander un soutien moral auprès de la gauche, je ne peux que m'inquiéter de la sincérité du projet de programme nucléaire – je ne parle pas de la rapporteure.
La commission rejette successivement les amendements.
Elle adopte successivement l'amendement CE551, rédactionnel, et l'amendement CE553, de coordination, de Mme Maud Bregeon, rapporteure.
Amendement CE263 de M. Maxime Laisney
Nous sommes attachés à ce qu'un débat ait lieu sur ces questions. Cet amendement, comme le suivant, vise donc à garantir un minimum d'information à la population en portant à deux mois la durée de la consultation du public lorsque la modification du document d'urbanisme ne fait pas l'objet d'une évaluation environnementale. Qu'est-ce que soixante jours au regard de projets qui vont durer des générations ou du retard pris sur des chantiers comme celui de Flamanville ?
Vous avez tort de considérer qu'il y a dans le pays une majorité populaire favorable au programme de relance du nucléaire ; ce n'est d'ailleurs pas pour cela que le Président de la République a été élu, pas plus que pour réformer les retraites. Mais si vous en êtes si sûrs, de quoi avez-vous peur ? Si vous êtes persuadés que les projets nucléaires suscitent une telle allégresse, pourquoi craignez-vous les consultations publiques ? Vous devriez au contraire vous réjouir d'avoir l'occasion de mettre cet enthousiasme populaire en évidence. Je constate pour ma part que quand on demande aux Français s'ils préfèrent que l'on installe à côté de chez eux des énergies renouvelables ou du nucléaire, ils choisissent la première option.
Au fond, ce n'est pas le passage de trente à soixante jours qui vous importe : vous défendez simplement un amendement de plus pour prolonger les délais. S'il ne s'agissait que d'une mise à disposition, on pourrait laisser les informations à la disposition du public ad vitam aeternam, mais il est ici question d'un délai à la suite duquel on attend des réponses. Le prolonger d'un mois, c'est ajouter un mois au planning, à l'opposé de l'objectif du projet de loi.
Nous parlons de projets ayant une incidence environnementale nulle ou faible.
Surtout, ce ne sont pas des projets nucléaires. Parce que vous voulez un débat public sur le nucléaire, vous demandez un délai de deux mois pour étudier le projet de mise en conformité des documents d'urbanisme, mais cela n'a rien à voir. Je suis sûre que les Français sont passionnés par les documents d'urbanisme de leur commune, mais cela ne relève pas du débat sur le nucléaire.
S'agissant de ce dernier, il y a non seulement eu un débat démocratique lors des élections, mais aussi deux débats publics inédits qui ont bénéficié d'un niveau de participation élevé – pour le volet consacré au mix énergétique, plus de 30 000 contributions et des dizaines de réunions sur le terrain ; ce volet s'est terminé par le Forum des jeunesses, auquel beaucoup de députés avaient été invités et n'ont pas trouvé le temps de se rendre, ce qui ne les empêche pas d'en parler : c'est remarquable. Je vous renvoie à tout ce qui a été écrit sur ces débats par la CNDP : c'est très dense ; une quantité énorme de documents ont été mis à disposition et les contributions portent de manière détaillée sur plusieurs des sujets que nous avons évoqués.
Nous avons maintenant un débat avec les représentants du peuple que vous êtes. C'est aussi un débat démocratique. Dire qu'il n'y a pas de débat est surréaliste.
Avis défavorable.
On ne peut pas se prévaloir d'un soutien populaire et de la légitimité démocratique acquise dans des élections passées pour engager le pays pour un demi-siècle, voire davantage, et dépenser plusieurs dizaines de milliards d'euros sans aucune certitude ni sur la durée de construction, ni sur le coût, ni sur la faisabilité, sans aucune assurance que le moindre kilowatt sera un jour produit. Ayez le courage de soumettre ces questions au vote des Français !
Je vous invite à regarder les derniers sondages sur le sujet, encore récemment dans le Journal du dimanche … Même vos propres sympathisants deviennent pronucléaires. Faites voter dans vos partis, vous serez surpris du résultat !
Monsieur le président, à quel titre intervenez-vous ? Vous commentez les interventions des uns et des autres… C'est de cette façon qu'est mené le débat sur le nucléaire dans notre pays : tant que la décision ne va pas dans votre sens, vous discréditez les orateurs. Ce n'est pas acceptable !
Non, ça, c'est votre fonctionnement interne. Regagnons notre sérénité. Nos visions divergent, c'est la démocratie…
La commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, elle rejette l'amendement CE264 de Mme Aurélie Trouvé.
Amendement CE648 de Mme Maud Bregeon.
Les alinéas 14 et 15 portent sur les supports sur lesquels certains documents doivent être mis à disposition et sur l'enregistrement des observations formulées. Je propose de les supprimer, non pas pour des raisons de fond, mais parce que l'alinéa 13 prévoit un arrêté de l'autorité administrative compétente qui me semble suffisant.
La commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'amendement CE139 de M. Hervé de Lépinau tombe.
La commission adopte l'amendement de coordination CE552 de Mme Maud Bregeon, rapporteure.
Amendement CE331 de Mme Lisa Belluco.
Nous restons dans la logique de défense des collectivités territoriales qui se voient imposer un projet. Les délais inscrits dans le projet de loi sont intenables puisqu'elles doivent se prononcer dans un délai d'un mois.
J'ai été élue locale pendant huit ans, je ne sais pas si vous avez déjà participé à un conseil municipal, mais je vous l'assure : tous ne se réunissent pas tous les mois. Vous ne pouvez pas garantir, sur un sujet aussi complexe, qu'une collectivité territoriale puisse en un mois seulement délibérer et émettre un avis éclairé. Et si elles n'en émettent pas, cet avis est réputé favorable, ce qui est encore pire ! C'est imposer une orientation aux collectivités territoriales sans leur donner les moyens de prendre une décision indépendante.
Voilà pourquoi nous demandons l'extension de ce délai à six mois.
Vous n'êtes pas la seule dans cette salle qui ait été élue locale, je vous rassure ! Beaucoup d'entre nous, tous bords confondus, l'ont été ou le sont encore.
Une fois de plus, votre amendement vise seulement à allonger les délais administratifs. C'est de l'obstruction de projet.
Les documents sont reçus à l'avance. Il appartient au conseil municipal de prévoir de se réunir dans les délais impartis, et cela me paraît tout à fait possible, vu l'importance d'un tel projet.
Un dossier d'autorisation de construction, c'est cinq ans… Il est probable que les communes concernées auront eu le temps de se pénétrer de l'idée qu'un projet nucléaire arrivait. La plupart d'entre elles sont d'ailleurs extrêmement demandeuses, et parties prenantes dans leur construction, y compris s'agissant des enjeux d'urbanisme. Lorsqu'on arrive à la fin du projet, elles ont contribué, elles le connaissent par cœur.
J'ajoute que ce texte a fait l'objet d'un avis du Conseil national de la transition énergétique (CNTE), auquel participent des représentants des collectivités locales. Aucune des associations de collectivités locales n'a trouvé à redire aux procédures que nous présentons. Encore une fois, elles sont plutôt demandeuses, car celles qui sont concernées connaissent la complexité de ces projets, et à une exception près – qui par conséquent n'accueillera sans doute pas ce projet –, elles sont volontaires. Une accélération des délais leur convient parfaitement.
Je comprends très bien que vous preniez la défense des associations de collectivités locales, mais peut-être devriez-vous les consulter en amont pour vérifier ce qu'elles pensent. En l'occurrence, elles sont d'accord avec le Gouvernement.
Quand nous réclamons des délais supplémentaires, pour tenir des débats publics ou pour laisser aux collectivités le temps de prendre une décision, vous ne pouvez pas systématiquement répondre que c'est de l'obstruction ! Vous vous targuez d'organiser un débat démocratique sur la question du nucléaire : commencez alors par ne pas disqualifier l'adversaire en usant d'arguments fallacieux.
Il ne s'agit pas de faire traîner les projets. La participation du public est fondamentale, tout comme l'avis des collectivités. Un délai raisonnable est nécessaire.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CE265 de M. Maxime Laisney.
Là encore, il ne s'agit pas d'obstruction, mais de respect des collectivités locales : si l'avis des collectivités concernées est défavorable, le projet de mise en compatibilité des documents d'urbanisme ne doit pas pouvoir être adopté. Dans le projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, vous avez donné aux communes un quasi-droit de veto, puisque leur avis conforme est nécessaire à chaque étape. Vous vous apprêtez sans doute à dire que vous craignez des blocages ; cet argument aurait dû valoir également pour les énergies renouvelables.
Dans le projet de loi sur les énergies renouvelables, si la collectivité locale n'est pas capable de proposer des zones d'accélération, alors c'est le droit actuel qui s'applique et on peut lui imposer un projet d'énergies renouvelables. Nous sommes donc tout à fait cohérents. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CE332 de Mme Lisa Belluco.
Nous proposons de supprimer l'alinéa 18, qui limite le pouvoir de l'échelon local compétent de faire évoluer son document d'urbanisme en fonction des politiques publiques qu'il élabore. C'est un recul de la libre administration des collectivités territoriales, qui doivent au contraire garder la liberté de développer les politiques publiques qu'elles souhaitent dans le respect de l'intérêt général.
C'est grâce à l'opposition des collectivités territoriales que mon département d'élection, la Loire-Atlantique, ne compte aucune centrale nucléaire – et nous avons bien l'intention de continuer comme cela !
Je viens d'entendre quelque chose d'assez sympathique : en Loire-Atlantique, nous n'avons pas de centrale nucléaire. C'est vrai ! La production énergétique de la région Pays de la Loire est aux deux tiers issue d'énergie fossile. Il faut le dire aussi ! Et on a prévu d'arrêter la centrale de Cordemais, qui fonctionne au charbon. Que va-t-on dire aux habitants ? Qu'ils vont devoir s'éclairer à la bougie et rentrer chez eux en charrette ?
La réalité, c'est qu'aujourd'hui, si les Pays de la Loire ont de l'électricité, c'est grâce à la centrale nucléaire de Chinon, et que demain il faudra trouver des solutions.
J'ajoute que si nous voulons faire la transition écologique et utiliser des véhicules à moteur électrique et non plus thermique, il faudra augmenter la production d'énergie électrique. On peut être contre les centrales nucléaires, on peut vouloir une stratégie à l'allemande. Mais je rappelle deux chiffres : un Allemand consomme 8 tonnes de CO2 par an, contre 4,5 pour un Français. Je préfère le modèle français !
Puisque les Pays de la Loire animent le débat, je vais y prendre ma part ! Oui, nous sommes fiers qu'en Loire-Atlantique, par la mobilisation et la décision des citoyens et des élus, mais aussi de gouvernements passés, il n'y ait pas de centrale nucléaire.
Quant à la production d'électricité souhaitable pour le XXIe siècle, la Loire-Atlantique est au contraire un département modèle, celui qui compte le premier parc éolien en mer, et où d'autres sont déjà en projet. C'est celui où l'énergie renouvelable citoyenne est la plus importante. Et en ce qui concerne la centrale de Cordemais, les salariés, singulièrement ceux de la CGT, ont défendu, parfois contre EDF et le Gouvernement qui ont fini par s'y rallier, un projet de conversion de cette centrale afin de sortir du charbon et d'aller vers des énergies beaucoup moins carbonées, puis totalement décarbonées.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'amendement de coordination CE555 de Mme Maud Bregeon, rapporteure.
Elle adopte l'article 2 modifié.
Présidence de Mme Anne-Laurence Petel, vice-présidente de la commission.
Après l'article 2
Amendement CE381 de Mme Christine Engrand.
Nous sommes réunis dans un but clair : accélérer la construction de réacteurs nucléaires. Rien ne ralentit plus que le superflu. Afin d'aller vraiment plus vite, cet amendement propose d'exclure du champ d'application de l'évaluation environnementale, du débat public et de l'enquête publique les installations nucléaires implantées à proximité d'installations existantes, donc respectant déjà les procédures annuelles d'information et de contrôle.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l'amendement.
Amendement CE269 de M. Maxime Laisney.
Il s'agit de demander la rédaction d'un rapport du Gouvernement sur les coûts et les incidences sur les services de l'administration centrale engendrés par l'application de l'article 2 qui vient d'être adopté. Aucune évaluation sérieuse n'est prévue, alors que la gestion très centralisée qui est prévue impliquera du personnel et du temps. L'avis du Conseil d'État souligne que les gains de temps qui font pourtant l'objet de ce texte ne font l'objet d'aucune évaluation.
Cela laisse penser que ce texte n'est pas justifié par une volonté d'accélération, mais plutôt de passage en force. Mme la rapporteure nous a dit que M. Macron se rêvait en nouveau Messmer, mais il ne l'a pas dit dans le discours de Belfort. Il n'a pas l'onction démocratique pour cela !
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l'amendement.
Article 3 : Simplification du régime d'autorisation d'urbanisme des réacteurs électronucléaires
Amendements de suppression CE7 de Mme Julie Laernoes et CE271 de M. Christophe Bex.
À l'instar de ce qui est prévu pour les installations d'éoliennes terrestres, en raison de leur faible superficie, le projet de loi dispense les nouvelles installations nucléaires d'autorisation d'urbanisme – exit les permis de construire – mais en le justifiant, de façon opposée, par « l'ampleur, la complexité et la sensibilité d'un projet de création de centrale nucléaire ». M. Jumel nous a en effet dit que pour l'extension de Penly, une surface de 150 à 200 hectares était envisagée. Quant à la mention de la « sensibilité » du projet, elle est surprenante !
Contrairement à certains projets d'énergies renouvelables, qui nécessitent une accélération des procédures, ce ne sont pas les délais administratifs qui ralentissent la construction d'installations nucléaires, mais bien les capacités techniques et économiques de la filière. Cette dérogation au droit commun n'est donc pas justifiée. Par ailleurs, cet article vise à exclure les emprises des futures installations nucléaires du décompte des surfaces artificialisées, au titre de l'objectif zéro artificialisation nette. Une nouvelle dérogation au respect de cet objectif fixé par le législateur a fixé ne nous paraît pas justifiée.
Cette nouvelle dérogation au droit commun est parfaitement injustifiée. Vous voulez dispenser les projets de construction de réacteurs nucléaires de permis de construire et de permis de démolir. Or ces procédures ont un sens ! Elles permettent d'assurer la conformité des projets avec la loi, en particulier s'agissant de leur impact sur la biodiversité et sur les autres constructions.
Laisser le ministre chargé de l'urbanisme, qui est juge et partie, se charger du contrôle du respect des exigences légales par ces projets pose problème.
Les sénateurs ont également introduit une dérogation à l'objectif zéro artificialisation nette. Constructions, aménagements et autres travaux liés à ces installations nucléaires ne seraient ainsi pas comptabilisés ! Dans le contexte d'urgence écologique que nous connaissons tous, au moment où le dérèglement climatique n'en finit pas d'accélérer et où la biodiversité s'effondre, considérer que la construction d'une centrale nucléaire n'est pas une artificialisation des sols serait presque drôle si la situation n'était pas si dramatique.
Avis défavorable. Il existe bien, contrairement à ce que vous dites, des ralentissements dus à des normes et à des procédures administratives. Cet article permet de sécuriser les procédures d'autorisation et de réduire les délais de recours contentieux. Je ne reviens pas sur toutes les procédures qui existent : débat public, déclaration d'utilité publique avec enquête publique, etc.
Dans le cas des éoliennes, l'autorisation environnementale vaut permis de construire. Des dérogations sont donc prévues pour les énergies renouvelables.
En revanche, s'agissant des capacités techniques de la filière, je vous rejoins : c'est une vraie question, et il faudra travailler à lever les freins, qui sont bien réels. Mais ce n'est pas l'objet de cette loi.
Avis défavorable. Je veux néanmoins répondre à plusieurs de vos objections et vous rassurer.
S'agissant de l'objectif zéro artificialisation nette, nous vous rejoignons pour considérer qu'il faut remettre le texte en conformité avec une approche neutre. C'est un débat que nous devons avoir globalement ; la proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs zéro artificialisation nette au cœur des territoires, déjà plusieurs fois évoquée, permettra de le faire.
Le respect des règles d'urbanisme est obligatoire, et nous vous proposerons un amendement visant à corriger l'autorité chargée de le vérifier et à confier cette tâche au préfet. Le ministre chargé de l'urbanisme n'a en effet pas vocation à instruire les dossiers individuels de construction de centrales nucléaires.
Nous corrigerons donc par amendement ces points sur lesquels vous êtes mal à l'aise.
De manière plus générale, cet article apporte de vraies avancées. Nous ne disons pas que les procédures administratives expliquent la durée des projets industriels ; mais nous ne voulons pas qu'elles l'allongent. Ce n'est pas la même chose. Il existe des pertes de temps, de six mois, d'un an, de deux ans pendant lesquels les porteurs de projet ne peuvent plus avancer faute de décision administrative. Vous le dites vous-même, ce sont des projets très complexes, suffisamment pour ne pas ajouter de délais administratifs.
Les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet) sont en cours d'élaboration, et les régions se demandent comment elles vont pouvoir en quelque sorte distribuer les droits à artificialisation. Dans une région où se déroule un gros projet d'extension nucléaire, comment fera-t-on ? Cette artificialisation devra-t-elle être compensée au niveau régional ? Au niveau national ? Il me paraît bien trop difficile de le faire au niveau des intercommunalités, car celles-ci ne pourraient alors plus du tout construire pendant des années.
Les territoires qui ont déjà des centrales nucléaires s'inquiètent. Quelle est la position du Gouvernement sur ce sujet ?
Je ne suis pas mal à l'aise, madame la ministre, rassurez-vous ; je pense que cet article n'est pas justifié. Vous le dites vous-même, les délais administratifs ne sont pas à l'origine de la longue durée de construction d'un projet de réacteur. Pensez seulement à Flamanville. Qui peut dire que ce sont les délais administratifs, notamment les délais de mise en conformité avec le droit de l'urbanisme, qui sont à l'origine des retards et des quinze à vingt ans nécessaires pour construire un réacteur ? Et c'est d'autant moins le cas que l'on parle ici d'installations situées à proximité immédiate de réacteurs existants, même si cette expression est assez vague.
La dérogation était justifiée pour les énergies renouvelables par le fait que les emprises sont faibles. Ici, c'est tout à fait différent !
Je voudrais prolonger la question de Jérôme Nury. J'ai bien compris que vous ne souhaitiez pas régler la question de l'artificialisation des sols dans ce texte ; je le regrette, car cela me paraît essentiel pour accélérer des projets de ce type. J'y reviens néanmoins. Il faut distinguer les hectares strictement nécessaires au projet de réacteur, où les études permettent aux élus de vérifier que les règles sont respectées, des hectares d'emprise foncière connexes. Les énergies renouvelables peuvent d'ailleurs engendrer aussi des consommations foncières prohibitives… Le parc éolien construit au large du Tréport implique ainsi l'installation d'un transformateur pour envoyer l'électricité produite vers la nouvelle ligne à haute tension. Il faut pour cela 40 hectares !
Dans le cas de projets d'intérêt national, la question de l'artificialisation des sols, et donc de sa compensation, ne peut donc pas à mon sens être pensée à l'échelle régionale – et d'autant moins que de tels projets impliquent en outre des infrastructures routières et ferroviaires, la construction de logements et l'installation de services. Pour tout cela, du foncier sera aussi nécessaire si nous voulons viser l'exemplarité sociale et environnementale.
La proposition de loi relative au ZAN indique que les installations nucléaires sont traitées sur enveloppe nationale. C'est en tout cas comme cela qu'elle est rédigée pour le moment…
L'audit externe sur Flamanville, dont les conclusions sont publiques, identifie bien les délais administratifs dans les premières années comme un risque important de délai additionnel lors de la construction d'une nouvelle centrale, avec des exemples précis. Ces délais peuvent vraiment être importants lors du démarrage des projets, et ils peuvent représenter plusieurs années. De même que nous faisons un retour d'expérience sur les dérives industrielles, nous regardons ce qui peut être amélioré dans les procédures administratives : c'est ce que l'on attend du pouvoir exécutif.
La commission rejette les amendements.
Amendement CE383 de Mme Christine Engrand (RN).
L'amendement est en effet satisfait par l'adoption de l'amendement CE632.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'amendement de coordination CE590 de Mme Maud Bregeon, rapporteure.
Amendements identiques CE591 de Mme Maud Bregeon, CE571 du Gouvernement et CE215 de M. Benjamin Saint-Huile.
Les sénateurs ont confié au ministre chargé de l'urbanisme le soin de contrôler la conformité du projet de réacteur électronucléaire aux règles d'urbanisme. Nous proposons de revenir à la rédaction initiale, qui confiait ce contrôle à l'autorité administrative.
Le contrôle de conformité étant assuré dans le cadre de deux procédures distinctes, l'autorisation environnementale et l'autorisation de création du réacteur, qui font intervenir des autorités administratives différentes, le ministre chargé de l'urbanisme n'a pas vocation à prendre part à l'une ou l'autre de ces décisions. Il n'y a donc pas lieu de le mentionner ici.
Le décret qui sera pris en application de cet article précisera quelle autorité administrative est effectivement compétente pour ce contrôle.
Pour les mêmes raisons, nous considérons qu'il faut rétablir la mention de l'autorité administrative.
Suivant l'avis de la rapporteure, la commission adopte les amendements.
Amendement CE406 de Mme Marie-Noëlle Battistel.
Nous demandons que les prescriptions nécessaires pour assurer le respect des dispositions législatives et réglementaires soient rendues publiques. C'est une manière de garantir la transparence des procédures et la bonne information de nos concitoyens, donc leur confiance dans les décisions qui seront prises.
L'alinéa 2 prévoit déjà que cette vérification sera faite à l'occasion de l'instruction de l'autorisation environnementale et de la demande d'autorisation de création d'une installation nucléaire de base. Comme ces deux autorisations seront prises par décret, en application de l'article 4 que nous examinerons tout à l'heure, les prescriptions faites seront nécessairement incluses dans ces décrets et seront donc publiques. Votre amendement étant satisfait, je vous invite à le retirer. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
L'amendement est retiré.
L'amendement de coordination CE559 de Mme Maud Bregeon, rapporteure, est retiré.
Amendement CE572 du Gouvernement.
La dernière phrase de l'alinéa 3 n'apporte rien, puisqu'il est déjà prévu que les constructions, aménagements, installations et travaux mentionnés au premier alinéa peuvent être exécutés à compter de la date définie au II de l'article 4, sauf lorsqu'une date plus tardive est prescrite par l'autorisation environnementale.
Suivant l'avis de la rapporteure, la commission adopte l'amendement.
Amendements identiques CE603 de Mme Maud Bregeon, CE573 du Gouvernement, CE376 de Mme Florence Goulet et CE384 de Mme Mathilde Paris.
Il s'agit de supprimer les alinéas 4 à 10, qui donnent de nombreuses précisions sur ce que devra contenir le décret en Conseil d'État prévu à l'article 8. Je ne suis pas sûre que ces précisions aient leur place dans la loi, d'autant plus qu'elles ne sont pas exhaustives.
Suivant l'avis de la rapporteure, la commission adopte les amendements.
Amendements CE31 et CE32 de M. Sébastien Jume (discussion commune).
Avec l'amendement CE31, je propose que l'intégralité de la taxe d'aménagement liée à ces projets revienne aux collectivités ayant contribué à leur réalisation. L'amendement CE32 est un amendement de repli et ne porte que sur une fraction de cette taxe. La taxe d'aménagement est nécessaire aux collectivités pour faire face aux dépenses d'accompagnement liées à ces chantiers : une route à élargir, un parking à construire, une infrastructure de service public à moderniser…
Il importerait par ailleurs, dans le cadre du projet de loi de finances, de réfléchir à un système de péréquation permettant de partager de manière équitable et équilibrée les recettes fiscales liées à ces nouveaux projets de réacteurs.
Pour être honnête, je n'ai pas les idées claires sur cette question, mais je partage complètement votre logique : il me paraît tout à fait justifié de réfléchir à la répartition des ressources fiscales que généreront les nouveaux réacteurs. Je pense même qu'il ne faut pas s'interdire d'avoir une réflexion sur le parc existant. À l'heure actuelle, les retombées ne concernent qu'un périmètre très restreint autour des centrales, ce qui donne parfois lieu à des projets dont l'utilité est discutable – comme la ferme aux crocodiles à Civaux.
Mais en évoquant cette question avec des collègues de différents bords, j'ai senti quelques réticences : il me semble donc que nous ne sommes pas encore mûrs pour décider. Mais il pourrait être intéressant, en séance, de demander un rapport ou une étude d'impact pour commencer à étudier sérieusement la question. Et nous pourrons effectivement, dans le cadre du projet de loi de finances, débattre de la répartition des richesses dans les territoires concernés. Pour l'heure, je vous invite à retirer vos amendements.
Il me semble que vous posez deux questions distinctes.
La taxe d'aménagement a effectivement vocation à couvrir les dépenses suscitées par l'installation d'un nouvel équipement et l'enjeu est qu'elle bénéficie bien à celles des collectivités locales qui font ces dépenses d'équipement.
Mais vous posez aussi la question plus générale de la répartition de la valeur créée par le nouveau réacteur, ce qui englobe la taxe foncière, l'impôt de production et la fiscalité locale. Il faut en outre tenir compte du fait que le bassin d'emploi s'étend généralement au-delà des seules communes ayant financé un parking ou l'élargissement d'une route – pour reprendre vos exemples. Par cet amendement d'appel, vous nous invitez à une réflexion plus large sur la fiscalité, qui est essentielle. Du reste, la question du partage de la valeur était déjà au cœur de nos discussions sur le projet de loi relatif aux énergies renouvelables.
Madame la rapporteure, j'ai bien noté votre proposition de demander un rapport sur l'ensemble de ces questions fiscales, et je m'en félicite.
J'insiste toutefois sur le fait que la taxe d'aménagement est liée aux travaux réalisés avant même la mise en service du réacteur. Il faut créer des parkings à proximité de la centrale, mais aussi à l'entrée des agglomérations, ainsi que des transports en commun, si l'on veut éviter que tous les salariés utilisent leur voiture pour aller travailler, entraînant une aggravation de la pollution et une perturbation du trafic. Certaines collectivités vont donc être contraintes de faire des dépenses, et immédiatement, alors même qu'elles ne sont pas directement concernées par ces projets. La taxe d'aménagement doit aussi servir à cela.
Les amendements sont retirés.
Amendement CE574 du Gouvernement.
À l'origine, l'alinéa 15 était rédigé de la manière suivante : « Le fait générateur de la taxe est l'autorisation de création du réacteur électronucléaire en application de l'article L. 593-7 du code de l'environnement ». Les sénateurs ont ajouté : « ou, lorsque des constructions, aménagements, installations et travaux sont exécutés avant délivrance de cette autorisation en application du II de l'article 4 de la présente loi, l'autorisation environnementale mentionnée au I du présent article ».
Cette rédaction complique considérablement le calcul du montant de la taxe d'aménagement. Le projet étant susceptible d'évoluer au fil de la procédure d'autorisation de création, tous les travaux ne pourront pas être identifiés au moment de la délivrance de l'autorisation environnementale. Nous proposons donc de revenir à la rédaction initiale, qui permet de prendre en compte toutes les évolutions du projet dans le calcul du montant de cette taxe. L'autorisation de création doit rester le fait générateur unique de la taxe d'aménagement.
Nous voterons cet amendement. S'agissant des précédents, il paraît effectivement souhaitable d'avoir une réflexion globale sur le partage de la valeur, particulièrement dans les territoires industriels. Pour avoir beaucoup travaillé sur cette question au sein d'Intercommunalités de France, je peux vous dire qu'elle se pose dans tous les territoires industriels, qui ont subi des baisses de dotations liées à la fiscalité. Il importe d'ouvrir ce chantier majeur et difficile pour permettre à ces territoires de fournir les investissements nécessaires.
Il faut sans doute réfléchir à un mécanisme de péréquation pour répartir la valeur créée, prendre en charge les aménagements, éviter la fuite de la fiscalité, mais je pense que c'est dans le cadre du futur projet de loi « industrie verte » qu'il faudra examiner ces questions.
Du reste, il me semble qu'elles concernent moins les installations nucléaires, qui ne donneront pas lieu à des impôts de production avant un temps certain, que les industries vertes, pour lesquelles elles se posent ici et maintenant. Mes collègues de Bercy ont certainement des propositions à faire en la matière.
La commission adopte l'amendement.
La commission adopte successivement les amendements CE556 et CE557, rédactionnels, CE558, de coordination, et CE560, rédactionnel, de Mme Maud Bregeon, rapporteure.
Amendements identiques CE604 de Mme Maud Bregeon, CE575 du Gouvernement, CE175 de Mme Julie Laernoes, CE270 de M. Aymeric Caron, CE506 de M. Xavier Albertini et CE520 de M. Bastien Marchive.
Ces amendements visent à supprimer la référence à l'objectif zéro artificialisation nette qui a été introduite par le Sénat. Non qu'il ne faille pas réfléchir à cette question, mais nous pensons qu'il vaut mieux le faire à l'occasion de l'examen des deux propositions de loi sur le sujet qui ont été déposées, l'une à l'Assemblée nationale, l'autre au Sénat.
Madame la ministre, vous nous avez dit précédemment que c'est une proposition de loi qui définira ce qui relève ou non du ZAN, et qu'il convient donc de supprimer l'alinéa 22.
Mais, madame la rapporteure, j'ai du mal à comprendre votre exposé sommaire. Vous indiquez que les projets du nouveau nucléaire, qui sont selon vous « d'utilité publique incontestable », sont représentatifs de ce que le législateur avait en tête lorsqu'il a prévu, dans la loi « climat et résilience », qui faisait suite à la Convention citoyenne pour le climat, que les grands projets d'envergure régionale ou nationale peuvent faire l'objet d'une prise en compte différenciée s'agissant de l'artificialisation des sols. Je ne crois pas que c'était l'esprit de la Convention citoyenne. Vous dites en substance que ces projets, dont on sait qu'ils sont très consommateurs d'espace, devraient de facto sortir de la comptabilité de l'objectif ZAN. Même si mon amendement vise, comme le vôtre, à supprimer cet alinéa, il me semble que notre objectif n'est pas du tout le même et cela m'inquiète un peu.
Ces projets seront comptabilisés dans l'enveloppe nationale de l'objectif ZAN : ils ne compteront pas pour rien.
Madame la ministre, l'alinéa 22 vous place dans une situation paradoxale. En effet, l'un des arguments que vous utilisez pour justifier ce que l'on peut désormais appeler la « messmérisation » d'Emmanuel Macron est l'ambition écologique. Vous estimez que le « tout-nucléaire » est le meilleur moyen de lutter contre le réchauffement climatique, dans la mesure où les centrales n'émettent pas directement de CO2. Mais la politique destinée à lutter contre l'artificialisation des sols fait elle aussi partie d'une politique ambitieuse de lutte contre le changement climatique et de préservation de la biodiversité. Le site du ministère de la transition écologique affiche d'ailleurs que « le Gouvernement fait de la lutte contre l'artificialisation des sols une réforme prioritaire », en renvoyant à la loi « climat et résilience » du 22 août 2021.
Pourquoi introduirait-on une exception pour les installations nucléaires ? Pourquoi un artifice comptable permettrait-il de déroger aux règles en vigueur pour la construction de réacteurs électronucléaires à proximité des sites existants ? Cette dérogation serait en contradiction avec l'objectif, très écologique selon vous, de construction de réacteurs nucléaires.
Le présent projet de loi n'a pas vocation à préciser les modalités d'application de la loi « climat et résilience » et des objectifs nationaux de lutte contre l'artificialisation des sols. Je propose donc la suppression de l'alinéa 22, qui précise que les installations nucléaires ne sont pas comptées dans le calcul de l'atteinte de l'objectif ZAN.
Comme cela a été rappelé, deux propositions de loi transpartisanes ont été déposées, l'une à l'Assemblée nationale, l'autre au Sénat. Il convient de ne pas préempter le débat qui aura lieu lors de l'examen de ces deux textes.
Il me semble en effet que le présent projet de loi n'a pas vocation à procéder à des adaptations de la loi « climat et résilience ». La règle qui prévaut, c'est que les grands projets sont comptabilisés à l'échelle nationale.
Pour ma part, j'aurais tendance à me méfier d'une proposition de loi transpartisane proposée par le Sénat en cette période préélectorale : je ne suis pas sûr qu'elle concoure totalement à l'intérêt général…
Il paraît naturel que ces projets ne soient pas comptabilisés au niveau de la commune, de l'intercommunalité ou du SCoT. En revanche, il importe que le Parlement connaisse l'impact du programme nucléaire, tel que pressenti par le Gouvernement, en termes d'emprise au sol.
Je rejoins mon collègue : il est important que nous connaissions la doctrine du Gouvernement, même si le débat est renvoyé à l'examen de deux propositions de loi. Il serait hypocrite de faire comme si une activité humaine, quelle qu'elle soit, n'a pas d'impact sur l'artificialisation des sols. Les installations de production d'énergies renouvelables en ont un, comme les réacteurs nucléaires. Il faut que nous ayons une idée de l'impact qu'auront ces projets, en prenant en compte les ouvrages et aménagements connexes.
Suivant l'avis de la rapporteure, la commission adopte les amendements.
En conséquence, tous les amendements portant sur l'alinéa 22 tombent.
Amendement CE34 de M. Sébastien Jumel.
La construction de deux réacteurs supplémentaires, c'est 10 000 salariés, et 1 000 emplois pérennes. Pour faire face, il faut des logements, des écoles, des équipements publics, c'est-à-dire des projets d'urbanisme qui consomment du foncier. Cette dimension doit être intégrée à notre réflexion. Compte tenu des échanges que nous avons eus à ce sujet, je retire mon amendement, mais il faut avancer sur cette question d'ici à la séance.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'article 3 modifié.
Après l'article 3
Amendement CL216 de M. Benjamin Saint-Huile.
Dans la même logique, nous demandons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport évaluant l'impact de l'installation de nouveaux réacteurs nucléaires sur un territoire. Cela nous aiderait à concilier l'objectif ZAN avec les objectifs du présent projet de loi.
Plusieurs rapports relatifs à la lutte contre l'artificialisation des sols sont déjà attendus. Je pense notamment à celui que le Gouvernement doit nous remettre au titre de l'article 194 de la loi « climat et résilience », et que les parlementaires ont déjà redemandé à plusieurs reprises. Votre amendement me paraissant satisfait, je vous invite à le retirer. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Je comprends le sens de votre amendement, mais il me paraît difficile de prévoir l'évolution démographique d'un territoire à si longue échéance. On peut donner un ordre d'idée : un chantier nucléaire, ce sont tant de milliers de personnes, dont x % viennent de la commune, y % de la région et z % d'un peu plus loin. On peut en déduire les besoins en matière de logement. Mais j'ai peur qu'on raconte des bêtises en essayant de prédire la population stable qui restera après le démarrage de la centrale, à l'horizon 2040 ou 2050. Je veux bien vous donner tous les chiffres disponibles en la matière, mais pour le reste votre demande me paraît assez complexe. Demande de retrait.
J'entends la difficulté mais il serait utile de disposer d'un retour d'expérience exhaustif de Flamanville concernant la sécurité, l'urbanisme, les conditions de logement, la fréquentation des services publics, les besoins de santé. Chez moi comme ailleurs, on manque de médecins : or la phase de chantier mobilisera 10 000 salariés ! Il faut donc anticiper, pour bien accompagner les projets. L'information existe, mais elle est disponible par petits bouts. Le retour d'expérience permettrait d'avoir une vision globale.
J'entends ce que dit Mme la ministre mais il est nécessaire d'anticiper au maximum, notamment pour les opérateurs de logements, qui ont besoin de réfléchir à l'après-chantier. Je soutiens donc cet amendement.
Les projections démographiques sont certes difficiles mais l'on peut aussi se fonder sur les données connues des centrales existantes, par exemple la différence entre les effectifs au moment du chantier et après l'ouverture des nouveaux réacteurs. Nous devons parvenir à élaborer une perspective, tant sur l'artificialisation des sols que sur les besoins en services qui seront généré. Les collectivités en ont besoin.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CE529 de Mme Louise Morel.
Il s'agit d'une demande de rapport sur l'application de la circulaire Borloo du 17 février 2010 relative à la maîtrise des activités au voisinage des installations nucléaires de base susceptibles de présenter des dangers à l'extérieur du site. Lors des auditions menées par le groupe Démocrate pour préparer ce texte, l'une des préoccupations soulevées par les communes limitrophes de sites nucléaires portait sur l'application de cette circulaire. Alors qu'elle ne devait être que provisoire, celle-ci est toujours en vigueur, ce qui pose des difficultés dans la mesure où les communes ont besoin d'un accompagnement spécifique pour affronter les contentieux issus de cette circulaire.
Suivant l'avis de la rapporteure, la commission adopte l'amendement.
Article 4 : Échéancement du début des travaux de réalisation d'un réacteur électronucléaire en fonction des dates de délivrance de l'autorisation environnementale et de l'autorisation de création
Amendement de suppression CE274 de Mme Anne Stambach-Terrenoir.
Aux termes de cet article 4, les bâtiments destinés à recevoir les combustibles nucléaires ne pourront pas être entrepris avant la délivrance d'une autorisation de création, processus qui prend de trois à cinq ans, tandis que les travaux n'ayant pas ou très peu d'impact sur la sûreté pourront démarrer avec une simple autorisation environnementale, processus qui dure environ un an.
C'est l'arnaque classique du vendeur de camelote qui met le pied dans la porte. On essaye de nous mettre devant le fait accompli : une fois que les travaux mineurs auront commencé, il sera sacrément difficile de revenir en arrière ! Ces travaux pourraient démarrer avant même la clôture de l'enquête publique de l'autorisation de création du projet dans son ensemble. Il y a donc un véritable déni du débat public sur un sujet majeur présentant des risques pour l'environnement et la santé des personnes. Il faut donc supprimer cet article.
Dans son avis, le Conseil national de la transition écologique insistait sur le respect des impératifs de protection de la biodiversité et de participation du public. Cet article menace clairement ces deux impératifs.
L'article 4 est au contraire indispensable pour conserver la philosophie du projet de loi. L'ASN et l'IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire) considèrent tous deux qu'il ne crée aucune régression en matière de sûreté et qu'il diminue le risque industriel pour l'ensemble des acteurs de la filière. Le but est de commencer plus tôt les travaux non nucléaires – défrichement, terrassement, stations de pompage, bâtiments de traitement des effluents – sans rien toucher à ce qui concerne l'îlot nucléaire – bâtiment du réacteur, ou destiné à recevoir du combustible. Cet article permet ainsi de sécuriser le calendrier et d'éviter les dépassements de délais, dans le respect de la culture de sûreté.
Avis défavorable. L'enjeu est de démarrer la partie des travaux qui ne fait pas grief – parkings, clôtures, bâtiments administratifs. Cela fait gagner beaucoup de temps.
Et que se passera-t-il si l'autorisation de création est refusée alors que les bâtiments non nucléaires ont déjà été construits ? Est-il prévu de les détruire ? Si la réponse est négative, cela prouvera qu'il s'agit bien d'une stratégie du fait accompli.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'amendement CE649, de précision juridique, de la commission du développement durable.
Amendements CE545 de Mme Maud Bregeon et CE650 de la commission du développement durable (discussion commune).
L'amendement CE650 est retiré.
La commission adopte l'amendement CE545.
En conséquence, les amendements CE651 de la commission du développement durable et CE129 de M. Pierre Meurin tombent.
Amendements identiques CE637 de Mme Maud Bregeon, CE652 de la commission du développement durable, CE128 de M. Pierre Meurin, CE507 et CE511 de M. Xavier Albertini et CE530 de M. Romain Daubié.
Nous proposons que l'autorisation environnementale soit délivrée non pas par décret en Conseil d'État, mais par décret simple.
En matière environnementale, la délivrance d'autorisation se fait habituellement par arrêté préfectoral. Le retour à un décret simple, plutôt qu'en Conseil d'État, est de nature à accélérer les délais.
La commission adopte les amendements.
Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CE612, CE613 et CE614 de Mme Maud Bregeon, rapporteure.
Amendements identiques CE638 de Mme Maud Bregeon et CE640 de M. Xavier Albertini, amendements CE140 de M. Hervé de Lépinau, CE653 de la commission du développement durable, CE450 de M. Stéphane Delautrette et CE275 de M. Maxime Laisney (discussion commune).
Je propose de supprimer l'avis de l'ASN sur l'autorisation environnementale, à la demande de l'Autorité elle-même. Elle nous a en effet indiqué ne pas être compétente dans ce domaine, qui n'a pas de lien avec la sûreté nucléaire.
L'amendement de la commission du développement durable tend également à supprimer cet avis de l'ASN.
Le nôtre propose à l'inverse que l'avis de l'ASN soit non seulement maintenu, mais rendu conforme.
Nous proposons également que l'avis de l'ASN soit rendu conforme, car l'autorisation environnementale conduira à des dérogations au code de l'urbanisme en vue d'anticiper certains travaux.
Avis défavorable à un avis conforme puisque c'est l'ASN elle-même qui nous a dit ne pas être en capacité de donner un avis en matière environnementale. Je souhaite le retrait des autres amendements au profit de celui que j'ai déposé et de celui, identique, de M. Albertini.
Même avis. L'autorisation environnementale encadre principalement les aménagements, c'est-à-dire les défrichements, terrassements, équipements et installations liés aux travaux préparatoires pour la construction du réacteur. Ces travaux n'ont rien à voir avec les compétences de l'ASN, laquelle se prononcera sur les conditions de sécurité de l'installation nucléaire dans le cadre du dossier d'autorisation de création. Il ne faut pas mélanger les deux procédures
La commission adopte les amendements identiques CE638 et CE640.
En conséquence, les amendements CE140, CE653, CE450 et CE275 tombent.
Amendements identiques CE636 de Mme Maud Bregeon et CE639 de M. Xavier Albertini.
Il s'agit de supprimer les études supplémentaires ajoutées par le Sénat dans le cadre de l'autorisation environnementale car elles concernent la sûreté et sont de ce fait incluses dans l'autorisation de création. Encore une fois, ce sont deux sujets différents.
Pour cela, il faut supprimer les deuxième et troisième phrases de l'alinéa 1er, qui imposent un décret en Conseil d'État et un avis de l'ASN sur l'autorisation environnementale alors qu'elle n'est pas compétente en la matière.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l'amendement CE451 de M. Gérard Leseul, les amendements CE75, CE76 et CE77 de Mme Marie Pochon ainsi que les amendements CE272 de Mme Aurélie Trouvé et CE78 de Mme Marie Pochon tombent.
Amendement CE159 de M. Nicolas Thierry.
Je déplore le fait que plusieurs amendements viennent de tomber. Ils étaient de nature à rendre notre parc nucléaire plus robuste face au réchauffement climatique.
Le présent amendement vise à prendre en compte, dans l'étude d'impact, les incidences sur la faune et sur la flore des dérogations aux limites des rejets thermiques dans l'environnement en période de canicule. Le ministre Christophe Béchu a déclaré qu'il fallait préparer la France à un réchauffement de plus 4 degrés : cela vaut aussi pour le nucléaire.
L'autorisation environnementale tient déjà compte des incidences du projet sur la faune et la flore. De plus, l'étude d'impact prévue dans le cadre de l'autorisation de création prévoit des compléments d'étude sur les rejets d'eau. Avis défavorable.
S'agissant des amendements qui sont tombés, je précise que l'étude d'impact prend bien en compte le réchauffement climatique. Pour ce qui est des rejets thermiques, à chaque fois qu'une dérogation est accordée, comme cela a été le cas cet été, un suivi de la biodiversité est organisé pour documenter leurs effets.
Tout le monde se souvient que cinq centrales ont été autorisées cet été à rejeter des eaux plus chaudes dans la nature. Les études sur le sujet font dire à M. Jérémy Lobry, spécialiste de la biodiversité aquatique à l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAe), que ces rejets provoquent des impacts physiologiques directs sur la faune peu mobile comme les crustacés, les mollusques et les invertébrés.
De plus, selon un rapport interne d'EDF portant sur douze centrales de 1979 à 2010, les phénomènes de piégeage et d'entraînement ont été considérés comme une conséquence environnementale majeure dès le lancement du programme électronucléaire, dans les années 1970-1980. Il me paraît donc très important que l'étude d'impact s'attache aux incidences de ces rejets sur la faune et la flore.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CE452 de M. Stéphane Delautrette.
Comme tout à l'heure à propos de l'ASN, il s'agit d'une étude environnementale qui n'entre pas dans le champ de compétence de l'IRSN, comme l'Institut le dit lui-même. Demande de retrait ou avis défavorable.
Même avis. L'autorisation environnementale porte sur des travaux qui ne relèvent pas des missions de l'IRSN.
Je profite de l'examen de cet amendement, qui vise à confier une prérogative de contrôle à l'IRSN, pour vous rappeler que vous avez encore quelques heures pour éviter de faire une grosse bêtise : il faut renoncer à la fusion de l'IRSN et de l'ASN.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CE654 de la commission du développement durable et sous-amendement CE675 du Gouvernement.
L'amendement vise à préciser que le décret portant l'autorisation environnementale est modifié conformément aux règles prévues par le code de l'environnement. Il tend également à mieux distinguer le régime dérogatoire institué par le présent article pour la délivrance de l'autorisation environnementale avant celle de l'autorisation de création et le régime de droit commun applicable après, où c'est l'ASN qui est compétente au sein du périmètre de l'installation nucléaire de base une fois celui-ci établi.
Alors que l'amendement vise à préciser les modalités appliquées pour modifier l'autorisation environnementale avant la délivrance de l'autorisation de création, le sous-amendement tend à préciser les modalités appliquées après cette délivrance. Puisqu'elles relèvent de la répartition des compétences en matière de police administrative entre divers services de l'État et l'ASN, il est prévu de les mentionner dans le décret en Conseil d'État prévu à l'article 8 de ce texte.
Il convient qu'après la délivrance de l'autorisation environnementale, les projets d'installation et d'équipement soient gérés selon les dispositions du code de l'environnement, à l'instar des autres sites nucléaires.
Suivant l'avis de la rapporteure, la commission adopte successivement le sous-amendement et l'amendement sous - amendé.
Amendement CE655 de la commission du développement durable.
Dès lors que les nouveaux réacteurs seront construits à proximité de réacteurs existants, des commissions locales d'information existent. Mais, la construction des nouveaux réacteurs ne modifiant pas une installation nucléaire de base existante, le droit actuel ne prévoit pas d'informer en amont la CLI de la demande d'autorisation de création déposée par l'exploitant. L'amendement tend à ce qu'elle soit informée dès le début de la procédure, c'est-à-dire dès l'introduction de la demande d'autorisation environnementale.
Suivant l'avis de la rapporteure, la commission adopte l'amendement.
Amendement CE458 de Mme Anna Pic.
L'éventuelle relance du nucléaire et la construction de nouveaux réacteurs électronucléaires ne devra pas altérer la bonne gestion du cycle de vie du combustible. Or nous manquons de solutions d'entreposage. Les piscines d'Orano, à La Hague, seront saturées d'ici 2030 alors que les besoins augmentent d'environ 100 tonnes par an. Même s'il est question d'augmenter la quantité de combustibles usés dans trois des piscines actuelles, pour gagner jusqu'à 30 % de place supplémentaire, l'éventuelle relance du nucléaire accentuera les besoins dans les prochaines années.
Dans ces conditions, nous vous proposons de subordonner la délivrance de l'autorisation environnementale à la production d'un document prospectif qui précise le parcours prévu pour le combustible. Ce document s'inscrit en cohérence avec le plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs. Il est mis à jour au moment du réexamen périodique prévu pour les installations nucléaires de base.
Il est paradoxal de prévoir un tel document alors qu'il est précisé à l'alinéa suivant que la construction des bâtiments destinés à accueillir du combustible ne pourra commencer qu'à la délivrance de l'autorisation de création. Il est vrai, en revanche, que le stockage des déchets pose question. Nous avons adopté au début du texte une demande de rapport pour faire le point sur ce sujet. Je vous invite à retirer l'amendement, sinon avis défavorable.
Pour la partie nucléaire, le décret prendra bien en compte la question des déchets. D'autre part, j'ai mis à jour en décembre 2022 le plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs établi jusqu'en 2026. Vous disposerez d'ici la fin de l'année d'une vision de l'ensemble des enjeux, qu'il s'agisse de l'entreposage des déchets ou de la question spécifique de l'uranium de retraitement, qui pose celle de notre indépendance. Vous aurez de la visibilité au-delà de 2026. D'ailleurs, alors que le dossier d'autorisation de construction sera déposé courant 2023, nous aurons pris des décisions dès la fin de l'année sur ces sujets, qui relèvent de la loi de programmation sur l'énergie et le climat. L'amendement est donc satisfait.
Je ne le retire pas. Nous reviendrons plus longuement en séance sur le problème de la sécurité des produits, en amont comme en aval. Ce sont des sujets importants. Vous nous répondez, madame la ministre, que tout sera prévu dans les décrets. Nous aurions préféré inscrire le dispositif dans la loi. Plus généralement, votre calendrier pose problème. Vous vous voulez rassurante mais comment pouvons-nous voter des mesures pour accélérer la relance du nucléaire si nous n'avons pas les réponses à toutes les questions qui en découlent ?
La commission rejette l'amendement.
Amendements identiques CE79 de Mme Marie Pochon et CE455 de Mme Chantal Jourdan.
L'article introduit la faculté d'anticiper certains travaux en vue de la création de réacteurs électronucléaires dès lors que l'autorisation environnementale a été délivrée. En pratique, cela implique surtout que ces travaux pourront commencer avant l'autorisation de construction du réacteur.
Il nous semble périlleux de distinguer entre les différents bâtiments de l'installation nucléaire. L'autorisation environnementale en vue de la création d'un réacteur nucléaire est délivrée en fonction de l'étude d'impact sur l'ensemble du projet. Commencer à construire les à-côtés des réacteurs pourrait constituer une mise devant le fait accompli. Si vous voulez tordre le cou à toute participation du public, c'est la bonne méthode – mais nous espérons que ce n'est pas le cas…
Il convient donc de supprimer les dispositions qui permettent l'accélération de la mise en travaux. Le gain de temps escompté ne justifie pas une atteinte disproportionnée à la participation du public, sachant que les retards sont dus aux difficultés industrielles et non administratives, comme en témoigne la réparation des problèmes de corrosion de la centrale nucléaire de Flamanville. Cet exemple, loin d'être isolé, illustre les risques d'aléas auxquels sont soumis les industriels.
Nous entendons mettre en évidence l'intérêt de l'enquête publique. Les riverains doivent être informés et pouvoir exprimer leur avis, qui n'est d'ailleurs pas forcément négatif : l'enquête publique peut aussi permettre de lever des inquiétudes et de mieux faire accepter le projet.
Cet amendement illustre nos divergences. Si je l'acceptais, le texte n'aurait plus de sens ! La possibilité de lancer les travaux pour les installations non nucléaires représente un gain de temps inestimable et ne pèsera pas sur la décision d'autoriser ou non la construction du réacteur. Si elle est refusée, le risque aura pesé sur l'industriel. De toute manière, cette autorisation sera doublée d'une décision politique puisque, d'ici là, d'autres élections auront eu lieu.
Quant au caractère non démocratique de cette disposition, nous en avons déjà parlé. Nous sommes tous légitimes à débattre du nucléaire, en commission et dans l'hémicycle, et nous avons déjà énoncé toutes les étapes prévues pour engager la participation du public et l'informer. Avis défavorable.
Avis défavorable. Une enquête publique sera bel et bien menée avant la construction, elle n'est pas supprimée. Plusieurs enquêtes publiques sont prévues au total, il ne faut pas les confondre. Ce projet de loi ne modifie rien à la procédure prévue pour associer le public ou pour prendre l'autorisation environnementale. Il prévoit juste d'autoriser l'engagement de travaux déjà validés avant celui des constructions plus sensibles. C'est le porteur de projet qui prendra son risque : il choisira de construire ses parkings en avance ou non, par exemple.
Mais qui prendra le risque financier ? La ministre a expliqué sur France Info que les impôts n'augmenteraient pas, non plus que les tarifs de l'électricité. Où trouverez-vous l'argent pour financer les centrales, sachant que les chantiers sont complexes, comme en témoigne celui de Flamanville ? En vérité, c'est le contribuable qui prendra le risque. La construction de bâtiments connexes au réacteur nucléaire en anticipant la décision d'autorisation fait donc peser un risque financier sur nos concitoyens.
D'autre part, madame la rapporteure, vous mélangez un peu tout. Nous sommes tous légitimes à débattre ici, mais vous n'avez pas la légitimité pour passer en force dans le domaine du nucléaire.
La commission rejette les amendements.
Amendement CE273 de M. Maxime Laisney.
Cet amendement et le CE276 qui viendra un peu après visent à supprimer tout ou partie de l'alinéa 2. Le Sénat a auditionné la direction générale de la prévention des risques (DGPR) et la direction générale de l'énergie et du climat. Il en ressort qu'une définition précise des travaux susceptibles d'être anticipés n'a pas été élaborée : d'une part ils sont très nombreux, d'autre part ils sont dépendants du contexte du site. Dès lors que l'article reste flou, son interprétation peut être large.
D'autre part, l'Association nationale des comités et commissions locales d'information (Anccli) craint que cette disposition soit du plus mauvais effet sur nos concitoyens, leur laissant penser que l'enquête publique ne sert à rien puisque les travaux pourraient être engagés avant qu'elle ne soit achevée.
Mme la rapporteure nous a assurés, en commission du développement durable, que les travaux préparatoires étaient sur le chemin critique de la construction de l'ensemble de la centrale, et que cette mesure ferait gagner du temps. Je le prends plutôt comme la preuve que vous voulez nous mettre devant le fait accompli. Sans compter que beaucoup de questions restent en suspens : comment s'organisera le démantèlement de ces bâtiments si l'autorisation de créer le réacteur n'est pas accordée ?
Parlons de déconstruction plutôt que de démantèlement : les bâtiments concernés ne sont pas ceux de l'îlot nucléaire. Dans ce cas, c'est la responsabilité de l'exploitant qui sera engagée.
Vous contestez le caractère démocratique de cet article, vous nous accusez de vouloir passer en force. Mais, que je sache, ce texte sera soumis au vote ! J'ai bien compris que vous perceviez tout ce qui ne va pas dans votre sens comme un passage en force, mais ce n'est pas un principe de la démocratie. Avis défavorable.
Le représentant de la DGPR ici présent me glisse que ce n'est pas exactement cela qui a été dit en commission au Sénat. Il a été indiqué que les travaux sont de nature différente selon les technologies employées et qu'il serait préférable de renvoyer leur définition au règlement pour ne pas paralyser l'application de la loi dans dix ou quinze ans.
Pour le reste, je vous invite une bonne fois pour toutes à rejeter tous les amendements qui visent à supprimer la possibilité d'anticiper certains travaux, pour des raisons que nous avons déjà longuement expliquées.
Les questions qui vous ont été posées sont légitimes : que se passera-t-il si des sommes importantes ont été engagées pour ces travaux ? Qui financera ? Comment le périmètre où ces bâtiments auront été construits sera-t-il remis en état ? Les mêmes questions se posent dans de nombreux autres domaines, elles ne sont pas propres au nucléaire. Avant le lancement du projet de parc éolien en mer au large du Tréport, Engie a débloqué des millions d'euros pour forer, mener des études, précommander des turbines, en préjugeant du résultat du débat public et de la décision administrative, à ses risques et périls.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CE127 de M. Pierre Meurin.
Même avis car la rédaction des amendements CE609 et CE607 de la rapporteure, qui tendent au même objectif, paraît plus adaptée.
La commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis de la rapporteure, la commission rejette l'amendement CE276 de Mme Aurélie Trouvé.
Amendement CE609 de Mme Maud Bregeon.
Il supprime des précisions redondantes et clarifie la rédaction de l'alinéa en en inversant les termes, sans en changer le fond.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CE607 de Mme Maud Bregeon et amendement CE657 de la commission du développement durable (discussion commune).
L'amendement de la commission du développement durable revient au texte du Gouvernement sur la question du périmètre des travaux à entreprendre dès l'autorisation environnementale.
Avis favorable à l'amendement de coordination, demande de retrait pour le suivant.
L'amendement CE657 étant retiré, la commission adopte l'amendement CE607.
En conséquence, l'amendement CE656 de la commission du développement durable tombe, de même que les amendements CE141 de M. Hervé de Lépinau, CE658 et CE660 de la commission du développement durable, CE453 de M. Stéphane Delautrette et CE486 de M. Maxime Laisney.
La commission adopte l'amendement de coordination CE608 de Mme Maud Bregeon, rapporteure.
Amendements identiques CE635 de Mme Maud Bregeon, CE217 de M. Benjamin Saint-Huile, CE369 de M. Xavier Albertini et CE351 de M. Romain Daubié.
Il s'agit de supprimer l'alinéa 3, qui précise le contenu du décret en Conseil d'État de l'article 8. En effet, les représentants de l'ASN et de l'IRSN nous ont assuré que la répartition des travaux était claire, les bâtiments destinés à accueillir des combustibles étant bien identifiables.
Il ressort des auditions que nous avons menées que l'établissement d'une liste n'est pas nécessaire et qu'elle pourrait, de surcroît, remettre en question les gains de temps visés par cet article.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, les amendements CE582 de M. Romain Daubié et CE487 de M. Maxime Laisney tombent.
La commission adopte l'article 4 modifié.
Après l'article 4
Amendements CE196 de Mme Christelle Petex-Levet et CE80 de Mme Marie Pochon (discussion commune).
Il s'agit d'associer les conseils municipaux des communes d'implantation ou en covisibilité qui sont concernées par un projet d'implantation. L'avis favorable du conseil municipal permet le dépôt de la demande d'autorisation. Si l'avis est défavorable, le porteur de projet a un mois pour répondre à ses observations. Dès réception de la réponse, l'autorisation d'installation peut être déposée.
Cette mesure permettrait de mieux prendre en compte le cadre de vie des habitants et les contraintes locales, tout en favorisant l'acceptabilité du projet.
Implanter une centrale nucléaire au sein d'une commune, c'est se lancer dans un projet pour deux cents ans ! Il y a deux cents ans, l'année 1822 était marquée par l'apparition du premier moteur électrique rotatif : l'électricité était découverte ! En reliant le mercure et la potence à une pile, le courant passe, la roue se met à tourner rapidement grâce à la force électromagnétique exercée par l'aimant sur ces courants.
Où en serons-nous dans deux cents ans ? La littérature de science-fiction est très prolixe, mais la certitude est moins facile. La décision n'est donc pas anodine. Certains irréductibles veulent lancer des projets qui nous viennent des années 1970, à l'heure du changement climatique et de l'effondrement des démocraties libérales. Là encore, ce n'est pas anodin.
Cet amendement tend, par conséquent, à renforcer le pouvoir décisionnaire du maire et des élus locaux, qui doivent pouvoir s'exprimer sur un projet qui engagera l'ensemble de leur territoire alors même qu'il est complètement dépassé. Il permet au maire de s'opposer au dépôt de la demande d'autorisation. Le même pouvoir est accordé à toutes les communes qui entreraient dans le champ de visibilité d'un parc nucléaire.
Une telle consultation est déjà prévue dans le cadre de l'instruction de l'autorisation de création d'une installation nucléaire de base. En outre, nous en avons parlé à l'article 2, les autorités compétentes en matière d'urbanisme sont associées à l'adaptation de leur document d'urbanisme dans un examen conjoint avec l'État.
Les communes participent largement au processus de consultation et de décision. Stéphane Travert l'a rappelé à propos de la construction du réacteur 3 de Flamanville.
Vous prônez par ailleurs l'inverse de ce que vous avez défendu pour les énergies renouvelables, madame Regol : vous ne vouliez pas accorder au maire un quelconque droit de veto pour s'opposer à l'installation d'éoliennes.
Avis défavorable.
Vous souhaitez que les maires des communes en covisibilité disposent d'un droit de veto : ce serait une notion tout à fait nouvelle s'agissant de centrales nucléaires. Vous avez défendu le principe exactement inverse, et nous aussi, lors de l'examen du projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables. Avis défavorable, par cohérence.
Vous l'avez compris en écoutant les propos de Mme Regol : quand on construit un réacteur nucléaire, on en prend pour plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines d'années. Il me semble donc pertinent de demander aux personnes concernées si elles sont d'accord pour prendre ce risque. Il n'en va pas de même pour les énergies renouvelables : jusqu'à preuve du contraire, une éolienne ou un panneau photovoltaïque peuvent être démontés. Je note que vous étiez beaucoup plus soucieux du respect des droits des collectivités territoriales lors de la discussion du texte sur les énergies renouvelables que vous ne l'êtes aujourd'hui s'agissant du nucléaire. Cette différence d'approche est d'autant plus paradoxale que la construction d'un réacteur nucléaire a des répercussions bien plus importantes.
Je suis à l'écoute des associations d'élus locaux : la concertation que nous menons en amont des textes avec les représentants des collectivités territoriales permet précisément de répondre à leurs préoccupations. Or, sur ce sujet, leur opinion est très claire : les maires ne demandent pas à avoir ce type de droit. Je m'oppose donc à l'octroi de ce droit de veto, comme je l'ai déjà fait au Sénat.
De même que nous voulions que les conseils municipaux puissent s'exprimer sur les énergies intermittentes, nous souhaitons qu'ils puissent le faire sur les projets nucléaires. Cela ne posera d'ailleurs aucun problème : les centrales existent déjà, et les communes savent quel bénéfice leurs habitants et leurs finances en retirent.
Je salue l'exposé sommaire positif de l'amendement CE80 – c'est suffisamment rare chez les écologistes pour être souligné ! Il faut effectivement faire confiance au progrès scientifique. Dans deux cents ans, on regardera avec beaucoup d'amertume les occasions manquées, s'agissant notamment de la transmutation des déchets, et on déplorera tout ce temps perdu. Seules trente années séparent les travaux de Lise Meitner, une femme qui doit être chère à votre cœur – je le dis sans aucune ironie – et la construction de centrales nucléaires civiles. Nous observons donc peut-être un début de consensus pour renouer avec la confiance dans le progrès scientifique et humain. Cela me fait plaisir de le dire !
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CE206 de M. Jean-Pierre Vigier.
Ce projet de loi vise à accélérer les procédures, à gagner du temps. Nous proposons donc de raccourcir le délai de dépôt des demandes d'autorisation d'exploiter en le ramenant de dix-huit à douze mois avant la date de mise en service de l'installation.
Vous posez une vraie question. Il nous apparaît cependant que ce raccourcissement des délais ne serait pas raisonnable : le rapport de la commission spéciale sur la loi de 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, qui a créé l'autorisation d'exploiter, indique que ces dix-huit mois sont nécessaires à l'instruction des dossiers. Au vu des informations dont je dispose, je ne peux pas donner un avis favorable à votre amendement : je vous invite donc à le retirer. Nous pourrons peut-être retravailler cette question d'ici à la séance et apporter quelques éléments complémentaires.
La rédaction de l'article L. 311-5-6 du code de l'énergie pourrait probablement être améliorée. Elle n'est pas claire : on a l'impression qu'elle ajoute un délai de dix-huit mois et allonge donc l'instruction des dossiers. En réalité, il faut voir les choses comme un rétroplanning : on demande à l'exploitant d'anticiper de dix-huit mois la mise en service de l'installation, c'est-à-dire d'être prêt dix-huit mois à l'avance, avec toutes les pièces à fournir, afin de s'assurer que le dossier administratif n'est pas bloquant. Si vous ramenez le délai à douze mois, c'est la date de mise en service que vous risquez de décaler de six mois par rapport à ce qui était souhaité, et possible industriellement, et cela juste pour de l'instruction administrative. Demande de retrait ou avis défavorable.
L'idéal serait de retravailler sur ce sujet, car la disposition actuelle donne le sentiment que l'on accorde à l'administration un temps beaucoup trop long pour examiner les demandes d'autorisation. Peut-être faudrait-il trouver une rédaction un peu plus habile.
L'amendement est retiré.
Amendement CE81 de Mme Marie Pochon.
Puisque l'histoire ne vous convainc pas, je reviens aux fondamentaux. Février 2023 s'est achevé avec un déficit pluviométrique de plus de 50 %, devenant le mois de février le plus sec jamais enregistré depuis le début des mesures. C'est historique. Notre pays a connu plus d'un mois – trente-deux jours – sans pluie en plein hiver. Ça aussi, c'est historique. Les nappes phréatiques, déjà abîmées par la sécheresse de 2022, sont à moitié vides et ne se reconstitueront pas suffisamment d'ici à cet été. Certains paysages sont bouleversés, comme à Béziers : l'Orb, dont la vallée est magnifique, est aux abonnés absents. En février, c'est là encore du jamais vu ! L'évolution du climat aggrave la pression sur les cours d'eau : des études prédisent des baisses du débit d'étiage des fleuves de 20 à 50 % d'ici à 2050. Cette donnée doit faire l'objet d'analyses scientifiques, préalables, intégrées et obligatoires dans le cadre de l'étude environnementale.
Je reviens donc à une de vos réponses, qui n'a paru claire à personne d'entre nous. L'eau est l'élément clé pour le bon fonctionnement des centrales. Une telle baisse des niveaux d'eau aura des répercussions sur la biodiversité, ce qui devrait déjà nous préoccuper – nous en sommes à la sixième extinction de masse des espèces – mais aussi sur le refroidissement des réacteurs, ce qui devrait nous inquiéter. En effet, la multiplication des périodes de forte chaleur et la baisse progressive des étiages pourraient entraîner une intermittence dans la production d'électricité, ce qui serait fort dommage. C'est d'ailleurs leur caractère intermittent que certains d'entre vous reprochent très souvent aux énergies renouvelables ; or les périodes d'intermittence de ces dernières se comptent en heures ou en jours, alors que l'intermittence du nucléaire a duré cette année plusieurs mois, ce qui est beaucoup plus difficile à gérer.
Ce projet de loi vise à assurer la souveraineté énergétique de la France dans les années à venir. Il nous apparaît donc urgent d'empêcher que de nouveaux réacteurs électronucléaires soient construits sur les rives d'un fleuve ou d'une rivière pour lesquels les risques de baisse de débit sont trop importants dans les cinquante années à venir – ces nouvelles installations ne feraient qu'accélérer le phénomène.
Je comprends que vous cherchiez des raisons de rejeter l'énergie nucléaire, mais de là à dire que c'est une énergie intermittente…
Les éléments que vous mettez en avant sont d'ores et déjà pris en compte dans les études préalables d'EDF, dans les différentes études réalisées par l'ASN ainsi que dans le volet « ressource en eau » de l'étude d'impact réalisée au titre de l'autorisation de création. Cette réalité est donc examinée dans le cadre des autorisations d'implantation.
Nous avons déjà longuement parlé de la question de l'eau, des sécheresses, des canicules et du changement climatique. Au-delà des études que je viens de mentionner, ces éléments ont été pris en compte dans l'élaboration des scénarios « Futurs énergétiques 2050 » de RTE. On a vu que leur impact, tout à fait minime, ne concernait pas la sécurité des centrales mais uniquement la préservation de l'environnement. Les baisses de production seront tout aussi minimes, puisqu'elles représenteront moins d'un quart de l'équivalent de la production d'un réacteur pendant l'été – la période pendant laquelle la consommation est la plus faible – et pas plus de quelques pourcents à l'échelle d'une année. Non, l'énergie nucléaire n'est pas intermittente. Il existe probablement des raisons de s'y opposer, mais vraiment pas celle-là !
Ce n'est en effet pas un bon argument. Même les chiffres de cette année, qui sont au plus bas, montrent le contraire. Ne mettons pas les impératifs de maintenance et l'organisation de la quatrième visite décennale pour la prolongation des centrales sur le même plan que les aléas de la météo, qui induisent une irrégularité de la production solaire ou éolienne. Et c'est quelqu'un qui déploie les énergies solaire et éolienne qui vous le dit !
Le réchauffement climatique et les enjeux liés au refroidissement des centrales sont bien pris en compte lors de l'instruction des dossiers d'autorisation de construction. Ils le sont même à deux niveaux, puisque l'administration veille tant à la préservation de la biodiversité – c'est le volet environnemental de l'autorisation – qu'à la garantie du bon fonctionnement de la centrale.
Il ne vous aura pas échappé que les deux premières paires de centrales sont construites en marge du littoral : vous conviendrez donc que les enjeux relatifs aux cours d'eau seront mineurs. Notre réflexion quant à l'implantation de la troisième paire de réacteurs intègre la question du réchauffement climatique, au même titre que les enjeux de sûreté – nous passons en revue tous les facteurs susceptibles de remettre en cause le bon fonctionnement des réacteurs, par exemple la possible survenue d'événements sismiques dans la zone. C'est à la lumière de tous ces éléments que nous choisirons tel site plutôt que tel autre. EDF est en train de mener ce travail ; c'est pourquoi nous ne sommes pas encore capables de préciser la localisation de cette troisième paire de réacteurs.
Nous ne balayons pas vos arguments d'un revers de main : les éléments sur lesquels vous appelez notre attention sont réellement pris en compte. Le sujet est traité très sérieusement, et les dossiers sont soumis à l'ASN pour validation.
Le plan Adapt 2050 d'EDF intègre la question du réchauffement climatique. Le rapport de RTE est également assez précis à ce sujet. Il en ressort que les réacteurs nucléaires ne sont pas forcément les plus sensibles au réchauffement climatique, et que ce dernier a en particulier un impact sur les réseaux, du fait des variations de température et de leur effet sur les matériaux, ainsi que sur le potentiel de production de certaines énergies renouvelables. Ne caricaturons pas les choses : il n'y a pas d'enjeu majeur spécifique au nucléaire. Les défis à relever vont bien au-delà de cette source d'énergie. Tout cela est étudié avec sérieux par EDF ainsi que par les autorités d'expertise et de sûreté nucléaire. MM. Leseul et Jumel ont souligné à l'instant toute la valeur de ces autorités, qui ont fait leur travail et continueront à le faire afin que tous ces éléments soient bien pris en compte. Avis défavorable.
À entendre votre réponse, je suis assez dubitatif, et même franchement inquiet. Il y a quelques jours, M. Béchu, membre du même Gouvernement que vous, disait que la France devait se préparer à un scénario de réchauffement climatique de 4 degrés. Personne ici ne peut dire à quoi ressemblerait notre pays dans cette hypothèse. Soyez au moins cohérents au sein du Gouvernement : s'il faut vraiment se préparer à un réchauffement de 4 degrés, alors il est absolument indispensable d'adopter cet amendement !
C'est le grand défi du XXIe siècle : nous devons apprendre à vivre avec moins d'eau dans nos fleuves, et nous ne pouvons pas faire reposer la production d'électricité du pays ni la sûreté de nos centrales nucléaires sur ce facteur. Il nous semblait que M. Béchu avait compris l'urgence et la nécessité de prendre des mesures radicales, mais ce n'est manifestement pas le cas. J'insiste : puisque l'eau des fleuves deviendra beaucoup plus rare et beaucoup plus chaude, il ne faut pas y construire de centrales nucléaires.
J'espère que je ne vous ferai pas bondir en vous apprenant que la Russie a expérimenté une centrale nucléaire flottante. Et un professeur du MIT a dit un jour que le meilleur endroit pour implanter une centrale nucléaire était le milieu de l'océan. Alors que nous réfléchissons à l'opportunité de construire des réacteurs à proximité des rivières et des littoraux, nous sommes-nous un jour demandé s'il ne serait pas judicieux ou techniquement possible de bâtir une centrale en plein milieu de l'océan ?
Je ne suis pas en mesure de vous répondre, mais si vous demandez un rapport à ce sujet, je serai ravie de l'accepter ! En revanche, aux États-Unis, une centrale a été implantée dans le désert, et elle fonctionne très bien.
Monsieur Tavel, il est assez malhonnête d'essayer d'opposer, de manière un peu factice, deux membres du Gouvernement dont les positions sont tout à fait alignées et qui travaillent main dans la main.
Vos propos traduisent beaucoup de mépris pour les équipes d'EDF qui travaillent sur ces sujets, élaborent le plan Adapt 2050 et ont un haut niveau de technicité. Elles ne sont pas dans le déni climatique, bien au contraire : elles établissent différents scénarios, cohérents avec les travaux du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), réalisent différentes simulations et mesurent leurs impacts potentiels en termes de matériaux, de risques de coupures, de montée des eaux… Reconnaissez qu'il y a des compétences dans notre pays, et qu'EDF, l'ASN et l'IRSN travaillent sérieusement ! Je vous renvoie au rapport de RTE, disponible en ligne, notamment aux quarante-deux pages du chapitre 8 qui exposent en détail les effets du climat sur notre système électrique. Ce n'est pas comme si nous n'avions rien fait !
Mon collègue Christophe Béchu dit simplement que, quand on réalise des investissements dans le domaine de l'adaptation au changement climatique, il faut être capable de prendre en compte un scénario différent de celui que nous préférons – lequel limite le réchauffement climatique à 1,5 degré, ce qui est d'ailleurs légèrement au-dessus du scénario nominal planétaire – afin d'éviter la « maladaptation ». Ne faites pas dire aux ministres ce qu'ils n'ont pas dit !
Le réchauffement climatique est pris très au sérieux par le Gouvernement, de même que par EDF et par les autorités de contrôle. Les auteurs de l'amendement CE81 ne connaissent pas la science, n'ont pas étudié le sujet dont ils parlent mais pensent savoir tout mieux que tout le monde et entendent interdire par principe l'implantation d'une centrale nucléaire à tel ou tel endroit, en l'autorisant d'ailleurs à d'autres. Notre démarche, fondée sur une étude sérieuse des données réelles du terrain, me paraît un peu plus sérieuse.
La commission rejette l'amendement.
Article 5 : Dérogations aux dispositions de la loi Littoral pour la construction de nouveaux réacteurs électronucléaires
Amendements de suppression CE8 de Mme Julie Laernoes et CE278 de Mme Aurélie Trouvé.
Le Président de la République s'est pourtant demandé « qui aurait pu prédire la crise climatique ». Même les scientifiques n'arrivaient pas à prédire l'accélération des phénomènes liés au réchauffement climatique ! Ne voudriez-vous pas admettre que le réchauffement s'accélère, qu'il y a une inconnue et que l'on a besoin de plus de recherches scientifiques pour savoir comment prendre en compte la nouvelle donne ? L'amendement CE81 était en réalité un amendement de bon sens. Lorsque vous nous demandez de ne pas nous inquiéter parce que tout est prévu, vous ne nous rassurez pas : si le plus haut responsable de l'État explique qu'on ne pouvait pas prédire la crise climatique, vous ne pouvez pas dire que tous les autres corps de l'État l'avaient prévue ! Un rapport de quarante-deux pages n'est pas suffisant !
L'article 5 prévoit une dérogation générale qui rompt brutalement l'équilibre des droits et porte une atteinte disproportionnée à l'article 1er de la Charte de l'environnement dès lors que, comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel, « la préservation de l'environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la nation » et que les dérogations aux règles environnementales ne sauraient s'appliquer que dans des circonstances exceptionnelles – ce qui n'est, en l'espèce, pas le cas.
Par ailleurs, ce régime dérogatoire ne tient pas compte des effets du réchauffement climatique. Le « glacier de l'apocalypse » est en train de fondre, de manière irréversible, ce qui provoquera une hausse immédiate du niveau des eaux. Il s'agit là de faits scientifiques réels, qui se produisent ici et maintenant. Nous avons déjà évité une grosse catastrophe lors de l'inondation de la centrale du Blayais du fait de la tempête Xynthia. De fait, il est nécessaire de prendre en compte l'environnement et le réchauffement climatique, et donc de supprimer l'article 5.
Habiter à côté d'une centrale nucléaire, cela peut inspirer un dessin animé très réussi, mais cela ne fait pas rêver : ce n'est pas vraiment un projet de vie… Une centrale à côté de chez soi, on la subit, et parfois même on en a peur. Cela se comprend, d'ailleurs, si l'on a suivi les accidents de Tchernobyl et de Fukushima, ou si l'on a lu cette étude publiée par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) en 2012, qui évoque un nombre de leucémies infantiles supérieur à la moyenne nationale dans un rayon de 5 kilomètres autour des centrales.
Selon un sondage de 2014, les Français estiment qu'il faut 330 kilomètres de distance avec une centrale pour être protégé des fuites radioactives. Ils ne savent même pas que la zone d'exclusion de Tchernobyl était de 30 kilomètres, celle de Fukushima de 20 kilomètres, et que les différents périmètres prévus autour des centrales françaises sont de 5, 20 et 60 kilomètres ! Bref, contrairement à ce que vous essayez de nous démontrer depuis hier, les Français ne sont pas du tout informés de la réalité des risques que l'énergie nucléaire leur fait courir.
Aussi, l'implantation d'une centrale nucléaire n'est pas une chose anodine. Je rappelle d'ailleurs que 2 millions de nos concitoyens vivent à moins de 20 kilomètres d'une infrastructure nucléaire, et plus de 200 000 personnes à moins de 5 kilomètres.
Si nous ne pouvons pas protéger avec certitude les populations, peut-être pouvons-nous quand même essayer de sauvegarder nos paysages et nos écosystèmes marins. Nous nous opposons donc au principe d'une nouvelle dérogation à la loi « Littoral » au bénéfice des constructions, aménagements, équipements, installations et travaux liés à la construction d'un nouveau réacteur à côté d'une centrale existante. C'est pourquoi nous demandons la suppression de l'article 5.
Avis défavorable, pour des raisons assez similaires aux amendements précédents. Quoi que vous en pensiez, de réelles études sont conduites avant de choisir le lieu d'implantation d'une centrale nucléaire.
Le contrôle des rayonnements ionisants et le suivi des éventuelles contaminations surfaciques à proximité des centrales sont très méticuleusement assurés par EDF et l'ASN. Des balises mesurent en permanence les éventuels rejets. L'ASN a alors droit de vie ou de mort sur la centrale : elle peut demander du jour au lendemain à l'exploitant de cesser son activité, de se justifier et éventuellement de prendre les mesures nécessaires. Les personnes travaillant sur le site sont évidemment suivies, et une information est délivrée au public, même si on peut toujours faire mieux – je ne dis pas que tout est parfait. Vous dites que les Français ne sont pas informés mais, quand je vous entends parler de radioactivité, je n'ai pas l'impression que vous le soyez beaucoup plus ! Sur un sujet aussi sérieux, agiter les peurs, comme vous le faites parfois, est extrêmement délétère.
Je ne cache aucun risque.
Vous avez dit que les Français n'avaient pas très envie d'habiter près d'une centrale nucléaire. Or, autour d'une centrale nucléaire, il existe une activité économique importante et souvent très appréciée. Certains députés ici présents, élus dans une circonscription où se trouve un centre nucléaire de production d'électricité, pourraient en témoigner.
Si c'est par le chantage à l'emploi que vous voulez imposer les centrales, c'est terrible !
Je me suis beaucoup baladée autour des centrales ces dernières années, et je n'ai pas vu des gens qui subissaient du chantage à l'emploi. J'ai vu des femmes et des hommes qui trouvaient un sens dans leur très belle mission de service public, le service public de l'électricité. Vous feriez bien d'aller discuter avec eux.
S'agissant du sérieux des scénarios, permettez-moi de vous lire un extrait du rapport librement consultable sur le site internet de RTE, qui date de 2021 et a été complété en 2022 : « Sur la base de ces hypothèses, une légère dégradation de la production annuelle est attendue à l'horizon 2050, dans les trajectoires du scénario RCP4.5 ou RCP8.5 ». Les scénarios climatiques utilisés sont donc ceux du GIEC : il s'agit d'un scénario central et d'un scénario dégradé, qui correspondent peu ou prou à ceux qu'a évoqués M. Béchu. « Ce productible annuel perdu reste néanmoins très faible en moyenne (de 1 à 2 térawattheures selon les scénarios de mix considérés), même s'il peut atteindre des niveaux bien supérieurs dans des configurations annuelles défavorables (plus de 10 térawattheures sur certaines années simulées) ». Pour rappel, notre production de nucléaire a atteint 279 térawattheures l'année la plus basse. « Le risque en termes de puissance potentiellement coupée simultanément devrait également progresser. En 2050, selon les référentiels climatiques et les hypothèses considérées, le risque d'indisponibilité simultanée à une chance sur dix atteint ainsi 6 gigawatts dans le scénario N03 sous la trajectoire RCP4.5 ». Je vous passe la suite.
Je le répète : ce sujet a été étudié à notre demande, et les conclusions auxquelles ont abouti les spécialistes sont disponibles. De même, les scénarios du GIEC sont aujourd'hui les scénarios normatifs utilisés dans toutes les simulations en matière de réchauffement climatique. Je ne peux pas vous laisser dire que les experts font mal les choses. Il est plus sérieux et plus honnête vis-à-vis des Français de confier à des experts le soin de réaliser des études approfondies d'ingénierie que de prendre des décisions de principe.
Par ailleurs, on constate que les personnes les plus favorables aux centrales nucléaires sont celles qui vivent à moins de 20 kilomètres : le taux d'acceptabilité de ces populations est de 10 points supérieur au taux national. C'est l'inverse de ce qu'on observe pour un certain nombre d'autres installations, de type Seveso par exemple.
Nous avons finalement parlé de réchauffement climatique, et tant mieux, mais pas du fond de l'article 5, qui concerne la loi « Littoral » et vise à permettre le raccordement des centrales. Chacun conviendra que cet enjeu est majeur et que les dérogations proposées, analysées en détail par le Conseil d'État, sont proportionnées. Je vous invite donc à voter contre ces amendements de suppression.
Je suis assez surpris d'entendre les écologistes nous reprocher le réchauffement climatique, au vu de la responsabilité de leurs collègues allemands en la matière. Pour produire de l'électricité, les Allemands n'ont pas recours à l'énergie nucléaire mais aux énergies fossiles, qui sont bel et bien à l'origine du réchauffement climatique. C'est donc à vos collègues allemands que vous pouvez adresser vos leçons ; quant à nous, notre objectif est de lutter contre le réchauffement. Évitez d'agiter les peurs ! Regardez la situation dans laquelle nous sommes aujourd'hui et assumez votre part de responsabilité dans l'abandon du nucléaire en Europe !
Sur la question de l'eau, des fleuves et des littoraux, il y a manifestement au Gouvernement et dans les rangs macronistes une certaine fébrilité. Peut-être vous rendez-vous compte que vos positions se heurtent à des réalités naturelles et climatiques que nous n'avions pas prévues – en tout cas, pas M. Macron. Loin de nous l'idée de mettre en cause les experts et les salariés d'EDF que nous défendons, nous, tout le temps. C'est de responsabilité politique que nous voulons parler.
Le littoral est un écosystème fragile, d'ores et déjà confronté à des phénomènes de montée des eaux, à des scénarios bien pires que la tempête Xynthia, au recul du trait de côte que nous avons déjà bien du mal à gérer dans certains territoires, à une pression foncière extrêmement forte. Or nous devons développer dans notre pays de grandes capacités d'éolien maritime, qui nécessiteront elles aussi des transformateurs et des raccordements. Il est donc préférable de réserver le foncier littoral à la préservation de l'écosystème et au développement des énergies renouvelables marine plutôt que de le consommer pour du nucléaire.
J'ai du respect pour ceux qui pensent différemment, et même de l'amitié pour ceux avec qui j'ai tant de combats à mener. Mais, je vous le dis avec fraternité, monsieur Caron, je vis à côté d'une centrale, mes mômes sont nés là-bas, je me baigne et je respire dans ces lieux. Nous ne sommes pas des ploucs, des benêts, des cons. Nous avons un niveau d'exigences sociales et environnementales à la hauteur de notre proximité de cette installation. Par ailleurs, qu'elle soit issue d'énergies renouvelables ou du nucléaire, l'électricité est un bien commun de première nécessité : nous en avons besoin pour vivre. J'en ai plein le dos d'entendre ceux qui n'auront jamais aucun moyen de production chez eux nous dire ce que nous devons faire chez nous ! (Applaudissements de plusieurs députés des groupes RE et LR.) Les dérogations à la loi « Littoral » accordées aux énergies renouvelables n'ont pas suscité les mêmes réactions… Il nous faut une énergie à bas coût, sous maîtrise publique, souveraine, dont la production est soumise à des contrôles exigeants. Le risque zéro n'existe pas. Soyons un peu pragmatiques et ne méprisons pas les habitants des territoires concernés !
M. Caron a dit quelque chose de très grave. Il a cité une étude de l'Inserm – une autorité publique, donc – qui indiquerait qu'on avait observé une augmentation des leucémies chez les enfants vivant à proximité des centrales nucléaires. Or cette étude de l'Inserm, que je viens de relire, dit exactement le contraire : « Aucune association significative n'a été observée entre le nombre de cas de leucémie recensé et la distance séparant le lieu de résidence et le site nucléaire […], que ce soit de manière globale ou en fonction de l'âge des enfants […], et le nombre attendu au niveau national, y compris en tenant compte des caractéristiques fonctionnelles du site ».
J'ajoute que Libération a fait un recensement de cette étude et interrogé la scientifique qui l'a dirigée. Le titre de l'article est éloquent : « L'Inserm révèle un excès de leucémies chez des enfants autour de centrales nucléaires. » Mais le sous-titre précise : « Ses résultats ne permettent cependant pas d'établir de corrélation claire. » Dans le corps de l'article, la responsable de l'étude explique qu'il n'y a aucune corrélation, et l'on apprend la vérité : c'est le réseau Sortir du nucléaire qui affirme que la corrélation est « très claire » !
Monsieur Tanguy, je fais référence au même article de Libération du 11 janvier 2012, dont le titre est « L'Inserm révèle un excès de leucémies chez des enfants autour de centrales nucléaires ». L'article nous invite à faire des recherches complémentaires pour essayer de prouver le lien de causalité, mais avez-vous bien entendu ce que j'ai dit ? J'ai dit qu'il y avait une inquiétude légitime chez les gens qui habitent à proximité d'une centrale lorsqu'un institut aussi sérieux que l'Inserm publie une telle étude.
Lorsque j'évoque la notion de risque, je ne cherche pas à faire peur, madame la rapporteure, mais à rappeler que de nombreux événements ont démontré la dangerosité, toujours actuelle, du nucléaire. Nous ne pouvons pas garantir la sécurité des Françaises et des Français, sachant qu'aucun d'entre nous ne vit à plus de 200 kilomètres d'une centrale. Cette question manque terriblement au grand débat que vous prétendez avoir mené dans le pays à ce sujet.
La commission rejette les amendements.
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du jeudi 2 mars 2023 à 15 h 15
Présents. – M. Xavier Albertini, M. Antoine Armand, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Anne-Laure Blin, M. Philippe Bolo, M. Éric Bothorel, M. Aymeric Caron, M. Dominique Da Silva, M. Romain Daubié, Mme Christine Engrand, M. Éric Girardin, Mme Olga Givernet, Mme Florence Goulet, Mme Géraldine Grangier, M. Sébastien Jumel, M. Guillaume Kasbarian, Mme Julie Laernoes, M. Maxime Laisney, M. Pascal Lavergne, Mme Annaïg Le Meur, Mme Marie Lebec, M. Hervé de Lépinau, M. Gérard Leseul, Mme Sandra Marsaud, M. Éric Martineau, M. Denis Masséglia, M. Nicolas Meizonnet, Mme Yaël Menache, Mme Louise Morel, M. Jérôme Nury, Mme Anne-Laurence Petel, M. Dominique Potier, M. Charles Rodwell, Mme Anaïs Sabatini, M. Benjamin Saint-Huile, Mme Anne Stambach-Terrenoir, M. Matthias Tavel, M. Stéphane Travert, M. Stéphane Vojetta, Mme Caroline Yadan
Excusés. – Mme Sophia Chikirou, M. Perceval Gaillard, Mme Hélène Laporte, M. Jiovanny William
Assistaient également à la réunion. – M. Julien Bayou, M. Pierre Cazeneuve, Mme Christine Decodts, M. Thibaut François, Mme Marie-Charlotte Garin, M. Alexandre Loubet, Mme Sandra Regol, M. Jean-Philippe Tanguy