La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures.
Suite de la discussion d'un projet de loi
Mercredi soir, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant à l'article 11 bis .
La parole est à M. Maxime Laisney, pour soutenir l'amendement n° 225 , tendant à supprimer l'article.
Je défendrai en même temps l'amendement n° 227 , qui vise à supprimer les alinéas 4 et 5.
L'article 11 bis prévoit que le collège de l'ASN (Autorité de sûreté nucléaire) « peut » consulter le CSA (comité social d'administration) de l'ASN et le CSE (comité social et économique) de l'IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire) sur le projet de fusion et sur le projet de règlement intérieur, et que la future ASNR (Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection) « peut » adopter ce projet de règlement intérieur sur le fondement des avis émis. Il dispense l'ASNR « de toute autre obligation de consultation ».
Bref : sous couvert de dialogue social, vous faites, en réalité, reculer des droits existants.
Monsieur le ministre délégué, depuis le début de l'examen du texte, vous vous obstinez à vouloir réaliser cette fusion-dissolution-démantèlement. Vous n'avez donné aucun avis favorable, ni même un avis de sagesse sur les modestes amendements que nous avons déposés.
Ils tendent pourtant à rassurer à la fois les salariés de la filière, l'ensemble des institutions qui ont donné un avis négatif sur ce texte et d'anciens responsables de l'IRSN ou d'anciens présidents de l'Opecst (Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques). Nous vous demandons ce petit geste.
La parole est à M. Jean-Luc Fugit, rapporteur de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 225 .
Avis très défavorable. Cet amendement supprimerait une disposition introduite dans le texte par suite de l'adoption par la commission de l'un de mes amendements. Elle permet au collège de l'ASN, dans le cadre de la création de l'ASNR, de consulter le comité social d'administration de l'ASN et le CSE de l'IRSN sur le projet de décision portant organisation et fonctionnement des services de la nouvelle autorité ou sur son projet de règlement intérieur. Il s'agit d'assurer la continuité du fonctionnement des services d'ici au 1er janvier 2025, date d'entrée en vigueur de la loi. Il faut donc maintenir cet article.
Néanmoins, son alinéa 4 est ambigu. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé l'amendement n° 165 , de manière à rassurer tout le monde. Il vise à préciser que ces consultations préalables ne seront menées que pour préparer le règlement intérieur de la future autorité. Ce fameux règlement intérieur, si l'on veut qu'il soit prêt et qu'on puisse en prendre connaissance, il vaut mieux qu'il soit élaboré avec les acteurs concernés.
Le processus est donc transparent et l'amendement n° 165 apportera les précisions manquantes. Supprimer l'article n'aurait aucun sens.
La parole est à M. le ministre délégué chargé de l'industrie et de l'énergie, pour donner l'avis du Gouvernement.
Même avis.
…alors il doit déposer un autre amendement visant à remplacer « peut » par « doit ».
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
L'amendement n° 225 n'est pas adopté.
Sur l'amendement n° 165 et l'article 11 bis, je suis saisie par le groupe Renaissance de deux demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de deux amendements identiques, n° 227 et 262 .
L'amendement n° 227 de Mme Anne Stambach-Terrenoir est défendu.
La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l'amendement n° 262 .
Les alinéas 4 et 5 dérogent au droit commun en ce qui concerne les droits des CSE. Au cas où des modifications interviendraient par la suite, il convient de prévoir que le droit du travail s'appliquera bien. Tel est l'objet de mon amendement, issu des propositions de l'intersyndicale de l'IRSN.
Monsieur le rapporteur, pourriez-vous nous indiquer si l'amendement n° 165 résout de façon claire et nette le problème que soulèvent nos amendements ?
J'émets un avis défavorable sur ces amendements, qui visent à supprimer les alinéas 4 et 5. En effet, l'amendement n° 165 , qui complète l'alinéa 4, tend à préciser que le régime dérogatoire relatif à la consultation des comités sociaux de l'ASN et de l'IRSN ne concernera que deux décisions : le règlement intérieur et la décision relative au fonctionnement des services lors de leur création, le 1er janvier 2025.
Nous apportons ces précisions à la suite de l'alerte lancée par les syndicats de l'ASN et de l'IRSN, afin de clarifier les dispositions adoptées en commission – ce qui, je le reconnais, était nécessaire. Ces dispositions ne concernent que l'organisation et le fonctionnement des services au moment de la bascule, le 1er janvier 2025, et le règlement intérieur. Il n'y a pas d'autre intention. D'ici là, les comités sociaux de l'ASN et de l'IRSN continueront à fonctionner de manière « classique », sans modification. L'idée est d'anticiper et d'assurer une continuité de fonctionnement. J'espère que cela paraîtra clair à tout le monde.
C'est la raison pour laquelle je suggère le retrait de vos amendements au profit de l'amendement n° 165 . Son adoption est nécessaire pour les personnels de l'ASN et de l'IRSN, d'autant plus que l'adoption des articles précédents acte le rapprochement prévu par la réforme.
Favorable.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 26
Nombre de suffrages exprimés 21
Majorité absolue 11
Pour l'adoption 21
Contre 0
L'amendement n° 165 est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 24
Nombre de suffrages exprimés 24
Majorité absolue 13
Pour l'adoption 17
Contre 7
L'article 11 bis, amendé, est adopté.
Avec l'article 12, on arrive… on ne sait trop où, en réalité. L'amendement vise à supprimer cet article, qui traite du haut-commissaire à l'énergie atomique.
Premièrement, il n'a rien à voir avec l'objet du texte, relatif à la gouvernance de la sûreté nucléaire.
Deuxièmement, on ne peut que constater l'improvisation du Gouvernement dans ce dossier. Dans le cadre des travaux préparatoires, nous avons auditionné le haut-commissaire, qui nous a expliqué que sa mission d'expertise et de contrôle en matière de défense ne figurait pas dans le projet de loi initial. Celui-ci a donc été modifié en ce sens. Or je vois que nous allons encore examiner un amendement du Gouvernement à l'article, ce qui illustre bien que nous sommes face à une improvisation totale. Le haut-commissaire a également indiqué qu'il ne pouvait être nommé par le Parlement, ainsi que le projet de loi le prévoyait, parce que c'est contraire à la Constitution. Enfin, il a déclaré n'être pas demandeur des attributions que vous lui aviez confiées dans un premier temps, à savoir pouvoir se prononcer sur la LPEC (loi de programmation sur l'énergie et le climat) et sur la PPE (programmation pluriannuelle de l'énergie) – PPE, que, soit dit en passant, nous attendons depuis près d'un an.
Troisièmement, nous sommes opposés à son rattachement au Premier ministre, qui illustre la concentration de la décision en matière nucléaire entre les mains de l'exécutif, en particulier entre celles du Président de la République, Emmanuel Macron, dans le cadre du Conseil de politique nucléaire, où toutes les décisions sont prises dans le plus grand secret.
Enfin, le haut-commissaire ne nous a pas vraiment rassurés en ce qui concerne la sûreté nucléaire, puisqu'il dit cautionner le projet de loi en raison de la « course à l'échalote » suscitée par le système dual actuel en matière de sûreté nucléaire.
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons supprimer l'article 12.
La parole est à M. Antoine Armand, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, à laquelle la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a délégué l'examen de l'article 12, pour donner l'avis de la commission.
Je souhaite rétablir quelques vérités, sans m'appesantir sur la mise en cause personnelle que vous avez faite du haut fonctionnaire et du chercheur de qualité qu'est le haut-commissaire à l'énergie atomique.
Je me permets d'utiliser l'un des arguments que vous avez soulevés ces derniers jours. Il se trouve que les principaux acteurs concernés – l'actuel et l'ancien haut-commissaire à l'énergie atomique – soutiennent le projet de séparer le haut-commissaire à l'énergie atomique et l'administrateur général du CEA (Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives) par le rattachement du premier au Premier ministre. Depuis des décennies, il est d'usage que le haut-commissaire conseille le Gouvernement. Il est donc logique qu'il soit rattaché au Premier ministre – et non au Président de la République, comme vous l'avez dit.
Je vous rejoins sur la question de la saisine pour avis du haut-commissaire sur certains projets de loi, disposition qui avait été introduite par le Sénat. C'est précisément pourquoi nous avons adopté en commission une nouvelle rédaction de l'article.
Avis défavorable.
L'amendement n° 192 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Nicolas Dragon, pour un rappel au règlement – sur quel fondement, s'il vous plaît ?
Sur le fondement des articles 49, alinéa 1, et 50, alinéa 5. Mercredi soir, tous les groupes, sauf un, avaient décidé de prolonger la séance de manière à achever l'examen du texte. Or la collègue qui s'y est opposée et qui a demandé la poursuite des débats ce matin, au motif que nous manquerions de temps pour examiner le texte, est absente.
Il se fonde sur l'article 100 relatif au bon déroulement de la séance.
Cher collègue, quand on ne sait pas, on se tait. Ma collègue Julie Laernoes, qui souhaitait être présente ce matin, a été obligée de rejoindre sa circonscription, en raison d'une visite du ministre Christophe Béchu.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Oui, sur le fondement de l'article 100, madame la présidente.
Je ne comprends pas pourquoi notre collègue fait valoir que tous les groupes, sauf un, étaient d'accord pour poursuivre les travaux. C'est absolument faux. À partir du moment où un groupe n'est pas d'accord, les travaux sont suspendus. Vous ne pouvez pas utiliser ce type d'argument, qui vise à discréditer une collègue qui est absente pour les raisons évoquées par Delphine Batho.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l'amendement n° 330 .
Il apporte une légère précision à cet article qui a été modifié plus fondamentalement par la commission des affaires économiques. Il s'agit de s'assurer que le haut-commissaire à l'énergie atomique, qui est un fonctionnaire, ne sera pas chargé de missions de contrôle dans le domaine du nucléaire civil, lesquelles incombent à l'ASNR.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour soutenir le sous-amendement n° 355 rectifié .
Ce sous-amendement tend à souligner l'importance du cycle du combustible dans l'évaluation de la qualité de la recherche, notamment, en matière de nucléaire civil. Son adoption me permettrait d'émettre un avis favorable sur l'amendement du Gouvernement.
Le sous-amendement n° 355 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 29
Nombre de suffrages exprimés 28
Majorité absolue 15
Pour l'adoption 18
Contre 10
Sur l'article 12, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Gérard Leseul, pour soutenir l'amendement n° 164 .
Il vise à compléter l'alinéa 6 qui indique que le haut-commissaire est placé sous l'autorité du Premier ministre.
Il nous paraît important de préciser les modalités de saisine de ce haut-commissaire, en ajoutant l'alinéa suivant : « Il peut être saisi par le Gouvernement, le président de l'Assemblée nationale, le président du Sénat ou l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques pour rendre un avis, au regard de sa compétence, sur un projet de loi, une proposition de loi, un projet de texte réglementaire, un projet d'acte de l'Union européenne ou une question relatifs aux activités nucléaires civiles. »
L'amendement soulève plusieurs difficultés.
Premièrement, la précision qu'il apporte ne relève pas du domaine de la loi.
Deuxièmement, le haut-commissaire à l'énergie atomique étant, comme je l'ai rappelé, un conseiller du Gouvernement, il serait incongru qu'il rende des avis au Parlement.
Troisièmement – je parle sous votre contrôle, cher collègue Leseul –, il me semble que l'Opecst a auditionné par le passé des hauts-commissaires à l'énergie atomique, et elle continuera à le faire librement à l'avenir ; le bureau de l'Opecst prend régulièrement des décisions de ce type. Il n'est pas nécessaire d'inscrire dans la loi ce qui relève déjà de nos compétences et de notre autonomie pleine et entière. Nul besoin de cela pour exercer notre devoir de vigilance et effectuer notre travail !
L'amendement n° 164 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 263 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 29
Nombre de suffrages exprimés 27
Majorité absolue 14
Pour l'adoption 19
Contre 8
L'article 12, amendé, est adopté.
Cet amendement vise à réserver aux fonctionnaires la possibilité d'occuper des emplois liés à des fonctions régaliennes telles que celles d'inspecteur de la sûreté nucléaire ou de la radioprotection, en rétablissant la rédaction initiale du texte. À la différence des salariés de droit privé, les fonctionnaires sont en effet soumis à des droits et devoirs spécifiques, plus adaptés à un domaine aussi sensible : des obligations de secret et de discrétion professionnelles, de dignité, d'impartialité, de neutralité, un devoir de réserve ainsi que l'exigence de se consacrer entièrement à leurs fonctions. Cela permettrait d'apporter une garantie supplémentaire.
Nous avons déjà eu ce débat l'autre soir, autour d'un amendement semblable déposé sur un autre article. L'alinéa 10 de l'article 13, que vous voulez supprimer, a été introduit par le Sénat ; je ne souhaite pas revenir dessus car j'estime qu'un équilibre intéressant a été trouvé. Je citerai en outre l'avis du Conseil d'État : « aucune exigence constitutionnelle n'impose que tous les emplois participant à l'exercice de fonctions régaliennes soient occupés par des fonctionnaires ». Rien n'empêche de déléguer à des personnes privées des compétences de police administrative générale – c'est d'ailleurs le cas pour certaines activités de l'Office national des forêts.
Avis défavorable.
Cela existe déjà : au sein de l'ASN, des salariés de droit privé sont mis à la disposition de l'agence en tant qu'inspecteurs. Attention à ne pas menacer leur emploi ! Ils y travaillent en respectant les obligations du code général de la fonction publique, et cela ne changera pas à l'avenir.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
L'amendement n° 188 n'est pas adopté.
L'article 13 est adopté.
Nous en avons souvent discuté : conformément à ce qui avait été préconisé par le vice-président de l'Opecst Jean-Luc Fugit avant qu'il ne soit désigné rapporteur de ce texte, il serait utile de préciser le caractère indépendant de la nouvelle autorité dans sa dénomination et dans les sigles susceptibles de la désigner.
Depuis le rapport de l'Opecst, j'ai consulté la liste des autorités administratives indépendantes (AAI) et j'ai découvert une chose que j'ignorais en juillet de l'année dernière, à savoir qu'aucune AAI ne comportait une telle précision dans son sigle – je pense par exemple à l'Autorité de la concurrence, à la Commission de régulation de l'énergie ou à la fameuse HATPV, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, que nous connaissons bien. Je ne vois donc pas pourquoi on l'ajouterait. Ce serait presque suspect, voyez-vous ; cela n'aurait pas de sens, comme je l'ai déjà dit à plusieurs reprises. J'émets donc un avis défavorable.
Ces arguments sont valables, et j'en ajouterai un autre : ce sigle – AISNR – est déjà pris. N'allez pas voir le site internet aisnr.com : vous seriez déçus, tout comme les salariés de cette auguste institution ! Je vous suggère de retirer l'amendement.
Rires.
Il est allé sur internet !
En revanche, monsieur le rapporteur, je suis un peu inquiet. Depuis le rapport de l'Opecst, vous avez découvert – je ne mets pas en doute votre sincérité – que, s'agissant d'une AAI, l'ajout du mot « indépendant » pouvait être redondant. Je crains que vous ne découvriez de la même manière que notre système de sûreté et de sécurité a été mis à mal par votre projet d'unification des structures, du fait de l'abandon de la dualité qui le garantissait.
Nous sommes tous les deux vice-présidents de l'Opecst, monsieur Leseul. Vous avez pu constater que nous avions prévu, par un amendement adopté en commission, un suivi renforcé de la mise en place de l'ASNR par l'Opecst. Ce n'est pas le « i » d'indépendant qui importe, c'est ce qui se passera au sein de l'autorité. Compte tenu de votre investissement sur ce texte et de celui de tous les membres de l'Opecst – je pense à M. Laisney et à Mme Tiegna, ici présents –, il me semble que les différents groupes sont représentés en nombre suffisant, et que nous serons suffisamment rigoureux, pour évaluer le fonctionnement de l'ASNR. Je pense que si elle rencontrait un réel problème d'indépendance, nous serions alors nombreux à le dénoncer. Nous pouvons être tranquilles de ce point de vue : le Parlement se montrera vigilant, d'autant que du côté du Sénat se trouve également le président de l'Opecst. J'ai donc le sentiment que l'ASNR sera surveillée comme le lait sur le feu, si j'ose dire.
L'amendement n° 328 n'est pas adopté.
L'amendement n° 292 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour soutenir l'amendement n° 333 .
Cet amendement vise à rétablir, conformément au projet de loi initial, la compétence de la commission des affaires économiques pour rendre un avis sur la nomination du président de la future Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection.
Jusqu'à présent, la commission des affaires économiques était compétente pour donner un avis sur la nomination du président de l'ASN et celle du développement durable pour en donner un sur la nomination du directeur général de l'IRSN. Si l'on se réfère au règlement de l'Assemblée nationale, l'article 36 prévoit que la commission des affaires économiques est compétente en matière d'énergie, d'industrie, de recherche et d'innovation. Il n'attribue pas de compétence à la commission du développement durable et des affaires économiques en matière de prévention des risques ; cela n'est pas écrit en tant que tel.
Nous sommes, reconnaissons-le, confrontés à une nouveauté. Deux commissions ne peuvent avoir la même compétence. Respectons à la fois la lettre de notre règlement et l'usage.
Avis objectif !
Sourires.
Il y a match, monsieur le rapporteur pour avis !
Nous avons évoqué ce point en commission du développement durable. D'une part, je voudrais que nous témoignions de la même sagesse que le Sénat. Ce dernier a préféré donner compétence à la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, car d'après les règlements des deux chambres, la prévention des risques technologiques relève de son champ.
D'autre part, je ferai remarquer que, chaque année, lors de l'examen du projet de loi de finances, c'est bien cette commission qui donne son avis sur les financements de l'IRSN et de l'ASN ; c'est encore elle qui examine la proposition de nomination du directeur général de l'IRSN ; enfin, c'est elle qui a été saisie au fond du présent projet de loi de rassemblement des deux institutions – je ne vais pas refaire le match. J'émettrai donc, vous l'aurez compris, un avis défavorable sur l'amendement.
Encore une fois, le plus important, ce n'est pas d'organiser un match entre deux commissions, c'est de construire ensemble l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection. Nous formons un collectif, composé de personnalités aux sensibilités différentes, de groupes politiques qui ont eux-mêmes des visions différentes, notamment de ce projet – certains d'entre nous y sont opposés, d'autres peuvent être sceptiques, d'autres encore y sont très favorables.
La commission des affaires économiques est compétente en matière de production énergétique, celle du développement durable en matière de prévention des risques industriels. La complémentarité existe donc déjà et fonctionne très bien. Pourquoi vouloir la casser ? Conservons plutôt ces bonnes relations de travail au service de l'intérêt général.
Si j'osais, je vous demanderais de retirer l'amendement, sachant que M. Schellenberger n'est pas là pour défendre son amendement n° 336 , identique au vôtre.
MM. Maxime Laisney et Gérard Leseul applaudissent.
La parole est à M. le président de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire.
On sort du lourd, là !
Sourires.
Sourires
on ne peut ne pas reconnaître l'engagement de M. Armand, qui a été membre de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire,…
Sourires.
…ni sa volonté de défendre l'intérêt de la commission dans laquelle il siège désormais.
Plus sérieusement, comme l'a indiqué M. Fugit, la véritable question est, je crois, celle de savoir ce que sont la sûreté nucléaire et la radioprotection. Dans les deux cas, ce qui est en jeu, c'est la prévention des risques technologiques. Or, dans ce domaine – et cela, vous ne pouvez le contester, monsieur Armand –, c'est bien la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire qui est compétente.
Mme Anne Stambach-Terrenoir et M. Anthony Brosse applaudissent.
Mais comme je vous sens un peu inquiet, je veux vous rassurer : comptez sur nous pour vous associer aux choix qui seront faits à l'avenir. Et si vous le souhaitez, monsieur Armand, vous pouvez toujours revenir défendre vos idées au sein de la commission du développement du territoire et de l'aménagement du territoire !
Mme Huguette Tiegna et MM. Gérard Leseul et Anthony Brosse applaudissent.
Pour deux raisons, je m'interdis de m'immiscer dans ce débat. D'abord, j'ai eu le plaisir et l'honneur de présider la commission des affaires économiques pendant cinq ans. Ensuite, bien entendu, le Gouvernement ne s'ingère pas dans les affaires internes de l'Assemblée nationale. Sagesse.
La commission du développement durable et de l'aménagement du territoire (DDAT) et la commission des affaires économiques ont eu, à plusieurs reprises, l'occasion de travailler ensemble. Toutefois, depuis la scission de l'ancienne commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, qui a donné naissance à ces deux commissions permanentes, le partage des compétences a toujours suscité des discussions. Et il est vrai qu'on a parfois le sentiment qu'il existe un déséquilibre, au détriment de la DDAT, même si nous nous efforçons toujours de concilier économie et écologie.
Toujours est-il que les enjeux liés à la prévention des risques et au développement durable sont importants. Nous estimons que la nomination du futur président de l'ASNR revient logiquement à la commission du développement durable. Cependant, comme on le peut le constater à l'occasion de l'examen de ce texte, les deux commissions ont toujours eu le souhait de travailler ensemble, aux côtés de l'Opecst, dès lors que nous sommes saisis de questions d'ordre à la fois scientifique, écologique et économique.
Je vous invite donc à confier à la commission du développement durable la responsabilité d'émettre un avis sur la nomination du président de l'ASNR, en souhaitant que nous continuions à travailler en harmonie, à l'Assemblée nationale comme au Sénat.
MM. Anthony Brosse et Gérard Leseul applaudissent.
Jusqu'à une période récente, la sûreté nucléaire dépendait du ministère de l'écologie, lequel doit désormais, aux termes des décrets d'attribution, partager cette compétence avec d'autres ministères – cela renvoie aux discussions provoquées par la suppression du grand ministère de l'écologie et de l'énergie.
En ce qui concerne la compétence des commissions de l'Assemblée nationale, on pourrait aussi maintenir le schéma actuel, dans lequel coexistent l'ASN et l'IRSN…
Sourires. – Mme Anne Stambach-Terrenoir applaudit.
Ainsi, chacune des deux commissions sera consultée.
Cela dit, bien que membre de la commission des affaires économiques, à laquelle je suis très attachée, les arguments du rapporteur et du président de la commission du développement durable sont, sur le fond, incontestables
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC. – Mme Huguette Tiegna et M. Anthony Brosse applaudissent également
et conformes à l'approche de la sûreté nucléaire qui a prévalu en France jusqu'à sa récente remise en cause.
Cette espèce de bataille de chiffonniers entre les deux commissions autour de l'avis sur la nomination du président de l'ASNR ne me paraît pas à la hauteur de la situation
M. Maxime Laisney applaudit
puisque, je vous le rappelle, nous examinons un texte qui vise à démanteler notre système de sûreté nucléaire.
Toutefois, la proposition de notre collègue Armand en dit long sur l'objet du projet de loi. De fait, il ne s'agit pas tant d'assurer la sûreté nucléaire que de relancer la production d'énergie nucléaire. Du reste, le Gouvernement est représenté par M. Lescure et non par M. Béchu, comme ce devrait être le cas si l'enjeu était véritablement la sûreté nucléaire.
M. Béchu est avec Mme Laernoes !
M. Lescure est présent depuis le début de la discussion ! Je le dis sérieusement : cela montre bien qu'il y a une dérive et qu'il s'agit, ici, davantage de production d'énergie nucléaire – en gros, d'intérêts économiques et industriels – que de sûreté nucléaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Monsieur le rapporteur pour avis, vous envoyez en effet un très mauvais signal. Vous ne pouvez pas donner le sentiment qu'un texte relatif à la gouvernance de la sûreté nucléaire est, en définitive, un texte d'arbitrage industriel. Il serait donc sage que vous retiriez votre amendement ; cela éviterait à la majorité d'avoir à trancher.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
« Oh ! » sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
Premièrement, je ne me permets pas de faire des propositions : il s'agit de rétablir le texte initial, comme je l'ai indiqué au début de mon intervention – mais peut-être n'avez-vous pas entendu.
Deuxièmement, cher collègue Leseul, en quoi le fait que d'affreux membres de la commission des affaires économiques se prononcent sur la sûreté nucléaire représenterait-il un risque majeur ?
M. Frédéric Descrozaille applaudit.
Vous pourriez avoir du respect pour vos collègues ; je crois que vous êtes vous-même membre de la commission du développement durable.
Il faut garder un peu de recul. Si le texte qui sera in fine adopté dispose que la commission du développement durable est compétente, ce ne sera pas plus problématique que si cela avait été la commission des affaires économiques. Je rejoins ce qui a été dit sur la répartition des compétences entre commissions – qui ne donne pas lieu à des batailles. Elle dépend de notre règlement, lequel mériterait peut-être d'être précisé sur ce point.
L'amendement n° 333 n'est pas adopté.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
L'article 14, amendé, est adopté.
La date d'entrée en vigueur du titre Ier – donc du démantèlement de l'IRSN et de son rapprochement partiel avec l'ASN – est fixée au 1er janvier 2025. Or elle semble totalement irréaliste et dangereuse. Elle apparaît en effet comme un facteur de déstabilisation supplémentaire, car elle implique que la réorganisation se fasse dans des conditions très tendues et stressantes. C'est pourquoi, par ces trois amendements, nous proposons de repousser cette date.
Sans doute le rapporteur et le Gouvernement jugeront-ils les dates suggérées comme trop lointaines. Quoi qu'il en soit, nous voulons vous alerter sur le fait qu'il n'est carrément pas sérieux de retenir la date du 1er janvier 2025. Il faut envisager avec lucidité les dangers que ferait naître une réorganisation menée au pas de charge.
Cet amendement a un objet similaire à celui des amendements précédents, très bien défendus par notre collègue Batho. Nous proposons en effet de repousser la date de mise en œuvre de la fusion au 1er janvier 2027. La date du 1er janvier 2025 nous paraît non seulement irréaliste mais dangereuse.
Dangereuse, elle l'est sur le plan social, puisque vous avez, jusqu'à présent, mené cette réforme à marche forcée, contre l'avis des salariés et des intersyndicales, qui sont vos interlocuteurs au sein de l'ASN, de l'IRSN et du CEA.
Dangereuse, elle l'est également parce que, outre les salariés, vous déstabilisez l'ensemble de l'écosystème de contrôle, d'examen et de sûreté. Ce faisant, vous créez un risque, qui pèse non seulement sur les salariés, auxquels je rends hommage, mais aussi sur la confiance que les citoyens peuvent avoir dans le système de sécurité, que vous mettez à mal.
C'est pourquoi, dans l'hypothèse où cette réforme serait adoptée mardi prochain – ce que nous ne souhaitons pas –, nous vous demandons très solennellement de reporter son application au 1er janvier 2027.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Certains amendements visent à reporter la fusion à 2031. Pourquoi pas un siècle ? Il faut être sérieux ! Mais il faut être également responsable. Gouverner, c'est prévoir. Aussi, pour parer à un éventuel retard dans la mise en œuvre de la réforme, je propose de différer la date de son entrée en vigueur au 1er juillet 2025.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
La question a déjà été abordée en commission et dans le cadre des travaux de l'Opecst, avec son président, notre collègue sénateur Stéphane Piednoir. Si nous faisons cette réforme, c'est parce que nous avons la volonté – qui n'est pas partagée par tous – que l'autorité soit plus attractive, plus intégrée et, assez rapidement, dotée de moyens supplémentaires ; comptez sur notre suivi pour être exigeant à l'égard du Gouvernement en la matière.
Cette montée en charge liée à la relance du nucléaire sera de plus en plus importante dans les années qui viennent, notamment en 2026 et 2027. C'est pourquoi nous avions écrit, en juillet 2023, qu'il convient de « respecter un calendrier resserré de mise en œuvre de la réforme, qui devrait idéalement avoir abouti d'ici fin 2024 ». Vous pourriez me rétorquer que, depuis, il ne s'est rien passé ; mais, outre la discussion de ce projet de loi, une démarche a été entreprise, à laquelle ont participé douze groupes de travail chargés de réfléchir à la manière dont les deux entités pourraient être rapprochées.
Ces groupes de travail – nous le savons tous – ont d'abord bien travaillé, puis ont connu certaines frictions, pour une raison simple et assez naturelle : ils ont besoin de savoir où l'on va, et c'est la loi qui tranchera définitivement cette question. Leur avancée dépend en définitive de l'adoption de ce projet de loi, ce qui est assez logique et parfaitement humain.
Vous soulignez les risques et les dangers, sur le plan social, que présenterait le texte. Je pense à l'inverse qu'il prend beaucoup de précautions – nous en avons parlé lors de l'examen de l'article 11 bis –, notamment en prévoyant des situations transitoires ; en outre, le Parlement exercera un suivi. Dès lors, je ne vois pas pourquoi cela soulèverait tant de difficultés.
Ayons l'honnêteté de le reconnaître : nous connaissons une période d'incertitude sur le sujet. Il convient d'y mettre un terme.
De surcroît, M. le ministre délégué s'est engagé, lors de la présentation du texte, à instituer rapidement un préfigurateur et à remettre dès juillet un rapport sur la question. Les groupes de travail pourront ainsi relancer la dynamique enclenchée il y a plusieurs mois.
Je pense donc, à rebours de vos objections, qu'il convient d'aller vite. Évidemment, tout ne sera pas calé au 1er janvier 2025 – il ne serait pas sérieux de faire croire le contraire. En revanche, l'essentiel sera mis en œuvre à cette date, à laquelle il importe que la nouvelle autorité soit en état de fonctionner, afin que les travaux de suivi et les dossiers de sûreté nucléaire, qui sont de plus en plus nombreux, soient traités dans de bonnes conditions.
C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable sur l'ensemble des amendements. Des dates différentes d'entrée en vigueur ont été proposées, avec un spectre parfois très large – il l'était davantage encore en commission. M. le ministre apportera peut-être des précisions quant à l'organisation, mais des amendements similaires ayant été repoussés en commission, je vous invite à faire de même.
L'une des raisons essentielles pour lesquelles nous avons proposé à l'Assemblée nationale de voter le rapprochement de l'ASN et de l'IRSN est l'accélération du dépôt de dossiers et l'accroissement de leur nombre. Nous les avons évoqués : ils ont trait aux réacteurs de type EPR 2, aux petits réacteurs modulaires (SMR), au centre industriel de stockage géologique (Cigéo)…
C'est une préoccupation industrielle, ce n'est pas une question de sûreté !
Autant de dossiers qui seront pour l'essentiel en cours en 2026 et en 2027. Nous suggérons donc que la fusion des deux entités soit effective au 1er janvier 2025, afin que l'année 2025 soit une année de mise en place – même si des opérations seront déjà commencées, comme c'est le cas depuis 2022 –, avant une accélération significative des dossiers dans les années qui suivront.
Cela ne signifie évidemment pas que le monde s'arrêtera de tourner au 1er janvier 2025 et que tout adviendra d'un seul coup, comme si rien ne s'était passé avant et que plus rien ne devait arriver après. Si ce projet de loi est adopté, certaines dispositions entreront en vigueur avant le 1er janvier 2025, notamment celles concernant les augmentations de rémunération. De même, les discussions relatives au règlement intérieur – incluant l'avis que chacune des entités devra, de façon séparée, donner sur le sujet – se tiendront avant cette date. D'autres dispositions s'appliqueront, quant à elles, après le 1er janvier 2025, telles celles liées à la renégociation des accords sociaux et à l'installation des instances sociales.
Il faudra donc, une fois le projet de loi adopté, mettre le paquet sur la préfiguration, nommer un préfigurateur ou une préfiguratrice, réactiver les groupes de travail de façon plus opérationnelle, en les recentrant sur les questions d'organisation, et lever toutes les incertitudes qui – je le reconnais – affectent aujourd'hui leurs travaux. Nous devrons ainsi nous mettre au travail de façon déterminée, pour que tout soit mis en œuvre au 1er janvier 2025.
En conséquence, j'émettrai un avis défavorable sur tous les amendements.
Je précise à M. Dragon que l'amendement n° 276 , qui vise à différer de six mois l'entrée en vigueur du nouveau dispositif, compliquerait singulièrement les choses, puisque la réforme s'inscrit dans un cadre budgétaire voté annuellement par le Parlement. Effectuer la fusion en milieu d'année poserait un problème. Je demande donc le retrait de cet amendement, sans quoi mon avis serait défavorable.
Adoptons ce projet de loi, et au travail !
On voit bien, à travers les arguments utilisés, que la logique qui prévaut dans la réflexion du ministre est une logique industrielle, d'accélération. Je ne peux la partager. Cependant, je comprends – et trouve très sain – que nous interrogions la gouvernance de notre sûreté nucléaire, qui, comme toute autre organisation, doit être réexaminée régulièrement afin de vérifier que nous avons opté pour le bon système et de lui apporter, le cas échéant, des améliorations.
Vous avez évoqué les groupes de travail, mais nous ne disposons à ce stade d'aucun bilan de leur activité, ni d'aucune de leurs conclusions provisoires. Nous savons qu'ils sont au nombre de douze, mais nous savons aussi que, parmi eux, plusieurs ne fonctionnent pas et vos propos ne nous ont pas rassurés.
D'autre part, vous avez mentionné, monsieur le ministre – je l'espère à raison – « un préfigurateur ou une préfiguratrice ». S'agit-il bien d'une seule personne, et non d'un collectif ?
Première remarque, monsieur le ministre : tous les dossiers que vous avez évoqués sont déjà en cours.
Bien sûr !
Nous ne sommes donc pas dans la situation où aucun travail n'aurait été engagé sur l'EPR 2 ou les SMR et où ces chantiers ne pourraient démarrer qu'au 1er janvier prochain.
Deuxième remarque : nous sommes au mois de mars, l'examen du texte n'est pas achevé, aucun préfigurateur n'a été nommé, les salariés sont vent debout contre le projet.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
Excusez-moi, mais dire que la fusion doit être effective, coûte que coûte, au 1er janvier prochain fait penser à Margaret Thatcher voulant à tout prix casser les salariés !
La date du 1er janvier 2025 pose de sérieux risques psycho-sociaux et présente un danger de paralysie du travail quotidien de la sûreté nucléaire. Une large majorité des personnes auditionnées n'a pas trouvé cette date réaliste – car c'est un problème de réalisme ! –, ne serait-ce que du fait de l'utilisation de logiciels différents par les deux entités.
Vous devriez entendre raison et, afin que la fusion se réalise le moins mal possible, ne pas la mener au pas de charge, de façon brutale, avec des conséquences potentiellement graves sur la santé des salariés.
M. Gérard Leseul applaudit.
Monsieur le ministre, j'entends votre remarque, mais l'amendement n° 276 n'empêche pas la fusion, il vise à apporter une sécurisation. De nombreux problèmes peuvent survenir à l'occasion de la fusion des deux entités, y compris des problèmes informatiques – je crois savoir que l'IRSN et l'ASN n'utilisent pas les mêmes logiciels, notamment pour le traitement des paies. Il est déjà arrivé, dans notre pays, que des réformes, dont la mise en œuvre était prévue à une date précise, soient reportées – je pense en particulier à l'instauration du prélèvement de l'impôt à la source. Par cet amendement, nous proposons une simple sécurisation de la fusion des deux organismes, « au plus tard le 1er juillet 2025 ».
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour soutenir l'amendement n° 272 .
L'amendement n° 272 est retiré.
L'article 15 est adopté.
L'amendement n° 293 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Il vise à compléter la demande de rapport en y incluant une comparaison du système de sûreté et de radioprotection français avec ceux d'autres pays.
Après une décennie de ralentissement, le nucléaire civil connaît un nouvel essor à travers le monde. En effet, comme beaucoup de spécialistes – notamment du climat – l'ont compris, il s'agit d'une énergie décarbonée. Il serait donc intéressant de procéder à cette comparaison afin de disposer de plus de recul et de comprendre où et comment gagner du temps. Nous disposons d'un des systèmes les plus stricts et rigoureux au monde ; si nous pouvons nous en féliciter, nous devons également chercher à le rendre plus efficace, si cela est possible.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
L'article 15 bis, introduit en commission, prévoit la remise à l'Opecst de rapports de suivi de la mise en œuvre de la réforme. Votre amendement, monsieur Dragon, demande que ces rapports incluent une comparaison internationale. Sachez qu'elle existe déjà, et figure en annexe au rapport déposé le 31 janvier 2024 par le sénateur Pascal Martin au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat. Vous y trouverez la comparaison que vous souhaitez avec quatre pays, les États-Unis, le Japon, la Finlande et le Royaume-Uni – je vous prie de bien vouloir m'excuser de vous renvoyer à un document relatif au Royaume-Uni une veille de match France-Angleterre.
Sourires.
Votre amendement est donc satisfait, et je vous demande de le retirer ; à défaut, l'avis de la commission serait défavorable.
L'amendement n° 238 , ayant reçu un avis défavorable du Gouvernement, est retiré.
L'amendement n° 267 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 15 bis, amendé, est adopté.
Sur l'amendement n° 329 , je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de deux amendements, n° 193 et 268 , tendant à supprimer l'article.
La parole est à M. Maxime Laisney, pour soutenir l'amendement n° 193 .
Nous réclamons la suppression de l'article 16, comme de tous les articles figurant au titre II, qui vise à l'adaptation des règles de la commande publique aux projets nucléaires.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
En effet, cela n'a rien à voir avec la sûreté nucléaire ni avec la gouvernance de celle-ci, qui font l'objet de ce texte.
Comme l'a souligné, à maintes reprises, notre collègue Saint-Huile, qui ne peut être présent ce matin…
Sourires.
…et qui est, pour sa part, attaché à la relance du nucléaire, ces dispositions servent à acheter, voire arracher, le vote des députés pronucléaires. Malheureusement, une majorité des députés est favorable à la relance du nucléaire.
Cependant, cette majorité peut se montrer sceptique face au défaut d'arguments qui s'est manifesté durant l'examen du texte, et se rendre compte que ce dernier va fragiliser la sûreté nucléaire. Or, quand on souhaite la relance du nucléaire, on ne commence pas par briser la relative confiance des Français dans son système de sûreté. Les députés favorables à cette technologie ne sont sans doute pas prêts à brader la sûreté nucléaire uniquement pour les beaux yeux du Président de la République.
Toutefois, il y a comme un aveu dans la présence de ces articles relatifs à la commande publique. Vous avez choisi de donner au projet de loi un titre permettant d'agréger des dispositions sans grand rapport entre elles : il s'agit notamment de « répondre au défi de la relance de la filière nucléaire ». Or le problème de la filière nucléaire ne réside pas dans l'existence de l'IRSN. Il est d'abord d'ordre technologique, à savoir que le design détaillé des EPR 2 n'est toujours pas achevé et que les SMR sont toujours à l'état de chimères.
Il est ensuite industriel : l'EPR de Flamanville est un fiasco ! Après dix-sept ans de travaux, il n'a produit que des articles de presse annonçant les reports successifs de son entrée en fonctionnement, et toujours pas d'électricité.
Il est, enfin, est financier.
Je le répète, le problème de la filière nucléaire n'est pas l'existence de l'IRSN, ni le fait que l'expertise soit séparée de la décision. Je vous invite donc à voter cet amendement de suppression de l'article 16.
L'amendement n° 268 de Mme Julie Laernoes est défendu.
La parole est à M. Antoine Armand, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, à laquelle la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a délégué l'examen des articles 16 à 18, pour donner l'avis de la commission sur ces amendements de suppression.
Si vous le permettez, madame la présidente, je répondrai dans cette même intervention à l'ensemble des amendements de suppression qui ont été déposés sur les différents articles du titre II, car leur esprit est le même.
S'agissant d'abord de l'opportunité d'inclure ces articles dans le texte, je laisserai à M. le ministre le soin de répondre, puisqu'ils figuraient dans le projet de loi initial.
Sur le fond, vous avez raison, monsieur Laisney, le problème de la filière nucléaire est d'abord industriel. Néanmoins, quand on soutient l'extinction de cette filière et que l'on prétend que le nucléaire présente un risque majeur pour la population, on n'aide pas vraiment cette industrie à recruter et à former les jeunes dont elle a besoin pour maintenir et développer le parc. Et cela, c'est votre responsabilité.
L'objet de l'article 16 est justement de faciliter la relance industrielle du nucléaire. Chaque mois de retard pris par un chantier nucléaire représente une perte de plusieurs millions, voire de plusieurs dizaines de millions d'euros,…
…et c'est également autant de carbone que nous aurions pu ne pas émettre si les centrales concernées avaient tourné normalement et produit de l'électricité.
Quand on est écologiste et qu'on défend la transition écologique, il me semble qu'on souhaite produire autant d'électrons décarbonés que possible ! Et il me paraît particulièrement regrettable que la production d'énergie décarbonée soit limitée pour des raisons procédurales ou de renouvellement d'accords-cadres, c'est-à-dire pour des motifs qui ne relèvent ni de la sûreté, ni de la performance industrielle, ni du respect du droit. Selon moi, les écologistes, même antinucléaires, devraient soutenir cet article.
Je demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, l'avis de la commission serait défavorable.
Même avis.
Monsieur le rapporteur pour avis, je ne peux pas vous laisser dire que le nucléaire ne représente pas un risque majeur. C'en est un !
Vous ne pouvez donc pas justifier votre volonté de relancer cette industrie en affirmant qu'elle n'est pas dangereuse et en accusant au passage certains de nos collègues d'inquiéter indûment la population.
De plus, la question qui nous occupe est non pas la relance du nucléaire, mais la gouvernance de la sûreté. Or vous introduisez dans un texte consacré à ce sujet des dispositions qui n'ont rien à voir. J'insiste, si chacun ici peut soutenir la relance industrielle du nucléaire…
Votez l'article 16 alors !
…– ce soutien étant en l'occurrence disparate –, les mesures servant cet objectif n'ont pas leur place dans ce projet de loi. Vous auriez pu les faire figurer dans la loi relative à l'industrie verte ou dans un texte consacré aux entreprises ou à la relance de l'industrie, mais pas dans celui-ci, qui, je le répète, a trait à la gouvernance de la sûreté nucléaire.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LFI – NUPES.
Je suis très attaché à la séparation des pouvoirs et à la sagesse populaire selon laquelle à chacun son métier. Ce projet de loi a été présenté par le Gouvernement et vise à accélérer la relance du nucléaire, donc à créer les conditions de cette accélération.
Il me semble, monsieur Leseul, que vous connaissez suffisamment bien les règles de l'élaboration de la loi pour savoir que ce qui compte dans un texte, c'est ce qui se trouve à l'intérieur ! Ce qui se trouve dans le texte, c'est ce que nous y avons mis.
M. Maxime Laisney applaudit.
Et c'est ce sur quoi nous demandons à la représentation nationale de se prononcer.
C'est votre droit d'être contre, mais vous comprendrez que mon avis soit défavorable sur ces amendements de suppression. L'article 16 figure dans le texte depuis sa version initiale et le Gouvernement considère que les dispositions qu'il contient sont très utiles pour accélérer la relance de la filière nucléaire. Votons-les !
Je remercierai d'abord M. Armand de bien vouloir s'occuper de sa propre famille politique.
Ensuite, ce qui est très révélateur avec les dispositions prévues au titre II, c'est l'amateurisme du Gouvernement !
Les choses se passaient bien jusqu'ici !
Ces dispositions portent sur la commande publique et le Gouvernement a certainement oublié de les inclure dans la loi du 22 juin 2023 relative à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
Il s'agit donc d'une sorte de session de rattrapage, qui en dit long sur le fait que nous sommes en train de reproduire les schémas qui ont prévalu s'agissant de l'EPR de Flamanville, à savoir faire des annonces avant que les modèles de réacteur existent, avant que les choses aient été préparées, si bien que l'on se retrouve avec des dérapages de calendrier et de coûts – cela étant valable indépendamment des choix de politique énergétique, sur lesquels chacun peut avoir un avis.
Je saluerai d'abord notre collègue Leseul, qui semble prolonger la séance d'hier soir lors de laquelle, grâce à la sémantique, il est parvenu à utiliser des arguments dans un sens puis dans l'autre pendant une bonne heure !
Sur le fond, pour que les choses soient très claires, oui, la majorité assume de soutenir la relance du nucléaire. Pour avoir suivi une bonne partie des débats sur ce texte, je comprends que vous êtes contre le nucléaire,…
…tout comme nos collègues des groupes LFI et Écologistes. En ce qui nous concerne, nous sommes pour le nucléaire et même pour un développement massif de cette énergie, parce que nous allons avoir besoin de beaucoup plus d'électricité dans les années à venir.
Nous cherchons donc à nous en donner les moyens. C'est un choix assumé, et c'est pourquoi je ne comprends pas l'enchaînement de tirades laissant entendre qu'il y aurait quelque chose de caché. Non, il n'y a rien de caché ; nous allons développer massivement le nucléaire parce que nous avons besoin d'électricité.
À cet égard, nous avons besoin, dans le cadre de ce texte, d'adapter le fonctionnement de notre sûreté nucléaire,…
…qui est centrale pour la confiance de la population envers cette énergie et pour son développement. Au cours des dix, quinze, vingt prochaines années, nous allons devoir mettre en service jusqu'à deux centrales nucléaires par an…
…pour relever le défi du « mur énergétique » – pour reprendre le titre d'un libre récemment écrit par M. le rapporteur pour avis.
Excellent livre !
Nous avons donc besoin de ces mesures. La question n'est pas d'être pour ou contre le nucléaire ; elle est de savoir comment on organise cette transformation.
C'est votre choix d'être contre le nucléaire,…
…mais votre volonté de saboter le projet de loi, article par article, en affirmant que le nucléaire est dangereux, joue contre nous – joue contre la France.
Mmes Constance Le Grip et Huguette Tiegna applaudissent.
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l'amendement n° 329 .
Il est rédactionnel.
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Je vous prie de m'excuser, monsieur Leseul, mais j'ai lancé le scrutin public.
« C'est scandaleux ! » sur les bancs du groupe SOC.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 25
Nombre de suffrages exprimés 17
Majorité absolue 9
Pour l'adoption 17
Contre 0
L'amendement n° 329 est adopté.
Il se fonde sur l'article 100, relatif à la bonne tenue de nos débats.
Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas dire que l'amendement n° 329 est rédactionnel alors qu'il vise à supprimer la totalité d'un alinéa ! Un amendement de ce type n'est pas rédactionnel : ce n'est pas sérieux !
La parole est à Mme Anne Stambach-Terrenoir, pour soutenir l'amendement n° 86 .
Vous l'aurez compris, nous sommes contre les dérogations au code de la commande publique que prévoit l'article 16. En théorie, elles n'ont rien à faire dans ce projet de loi, mais si elles doivent être maintenues, nous souhaitons qu'elles soient conditionnées à l'élaboration d'une stratégie de réduction de l'impact des entreprises nucléaires sur la biodiversité, notamment aquatique. Rien n'est fait en France dans ce domaine, qui, pire encore, ne fait l'objet de presque aucune étude, alors que des centaines de tonnes d'animaux et d'organismes aquatiques sont piégés chaque année dans les filtres des centrales. Aux États-Unis, une réglementation de 2004 oblige les centrales à réduire de 80 % à 95 % ce piégeage d'organismes vivants. En France, je le répète, aucune mesure n'est prise.
À cela s'ajoute la question des rejets d'eau plus chaude que les limites autorisées dans les cours d'eau. Ces rejets sont appelés à se multiplier, ceux-ci ayant d'ailleurs été autorisés de manière dérogatoire pendant vingt-quatre jours au cours de l'été 2022. Or, à en croire Jérémy Lobry, spécialiste de la question à l'Inrae (Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement), ce phénomène a des effets directs sur les crustacés et les mollusques. La mortalité des organismes vivants augmente en raison de l'eutrophisation, c'est-à-dire de la raréfaction de l'oxygène, qu'il provoque. Ce phénomène non plus ne fait l'objet d'aucune étude et rien n'est entrepris pour essayer de l'éviter.
M. Maxime Laisney applaudit.
Sur le fond, j'adhère à une large partie de vos propos. Les études et les recherches sur l'impact des industries, notamment l'industrie nucléaire, sur la biodiversité sont insuffisantes, même s'il convient de préciser que ce travail commence à être réalisé à la hauteur des besoins par l'exploitant nucléaire et par les différentes agences, répondant ainsi à l'évolution des attentes sociétales et politiques.
Toutefois, j'appelle votre attention sur le fait qu'il n'existe malheureusement aucune énergie parfaite. À cet égard, les installations photovoltaïques ou éoliennes, sans parler des centrales thermiques, ont une incidence négative sur la biodiversité bien plus importante que le nucléaire. Il importe de le rappeler pour la clarté des débats.
Quant à votre amendement, il me semble largement satisfait par la directive du 14 décembre 2022 relative à la publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises, dite directive CSRD, par les travaux déjà rendus publics par EDF, ainsi que par l'ensemble des lois que nous avons adoptées abordant les questions de la biodiversité et de l'information, par les entreprises, de leur impact dans ce domaine.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Même avis.
Lors de la présentation de cet amendement et des précédents, il a été dit qu'on avait mis dans ce texte des choses qui n'avaient rien à y faire. Comme s'il pouvait être question de sûreté indépendamment de toute considération industrielle, économique et de production !
Il n'existe qu'une seule manière de garantir une sûreté totale : ne pas avoir d'installations – mais pas seulement nucléaires : de toutes les industries. Il suffit de visiter n'importe quelle ligne de production dans n'importe quelle usine pour comprendre que toutes les activités industrielles sont dangereuses. Le risque, c'est-à-dire l'exposition au danger, s'analyse de manière indépendante et se gère évidemment de manière contradictoire. Je le répète : on ne peut parler de sûreté et de sécurité sans évoquer les besoins et la programmation de la production.
C'est d'ailleurs tout le drame et tout l'enjeu de la sécurité : il nous faut les meilleurs professionnels du monde pour assurer la sécurité des Français, c'est-à-dire pour rendre le risque improbable et le contenir s'il éclate. Mais faire croire que le risque peut être éliminé, c'est mentir ! Voilà où se trouve certainement le cœur de notre désaccord. Il est évident que les questions de sûreté et de sécurité sont liées à celle de la relance de l'industrie nucléaire.
Exclamations sur les bancs du groupe SOC.
L'amendement n° 86 n'est pas adopté.
L'amendement n° 115 de M. Maxime Laisney est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Je souhaite dire un mot de cet amendement, car il vise à interdire la sous-traitance et l'intérim sur les chantiers nucléaires. Nous l'avons vu à l'occasion de la commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la France – commission dont j'ai eu la chance d'être le rapporteur –, il peut y avoir jusqu'à 10 000 agents employés sur un chantier nucléaire. De deux choses l'une : soit vous l'ignorez, soit vous le savez pertinemment et, ce faisant, vous cherchez à empêcher ces chantiers d'avoir lieu. Aucun chantier nucléaire ne peut être mené à bien sans sous-traitance : cela n'existe pas.
Avis défavorable.
L'ASN demande la limitation de la sous-traitance depuis vingt ans, monsieur le rapporteur pour avis !
L'amendement n° 115 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Anne Stambach-Terrenoir, pour soutenir l'amendement n° 114 .
À l'instar du précédent, le présent amendement vise à conditionner les dérogations au code de la commande publique que prévoit l'article à la limitation de la sous-traitance – en l'occurrence à un seul niveau. Au fond, notre objectif est de limiter les risques, étant donné que la sous-traitance dilue les responsabilités, complexifie le travail et engendre parfois une perte d'information pour l'exploitant, comme en atteste le rapport rendu en juin 2018 par la commission d'enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires : certaines sociétés de sous-traitance ne transmettent pas les informations utiles à l'exploitant.
Se pose également un problème de perte d'expérience et de compétence, les travailleurs sous-traitants ne restant pas toujours à leur poste en raison de leur statut extrêmement précaire.
À cet égard, rappelons que ce sont eux qui effectuent 80 % des activités de maintenance sur nos installations nucléaires et qui absorbent 80 % de la dose collective de radioactivité reçue chaque année dans les centrales. Notre proposition constitue donc également une mesure de protection des travailleurs.
M. Maxime Laisney applaudit.
Lors des débats en commission, on nous avait répondu que la loi prévoyait déjà une limitation du recours à la sous-traitance à deux niveaux ; mais avec la relance que vous voulez engager et que vous ne cessez de vanter, il y aura énormément de travail – M. Armand l'a rappelé, un chantier nucléaire peut mobiliser jusqu'à 10 000 travailleurs. Il y a donc largement de quoi donner du travail à tout le monde et embaucher des personnels sous statut.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 114 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il s'agit de conditionner le bénéfice des dispositions dérogatoires prévues à l'article 16 à un suivi médical régulier de tous les travailleurs du secteur électronucléaire, en particulier ceux intervenant pour le compte d'un sous-traitant.
Je l'ai déjà évoqué, le Centre international de recherche sur le cancer, qui dépend de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), a mené une grande enquête épidémiologique intitulée Inworks – pour International Nuclear Workers Study, ou étude internationale des travailleurs du nucléaire.
Cette étude sérieuse – l'organisme n'est pas particulièrement antinucléaire – conclut qu'il existe une corrélation entre l'exposition répétée aux faibles doses et le développement des cancers pour les 310 000 personnes sous statut travaillant dans le nucléaire en France, aux États-Unis et au Royaume-Uni.
J'espère que l'autorité que vous créez continuera à participer à ces enquêtes épidémiologiques, car il est inacceptable qu'on puisse produire de l'électricité au mépris de la santé des travailleurs sous statut et des sous-traitants. M. Descrozaille évoquait la sûreté : précisément, la bonne santé des travailleurs sous-traitants contribue à cette sûreté ! Les membres du collectif Ma zone contrôlée, qui rassemble des travailleurs sous-traitants du nucléaire, le répètent : la précarité nuit à la sûreté de nos installations, et donc à la sûreté nucléaire du pays.
Sur les articles 16 et 17, je suis saisie par le groupe Renaissance de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
L'amendement n° 116 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 30
Nombre de suffrages exprimés 30
Majorité absolue 16
Pour l'adoption 19
Contre 11
L'article 16, amendé, est adopté.
Nous demandons la suppression de l'article 17, qui vise à permettre aux entités adjudicatrices et aux pouvoirs adjudicateurs comme EDF, l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) ou le CEA, d'étendre la durée maximale des accords-cadres des marchés publics de travaux, de fournitures ou de services pour certains projets nucléaires.
Nous craignons qu'EDF, en particulier, ait ainsi la possibilité de tout déléguer à une seule entreprise, davantage au bénéfice du constructeur qu'au bénéfice de celui qui passe la commande, ce qui entraînera des coûts supplémentaires pour le commanditaire, donc pour le contribuable.
Nous nous inquiétons des dérapages en termes de calendrier et de coût. Ainsi, on nous annonce déjà des surcoûts de 30 % pour les EPR 2, alors que rien n'a commencé et que cela risque de se traduire par des délais supplémentaires. Le président-directeur général d'EDF n'a-t-il pas estimé que tabler sur 2037 pour la mise en service du premier EPR 2 était optimiste ? Nous commençons à nous demander où cela va nous mener, d'autant que le rapport de la Cour des comptes vient d'évaluer à 3 à 4 milliards les surcoûts liés aux modifications imposées par le changement climatique.
Cela me permet de rappeler que contrairement à ce que nous avons entendu, le nucléaire n'est pas la solution au changement climatique : il n'est pas résilient, le rapport de la Cour des comptes le montre très bien.
Je le répète, l'article 17 n'a rien à voir avec l'objet de ce texte – le Conseil d'État l'a souligné dans son avis. D'une manière générale, évitons de nous lancer tête baissée dans la construction de réacteurs dont on ne maîtrise pas les technologies ; cela évitera les fiascos du type de celui de Flamanville.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 269 de Mme Julie Laernoes est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Je me permets de revenir sur le suivi médical – j'étais plongé dans un autre amendement au moment de donner mon avis. Le sujet est important et je tiens à préciser que les articles L. 4451-1 et R. 4451-1 du code du travail prévoient déjà ce suivi médical.
Avis défavorable sur les amendements de suppression. Je m'étonne qu'on puisse à la fois se plaindre de certains retards – liés notamment aux procédures de passation des marchés publics – et refuser d'adapter ces procédures quand c'est possible.
Même avis. Il s'agit ici de réduire le coût des marchés, et donc la dépense d'argent public, pour ces opérations de grande ampleur dont nous cherchons également à réduire les délais. C'est pourquoi nous souhaitons aligner la durée des marchés sur celle des projets. Le nucléaire est un secteur « extra-ordinaire » ; les durées des projets le sont donc également, même en l'absence de dépassement – ce que nous espérons, évidemment. C'est pourquoi nous proposons des procédures « extra-ordinaires », qui restent bien entendu sous le contrôle de cette auguste assemblée.
M. Maillard a tenté de réintroduire le clivage pro et antinucléaire dans le débat sur ce texte. Mais, nous le répétons, ce n'est pas le problème ! Le débat est simple : pour ou contre la sûreté nucléaire !
Non !
Pour que les projets voient le jour, vous souhaitez simplifier les procédures liées à la commande publique. Pourquoi pas, ce n'est pas le problème ! Nous y revenons depuis le début de l'examen de l'article 16 : ces articles n'ont rien à voir avec la sûreté nucléaire.
Mme Anne Stambach-Terrenoir applaudit.
Vous les avez mis là pour acheter – arracher – un vote, y compris celui des pronucléaires de votre camp, que la fragilisation de la gouvernance de la sûreté rend sceptiques.
Tout s'est bien passé jusqu'à présent… Nous n'avons cessé de le dire, ce texte n'est pas un projet de loi pour ou contre la sûreté nucléaire. Vous pouvez être en désaccord avec nous sur la meilleure manière d'organiser cette sûreté, je le conçois et le respecte. M. Saint-Huile n'étant pas là, je ne me permettrais pas de me prononcer à sa place, mais je doute que la présence de ces articles suffise à emporter son vote positif sur le projet de loi. La ficelle serait un peu grosse, trop grosse au vu de sa subtilité et de sa capacité de travail.
L'amendement n° 224 de M. Antoine Armand, rapporteur pour avis, est rédactionnel.
L'amendement n° 224 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 29
Nombre de suffrages exprimés 25
Majorité absolue 13
Pour l'adoption 19
Contre 6
L'article 17, amendé, est adopté.
Les amendements identiques n° 195 de Mme Anne Stambach-Terrenoir et 275 de M. Nicolas Dragon, qui tendent à supprimer l'article 17 bis, sont défendus.
La parole est à M. Antoine Armand, rapporteur pour avis, pour soutenir l'amendement n° 223 .
Il s'agit d'étendre les dérogations permises par cet article à l'ensemble des marchés publics liés à des projets nucléaires, notamment ceux des installations de recherche ou d'entreposage.
L'amendement n° 223 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Prenons le temps de lire l'alinéa 1 de l'article 17 bis : « Pour leur application aux marchés publics relatifs à la réalisation d'une installation mentionnée au 1° de l'article 16, les critères d'attribution des marchés publics, mentionnés à l'article L. 2152-7 du code de la commande publique, peuvent comprendre la crédibilité des offres des soumissionnaires ou en tenir compte. »
Si vous ne précisez pas qu'il faut absolument tenir compte de la crédibilité des soumissionnaires, je ne comprends pas le sérieux de votre proposition – cela ne veut rien dire. Il est évident qu'il faut en tenir compte ! C'est pourquoi nous proposons de remplacer les mots « peuvent comprendre » par les mots « tiennent compte de ».
Mme Anne Stambach-Terrenoir applaudit.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable. Votre demande est déjà satisfaite, la jurisprudence du Conseil d'État reconnaissant la possibilité de tenir compte d'un critère de crédibilité.
Vos amendements pourraient donner l'impression que nous ne sommes pas sensibles à la crédibilité des marchés nucléaires. Vous avez d'ailleurs estimé, monsieur Leseul – et les mots sont forts – que le nucléaire représentait un risque majeur pour la population française.
Vous en tirerez les conséquences pour votre position concernant la relance nucléaire. Imaginez-vous que c'est nous qui allons déterminer les critères de crédibilité ? Que se passe-t-il quand EDF passe des marchés publics ? Il analyse les dossiers des différents soumissionnaires et choisit celui qui présente les meilleures caractéristiques de coût et de qualité – ce qui inclut évidemment la crédibilité. Vous le soulignez à raison : pourquoi l'entreprise a-t-elle rencontré tant de difficultés à l'époque de la passation des marchés publics pour l'EPR de Flamanville ? La filière s'était affaiblie, car pendant des années, on avait cessé de former, on avait anéanti ses perspectives – au sein de votre famille politique, certains souhaitaient même que nous en sortions.
La crédibilité se construit grâce à la force d'une filière industrielle, avec une perspective de relance. C'est notre objectif.
Très bien !
Défavorable.
Pardonnez-moi, monsieur le rapporteur, mais il ne s'agit pas de cela. Nous visons la crédibilité des soumissionnaires. L'article prévoit qu'il peut en être tenu compte.
Nous estimons qu'il faut en tenir compte et que cela ne saurait être une option. C'est une évidence !
Qu'est-ce que la crédibilité d'un soumissionnaire en matière nucléaire, monsieur Leseul ? Comment l'analysera la jurisprudence si c'est une obligation ? Il faut évidemment que l'entreprise en tienne compte,…
… mais c'est un impératif industriel. Nous lui donnons simplement la possibilité de s'appuyer sur ce critère. La contraindre sans être capable de définir ce critère me paraît un peu déplacé.
L'amendement n° 128 n'est pas adopté.
Si l'amendement est rédigé différemment, l'esprit reste le même. Nous souhaitons que la crédibilité de l'offre soit aussi appréciée au regard de l'expérience du soumissionnaire en matière de marchés relatifs aux installations nucléaires. Le soumissionnaire doit fournir ces précisions.
Pour les mêmes raisons que l'amendement précédent, demande de retrait, sinon avis défavorable.
L'amendement n° 129 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 17 bis, amendé, est adopté.
Les amendements identiques n° 196 de M. Maxime Laisney et 271 de Mme Julie Laernoes, qui tendent à supprimer l'article 17 ter, sont défendus.
La parole est à M. Antoine Armand, rapporteur pour avis, pour soutenir l'amendement n° 222 .
Comme l'amendement n° 223 à l'article 17 bis, il vise à prendre également en compte les installations de recherche et d'entreposage.
L'amendement n° 222 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 17 ter, amendé, est adopté.
Sur l'article 18, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Les amendements identiques n° 197 de Mme Anne Stambach-Terrenoir et 240 de Mme Julie Laernoes, tendant à supprimer l'article 18, sont défendus.
Il tend à permettre d'exclure de plein droit des procédures de marchés publics visées par cet article les entreprises établies dans un pays tiers de l'Union européenne ou détenues directement ou indirectement par un de ces États.
Nous souhaitons réserver lesdites procédures de marchés publics aux entreprises de l'Union européenne.
Dans les années 1960, un débat très virulent a eu lieu en France autour de la question des licences. Il a opposé les partisans de la filière française des réacteurs à uranium naturel graphite gaz à ceux qui lui préféraient les réacteurs à eau pressurisée, sous licence américaine Westinghouse. Certains ont été accusés de se vendre aux États-Unis ! Nous avons pourtant fini par choisir la licence américaine, et ce choix est à l'origine de notre parc nucléaire actuel, dont nous disposons en toute souveraineté.
Avis défavorable.
L'amendement n° 130 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 34
Nombre de suffrages exprimés 34
Majorité absolue 18
Pour l'adoption 21
Contre 13
L'article 18 est adopté.
Nous en venons à une série d'amendements portant article additionnel après l'article 18.
La parole est à Mme Anne Stambach-Terrenoir, pour soutenir l'amendement n° 104 .
Il vise à demander un rapport sur les moyens du Haut Comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire (HCTISN) et sur l'opportunité d'une augmentation de ces derniers.
Pour rappel, cette instance est importante car elle rend des avis sur les questions liées aux activités nucléaires et sur leurs conséquences sanitaires et environnementales. Elle peut aussi proposer des mesures de nature à garantir ou à améliorer la transparence.
Comme vous vous lancez tête baissée dans la relance du nucléaire, cette instance aura fort à faire, d'autant plus qu'avec ce texte vous rendez totalement opaque la gouvernance de la sûreté nucléaire. Il prévoit en effet que les avis d'experts seront rendus en même temps que les décisions – c'est un recul sans précédent de l'indépendance et de la transparence dans le domaine de la sûreté nucléaire. Le Haut Comité aura donc beaucoup à faire pour améliorer la transparence !
M. Maxime Laisney applaudit.
Sauf erreur de ma part, le HCTISN ne consomme actuellement pas l'intégralité de son budget annuel, qui s'élève à 150 000 euros – l'année dernière, il n'a dépensé qu'environ 53 % de ce budget.
Cette question relève par ailleurs du projet de loi de finances (PLF), que nous étudions chaque année ; nous pourrons donc suivre l'évolution du budget.
Je vous demande par conséquent de retirer votre amendement, comme vous l'avez envisagé en commission ; à défaut, mon avis sera défavorable.
L'amendement n° 104 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il s'agit aussi d'une demande de rapport. Nous demandons au Gouvernement d'étudier l'opportunité de créer, au sein de la nouvelle autorité, une direction fonctionnelle chargée de l'expertise, de la recherche et de l'ouverture au public.
Comme vient de le dire ma collègue Stambach-Terrenoir, vous faites en sorte que l'organisation soit la plus opaque possible. Dans ce contexte, la question de l'ouverture au public est fondamentale. Nous sommes aussi très inquiets s'agissant de la recherche, sur laquelle l'expertise doit s'appuyer, et de cette dernière, mise en quelque sorte sous le boisseau de la décision.
Le rapport demandé se prononcerait également sur la pertinence de créer un comité d'orientation des recherches, ce que vous avez pour l'instant refusé en rejetant un amendement qui allait en ce sens.
Enfin, pour rebondir sur l'amendement n° 130 du collègue Leseul, je repose pour la troisième fois au ministre ma question sur Amazon, qui a remporté un appel d'offres pour assurer la maintenance des centrales d'EDF.
Vous avez inséré des articles dans ce texte pour garantir que les puissances étrangères ne pourront pas empiéter sur la souveraineté nucléaire française. L'État a, par ailleurs, racheté l'intégralité des actions d'EDF. Est-il bien raisonnable de laisser EDF, société anonyme, passer un contrat pour la maintenance de ses centrales avec une multinationale dont le patron est américain ?
Je rappellerai simplement que ce texte renforce la participation du public,…
…ce que vous souhaitez, notamment dans son article 1er , qui en fait une obligation de l'ASNR, mais aussi dans son article 4.
Nous avons également créé un conseil scientifique pour superviser la recherche et prévu un suivi par l'Opecst, dont vous êtes membre. Vous pourrez donc participer à la surveillance rapprochée de l'ASNR.
Avis défavorable.
Malgré tout le respect que j'ai pour la représentation nationale, ce n'est pas à elle de déterminer l'organigramme d'une autorité, qui plus est indépendante.
Par ailleurs, l'expertise, la recherche et l'ouverture au public doivent être des préoccupations qui irriguent l'ensemble de l'organisation, et pas seulement une direction spécifique.
J'avais eu l'occasion de répondre à une question similaire à celle que vous posez lors d'une séance de questions au Gouvernement – elle émanait je crois d'un député du Rassemblement national.
L'expérimentation à laquelle vous avez fait allusion – car il s'agit bien d'une expérimentation – ne concerne évidemment aucune donnée sensible, mais uniquement les données de type 1 dans la classification d'EDF. Elle ne soulève donc aucun risque en matière de sûreté, d'indépendance ou de souveraineté. Dans le cas contraire, le Gouvernement partagerait vos préoccupations. Soyez rassuré et rassurons tout le monde !
L'amendement n° 213 n'est pas adopté.
Nous demandons que le Gouvernement remette un rapport sur le financement des commissions locales d'information (CLI). Ce rapport devra évaluer l'opportunité de consacrer 1 % de la taxe actuellement prélevée sur les installations nucléaires de base (INB) au financement des commissions locales d'information, qui rassemblent des personnes qui habitent ou travaillent aux abords des centrales. Cela leur permettrait de se doter de chargés de mission pour mener à bien leurs missions d'information, de transparence et de participation du public.
L'article 5 de la loi du 22 juin 2023 relative à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes prévoyait déjà la remise d'un rapport sur ce point spécifique…
…avant l'examen du projet de loi de programmation sur l'énergie et le climat. On voit mal pourquoi vous rendriez les rapports demandés par les lois en temps et en heure quand vous n'inscrivez pas à l'ordre du jour les textes qui doivent l'être : aux termes d'une loi adoptée sous la précédente législature, nous avions en effet l'obligation d'adopter la loi de programmation sur l'énergie et le climat avant le 1er juillet 2023 !
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous avez été quelque peu approximatif dans une de vos réponses précédentes : les CLI et l'Anccli, l'Association nationale des comités et commissions locales d'information, ne sont pas financées par l'ASN, mais par une taxe prélevée sur les INB, qui finance également l'ASN et l'IRSN.
Vous l'avez dit vous-même : la loi du 22 juin 2023 prévoit déjà la remise d'un rapport sur le fonctionnement et les moyens des CLI. Un rapport supplémentaire me semble inutile, mais M. le ministre pourra peut-être nous en dire plus.
Avis défavorable.
Vous voulez faire les choses à l'envers : vous demandez un rapport – vous proposez même déjà une solution ! – avant d'avoir pu lire celui que vous avez demandé l'année dernière au Gouvernement ! Ce dernier sera rendu public d'ici l'été…
…et nous permettra de statuer sur l'avenir du financement des CLI.
Je vous demande donc de retirer votre amendement. À défaut, avis défavorable.
L'amendement n° 218 n'est pas adopté.
La parole est à M. Antoine Armand, rapporteur pour avis, pour soutenir l'amendement n° 283 rectifié .
Cet amendement d'appel à destination du Gouvernement a été préparé avec mon collègue Raphaël Schellenberger et porte sur le cycle du combustible.
Que l'on soit pour ou contre le nucléaire, on ne peut ignorer l'importance du cycle du combustible. Il constitue un enjeu de souveraineté industrielle, puisqu'il détermine ce que l'on peut produire, mais aussi de sûreté nucléaire, puisqu'il faut notamment l'entreposer et le stocker.
Le Conseil de politique nucléaire a récemment pris des décisions importantes relatives au recyclage d'une partie du combustible usagé, décisions que je crois positives pour la relance du nucléaire et pour la sûreté nucléaire.
Cet amendement a vocation à être retiré, mais le Gouvernement peut-il nous faire part de sa politique en matière de cycle du combustible ?
Je vous remercie pour cet amendement, qui me permet d'apporter quelques précisions.
La loi définit déjà les principes de gestion des matières et des déchets radioactifs qu'applique le plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs. La cinquième édition de ce plan a été publiée par le Gouvernement en décembre 2022 ; la cohérence de l'action de l'État repose sur la stabilité de ces principes, inscrits dans la loi. Ils reflètent un consensus scientifique et leur élaboration a pris en compte les conclusions de plusieurs débats publics.
Nous soutenons l'innovation de rupture à travers le plan France 2030 : nous avons pour objectif de décider du lancement, d'ici à 2030, d'au moins un prototype de petit réacteur nucléaire innovant. Parmi les lauréats actuels, on compte deux réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium, un réacteur à neutrons rapides refroidi au plomb et un réacteur à sels fondus.
Un Conseil de politique nucléaire présidé par le chef de l'État s'est tenu le 26 février – vous y avez fait référence. Il a confirmé le lancement d'un programme d'ampleur pour dessiner la stratégie française au-delà de l'horizon 2040.
Cette dernière n'est peut-être pas unique au monde, mais elle est exemplaire en matière de devenir du combustible. L'horizon, c'est la fermeture du cycle. Aujourd'hui, on peut faire davantage que rêver : on peut envisager un cycle totalement fermé, ce qui aurait des conséquences très favorables sur l'environnement, sur la souveraineté et sur l'efficacité de notre production.
Avec mon collègue Bruno Le Maire, nous avons eu l'occasion de faire part de ce souhait le 7 mars, sur le site de La Hague, devant les employés d'Orano et les élus, qui étaient évidemment tous très satisfaits. Cette fermeture du cycle donne des perspectives industrielles à ce département très attaché à l'industrie nucléaire et à ses installations.
S'agissant de l'usine de retraitement des combustibles, la prolongation des installations existantes sera étudiée, tandis que la création de deux nouvelles usines, une de retraitement et une autre de fabrication du combustible MOx – mélange d'oxydes –, donnera lieu à des études préliminaires.
J'espère que ma réponse vous satisfait. Avis défavorable, mais je ne doute pas que vous retirerez votre amendement.
Cet amendement nous donne l'occasion de parler de la fermeture complète du cycle du combustible. Si on se préoccupe de « réussir enfin la fermeture complète du cycle », c'est bien qu'on ne peut pas parler de cycle pour l'instant : il s'agit à plus proprement parler d'un trajet, qui commence dans les mines du Kazakhstan,…
…passe par la Russie et finit chez nous – on vit sur un mythe !
Qu'est-ce que le combustible MOx ? L'enrichissement de l'uranium génère une production d'uranium appauvri – nous avons 320 000 tonnes d'uranium appauvri sur notre sol. Le MOx est un mélange d'uranium appauvri et de plutonium, qu'on obtient à La Hague en le séparant de l'uranium une fois que ce dernier a été utilisé dans les centrales.
Ce combustible est censé être utilisé dans des réacteurs à neutrons rapides – qui ont tous été arrêtés ! Je pense aux réacteurs Phénix, Superphénix et Astrid. Cet arrêt n'a pas eu lieu pour des raisons politiques, mais parce que cette technologie coûtait très cher, qu'elle ne fonctionnait pas très bien et qu'elle n'était pas très sûre.
On essaye d'utiliser le MOx dans les réacteurs à eau pressurisée présents sur notre sol. On est bien en peine d'en fabriquer : l'usine Melox fabrique beaucoup de rebuts. Après avoir été utilisé dans les réacteurs existants, le MOx est très irradié et ne peut être retraité. Il est alors stocké dans les piscines de La Hague, contribuant ainsi à leur saturation.
Quant au stock de plutonium, il continue de grossir, ce qui pose des problèmes de prolifération – rappelons que le plutonium est utilisé pour fabriquer des bombes atomiques. L'uranium appauvri ne représente que 2 % des 6 700 tonnes produites chaque année pour le MOx. En 2020, l'ASN a indiqué à EDF qu'il n'était pas réaliste de penser que le stock serait consommé au cours du siècle et qu'il fallait le considérer comme un déchet plutôt que comme une matière. Il est temps d'arrêter de laisser aux générations futures…
Mme la présidente coupe le micro de l'orateur, dont le temps de parole est écoulé.
Je trouve cet amendement bienvenu et j'espère que le rapporteur le maintiendra. En revanche, je suis en désaccord avec les propos de ce dernier concernant les annonces du Gouvernement, que j'ai trouvées très conservatrices : elles auraient pu être faites il y a dix ou vingt ans. On peut toutefois s'en féliciter, d'une certaine manière – je ne suis pas favorable à la politique du pire.
Cette demande de rapport ouvre des perspectives intéressantes et fixe un objectif ambitieux – 2030 – pour le lancement de la construction d'un réacteur à neutrons rapides. Cet objectif se distingue des autres hypothèses que l'on entend ici ou là – 2040 ou 2050 –, qui sont sans rapport avec notre maîtrise scientifique de cette technologie.
Permettez-moi de profiter de l'occasion pour rappeler quelques vérités sur les réacteurs Phénix et Superphénix. Le réacteur Phénix n'a pas été arrêté pour des raisons budgétaires – c'est un énième mensonge. Il est allé au bout de ce qu'il pouvait promettre à l'humanité en matière d'avancées technologiques.
Quant au réacteur Superphénix, il a été arrêté pour des raisons purement politiques ; nous le savons maintenant grâce au rapport de notre collègue Antoine Armand. La Cour des comptes l'avait déjà dit, Superphénix était en cours de rentabilisation. Bien entendu, des améliorations techniques étaient nécessaires, puisqu'il s'agissait d'un prototype industriel, mais sa durée de vie aurait pu être prolongée. Il aurait ainsi produit plus d'électricité, dégageant plus de revenus que ce qu'il avait coûté. L'arrêt de Superphénix a donc été un vrai massacre industriel et une très mauvaise nouvelle pour la science.
Grâce aux prototypes, hélas russes et chinois, nous savons que les réacteurs à neutrons rapides fonctionnent. Ces deux pays ont rattrapé la France et sont maintenant à l'avant-garde ; c'est bien triste. Plus vite nous relancerons un réacteur à neutrons rapides, mieux l'humanité se portera – la France en particulier.
M. Nicolas Dragon applaudit.
L'amendement n° 283 rectifié n'est pas adopté.
La parole est à M. Antoine Armand, rapporteur pour avis, pour soutenir l'amendement n° 334 .
C'est également un amendement d'appel à destination du Gouvernement ; il concerne la loi de programmation sur l'énergie et le climat.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
Je le défends sans naïveté, compte tenu de la difficulté à construire un consensus énergétique – ce débat l'a montré. J'espère que les propositions de loi déposées par certains collègues sur la programmation énergétique nous permettront d'avancer dans les prochaines semaines.
Je rappelle que la loi du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat prévoit une loi de programmation sur l'énergie et le climat. Je constate avec satisfaction que les ministres Bruno Le Maire et Roland Lescure souhaitent la tenue d'une concertation en amont du dépôt de ce projet de loi. Le présent amendement vise à demander au Gouvernement de préciser le calendrier et les modalités de cette concertation.
La programmation énergétique est au cœur de nos préoccupations ; nous y travaillons. Depuis ma prise de fonction, j'ai eu l'occasion de discuter, de manière informelle, avec des représentants de tous les partis, afin d'évaluer les attentes en la matière – elles sont réelles – et notre capacité à mener un débat de qualité – il l'est toujours – constructif et efficace.
Je ne voudrais pas donner l'impression que ce débat n'a pas eu lieu, puisque de nombreuses consultations se sont tenues au cours des dix-huit derniers mois. Cependant, Bruno Le Maire et moi-même sommes préoccupés : le débat public n'a pas vraiment touché un large public.
Nous souhaitons donc élargir les consultations de manière à ce qu'elles associent réellement l'ensemble de nos concitoyens, dans des conditions qui restent à définir ; nous réfléchissons à la meilleure façon d'organiser un véritable débat avec le grand public sur les orientations de notre politique stratégique en matière de mix énergétique.
Plusieurs appels d'offres importants étant prévus l'année prochaine, nous devons faire progresser ce sujet dès cette année. Nous vous tiendrons informés rapidement des modalités de ce débat. En tout état de cause, nous souhaitons qu'il puisse avoir lieu aussi vite que possible. Demande de retrait.
Monsieur le ministre, en parlant tout à l'heure des annonces qui ont été faites sur le site d'Orano La Hague, vous avez évoqué la satisfaction des élus locaux. Le vice-président en charge du développement économique de la communauté d'agglomération du Cotentin aurait apprécié d'être invité pour pouvoir en discuter avec vous !
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LFI – NUPES.
Il a assez peu apprécié la manière dont les choses se sont passées.
Par ailleurs, un courrier vous a été adressé pour vous demander des précisions sur la concertation que vous entendez mener avec les élus locaux à la suite de ces annonces, qui ne sont pas confortées du point de vue législatif. En effet, la loi de programmation sur l'énergie et le climat, que nous réclamons depuis l'examen de la loi sur l'accélération et la relance de la production électronucléaire, n'a guère progressé et la concertation à son sujet se fait attendre. Nous avions pourtant dit qu'il était problématique d'acter certaines décisions dans ce texte en faisant référence à une relance et à un mix énergétique qui n'ont pas fait l'objet d'un vote.
M. Maxime Laisney applaudit.
Bien évidemment, nous voterons pour l'amendement de M. Armand, parce que nous avons besoin de clarification. Depuis le temps que nous la réclamons, cette grande concertation aurait pu avoir lieu de façon approfondie ; quoi qu'il en soit, elle est très attendue dans les territoires concernés par l'industrie nucléaire.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LFI – NUPES.
Nous soutiendrons aussi cet amendement ; j'espère que notre collègue Antoine Armand ne se bridera pas une nouvelle fois en le retirant.
Permettez-moi d'évoquer quelques points avant que notre discussion s'achève. Différentes informations nous parviennent au sujet de la catastrophe qu'a représenté le développement d'énergies intermittentes pour le climat et la transition énergétique. La Cour des comptes allemande vient de rendre un rapport catastrophique sur l'état du développement des réseaux et du raccordement des énergies intermittentes, prouvant que tout cela a été au mieux un mensonge d'État, au pire une escroquerie. Nombre de démocraties, du Canada au Royaume-Uni, ont annoncé un changement de cap par rapport aux dispositions prises depuis trente ans. Enfin, d'après les données de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), le charbon sera bientôt la première énergie utilisée par l'humanité, devant le pétrole.
Voilà le bilan de trente ans de mensonges. Si on le compare au bilan des trente années précédentes, lorsque le nucléaire incarnait l'espoir d'un remplacement de la production de charbon, on voit bien que les trente dernières années ont été le strict négatif des trente précédentes. Le développement massif des énergies nucléaire et hydroélectrique est la seule chance de mener à bien une véritable transition.
Le retard pris par le Gouvernement dans la programmation énergétique peut être un mal pour un bien, si nous nous remettons autour de la table pour relancer le développement d'un réacteur de quatrième génération. L'utilisation de l'uranium appauvri et de l'ensemble des déchets nucléaires produits permettra de développer massivement le nucléaire. En effet, le nucléaire de troisième génération ne dispose pas de ressources suffisantes en uranium. Il est urgent de nous retrouver autour de la table, tant la situation est catastrophique – à cause des mensonges de nos collègues d'en face.
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
L'amendement n° 334 n'est pas adopté.
Puisque nous arrivons au terme de cette discussion, nous proposons un titre qui nous semble plus adapté : « projet de loi visant à produire de l'énergie d'origine nucléaire à tout prix, au mépris de la sûreté ».
Tout au long de nos débats, nous avons observé la précipitation dans laquelle agit le Gouvernement, ainsi que son impréparation globale. Il prétend apporter de la fluidité, alors qu'il sème le chaos dans une organisation qui fonctionne très bien, qui est reconnue à l'échelle internationale et qui garantit la sûreté nucléaire.
La réforme que vous engagez, c'est encore le Rassemblement national qui la défend le mieux. Il y a quelques jours, nous avons entendu notre collègue Jean-Philippe Tanguy déclarer : « ça suffit, les avis et les scientifiques qui nous ralentissent ! Il faut avancer et construire des centrales ! » – tant pis si on ne maîtrise pas vraiment les technologies, ai-je envie d'ajouter.
M. Jean-Philippe Tanguy s'exclame.
Il est vrai que l'action de l'IRSN, en tant qu'expert indépendant de la prise de décision, a parfois été perçue comme un frein, à l'origine de coûts supplémentaires. On lui a reproché de conduire le décideur, par ses avis d'expertise, à prendre des décisions plus sévères. En réalité, cette dualité entre l'IRSN et l'ASN permet de garantir la présence de garde-fous susceptibles d'être opposés à un gouvernement et un exploitant qui souhaiteraient minimiser les coûts de la sûreté nucléaire pour proposer une énergie à bas prix.
Telle est précisément la logique de ce texte : réviser à la baisse les normes et les procédures qui garantissent la sûreté nucléaire, pour permettre une relance avec moins de contraintes. Ce choix est pour nous irresponsable et dangereux. La sécurité des populations et la préservation de la santé publique et de l'environnement contre un éventuel accident nucléaire n'ont pas de prix. Ce titre nous semble donc plus cohérent avec le véritable objet de ce projet de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Au terme de l'examen de ce projet de loi, à mon tour de proposer un titre qui correspond à son contenu : « projet de loi préparant l'exploitation de réacteurs nucléaires par des investisseurs privés dans des sites Seveso et des zones habitées ».
En effet, les SMR, les fameux petits réacteurs modulaires, nous sont vendus depuis bientôt un an comme un outil permettant de décarboner l'industrie lourde et de produire de la chaleur urbaine. Par « décarboner l'industrie lourde », comprenez qu'ils vont être installés sur des sites Seveso, qui présentent déjà des risques industriels. Et pour produire de la chaleur urbaine, il faudra bien qu'ils soient assez proches des habitations.
J'en profite pour relever le mensonge de l'ancienne ministre, Agnès Pannier-Runacher : au cours de l'examen de la loi relative à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, je lui ai demandé deux fois si ces SMR seraient bien installés dans le périmètre des centrales existantes, comme l'indiquait le titre du texte. Elle m'avait répondu : « Vous savez lire le titre d'un projet de loi. » Manifestement, nous avions bien compris l'entourloupe.
Que tout le monde comprenne bien : ces petits réacteurs modulaires seront conçus, mais aussi exploités, par des start-up derrière lesquelles se trouvent des actionnaires en attente d'un retour sur investissement ; ces derniers n'ont pas caché leurs ambitions. Leur objectif est moins la fusion de l'IRSN et de l'ASN que l'abaissement des normes de sûreté.
Comme ces entrepreneurs auront contractualisé de gré à gré avec un client final, ils n'auront pas intérêt à mettre leurs petits réacteurs à l'arrêt au moindre défaut de sûreté, mais plutôt à les laisser produire. À l'occasion de leur audition par l'Opecst, l'IRSN et l'ASN nous ont pourtant avertis quant aux enjeux de sûreté et de sécurité. Nous voyons ici la véritable fermeture du cycle ouvert par M. Fugit, puisque l'idée d'alléger les normes de sûreté pour les développeurs de SMR figurait déjà dans son rapport…
La parole est à Mme Anne Stambach-Terrenoir, pour soutenir l'amendement n° 212 .
Je vous propose un dernier titre : « projet de loi établissant les conditions d'un futur accident nucléaire ».
Collègues, ministre, ce texte est pour moi une faute politique dont vous porterez la responsabilité : vous détruisez notre système dual de sûreté nucléaire, reconnu à l'échelle internationale, fondé sur l'indépendance de l'expertise scientifique fournie par l'IRSN sans autre considération que les enjeux techniques de sûreté. L'IRSN est indépendant de l'ASN qui, elle, a pour mission de décider, en prenant en considération d'autres critères : économiques, industriels, financiers et peut-être aussi politiques. En fusionnant tout cela dans une seule et même instance, vous créez les conditions pour que les intérêts économiques et industriels – ou autres – priment sur ceux de la sûreté.
De plus, vous prétendez conserver cette indépendance au sein de l'ARSN, alors que vous avez entériné le fait qu'on ne puisse plus publier l'avis des experts avant la décision. L'objectif est donc clair : Il s'agit de priver les scientifiques, mais aussi l'opinion publique, de toute possibilité de pression sur la décision et donc sur des intérêts économiques, industriels et politiques.
Cette folie, vous la commettez par pure obéissance au Président de la République Emmanuel Macron.
M. Maxime Laisney applaudit.
Je rappelle en effet que le fondement de ce projet de loi est le rapport Verwaerde, classé « secret défense » dès sa publication – c'est un scandale et nous demandons toujours sa déclassification. Votre seule volonté, celle du grand chef, est d'aller vite et fort pour relancer la filière nucléaire, et cela au prix de la sûreté.
M. Maxime Laisney applaudit.
Je le dis avec gravité : les salariés et les spécialistes vous ont alertés, les scientifiques vous ont alertés, les anciens présidents de l'Opecst vous ont alertés. Quantité de tribunes ont relayé ces alertes, mais vous avez persisté. Vous créez les conditions d'un futur accident nucléaire !
M. Maxime Laisney applaudit.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Ces trois propositions de titre, notamment la dernière – « proposition de loi établissant les conditions d'un futur accident nucléaire » – m'inspirent deux remarques. Premièrement, elles sont irrespectueuses.
Mme Anne Stambach-Terrenoir s'exclame.
De qui ? Des personnels de l'ASN et de l'IRSN, que je tiens à saluer pour la qualité de leur travail, et des personnels de l'exploitant EDF, premier responsable de la sûreté nucléaire. À vous entendre, il semblerait que la nouvelle organisation prévue fasse disparaître d'un seul coup toutes leurs compétences, créant ainsi les conditions d'un accident nucléaire. Sincèrement, votre dernière proposition est vraiment irrespectueuse !
Deuxièmement, si nous écoutions une chronique humoristique ou la station Rire et chansons, nous pourrions trouver à ces amendements de l'intérêt. Proposer de tels titres relève en effet de l'humour.
Ceci dit, nous ne sommes pas sur Rire et chansons, mais à l'Assemblée nationale. C'est la raison pour laquelle je donne un avis extrêmement défavorable à ces trois amendements.
Cette prise de parole étant ma dernière dans ce débat, j'en profite pour remercier celles et ceux qui nous ont aidés à travailler sur ce projet de loi : les administrateurs des commissions, nos collaborateurs de groupes et nos collaborateurs parlementaires, ici et en circonscription, sans oublier ceux de M. le ministre,…
Bravo, ils sont excellents, ce sont les meilleurs !
…les présidents de séance qui se sont succédé et les personnels de l'Assemblée nationale. Merci !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES
Il est défavorable. Ces trois amendements ont seulement permis des prises de parole caricaturales, de la part de gens qui sont – c'est leur droit – contre le nucléaire, mais qui n'ont pas nécessairement besoin d'essayer d'affoler la population avec ces titres caricaturaux.
Monsieur Laisney, je tiens à répondre aux mots que vous avez eus à l'égard de ma prédécesseure. Alors que vous étiez déjà député, je n'étais pas à mon poste actuel quand l'Assemblée nationale a eu à débattre du projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité des sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes. Que vous ayez été contre ce projet est une chose, mais vous ne pouvez ignorer le titre de la loi : accélération des procédures, certes, mais « à proximité des sites […] existants ». C'est ce que vous a répondu Mme Pannier-Runacher à l'époque et c'est ce que je vous redis aujourd'hui.
Je vous demanderai donc de retirer vos mots qualifiant de mensonge les propos d'une ministre de la République.
Vous n'en ferez évidemment rien et c'est une honte.
En effet, c'est un peu faible. Quant à parler d'humour à propos de ce texte, voilà ce qui est vraiment irrespectueux ! Vous valorisez à raison le travail des salariés de la filière du nucléaire, ceux de l'IRSN comme ceux de l'ASN, et nous vous rejoignons sur ce point, mais ce sont eux qui nous ont alertés sur les dangers que ce texte faisait courir en matière de sûreté nucléaire. Ne jouez donc pas à ce jeu-là !
Vous parlez de caricature, vous parlez d'humour, mais laissez-moi vous rappeler que s'il y a bien eu un tsunami à Fukushima, c'est une défaillance humaine qui est à l'origine de la catastrophe nucléaire – une défaillance de l'opérateur, mais surtout, en amont, le manque d'indépendance, voire une certaine complaisance, de l'organe de contrôle vis-à-vis de l'opérateur Tepco – Tokyo Electric Power Company. Fukushima, c'est plus de 160 000 personnes déplacées, près de 10 000 kilomètres carrés de terres contaminées, où l'on ne peut désormais plus vivre, et des tonnes et des tonnes de déchets nucléaires !
Tout cela résulte d'une erreur humaine et d'un manque d'indépendance. Je vous donne un exemple concret : alors qu'on savait depuis longtemps que les tsunamis dépassent régulièrement 12 mètres de hauteur, Tepco a choisi, pour des raisons économiques, de construire une digue haute de 5,70 mètres seulement. Voilà à quoi mène la perte d'indépendance de la décision en matière de sûreté nucléaire. Je le redis, vous nous mettez en danger !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Pour conclure cette discussion parlementaire, la NUPES se surpasse en caricatures et en mensonges ! Comme l'ont montré nos débats, l'humanité a bon espoir de parvenir à recycler un jour les déchets nucléaires.
Malheureusement, nous n'avons aucun espoir de recycler les déchets intellectuels tels que la NUPES !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Nous avons achevé l'examen des articles du projet de loi.
Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que le vote solennel sur l'ensemble du projet de loi aura lieu le mardi 19 mars, après les questions au Gouvernement.
Il se fonde sur l'article 70, alinéa 3. J'ai cru entendre une mise en cause personnelle extrêmement désagréable, toute collective qu'elle soit, de la part d'un collègue du groupe Rassemblement national. Je voudrais qu'il ait le courage de répéter ce qu'il a dit.
Sur le même fondement que celui de mon collègue Leseul, madame la présidente. Je tenais seulement à rappeler à M. Tanguy que nous ne l'avons jamais insulté, et j'invite chacun à se faire son opinion sur la santé mentale du collègue sur la foi des interventions qu'il a faites au début de l'examen de ce texte.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Suite de la discussion d'un projet de loi organique
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi organique.
Nous proposons la suppression de cet article, car nous restons fermement opposés au projet de fusion de l'ASN et de l'IRSN dans une autorité intégrée.
Il est défavorable, l'amendement présenté revenant sur un article déjà voté.
Ce projet de loi organique vise à mettre en cohérence les procédures de nomination qui s'appliqueront notamment au futur responsable de l'ASNR. Par conséquent, avis défavorable.
Il est défavorable. Cet amendement vise à rétablir les alinéas 3 et 4 de l'article 1er , relatifs à la nomination du haut-commissaire à l'énergie atomique (HCEA) selon la procédure du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, c'est-à-dire après avis des assemblées parlementaires. Je rappelle que l'article 12 du projet de loi ordinaire relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection prévoit le rattachement direct du HCEA au Premier ministre et l'absence de lien hiérarchique avec le Gouvernement.
Je note que la nomination du HCEA selon la procédure du cinquième alinéa de l'article 13 présente un risque d'inconstitutionnalité. En tant qu'expert conseillant le Gouvernement, il est en effet directement subordonné à l'autorité hiérarchique du Premier ministre.
Même avis.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 31
Nombre de suffrages exprimés 29
Majorité absolue 15
Pour l'adoption 6
Contre 23
L'amendement n° 9 n'est pas adopté.
L'amendement n° 13 du Gouvernement est un amendement de coordination.
Quel est l'avis de la commission ?
À moins que je ne l'aie pas compris, cet amendement n'a rien d'un amendement de coordination. Il ressemble même à un cavalier législatif. L'Assemblée nationale me paraît donc devoir être éclairée avant de voter.
Cet amendement est bien un amendement de coordination, qui concerne les procédures de nomination et les libellés de certaines fonctions auxquelles s'applique l'article 13 de la Constitution. Il n'a rien d'un cavalier législatif et nous permettra de mettre à jour la ligne relative à la Haute autorité de l'audit, qui remplace depuis le 6 décembre 2023 le Haut Conseil du commissariat aux comptes.
Je l'admets, cet amendement ne concerne pas la sûreté nucléaire, mais il a toute sa place dans un projet de loi organique visant à actualiser les nominations qui relèvent de l'article 13 de la Constitution.
L'amendement n° 13 est adopté.
L'article 1er , amendé, est adopté.
Les amendements identiques n° 2 de Mme Delphine Batho et 7 de M. Gérard Leseul, qui tendent à supprimer l'article 2, sont défendus.
L'article 2 est adopté.
Nous avons achevé l'examen des articles du projet de loi organique.
Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que le vote solennel sur l'ensemble du projet de loi organique aura lieu le mardi 19 mars, après les questions au Gouvernement.
Prochaine séance, lundi 18 mars, à seize heures :
Discussion du projet de loi organique portant report du renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie ;
Discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière d'économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole.
La séance est levée.
La séance est levée à onze heures quinze.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra