La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
Suite de la discussion d'un projet de loi
Cet après-midi, l'Assemblée a commencé la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement n° 205 à l'article 3.
Il concerne le périmètre de calcul de l'indemnité due au propriétaire exproprié. En effet, le juge de l'expropriation recourt parfois à des références inadaptées pour évaluer cette indemnité, en se fondant sur la charge foncière plutôt que sur la valeur réelle de l'immeuble, liée à l'état du bâti. Or, compte tenu du montant des travaux à réaliser, la valeur réelle peut être limitée, voire nulle. J'ajoute qu'il est davantage question, dans le projet de loi, de rénovation ou de réhabilitation que de constructions neuves qui pourraient entraîner une modification de la charge foncière.
Nous demandons que seule la valeur de cession du bien en l'état soit retenue pour fixer le montant de l'indemnité. À terme, si aucune intervention n'était réalisée, la valeur du bien deviendrait nulle, voire négative : le propriétaire ne sera donc pas lésé si son indemnité est évaluée par le juge en fonction de ce nouveau périmètre de calcul.
La parole est à M. Guillaume Vuilletet, rapporteur de la commission des affaires économiques, pour donner l'avis de la commission.
Il n'y a pas que des marchands de sommeil parmi les propriétaires concernés. Nous ne pouvons avoir une approche quasi punitive en matière d'indemnisation. Cette dernière est déterminée par référence à des biens comparables situés dans le même secteur. La disposition que vous proposez risque de plus d'être contre-productive puisqu'elle entraînerait un fort décalage entre la valeur objective du bien et la valeur estimée par le juge, ce qui renforcerait l'insécurité juridique. Avis défavorable.
La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, pour donner l'avis du Gouvernement.
Avis défavorable également.
Ce que nous proposons fait écho au cas cité par notre collègue Stéphane Peu ce soir, avant la levée de la séance, d'un professeur d'université qui a réalisé de gros bénéfices grâce à l'indemnisation. Nous devons aller vers l'évaluation par le juge de la valeur réelle du bien, compte tenu de l'état du bâti et non du foncier. Il s'agit d'un sujet de fond, sur lequel nous reviendrons à l'occasion des amendements suivants. La situation actuelle encourage parfois les marchands de sommeil – même s'ils ne sont pas les seuls concernés – à espérer une évaluation surcotée par rapport à l'état réel du bâti.
Il importe de rechercher la juste appréciation et le juge ne peut pas se prononcer sans tenir compte du potentiel du sol. L'alinéa après lequel votre amendement s'inscrit prévoit d'ailleurs un abattement sur l'indemnité qui comprend « le montant des travaux non réalisés prescrits par les arrêtés non exécutés ». Dans une procédure qui se veut équilibrée, si l'évaluation tient compte de toutes « charges » de ce type, elle doit aussi prendre en considération les recettes potentielles liées aux biens estimés. Sans cela, l'indemnité ne serait pas toujours juste et pourrait susciter des recours, ce qui entraînerait des procédures très longues, ce que nous ne souhaitons pas. L'estimation doit être le plus juste possible afin que tout se passe rapidement et que des solutions soient trouvées.
J'ajoute, il n'y a pas que des propriétaires qui abusent. Parfois, certaines complexités ne relèvent pas d'eux – nous en avons de nombreux exemples. On a l'impression que tout propriétaire est un mauvais citoyen !
Ce n'est pas ce que vous avez dit, mais il y a votre amendement. Chaque bien a des charges et des recettes potentielles et il convient d'équilibrer les deux au mieux. C'est pourquoi le juge tient compte de tous ces éléments – j'y insiste – pour estimer l'indemnité de la façon la plus juste possible.
L'amendement n° 205 n'est pas adopté.
Il s'agit de revenir sur les dispositions qui visent à supprimer totalement ou partiellement les indemnités dues au propriétaire lorsque celui-ci a refusé un relogement ou n'a pas procédé au relogement de ses locataires. En effet, certains propriétaires peuvent estimer de bonne foi que le bien proposé ne correspond pas à leurs critères ou à ceux de leurs locataires – je pense en particulier aux besoins spécifiques liés au handicap ou à l'âge.
Si cette mesure devait être appliquée de manière systématique, elle conduirait à des situations injustes ou discriminatoires. C'est pourquoi nous estimons que ces motifs ne justifient pas une réduction ou une privation de l'indemnité d'expropriation.
La parole est à Mme Sandrine Dogor-Such, pour soutenir l'amendement n° 4 .
L'alinéa 25 de l'article 3 est la disposition la plus discutable du projet de loi : en effet, comment peut-on concevoir de ne pas indemniser un particulier exproprié au motif qu'il n'accepterait pas la proposition de relogement qui lui est faite ? Êtes-vous sérieux ?
Pardonnez-moi, madame la députée, je n'aurais pas dû vous donner la parole car vous n'êtes pas cosignataire de cet amendement.
S'agissant de l'alinéa 23, il faut bien prendre en charge les frais du relogement – cela me paraît énorme qu'un propriétaire refuse de procéder au relogement. L'alinéa 25 – qui est en quelque sorte en miroir de l'alinéa 23 –, applique le droit commun. Avis défavorable sur les deux amendements.
Même avis.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 57
Nombre de suffrages exprimés 55
Majorité absolue 28
Pour l'adoption 16
Contre 39
L'amendement n° 66 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 60
Nombre de suffrages exprimés 58
Majorité absolue 30
Pour l'adoption 16
Contre 42
L'amendement n° 4 n'est pas adopté.
Je le retire, madame la présidente.
L'amendement n° 330 est retiré.
Il vise à compléter le dispositif de l'article 3 afin de mieux lutter contre les marchands de sommeil et d'éviter que ces derniers ne bénéficient d'une indemnisation en cas de condamnation dans le cadre d'une procédure d'expropriation. Si, lors des inspections menées par les agents des collectivités ou de l'État dans le cadre de cette procédure, ceux-ci suspectent un délit de marchand de sommeil, nous proposons que la saisie du procureur de la République s'accompagne d'une mise sous séquestre des potentielles indemnités dues au propriétaire bailleur délinquant, dans l'attente du jugement définitif ou de l'ordonnance de non-lieu.
En cas de condamnation définitive, le juge serait tenu de prononcer la confiscation en valeur des indemnités que le propriétaire aurait dû percevoir, sauf décision spécialement motivée. Il n'est pas question de permettre à des marchands de sommeil de tirer profit de la procédure prévue à l'article 3 pour bénéficier d'une confortable indemnité, malgré leurs activités qui sont, je le rappelle, criminelles.
Monsieur Echaniz, votre amendement répond aux interrogations formulées tout à l'heure par notre collègue Peu : lorsqu'un marchand de sommeil est condamné, les biens concernés sont confisqués. C'est une peine complémentaire obligatoire, sauf avis motivé du juge, comme le prévoit depuis 2018 la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi Elan.
Votre proposition de mettre sous séquestre l'indemnité d'expropriation, en cas de suspicion de délit de marchand de sommeil, jusqu'au jugement définitif, me paraît intéressante. Elle mérite toutefois d'être complétée, puisque la suspicion ne peut pas être complètement irrationnelle : même si celle-ci fait suite à une inspection, il doit y en avoir la trace dans un rapport qui pourra, le cas échéant, être attaqué – c'est normal, car chacun est en droit de se défendre. C'est ce que propose le sous-amendement grâce auquel le dispositif sera complet et permettra, à titre prudentiel, d'éviter qu'un marchand de sommeil ne se nourrisse des indemnités.
Je suis favorable à votre amendement, sous réserve de l'adoption du sous-amendement.
Je suis perplexe, non pas sur la finalité du dispositif, mais sur sa solidité juridique. C'est une chose de condamner quelqu'un à des amendes, en fonction de la gravité des faits. En revanche, l'indemnité d'expropriation répond à un préjudice, y compris pour celui qui a utilisé sa propriété à des fins criminelles. Il ne faudrait pas faire de confusion entre les deux dispositifs et en venir à priver le propriétaire de son indemnité. Mieux vaut renforcer les sanctions pénales pour condamner son comportement.
Au vu des échanges et de la sensibilité du sujet, j'émettrai un avis de sagesse sur le sous-amendement et l'amendement.
Je profite de ces derniers amendements sur l'article 3 pour rappeler que j'avais déposé, à titre personnel, un amendement visant à le supprimer. Retenue en commission des lois, je n'ai pas pu le défendre.
Je souhaitais appeler votre attention sur la situation en outre-mer. L'expropriation ne me semble pas adaptée à la réalité de nos territoires, qui regroupent de nombreux propriétaires pauvres. La Réunion, par exemple, compte 75 000 personnes mal logées ; ce n'est pas forcément le fait des marchands de sommeil, bien qu'on en parle dans la presse. Les propriétaires qui vivent dans des logements insalubres ne sont pas tous des marchands de sommeil ; certains n'ont tout simplement pas les moyens de rénover, sur des parcelles qui sont par ailleurs très petites – l'île n'est en effet pas extensible. Pensez-vous sérieusement qu'en les expropriant, il sera possible de construire du logement social sur des parcelles de 250 ou 300 mètres carrés ? Non, bien sûr.
En réalité, nous sommes en train d'attaquer les plus pauvres d'entre nous, en ne leur proposant rien d'autre que de devenir des demandeurs de logements sociaux, alors que 30 000 personnes sont en attente d'un logement social à La Réunion. Engager un recours au titre du droit au logement opposable (Dalo) nécessite cinq ans de procédure – ce n'est qu'à l'expiration de ce laps de temps que l'on considère le délai comme anormalement long. Nous aggraverons considérablement la demande en logements sociaux, sur une île qui, du fait de la loi Elan, devient de moins en moins constructible.
Je comprends votre position, monsieur le ministre. Il peut toutefois paraître choquant qu'un marchand de sommeil bénéficie d'une indemnité, à la suite d'une procédure d'expropriation qui a un caractère public.
Le juge de l'expropriation n'est pas forcément le même que celui qui statue lorsque des actions sont engagées par le pouvoir exécutif – puisque c'est généralement le préfet qui lance les actions contre les marchands de sommeil. Les démarches du préfet peuvent aboutir à des sanctions pénales.
Comment s'assurer qu'en même temps que la procédure d'expropriation, qui donne lieu à indemnisation, les marchands de sommeil souvent découverts à cette occasion sont bel et bien inquiétés ? Il serait choquant qu'on se contente de les indemniser et qu'on ne les sanctionne pas. Sans voter l'amendement, il ne faudrait pas renoncer à ce que proposent nos collègues : on pourrait imaginer un dispositif plus complet – peut-être dans le cadre de la navette parlementaire ? La sanction pourrait annuler en quelque sorte l'indemnisation, même si elles sont prononcées par des autorités différentes.
Madame K/Bidi, la procédure d'expropriation mise en œuvre par la collectivité locale ou le préfet n'est pas obligatoire. L'esprit du dispositif est de mobiliser toutes les aides possibles – certaines peuvent aller jusqu'à couvrir 100 % du coût hors taxe des travaux. On cherche à accompagner au maximum les personnes concernées. Dans l'hypothèse où des procédures d'expropriation seraient engagées, un plan de relogement est rendu obligatoire.
Des protections sont bien prévues et nous parlons en fait d'un outil supplémentaire au service des habitants, qui ne sont pas toujours propriétaires. Dans certains cas, ils sont aussi indivisaires : ils ne parviennent pas à sortir d'une indivision successorale et les bâtiments pourrissent sur place, ce qui est dommageable pour les occupants.
Cet outil devra être utilisé avec beaucoup de subtilité et de mesure – il n'est pas question de contraindre les gens de bonne foi. Je suis bien conscient des difficultés à La Réunion et dans l'ensemble des territoires ultramarins.
Je reviens au sous-amendement et à l'amendement. En cas de condamnation d'un marchand de sommeil, la confiscation des biens constitue une peine complémentaire obligatoire à défaut de motivation du juge. L'enjeu est de déterminer, lorsque l'on suspecte une activité de marchand de sommeil, si en cas de transmission au procureur, il convient, sur le fondement d'un rapport, de placer les indemnités liées à l'expropriation sous séquestre. Peut-on laisser au potentiel marchand de sommeil la disposition de cette somme, qu'il restituerait ensuite en cas de condamnation ? Je crois sincèrement que ce ne serait pas la bonne solution.
L'articulation proposée n'est pas attentatoire aux droits puisque l'indemnisation est seulement mise sous séquestre pendant que la justice fait son travail. Soit le propriétaire est condamné, soit il ne l'est pas. S'il est condamné, il serait en effet très choquant qu'il ait déjà touché l'indemnisation.
J'apprécie grandement l'avis de sagesse du Gouvernement et je vous invite à voter en faveur du sous-amendement et de l'amendement.
Le sous-amendement n° 361 est adopté.
L'amendement n° 42 , sous-amendé, est adopté.
Ce rappel au règlement, fondé sur l'article 100, porte sur la bonne tenue de nos débats.
Nos discussions sur ce texte, qui ont commencé au cours de la séance précédente étaient de bonne tenue. Nous avons pris le temps nécessaire sur les sujets sensibles.
Je me félicite d'ailleurs de l'adoption de l'amendement précédent. Je remercie le rapporteur pour son avis et pour les précisions apportées et le Gouvernement pour son avis de sagesse. Il est important que nous puissions prendre le temps d'entendre les uns et les autres sur des sujets aussi techniques et arides. En tant qu'auteur de l'amendement, je n'ai pas pu répondre aux arguments avancés par le Gouvernement. M. Peu, qui est spécialiste du sujet, aurait également souhaité intervenir. Je vous prie de bien vouloir donner la parole à l'ensemble des personnes qui la demandent lorsqu'un amendement suscite des débats ou lorsque des collègues souhaitent participer aux échanges.
Je vous remercie : c'est bien ce que je fais, monsieur le député. J'ai donné la parole à deux orateurs. Lorsque j'ai estimé que l'Assemblée était suffisamment informée, nous sommes passés à la mise aux voix. De plus, la même personne ne peut pas toujours avoir la parole.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Je vous prie de m'excuser, madame la présidente, en tant que chef de file sur ce projet de loi, de prendre la parole régulièrement, d'aborder des sujets de fond et de souhaiter que nous prenions le temps d'entendre plus de deux orateurs sur une question aussi sensible que celle des marchands de sommeil.
Monsieur, je préside la séance. Je vous remercie de bien vouloir présenter l'amendement, ce pour quoi vous avez pris la parole.
Cet amendement vise à imposer aux bénéficiaires de la procédure d'expropriation à titre remédiable d'engager la réalisation des travaux dans un délai d'un an à compter de la prise de possession de l'immeuble ou de la partie d'immeuble. En effet, eu égard au caractère exorbitant mais nécessaire d'une telle procédure, le bénéficiaire de l'expropriation ne saurait tarder pour entreprendre des travaux propres à remédier aux désordres persistants qui ont justifié sa mise en œuvre – d'autant plus que l'objet même de la procédure suppose d'agir vite pour prévenir tout basculement dans une situation irrémédiable. Nous proposons donc de donner au bénéficiaire de la procédure un délai d'un an pour engager les travaux.
Ce délai tient compte des contraintes liées aux autorisations d'urbanisme et aux marchés de travaux, ainsi que des contraintes propres au fonctionnement du secteur du BTP – bâtiment et travaux publics. L'amendement prévoit également la suspension de ce délai en cas de recours contre les autorisations d'urbanisme nécessaires pour la réalisation des travaux.
Cet amendement corsète trop fortement le dispositif. L'expropriation peut fort bien ne concerner qu'une partie d'immeuble, sans compter les cas d'indivision successorale. Les procédures peuvent parfois durer plus d'un an. Il faut faire confiance au dispositif et le laisser se déployer avant d'ajouter des conditions. Avis défavorable.
J'émets aussi un avis défavorable pour les mêmes raisons. Même s'il est dicté par de bonnes intentions, cet amendement risque de rendre inopérant le dispositif, auquel nous sommes attachés. Nous ne souhaitons pas le corseter excessivement pour lui permettre de se déployer.
L'amendement n° 206 n'est pas adopté.
Je mets aux voix l'article 3, tel qu'il a été amendé. Il avait fait l'objet d'une demande de scrutin public.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 83
Nombre de suffrages exprimés 83
Majorité absolue 42
Pour l'adoption 61
Contre 22
L'article 3, amendé, est adopté.
L'objet de cet amendement est de prolonger de dix ans l'expérimentation prévue par la loi Alur – loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové – qui permet d'exproprier des parties communes d'un immeuble en copropriété en voie de dégradation et de mettre en œuvre un dispositif de rachat de celles-ci.
La parole est à M. Guillaume Vuilletet, rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 283 .
L'explication rapide et efficace du ministre se suffit à elle-même. Le processus de démembrement permet d'assurer la réfection des parties communes. Il répond à l'urgence en finançant la restructuration des copropriétés dégradées grâce à un système de rétrocession à terme. C'est un outil efficace et innovant.
Cet amendement propose de prolonger de dix ans l'expérimentation prévue par la loi Alur. Un tel outil serait particulièrement utile pour appliquer l'article 3. Malheureusement, les décrets nécessaires n'ont jamais été pris. Ils doivent l'être et il convient de prolonger l'expérimentation de dix ans.
Je demande également le retrait de l'amendement n° 208 .
L'amendement n° 208 est retiré.
Nous allons soutenir ces amendements identiques car nous devons nous donner les moyens d'intervenir dans les parties communes lorsque cela est nécessaire. Pourtant, je suis étonné, monsieur le ministre, que vous préfériez prolonger une expérimentation plutôt que de la généraliser. J'ai le sentiment que le combat contre l'habitat dégradé ne s'arrêtera pas dans dix ans – la loi Alur date d'ailleurs de 2014. Au regard des défis rencontrés par les ensembles immobiliers des années 1960 et 1970, en particulier les IGH – immeubles de grande hauteur –, nous aurons besoin à l'expiration de ce délai de faire entrer ces dispositions dans le droit commun. Pourquoi ne pas les généraliser tout de suite ? Des raisons juridiques vous contraignent-elles à recourir à une expérimentation ou est-il trop lourd de faire entrer ces dispositions aujourd'hui dans notre droit ?
Considérant que M. Bazin a posé une question de bonne foi, sans chercher à allonger le débat, je vais lui répondre. Vous pensez, monsieur le député, que le problème ne sera pas réglé dans dix ans. De mon côté, je ne prétends pas que nous n'aurons pas besoin de revenir sur cette question d'ici là. Je le dis avec beaucoup d'humilité. L'expérimentation a commencé avec un peu de retard, pour des raisons diverses, et tous les acteurs ne s'en sont pas saisis, mais s'appuyer sur ce processus éviterait de concevoir un nouveau dispositif et de devoir à nouveau l'expliquer. Certains élus et certains acteurs ont déjà commencé à se l'approprier. On constate une certaine maturité dont il faut profiter. La création d'un autre dispositif risquerait de nécessiter un temps d'apprivoisement qui ferait obstacle à la mise en œuvre effective de cette mesure. Nous sommes guidés par un souci d'efficacité.
Cet amendement vise à proposer le bail à réhabilitation d'office. Étant donné que l'amendement du Gouvernement reprend et formalise son soutien à un dispositif conçu par le M. le rapporteur, il me semble préférable que M. Vuilletet détaille ce qu'il entend par « bail à réhabilitation d'office ». Ce n'est que justice que de lui proposer de le présenter lui-même. Le contraire reviendrait à mettre dans ma bouche ce qu'il m'a lui-même expliqué.
Même si l'amendement ne porte pas vraiment sur le bail à réhabilitation d'office, il articule les différents outils de façon efficace. La procédure proposée permet d'exproprier un immeuble ou une partie d'immeuble.
Il arrive que des copropriétés soient déséquilibrées par l'existence de mauvais payeurs, de personnes malhonnêtes, ou de personnes en grande difficulté sociale. Dans certains cas, les indivisions successorales empêchent les propriétaires de trouver les fonds pour rénover leur logement alors que la sécurité globale de l'immeuble est en danger. Nous souhaitons, avant de recourir à l'arme ultime de l'expropriation, proposer un bail à réhabilitation – que j'aurais aimé « d'office », monsieur le ministre, mais nous n'en sommes pas tout à fait encore là. Cet outil prévoit la prise en charge des travaux par la collectivité par l'entremise d'opérateurs spécialisés. Le propriétaire récupérera son bien après que le montant des travaux a été payé mais il n'aura pas la charge de l'ingénierie et du financement. Ce dispositif peut permettre d'éviter l'expropriation dont les conséquences sont autrement plus traumatisantes.
Le dispositif est très intéressant, mais l'exposé sommaire de l'amendement ne correspond pas totalement à la rédaction proposée. Le diable se cache parfois dans les détails.
En effet, l'amendement indique qu'un bail à réhabilitation pourra être conclu avec un « organisme intéressé » sans apporter davantage de précisions, tandis que l'exposé sommaire explique qu'il pourrait s'agir d'un « bailleur social » ou d'un « autre opérateur public ». Cela me paraît réducteur, dans la mesure où certains opérateurs compétents n'appartiennent à aucune de ces deux catégories. Il existe en effet une grande diversité d'acteurs susceptibles d'intervenir en matière de rénovation immobilière, lesquels peuvent d'ailleurs avoir un intérêt public sans être eux-mêmes publics. Le dispositif innovant dont il est ici question sera-t-il ouvert à des acteurs intervenant pour le compte des collectivités sans pour autant être des bailleurs sociaux au sens juridique du terme ? Il me semble important de le préciser.
Par ailleurs, je présume que les organismes concernés pourront jouir du bien afin de financer les travaux nécessaires étant donné qu'il s'agit d'un bail à réhabilitation. Or qui en sera garant dans le temps ? On connaît bien cette question par ailleurs. La navette permettra peut-être de préciser aussi ce point mais, en l'espèce, la rédaction laisse tellement de champ au Gouvernement pour rédiger les décrets qu'il pourrait ne jamais le faire. J'y insiste donc : il conviendrait selon moi de préciser ce dispositif innovant.
Je rappelle que c'est le représentant de l'État dans le département, c'est-à-dire le préfet, qui déterminera avec quels organismes un bail à réhabilitation pourra être conclu. Faisons donc confiance aux préfets pour ne pas choisir n'importe quel acteur.
La durée du bail sera fixée en fonction des travaux à réaliser, l'idée étant en effet qu'une redevance vienne compenser les coûts. Je le répète, l'ingénierie et le financement nécessaires à la réalisation des travaux dont il est ici question sont tels qu'une intermédiation est à la fois légitime et opportune.
Pour avoir été conseiller régional d'Île-de-France il y a bien longtemps, j'ai eu l'occasion de découvrir l'organisme Coprocoop. Je ne sais pas si vous en avez entendu parler : cet acteur intervient dans des copropriétés dégradées sur le plan financier. Il rachète des appartements dont les résidents ont dévissé dans ce domaine, afin d'assurer le portage temporaire de la copropriété concernée.
En l'occurrence, ce que je propose n'est pas un système permettant le rachat de biens, mais quelque chose de beaucoup moins traumatisant, c'est-à-dire le bail à réhabilitation. Les propriétaires concernés conservent leurs appartements, mais nous accompagnons le redressement de la copropriété grâce à des cessions provisoires de propriété le temps de réaliser les travaux.
L'article 3 bis est adopté.
La commission demande une courte suspension de séance, madame la présidente.
Suspension et reprise de la séance
À la demande de la commission, je suspends la séance pour quelques minutes.
La séance, suspendue à vingt-deux heures, est reprise à vingt-deux heures cinq.
Une disposition de la loi du 23 juin 2011 portant dispositions particulières relatives aux quartiers d'habitat informel et à la lutte contre l'habitat indigne dans les départements d'outre-mer permet de procéder, en Guyane et à Mayotte, à des expulsions sur simple décision administrative. Or, dans les faits, les préfets de ces territoires ne relogent pas les personnes concernées : elles sont hébergées quelques jours, puis se retrouvent à la rue. Autrement dit, sous prétexte de lutter contre les bidonvilles, nous accroissons la misère de ceux qui ont déjà du mal à se loger correctement.
Dans l'Hexagone, depuis les années 1960, il existe une politique de résorption de l'habitat indigne. Elle implique de construire du logement social, ce qui fonctionne. Je ne comprends donc pas pourquoi ce qui est bon pour la France métropolitaine ne le serait pas pour Mayotte et la Guyane.
J'y vois une manière de considérer leurs habitants comme des citoyens de seconde zone. Nous demandons donc l'abrogation de cette disposition de la loi de 2011, afin de résorber dignement l'habitat indigne à Mayotte et en Guyane.
La parole est à M. William Martinet, pour soutenir l'amendement n° 345 .
Il est identique au précédent, aussi mon argumentaire ira-t-il dans le même sens que celui de notre collègue Bayou. Des dispositions s'appliquant spécifiquement à Mayotte permettent d'organiser des démolitions de bidonvilles sur simple décision administrative, c'est-à-dire sans décision de justice.
Je sais que la minorité présidentielle est très attachée à la possibilité de procéder à des expulsions administratives.
D'ailleurs, la loi Kasbarian – loi du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l'occupation illicite –, qui a malheureusement été votée dans cet hémicycle, étend le pouvoir du préfet en matière d'expulsions administratives et réduit, à l'inverse, le pouvoir d'appréciation du juge.
Le cas de Mayotte est encore pire, si je suis m'exprimer ainsi, étant donné que les pouvoirs du préfet sont véritablement exorbitants. Cet amendement vise donc à revenir à une situation de droit commun, car nous avons du mal à comprendre pourquoi les mal-logés et les sans-abri de Mayotte devraient voir leur bidonville détruit de manière accélérée, avec une moindre prise en charge sociale, qui plus est sans la protection du juge pour s'assurer que cette expulsion n'a pas de conséquences dramatiques.
L'avis de la commission est défavorable et je regrette, sans qu'il s'agisse d'un reproche, que les élus mahorais et guyanais ne soient pas présents ce soir pour s'exprimer sur cette question.
Je vous invite à cet égard à contacter la maire de Saint-Laurent-du-Maroni, qui vous expliquera que la différence avec l'Hexagone, cher collègue Bayou, est qu'un village de tôle peut apparaître en moins de quarante-huit heures en Guyane en raison de l'immigration clandestine.
Alors que le phénomène commence à se généraliser en Guyane, il survient évidemment aussi à Mayotte dans des proportions inimaginables. Nous sommes d'ailleurs incapables de donner un chiffre exact, mais nous dépassons sans doute les 100 000 clandestins pour une population qui s'élève officiellement à 280 000 habitants.
Des garanties sont apportées aux personnes concernées par les démolitions, garanties qui permettent d'assurer un équilibre entre l'atteinte portée aux libertés et la préservation de la sécurité. En effet, l'article 11-1 de la loi du 23 juin 2011 dispose qu'une « proposition de relogement ou d'hébergement d'urgence adaptée à chaque occupant [est annexée] à l'arrêté » qui ordonne la démolition.
Cela dit, laisser penser que nous pourrions autoriser sans rien faire l'occupation illicite de n'importe quel terrain, l'installation de n'importe quel bidonville,…
…et que, ce faisant, ce serait le droit qui s'installerait, c'est méconnaître le terrain, la réalité de ces territoires et leurs contraintes.
En revanche, je vous rejoins sur le fait que le système actuel est inefficace. C'est pourquoi nous avons déposé un amendement – ne nous cachons pas derrière notre petit doigt, il porte sur le même sujet – visant à autoriser une intervention dans les quatre-vingt-seize heures suivant l'apparition de constructions illicites. Nous ne nous inscrivons pas dans une course contre la montre complètement absurde et dérisoire : nous soutenons qu'il faut éviter l'installation de bidonvilles.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements identiques, pour deux raisons principales.
Premièrement, il est singulier de demander l'application du droit commun en outre-mer quand, sur ces mêmes bancs, le principe de différenciation fait habituellement consensus au sujet de la Guyane, de Mayotte et des autres territoires ultramarins. J'insiste, demander l'application du droit commun n'est pas recevable, car cela reviendrait à nier les spécificités des territoires d'outre-mer.
Deuxièmement, c'est précisément parce que nous ne considérons pas les habitants et les élus de ces départements comme des citoyens de seconde zone que nous écoutons leurs demandes. Ce sont les élus de Mayotte et de Guyane qui expriment le besoin de dispositifs spécifiques. Les entendre et tenir compte de ces spécificités, tout en ne parlant pas à leur place, c'est une manière de les respecter.
Si certains ne veulent pas voir les réalités, la pression migratoire qui existe dans ces territoires et les situations auxquelles nous sommes confrontés, il n'y a pas de problème ! Mais n'invoquez ni le droit commun, ni l'existence de prétendus citoyens de seconde zone car, dans les deux cas, cela signifie que vous refusez d'écouter les élus de ces territoires et d'appliquer un principe commun consistant à adapter nos règles les concernant.
L'argumentation est habile, mais fausse. Nous ne parlons pas tant d'un droit général commun que de deux droits communs spécifiques
D'abord, quand les élus ultramarins et les écologistes réclament la différenciation, ce n'est pas pour saboter les droits de la défense. Or c'est bien de cela qu'il s'agit quand les préfets de ces départements prennent la décision administrative de démolir des constructions illicites. Dans l'Hexagone, vous pouvez vous défendre et passer devant le juge administratif lorsqu'on porte atteinte à votre domicile, mais pas en Guyane ni à Mayotte. Là, on a moins de droits.
Ensuite, de la même manière, le droit au logement est bafoué dans ces deux territoires.
Voilà pourquoi William Martinet et moi-même reprenons cette proposition de l'association Droit au logement. Il ne s'agit pas d'appliquer le même droit partout, mais de défendre les mêmes droits, notamment ceux de la défense et celui au logement.
Comme vient de l'expliquer M. le rapporteur, compte tenu du caractère préoccupant du phénomène et son accroissement, cet amendement vise à concevoir un dispositif de nature à favoriser la résorption des bidonvilles et à limiter leur apparition en donnant davantage de pouvoirs aux préfets de ces départements au cours des quatre-vingt-seize heures qui suivent les installations illégales.
C'est une manière de tenir compte de ce type de domiciliation et de prendre acte, face à un phénomène qui dure, de la nécessité d'adapter les dispositifs juridiques en vigueur. Je le répète, il faut répondre à la demande des élus et des habitants de ces territoires – quoi qu'en disent ceux, parmi vous, qui se prétendent leur porte-voix –, qui est d'intervenir dans les premières heures suivant l'apparition de constructions illégales.
L'amendement n° 231 de M. Guillaume Vuilletet, rapporteur, est défendu.
La parole est à M. Julien Bayou.
Ces amendements sont contradictoires avec le titre du projet de loi : ils ne visent pas à résorber l'habitat indigne, mais à mettre des gens dehors, sans défense et sans relogement !
Je ne comprends pas. Tout le monde déplore la présence de bidonvilles sur notre territoire mais, en l'espèce, le Gouvernement veut pouvoir jeter les gens à la rue – on appelle ça « décaser ». En quoi cela contribue-t-il à résorber l'habitat indigne ? Il y aura simplement plus de monde à la rue.
En l'état du droit, il faut que le local ou l'installation soit « en cours d'édification » pour en évacuer les habitants et le détruire, désormais ce sera possible, si ces locaux sont construits depuis moins de quatre-vingt-seize heures. Vous allongez donc la période pendant laquelle le préfet peut agir sans recourir au juge pour expulser les gens et démolir leur habitat. Certes, il s'agit de bidonvilles, c'est un habitat indigne, mais c'est tout ce qu'ils ont ! Comment soutenir que cela participe à la résorption de l'habitat indigne ? C'est faux !
En réalité, en l'absence de ministre du logement, et alors que le logement n'a pas été présenté comme une priorité, la première des décisions de ce gouvernement vise à faciliter la mise à la rue de dizaines de milliers de personnes, sans droit au juge et sans perspective de relogement.
Mme Danielle Simonnet applaudit.
Plusieurs d'entre vous demandent à s'exprimer. Je donnerai d'abord la parole à Mme Emeline K/Bidi. Ensuite, qui de M. Echaniz ou de M. Martinet souhaite prendre la parole ?
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
Il y aura eu trois prises de parole contre les amendements après lesquelles j'estime que l'Assemblée sera suffisamment informée et je procéderai à la mise aux voix.
Protestations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
Quelle incongruité, dans un projet de loi qui vise à rénover l'habitat dégradé, d'organiser la destruction d'habitats indignes ! En lisant l'exposé sommaire des amendements, on comprend mieux le sens de ce délai de quatre-vingt-seize heures : pendant le week-end, visiblement, les forces de l'ordre ne sont pas en nombre suffisant pour constater la construction de ces habitats et appliquer la loi en vigueur. C'est une preuve supplémentaire de la faillite totale de l'État à Mayotte ! Ainsi, le week-end, il n'y a plus personne pour faire régner la loi en la matière – sachant que le texte déjà applicable ne nous convient pas de toute façon. C'est un motif surprenant.
Bien entendu, nous plaidons aussi pour l'adaptation normative – nous formulons cette demande à chaque nouveau projet de loi. Toutefois, quand les élus réunionnais, ou ceux d'autres départements ou territoires d'outre-mer, évoquent leur réalité, on l'évacue d'un revers de main. À l'inverse, à Mayotte, il faut à tout prix écouter la parole des élus car, eux, ils savent. Nous aussi, nous savons pour nos territoires ! L'adaptation normative doit valoir pour l'ensemble de l'outre-mer.
En l'espèce, le préfet aura de très larges pouvoirs pour détruire les habitats concernés, mais, par exemple, comment seront décomptées les quatre-vingt-seize heures puisqu'il n'y a personne pour réaliser les constats le week-end ? Quelles seront les modes de preuve en la matière ? En réalité, vous irez bien au-delà ; cette modification va surtout vous permettre de mettre des milliers de gens à la rue. Et je ne suis pas sûre que cela dissuade les Comoriens de venir à Mayotte.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES. – M. Julien Bayou applaudit également.
Sur le fondement de l'article 100, s'agissant de la bonne tenue de nos débats, je vous demande de permettre à chaque groupe qui le souhaite de s'exprimer sur ces amendements importants avant le vote.
J'ai déjà accédé à votre demande. Nous en sommes à la troisième prise de parole contre, de votre côté de l'hémicycle.
Je comprends, monsieur Echaniz, mais vous défendez la même position. Je vous demande donc lequel d'entre vous veut s'exprimer sur cet amendement.
Je réitère la demande de mon collègue Echaniz, madame la présidente, du fait de la spécificité de ces amendements. Depuis le début des débats sur ce projet de loi, même s'il nous semble insuffisant et technique et qu'il s'en tient au minimum, même si nous sommes peu enthousiastes, nous n'avons pas eu à discuter de graves reculs. Là, nous y sommes : pour la première fois, il s'agit d'un grave recul, introduit par amendement du Gouvernement, qui n'apparaissait pas dans la version initiale du texte. Nous considérons qu'il y a là une attaque contre le droit du logement, et contre les droits des mal-logés. Il me paraît donc légitime que nous prenions un peu plus de temps pour en débattre !
Sur le fond, comme plusieurs collègues l'ont dit, vous avez le culot d'évoquer la lutte contre l'habitat insalubre en proposant une mesure qui ne vise qu'à faciliter la destruction d'abris de fortune sans proposer de solution de relogement aux personnes dont l'habitat aura disparu. Votre amendement aura pour seul effet de rendre plus efficace la répression des mal-logés.
En outre, comme souvent, vous évoquez la spécificité de Mayotte – avec, comme souvent, de mauvais arguments. Méfions-nous de ces mesures qui remettent en cause le droit des mal-logés à Mayotte : on commence par les outre-mer au nom de leurs spécificités, mais cela donne des idées qui finissent par être appliquées en métropole.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Demain, si nous acceptons ces amendements, de telles décisions administratives d'expulsion et de destruction s'appliqueront au reste du territoire. Nous devons rester fermes et refuser de faciliter des destructions des abris des mal-logés par l'autorité administrative.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Quel est le lien entre nos amendements et le projet de loi ? Je vais vous l'expliquer puisque vous vous êtes empressés de plaider contre.
M. Inaki Echaniz s'exclame.
Le lien est simple : ces bidonvilles s'installent sur les terrains constructibles sur lesquels nous sommes censés construire de l'habitat en dur.
Oui, et c'est pourquoi nous avons déployé des opérations d'intérêt national (OIN) dans ces territoires – afin d'accélérer les opérations de construction en dur. À partir du moment où des terrains sur lesquels des opérations d'urbanisme sont envisagées sont occupés illicitement, rien n'est possible. Votre défense est donc assez spécieuse et nous contestons votre analyse.
Il y a des demandes des élus locaux. Je le répète, même si cela vous écorche les oreilles : l'écoute et l'attention aux territoires ne peuvent être à géométrie variable. Il ne s'agit pas d'une requête de tous les outre-mer, mais seulement des élus de la Guyane et de Mayotte, et le Gouvernement les entend. Pour réaliser des constructions en dur, il faut pouvoir décaser là où se trouvent les implantations illicites en grand nombre. Si vous souhaitez vous cantonner à un monde théorique, faites-le, mais n'utilisez pas des arguments qui vont à l'encontre de ce que nous disent les acteurs de terrain ! Le débat mérite mieux que cela !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Après trois orateurs contre, c'est le tour d'un orateur favorable aux amendements.
La parole est à M. Thibault Bazin.
Quel était l'esprit de la loi de 2011 ? Elle visait à lutter contre l'habitat indigne outre-mer. En tout état de cause, on ne peut donc pas abroger des dispositions comme l'article 11-1 ! Le projet de loi qui nous occupe vise quant à lui l'habitat dégradé dans sa globalité. Ne produisons pas à nouveau de l'habitat indigne ! L'article précité vous déplaît. Pourtant, il mentionne bien « les risques graves pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publique ».
À un moment donné, ces logements de fortune n'existaient pas mais des petits malins font en sorte que le droit ne s'applique pas, ce qui explique la proposition de modification. Il faut tout mettre en œuvre pour éviter que l'habitat indigne ne se développe à nouveau, dans l'intérêt des personnes concernées !
Vous estimez qu'aucune solution de relogement n'est proposée.
C'est faux ! L'article 11-1 prévoit qu'« une proposition de relogement ou d'hébergement d'urgence adaptée à chaque occupant » est annexée à l'arrêté ordonnant l'évacuation des lieux et leur démolition.
Montrez les arrêtés qui ne comportent pas ces propositions ! Vous ne pouvez nier la réalité et nous ne pouvons pas nous satisfaire d'une situation qui va encourager la production d'habitat indigne. Nous devons être profondément républicains ; c'est une question de responsabilité.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 91
Nombre de suffrages exprimés 90
Majorité absolue 46
Pour l'adoption 59
Contre 31
La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour soutenir l'amendement n° 111 .
Il s'agit d'interdire la saisie par des créanciers des fonds empruntés et versés sur un compte bancaire dédié à la réalisation des travaux nécessaires au rétablissement de la copropriété.
La parole est à M. Lionel Royer-Perreaut, rapporteur de la commission des affaires économiques, pour donner l'avis de la commission.
Nous en avons déjà débattu en commission. Mon avis sera donc le même – défavorable – pour deux raisons. La protection des sommes perçues au titre du prêt collectif créé par le présent projet de loi repose déjà sur les dispositions de l'article 29-3 de la loi du 10 juillet 1965.
En outre, le nouveau dispositif de l'alinéa 14, issu des débats en commission, aboutit à ce que les fonds déposés en exécution du contrat de prêt ne puissent faire l'objet d'action en justice. Votre demande me semble donc satisfaite. Demande de retrait. À défaut, l'avis serait défavorable.
L'amendement n° 111 , ayant reçu un avis défavorable du Gouvernement, est retiré.
L'article 4 est adopté.
Cet article est très intéressant : il vise à faciliter le déclenchement de la procédure d'alerte dès les premières difficultés en élargissant les conditions pour y avoir recours et pour faire ainsi appel à un mandataire ad hoc. Cette procédure préventive, connue pour les entreprises, est très utile aux copropriétés, mais insuffisamment utilisée : en 2022, seulement 56 copropriétés ont demandé la désignation d'un mandataire ad hoc, contre 947 demandes pour un administrateur provisoire.
Il s'agit de mettre le syndic face à ses responsabilités. Le mandataire ad hoc assure une mission spéciale, ponctuelle, définie par le juge – comme la convocation de l'assemblée générale.
Je rappelle que, s'agissant des entreprises, la procédure du mandat ad hoc peut être utilisée par celles qui ne sont pas en cessation de paiements : elle leur permet de réaménager leurs dettes dans le secret, sans en informer les salariés et les tiers. Ainsi, le mandataire ad hoc rééchelonnera les dettes et forcera les créanciers récalcitrants à un accord.
Les députés du groupe Renaissance voteront cet article.
Cet amendement concerne la question des impayés qui font l'objet de l'article 29-1 A de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, modifié par cet article.
Les taux d'impayés – de 15 % et 25 % – à la date de clôture des comptes ne sont pas un indicateur fiable pour déterminer si une copropriété est en difficulté. En effet, ils peuvent facilement être atteints dès qu'un seul copropriétaire est défaillant à cette date. Selon les données du registre des copropriétés, 75 % des copropriétés ont plus de 15 % de dettes, alors que 75 % de copropriétés ne sont pas en difficulté. Si 75 % d'entre elles connaissent une insuffisance budgétaire à la clôture de l'exercice, cela ne signifie pas qu'elles sont en situation d'impayés.
Un impayé, c'est la persistance d'une dette. C'est le cumul d'impayés persistants, au regard des réserves de trésorerie de la copropriété, qui détermine si la copropriété est en difficulté. Si les impayés sont réglés dans un délai raisonnable, et sans effet négatif sur la trésorerie, il n'y a pas de problème. Il faudrait donc constater la persistance d'une dette au-delà d'un délai raisonnable de six mois après la clôture des comptes avant d'enclencher la saisine du juge. Avant l'expiration de ce délai, un syndic diligent recouvrera les sommes dues par les copropriétaires.
Je propose donc de modifier en ce sens l'article 29-1 A de la loi de 1965.
L'article 5 entend faciliter un recours plus précoce à la procédure d'alerte. Il n'est aujourd'hui possible de l'activer que si certains seuils d'impayés sont atteints, 25 % des sommes exigibles pour les copropriétés de moins de 100 lots, et 15 % pour les autres.
Nous considérons qu'il faut élargir les conditions de recours pour y inclure l'absence de syndic et de validation des comptes depuis au moins deux ans. Il s'agit de permettre une intervention en amont afin d'aider les copropriétaires à redresser la gestion de leur copropriété.
L'article 5 autorise donc le juge, dans le cadre de l'administration provisoire d'une copropriété, à imputer au syndic qui n'aurait pas engagé la procédure d'alerte prévue par la loi tout ou partie des frais découlant de l'administration provisoire, après audition du syndic et du conseil syndical, sur le rapport de l'administrateur provisoire.
C'est l'esprit initial de l'article qui doit nous guider ici – favoriser le recours le plus précoce possible à la procédure d'urgence. Or tous les amendements à cet article, y compris celui de M. Bazin, malgré les bonnes intentions qui animent leurs rédacteurs, contredisent peu ou prou cet objectif. C'est la raison pour laquelle j'y suis défavorable.
Nous avons tous commencé cette discussion en insistant sur le nombre de logements – 1,5 million – qui, en l'absence de leviers budgétaires ou juridiques permettant d'aller de l'avant, se retrouvent dans des situations juridiquement encalminées. Nous nous efforçons d'y remédier par un dispositif clair, permettant tout à la fois de sanctionner ceux qui abusent et profitent de la situation, et d'apporter des solutions, le plus tôt possible, à ceux qui sont de bonne foi.
Nous serons donc contraints de donner un avis défavorable à tous les dispositifs, même inspirés par de bonnes intentions, qui risqueraient de fragiliser, de freiner ou de maintenir le statu quo quand aujourd'hui il faut accélérer. Nous devons donner à ce nouveau dispositif de lutte contre la dégradation des copropriétés toutes les chances de produire des effets. La situation est désormais telle qu'il faut desserrer les freins. Cet amendement, malgré sa finalité, ajoute un frein là où nous devons en enlever : c'est la raison pour laquelle nous y sommes défavorables.
L'amendement n° 67 n'est pas adopté.
Le déclenchement de la procédure d'alerte par le syndic lorsque la somme des impayés des copropriétaires a dépassé un certain seuil permet de faire nommer un mandataire ad hoc chargé de gérer la copropriété fragilisée.
Lorsqu'un mandataire ad hoc est nommé par nécessité, alors que le syndic n'a pas déclenché la procédure d'alerte, l'article 5 du présent projet de loi prévoit que les frais du mandataire seront supportés par le syndic.
Il s'agit donc d'une pénalité déguisée, alors que le défaut de déclenchement de la procédure d'alerte doit être traité comme une faute civile du syndic : dans ce cas, il peut engager sa responsabilité et faire jouer son assurance de responsabilité civile professionnelle obligatoire. L'appréciation du montant des impayés doit être distinguée du retard de paiement récurrent, pour déterminer avec nuance la responsabilité du syndic.
En outre, l'article 5 est l'occasion de corriger l'article 29-1 A de la loi de 1965 sur un point comptable, en distinguant la clôture de l'approbation des comptes.
Le présent amendement tend à rectifier à la fois la qualification du défaut d'action du syndic et les notions comptables permettant d'apprécier le seuil d'impayés.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
La parole est à Mme Sylvie Bonnet, pour soutenir le sous-amendement n° 360 .
Il s'agit de rendre le dispositif plus souple, en n'enclenchant la procédure de mandat ad hoc pour les copropriétés en difficulté qu'après constatation de la persistance de la dette au-delà d'un délai raisonnable, de soixante jours.
Je suis défavorable à l'amendement de M. Causse, qui prévoit un délai de trente jours, et au sous-amendement de Mme Bonnet, qui en propose un de soixante, car ils tendent à ralentir les procédures. Or l'idée qui guide le dispositif, c'est d'aller plus vite.
Cet objectif doit être atteint sans pointer du doigt les syndics, qui font un excellent travail. L'intention du législateur n'est pas, comme j'ai pu l'entendre lors des auditions, de les stigmatiser.
Il reste que nous sommes soumis à l'impérieuse nécessité d'adopter des dispositifs efficaces qui fassent gagner du temps. Un des problèmes rencontrés quand on s'attaque à l'habitat dégradé et indigne, c'est la lourdeur des outils et la longueur des procédures. Elles font perdre beaucoup de temps – parfois dix, quinze ou vingt ans, comme l'a rappelé le ministre dans son propos liminaire. Quand un dispositif permet de recourir à la procédure ad hoc plus facilement, il faut s'en saisir ! C'est pour cette raison que j'émets un avis défavorable sur l'amendement et sur le sous-amendement, ainsi que sur ceux qui suivront.
Le rapporteur a tout dit. Mon état d'esprit reste le même que pour ma réponse sur l'amendement n° 67 : je comprends parfaitement les raisons pour lesquelles des amendements ont été déposés, cependant, pour respecter la cohérence du texte et atteindre notre objectif – faire en sorte que des travaux soient engagés dans les copropriétés dégradées –, il n'est pas souhaitable que nous alourdissions les procédures. Je vous demande donc de retirer votre amendement.
Je m'étais posé la question du délai – celui de trente jours ne me paraissait pas suffisant – et j'avais déposé un autre amendement, malheureusement jugé irrecevable, pour qu'il soit fixé par décret.
Un délai de soixante jours me semble beaucoup plus approprié car il faut bien mesurer que trente jours d'impayés, ce n'est rien. Nous devrons faire face à un nombre énorme d'impayés et donc de recours à la procédure ad hoc. C'est pourquoi prévoir des délais aussi courts m'inquiète.
Je maintiens mon amendement car je crois que, sur ce point, les débats doivent se poursuivre au cours de la navette. D'autres articles permettront peut-être d'accélérer les procédures ; en l'occurrence, il s'agit de ne pas créer une situation qui pourrait nous échapper.
Le sous-amendement n° 360 n'est pas adopté.
L'amendement n° 310 n'est pas adopté.
La dégradation de l'habitat en copropriété s'explique par des causes multiples, mais elle est parfois due à une carence du syndic. Nous proposons donc de permettre au président du tribunal judiciaire d'interdire l'exercice de leur activité aux syndics dont la défaillance de gestion administrative ou financière a été constatée.
Méchants propriétaires, méchants syndics : en fait, ils n'aiment personne !
Défavorable. Les syndics exercent une activité réglementée, régie par la loi Hoguet. Les dispositifs permettant de remédier à ce type de situations existent donc déjà.
Votre approche comprend par ailleurs des failles : comment cette interdiction pourrait-elle s'appliquer à des syndics bénévoles ? Comment caractériser précisément la défaillance ? Même si j'en comprends les fondements, votre proposition n'est peut-être pas assez complète pour recueillir notre approbation. C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable.
Nous ne pouvons pas accepter cet amendement car il implique de sortir du cadre procédural. Un président de tribunal judiciaire ne peut pas prononcer une interdiction d'exercer à l'encontre d'un syndic – c'est contraire au droit existant, en particulier à la loi de 1965 qui fixe les règles en la matière. Nous comprenons bien la finalité de cet amendement, mais il ne tient pas juridiquement. Avis défavorable.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Je soutiens l'amendement du collègue Bayou. Il permet en effet, pour la première fois depuis le début de cette discussion, de poser sur la table un sujet important, celui de la responsabilité de certains syndics dans la dégradation des copropriétés en raison de leur défaut de gestion.
En préparant l'examen de ce projet de loi, nous avons reçu énormément de témoignages de copropriétaires, de leurs associations et de leurs représentants, pointant du doigt les défaillances de leur syndic et la difficulté pour le conseil syndical, dans certains cas, de faire en sorte que les syndics exercent bien leur mission – même s'il ne faut pas généraliser.
Ce sujet doit être pris au sérieux ; c'est pourquoi je voterai cet amendement rédigé par le collègue Taché et défendu par le collègue Bayou. D'autres amendements, déposés par le groupe La France insoumise, permettront de revenir sur la question des syndics et de leur responsabilité.
L'amendement n° 282 n'est pas adopté.
L'amendement n° 301 tend à supprimer l'imputation des frais de l'administration provisoire au syndic s'il ne saisit pas, sur requête, le juge d'une demande de désignation d'un mandataire ad hoc, dans le cadre de la procédure d'alerte de la loi de 1965 fixant statut de la copropriété des immeubles bâtis.
En pratique, l'imputation des frais de l'administration provisoire aux syndics ne ferait que gripper un modèle déjà fragile. En effet, de nombreux syndics refuseront de prendre le risque d'administrer un immeuble qui présente des impayés dès la phase de sélection, puisqu'en cas de difficultés financières ultérieures, ils seront fort probablement amenés à supporter lesdits frais d'administration provisoire.
Il est donc proposé de supprimer la charge qui pourrait peser sur les syndics de copropriété, afin d'atteindre l'objectif premier de ce projet de loi : assurer la bonne gestion des copropriétés dégradées pour revenir à une situation satisfaisante.
L'amendement n° 302 est un amendement de repli.
Le dispositif prévu par le texte poursuit un objectif de responsabilisation, dans des situations susceptibles de fragiliser une copropriété. Il n'est pas censé s'appliquer uniquement à des syndics dont la gestion se révélerait, après examen, entachée de négligences caractérisées. C'est la raison pour laquelle je suis défavorable à ces amendements.
La parole est à Mme Marjolaine Meynier-Millefert, pour soutenir l'amendement n° 268 .
Il est assez similaire à l'amendement n° 310 de M. Lionel Causse. L'Union des syndicats de l'immobilier (Unis) considère le dispositif prévu à l'alinéa 7 de l'article 5 comme une pénalité déguisée pour les syndics. Elle préconise plutôt que soit engagée la responsabilité des syndics, ce qui permettrait aux syndics concernés d'activer leur assurance responsabilité civile professionnelle obligatoire, ce qu'ils ne peuvent faire pour les pénalités telles qu'elles sont prévues dans le texte. L'amendement tend par conséquent à rectifier la qualification du défaut d'action du syndic et les notions comptables qui permettent d'apprécier le seuil d'impayés.
Même avis.
Alors qu'il ressort du débat que des syndics commettent des abus et qu'il conviendrait de mieux les encadrer, les contrôler et les réglementer, l'amendement vise à leur donner plus de latitude et à renforcer leur protection, notamment lorsqu'ils commettent des erreurs de gestion. Nous n'adhérons pas à cette philosophie et nous voterons contre l'amendement.
Cette discussion en témoigne : la position du Gouvernement, partagée par mon corapporteur et moi-même,…
…est la plus équilibrée. Ce texte n'a pas pour objectif de stigmatiser a priori une profession qui exerce parfaitement son travail, dans l'ensemble. Ce n'est pas à l'élu de Marseille que je suis que vous apprendrez que certains syndics, de façon très marginale, ne remplissent pas leurs obligations et contribuent à accélérer la dégradation de certaines copropriétés. Des dispositifs internes à la profession existent, puisqu'elle est réglementée. De plus, grâce à la loi réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, dite loi Hoguet, nous sommes capables de résoudre le problème posé par des syndics qui ne se conformeraient pas à leurs obligations. En tout état de cause, il ne nous appartient pas d'élargir l'encadrement des syndics. La commission a rejeté cet amendement afin que le texte conserve son équilibre.
Ni les associations ou les réseaux professionnels qui nous interpellent, ni les concitoyens de nos circonscriptions qui nous sollicitent, ne souhaitent exonérer une profession ou fermer les yeux sur les cas problématiques. Mais des mesures figurent déjà dans ce projet de loi, qui prévoit ainsi qu'une partie des charges puisse être imputée, sous le contrôle d'un juge, à un syndic qui ne ferait pas son travail. Cela nous semble être le point d'équilibre au-delà duquel il n'est pas souhaitable d'aller, puisque nous cherchons à trouver le juste milieu pour que le droit s'exerce.
Si dans les prochains mois, après avoir modifié des pans entiers du droit pour lutter contre les copropriétés dégradées, vous considérez que le compte n'y est pas, nous pourrons y revenir. Pour l'heure, il nous semble que l'adoption de certains amendements conduirait à un déséquilibre entre les responsabilités des uns et des autres. Nous avons besoin du contrôle du juge, comme de pouvoir considérer sans fard certaines réalités ; à cet égard, le texte nous semble équilibré.
Je comprends bien les propos du rapporteur et du ministre. Il est compliqué en effet de modifier la répartition des responsabilités mais je reste convaincu qu'il nous faut réfléchir à la création d'un ordre professionnel ou de toute autre structure qui permettrait de professionnaliser le secteur et d'analyser le fonctionnement des syndics, plutôt que de faire appel au juge pour sanctionner et pénaliser. Nous aurions sans doute dû adopter une approche différente afin de sécuriser l'affectation d'un syndic aux copropriétés dégradées ; la difficulté de trouver un syndic constitue parfois un frein.
L'amendement n° 268 n'est pas adopté.
L'article 5 est adopté.
L'amendement vise à permettre aux syndics de faire pratiquer une saisie conservatoire sur les comptes d'un copropriétaire, dès lors qu'il constate des impayés au terme de ses appels de provisions pour charges. La philosophie demeure identique : il s'agit d'intervenir le plus en amont possible de la dégradation de la situation financière d'un copropriétaire, parce qu'une fois les dettes accumulées, il est beaucoup plus compliqué d'obtenir un paiement effectif. Lorsque ces cas de figure s'accumulent, la situation de la copropriété elle-même risque de se dégrader. La saisie conservatoire sans autorisation judiciaire, limitée au recouvrement des provisions pour les charges courantes, apportera une garantie provisoire et peu coûteuse, qui remplira un rôle d'alerte tout en sécurisant la copropriété quant aux fonds disponibles pour régler les frais élémentaires.
L'amendement n° 341 , accepté par la commission, est adopté.
La loi Elan oblige les syndics et autres professions immobilières à dénoncer les marchands de sommeil. Force est de constater des manquements à cette obligation : des agences immobilières et des syndics ferment volontairement les yeux sur leurs pratiques. Nous voulons les responsabiliser en systématisant ces signalements, afin de lutter aussi contre ces professionnels peu scrupuleux qui se font complices d'actes de nature délictuelle. À cet effet, l'amendement vise à sanctionner le non-respect de l'obligation de dénonciation d'une peine de deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 30 000 euros, ainsi que d'une peine complémentaire d'interdiction temporaire ou définitive d'exercer.
Le texte prévoit de durcir les peines à l'encontre des marchands de sommeil qui encourent désormais sept ans d'emprisonnement et 200 000 euros d'amende ; nous avons fait évoluer le quantum. Ce durcissement du code pénal était nécessaire pour montrer notre volonté commune de considérer les marchands de sommeil pour ce qu'ils sont, c'est-à-dire des délinquants, voire pire.
Si je comprends bien, votre amendement vise à aller plus loin, en créant un nouveau délit de dénonciation.
Je ne vous cache pas qu'un tel délit n'entre guère dans ma culture, bien que je puisse en entendre le souhait. Nous avons montré notre volonté de durcir les peines dont étaient passibles les marchands de sommeil et, après examen de l'amendement en commission, nous avons estimé qu'il était opportun d'en rester là. Avis défavorable.
Même avis.
En effet, le projet de loi prévoit d'aggraver les sanctions contre les marchands de sommeil mais il est ici question des intermédiaires, qui prennent parfois toute leur part dans l'exploitation des honnêtes gens. Ils font preuve de malhonnêteté dans leur pratique professionnelle en ne respectant pas leurs obligations, parce qu'ils ne sont pas contraints de le faire. Nous débattrons ultérieurement des baux mobilité et des baux frauduleux dans le secteur des meublés de tourisme : le fonctionnement en est le même, reposant sur des intermédiaires qui, délibérément, ne respectent pas la loi puisqu'ils n'y sont pas contraints et ne risquent donc pas d'être mis en difficulté.
Je vous invite, monsieur le rapporteur, à poursuivre la lutte contre les marchands de sommeil et à y associer ces intermédiaires, qui sont tout aussi responsables, non pas parce qu'ils dénoncent mais parce qu'ils ne dénoncent pas des propriétaires véreux et des marchands de sommeil qui mettent des personnes en danger. Plus que des délinquants, ce sont des criminels. On peut considérer que les syndics et les agences immobilières qui ferment les yeux s'associent à des actes criminels – à tout le moins qu'ils en sont complices. Cet amendement me paraît donc s'inscrire dans la continuité du projet de loi.
Nous l'avons dit dans la discussion générale, nous vous reprochons de ne pas avoir profité de ce texte pour mieux lutter contre les marchands de sommeil. Je ne crois pas que l'amendement tende à promouvoir la dénonciation ; il vise plutôt à révéler des cas de complicité entre les syndics et les marchands de sommeil. C'est pourquoi le groupe LIOT le votera.
M. Jean-Louis Bricout a employé les bons termes. Dans le cadre du travail parlementaire, notamment la navette, nous aurons l'occasion d'en débattre à nouveau, ce qui nous permettra peut-être de retenir la qualification de complicité, qui devra être définie avec le garde des sceaux et la chancellerie.
Les sénateurs pourront en débattre puis les parlementaires en cas de réunion d'une commission mixte paritaire. En tout état de cause, je suis d'avis que nous creusions cette idée en retenant la suggestion formulée par M. Jean-Louis Bricout.
Bien sûr, la rédaction de l'amendement pourrait être améliorée mais la proposition s'apparente quelque peu à ce que prévoit l'article 40 du code de procédure pénale pour les responsables publics que nous sommes : lorsque l'on connaît, que l'on constate ou que l'on soupçonne une infraction, il est de notre devoir de la signaler au procureur de la République. De la même façon, lorsqu'un agent immobilier ou un syndic a connaissance de la présence avérée d'un marchand de sommeil dans la copropriété qu'il gère, il devrait avoir l'obligation de le signaler, sous peine de poursuites et de sanctions.
Le vote à main levée n'ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 72
Nombre de suffrages exprimés 70
Majorité absolue 36
Pour l'adoption 28
Contre 42
L'amendement n° 269 n'est pas adopté.
Nous avons été attentifs aux débats et aux préconisations formulées en commission et nous avons adapté en conséquence notre amendement, préparé à la lumière du rapport remis par Mathieu Hanotin et Michèle Lutz, dont je salue la qualité du travail. Nous nous sommes inspirés de leur proposition n° 23, qui vise à permettre aux maires de se substituer aux syndics défaillants pour engager en justice le recouvrement des impayés d'un copropriétaire indélicat, par l'engagement d'une procédure de saisie du lot en vue de sa vente.
À la demande des rapporteurs, nous avons précisé que le maire ne pourra se saisir qu'à condition d'être lui-même saisi d'une demande par un ou plusieurs copropriétaires. Il ne s'agira donc pas d'une action unilatérale du maire mais bien d'une action engagée par les requérants que peuvent être les copropriétaires lésés par les actions du syndic. Devançant vos objections, je rappelle que le maire, du fait de ses pouvoirs de police en matière d'habitat et de son rôle d'officier de police judiciaire dans sa commune, est tout à fait fondé à agir ainsi.
La mesure vise à empêcher que la situation financière de la copropriété ne se dégrade encore, en cas de défaillance du syndic, et à prévenir l'indélicatesse de certains syndics qui, comme le souligne le rapport que j'évoquais plus tôt, organisent leur propre carence pour favoriser le rachat du lot à vil prix au profit de l'un des copropriétaires ou d'une tierce partie. Il arrive en effet que certains syndics s'entendent avec des copropriétaires pour laisser la situation s'aggraver avant de réaliser une opération qui favorise les parties à cette entente. Désormais, le maire pourra prendre ses responsabilités et engager la procédure de substitution aux syndics défaillants, à la demande d'autres copropriétaires.
J'espère qu'il sera rendu un avis favorable à cet amendement qui répond aux demandes des rapporteurs.
Notre collègue Echaniz propose de permettre aux maires de se substituer aux syndics défaillants pour engager en justice le recouvrement des impayés d'un copropriétaire indélicat, par l'engagement d'une procédure de saisie du lot en vue de sa vente. Je comprends bien l'intérêt d'un tel dispositif : face à un syndic qui ne jouerait pas son rôle, le maire pourrait agir en vertu de son pouvoir de police. Ce pouvoir n'en fait toutefois pas un justicier : un certain nombre d'entre nous ont en effet exercé le mandat de maire et l'ayant moi-même été, je ne me serais pas permis de m'immiscer dans les relations privées des différents acteurs d'une copropriété. S'il est admis qu'au titre de son pouvoir de police, un maire peut prendre, dans l'intérêt public, des arrêtés pour protéger les habitants de sa commune et enjoindre les acteurs concernés à réaliser des travaux, il me paraît plus discutable de conférer aux maires le pouvoir de se substituer aux syndics défaillants. L'article 5 du projet de loi prévoit déjà un dispositif ad hoc de gestion de telles situations et il me paraît que la proposition de notre collègue Echaniz souffre d'une approche déséquilibrée du problème qu'elle entend traiter. Pour cette raison, j'émets un avis défavorable.
J'émets à mon tour un avis défavorable. Si la proposition est bonne, l'amendement est bancal. Le rôle du maire doit être clarifié pour éviter les dérives et préciser l'issue des procédures de saisie-vente. Ces procédures sont en effet lourdes, elles peuvent amener les copropriétaires à racheter leur propre lot. Bref, je comprends votre intention mais je crains que les inconvénients ne surpassent les avantages.
Dans les prochains mois, nous présenterons un projet de loi pour décentraliser la politique du logement. Nous pourrions y intégrer une mesure relative aux droits et devoirs des maires et préciser l'étendue de leurs pouvoirs en matière de police de l'habitat, plutôt que d'élargir ces pouvoirs de police dans le seul cadre de la gestion des copropriétés dégradées et selon la procédure d'habilitation particulière prévue à l'article 5. Nous disposerions ainsi de plus de temps pour approfondir le sujet. Je reconnais le rôle d'arbitre que peuvent jouer les maires en cas de dérive mais l'exercice dépend de la taille des communes : toutes ne seraient pas égales face à un dispositif qui ne tiendrait pas compte de leur spécificité. De plus, les intercommunalités et les départements pourraient jouer eux aussi un rôle, selon la situation, sur le modèle des délégations de compétences des aides à la pierre, par exemple. Les garanties et les moyens attribués aux maires devraient en outre être précisés et ces derniers devraient recevoir l'assurance qu'une remise en cause judiciaire de leur décision n'exposerait pas leur collectivité.
Ainsi, si l'intérêt de votre dispositif est bien compris, je crains que celui-ci ne puisse pas être voté en l'état, faute d'avoir été suffisamment réfléchi. Si nous l'adoptions, il poserait d'ailleurs plus de questions qu'il n'en résoudrait. Je vous invite donc à le retirer.
Il est arrivé, dans de nombreuses communes, qu'un copropriétaire consulte le maire au sujet de tel ou tel dysfonctionnement. Pour autant, je suis convaincu que les rôles de chacun doivent être clairement définis. Je rappelle d'ailleurs que la commune n'est pas toujours compétente en matière d'habitat, car bien souvent, cette compétence est exercée par la communauté de communes, l'agglomération ou la métropole.
D'autres questions sont soulevées par la proposition d'Inaki Echaniz, notamment celle du rôle de l'État, qui dispose déjà, contrairement aux communes, d'une capacité d'action en matière de police administrative ou de réquisition des moyens financiers. De plus, les communes n'ont pas accès aux données dont dispose l'État dans l'exercice de son pouvoir d'enquête. Les maires détiennent certes un pouvoir de police mais celui-ci est assez limité.
La responsabilité du syndic doit également être précisée. Dans l'hypothèse où une commune se substituerait à celui-ci, devrait-elle assumer l'ensemble des responsabilités du syndic, alors qu'elle n'a pas toutes les données pour agir et qu'elle n'a pas, du reste, à toutes les connaître ? En pratique, un tel transfert de responsabilités peut être source de difficultés et placer les maires dans de fâcheuses situations. Je doute par conséquent qu'il soit possible de voter l'amendement, même si je reconnais la nécessité d'améliorer la gestion pour éviter ces défaillances qui sont le fait d'une minorité de syndics. L'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité, consultée sur le projet, n'a d'ailleurs pas demandé le vote d'une telle disposition.
Je remercie le ministre qui nous confirme qu'un vaste projet de loi relatif au logement est attendu dans les prochaines semaines. Peut-être connaîtrons-nous l'identité de celui qui le défendra avant la fin de l'examen de ce texte.
Je n'ai effectivement pas été élu maire, simplement conseiller municipal, mais je rappelle que je ne suis pas à l'origine de cette proposition, dont la paternité revient à Mathieu Hanotin et Michèle Lutz, respectivement maires de Saint-Denis et de Mulhouse. À n'en pas douter, ils ont inclus cette disposition dans leur rapport sur l'accélération de la résorption de l'habitat indigne et dégradé car ils en ont mesuré l'utilité et le besoin. Je précise d'ailleurs que l'amendement que nous défendons fait suite à la demande d'un copropriétaire : nous savons bien que certains syndics s'entendent avec des copropriétaires en vue d'en escroquer d'autres et face à de telles situations, une autorité doit pouvoir agir.
Je comprends votre position, monsieur le ministre, mais j'insiste sur la légitimité de cette demande qui émane des deux maires à l'origine du rapport que nous avons évoqué.
L'amendement n° 209 n'est pas adopté.
L'article 5 bis prévoit de créer un agrément de syndic d'intérêt collectif délivré pour une durée de cinq ans par le représentant de l'État dans le département. Les bailleurs sociaux seront eux-mêmes désignés comme des syndics d'intérêt collectif ; ils devront alors remplir de nouvelles missions de conseil et d'assistance en gestion mais il n'est pas précisé s'ils auront les moyens de les assumer correctement. Or ils peinent déjà à remplir leurs missions actuelles, ce que je constate dans mon département où le principal bailleur tente de se délester de nombreuses résidences dont il n'arrive plus à assurer le suivi. Ce bailleur met d'ailleurs la pression sur les maires pour qu'ils renoncent à l'empêcher de vendre, en les avertissant qu'il n'entretiendra plus ses résidences et que la cession qu'il projette lui permettra d'entretenir celles dont il entend conserver la propriété.
Bien que nous en comprenions l'esprit, votre choix semble déconnecté de la réalité. Nous devons obtenir plus de moyens. Trois bouts de ficelle, cela ne suffit pas !
L'amendement vise à substituer aux préfets de département le ministre du logement pour délivrer l'agrément des syndics d'intérêt collectif. En effet, le choix de l'échelon préfectoral nous semble discutable : il n'est pas précisé si le syndic doit obtenir un agrément dans chacun des départements où il est censé intervenir ou s'il doit être agréé dans le département où est domicilié son siège, l'agrément délivré pouvant alors être valable dans tout le territoire national. Dans cette seconde hypothèse, des syndics aux compétences comparables pourraient être traités différemment, comme nous le déplorons déjà dans tous les cas où les préfets sont juges pour des dispositifs nationaux.
Par ailleurs, les préfectures ne disposent pas toujours des experts capables de comprendre la gestion de biens immobiliers, contrairement aux administrations centrales. Nous craignons donc que des inégalités de moyens et de compétences entre services déconcentrés voient le jour. Aussi semble-t-il préférable qu'un tel agrément soit délivré au niveau national et qu'il soit valable dans l'ensemble du territoire national. Pour ce faire, le ministre du logement pourra s'appuyer sur les instructions rigoureuses des administrations centrales placées sous sa responsabilité.
Si nous souhaitons faire de cet agrément un gage de qualité, le nombre de syndics ayant vocation à l'obtenir devra rester limité. Aucune charge excessive n'est donc à redouter par l'administration.
Nous souhaitons attribuer un agrément à des syndics d'intérêt collectif pour tenir compte du fait, précisément, que trop souvent, les personnes compétentes manquent – je pense aux administrateurs et aux mandataires judiciaires. L'agrément garantira donc la compétence des professionnels chargés d'intervenir mais également leurs moyens. Ce dispositif me paraît très utile et il me semble justifié de l'étendre aux bailleurs sociaux. C'est en effet moins une charge que nous leur confions que la possibilité d'améliorer leur action. Leur expertise et leur professionnalisme leur permettent d'ailleurs d'agir dans le cadre de ces agréments et si vous y trouvez malice, je le regrette, sans m'en émouvoir outre mesure.
Quant à savoir si la délivrance de l'agrément revient au préfet ou au ministre du logement, je laisserai à l'intéressé le soin de donner son avis.
Monsieur le député Echaniz, je suis très sensible à la confiance qui inspire cet amendement, qui laisse à penser que le ministre du logement ou que celui dont le pôle ministériel comprend le logement serait mieux placé que les préfets pour délivrer les agréments. J'y vois enfin la marque de la confiance dans le Gouvernement…
…que vous taisez la plupart du temps mais qui est bien ancrée chez vous.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Je comprends donc mieux votre frustration de ne pas pouvoir voter la confiance au Gouvernement !
Je crois en la déconcentration et je suis convaincu que de confier aux préfets le soin de délivrer les agréments ne reviendrait pas à dessaisir le ministre. Ce dernier pourra toujours faire office d'autorité d'appel, en cas de besoin, mais l'organisation que nous projetons permettra à celui qui travaille avec les acteurs locaux de prendre la décision la plus adaptée.
Je crois aux vertus de l'échange avec des interlocuteurs de tous les jours, même au sein d'une structure marquée par une organisation hiérarchique ou verticale. Les expériences que nous avons vécues, les uns et les autres, nous ont enseigné que le préfet, grâce à sa capacité d'écoute et de dialogue et sa faculté à prendre la mesure des situations, est le mieux placé pour prendre la bonne décision, indépendamment des politiques conduites sur le plan national. Il est donc souhaitable que le préfet conserve ce pouvoir. J'émets un avis défavorable.
Ah, voilà !
Monsieur le ministre, sans vouloir vous offenser, j'ai davantage confiance en l'expertise de la DHUP (direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages) en la matière, qu'en tel ou tel ministre – bien qu'il me soit arrivé de très bien travailler avec le précédent ministre chargé du logement, M. Vergriete, que je souhaite voir revenir rapidement sur les bancs du Gouvernement.
Vous louez les préfets et leur capacité à agir sur ces sujets mais vous ne répondez pas aux interrogations que nous avons soulevées, notamment s'agissant du périmètre. Dans quel département l'autorisation sera-t-elle donnée ? S'agira-t-il de celui dans lequel siège le syndic ? L'autorisation délivrée par le préfet d'un département sera-t-elle valable dans d'autres territoires ?
L'article est mal rédigé ou, à tout le moins, il n'est pas assez précis. Il risque de créer un imbroglio, notamment dans les départements qui ne disposent pas de moyens suffisants pour résoudre ce problème.
L'amendement n° 210 n'est pas adopté.
L'article 5 bis est adopté.
Sur l'amendement n° 5 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Il vise à doter les copropriétés dégradées, comportant au moins cinq lots principaux, d'un syndic professionnel ou d'un syndic d'intérêt collectif, si elles font au surplus l'objet des procédures prévues aux articles 29-1 A et 29-1 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.
Si en région parisienne, seuls 15 % des copropriétaires font appel à un syndic bénévole, on dénombre près d'un tiers des copropriétés, soit 31 %, ayant opté pour un syndic bénévole dans les communes rurales, et plus d'un quart – 28 % – dans les agglomérations de moins de 20 000 habitants.
Il est avéré que les copropriétés fragiles se trouvent parmi les micropropriétés et que ces microcopropriétés ont le plus souvent recours à des syndics bénévoles.
Si ces copropriétés sont, d'une part, qualifiées de dégradées, d'autre part, font l'objet des procédures prévues aux articles 29-1 A et 29-1 de la loi du 10 juillet 1965, elles devront se doter d'un syndic d'intérêt collectif.
L'amendement vise à lutter contre la mauvaise gestion des microcopropriétés concernées et, de manière incidente, à accélérer la lutte contre l'insalubrité des immeubles. Il tend également à encourager la rénovation des immeubles. En effet, plus la commune est petite, moins les projets de travaux sont nombreux.
C'est un amendement de repli par rapport à l'amendement n° 304 , qui vise à doter toutes les copropriétés d'un syndic professionnel. À terme, nous y avons intérêt, car ils assurent une gestion répondant aux enjeux de transition énergétique et d'insalubrité, quitte à en améliorer le fonctionnement et à renforcer le contrôle qui pèse sur eux.
Je suis sensible à l'idée qu'il faille professionnaliser l'acte de louer, ainsi que les syndics et les copropriétés. Néanmoins, le texte prévoit de créer un syndic d'intérêt collectif à l'article 5 bis. Le plus important, pour l'heure, me semble d'en assurer le bon fonctionnement dans le cadre juridique défini. Je vous propose d'en rester là et de retirer votre amendement ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Il est identique à celui du rapporteur.
Les propos de notre collègue Lionel Causse me heurtent quelque peu. Bien entendu, nous pouvons rêver de la professionnalisation des syndics. Mais n'oublions pas que, dans les faits, des petites copropriétés sont gérées par un syndic bénévole qui peut faire très bien son travail, au point d'en arriver à se professionnaliser, de manière vertueuse, grâce aux formations, aux expertises qu'il a menées, à l'accompagnement dont il a pu bénéficier.
Vous avez dit que les petites communes étaient celles dans lesquelles le moins de travaux étaient réalisés. Or certaines copropriétés engagent des travaux importants. Il ne faut pas généraliser. Si l'on suivait les seules statistiques, on pourrait avoir l'impression que les syndics professionnels offrent forcément la solution idéale et que le système fonctionne uniquement dans les grandes collectivités. Je ne le crois pas.
Il faudra trouver les moyens d'accompagner les copropriétés en difficulté dans l'ensemble du territoire. Lorsqu'il manque des opérateurs compétents, ce n'est pas parce que la copropriété sera gérée par un syndic professionnel que les problèmes seront résolus ; ce n'est pas la seule solution.
Plutôt que de généraliser la gestion par un syndic professionnel, il serait préférable de laisser à chacun le soin de s'adapter, en particulier aux petites copropriétés de recourir à des syndics bénévoles. Il faut également les accompagner sans les contraindre et ne pas oublier d'aider financièrement les petites collectivités qui, à leur tour, soutiendront les petites copropriétés afin qu'elles réalisent les travaux nécessaires.
L'amendement n° 284 vise à doter les copropriétés, comportant au moins cinq lots principaux, d'un syndic professionnel. Il ne s'agit donc pas de généraliser ce dispositif à toutes les copropriétés.
Je suis convaincu que les questions relatives à la transition énergétique, dans le cadre de laquelle doit être notamment réalisé un DPE (diagnostic de performance énergétique), à la rénovation, à l'insalubrité, requièrent une expertise telle qu'il est indispensable de professionnaliser la gestion des copropriétés. Dans les années à venir, ce sujet devra être étudié si nous voulons vraiment lutter contre la dégradation des copropriétés.
L'amendement n° 284 n'est pas adopté.
L'amendement n° 304 de M. Lionel Causse est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Défavorable.
Nous avons tous envie de professionnaliser la gestion des copropriétés ; cette professionnalisation semble même nécessaire. Nous nous heurtons malgré tout au problème du coût de la gestion, qui peut accroître les difficultés. Or les petites copropriétés ne disposent pas de toutes les ressources nécessaires, en particulier les ressources humaines.
En milieu rural, de nombreuses grandes maisons deviennent des copropriétés, ce qui peut poser un problème de fonctionnement.
L'amendement n° 304 n'est pas adopté.
Nous sommes favorables aux articles 6 et 7, qui vont dans le bon sens. Ceux qui parmi nous ont eu des responsabilités municipales, en particulier en matière d'urbanisme, ont pu être confrontés à des imbroglios très difficiles à résoudre.
Créer une concession spécifique pour le traitement des copropriétés dégradées peut constituer un outil efficace, à condition qu'il soit bien maîtrisé par le pouvoir public, dans le cadre de ses relations avec le secteur privé. Tel est également le cas du droit de préemption, prévu à l'article 7, qui complète cet outil, en renforçant le pouvoir d'intervention et d'action des pouvoirs publics. .
M. Jean-Marc Zulesi applaudit
Sur l'article 6, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Michel Guiniot.
L'article 6, dont nous discutons, vise à insérer un article dans le code de l'urbanisme créant un régime de concession d'aménagement pour le traitement des copropriétés dégradées.
Si l'idée est en apparence louable, il convient de s'opposer catégoriquement à toute tentative d'instrumentalisation de l'outil concessionnaire. En commission comme dans l'hémicycle, nous défendons les préoccupations des petits propriétaires. Nous souhaitons donc la suppression de cet article.
Selon l'étude d'impact, l'opération programmée pour l'amélioration de l'habitat peut être réalisée par des opérateurs privés, qui pourront mener des procédures d'expropriation ou de préemption. Pourquoi accorder davantage de prérogatives aux concessionnaires au détriment du concédant ? Il faut reconnaître que la rédaction de cet article est conforme à notre droit. En effet, elle est analogue à celle de l'article L. 300-9 du code de l'urbanisme, qui ne vise que les locaux professionnels.
Il est ici question d'habitations et de foyers. L'alinéa 3 de cet article prévoit de donner tout pouvoir aux concessionnaires pour gérer le parc de logements en recourant à des concessions afin de réaliser des travaux ou de démolir. Si votre but était de permettre aux grands promoteurs d'exproprier les petits propriétaires afin de réaliser de nouvelles barres d'immeubles avec l'argent du contribuable, c'est réussi.
J'insiste sur la référence à l'article L. 303-1 du code de la construction et de l'habitation, qui prévoit notamment la revalorisation des îlots d'habitat vacants et les actions visant à assurer le respect de la diversité de la population dans les quartiers. Or les Français ont le droit d'habiter avec les Français. Revient-il aux promoteurs de décider s'il est légitime qu'un habitat soit ou non vacant ? Imposerez-vous aux propriétaires occupants l'obligation d'améliorer leur habitat ? Au Rassemblement national, nous croyons en la France des petits propriétaires, tout en soutenant celle qui se voit dépossédée et déclassée au profit de grands groupes. Nous voterons donc contre cet article.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à Mme Christine Engrand, pour soutenir l'amendement n° 5 , tendant à supprimer l'article.
Nous sommes dubitatifs quant au recours systématique à des concessionnaires ou à des grands opérateurs pour appliquer une politique de requalification des quartiers dégradés. Nous craignons une mainmise d'opérateurs opportunistes sur la propriété foncière, ainsi qu'un transfert massif de la propriété des petits propriétaires essorés vers des foncières institutionnelles.
Nous savons que c'est le projet inavoué d'Emmanuel Macron, qui est en guerre contre la propriété immobilière et qui souhaite déposséder les Français propriétaires au profit d'acteurs de la finance n'ayant aucune difficulté à lever de la dette sur les marchés.
Exclamations sur les bancs des groupes RE et Dem.
Rappelons que les immeubles ou bâtis dégradés sont la résultante d'un manque de moyens de la part de leurs propriétaires, qui n'ont pas la capacité d'entretenir leur patrimoine. Ces difficultés sont aggravées dans un contexte inflationniste qui fait littéralement exploser le coût des travaux de rénovation, d'amélioration et d'isolation. Les contraintes énergétiques imposées de façon brutale viennent aggraver un peu plus leur situation.
Mme Sandra Marsaud s'exclame.
Les propriétaires pris en étau sont désormais menacés par les prédations de grands institutionnels.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Je ne souhaite pas allonger les débats mais je rappellerai tout de même, pour mémoire, que l'article 6 vise à transformer les concessions d'aménagement en simples concessions. Arrêtons de demander aux maires de prévoir un cheminement piéton au milieu de nulle part afin qu'ils puissent se prévaloir de la réalisation d'une opération d'aménagement.
Cet outil devrait permettre d'atteindre l'objectif poursuivi, à savoir le traitement des copropriétés dégradées, par exemple les immeubles dégradés au sein des OPA (organisations professionnelles agricoles).
Ce que vous nous avez dit,…
…en développant des arguments auxquels j'ai déjà répondu lors de l'examen de l'article 3, c'est qu'il faudrait laisser les maires d'une ville de 10 000 habitants se débrouiller pour traiter un immeuble dégradé, avec l'aide de quelques centaines d'agents communaux dont très peu sont compétents en matière d'urbanisme, sans pouvoir déléguer cette mission à des concessionnaires. C'est absurde. Je suis convaincu que les maires qui se réclament de votre obédience le font.
Personne ici ne pense de bonne foi que le statu quo est souhaitable. Nos appréciations peuvent diverger mais j'ai du mal à comprendre qu'on intente un procès d'intention à cet article, compte tenu de sa finalité : la lutte contre l'habitat dégradé.
L'enjeu est simple : sécuriser les contrats passés entre les collectivités territoriales et les opérateurs compétents pour le traitement des copropriétés dégradées. Il ne s'agit pas d'opérations de spéculation mais d'opérations de portage qui consistent en une forme de concession : racheter des lots et assurer leur portage pendant un certain temps avant de les revendre. Cela vaut pour tous les opérateurs, privés comme publics, bien que ces derniers soient majoritaires, l'expérience le confirme, que l'on se réfère à la société publique locale (SPL) du territoire, concernée au premier chef par le dispositif, ou aux opérateurs qui s'appuient sur la Banque des territoires ou la Caisse des dépôts (CDC). Supprimer l'article priverait les maires et les élus locaux, quelle que soit leur couleur politique, d'un levier d'action pour rendre possible ce qui est nécessaire. Avis défavorable.
Mme Sandra Marsaud applaudit.
C'est la première fois que je m'exprime dans cette discussion. J'aurai donc pour commencer une pensée pour les dix victimes de Vaulx-en-Velin. Les copropriétés dégradées, dans la septième circonscription du Rhône, on connaît : Vaulx-en-Velin en a payé un prix très lourd en décembre 2022. J'ai été pendant longtemps maire de Rillieux-la-Pape, qui conduit l'un des plus gros projets de rénovation urbaine de l'agglomération lyonnaise. Vaulx-en-Velin est dans ma circonscription, Bron également : ces villes connaissent un tout petit peu le sujet. Grâce à l'Anru (Agence nationale pour la rénovation urbaine), on peut désormais rénover le parc social. Mais les outils pour traiter les copropriétés dégradées restent cependant insuffisants. C'est la raison pour laquelle il faut dénoncer la position du Rassemblement national : si l'on se prive de ces nouveaux outils, ce problème ne sera pas traité et, au bout du compte, dans les quartiers rénovés où le logement social aura été rénové et la mixité sociale obtenue grâce aux opérations de démolition-reconstruction, ne resteront plus que des petits propriétaires, dans des immeubles dégradés, auxquels les collectivités n'auront pas les moyens de venir en aide. Ce que fait le Rassemblement national est scandaleux et trahit une méconnaissance totale de la situation de nos quartiers : ses représentants viennent de démontrer qu'ils étaient pour l'assignation à résidence.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 77
Nombre de suffrages exprimés 77
Majorité absolue 39
Pour l'adoption 12
Contre 65
L'amendement n° 5 n'est pas adopté.
L'amendement n° 127 de M. Guillaume Vuilletet, rapporteur, est un amendement de coordination.
L'amendement n° 127 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 72
Nombre de suffrages exprimés 72
Majorité absolue 37
Pour l'adoption 50
Contre 22
L'article 6, amendé, est adopté.
L'article 7 est adopté.
Sur l'article 7 bis, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
L'un des enjeux les plus importants des opérations de rénovation lourde et de démolition-reconstruction des immeubles – le fameux recyclage – concerne le relogement des résidents à titre temporaire. La solution trouvée en commission était de les héberger sur des terrains, souvent situés à proximité et destinés à un futur aménagement, attendu parfois depuis très longtemps, ayant fait l'objet d'autorisations de construction temporaire. Nous avions trouvé un équilibre en parlant d'hébergement « d'urgence » mais il nous est apparu plus précis, souple et efficace, à la réflexion, de parler d'hébergement « temporaire ».
L'amendement n° 130 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Stéphane Peu, pour soutenir l'amendement n° 172 , qui fait l'objet de deux sous-amendements.
J'ai expérimenté les hébergements temporaires dans ma vie d'élu local. À l'époque, le ministre Jean-Louis Borloo avait eu la bonne idée de relancer un dispositif prévu depuis fort longtemps par la loi. En 1987, le décret n° 87-149 avait fixé les conditions minimales de confort et d'habitabilité auxquelles doivent répondre les locaux mis en location. L'amendement permettrait d'y faire référence, afin d'encadrer les hébergements temporaires.
La parole est à Mme Sylvie Bonnet, pour soutenir le sous-amendement n° 359 .
Il vise à s'assurer que les constructions temporaires et démontables visées par l'article 7 bis permettront d'accueillir décemment les personnes délogées lors des opérations de lutte contre l'habitat indigne.
Le décret de 1987 et le sous-amendement de Mme Bonnet ajoutant la notion de « décence » concernent les relations locatives, les locaux mis en location. L'hébergement est encadré lui aussi : l'obligation d'assurer un hébergement décent est prévue par le code de la construction et de l'habitation, à l'article L 521-3-1 sur lequel s'appuient les arrêtés de police. Un décret peut tout à fait compléter les dispositions en vigueur, mais pas en faisant référence au décret de 1987 ni en introduisant la notion de décence : mon sous-amendement vise donc à limiter la rédaction de l'amendement à la seule mention d'un décret.
Sous réserve de son adoption, j'émettrai un avis favorable sur l'amendement n° 172 .
Le sous-amendement n° 359 n'est pas adopté.
Le sous-amendement n° 373 est adopté.
L'amendement n° 172 , sous-amendé, est adopté.
Il s'agit de renforcer l'implication du maire dans la dispense d'autorisation d'urbanisme, prévue au titre 1er de l'article 7 bis, pour les constructions temporaires – dont l'implantation ne dure pas plus de cinq ans –, lorsque l'hébergement proposé répond à l'objectif de relogement ou d'hébergement des personnes délogées à la suite d'une opération de renouvellement urbain ou de lutte contre l'habitat indigne. Nous avions modifié la rédaction de l'article en commission en utilisant la notion d'« avis » préalable du maire. Il faudrait plutôt parler d'« accord » préalable du maire – mon amendement est donc quasiment rédactionnel. Le maire doit en effet pouvoir s'assurer que l'ensemble des services sont mobilisés autour de ces quartiers où des populations vont habiter des constructions temporaires. Cela ne peut se faire sans son avis favorable, c'est-à-dire son accord.
Votre modestie va trop loin, monsieur Bazin, car votre amendement n'est pas que rédactionnel. Il a son importance. On ne peut pas faire sans les maires, je suis d'accord, d'autant plus que pour des raisons de géographie administrative, il peut arriver que les terrains concernés soient à cheval entre deux communes. J'émettrai donc un avis favorable. Tout cela doit se faire en bonne complicité.
Même avis : c'est juste, proportionné et cela envoie un bon signal aux élus locaux, sans créer un pouvoir de police aussi lourd que celui évoqué précédemment. Ce serait un signe de confiance particulièrement utile et précieux dans le cadre de ce dispositif.
L'amendement n° 33 est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 69
Nombre de suffrages exprimés 62
Majorité absolue 32
Pour l'adoption 62
Contre 0
L'article 7 bis, amendé, est adopté.
La parole est à Mme Christine Engrand, pour soutenir l'amendement n° 6 .
Nous ne comprenons pas très bien les intentions du Gouvernement s'agissant de la création d'une base de données des DPE des copropriétés.
Alors que sa politique du logement est fondée sur les diagnostics de performance énergétique, nous vous alertons de nouveau quant à la faible fiabilité de cet indicateur, à l'égard duquel les critiques se multiplient. Après les études de l'université de Cambridge et de la Cour des comptes, celle menée récemment par Hello Watt révèle que près de 70 % des notes de DPE attribuées aux logements seraient fausses. Nous ne cessons de vous alerter. Une politique s'appuyant sur ces DPE relève du carnage organisé. Cette politique a complètement désorganisé le marché immobilier, en interdisant de louer certains logements, avec, pour conséquence, une explosion de la vacance. Nous souhaitons que les DPE ne soient plus un critère de décence des logements. Vous persistez, quant à vous, dans cette voie. Continuez, vous allez droit dans le mur.
Puisque nous commençons l'examen de l'article 8, permettez-moi d'en repréciser les termes car je ne voudrais pas laisser croire qu'il concerne uniquement les DPE, outil au sujet duquel vous témoignez manifestement d'un problème de compréhension, sinon d'acceptation.
L'article 8 concerne les données qui doivent être recensées par le registre national d'immatriculation des copropriétés. Il renvoie la définition précise des données principales à un décret en Conseil d'État : elles comprendront, outre le projet de plan pluriannuel de travaux – le fameux PPT –, le diagnostic technique global – déjà demandé – ainsi que le diagnostic de performance énergétique afin de pouvoir mesurer, notamment, la réalité effective de transformation du bâti. Bénéficier de diagnostics détaillés de l'état des immeubles permettra d'adapter les dispositifs de prévention dans les secteurs les plus fragiles ou les plus soumis aux aléas.
Le principe de l'article 8 étant posé, vous proposez de le supprimer.
Ce n'est pas la mesure la plus adaptée. L'article 8 vise à « délégaliser » la définition du contenu du registre national d'immatriculation des copropriétés, en la confiant au pouvoir réglementaire. Par conséquent, vous vous trompez de débat lorsque vous ciblez spécifiquement le DPE.
J'aurai l'occasion d'y revenir puisque nous examinerons ultérieurement un autre de vos amendements qui a trait à cette question. Avis défavorable.
M. Éric Bothorel applaudit.
Mêmes causes, mêmes effets. Tout l'enjeu du registre national est de nous permettre de disposer d'un maximum d'informations afin d'établir la « carte d'identité » des copropriétés et d'améliorer les connaissances. Inclure dans ces informations l'outil qui nous permet de mesurer le chemin à parcourir en matière de rénovation énergétique, c'est regarder en face le dérèglement climatique, lequel n'est pas exagéré par les experts du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) mais correspond à une réalité.
Monsieur le ministre, il est vrai que, sans données, il est difficile de mener une politique efficace. Mais, une fois que celles-ci auront été recensées, la question se posera de savoir ce que l'on en fait. Ainsi, les collectivités chargées de la compétence habitat seront-elles, le cas échéant, tenues de réagir aux difficultés dont elles auront connaissance ? Il peut apparaître comme nécessaire, par exemple, de mener une opération programmée d'amélioration de l'habitat et de renouvellement urbain, une Opah-RU.
Et l'État suivra-t-il ? De fait, il existe encore des intercommunalités qui n'ont pas le droit de réaliser de telles opérations. Si demain, on recense des copropriétés qui doivent faire l'objet d'une Opah-RU, l'État débloquera-t-il les moyens nécessaires ?
Se pose par ailleurs la question de l'actualisation. Les diagnostics, c'est bien, mais ce qui compte surtout, ce sont les travaux ! Ceux-ci feront-ils l'objet d'un suivi ? Il conviendrait peut-être de compléter le texte au cours de la navette de manière à éviter que le dispositif ne donne une vision erronée, parce que très statique, des choses. De fait, beaucoup de diagnostics vont être effectués à la même période. Or, encore une fois, ce qui compte, c'est le suivi, sans quoi le registre deviendra rapidement inopérant. C'est un véritable enjeu.
Je vais vous répondre rapidement pour vous expliquer l'état d'esprit dans lequel nous sommes. Je suis absolument convaincu que si nous voulons accélérer la rénovation énergétique, nous devons la confier aux collectivités territoriales. Je ne peux pas être plus clair !
J'ai évoqué la question de la délégation des aides à la pierre. Le jour où l'on a permis aux territoires d'exercer cette compétence, on a constaté, dans ceux d'entre eux qui s'en sont saisis, une accélération des opérations. Des objectifs étaient fixés et des budgets alloués par l'État, ceux des territoires qui n'atteignent pas ces objectifs devant renoncer à la compétence au profit de l'État.
Demain, si nous avons des opérateurs de proximité, si les mairies annexes font la publicité des dispositifs, si les artisans sont labellisés par des organismes consulaires de proximité, nous serons en mesure d'animer un tissu et d'avancer.
Non seulement le registre permettra de savoir ce qu'il est possible de faire, mais il évitera également d'alourdir les procédures. Car, si vous craignez que les données ne deviennent obsolètes, ma préoccupation est d'éviter que l'on demande une seconde fois des informations dont on dispose déjà.
À l'instar du recensement, qui consiste à vous poser quelques questions qui n'auront pas de conséquences immédiates sur le démarchage dont vous ferez l'objet, le registre national permettra, s'il est le plus complet possible, de repérer les besoins, d'évaluer les sommes à mettre en face ou de déterminer la manière de les satisfaire.
Dans la perspective de la décentralisation, nous pourrons, au carrefour de la transition écologique et de la cohésion des territoires, donc en tenant compte des enjeux en matière de logement et de transport, mener une véritable politique avec les élus locaux.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
L'amendement n° 6 n'est pas adopté.
L'amendement n° 280 , ayant reçu un avis défavorable du Gouvernement, est retiré.
L'amendement n° 64 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Michèle Martinez, pour soutenir l'amendement n° 101 .
Le classement ou l'inscription d'un bâtiment au titre des monuments historiques est une caractéristique technique importante. Elle doit donc faire partie intégrante du registre tenu par les syndicats de copropriétaires, afin d'assurer la parfaite information des actuels et futurs copropriétaires ainsi que des services et autorités compétents.
Une telle inscription garantit la prise en compte de la qualité exceptionnelle du bâti lorsque des travaux sont envisagés et permet d'en préserver le caractère historique.
Défavorable. Je ne voudrais pas que, par cet amendement, vous laissiez croire que nous n'aurions pas, dans ce projet de loi, le souci de protéger le patrimoine remarquable présent dans nos bourgs, nos villages. C'est, pour nous tous, une priorité.
Il arrive qu'il faille réhabiliter de l'habitat dégradé dans un centre ancien protégé. À Marseille, par exemple, c'est le cas dans le quartier du Panier, où nous produisons du logement social. Ce qu'il importe de savoir, c'est que des réhabilitations de ce type ont un surcoût qui doit être financé. C'est pourquoi elles sont parfois subventionnées – pour ne pas dire sur-subventionnées – de manière à équilibrer économiquement l'opération.
Au-delà du message que vous tentez de faire passer, il faut en revenir à l'essence de l'article 8, qui a pour objet de « délégaliser » le contenu du registre et ainsi d'éviter de produire des dispositions législatives qui pourraient se révéler contraires à l'objectif du dispositif.
Sur la préservation du patrimoine, nous allons tous nous retrouver. Soit le bâtiment est inscrit ou classé, et il est inutile de le mentionner dans le registre des copropriétés car les textes relatifs à la protection du patrimoine s'appliquent de facto ; soit il ne l'est pas, et le fait de considérer que le bâtiment recèle une qualité architecturale ou patrimoniale relève d'une appréciation purement subjective. Avis défavorable, donc.
Sur le fond, la préservation du patrimoine est un des éléments sous-jacents du projet de loi.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 57
Nombre de suffrages exprimés 54
Majorité absolue 28
Pour l'adoption 7
Contre 47
L'amendement n° 101 n'est pas adopté.
Sur le vote de l'article 8, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
L'amendement n° 331 du Gouvernement est rédactionnel.
L'amendement n° 331 , accepté par la commission, est adopté.
La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour soutenir l'amendement n° 113 .
Par cet amendement, nous proposons que le syndic de copropriété ait l'obligation de faire figurer au registre toute alerte concernant notamment la sécurité ou la salubrité des parties communes des immeubles constituant la copropriété, ce qui permettrait aux services de l'État et aux collectivités territoriales de mieux mettre en œuvre les dispositifs de repérage et d'accompagnement des copropriétés en difficulté.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable. L'amendement me paraît en effet satisfait…
…par le projet de loi puisque le 2
Nous nous accordons sur l'enjeu, mais l'amendement est rédigé de telle manière qu'il suffirait qu'un copropriétaire fasse un signalement à la suite d'un conflit de voisinage pour qu'il soit inscrit dans le registre. Les informations visées ne sont pas suffisamment caractérisées pour éviter que l'on ne se retrouve avec une liste des conflits de voisinage, dont on sait qu'ils existent, hélas ! dans une copropriété. L'intention est louable, mais la rédaction nous emmènerait beaucoup trop loin. C'est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer l'amendement.
Je comprends, mais je ne retirerai pas l'amendement car je n'en suis pas l'auteur.
L'amendement n° 113 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour soutenir l'amendement n° 115 .
Il s'agit de compléter l'article 8 par l'alinéa suivant : « La liste des données devant figurer au registre est fixée par décret. »
Le décret est déjà prévu. L'amendement est donc satisfait. C'est pourquoi je vous demanderai de bien vouloir le retirer. À défaut, avis défavorable.
L'amendement n° 115 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 56
Nombre de suffrages exprimés 50
Majorité absolue 26
Pour l'adoption 50
Contre 0
L'article 8, amendé, est adopté.
M. Inaki Echaniz applaudit.
Prochaine séance, demain, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Suite de la discussion du projet de loi relatif à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement.
La séance est levée.
La séance est levée à minuit.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra