La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Suite de la discussion d'une proposition de loi
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi visant à lutter contre l'inflation par l'encadrement des marges des industries agroalimentaires, du raffinage et de la grande distribution et établissant un prix d'achat plancher des matières premières agricoles (n° 1776, 1905).
Il vise à rendre obligatoire la publication du rapport de l'Observatoire de la formation des prix et des marges (OFPM). Cet amendement, qui n'est pas simplement rédactionnel, devrait faire consensus puisqu'il affirme la nécessité d'une plus grande transparence de la part des industriels, afin d'apporter aux Français davantage de clarté sur les prix.
La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, pour donner l'avis de la commission.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme, pour donner l'avis du Gouvernement.
Comme je l'ai souligné ce matin, le Gouvernement est favorable à l'accroissement du rôle de l'OFPM, qui publie déjà un rapport annuel sur les prix et les marges. Nous lui avons demandé par ailleurs de renforcer la transparence sur les marges. Votre amendement étant satisfait, je vous invite à le retirer ; à défaut, j'émets un avis défavorable.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 97
Nombre de suffrages exprimés 97
Majorité absolue 49
Pour l'adoption 89
Contre 8
L'amendement n° 22 est adopté.
L'objectif est de préciser la fréquence de publication du rapport de l'Observatoire, qui pourrait être trimestrielle. Il serait ainsi obligé non seulement de publier son rapport mais aussi de le faire de manière régulière, selon une périodicité définie. Une fois de plus, nous devrions être d'accord, monsieur Potier, sur un amendement de consensus susceptible de réunir aussi bien la NUPES que la majorité. Nous voulons davantage de transparence et ce, de manière régulière, je le répète.
Même avis.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 104
Nombre de suffrages exprimés 104
Majorité absolue 53
Pour l'adoption 103
Contre 1
Il vise à sécuriser davantage les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) françaises, tout en respectant le secret des affaires.
Nous souhaitons plus de transparence sur les marges réalisées par les industriels ; eux-mêmes le réclament également. En effet, au cours de nos auditions, les industriels nous ont expliqué qu'ils ne sont pas ceux qui réalisent des marges excessives. Pourtant, elles existent bel et bien. Apporter plus de transparence, c'est permettre aux industriels qui ne réalisent pas de marges excessives, tels que les belles PME françaises, de prouver qu'elles ne se font pas du beurre sur le dos des consommateurs ; c'est aussi permettre de mieux cerner l'origine de ces marges, pour les rendre ensuite aux Français.
Cet amendement propose donc de maintenir le secret des affaires afin de ne pas créer de déséquilibre pour nos entreprises, sans nuire pour autant au besoin accru de transparence que l'OFPM garantira, grâce à la publication de son rapport rendue obligatoire et trimestrielle.
Cet amendement est purement rédactionnel, car la proposition figurait déjà dans le texte. Avis favorable, cependant.
Avis favorable.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 120
Nombre de suffrages exprimés 120
Majorité absolue 61
Pour l'adoption 120
Contre 0
L'amendement n° 27 est adopté.
Je vous informe que sur les amendements n° 44 et 31 , je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public et que sur l'article 2, je suis saisie par les groupes Renaissance et La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
L'amendement n° 44 de M. Jiovanny William est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
L'idée de favoriser un travail conjoint entre l'OFPM et les observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR) dans les outre-mer est bienvenue. Je rappelle néanmoins que le fonctionnement de ces derniers est très différent de celui de l'OFPM, en ceci qu'ils sont financés par le ministère des outre-mer et n'ont pas de capacité d'analyse en propre. En effet, ils externalisent leur production d'études à des cabinets privés, ces études étant ensuite rendues publiques. Par ailleurs, leur domaine d'intérêt ne se limite pas à l'alimentaire.
Il s'agit d'un amendement de bon sens, qui n'impose pas une charge supplémentaire puisque l'association des OPMR se ferait sur la base du volontariat. Toutefois, vous le savez, nous sommes opposés à l'article 2 ; en cohérence, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée sur cet amendement.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 145
Nombre de suffrages exprimés 145
Majorité absolue 73
Pour l'adoption 144
Contre 1
L'amendement n° 44 est adopté.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 31 de M. Jiovanny William est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Contrairement au précédent, cet amendement impose une obligation, et donc une charge supplémentaire, aux OPMR qui, je le rappelle, n'obéissent pas aux mêmes règles que l'OFPM. Il aurait été préférable, comme dans l'amendement précédent, de prévoir la possibilité pour ce dernier d'intégrer les résultats des contrôles des marges réalisés par les OPMR dans son rapport, plutôt que d'en faire une obligation. Avis défavorable.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 161
Nombre de suffrages exprimés 161
Majorité absolue 81
Pour l'adoption 97
Contre 64
L'amendement n° 31 est adopté.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 166
Nombre de suffrages exprimés 161
Majorité absolue 81
Pour l'adoption 111
Contre 50
L'article 2, amendé, est adopté.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES, dont certains députés se lèvent, ainsi que sur quelques bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES.
Je vous informe que sur l'amendement n° 8 , je suis saisie par les groupes Rassemblement national et La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public, de même que sur le sous-amendement n° 69 , par le groupe Renaissance.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 8 , portant article additionnel après l'article 2, et qui fait l'objet des sous-amendements n° 62 , 67 , 63 , 64 et 69 de M. Alexis Izard, du sous-amendement n° 55 de M. Grégoire de Fournas et des sous-amendements n° 68 , 65 et 66 de M. Alexis Izard.
Permettez-moi d'observer qu'entre la levée à treize heures et la reprise de nos travaux à quinze heures est apparue, comme par magie, une dizaine de sous-amendements rédactionnels supplémentaires…
Manifestement, il n'y avait pas de problème de rédaction ce matin, mais il y en a cet après-midi.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Cet amendement vise à introduire, d'une part, un dispositif d'encadrement des marges réalisées par l'industrie agroalimentaire, qui entrerait en vigueur au 1er janvier 2024 pour une durée d'an et, d'autre part, un dispositif pérenne qui pourrait être activé dès lors que la variation des indices de prix ferait apparaître l'existence de marges abusives dans la transformation agroalimentaire.
Ce dispositif impliquerait que les marges ne puissent pas excéder la moyenne des marges réalisées au cours des dix années précédentes. Pour répondre aux critiques formulées ce matin par Mme la ministre déléguée, je rappelle qu'il n'est pas prévu que les PME soient concernées par cette proposition, qui ne s'appliquerait qu'aux grands groupes industriels, c'est-à-dire à ceux qui ont réalisé, dans la période qui vient de s'écouler, les marges extraordinaires que nous dénonçons depuis ce matin.
M. Adrien Quatennens applaudit.
La parole est à M. Alexis Izard, pour soutenir le sous-amendement n° 62 .
Il s'agit d'un sous-amendement rédactionnel qui vise à substituer aux mots : « Dès lors qu'il est constaté que », le mot : « Lorsque », afin de limiter l'inflation législative et de formuler des phrases plus directes et plus claires.
Également rédactionnel, il prévoit de compléter l'alinéa 2 par les mots : « de produits de grande consommation », afin de préciser les produits visés par l'article additionnel proposé par le rapporteur.
La parole est toujours à M. Alexis Izard, pour soutenir le sous-amendement n° 63 .
Nous cherchons, une fois encore, à clarifier la proposition de M. le rapporteur, en supprimant les mots : « d'activité ».
Il s'agit de corriger une erreur du rapporteur portant sur la référence citée. J'imagine donc que vous le voterez.
La parole est à M. Grégoire de Fournas, pour soutenir le sous-amendement n° 55 .
Permettez-moi de vous dire, monsieur Izard, que vous n'êtes pas à la hauteur de l'enjeu que représente ce texte.
Vous auriez pu vous contenter d'annoncer que ces amendements étaient défendus, sans perdre de temps à les présenter.
À la suite des auditions, vous avez introduit dans votre texte, monsieur le rapporteur, une différenciation entre les multinationales et les PME. Je note que la formulation retenue est la même que celle que je proposais dans mes amendements, déposés avant les vôtres. J'en conclus qu'ils étaient bien pensés, puisque vous vous en êtes largement inspiré.
Je propose d'aller plus loin et d'écarter les PME françaises du champ du dispositif d'encadrement des marges. Faisons un peu de préférence nationale et privilégions les entreprises françaises par rapport aux entreprises étrangères.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
J'émettrai un avis défavorable sur tous les sous-amendements introduits après la séance de ce matin, parce qu'ils ne sont manifestement pas indispensables, ainsi que sur celui de M. de Fournas : même si je peux comprendre l'intention, je crains que ce dispositif soit contraire au principe constitutionnel d'égalité.
Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement et les sous-amendements ?
Sur l'amendement n° 8 , je ne reviendrai pas sur les raisons pour lesquelles l'intervention de l'État n'est pas justifiée. Mais cet amendement pourrait par ailleurs entraîner des effets pervers. Harmoniser les taux de marge à une échelle aussi large que celle du secteur agroalimentaire empêcherait la prise en compte du savoir-faire, de l'attractivité, de la dimension immatérielle des produits et de leur image de marque.
Ce nivellement par le bas aurait donc un impact négatif sur la qualité et un effet désincitatif pour l'investissement, au moment où les entreprises doivent investir massivement, dans la transition écologique notamment. Il déclencherait un cercle vicieux, conduisant à une raréfaction et à une diminution de la qualité de l'offre. L'uniformisation serait d'autant plus forte du fait de l'alignement horizontal sur le plafond, lequel est dénué de justification économique.
Ce type d'encadrement général n'aurait pas d'impact positif structurel notoire sur l'accès des populations les plus précaires à des produits à bas prix, quand bien même il exclurait les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 350 millions d'euros. J'émettrai donc un avis défavorable sur cet amendement.
Je rappellerai toutefois, car je sais que les parlementaires aiment la précision – c'est une qualité –, qu'à l'occasion de mon intervention dans la discussion générale, je mentionnais qu'à l'article 2 du texte original de M. le rapporteur, avant son examen en commission, il n'y avait pas l'ombre d'une exclusion des petites et moyennes entreprises. En revanche, je constate que votre position a évolué depuis ; les députés du groupe RN ont d'ailleurs proposé un amendement tendant à exclure les PME du champ du dispositif – précision qui, je le répète, n'était pas présente dans le texte initial du rapporteur.
S'agissant des sous-amendements rédactionnel, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.
Quant au sous-amendement de M. de Fournas, il tend, au nom de la préférence nationale, à exclure du dispositif les PME et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) dont le siège social est en France et dont le chiffre d'affaires est supérieur à 350 millions d'euros. Or de nombreuses multinationales ont leur siège social en France, de telle sorte que le distinguo fondé sur la localisation du siège social ne serait pas excluant à l'endroit des entreprises que vous visez.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
C'est une simple remarque du Gouvernement, qui a encore le droit d'en faire, je crois. Avis défavorable sur le sous-amendement n° 55 .
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
J'ai deux arguments faire valoir pour essayer de convaincre nos collègues de l'absurdité d'un tel mécanisme.
Le premier est son côté kafkaïen. Je lis un extrait de l'amendement : « […] le pouvoir réglementaire fixe sans délai, et pour une durée déterminée qui ne peut être supérieure à un an, un coefficient multiplicateur maximum entre, d'une part, le prix d'achat de matières premières agricoles et alimentaires et des produits agricoles et alimentaires, de l'énergie, du transport et des matériaux entrant dans la composition des emballages des produits concernés, la masse salariale et les impôts de production, et d'autre part, leur prix de vente au distributeur. Un coefficient multiplicateur maximum est fixé pour chaque secteur d'activité de l'industrie agroalimentaire. Il ne peut être supérieur au taux de marge moyen au cours des dix dernières années pour lesquelles cette donnée est disponible dans le secteur d'activité considéré. » Chers collègues, pardonnez-moi, même dans un système d'économie administrée qui semble avoir votre faveur, je ne sais absolument pas comment les services et les administrations pourraient appliquer d'un tel dispositif… On marche sur la tête.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous avez lu votre texte sur le bouclier tarifaire ?
Est-ce ainsi que nous allons, demain, fixer les prix et les marges dans notre pays,…
…avec des coefficients multiplicateurs lissés sur dix ans, activité par activité, déterminés par le Gouvernement ? C'est cela votre modèle économique ?
Mon deuxième argument est de nature patriotique. En effet, un tel contrôle ne peut être opéré que sur des entreprises dont on connaît les marges, les coûts, la décomposition du compte de résultat et du bilan. Il est donc absolument impossible d'effectuer de tels contrôles sur les entreprises étrangères. Ce n'est possible que pour les groupes français. Les centrales d'achat, les supermarchés achèteront donc, par exemple, des produits fabriqués en Italie – des pâtes, ou du risotto. Et nous ne serons pas capables de contrôler les marges des fournisseurs puisqu'ils ne sont pas basés en France. Vous n'aurez donc pas accès à leurs comptes de résultat.
Vous allez donc embêter des entreprises françaises dont le siège social est en France, qui déposent des comptes en France, en leur infligeant un coefficient multiplicateur avec un lissage sur dix ans.
En revanche, les entreprises dont nous importons les produits, elles, pourront sans problème définir leurs marges comme elles le souhaitent. Où est la cohérence patriotique d'un dispositif qui tend à pénaliser des groupes français basés en France, tandis qu'il ne permet aucun contrôle sur les importations des entreprises étrangères ? Cet amendement antipatriotique aurait donc pour effet de dégrader la production industrielle en France.
Pour ces deux raisons, j'émets à titre personnel – mais la commission des affaires économiques a clairement exprimé un avis similaire – un avis très défavorable, monsieur le rapporteur, aux dispositions que vous proposez.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. Jean-Paul Mattei applaudit également.
Madame la ministre déléguée, non seulement vous ne cessez de confondre les différentes versions du texte et avez l'air un peu perdue, mais vous n'avez pas compris mon amendement, lequel revient à conjuguer deux conditions : celle du siège social en France et celle du chiffre d'affaires. Ce n'est pas l'un ou l'autre, ce sont les deux, contrairement à ce que vous venez d'affirmer.
J'en suis surpris, monsieur le président de la commission, mais pour une fois, vous n'avez pas complètement tort.
Exclamations sur les bancs du groupe RE.
En effet, ce qui manque en réalité dans cette proposition de loi, c'est justement des mesures pour s'attaquer aux importations – j'avais déjà souligné ce point en commission. Cela dit, malgré les propos que vous avez pu tenir en commission mixte paritaire sur la récente loi portant mesures d'urgence pour lutter contre l'inflation, vous avez quand même voté un dispositif sur le chiffre d'affaires consolidé pour l'application duquel nous aurons également beaucoup de difficulté à accéder aux données.
Vous l'avez accepté, cependant. Monsieur le président de la commission, là où il y a une volonté, il y a un chemin.
Cessez de répéter qu'on ne peut rien faire. En réalité, vous dites cela parce que vous refusez de remettre en question vos certitudes idéologiques. Quand il y a un problème, il faut savoir le résoudre et, dans ce but, trouver des solutions.
Nous avons, en France, de nombreuses et belles entreprises exportatrices : 25 % des salariés français travaillent pour des secteurs qui exportent, fort heureusement. Si vous forcez une entreprise à vendre son produit à un prix déterminé, elle préférera l'exporter, puisqu'elle pourra ainsi le vendre plus cher à l'étranger.
En procédant ainsi, vous organisez de la pénurie en France. Le président Kasbarian a expliqué tout à l'heure pourquoi, dans tous les pays du monde où la solution que vous proposez a été expérimentée, elle a toujours rencontré un échec : évidemment, dans ces circonstances, la production part à l'étranger !
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Cette proposition de loi un texte contre la souveraineté française, contre les Français, auquel nous nous opposerons.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.– M. Laurent Croizier applaudit également.
Monsieur de Fournas, ce n'est pas parce que, par respect pour le Parlement, et d'autant plus dans le cadre d'une niche parlementaire, je laisse chacun des députés ici présents s'exprimer le plus librement possible et porter ses convictions…
…que je suis une ministre perdue, et encore moins une ministre qui ne suit pas les débats. De telles remarques personnelles relatives à mon attitude sont malvenues. Je maintiens, monsieur, si vous avez eu un trou de mémoire, que mes propos sont justes…
…et qu'à l'origine, lors du dépôt de cette proposition de loi, aucun distinguo n'était effectué entre les entreprises. Je maîtrise mon sujet, je vous remercie.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et quelques bancs du groupe Dem.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 202
Nombre de suffrages exprimés 199
Majorité absolue 100
Pour l'adoption 112
Contre 87
Le sous-amendement n° 69 est adopté.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Le sous-amendement n° 65 est adopté.
Le sous-amendement n° 66 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 206
Nombre de suffrages exprimés 206
Majorité absolue 104
Pour l'adoption 117
Contre 89
L'amendement n° 8 , sous-amendé, est adopté.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES, dont certains membres se lèvent.
L'amendement n° 33 , accepté par la commission, repoussé par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement n° 30 , accepté par la commission, repoussé par le Gouvernement, est adopté.
Je suis saisie de plusieurs demandes de scrutin public : sur le sous-amendement n° 7 , par les groupes Rassemblement national et La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale ; sur le sous-amendement n° 56 , par le groupe Rassemblement national.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 7 , qui fait l'objet de plusieurs sous-amendements.
Nous avons adopté à l'instant un dispositif pour encadrer les marges dans l'industrie agroalimentaire. .
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et quelques Écolo – NUPES
Nous voulons maintenant l'étendre aux activités de raffinage du carburant.
Les marges des raffineurs ont augmenté de manière significative au cours de l'année 2023, de façon totalement déconnectée par rapport à l'évolution des cours du pétrole brut. L'objet de cet amendement est d'empêcher ce type de situation.
…prévoyant de rendre public le détail du prix du carburant afin que les consommateurs puissent, entre autres, prendre conscience du poids des taxes dans sa composition. Il a cependant restreint son champ en ne retenant qu'une publication sur le site du ministère chargé de l'environnement. Nous souhaitons que celui-ci soit étendu : il doit comprendre un affichage dans les stations-service, comme pour la remise gouvernementale de 15 centimes. Ce dispositif simple accroîtrait la lisibilité des prix pour les consommateurs de carburant.
La parole est à M. Alexis Izard, pour soutenir le sous-amendement n° 71 .
Il précise que les manquements aux dispositions prévues dans l'article sont passibles de sanctions et détaille leurs modalités. J'imagine que vous serez favorable à cet ajout de bon sens.
Je suis favorable au sous-amendement rédactionnel n° 70 de M. Izard et défavorable à son sous-amendement n° 71 .
Comme je l'ai déjà indiqué en commission, je suis défavorable au sous-amendement n° 56 qui fait reposer la responsabilité de l'affichage sur des petites stations-service, ce qui compliquerait la mise en œuvre du dispositif.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement et les trois sous-amendements ?
Le dispositif proposé par M. Bompard dans l'amendement n° 7 prévoit un encadrement reposant sur des critères quantitatifs liés à l'évolution des prix. Formulés de manière assez approximative, ceux-ci ne permettent pas de caractériser une situation exceptionnelle justifiant une stricte réglementation des prix.
Cette forme de régulation n'est pas, selon nous, la façon la plus adéquate de parvenir à des marges modérées en période exceptionnelle d'inflation. Vous le savez, nous divergerons toujours sur l'approche consistant à faire intervenir l'État en permanence sur tous les marchés. Ce n'est pas son rôle, du moins ce n'est pas le rôle que le Gouvernement entend lui faire jouer.
À la suite de la réunion que la Première ministre a organisée sur les mesures de baisse de prix avec l'ensemble des acteurs du marché du carburant, réunion à laquelle j'étais présente à ses côtés, a été lancée une mission conjointe de l'Inspection générale des finances (IGF) et de l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD) portant sur la formation et la transparence des prix des carburants. Ses résultats seront rendus publics au mois de décembre.
Vous l'aurez compris, je suis défavorable à l'amendement n° 7 .
J'émettrai un avis favorable sur les sous-amendements n° 70 et 71 de M. Izard et défavorable sur le sous-amendement n° 56 de M. de Fournas. Si, en tant que ministre déléguée chargée de la consommation, je suis toujours favorable à l'amélioration de l'information des consommateurs, je m'interroge sur l'intérêt de votre proposition, monsieur de Fournas. Je ne vois pas très bien ce que leur apporterait le fait d'afficher le poids des taxes dans la composition du prix du carburant. Il s'agit de données publiques, connues de tous, consultables sur plusieurs sites gouvernementaux et partie intégrante du débat public.
Le sous-amendement n° 70 est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 217
Nombre de suffrages exprimés 212
Majorité absolue 107
Pour l'adoption 34
Contre 178
Le sous-amendement n° 56 n'est pas adopté.
Le sous-amendement n° 71 est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 221
Nombre de suffrages exprimés 217
Majorité absolue 109
Pour l'adoption 123
Contre 94
L'amendement n° 7 , sous-amendé, est adopté ; en conséquence, l'article 3 est ainsi rétabli.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES, dont certains députés se lèvent, ainsi que sur quelques bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES.
Sur l'amendement n° 6 et le sous-amendement n° 60 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 6 , qui tend à rétablir l'article 4. Il fait l'objet de plusieurs sous-amendements.
Il s'agit d'étendre au secteur de la distribution le dispositif d'encadrement des marges, en excluant toutefois les PME de ce secteur, selon les critères que j'ai détaillés en séance ce matin.
La parole est à M. Alexis Izard, pour soutenir le sous-amendement n° 72 .
La version initiale de la proposition de loi prévoyait la suppression de la majoration de 10 % du seuil de revente à perte, dit SRP + 10. Nous proposons de la réintégrer puisque le rapporteur ne l'a pas conservée dans la rédaction qu'il propose pour l'article 4. Rappelons que ce dispositif obligeant la grande distribution à réaliser une marge minimale de 10 % – lumineuse idée ! – s'est traduit, selon un rapport sénatorial, par une augmentation de 600 millions des marges de la grande distribution sans que les producteurs bénéficient d'un quelconque ruissellement.
Il s'agit, là encore, d'imposer des sanctions et de définir les modalités de contrôle des dispositions du présent article.
Avis défavorable sur les sous-amendements de M. Izard.
Pour ce qui est du SRP + 10, monsieur de Fournas, pour être tout à fait transparent avec vous, je demeure favorable à la remise en cause de ce dispositif. Toutefois, comme j'ai constaté, lors des auditions en commission, que sa suppression était contestée, je ne l'ai pas fait figurer dans la rédaction de l'article 4 que je propose dans l'amendement n° 6 .
M. Sébastien Delogu applaudit.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement et les sous-amendements ?
J'ai déjà indiqué que j'estimais que la mesure proposée par M. Bompard dans la rédaction de l'article 4 aurait des effets pervers, comme vient de le démontrer le président de la commission des affaires économiques. Elle ne prend en compte ni le savoir-faire, ni l'attractivité des produits et aurait à coup sûr des conséquences négatives sur l'exportation des produits à forte valeur ajoutée. L'uniformisation serait d'autant plus marquée qu'il y aurait un alignement horizontal sur le plafond.
Je ne m'attarderai pas sur les problèmes techniques que susciterait votre dispositif. Notons seulement qu'il prévoit la fixation d'un coefficient multiplicateur, à une condition, si « l'indice des prix à la consommation des produits alimentaires augmente davantage que l'indice des prix des produits agricoles à la production », tout en prévoyant l'application de ce coefficient dès le 1er janvier 2024 ! Le président de la commission me pardonnera si je le paraphrase : voilà de quoi rendre Kafka envieux. Vous comprendrez que j'émette un avis défavorable sur l'amendement n° 6 .
Sur les sous-amendements de M. Izard, mon avis sera favorable.
Quant à vous, monsieur de Fournas, l'encre la loi du 30 mars 2023 tendant à renforcer l'équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, dite loi Descrozaille, n'est pas encore sèche que vous revenez déjà dessus alors même qu'elle a été adoptée à l'unanimité.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – M. Laurent Croizier applaudit également.
Je vous laisse le plaisir d'aller expliquer que vous voulez supprimer le SRP + 10 qu'elle prolonge à nos agriculteurs, à la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), aux éleveurs qui sont, à raison, particulièrement attachés à ce dispositif. Sur votre sous-amendement, mon avis sera donc fortement défavorable.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. Laurent Croizier applaudit également.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
J'irai dans le même sens de Mme la ministre s'agissant du sous-amendement de M. de Fournas. Pour être honnête, je dois reconnaître que le rapporteur a pris en compte les observations formulées par les personnes auditionnées devant la commission. Quand il a constaté que tous les agriculteurs soulignaient que la suppression du SRP + 10 était une hérésie et qu'aucune organisation agricole ne la réclamait, et certainement pas les plus importantes, il en a conclu qu'elle ne devait plus figurer dans la rédaction de l'article 4.
Le Rassemblement national, lui, tient à cette suppression et je suggère à M. de Fournas d'aller, en sortant de l'hémicycle, expliquer aux agriculteurs et aux organisations agricoles quelle est votre position.
Vous verrez comme ils seront heureux ! En réalité, le seul qui sera heureux quand il connaîtra votre positionnement politique, ce sera Michel-Édouard Leclerc !
Car, qui défend la suppression du SRP + 10 ? C'est la grande distribution ! Et nous voyons bien que, comme lors de la discussion de la proposition de loi de Frédéric Descrozaille, ceux qui défendent les initiatives de M. Leclerc et de la grande distribution, ce sont les députés du Rassemblement national. En ce domaine, vous faites preuve de constance et de cohérence mais je peux vous assurer que les agriculteurs, eux, ne sont pas du même avis que vous !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Monsieur le président de la commission, vous avez oublié qu'un changement est intervenu depuis ce matin, puisqu'a été adopté l'article 1er de cette proposition de loi, qui garantit aux agriculteurs un prix d'achat couvrant les coûts de production. S'ils étaient opposés à la suppression du SRP + 10, c'est qu'ils avaient peur qu'elle se fasse sur leur dos, mais ce n'est plus possible désormais.
Votre remarque est donc totalement anachronique.
Vous vivez encore dans l'ancien monde alors que nous avons changé de monde.
La représentation nationale a enfin voté pour garantir aux producteurs des prix d'achat couvrant les coûts de production.
Notons, monsieur le rapporteur, que vous avez intégré dans votre amendement un dispositif rendant obligatoire pour la grande distribution de faire la transparence sur ses marges – ce qui fera très certainement plaisir à Michel-Édouard Leclerc, je le dis à M. le président de la commission. Ce dispositif, nous l'avions proposé en commission à travers un amendement contre lequel vous vous êtes prononcé. Je vois que vous l'avez repris mot pour mot. Autant reprendre directement le programme de Marine Le Pen,…
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La grande distribution doit des informations détaillées sur l'usage qu'elle fait du mécanisme du SRP + 10, car les consommateurs ont besoin de savoir comment elle en profite. Mais pourquoi réclamer sa suppression contre vents et marées ? Comment pouvez-vous raconter que le monde a changé depuis ce matin, monsieur de Fournas ? La prise en compte des coûts de production dans le prix d'achat, nous en avons débattu il y a des années – vous n'étiez pas alors député –, …
…au moment de discussion de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi Egalim.
Grâce à cette loi, à la loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs, dite Egalim 2, et à la loi citée par la ministre, dite Egalim 3, il existe désormais des dispositifs permettant de modifier le mécanisme de formation des prix.
Et si les industriels et les agriculteurs veulent unanimement préserver le SRP + 10, c'est que s'il était supprimé, les négociations débuteraient à moins 10 %. La structure des négociations entre acheteurs et fournisseurs est telle qu'elle profite à la distribution et esquinte toute la chaîne de valeur.
Faute d'informations,…
J'ai présenté un rapport d'information sur la rémunération des agriculteurs !
…ne surlégiférons pas et cessons de revenir tous les quatre matins vers les mêmes débats. Vous ne réinventez pas le monde en reprenant des discussions qui ont eu lieu il y a des années !
Le député Descrozaille a quasiment tout dit, je serai donc brève. Nous avons tous des velléités de changer le monde mais pour changer le monde, il faut d'abord que la navette parlementaire suive son cours. La proposition de loi doit aussi être examinée au Sénat et la rédaction adoptée à l'article 1er n'est pas gravée dans le marbre.
Et pourquoi lâcher la proie pour l'ombre ? Le mécanisme actuel du SRP + 10 est protecteur.
Le mécanisme de prix plancher de l'article 1er , quant à lui, n'est pas encore adopté et votre monde, monsieur de Fournas, n'est pas encore advenu.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 224
Nombre de suffrages exprimés 222
Majorité absolue 112
Pour l'adoption 34
Contre 188
Le sous-amendement n° 60 n'est pas adopté.
Le sous-amendement n° 74 n'est pas adopté.
Le sous-amendement n° 76 n'est pas adopté.
Protestations sur quelques bancs du groupe RN.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 226
Nombre de suffrages exprimés 226
Majorité absolue 114
Pour l'adoption 128
Contre 98
L'amendement n° 6 , sous-amendé, est adopté ; en conséquence, l'article est ainsi rétabli et l'amendement n°
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour soutenir l'amendement n° 47 .
L'amendement n° 47 est retiré.
J'appelle votre attention sur la situation de la filière bio qui, après avoir connu une forte croissance, traverse depuis deux ans des difficultés sans précédent.
Les produits bio sont les premiers à souffrir de la déconsommation. Ainsi, l'année dernière, les ventes ont baissé de 4,6 % en grande distribution et de 8,6 % en magasin bio spécialisé. L'augmentation des coûts de production ne fait qu'augmenter cette crise.
Ce recul absurde de l'agriculture biologique va à contre-courant de ce qu'imposent le dérèglement climatique et l'effondrement de la biodiversité. Il est donc impératif que la grande distribution cesse de réaliser des marges excessives sur les produits bio, comme elle le fait souvent pour rétablir ses marges globales après avoir diminué le prix de quelques produits conventionnels.
Il faut protéger la filière bio ; nous sommes plusieurs fois tombés d'accord sur ce point, notamment lors de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2024. Je vous invite donc à adopter cet amendement et à sonner ainsi la mobilisation générale pour sauver la filière.
Votre proposition rejoint l'article 6 de la loi 2023-221 du 30 mars 2023 visant à renforcer l'équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, qui prévoit la remise au Parlement d'un rapport gouvernemental étudiant la possibilité d'appliquer un encadrement des marges pratiquées par les distributeurs sur les produits sous signe officiel d'identification de la qualité et de l'origine (Siqo), dont les fruits et légumes bio. Je vous propose d'attendre la transmission, imminente, de ce rapport, qui nous donnera une vision objective de la situation, avant de prendre des mesures contraignantes.
Je suis donc défavorable à l'amendement, même si j'en comprends l'objectif. Je préfère attendre la remise du rapport, qui aura lieu dans les semaines qui viennent.
Madame la ministre déléguée, comme vous l'avez rappelé, le texte n'est qu'au début de son parcours législatif. Je préfère donc que l'amendement soit adopté dès maintenant, quitte à faire évoluer le dispositif après la remise du rapport.
L'amendement n° 46 rectifié est adopté.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Il vise à demander au Gouvernement la remise d'un rapport relatif à la modération des marges.
Tous les amendements restants qui portent article additionnel après l'article 4 sont des demandes de rapport. Personnellement, je pense qu'il convient d'agir plutôt que de rédiger des rapports.
« Oh ! » et rires sur les bancs du groupe RE.
Je leur donnerai donc un avis défavorable, à l'exception de l'amendement n°
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Un bilan du dispositif depuis sa mise en œuvre, tel que le propose M. Izard par cet amendement, peut être utile dans le contexte qu'on connaît. Avis favorable.
L'amendement n° 36 est adopté.
Il s'agit aussi d'une demande de rapport. M. le rapporteur juge que cela est inutile et qu'il vaut mieux agir. C'est presque vrai ; en fait, c'est ce que nous vous disons en permanence ! Nous pourrons reprendre cette capsule vidéo et vous la montrer la prochaine fois que votre groupe nous demandera des milliers de rapports sur tous les sujets imaginables.
Cependant, en l'espèce, la manière dont vous avez traité votre proposition de loi, que vous avez réécrite à plusieurs reprises, montre bien votre impréparation. Il semble donc utile de demander un rapport évaluant l'opportunité de proroger les accords de modération des marges, qui vous fournira la documentation nécessaire pour proposer dès la première lecture en commission – lors de votre prochaine niche, peut-être – un texte utile, efficace et applicable.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – M. Frédéric Mathieu fait mine d'applaudir.
Sagesse.
« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Depuis un an et demi, La France insoumise demande systématiquement une centaine de rapports par texte, en insistant sur la nécessité d'aller au fond des choses et de réunir davantage d'informations.
Aujourd'hui, vous défendez une proposition de loi dont nous vous expliquons qu'elle ne marchera jamais. Comme par hasard, cette fois-ci, vous ne voulez pas de rapport.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous ne voulez pas savoir comment fonctionnera le dispositif, ni surtout le contrôler. Je comprends bien quelle logique vous anime. Pour notre part, nous voulons savoir, et nous voterons donc l'ensemble de ces demandes de rapport.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
L'amendement n° 43 est adopté.
Sur l'ensemble de la proposition de loi, je suis saisie par les groupes Renaissance et La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Grégoire de Fournas, pour soutenir l'amendement n° 40 .
Je suis d'accord avec M. Maillard : il est anormal de vouloir bloquer ainsi les demandes de rapport, et je regrette l'attitude de M. le rapporteur.
L'amendement vise la remise au Parlement d'un rapport relatif à l'opportunité d'abaisser à 5,5 % le taux de TVA sur les carburants. Une telle mesure permettrait de renforcer rapidement le pouvoir d'achat des Français. Elle reviendrait, en somme, à considérer les carburants et autres dépenses énergétiques comme des produits de première nécessité.
Étant défavorable à l'encadrement des marges et à la baisse à 5,5 % de la TVA sur les carburants, le Gouvernement l'est aussi à cet amendement.
L'amendement n° 40 n'est pas adopté.
La parole est à M. Grégoire de Fournas, pour soutenir l'amendement n° 41 .
Il vise la remise au Parlement d'un rapport évaluant l'opportunité d'appliquer un taux de TVA de 0 % sur un panier de 100 produits de première nécessité. Madame la ministre déléguée, vous avez toujours nié l'efficacité de cette mesure, pourtant instaurée avec succès en Espagne et au Portugal. Permettez-moi de citer Le Monde – qui, vous me le concéderez, ne prêche pas pour notre paroisse –, qui a affirmé cet été que si l'inflation est passée sous les 2 %, c'est notamment grâce à la suppression de la TVA sur certains aliments.
Nous ne vous demandons pas de mettre en œuvre cette mesure dès maintenant, mais simplement de travailler à un rapport visant à en évaluer l'efficacité. C'est la moindre des choses qu'on puisse faire pour l'étudier sérieusement.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
L'amendement n° 41 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Grégoire de Fournas, pour soutenir l'amendement n° 42 .
Je le répète, l'angle mort du texte réside dans l'influence des importations de produits alimentaires sur l'agriculture française. L'amendement vise donc la remise d'un rapport évaluant l'impact qu'a sur notre agriculture l'augmentation constante des importations.
L'amendement n° 42 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 45 , accepté par la commission, repoussé par le Gouvernement, est adopté.
Il s'agit d'un amendement de précision peut-être optimiste, car lors de sa rédaction, j'espérais modifier le titre du texte de manière à refléter des mesures visant à offrir aux consommateurs davantage de transparence quant au fonctionnement de l'industrie et à faire baisser les prix en rayon. Au lieu de cela, nous avons, d'article en article, adopté des mesures de plus en plus populistes ,
« Populaires ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES
M. Frédéric Mathieu fait mine d'applaudir.
Si je maintiens cet amendement qui exprimait mon souhait de renforcer les prérogatives de l'Observatoire des prix et des marges des produits alimentaires, ce n'est malheureusement pas ce que contient le texte. Cependant, le cheminement législatif n'étant pas terminé, la proposition de loi sera examinée par le Sénat, où, peut-être, nos collègues sénateurs feront preuve de plus de clairvoyance…
…quant à ce que devrait être la transparence dans l'industrie agroalimentaire.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Les trois amendements visant à modifier le titre ne correspondant plus à la réalité du texte, je vous proposerai de les retirer. À défaut, avis défavorable.
Défavorable.
« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je trouve l'amendement intéressant, car la transparence des marchés est nécessaire au bon fonctionnement d'une économie de marché.
Je suis très frappé de constater que vous avez réinventé, avec cette proposition de loi, l'économie administrée à la française.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous avez agi dans la droite ligne de votre philosophie politique consistant à favoriser tout ce qui va à l'encontre de la croissance économique et contribue à la décroissance et tout ce qui va à l'encontre de l'emploi. Il en résultera une augmentation des prix. Davantage de transparence aurait mis en évidence ces vérités.
Madame la ministre déléguée, vous vous êtes rendue dans ma circonscription, il y a quelques jours, pour lancer les rencontres de la simplification. Eh bien, cette proposition de loi marque le triomphe de la complexification et de la complication !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
L'amendement n° 20 n'est pas adopté.
Il s'inscrit dans la même perspective que l'amendement n° 20 qui visait à donner à la proposition de loi un titre plus cohérent avec les dispositions auxquelles j'avais l'ambition que nous parvenions. Ce n'est pas le cas, mais comme je l'ai expliqué auparavant, le cheminement parlementaire permettra peut-être d'y arriver. C'est pourquoi nous le maintenons.
L'amendement n° 19 , repoussé par la commission et ayant reçu un avis de sagesse du Gouvernement, n'est pas adopté.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES
cet amendement témoigne de la même ambition, de la même volonté que les amendements précédents sur le titre : essayer de parvenir, à la fin du processus législatif, à des dispositions efficaces. Nous débattons d'une proposition de loi sur une question intéressante et qu'il est nécessaire de soulever. En effet, les Français sont à l'euro près ; de nombreuses personnes ont changé leurs habitudes de consommation. Nous avons donc besoin de mesures concrètes, plus que de titres racoleurs. S'il ne changera pas la face du monde, cet amendement éclairera les sénateurs lorsqu'ils étudieront cette proposition de loi.
Sagesse.
Le combat se termine.
Je regrette le comportement du rapporteur qui, depuis un quart d'heure, ne se lève plus pour répondre aux demandes des députés.
Mme Nadia Hai applaudit.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Venant de vous, monsieur le rapporteur général, c'est un peu fort de café !
Tout au long du débat, il n'a pas répondu aux questions. Pascal Lavergne a posé une question très claire : comment appliquer une proposition de loi aussi compliquée ? Le rapporteur n'a pas répondu.
Mme la présidente coupe le micro de l'orateur.
Votre intervention devait porter sur l'amendement, comme le dispose l'article 54 du règlement, or ce n'est pas le cas.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 18 n'est pas adopté.
Chers collègues de La France insoumise, vous êtes généralement favorables à la protection des agriculteurs et des PME.
Cependant, telle qu'elle est rédigée, votre proposition de loi supprime le SRP + 10 et ne protège donc pas les agriculteurs.
« C'est faux ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
En outre, elle n'encadre pas les marges sur les négociations à l'étranger. Vous écartez donc de nombreuses multinationales du champ de l'encadrement et vous ne protégez pas les PME.
La mission gouvernementale qu'a proposée la ministre déléguée permettra de dresser un bilan de l'application des lois Egalim et du SRP + 10, et plus largement d'observer la chaîne de valeur, de l'agriculteur au consommateur, ce qui correspond à votre souhait.
Cette proposition de loi dont nous n'avons débattu que quelques heures n'est pas à la hauteur des enjeux.
Il est donc nécessaire que nous prenions le temps de travailler dans le cadre de cette mission, afin d'élaborer un texte plus large, qui tiendra compte de ces enjeux.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem ainsi que sur quelques bancs des groupes RE, HOR et LIOT.
Au nom du groupe Horizons, j'affirme que, à l'issue des débats dans l'hémicycle, la proposition de loi s'est totalement éloignée de la rédaction retenue à l'issue de l'examen en commission.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
En effet, grâce à l'amendement CE 2 du député Les Républicains Julien Dive, la commission s'était accordée à renforcer la mission de l'Observatoire de la formation des prix et des marges.
Le débat sur cette proposition de loi porte en fait sur la question de la juste rémunération des agriculteurs, et plus particulièrement des éleveurs et des maraîchers, dont les nombreuses heures de travail ne sont pas, actuellement, rémunérées de manière juste.
L'autre question est celle du juste prix payé par le consommateur. Il faut expliquer aux consommateurs que le bon prix est un prix juste, adapté à la qualité du produit, et non un prix dévalué, comme le veulent certains acteurs de la distribution, dont les pratiques commerciales et la manière de mener les négociations sont très discutables.
C'est pour cette raison que nous devons poursuivre au niveau européen le travail qui a été accompli en France pour encadrer les discussions commerciales, pour plus de transparence et plus d'équité. Il faut en particulier éviter que les négociations se déroulent hors de nos frontières, voire hors de celles de l'Union européenne – parfois en Suisse.
Nous avons élaboré des outils : la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, l'Autorité de la concurrence, la commission d'examen des pratiques commerciales, l'Observatoire de la formation des prix et des marges, que nous voulions renforcer.
Un autre enjeu de nos discussions est de mettre fin à l'oligopole constitué par quelques centrales internationales qui, depuis trop longtemps, négocient en inflation et détruisent de la valeur au détriment des agriculteurs.
Le groupe Horizons s'opposera donc à cette proposition de loi telle qu'elle est rédigée à l'issue de nos débats.
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et Dem, ainsi que sur quelques bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Lors de la discussion générale, nous avions dit réserver notre position de vote en fonction de l'évolution du texte en séance publique.
C'est peu dire qu'il a évolué. Certaines dispositions adoptées vont dans le bon sens : le prix plancher pour les matières premières agricoles ,
M. Gabriel Amard et M. Gérard Leseul applaudissent
le renforcement des missions de l'Observatoire de la formation des prix et des marges, et surtout, l'amendement n° 30 du groupe LIOT qui instaure des accords de modération des marges.
Restent les articles sur l'encadrement des marges avec la philosophie desquels nous sommes en désaccord.
Nous voterons donc majoritairement contre la proposition de loi.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem. – « Oh ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Cette proposition de loi porte, je l'ai dit, sur un sujet très important : comment les Français feront-ils leurs courses ? Comment pourront-ils bien s'alimenter ? Finalement, lors du débat dans l'hémicycle, vous avez préféré des options populistes.
Or, vous l'avez remarqué, vous n'êtes pas les meilleurs populistes, car vous avez dû recruter un groupe qui est meilleur que vous dans ce registre !
L'orateur désigne les bancs du groupe RN.
La première rédaction de votre proposition de loi était à côté de la plaque : vous avez dû la réécrire intégralement après les auditions. Les agriculteurs vous ont dit : « Laissez sécher l'encre des lois Egalim 1, 2 et 3, et appliquez-les », mais vous avez répondu : « Plus de contrôle, plus de régulation. »
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Les industriels vous ont dit : « Si vous contrôlez les marges de cette manière, certains feront de belles marges tandis que d'autres en feront de plus petites et, à la fin, il y aura moins de produits dans les rayons. » Qu'avez-vous compris ? Plus de contrôle, plus d'administration.
Les raffineurs vous ont dit : « Les raffineries font déjà l'objet de contrôles ; si vous contrôlez les marges au lieu de nous laisser les fixer, nous fermerons les raffineries et nous irons faire le travail ailleurs. » Qu'avez-vous répondu ? Contrôle, administration !
M. Jean Terlier applaudit.
Vous préférez céder au chantage !
Finalement, la deuxième rédaction de votre proposition de loi a été balayée en commission, au profit d'une rédaction qui était intéressante, puisqu'elle donnait à l'Observatoire de la formation des prix et des marges les moyens de réaliser un contrôle et d'assurer davantage de transparence pour laver de tout soupçon les industriels français qui ne font pas d'abus sur leurs marges et mettre le doigt là où, en revanche, il y a un problème. Vous n'en avez pas voulu.
Que constate-t-on à l'issue de ce débat ? Vous ne l'assumez pas, mais M. de Fournas n'a eu de cesse de vous le dire :
Les députés du groupe LFI – NUPES décompte le temps restant à l'orateur : « Trois, deux, un… zéro !
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Pour écrire votre proposition de loi, vous avez eu besoin du groupe Rassemblement national pour améliorer votre texte populiste !
De nombreux députés du groupe RE se lèvent et applaudissent longuement. – Leurs applaudissements et les exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES couvrent la voix de l'orateur.
Vous avez voté, l'un après l'autre, les amendements qu'il vous proposait.
Pour toutes ces raisons, le groupe Renaissance ne votera pas ce texte populiste qui n'apporte aucune solution pour améliorer le pouvoir d'achat des Français.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR, où de nombreux députés sont debout. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous l'avons dit : l'inflation alimentaire que subissent les Français nous oblige à agir. La crise économique gravissime que traversent les agriculteurs nous oblige à agir !
Et c'est pour ça que vous allez voter pour le contrôle des prix et des marges ? Soyez sérieux !
Depuis sept ans, le Gouvernement et la majorité ont multiplié les lois Egalim dont le seul résultat a été d'aggraver l'augmentation du prix des aliments. Depuis des mois, ce gouvernement refuse d'agir efficacement pour protéger les Français de l'inflation qui les accable, qu'il s'agisse des produits alimentaires ou des carburants. Les Français nous demandent d'agir.
Tandis que toutes les oppositions ont cherché des solutions réellement efficaces, cette majorité se complaît dans l'imposture, dans la caricature, et dans une autosatisfaction indécente compte tenu de son bilan catastrophique.
Vous, les macronistes, êtes totalement dépassés par les événements. Au lieu d'avancer des arguments sérieux, vous avez préféré multiplier des invectives qui ne vous honorent pas.
Pire, votre position bornée vous a même conduit à soutenir Greenpeace et les Soulèvements de la Terre contre l'extrême gauche, ce que les agriculteurs apprécieront.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Face à la détresse des agriculteurs et des Français qui ne s'en sortent plus, le groupe Rassemblement national prendra ses responsabilités et votera cette proposition de loi. Ce qui restera dans les mémoires, c'est que nous aurons été les seuls à ne pas faire de sectarisme,…
…et que nous aurons, à chaque fois qu'il l'a fallu, voté toutes les mesures qui pourront aider les Français. Chers collègues de La France insoumise,…
…n'oubliez pas de dire que cette proposition de loi sera passée grâce aux voix du Rassemblement national.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Permettez-moi tout d'abord de saluer le travail de Julien Dive, à la fois en commission et dans l'hémicycle, même s'il a dû s'éclipser pour rejoindre sa circonscription.
La proposition de loi du groupe La France insoumise pose pour Les Républicains de nombreux problèmes.
« Ah ! » sur les bancs du groupe RE.
Tout d'abord, l'absence de clarté en ce qui concerne la méthode de vote et la représentation de chaque groupe lors de la formation d'un prix plancher soulèverait des doutes quant à l'équité des prix établis et ce dispositif pourrait se révéler défavorable aux agriculteurs.
Ensuite, le prix plancher fixé annuellement pourrait ne pas refléter les fluctuations rapides des coûts de production. Cela pourrait entraîner des pertes pour les agriculteurs en cas de hausse des coûts de production et, si au contraire ils diminuent, des prix excessifs pour les consommateurs.
En outre, cela pourrait aggraver le déséquilibre du rapport de forces dans la chaîne agroalimentaire. Les agriculteurs, qui, comme nous le savons tous, sont déjà en position de faiblesse, verraient leur pouvoir de négociation limité si cette proposition de loi était adoptée. En effet, il y a un risque que le prix plancher devienne un prix plafond, ce qui restreindrait leurs revenus.
Concernant l'encadrement des marges des industriels et de la grande distribution, nous critiquons le calcul de ces marges en pourcentage du coût de production. Cela inciterait les marques et les distributeurs à augmenter artificiellement leurs coûts pour réaliser une marge plus importante en valeur absolue, ce qui entraînerait potentiellement de l'inflation et des prix plus élevés encore pour les consommateurs.
Par conséquent, le groupe Les Républicains s'opposera à cette proposition de loi.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR et HOR.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 330
Nombre de suffrages exprimés 330
Majorité absolue 166
Pour l'adoption 162
Contre 168
La proposition de loi n'est pas adoptée.
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem, dont de nombreux membres se lèvent. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Je serai brève. Je note que, quand il s'agit d'ostraciser, de critiquer, de mettre dans le même panier les TPE, les PME et les grandes entreprises – car tel était, je le rappelle, le sens de la proposition de loi originelle –, il peut se former des alliances de circonstances dont tout le monde a pu être aujourd'hui témoin. Merci à la majorité présidentielle d'avoir été présente !
Les députés des groupes RE, Dem et HOR se lèvent et applaudissent.
Les agriculteurs en ont besoin.
Vous insistez sur la question de l'exportation. Mais vous leur préférez les importations et souhaitez que nous achetions à l'étranger ce que nous ne pouvons plus produire sur le territoire national.
…c'est qu'il y avait une majorité de députés à l'Assemblée nationale pour voter en faveur de l'instauration de prix planchers pour les produits agricoles.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
La deuxième, c'est que, ce matin et en début d'après-midi, il y avait une majorité de députés pour voter en faveur de l'encadrement des marges des industries agroalimentaires, des entreprises de raffinage et de celles de la grande distribution !
Mêmes mouvements.
La troisième démonstration, c'est que lorsque l'Assemblée nationale peut enfin voter en faveur des intérêts des Françaises et des Français,…
…vous passez des coups de téléphone et vous multipliez les manœuvres dilatoires pour revenir sur ces avancées historiques !
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC,dont de nombreux membres se lèvent, et sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Mais ces démonstrations vont résonner très loin. Tôt ou tard, dans ce pays, les prix seront bloqués ! Tôt ou tard, dans ce pays, les abus seront empêchés ! Tôt ou tard, dans ce pays, les captations faites par quelques-uns sur le dos du plus grand nombre vont cesser !
Mêmes mouvements.
Vous avez finalement réussi, par vos manœuvres, à revenir sur les votes que nous avons obtenus au cours de la journée, mais une telle situation ne durera pas bien longtemps ! Vous venez de le démontrer : les difficultés et les souffrances du peuple, vous n'en avez rien à faire ! Seuls comptent pour vous les intérêts de quelques acteurs économiques !
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
La parole est à Mme Clémence Guetté, rapporteure de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire.
La presse nous a confirmé ce matin ce que nous pressentions : ce gouvernement est prêt à tout pour passer en force.
On découvre ainsi que, depuis plusieurs années déjà, le Gouvernement promet une prime aux préfets qui réussiraient à faire construire suffisamment de mégabassines dans leur département.
Dans leur feuille de route, cela représente jusqu'à 3 000 euros en plus par an : de l'argent de poche pour les bons élèves de l'agrobusiness !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
En Isère, dans les Deux-Sèvres, dans la Vienne, en Vendée, il leur suffit de valider un maximum de retenues d'eau et ils empochent le pactole.
Je vous propose un détour par le pays qui, en Europe, est le champion des mégabassines. Imaginez un désert immense. Sur cette étendue de sable brûlant, la seule végétation est constitués de petits arbustes poussant au ras du sol. Nous sommes dans le désert des Bardenas en Aragon. Soudain, apparaissent d'immenses champs verts, parfaitement dessinés au milieu du paysage. Ce n'est pas un mirage, ni, évidemment, l'œuvre de la nature. Ici, l'homme tente de transformer le vide désertique en une région agricole prospère.
Pour rendre cela possible, des fleuves entiers ont été détournés ; les eaux des Pyrénées et de l'Èbre ont été canalisées ; d'immenses ouvrages ont accompagné cette tentative de domestication : des centaines de kilomètres de canaux, des réserves immenses, des barrages, des pompages ; et partout autour dans le pays, le chaos. En Andalousie, les agriculteurs n'ont déjà plus d'eau ; les réserves ne permettent plus de tenir un été entier. À Malaga, pour faire des économies, on coupe par intermittence la distribution d'eau à 100 000 habitants. En Catalogne, 7 millions d'habitants sont dans cette situation. Depuis la sécheresse historique d'avril, 3,5 millions d'hectares de terres agricoles sont devenus définitivement inexploitables, car désertiques : c'est 330 fois la taille de Paris.
Ce drame, c'est celui d'un pays voisin, qui n'a pas pris conscience à temps des conséquences du changement climatique et qui s'est massivement engagé dans une impasse : l'impasse dans laquelle vous voulez nous emmener aujourd'hui.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
L'heure est grave, puisqu'en France aussi, l'eau vient à manquer. Tout son cycle est bouleversé. Dans les Deux-Sèvres, on voit même les rivières couler à l'envers. Chaque été, la sécheresse s'étend ; chaque automne et chaque hiver, de violentes inondations ravagent des départements entiers. En conséquence, la ressource en eau renouvelable a déjà diminué de 14 % ; elle devrait encore décliner de 30 à 40 % d'ici 2050. Les restrictions d'usage – y compris agricole – sont de plus en plus longues et fréquentes.
Face à cela, on ne peut pas reprocher aux macronistes leur inaction. C'est vrai, ils agissent, ils s'agitent – toujours dans la mauvaise direction, comme le confirment les événements de ces dernières semaines. Dix ans de plus pour le glyphosate ! Dix ans de plus, avec la bénédiction de la France, pour l'empoisonnement des sols au profit des multinationales productrices de produits chimiques.
Dix ans de plus, contre l'avis de 70 % du peuple français. Au même moment, la loi d'orientation agricole se prépare. Une dérogation à l'objectif de baisse de 10 % des prélèvements pour l'agriculture y est prévue ; elle est pourtant la première activité consommatrice d'eau dans notre pays. Le ministre des lobbies de l'agro-industrie place les bassines au-dessus des lois et de la démocratie, en leur octroyant un rôle d'intérêt général majeur.
Dans ce contexte, le groupe La France insoumise – avec les associations et les syndicats agricoles engagés sur la question – propose d'appuyer sur « pause ». Un moratoire de dix ans sur les autorisations de construction des mégabassines, c'est une décision de sagesse.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Un rapport de la Cour des comptes nous a récemment alertés sur le fait que notre système d'information sur les prélèvements d'eau actuels ne permettait pas d'orienter correctement les décisions publiques. Autrement dit, nous ne sommes pas capables de décider si de grands ouvrages n'auront pas de répercussions trop négatives à l'avenir.
La multiplication des conflits sur les usages de l'eau nous donne une preuve supplémentaire qu'il est nécessaire de prendre le temps. À Caussade, dans le Lot-et-Garonne, une retenue gigantesque représentant l'équivalent de 245 piscines olympiques a été construite illégalement et sert toujours à irriguer de nouvelles surfaces agricoles. Au Testet, dans le Tarn, un projet de retenue concerne une zone humide située près de la tristement célèbre forêt de Sivens. À La Clusaz, en Haute-Savoie, un projet de retenue collinaire est défendu par les exploitants du domaine skiable qui veulent pouvoir alimenter leurs canons à neige grâce à une cinquième bassine.
Les macronistes, Les Républicains et le Rassemblement national ont refusé le débat en commission, préférant imposer le silence. Invoquant la confiance en d'obscurs cadres locaux de gouvernance, tout en arrosant les préfets pour encourager le déploiement national des bassines – comme on l'a découvert ce matin –, ils ont préféré déposer un unique amendement, tendant à supprimer le moratoire. Circulez, il n'y a rien à voir : pas de remise en cause d'un système agricole délétère, pas de débat possible sur le partage de l'eau.
Derrière les éléments de langage, j'ai pourtant entendu des doutes, qui sont partagés, et même majoritaires : les doutes des 70 % des Français qui soutiennent notre proposition de moratoire, les doutes des scientifiques et des agriculteurs eux-mêmes. Pourtant, certains vont jusqu'à tenter de faire croire que notre proposition de loi mettrait l'agriculture en péril. Un regard lucide sur la situation force cependant à un autre constat : les souffrances des agriculteurs sont dues à l'entêtement à laisser perdurer un modèle mortifère, qui leur impose une charge de travail de plus en plus importante, pour un revenu minime et un surendettement chronique, tout en les soumettant aux effets des produits chimiques et aux travaux pénibles.
Ce modèle des prélèvements d'eau à outrance – au profit de quelques-uns et au détriment d'une majorité – empêche l'évolution vers des pratiques au service de la terre, de celles et ceux qui en vivent, et de celles et ceux qu'elle nourrit. Ceux qui soutiennent les bassines ne peuvent pas feindre de l'ignorer ! Ils le font, vous le faites, pour donner à 5 % des agriculteurs, ceux des territoires où les bassines sont creusées, un droit dérogatoire et prioritaire à l'accès à la ressource en eau, au détriment de tous les autres !
J'aurais aimé que l'on puisse avoir des débats plus constructifs dans cet hémicycle. J'espère toujours réussir à convaincre certains de voter en leur âme et conscience, et non par soumission aux fantasmes désastreux de l'agrobusiness. Partout dans le pays, le diagnostic est sans appel : les mégabassines ne sont pas la solution face à la raréfaction de la ressource en eau. On nous vend des réserves dites de substitution pour nous faire plonger directement dans une mal-adaptation.
Les bassines autorisent à pomper plus et dérèglent le cycle de l'eau ; c'est le sens des conclusions d'une expertise scientifique collective portant sur les effets cumulés de ces retenues artificielles. Pire encore, on n'aura de toute façon pas assez d'eau pour les remplir. C'est déjà le cas en Espagne – comme je l'ai dit – et les études nous l'annoncent aussi pour le Poitou. Des hectares de bâches et de tuyaux : autant d'investissements qui enferment les agriculteurs dans un modèle qui ne survivra pas aux prochains hivers ! Nous sommes dans le mensonge et dans l'obscurantisme funeste.
Ces ouvrages non durables sont construits – au service de quelques-uns – avec votre argent, notre argent : 70 % de fonds publics en moyenne. Par exemple, pour les seize ouvrages du bassin de la Sèvre niortaise, cela représente 74 millions d'euros d'aides publiques.
Je rappelle qu'il y a peu, la secrétaire d'État à la biodiversité affirmait ici qu'il était nécessaire de lutter contre les subventions néfastes. Que penser de ce gaspillage d'argent public pour construire des mégabassines ?
Dans les Deux-Sèvres, j'ai rencontré Rémi, exploitant dans l'agriculture bio. Son exploitation est située au pied d'une future mégabassine : celle de Sainte-Soline. On ne l'autorise pas à s'y raccorder. Pourtant, si elle est construite, il paiera lui aussi son eau plus cher. Et pour lui, qui développe avec succès un modèle vertueux, respectueux de l'environnement et collectif, il n'y a rien ; pas un euro de subvention. Dans l'agriculture comme dans les autres domaines, le pouvoir gave les gros et laisse les petits se débrouiller.
M. Mathias Tavel applaudit.
D'ailleurs, de nombreuses autorisations de construction ont été retoquées par la justice. Début octobre, le tribunal administratif de Poitiers a annulé quinze projets de bassines.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Les motifs de cette annulation sont révélateurs : inadaptation au dérèglement climatique et surdimensionnement des projets, qui porteraient les prélèvements à un niveau excessif et non soutenable.
Comme souvent, le juge a aussi mis en cause les inexactitudes et les omissions de l'étude d'impact. Pourtant, ces projets avaient bien obtenu une autorisation environnementale : une preuve de plus qu'il y a urgence à faire une pause !
Si la monarchie présidentielle…
…nous laissait faire des propositions plus d'un jour par an, nous mettrions sur la table deux grandes lois, qui sont nécessaires et urgentes. La première viserait à réorienter notre modèle agricole vers des usages plus économes et adaptés aux nouvelles conditions climatiques. ;
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES
la seconde, à démocratiser la gestion d'une ressource en eau qui se raréfie et dont le partage entre différents usages doit être décidé par les citoyennes et les citoyens. Nous ferons tout cela le moment venu.
En d'autres termes, il va falloir choisir. Dans le Puy-de-Dôme, où je suis allée pour préparer cette loi, la question se pose déjà. Que choisir, entre alimenter en eau potable la ville de Clermont-Ferrand, refroidir les dix-neuf réacteurs nucléaires qui dépendent de la Loire, soutenir les besoins en eau de l'industrie ou faire sortir de terre les plus grandes mégabassines du pays jamais construites, au profit de la multinationale Limagrain ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous proposons ici un moratoire sur la construction des mégabassines. Il s'agit d'un point de départ vers un partage de l'eau démocratique et adapté aux défis de demain. C'est aussi un point de départ pour renouer le dialogue : collègues, soyez à la hauteur de l'enjeu.
« Excellent ! », « Bravo » sur les bancs du groupe LFI – NUPES, dont les membres se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.
Sourires.
Je dois vous présenter les excuses de Mme la ministre Sarah El Haïry : elle a eu un empêchement de dernière minute, mais je la remplace avec bonheur.
En matière de politique de préservation de la ressource en eau, notre action est claire : elle résulte directement du plan Eau annoncé le 30 mars par le Président de la République. Le Président a présenté un grand plan en faveur d'une gestion sobre, résiliente et concertée de l'eau. Son objectif est une baisse de 10 % de l'eau consommée.
Que dit-on en particulier pour l'agriculture ? Que l'on observe une augmentation continue de l'irrigation ces dernières années. Cela correspond évidemment aux premières conséquences du changement climatique. Faire croire que le recours à des ouvrages de stockage viserait à développer l'irrigation de manière débridée – comme ce qui a pu être observé en Espagne –, est un contresens eu égard à la stratégie du Gouvernement.
Vous prétendez que cette stratégie consiste à privilégier une minorité s'agissant de l'accès à l'eau. La réalité, c'est que le plan Eau vise au contraire à irriguer davantage d'hectares avec les mêmes quantités d'eau. Comment ? En améliorant la performance du système ; en optimisant les pratiques agricoles ; en adaptant les variétés culturales et en mobilisant des ressources en eau alternatives, comme la réutilisation des eaux usées traitées, dans une logique d'économie circulaire.
L'eau, on le sait, est indispensable à notre agriculture, profondément fragilisée par le changement climatique. Afin qu'elles soient adaptées au climat de demain, toutes les nouvelles installations feront l'objet d'un diagnostic eau, sol et adaptation au titre des aides à l'installation.
M. Raphaël Schellenberger s'exclame.
Concernant l'irrigation, nous investirons 30 millions d'euros pour continuer à aider les agriculteurs à se doter d'équipements permettant d'économiser l'eau : là où c'est possible, les systèmes de goutte à goutte et l'utilisation de systèmes intelligents seront privilégiés. Le développement de ces modèles passera également par l'adaptation des filières et des territoires – une dynamique déjà largement engagée dans le cadre du Plan national d'adaptation au changement climatique, et sur laquelle chaque territoire doit ouvertement s'interroger : cette question n'est ni neutre, ni simple, mais si nous n'anticipons pas en adaptant nos modes de culture, nous subirons le changement climatique et mettrons en péril notre souveraineté alimentaire.
En matière de stockage de l'eau, la priorité est de maximiser la capacité de notre principal outil de stockage : les sols. Les arbres et les haies favorisent la bonne santé de nos sols, qui stockent alors mieux l'eau et favorisent la recharge des nappes phréatiques. Partout où c'est possible, le choix de planter est donc le plus cohérent. Nous voulons également faciliter l'accès à l'eau, grâce aux ouvrages existants et en améliorant l'infiltration dans les nappes.
La construction de nouveaux ouvrages, qui peut se révéler nécessaire pour répondre aux particularités de certains territoires, n'a évidemment pas vocation à privatiser l'eau ou à permettre à certains de l'accaparer : la règle est bien le partage entre les différents usagers – agriculteurs, touristes, habitants des communes. Les nouvelles retenues devront donc s'inscrire dans des projets de territoire élaborés en concertation avec les collectivités territoriales, appelées à jouer un rôle plus important en la matière, et fondés sur des projections scientifiques. Indispensable à l'agriculture, l'eau l'est aussi à notre souveraineté alimentaire. Alors que, de toute évidence, les surfaces agricoles utiles (SAU) nécessitant une irrigation sont vouées à s'étendre, il faudra déployer des solutions innovantes en matière de partage et d'organisation de la ressource et mieux accompagner les agriculteurs afin de ne pas prélever davantage.
Vous vous méprenez sur la définition, l'utilisation et les conséquences des réserves de substitution. Le terme « mégabassines » renvoie à un champ lexical polémique, étranger à celui de la science comme à celui du droit. En effet, les dispositions du code de l'environnement qui les encadre depuis l'adoption de la loi sur l'eau ne font référence qu'aux caractéristiques des projets – dimensions, débits de prélèvement, interactions avec le milieu aquatique. Les retenues de substitution doivent être considérées comme un outil. À ce titre, elles ne sont intrinsèquement ni bonnes, ni mauvaises, et ne sont pas adaptées à tous les territoires. Leur développement s'intègre systématiquement dans une stratégie d'adaptation au changement climatique territoriale et concertée – les projets de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE) – et est associé à des contreparties en termes de sobriété, de réduction des intrants ou de plantation de haies, par exemple.
La réalité, c'est que certaines zones subissent un déséquilibre structurel car l'eau est prélevée en trop grande quantité l'été : la gestion des tensions entre les usages et la préservation du bon état écologique des milieux y sont donc une priorité. Lorsqu'elles sont installées à un endroit pertinent et que leur exploitation y est encadrée, les retenues de substitution peuvent permettre de restaurer le bon état écologique des territoires en période sèche.
Votre proposition de moratoire, qui ne prévoit aucune mesure concrète pour faire face aux sécheresses et conduirait à encourager l'importation d'aliments depuis le bout du monde – avec les conséquences que chacun peut imaginer en termes de bilan carbone –…
C'est vous qui signez des traités de libre-échange ! Vous êtes gonflé, quand même !
…est donc contre-productive sur le plan écologique. Reconnaissez-le ! Alors que vous vous contentez de slogans, nous voulons, pour notre part, préserver l'eau, nous adapter au changement climatique, promouvoir notre souveraineté alimentaire et soutenir nos agriculteurs. Nous voulons le faire concrètement, à une échelle pertinente. C'est pourquoi le Gouvernement ne soutiendra pas votre texte.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Alors que la moitié des agricultrices et agriculteurs partiront à la retraite d'ici à 2030, les orientations politiques que nous allons définir dans cet hémicycle vont conditionner bien des choses. Cessez donc un instant d'appuyer docilement sur vos boîtiers de votes ,
Exclamations sur quelques bancs du groupe RE
et posez-vous la question : si on projetait votre vision pour l'avenir à la situation actuelle, y aurait-il encore des paysans aujourd'hui ?
Avant de vous poser la question, je suis allée voir les premiers intéressés pour savoir ce qu'ils en pensaient.
« C'est bien ! » sur quelques bancs du groupe RE.
J'ai rencontré Rémi, maraîcher dans les Deux-Sèvres. Sa première préoccupation ? L'eau, bien sûr, car dans le maraîchage, elle est essentielle – sans eau, aucun légume ne pousse.
Alors, quand on s'installe en tant que maraîcher, on cherche des solutions pour être relié à l'eau. Dans votre vision, les mégabassines – vous savez, ces immenses retenues d'eau artificielles, plastifiées, dont les plus grandes s'étendent sur plus de dix-huit hectares de terres agricoles, et qui sont remplies par pompage directement depuis les nappes phréatiques – sont omniprésentes.
C'est très intéressant de voir à l'œuvre les mécanismes de construction de la contre-information ! Votre rhétorique est digne d'un reportage sur Arte !
Alors Rémi, qui vit près de celle de Saint-Sauvant, a demandé à la Coopérative de l'eau qui la gère l'autorisation d'y raccorder sa petite exploitation, pour pouvoir y puiser un peu d'eau. Mais cela lui a été refusé, au motif que sa production était trop faible et que le raccordement était trop peu rentable au vu du prix des tuyaux de raccordement. Pourtant, en s'acquittant de ses frais d'adhésion à la Coop, il participe au financement de ces tuyaux. Alors, Rémi paierait-il pour les autres ? Eh bien oui : il paie, plus précisément, pour dix irrigants. Il est d'ailleurs loin d'être le seul : comme l'adhésion à la Coop de l'eau est obligatoire pour pouvoir irriguer, de nombreux autres paysans paient eux aussi la bassine sans pouvoir bénéficier de son eau.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Cyrielle Chatelain applaudit également.
Et quand ils râlent un peu, on leur répond qu'ils sont gagnants, eux aussi, puisque les dix irrigants qui puisent dans la nappe en hiver pour remplir la bassine n'y puisent plus en été : les autres sont donc tranquilles !
D'ailleurs, ce n'est pas grave, car Rémi a un puits, dans lequel il va pouvoir puiser pour irriguer ses petites cultures. Sauf que l'été, les nappes sont vides,…
…car il faut bien comprendre, chers collègues, que la pénurie d'eau est désormais globale.
Pas plus tard que l'année dernière, Rémi et les autres ont donc été soumis aux restrictions des usages de l'eau imposées par les préfets :…
…du 15 août au 31 octobre, ils ont dû demander chaque semaine une dérogation pour pouvoir arroser leurs cultures – moins de 50 mètres cubes d'eau à chaque fois, soit 1 000 mètres cubes d'eau au grand maximum pour toute la saison estivale. À titre de comparaison, la bassine de Saint-Sauvant, à laquelle l'accès lui a été refusé, contient près de 300 000 mètres cubes d'eau, soit 30 000 mètres cubes par agriculteur.
Vous me direz peut-être que sauver dix agriculteurs, c'est mieux que rien. Mais en remplissant chaque année une bassine de 300 000 mètres cubes d'eau, vous aggravez le phénomène d'assèchement de la nappe phréatique et vous siphonnez les zones humides, qui jouent un rôle de réserve et de tampon naturel pendant l'été. Bref, pour dix irrigants, vous sacrifiez tous les autres :
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Cyrielle Chatelain et M. Marcellin Nadeau applaudissent également
il semblerait que, dans votre vision de l'avenir, vous n'ayez pas prévu beaucoup de paysans.
J'ai aussi rencontré Barbara, jeune maraîchère fraîchement installée en Haute-Vienne, qui vend ses légumes sur le marché et dont les produits pourraient bientôt alimenter la cantine communale. Encore une fois, l'eau a été la question centrale de son installation. Après un an de casse-tête administratif et très peu d'accompagnement, à l'issue d'un vrai parcours du combattant, elle a trouvé le système idéal, celui qui serait respectueux de l'environnement tout en lui permettant d'avoir suffisamment d'eau pour irriguer ses 3 hectares de surface agricole : un petit bassin de rétention des eaux de pluie, directement connecté à ses deux serres de légumes, sur lesquelles se trouvent des tuyaux qui récupèrent l'eau de pluie et la ramènent jusqu'au bassin – un modèle d'optimisation. Et, au besoin, l'étang juste à côté permet de compléter.
Pour réaliser ce projet, Barbara, qui n'a pas droit à la dotation jeunes agriculteurs (DJA) car elle travaille sous le statut de conjointe collaboratrice, a dû recourir à un prêt et investir personnellement plusieurs dizaines de milliers d'euros. À titre de comparaison, sur les 7 milliards d'euros qu'a coûté la construction de la mégabassine de Sainte-Soline, qui contient 700 000 m
Mêmes mouvements.
Leur avez-vous au moins demandé leur avis, aux paysans ? Philippe, agriculteur dans les Deux-Sèvres, a voulu donner le sien. Exclu de la Coop de l'eau pour avoir remis en question son financement injuste, il a été privé de 70 % des volumes d'eau avec lesquels il était jusqu'alors autorisé à irriguer. Il semblerait que, dans votre vision de l'avenir, la démocratie ne soit pas plus présente qu'elle ne l'est aujourd'hui.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Alors, si à l'avenir vous ne sauvez pas les paysans, sauvez-vous au moins la France de la famine ?
Non : sept des douze agriculteurs qui utilisent l'eau de la mégabassine de Sainte-Soline sont des géants céréaliers qui produisent du maïs exporté pour nourrir les animaux d'élevages d'autres pays. Ce que vous biberonnez à l'eau des bassines, c'est un modèle céréalier dédié à l'export !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Pourtant, en France, l'élevage autonome et économe en eau, on sait faire : Angel, éleveur ovin de ma circonscription, est totalement autonome pour l'alimentation de son élevage. Lorsque, avec la sécheresse, l'herbe des prairies où paissent ses 600 brebis diminue, il met ses agneaux sur les 8 à 10 hectares de parcelles qu'il consacre au colza fourrager, ce qui lui permet de ne pas avoir à acheter d'aliment extérieur. Christel, elle aussi installée en Haute-Vienne, élève également ses vingt-cinq vaches en toute autonomie alimentaire, avec l'herbe et le fourrage produits sur place en agriculture biologique. De tels modèles existent, ils sont même majoritaires chez moi, en Limousin ; seulement, ils ne font pas partie de votre vision de l'avenir.
« Exactement ! » et applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
À l'heure où vous devriez mettre le paquet dans des subventions d'aide à la transition, vous abandonnez les mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec) et l'agriculture biologique pour investir plutôt des milliards dans des mégabassines.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
La seule chose qu'il reste encore dans cette dystopie qu'est votre vision de l'avenir, c'est une énorme machine que l'on appelle « agrobusiness » et qui ne nourrit ni les paysans, ni la terre, ni les gens.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Sur un sujet aussi grave que l'avenir de notre agriculture et de nos ressources en eau, et sachant que les mégabassines laissent tant de paysans sur le carreau et créent tant de perturbations écologiques, la moindre des choses est de laisser du temps au débat : alors votez en faveur de ce moratoire de dix ans sur les mégabassines, auquel 71 % des Françaises et des Français se sont déjà déclarés favorables.
Pour une fois, laissez-le temps à la démocratie de s'exprimer ! Laissez les scientifiques démonter, devant le peuple, votre supercherie : laissez-les vous expliquer que les bassines sont inadaptées, qu'elles aggravent les sécheresses et anéantissent le vivant !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Laissez les associations dénoncer haut et fort la destruction des milieux naturels, l'assèchement des zones humides et l'appauvrissement de la biodiversité que vous engendrez ! Laissez les agriculteurs dénoncer les conséquences de votre obsession pour la compétitivité internationale, l'accaparement des terres et de l'eau par le grand capital auquel obéit votre politique mortifère !
Mêmes mouvements.
Laissez du temps au débat, et vous verrez, chers collègues, que dans dix ans, d'une seule voix, le peuple vous dira : « Bassines,…
Les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent. – Les députés du groupe GDR – NUPES applaudissent également.
Alors que l'accès à l'eau va devenir un enjeu de survie pour les exploitations agricoles et pour notre souveraineté alimentaire, le groupe Les Républicains conteste catégoriquement le bien-fondé de cette proposition de loi visant à instaurer un moratoire sur le déploiement des mégabassines.
Sous le prétexte d'un débat sur la gestion de l'eau, ce texte dissimule en réalité une attaque directe contre la profession agricole, contre notre souveraineté alimentaire et contre la promotion de solutions efficaces face au défi du changement climatique.
Alors que nos agriculteurs, confrontés à un défi majeur, ont réduit leur consommation d'eau de 30 % en vingt ans et sont les premiers à se battre contre le changement climatique, les retenues de substitution, qui assurent un stockage stratégique, constituent une solution pragmatique si nous voulons garantir une irrigation suffisante en été et donc la stabilité économique des exploitations. Regardons la réalité en face, comme dans les Deux-Sèvres, où les récentes pluies ont fait déborder les nappes phréatiques, mettant en évidence la pertinence des retenues de substitution prévues en accord avec toutes les parties concernées, depuis les agriculteurs jusqu'aux ONG visant à la protection de l'environnement. Ce phénomène m'évoque le commentaire avisé des observateurs ruraux qui, au sein de nos circonscriptions, mesurent ce qu'est la sécheresse estivale : toute cette eau qu'on ne retient pas, qu'on laisse passer !
On ne la laisse pas passer, mais s'infiltrer dans les nappes phréatiques !
Refuser par idéologie de telles solutions reviendrait non seulement à ignorer les données scientifiques, mais aussi à compromettre notre capacité d'adaptation, à rester sourd aux appels des agriculteurs qui, face à des étés plus longs et plus secs, réclament que des mesures concrètes assurent enfin la compétitivité de la ferme France. Il nous faut nous engager de toutes nos forces pour notre souveraineté alimentaire et pour la préservation de l'arabilité des sols, qui ne tient qu'à l'eau. Le principe du recours aux retenues de substitution a d'ailleurs été validé lors du Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique, sur le fondement du rapport « Changement climatique, eau, agriculture : quelles trajectoires d'ici 2050 ? », émanant des ministères de la transition écologique et de l'agriculture, où l'on peut lire que ces retenues « constituent […] le mode de sécurisation de la ressource en eau le plus satisfaisant ». De même, un rapport d'information sénatorial auquel ont certes contribué des élus de droite, mais aussi des membres de la majorité et même des communistes, conclut que « disqualifier globalement le stockage d'eau ne paraît pas fondé scientifiquement. C'est une analyse au cas par cas, à travers des procédures déjà très exigeantes, qui doit déterminer s'il est possible, territoire par territoire, de créer de nouvelles réserves. »
Le recours aux bassines est ainsi justifié lorsqu'il aide à éviter de puiser dans les aquifères profonds des régions calcaires, dont les capacités de stockage souterrain sont limitées par la présence de nappes réactives où l'eau s'écoule très vite. Ces retenues font en outre l'objet, auprès de l'administration, d'un processus d'autorisation très strict, voire trop strict,…
…comprenant une évaluation environnementale, une enquête publique, ou encore la vérification de leur conformité au schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage). Elles doivent respecter un seuil de prélèvement fixé par décret, ainsi que des niveaux d'eau objectifs dans la nappe et les rivières, ce qui interdit de fait tout stockage de confort ; enfin, leur création peut s'inscrire dans un projet de territoire pour la gestion de l'eau, démarche volontaire qui permet d'organiser le partage et de réduire les volumes prélevés, accroissant l'acceptabilité locale des projets. Grâce à ces dispositions, 88 % des nappes souterraines françaises sont en bon état au regard de la directive-cadre sur l'eau (DCE) de l'Union européenne. Une étude du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) conclut d'ailleurs, dans le Marais poitevin, à l'effet positif des retenues sur le niveau des nappes et des cours d'eau en période d'étiage, assurant neuf années sur dix des réserves suffisantes à l'ensemble des autres utilisateurs.
Pour traiter de ce sujet, chers collègues, nous avons besoin de raison ; or la façon dont est introduit ce texte ne saurait nous promettre un débat apaisé. Faire appel à la science, c'est y faire appel dans son intégralité, et dans de tels domaines, elle est d'abord affaire de consensus. Retenir la seule opinion du contradicteur – celui qui, cédant parfois à la posture, affirme autre chose que le reste de la communauté –, c'est disqualifier la science au sein du débat public ; en cela, vous commettez une grave erreur. Dans les années à venir, nous aurons absolument besoin de stocker de l'eau, ce qui contribuera par ailleurs à la qualité de notre environnement en assurant que cette eau subsiste dans les nappes phréatiques et dans les rivières, même si les étés s'allongent et si la sécheresse s'installe.
Ces bassines, ces stockages, ces barrages, encore une fois, nous en avons besoin, et il nous faudra donc, au cours des mois qui viennent, adopter des textes visant à en accélérer la construction.
Les mots ont un sens : « guerre de l'eau », « mégabassines », « accaparement de l'eau » ou encore « agrobusiness de l'exportation de maïs » – rien de moins !
« Eh non ! » sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Les actes ont un sens : lorsque des députés accompagnent des hordes d'individus masqués, munis d'armes par nature ou par destination – cocktails Molotov, marteaux, boules de pétanque, épées, et j'en passe –,…
…ce ne peut être que pour nous annoncer le nouveau blockbuster d'Hollywood, l'Armageddon de l'eau. Eh bien non, c'est la stratégie de la Nupes pour faire avancer le sujet : la peur ! Or les réserves de substitution, elles aussi, ont un sens. On les appelait autrefois, de manière à la fois plus poétique et moins anxiogène, « retenues collinaires » ou seulement « étangs ».
Les retenues collinaires stockent les eaux de surface, vous mélangez tout !
Certes, elles étaient plus faciles à réaliser, du fait de la topographie ; en dépit de l'ampleur des aménagements, elles étaient également mieux acceptées, en tant que condition sine qua non de la culture dans des territoires souvent difficiles. Ces réserves demeurent profondément collectives :…
…à travers le pays, des centaines d'agriculteurs soutiennent les projets par l'intermédiaire de coopératives de l'eau. Où est l'accaparement insidieux de la ressource ? Elles favorisent une agriculture plus familiale, plus diversifiée, ce qui ressort de toutes les études : les exploitations irriguées sont significativement plus petites que les autres. Ce que vous appelez l'agrobusiness, ce sont l'éleveur de chèvres deux-sévrien attaqué alors qu'il avait besoin d'eau pour ses luzernes, le producteur de semences en Anjou, de melons dans la Vienne, d'ail dans le Puy-de-Dôme.
À l'heure du changement climatique, les réserves de substitution contribuent à notre autonomie : mesurez-vous que l'Europe, sans doute le plus fertile des continents, a cessé depuis deux ans d'être autosuffisante, et que nous devons relever le défi alimentaire lié au conflit russo-ukrainien ?
Elles sont multiusages, permettant de cultiver fruits, légumes, céréales, fourrage, semences, comme une solution alternative à l'agrandissement massif des fermes pour compenser une faible productivité. Elles constituent la clé du maintien, dans les zones intermédiaires, de l'élevage – sans eau, plus d'herbe ou de maïs – et de la diversité qui lui est associée. Elles sont meilleures pour l'environnement, car les prélèvements ont lieu durant la période hivernale, où la ressource abonde,…
…et non en été, saison de l'étiage ; meilleures pour les agriculteurs, à qui elles permettent de sécuriser leur production en cas de sécheresse ou de canicule – phénomènes renforcés par le changement climatique – et de la diversifier, donc de mieux vivre de leur travail. Leur remplissage, l'utilisation de l'eau qui y est stockée, les pratiques agricoles qui en bénéficient sont fortement encadrés par la loi et les pouvoirs publics. Dans la Vienne comme dans les Deux-Sèvres, territoires qui m'ont vu grandir, l'accès à cette eau est soumis à des protocoles qui engagent fortement les agriculteurs…
…à faire évoluer leurs pratiques, par exemple en plantant des haies ou en restaurant des zones humides. L'action politique doit avoir un sens ; la vôtre est tissée de méga-mensonges qui suscitent méga-colère et méga-violences.
Mme Laurence Heydel Grillere applaudit.
Ainsi, vous qui êtes originaire des Deux-Sèvres, madame la rapporteure, vous n'avez pas eu le courage de vous y présenter, …
…vous bornant à soutenir de loin ceux qui terrorisent des familles d'agriculteurs. Vous souhaitez un moratoire de dix ans, alors qu'il y a urgence à protéger notre autonomie alimentaire et notre environnement.
Il y a urgence à arrêter de construire ces mégabassines, vous avez raison !
Vous creusez les fossés divisant notre pays et non, comme nous, les réserves de substitution qu'il lui faut !
Nous prônons le dialogue et le compromis qui en résulte, afin de concilier des impératifs que nous nous gardons bien d'opposer ; surtout, nous éprouvons pour les femmes et les hommes qui nous nourrissent chaque jour le profond respect, le méga-respect qu'ils méritent.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Je vous remercie, madame la rapporteure, de nous donner l'occasion de discuter des retenues de substitution dites mégabassines, sujet qui touche à un enjeu plus large, fondamental : l'accès à l'eau et son partage. D'ici à 2050, le changement climatique nous aura privés de 30 % à 40 % de l'eau disponible dans notre pays ; cette quantité disponible a déjà diminué de 14 % entre 1990 et 2018.
Les raisons qui ont poussé et continuent de pousser à la construction de telles bassines sont connues : les sécheresses régulières, aggravées par le changement climatique, rendent difficile aux exploitants de répondre aux besoins d'irrigation de leurs cultures. Néanmoins, ces infrastructures soulèvent plusieurs questions. Tout d'abord, elles exposent à l'air libre d'énormes volumes d'eau, si bien que les risques d'évaporation accélérée ou de contamination ne sont pas négligeables. Le BRGM est revenu cette année sur ses précédentes conclusions, indiquant qu'il n'avait pas pris en compte ces risques d'évaporation, ni l'évolution du climat, et qu'il importerait de le faire.
Il signale également que les bassines ne pourront être remplies en hiver si le niveau des nappes phréatiques est trop bas ; or, comme il le précise dans une note explicative sur son expertise relative au projet de réserves de substitution dans les Deux-Sèvres, « la récurrence de périodes de sécheresse hivernale pourrait conduire de manière répétée à des niveaux de nappe inférieurs aux seuils réglementaires, compromettant le remplissage des réserves certaines années ».
Les scientifiques alertent : il s'agit d'éviter une maladaptation. Les mégabassines couvrent 8 hectares en moyenne, et jusqu'à 18 hectares : elles ont un impact sur le milieu naturel. Le fait de pomper à même les nappes phréatiques n'est pas sans conséquences : comme le souligne Jean-François Soussana, vice-président de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) et membre du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), cela pourrait accentuer la réduction de leur niveau. Nous manquons de données concernant les effets de ces bassines sur les nappes, sur l'assèchement des cours d'eau et sur le cycle de l'eau ; la justice a fait état de ce manque de précision, et des cas concrets ont révélé que les études d'impact conduites en amont de certains projets étaient défaillantes. Enfin, ces infrastructures suscitent un risque en matière de partage de l'eau, celui de l'accaparement.
Ce texte prévoit un moratoire de dix ans sur la délivrance des autorisations de construction, ce qui ne remettrait pas en cause les mégabassines existantes et permettrait d'engager une réflexion scientifique afin de déterminer dans quelles conditions précises ces ouvrages pourraient s'inscrire dans une logique d'adaptation. Le Parti socialiste ayant d'ores et déjà demandé au Gouvernement un tel moratoire, les députés Socialistes et apparentés voteront pour cette proposition de loi ; en revanche, compte tenu des débats en commission, nous proposerons de ramener la durée du moratoire à cinq ans, dans l'espoir de voir ce compromis accepté par le plus grand nombre.
Dans tous les cas, le moratoire nous donnerait le temps d'activer l'ensemble des solutions alternatives à ces infrastructures coûteuses : mobilisation des ouvrages existants de taille modérée, reforestation, retour des prairies et protection des haies, évolution des cultures consommant le plus d'eau, ou encore gestion du stress hydrique, le tout en nous appuyant sur les PTGE. Il nous faut envisager, d'ici à 2050, le changement tant des systèmes de production agricole que de la consommation alimentaire, en vue de réduire les besoins en matière d'irrigation et de parvenir à un meilleur équilibre avec le climat tel qu'il évolue. Cela demande une volonté politique forte – et surtout des moyens afin d'accompagner les agriculteurs dans une véritable transition agroécologique.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LFI – NUPES. – M. Marcellin Nadeau applaudit également.
Les derniers épisodes de sécheresse nous ont confirmé que la question de l'eau et de son partage devenait centrale dans notre pays. L'avis du Conseil économique, social et environnemental (Cese) du 11 avril 2023 en fait mention : « Des périodes de sécheresse plus précoces, longues et étendues tendent à se répéter chaque année depuis 2017. 93 départements connaissaient fin août 2022 des problèmes d'alimentation en eau potable, à des degrés variables selon les territoires. »
La question du partage et de la gestion de l'eau est en effet plus que jamais d'actualité et d'intérêt public. Je vous rejoins sur ce point, madame Guetté, et je vous remercie de nous donner l'occasion de penser ensemble cet impératif. Dans votre rapport, vous faites état de la situation de l'eau dans le secteur agricole : avec 58 % de la consommation totale d'eau, l'agriculture est la première consommatrice du pays. C'est la raison pour laquelle l'accompagnement de la transition agricole est un défi majeur pour assurer son adaptation au changement climatique ainsi que la souveraineté alimentaire de la France.
Les réserves ou retenues de substitution en eau pourront constituer un des outils nécessaires pour accompagner l'adaptation de l'agriculture française au changement climatique, à condition d'être utilisées dans le cadre de cultures adaptées – la sobriété dans l'utilisation de la ressource en eau doit être de mise –, mais également en tenant compte de la nature géologique des sols et des nappes phréatiques considérées. Cette transition doit permettre à la fois la préservation de la ressource en eau, tant sur le plan quantitatif que qualitatif, et une meilleure résilience des exploitations agricoles.
Cependant, comme cela a été évoqué lors des auditions menées en préparation de cette proposition de loi et dans le cadre de la mission d'information sur l'adaptation de la politique de l'eau au défi climatique, conduite par les corapporteurs MM. Yannick Haury et Vincent Descoeur, tous les projets de réserves d'eau n'affectent pas structurellement les nappes. Certains se montrent vertueux, et cela depuis de nombreuses années, comme l'a rappelé M. Turquois.
Ce principe de substitution est bienvenu et participe de l'adaptation au changement climatique :…
…l'eau est prélevée en période hivernale, lorsqu'elle est en général plus abondante. En revanche, la multiplication des périodes de sécheresse nécessitera de la stocker plus en amont, notamment en zone montagneuse où les stockages diminuent trop rapidement. C'est pourquoi ces réserves peuvent être une des solutions pour irriguer les cultures en période de sécheresse ou alimenter les bétails en alpage, où je vous invite à venir rencontrer les éleveurs.
Le Gouvernement est déjà fortement sensibilisé sur la question de la sobriété hydrique, comme le montre le plan Eau lancé en avril dernier. Comme le souligne le rapport d'information du Sénat intitulé « Éviter la panne sèche : huit questions sur l'avenir de l'eau », la réglementation actuelle, déjà très exigeante, interdit les « stockages de confort ». Ainsi, « disqualifier globalement le stockage d'eau ne paraît pas fondé scientifiquement ». Vos inquiétudes, madame la rapporteure, sont légitimes et je les partage. C'est la raison pour laquelle chaque projet de réserve ou de retenue de substitution est et doit être examiné, au cas par cas, en s'interrogeant sur son dimensionnement et sur la destination de l'usage.
En revanche, je ne peux soutenir votre réponse extrémiste et excessive : imposer dix ans de moratoire sur tous les projets en cours et à venir, c'est totalement méconnaître la réalité concrète des pratiques agricoles ; cela en devient caricatural, donc inaudible.
Compte tenu de ces éléments et au vu de l'importance et de l'urgence de la question de l'eau, le groupe Horizons et apparentés ne soutiendra pas un tel moratoire. Il votera contre cette proposition de loi qui ne répond en rien aux besoins actuels.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes HOR et Dem.
« Nous allons bientôt manquer de l'eau », alertait René Dumont, premier candidat écologiste à l'élection présidentielle, en buvant un verre d'eau en direct à la télévision le 19 avril 1974. La vidéo est disponible en ligne sur ina.fr. Nous la recommandons au Gouvernement et au Président de la République qui se cherchait des excuses lors de ses vœux du 31 décembre dernier en demandant : « Qui aurait pu prédire […] la crise climatique aux effets spectaculaires ? »
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Près d'un demi-siècle après René Dumont, ce que vous ne voulez toujours pas voir, c'est que le manque d'eau est l'une des urgences écologiques les plus vitales à laquelle la France est confrontée, et cela depuis longtemps : deux tiers des zones humides détruites en quarante ans ; des pans entiers du territoire national reconnus zones de répartition des eaux (ZRE) depuis près de trente ans, c'est-à-dire en état de déséquilibre chronique entre l'eau disponible et la consommation de l'agriculture, précipitée dans ce piège par les primes à l'irrigation de la politique agricole commune (PAC) ; 93 % des rivières contaminées par les pesticides ; des centaines de captages d'eau potable qui ferment chaque année ; trois condamnations par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) ; six rapports de la Cour des comptes sur la mauvaise gestion de l'eau.
Le nouveau régime climatique, avec la baisse déjà constatée de 14 % du volume annuel d'eau renouvelable, la litanie des sécheresses – soixante-quinze départements touchés en 2023, quatre-vingt-treize en 2022 – pousse à son paroxysme une situation qui était déjà hautement critique. Et pour cause : dans les Deux-Sèvres par exemple, la taille des parcelles a été multipliée par vingt en cinquante ans ; 80 % du linéaire de haies et 70 % des prairies ont été détruits. C'est toute la capacité de régénération des nappes phréatiques qui a été liquidée.
Or, chers collègues, si nous pouvons débattre de la substitution de telle énergie par telle autre, rien ne remplace l'eau, qui est essentielle à la vie. Au lieu de regarder la réalité en face et de chercher à dénouer les conflits d'usage de l'eau dans l'intérêt de la nation, dans mon département comme ailleurs en France, le Gouvernement a choisi la méthode de la brutalité, au point que les préfets perçoivent désormais une prime au passage en force et sont rémunérés au nombre de bassines construites : prime pour le mépris des habitantes et des habitants, des associations et des 214 élus locaux qui, ayant signé un appel pour l'eau et pour la paix dans les Deux-Sèvres dans lequel ils demandent instamment et solennellement à l'État de prononcer un moratoire sur les travaux et d'ouvrir des assises de l'eau, obtiennent pour toute réponse le démarrage de nouveaux chantiers !
Cette fuite en avant est sans issue. Il est temps de dire stop et d'inscrire dans la loi trois principes d'une politique de l'eau résiliente. Premièrement, l'eau n'est pas inépuisable, elle va être de plus en plus rare ; la décroissance de la consommation d'eau s'impose, pour préserver les usages les plus vitaux. Deuxièmement, l'eau, essentielle à la vie, est un bien commun, dont la gestion ne peut être que transparente, démocratique et partagée. Troisièmement, notre résilience et celle de l'agriculture doivent reposer d'abord sur des solutions d'adaptation au changement climatique fondées sur la nature : cela coûte moins cher et c'est plus efficace.
Pour le groupe Écologiste – NUPES, le moratoire n'est qu'un préalable. Il ne s'agit pas d'arrêter les mégabassines, puis de ne rien faire. Le statu quo n'est pas une option face à l'accélération du changement climatique. Aujourd'hui, la représentation nationale doit choisir une issue démocratique qui est la voie de la sagesse : la sagesse de se fonder sur les avis scientifiques qui dénoncent la maladaptation que constituent les bassines ; de rechercher partout la concorde, plutôt que le conflit et le passage en force ; d'admettre que l'approvisionnement en eau potable, désormais menacé, est une question de sécurité nationale ; de reconnaître la communauté d'intérêt qui existe entre les citoyennes et citoyens et les agricultrices et agriculteurs. Car les causes du manque d'eau et de l'effondrement vertigineux de la biodiversité sont exactement les mêmes que celles du malheur des agriculteurs, de moins en moins nombreux, mal rémunérés, vivant sous le seuil de pauvreté, victimes de maladies professionnelles, de burn-out et de suicides. Elles ont le visage de l'agriculture chimique et industrielle qui détruit le vivant autant qu'elle exploite les humains.
Le groupe Écologiste votera pour un moratoire sur les mégabassines. Nous défendrons des amendements afin que tous les projets en cours soient concernés, que toutes les décisions de justice soient respectées et que de nouvelles règles s'appliquent enfin en matière d'irrigation agricole. La France doit faire le choix d'un tournant historique dans la politique de l'eau. Un moratoire en est la première étape incontournable.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Ces dernières années, les conflits liés à la gestion de la ressource en eau et aux projets d'aménagement hydrauliques promus notamment par le milieu agricole se sont accentués – c'est un euphémisme. Ils sont la traduction de la préoccupation croissante causée par les effets du réchauffement climatique et par la nécessité d'assurer une gestion collective de la ressource en eau, ce bien commun indispensable à tous. Ils sont aussi l'expression d'une colère face à l'inaction des pouvoirs publics, qui refusent d'en faire un débat d'intérêt national, quitte à favoriser le pourrissement de situations pourtant révélatrices d'enjeux essentiels, allant même parfois jusqu'à une répression inadmissible et liberticide, comme à Sainte-Soline.
Les projections des modèles climatiques nationaux et régionalisés produits par Météo-France convergent pour dessiner à la fois une trajectoire très probable de forte hausse des températures moyennes, une forte augmentation du nombre de jours de vagues de chaleur en été, une multiplication des épisodes de sécheresse et un renforcement du taux de précipitations extrêmes sur une large part du territoire. Le dérèglement climatique est bien là : il y a urgence, monsieur le ministre délégué.
À l'échelle des sept grands bassins versants, les agences de l'eau et les comités de bassin conduisent leurs travaux afin de renouveler les Sdage pour les cinq prochaines années. Des études prospectives à l'horizon 2050 sont également engagées. Les premiers scénarios soulèvent des inquiétudes quant à l'évolution et à la disponibilité future de la ressource en eau pour répondre aux différents usages. Face à cette situation, l'État ne peut continuer à renvoyer à l'échelon des sous-bassins versants ou des décideurs locaux la responsabilité d'arbitrer les projets privés de stockage, comme il l'a fait ces dernières années.
Le glissement opéré vers une gestion privée, voire individualisée, de la ressource en eau impose à l'État de reprendre le rôle qui doit être le sien en matière de planification de la gestion du grand cycle de l'eau. Seule cette voie permettra de retrouver de la cohérence et de la sérénité sur ce difficile dossier des mégabassines, des bassines et des retenues.
Parmi les chantiers prioritaires à engager figure, nous le savons, l'indispensable maîtrise des consommations. Il faut financer massivement les investissements nécessaires au renouvellement rapide des réseaux et captages d'eau des collectivités et syndicats intercommunaux gestionnaires, bien au-delà des enveloppes et moyens déjà consentis. Les agences de l'eau ne doivent pas voir leurs ressources détournées. Mais ne soyons pas dupes : cette seule mesure ne réglera rien, ou si peu. Dans mon département du Cher, les usages agricoles représentent près de 60 % de la consommation totale d'eau, contre 18 % pour les consommateurs finaux – l'eau du robinet dans les habitations. Nous avons donc la responsabilité d'agir, car là où différents usages coexistent, il y aura conflit si nous n'y prenons pas garde.
En matière de stockage de la ressource, l'action publique de l'État doit porter prioritairement sur l'optimisation et la coordination de la gestion des nombreux ouvrages existants, mais aussi sur l'évaluation de l'intérêt et de la faisabilité de grands projets de réservoirs complémentaires, à l'image des projets d'aménagement conduits dans les années 1970 et 1980 dans le bassin de la Seine ou de la Loire. Il nous faut renouer, en la matière, avec une véritable politique d'aménagement du territoire – préoccupation délaissée par les libéraux.
Enfin, l'adaptation de notre agriculture au changement climatique appelle une planification au service de la transformation agroécologique de l'ensemble des systèmes de production. Comment aider les agriculteurs à bifurquer, à engager la mutation de leurs exploitations vers des productions moins gourmandes en eau, à favoriser les productions qui renforcent notre souveraineté alimentaire ? Cela passe notamment par le refus de signer des accords de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande ou le Mercosur, le Marché commun du Sud.
Un grand plan national pour l'avenir des sols agricoles doit faire partie intégrante de cette politique, afin d'augmenter la réserve utile en eau et de desserrer l'étau des contraintes technico-économiques qui pèsent sur les orientations et pratiques d'une majorité des agriculteurs. Par ailleurs, les mégabassines construites actuellement créent des conflits entre agriculteurs, selon que leurs exploitations sont irriguées ou non.
Au-delà du moratoire qui nous est proposé aujourd'hui et que nous approuvons, il est donc indispensable que s'ouvre un grand débat sur les chantiers prioritaires d'une gestion intégrée et démocratique de la ressource en eau. Seul un partage juste et équilibré de la ressource, adossé à une transformation en profondeur de nos modèles agricoles, permettra de sortir par le haut des conflits d'usage que les pouvoirs publics doivent arbitrer dans la transparence et la démocratie. Le moratoire proposé par nos collègues du groupe LFI nous offre l'occasion d'ouvrir ce grand débat. C'est pourquoi le groupe Gauche démocrate et républicaine – NUPES votera ce texte sans aucune hésitation.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES et sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Alors que nous examinons cette proposition de loi, qui fait écho à l'actualité et au procès des militants opposés aux mégabassines de Sainte-Soline, j'appellerai, pour commencer, à ne surtout pas nous empêtrer dans des positions idéologiques lors de nos débats. En effet, les problèmes sous-jacents à ce texte, celui de la raréfaction de notre ressource en eau et celui de son partage, sont bien trop graves pour en faire des objets d'opposition stérile entre les différents acteurs concernés, au premier rang desquels les agriculteurs.
Sainte-Soline a cristallisé un peu plus la fracture entre partisans et opposants aux mégabassines. Votre texte, madame la rapporteure, semble être la seule réponse que vous ayez trouvée pour satisfaire les opposants.
Cette réponse est particulièrement arbitraire parce que vous décrétez dix ans de moratoire sans donner aucune explication. Pourquoi cette durée ? Pourquoi ne pas prévoir cinq ans, voire quinze, tant qu'on y est ?
Elle est également floue, parce que vous ne donnez aucune définition au terme « mégabassines », qui n'est pas non plus défini dans le code de l'environnement : un comble pour un texte qui les concerne très spécifiquement et se présente comme la porte ouverte à bien des décisions prises à l'emporte-pièce.
Enfin, cette réponse est injuste, car elle stigmatise et entretient un sentiment de défiance vis-à-vis de ce qu'elle nomme « le modèle agricole productiviste ». Pourtant, je le répète, la question est bien trop cruciale pour être strictement réduite à une position tranchée entre ceux qui sont « pour » et ceux qui sont « contre ». Et ce n'est certainement pas en entretenant les clivages que l'on parviendra à résoudre la question de l'accès à l'eau pour les cultures qui en ont besoin.
D'ailleurs, l'exemple de Sainte-Soline est à ce sujet très explicite : faute d'un dialogue à la hauteur, aucun compromis – hélas – n'avait pu être trouvé, ce qui laissait la place à la violence. En revanche, là où il y a dialogue, il y a toujours la possibilité d'une solution équilibrée. Et c'est ce dialogue que j'aimerais voir s'instaurer aujourd'hui dans notre hémicycle.
Toutefois, il ne pourra voir le jour que si nous revenons à des réflexions factuelles ancrées dans le réel et non dans des peurs plus ou moins fondées ou dans d'autres débats philosophiques.
Faisons quelques constats. Dans la majorité des territoires, jusqu'à maintenant, les usagers sont parvenus à s'accorder sur les projets de mégabassines. Notre pays dispose d'un cadre juridique fournissant les instruments nécessaires pour bâtir du consensus autour de ces dossiers. Les retenues de substitution sont soumises à autorisation : elles font donc l'objet d'études d'impact qui permettent d'évaluer si elles accaparent ou non la ressource en eau au détriment d'autres usages. Ces projets permettent aussi, en contrepartie, d'imposer des engagements en matière d'évolution des pratiques agricoles.
Ce sont les faits. Il y a un cadre, ne le nions pas, même s'il est sans doute perfectible. C'est la raison pour laquelle le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT) préconise, entre autres, de prendre davantage en compte les conséquences du dérèglement climatique dans les études d'incidence environnementale, ainsi qu'au moment de la délivrance de l'autorisation par l'autorité administrative. Nous suggérons par ailleurs de renforcer et de systématiser le contrôle des contreparties demandées aux agriculteurs, ce qui ne sera possible, encore une fois, que si toutes les conditions du dialogue sont bien réunies.
Forts de ces nouvelles exigences, nous considérons que les prochaines autorisations de retenues de substitution – comme les refus – pourront et devront se faire sereinement sur la base d'arguments techniques, en tenant compte des usages de l'eau et des caractéristiques tant géologiques qu'hydriques des territoires concernés.
Vous l'aurez compris, le groupe LIOT votera contre la proposition de loi. À nos yeux, ce moratoire serait bien plus porteur de conflits et de détresses que de solutions de long terme pour nos ressources en eau, aujourd'hui comme demain.
Exclamations sur les bancs du groupe RE.
« On marche sur la tête ! » : voilà ce que scandaient les agriculteurs ardéchois, ce lundi, lors de leur manifestation à Privas.
MM. Grégoire de Fournas et Emeric Salmon s'exclament.
Quand on voit cette proposition de loi, on les comprend ! Il est vrai qu'après plusieurs années de sécheresse, suivies ces dernières semaines d'inondations dans de nombreux territoires, le moment est vraiment bien choisi pour instaurer un moratoire sur les réserves d'eau. Seul point rassurant : je constate qu'après avoir cautionné les violences contre nos forces de l'ordre et participé à des manifestations interdites, vous vous êtes rappelé de l'existence et de l'utilité d'un parlement en rédigeant une proposition de loi.
Malheureusement, une fois de plus, vous avez choisi un titre provocateur en utilisant le terme « mégabassines », une qualification caricaturale…
…et péjorative, qui n'a aucune définition juridique en droit français. Une fois de plus, vous avez préféré la polémique au débat serein, le spectacle à la discussion, la démagogie aux solutions.
En bref, vous vous êtes, une fois de plus, réfugiés dans le confort de l'opposition.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Mais, de quoi parle-t-on, objectivement ? D'ouvrages destinés à être remplis en hiver avec de l'eau puisée, si elle est disponible,…
…dans les nappes phréatiques superficielles ou les cours d'eau. On parle de « retenues d'eau », de « réserves de substitution », de « bassins de stockage », qui ont pour seul point commun le stockage de l'eau, avec une très grande diversité dans les dimensions et une multitude de finalités différentes qui ne relèvent pas toutes, loin de là, des usages agricoles : je pense par exemple au soutien à l'étiage de nos cours d'eau ou à l'alimentation en eau potable.
Mme Ségolène Amiot s'exclame.
Pourquoi de tels ouvrages ? Avec le changement climatique, les territoires sont et seront de plus en plus confrontés à une diminution des régimes de pluie, avec des périodes de chaleur et de sécheresse de plus en plus précoces, longues et marquées, qui affecteront progressivement l'ensemble des usages de l'eau, plus particulièrement les productions agricoles, ce partout sur le territoire national.
Comme tout le monde le sait, l'eau est vitale pour le développement d'une plante, la vie d'un animal. Sans eau, il n'y a pas d'agriculture, et sans agriculture, il n'y a pas d'alimentation ni de sécurité alimentaire. En prétendant qu'un moratoire résoudrait la question de l'eau, vous vous moquez de nous ! En réalité, vous n'assumez pas que ce moratoire est une interdiction cachée ;…
Vous auriez pu amender le texte, au lieu de chercher à supprimer l'article unique !
…vous prétendez qu'il permettra la mise en place d'un espace de concertation. Mais si telle était réellement votre intention, vous en auriez dessiné les contours dans ce texte. Or ce n'est pas le cas.
Vous ignorez par ailleurs les nombreuses concertations nationales et locales qui ont eu lieu sur ce sujet.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Ce n'est pas étonnant quand on connaît les méthodes de votre parti pour résoudre les conflits : dans votre monde, la concertation n'a de valeur que si elle vous donne raison.
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe RE. – Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous n'assumez pas non plus le fait que cette interdiction ne repose sur aucun critère, si ce n'est le gigantisme des bassines, que vous ne définissez même pas ! Pourtant, vous savez bien que ces ouvrages sont déjà soumis à autorisation ou déclaration préalable, qu'ils font l'objet d'études de volume, d'études d'incidence ou d'impact évaluant l'ensemble des répercussions de chaque projet sur l'eau et les milieux aquatiques. Vous savez également que chaque dossier fait l'objet de nombreux examens dans le cadre de procédures strictes.
Par ailleurs, des projets comme celui de Sainte-Soline n'ont pas abouti sans respecter certaines conditions ni donner lieu à des contreparties inédites, incluant des objectifs de réduction des volumes prélevés et d'utilisation de pesticides. Vous oubliez aussi de dire que certains projets ont été annulés, ce qui démontre l'exigence des textes en vigueur, sans pour autant remettre en cause la pertinence de ces installations.
Inutile d'argumenter davantage : il n'y a ni rigueur scientifique ni objectivité dans ce texte. C'est une nouvelle occasion manquée de débattre de sujets bien plus constructifs,…
…comme ceux de la sobriété de nos usages quotidiens, de la gouvernance ou de la lutte contre les pollutions.
Pour résumer, c'est un désaccord profond que nous manifestons sur ce texte, désaccord partagé par vos amis sénateurs de gauche qui, dans un récent rapport, estiment que les retenues à usage agricole font partie de la solution. Ce débat reflète nos visions totalement différentes pour mener à bien la transition écologique de notre pays :…
…vous faites sans, nous faisons avec ; vous critiquez et caricaturez, nous proposons et avançons.
Du Varenne de l'eau au plan Eau, voilà notre action aujourd'hui et demain ,…
Exclamations continues sur les bancs du groupe LFI – NUPES
…pour faire de ce pays une France forte aux ambitions écologiques claires, qui, surtout, ne laisse personne sur le bord du chemin. Aussi, dans l'intérêt de chacune et chacun d'entre nous, de toutes les Françaises et de tous les Français,…
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. Bruno Millienne applaudit également.
Les politiques de l'eau vont devoir durablement être redéployées et repensées sous l'angle du réchauffement climatique et des changements qu'il va entraîner. Ces politiques touchent entre autres à la gouvernance des collectivités territoriales, à notre production d'électricité, à l'aménagement du territoire, au tourisme, aux milieux naturels et bien entendu à notre agriculture. À ce propos, il existerait en France plus de 500 000 retenues d'eau en tout genre, parfois très anciennes, indispensables à divers usages. Parmi elles, les réserves de substitution consistent à prélever l'eau dans les nappes l'hiver, quand elles sont au plus haut, pour maintenir l'irrigation, notamment l'été, et donc éviter de puiser dans lesdites nappes lorsqu'elles sont au plus bas, comme c'est souvent le cas actuellement.
Depuis peu, ces réserves sont le centre de polémiques relatives à la participation à des manifestations interdites, à des sabotages divers, à des agressions assumées envers les forces de l'ordre.
La présente proposition de loi prévoit un moratoire de dix ans sur ces retenues que vous dénommez « mégabassines », terme qui est juridiquement inexistant.
Un moratoire pour quoi faire ? Dix années pour discuter de quoi ? Vous ne le dites pas, vous ne le savez pas.
En réalité, cette proposition de loi, au-delà d'un moratoire, édicte une interdiction ,
Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES
puisqu'elle s'applique aux installations en cours d'instruction. Elle est révélatrice de votre façon d'aborder l'écologie en général, l'agriculture et les questions de l'eau en particulier. En vérité, que vous soyez Khmers verts ou Khmers rouges, vous n'êtes que punitions, interdictions, régressions et stigmatisations violentes.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Vives exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous voulez geler un sujet, ne pas l'étudier, et donc interdire de fait l'irrigation et menacer l'existence de nos agriculteurs. Après avoir instauré dans de nombreux endroits des zones à défendre (ZAD) violentes, vous imaginez à présent une ZAD juridique. Pour autant, le sujet mérite de vrais débats et pose de vraies questions ,
« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES
en dehors de certaines hystérisations et postulats idéologiques.
Nous travaillons ainsi sur des pistes que vous décidez d'ignorer. Ainsi, l'eau qui déborde des nappes l'hiver n'est bien entendu ni inutile ni perdue : elle est indispensable aux cycles de l'eau, à la biodiversité, aux cours d'eau et à l'humidification des sols. Les réserves de substitution doivent par conséquent être encadrées dès leur origine, pendant leur exploitation et lors de leur renouvellement – il y va du niveau des nappes, de leur régénération et de leur qualité bactériologique. Vous avez refusé les amendements que nous avons déposés en ce sens lors de l'examen du texte en commission.
Ces réserves sont nécessaires puisqu'elles garantissent à nos agriculteurs un approvisionnement durable qui leur assure davantage de lisibilité. Chacun ici, plaide alternativement pour les circuits courts et la souveraineté agricole, donc alimentaire. L'agriculture, quelle qu'elle soit, a besoin d'eau et doit être sécurisée. Cependant, il faut que cette lisibilité soit mise à profit pour assurer les transitions vers des variétés de culture plus sobres, ainsi que vers une irrigation plus technologique donc moins consommatrice.
Enfin – et nous y tenons –, l'eau ne doit pas être monétisée ni devenir un produit spéculatif, un bien de concurrence, un marché où l'on achète des volumes à la hausse ou à la baisse. Les réserves ne doivent pas être uniquement appréhendées par des énormes structures, notamment céréalières, exclusivement exportatrices et dont le capital n'est plus détenu par des intérêts français et qui représentent un modèle d'exclusion de fait des indispensables petites et moyennes exploitations agricoles.
Nous devons aussi poser la question de la gouvernance. Ces ouvrages sont fortement subventionnés. Leur gestion ne doit donc pas complètement échapper à l'État et à ses agences de l'eau, gages de régulation, de transparence et d'appréciation des impacts.
Enfin, si on estime au cas par cas que l'impact environnemental se révèle négatif ou que les niveaux des nappes deviennent critiques, la main ne doit pas trembler : il faudra limiter les utilisations, voire les interrompre.
Mme Ségolène Amiot s'exclame.
Il y a donc beaucoup de travail et beaucoup de choses à dire. Surtout, évitons de ne rien faire, de regarder ailleurs et de ne proposer aucune solution. Nous sommes ici pour agir ; nous ne sommes pas là pour ne rien faire pendant dix ans, à part des ZAD – surtout quand il est question de problèmes situés au carrefour des deux enjeux que sont notre souveraineté alimentaire et le réchauffement climatique.
Vous l'aurez compris, pour toutes ces raisons, le groupe RN votera contre cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La discussion générale est close.
Monsieur Maillard, vous souhaitez faire un rappel au règlement ?
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures quarante.
L'avenir de l'agriculture et la gestion des ressources en eau sont des sujets majeurs à l'heure du changement climatique, mais ni le ministre de l'agriculture ni celui de la transition écologique n'ont daigné se déplacer pour débattre avec nous de ces enjeux.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
On ne peut pas dire que cette attitude nous surprenne beaucoup, en pleine saison des 49.3, mais elle témoigne de leur mépris pour nous et la seule journée de niche parlementaire dont nous bénéficions dans l'année.
Vous vous êtes enorgueilli du bilan du Gouvernement, monsieur le ministre délégué, mais on ne trouve rien dans le plan Eau pour développer, par exemple, des cultures qui consommeraient moins d'eau. Le plan Écophyto s'est soldé par un échec absolu puisque l'utilisation des pesticides a continué d'augmenter.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous feriez mieux de faire preuve de modestie lorsque vous vous avisez de vanter les mérites de votre action ! La discussion de cet après-midi est utile, comme en témoignent les interventions des uns et des autres dans la discussion générale.
Plusieurs d'entre vous m'ont reproché d'employer le terme « mégabassine » au prétexte qu'il ne serait pas défini. Utiliser un mot courant, commun, que tout le monde comprend, pour écrire la loi, n'est pas une insulte à votre intelligence. Au contraire, c'est bien que les gens comprennent ce que l'on veut dire.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Tout le monde comprend facilement ce que l'on entend par mégabassine. Surtout, le terme est défini puisque, je l'ai déjà expliqué en commission mais cela ne me dérange pas de le répéter en séance, notre dispositif ne concernera que les grands ouvrages soumis à autorisation environnementale…
…c'est-à-dire des ouvrages de plus de 200 000 mètres cubes ou trois hectares.
Ceux soumis à une simple déclaration ne sont pas concernés. Seule une centaine de projets pourraient l'être.
De même, notre texte ne vise pas les retenues collinaires,…
…mais uniquement les retenues dites de substitution, à savoir celles qui sont endiguées de toutes parts, qui occupent une très grande surface au sol et qui nécessitent des travaux pour assurer leur étanchéité, l'installation de bâches ou de digues. Ces dispositifs sont extrêmement coûteux pour les finances publiques mais également pour les agriculteurs qui investissent.
Les ouvrages concernés sont parfaitement définis dans notre proposition de loi. Toutes les réserves de substitution ne seront pas visées, non plus que toutes les retenues destinées à l'irrigation agricole.
En vous fondant sur les articles L. 214-1 et suivants du code de l'environnement, c'est le cas !
J'espère vous avoir convaincus mais nous pourrons en discuter à nouveau si vous le souhaitez.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Je répondrai aussi aux fins observateurs qui m'ont rappelé qu'une bonne moitié du pays avait subi des précipitations très intenses ces dernières semaines, que nous l'avions bien noté, nous aussi, et que les meilleures bassines restent les nappes phréatiques.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Nous devrons en priorité nous occuper de ces sols qui, lessivés, imperméabilisés, ne permettent plus à l'eau de ruisseler jusqu'aux nappes phréatiques. Or vous n'avez rien prévu pour y remédier, notamment dans votre future loi d'orientation agricole (LOA).
Ensuite, on ne peut pas toujours prévoir quelles zones seront inondées et, pour reprendre les termes assez poétiques employés par une hydrologue que nous avons auditionnée, on ne peut pas déplacer les bassines en suivant les nuages. Ce n'est donc pas forcément là où les mégabassines seront installées qu'elles seront le plus utiles. Elles pourraient par exemple l'être dans les zones de répartition des eaux déjà soumises à un stress hydrique très important. C'est pour cette raison que nous avons voulu appliquer cette mesure au territoire national et pas uniquement dans quelques régions.
Pour certains d'entre vous, ce texte serait défavorable aux agriculteurs et toxique pour l'agriculture. Rappelons cependant que toute l'agriculture française n'est pas irriguée, loin de là, puisque moins de 7 % des surfaces agricoles le sont. La Cour des comptes, institution que vous devriez respecter, a remis un rapport en juillet 2023 qui confirme que l'irrigation aggrave des situations déjà tendues. Les bénéficiaires de ces bassines, en plus d'être installés dans des territoires qui représentent une infime portion de notre pays, seront minoritaires parmi les irrigants – moins de 5 % des agriculteurs d'un territoire pourront profiter d'une mégabassine.
Vous avez choisi de privilégier la construction de très grands ouvrages extrêmement coûteux au bénéfice d'une minorité ! Nous pourrions au moins nous entendre sur ce point : cette mesure est inégalitaire et pénalisera tous les autres agriculteurs ! Une fois qu'un territoire est drainé de toute part pour alimenter une mégabassine, les autres agriculteurs ont encore moins d'eau que prévu ! C'est inacceptable.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Un certain nombre d'entre vous ont fait allusion à la souveraineté alimentaire. Le même rapport de la Cour des comptes explique que les représentants des différentes filières agricoles qui invoquent la défense de la souveraineté alimentaire ne produisent aucun indicateur précis à l'appui de l'affirmation selon laquelle les bassines pourraient y concourir d'une manière ou d'une autre. En réalité, on produit aujourd'hui en France beaucoup de céréales destinées à l'alimentation animale, cultures en majorité irriguées et exportées. C'est à cause de choix de ce type que nous ne sommes pas souverains en matière alimentaire.
Mme Anne Stambach-Terrenoir applaudit.
Avec un tel modèle, et avec les mégabassines, le phénomène va perdurer et même s'aggraver. Un tiers des surfaces irriguées sont des cultures de maïs, et 40 % de la production française est exportée : voilà la réalité de ce que vous appelez la défense de notre souveraineté alimentaire. De surcroît, vous ne faites rien pour réorienter les cultures vers l'alimentation végétale. Sur le sujet, votre bilan est inexistant.
S'agissant des prétendues « réserves de substitution » – puisque c'est ainsi que ces grands ouvrages sont appelés –, il a été démontré que les bassines sont remplies avec un volume d'eau supérieur à celui qui servait auparavant à l'irrigation. Le phénomène va donc s'aggraver, et le volume pompé s'accroître : il ne s'agit donc pas de substitution.
Vous avez invoqué la science. Or on manque de données ; on ne sait pas encore quelles seront les conséquences de l'addition des retenues existantes. Au cours de leur audition, les représentants des ministères de l'agriculture et de la transition écologique ont déclaré qu'on comptait environ 600 000 à 800 000 retenues – lacs, retenues collinaires, retenues de substitution – servant à l'irrigation agricole mais qu'on ne pouvait pas les dénombrer avec précision ; on ne sait ni où elles se trouvent ni quels sont les volumes prélevés. Sachant que l'eau va se raréfier, il serait responsable d'attendre que l'on dispose de ces données avant de prendre des décisions qui auront des conséquences pendant des dizaines d'années.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Le BRGM a été cité par l'un d'entre vous. Or il est revenu sur ses évaluations, car il s'était appuyé sur des données datant des années 1990. Il a été notifié dans un communiqué public et répété au cours de son audition que les conséquences du dérèglement climatique avaient été sous-estimées. On ne peut plus s'appuyer sur les données des années 1990 pour prendre des décisions.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Elles ont été actualisées et il est vraisemblable que la situation a empiré.
Nous allons maintenant passer à la discussion de l'article unique. Je pense que des arguments intéressants peuvent être échangés et qu'il n'est pas nécessaire de tomber dans la caricature.
Exclamations et rires sur certains bancs.
J'espère en tout cas avoir répondu à quelques-unes des interrogations soulevées pendant la discussion générale.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
J'appelle maintenant l'article unique de la proposition de loi dans le texte dont l'Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n'a pas adopté de texte.
Cette proposition de moratoire est un appel à la raison. Les scientifiques nous alertent : le réchauffement climatique s'accélère ; tout va plus vite que prévu ; les sécheresses s'accentuent ; l'eau, qui est littéralement la source de toute vie, devient chaque jour plus rare et plus précieuse. Dans ce contexte, le principe des mégabassines – pomper l'eau des nappes phréatiques en hiver, quand elles sont pleines, pour disposer de réserves en été, quand l'eau vient à manquer – ne tient plus ; c'est un exemple type de maladaptation au défi colossal qui est devant nous.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Rappelez-vous : l'an dernier, nous avons connu une sécheresse hivernale sans précédent ; les niveaux des nappes phréatiques du pays étaient historiquement bas. Pomper l'eau dans ces circonstances, c'est empêcher les nappes de se reconstituer et entretenir un cercle vicieux : il y aura encore moins d'eau pour l'été, il faudra donc creuser de nouvelles bassines, qui seront remplies en pompant dans les réserves qui se tarissent.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Quand les Shadoks étaient confrontés à un grave problème qu'ils ne savaient pas résoudre, ils pompaient.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Ils disaient que cela ne pouvait pas nuire. Eh bien, si : c'est un gâchis phénoménal ! De surcroît, 20 % de l'eau stockée s'évapore. Pour la seule mégabassine de Sainte-Soline, c'est l'équivalent de soixante piscines olympiques qui se volatilise. Nous ne pouvons plus nous offrir le luxe d'une telle perte. Les mégabassines, c'est la perfusion qui maintient artificiellement en vie un système agro-industriel moribond parce que devenu insoutenable.
Mêmes mouvements.
Derrière les mégabassines se cachent d'immenses cultures céréalières ultra-irriguées – notamment du maïs –, des cultures largement arrosées aux intrants chimiques – alors que la pollution est la cinquième limite planétaire et que nous l'avons déjà franchie –, des cultures majoritairement envoyées à l'autre bout du monde, alors qu'on ne cesse de dire qu'il faut réduire les émissions de gaz à effet de serre, des cultures destinées à nourrir des animaux qui souffrent entassés dans des fermes usines ,
Murmures sur quelques bancs des groupes RE et Dem
alors que l'urgence est de réduire notre consommation de produits animaux.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Mêmes mouvements.
Ce modèle agricole intensif hérité du siècle dernier nous envoie dans le mur climatique, entraînant avec lui des agriculteurs surendettés et épuisés. Il y a urgence à s'arrêter et à réfléchir. Appuyons sur pause et trouvons d'autres solutions : 71 % de nos concitoyens vous le demandent avec nous. Nous pouvons, nous devons faire autrement – c'est ce que nous vous proposons aujourd'hui.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES, et GDR – NUPES. – Certains membres du groupe LFI – NUPES, continuant d'applaudir, se lèvent.
Madame la rapporteure, vous prétendez vouloir aborder dans l'hémicycle la question de la gestion de l'eau, mais en réalité, vous voulez nous faire adopter un texte destiné à défendre vos amis les activistes antibassines.
« Eh oui ! » sur divers bancs. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Le terme « mégabassine » n'a aucune valeur juridique ; il relève d'un usage militant. D'ailleurs, vous le savez très bien, puisque vous étiez aux côtés des activistes à Sainte-Soline, qui ont déclaré à nos agriculteurs qu'à partir du 13 juin, ils avaient « cent jours pour les sécher ». Ne dites pas que vous êtes là pour défendre notre modèle agricole, nos agriculteurs et l'irrigation.
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Le débat sur la gestion de l'eau, vous ne le souhaitez pas.
J'aimerais vous entendre, madame la rapporteure, parler de la continuité écologique. Aujourd'hui, plus de 7 800 ouvrages en rivière sont détruits partiellement et plus de 4 300 le sont totalement. L'aménagement de nos rivières et nos moulins sont menacés.
Vous êtes contre un modèle agricole qui consiste à drainer quand on peut et à irriguer quand il fait sec. C'est une question de bon sens.
« Bon sens n'est pas raison ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
J'espère que le législateur que nous sommes saura rassurer les agriculteurs. Ils ont besoin d'un signal très fort et ils attendent que l'on mette fin aux débordements de ces activistes qui entravent leur liberté professionnelle, notre agriculture et le modèle économique français.
Je vais continuer à dénoncer les mégamensonges de la rapporteure.
Vous prétendez avoir défini le terme « mégabassine » dans votre argumentaire mais vous avez sciemment mélangé toutes les réserves de substitution, laissant planer un doute sur vos intentions sur le sujet.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
La définition n'existe donc pas.
Vous dites que les meilleures réserves, ce sont les nappes phréatiques. Vous avez entièrement raison, et c'est bien pour cela qu'on ne peut pomper dans ces nappes que si elles atteignent un certain niveau déterminé par les autorités scientifiques.
Vous affirmez que l'irrigation ne concerne que 7 % des agriculteurs en France. Certes, mais certains territoires, exposés à une pluviométrie limitée, en ont plus besoin que d'autres : sans irrigation, il n'y a plus d'agriculture possible.
Vous soutenez que 20 % de l'eau s'évapore, alors que toutes les études montrent que la proportion est de 4 % ou 5 % au maximum. Cessez de jouer sur les peurs et d'avancer des chiffres qui ne correspondent pas à la réalité !
Concernant la souveraineté alimentaire, oui, nous exportons mais il existe avec des pays situés au sud de la Méditerranée une forme de solidarité, parce qu'ils ont des difficultés à produire leur propre alimentation. Les enjeux liés aux migrations seront d'autant plus prégnants si l'agriculture française n'aide pas ces pays.
Enfin, vous assurez que l'on manque de données scientifiques, mais dans le sud de la Vendée, voilà plus de dix ans qu'il y a des bassines et toutes les études observent une restauration du niveau des nappes phréatiques dans le secteur.
« Non ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous enfilez les mensonges comme des perles ! Nous voterons contre l'article unique.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Chers collègues de la majorité, je regrette profondément la manière dont se déroule ce débat. Dans les dernières interventions, notamment celle que nous venons d'entendre, ceux qui délivrent de fausses informations, ceux qui tournent le dos à la science, c'est vous.
Mme Laurence Heydel Grillere s'esclaffe.
Je vais le prouver.
Il suffit de s'appuyer sur des faits scientifiques. Voici ce que répond M. Le Cozannet, chercheur au BRGM et membre du Giec – institution à laquelle vous vous référez et dont les analyses scientifiques font consensus –, aux éléments de désinformation concernant les mégabassines : « Le rapport du Giec n'interdit ni n'encourage le stockage de l'eau dans des réservoirs ; il constate que c'est une solution souvent soutenue par les institutions mais – et c'est ce « mais » qui est important – c'est une solution coûteuse qui a souvent des effets négatifs pour les écosystèmes et qui peut perpétuer des modèles de développement agricoles insoutenables ». L'avis du Giec est donc négatif.
Dans son sixième rapport, il indique au contraire les solutions dans lesquelles nous devons collectivement investir : l'agroécologie, l'agroforesterie, les systèmes agricoles mixtes et diversifiés, la préservation des écosystèmes d'eau douce. Bref, il s'agit de faire le pari des solutions naturelles. Si l'on préserve les sols, cela permettra de conserver l'eau, de la laisser s'infiltrer.
Vous vous obstinez à refuser de discuter d'un moratoire qui consisterait à faire une pause.
Cela nous permettrait pourtant d'avoir un débat public, un débat apaisé, et d'éviter qu'on continue à creuser et qu'on impose un modèle agricole et une captation de la ressource en eau – cette ressource si précieuse, qu'il nous faut absolument préserver.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
Même en faisant preuve de bonne volonté, il est impossible d'adhérer à cette proposition de loi, tant elle est un non-sens à la fois démocratique, politique et juridique.
Sur le plan démocratique, votre souhait est d'imposer…
…depuis l'Assemblée nationale l'interdiction générale et indifférenciée de projets qui sont d'ores et déjà engagés sur nos territoires au terme de processus démocratiques locaux. Belle illustration du centralisme démocratique, à l'heure où l'on souhaiterait plus de différenciation et de décentralisation !
Sur le plan politique, ce moratoire vise ni plus ou moins à stigmatiser ceux qui font en grande partie l'économie de nos territoires ruraux, à savoir les agriculteurs, qui sont les usagers, non pas exclusifs, mais parmi d'autres, de ces retenues. Je tiens d'ailleurs à rappeler que nos agriculteurs sont engagés depuis longtemps dans une démarche de résilience et qu'à ce titre, ils ont réduit leur consommation d'eau de près d'un tiers en vingt ans. Leur donner les moyens de sécuriser leurs capacités de production à l'heure du grand défi climatique revient ni plus ni moins à assurer notre souveraineté alimentaire.
Sur le plan juridique, l'article unique de votre proposition de loi renvoie aux articles L. 214-1 et suivants du code de l'environnement. Or ce code n'emploie pas le terme de « mégabassine » – ni même celui de « bassine ». La proposition de loi vise en réalité tout ouvrage de retenue d'eau soumis à régime d'autorisation, soit une très grande partie des nouveaux projets de stockage d'eau en France,…
…parfois très éloignés dans leurs dimensions et dans leur conception de ceux visés dans l'exposé des motifs.
Si ce texte était adopté ici, à Paris, après quelques heures de débat seulement, il pourrait réduire à néant la réflexion engagée depuis de longs mois dans mon département, au plus près des acteurs et des réalités du terrain, et qui vise à répondre aux besoins non seulement des agriculteurs mais aussi de l'activité touristique, de la lutte contre les incendies et de la gestion solidaire de la ressource en eau avec nos voisins.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Nous parlons ici d'un sujet sensible : l'eau, qui est notre bien commun. L'écologie est un enjeu bien trop sérieux pour être laissé aux tenants d'une idéologie qui vise à déstabiliser notre civilisation, notre pays et, par extension, notre patrimoine.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Il est question de notre souveraineté alimentaire, de la manière dont les agriculteurs nourriront, demain, les populations. On ne le dira jamais assez, les agriculteurs font la qualité de nos assiettes et la beauté de nos paysages, depuis 1 500 ans.
Nous l'avons dit en commission, cette proposition de loi relève d'une posture et souffre de son absence d'équilibre : elle mettra notre pays au mieux en suspens, au pire en difficulté. Vous souhaitez interdire le déploiement d'installations sans proposer de solution alternative – à moins que vous n'en ayez trouvé depuis. Autrement dit, c'est un texte punitif. À rebours de cette écologie punitive, face aux Robespierre de Sainte-Soline,…
…le Rassemblement national souhaite une écologie équitable, qui prend en compte les réalités économiques, sociales et environnementales de notre pays. Il faut être sérieux en la matière. C'est à l'issue d'un travail scientifique argumenté et décliné bassin par bassin que nous pourrions ajuster notre corpus législatif afin de nous assurer que les retenues de substitution ont un impact acceptable sur notre environnement et, pourquoi pas, afin de les mettre à disposition de tous.
Devant tant d'incompétence, nous voterons bien évidemment contre la proposition de loi.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Je suis saisie d'une série d'amendements identiques tendant à supprimer l'article unique.
La parole est à M. Jean Terlier, pour soutenir l'amendement n° 14 .
Votre proposition de loi vise à instaurer un moratoire sur le déploiement des mégabassines. Je m'exprime en ma qualité de député du Tarn. Vous ne connaissez pas le Tarn, madame la rapporteure,…
…mais vous vous autorisez à le citer en faisant référence à la retenue de Sivens. Vous ne connaissez pas davantage les agriculteurs qui vivent dans le Tarn et y travaillent honnêtement, mais vous les méprisez par votre proposition de loi.
C'est vous qui avez refusé de voter les prix planchers pour les produits agricoles !
Par votre proposition de loi, vous stigmatisez le Tarn et ses agriculteurs, en voulant empêcher ces derniers de vivre dignement de leur métier – en voulant éradiquer, au fond, une agriculture qui a besoin d'irrigation.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Ces agriculteurs irriguent leurs cultures non pas par coquetterie, mais bien souvent pour assurer la survie de leur exploitation et en tirer un revenu. Madame la rapporteure, cessez vos leçons de morale !
Exclamations prolongées sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Venez rencontrer les agriculteurs des territoires ruraux, qui nous implorent chaque jour de trouver des solutions pérennes pour lutter contre la sécheresse. Au-delà de l'inconsistance juridique de votre proposition de loi, changez votre vision, étriquée et passéiste, de l'agriculture ! Ce sont les agriculteurs de France et du Tarn qui vous le demandent.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. Jean-Paul Mattei applaudit également.
Sur cette série d'amendements de suppression, je suis saisie par les groupes Renaissance et La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
L'amendement n° 16 de M. Julien Dive est défendu.
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l'amendement n° 19 .
Pour toutes les raisons exposées par les groupes de la majorité lors de la discussion générale, cette proposition de loi constitue une attaque directe contre l'agriculture et le modèle agricole français.
Elle constitue surtout, de la part de l'extrême gauche de cet hémicycle,…
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES
…un aveu de la haine pathologique qu'elle voue à l'agriculture française et aux paysans français.
Mais bien sûr ! Alors que vous les soutenez avec les accords de libre-échange !
Le terme « mégabassines » est une invention, que nous avons dénoncée ; c'est une de vos lubies, qui ne correspond à aucune réalité. En faisant usage de ce terme, vous voulez faire croire que les agriculteurs de notre pays saccagent l'environnement, qu'ils exploitent des sortes d'industries extensives polluantes qui martyrisent l'environnement. Pourtant, les premiers écologistes de France, ce sont nos agriculteurs.
D'après la légende, les premiers écologistes de France, ce sont les chasseurs !
Comme vous, madame Chatelain, nous souhaitons avoir un débat apaisé sur l'agriculture. Or c'est précisément à cause de députés de votre groupe qui, l'année dernière, se sont précipités à Sainte-Soline pour aller casser de l'agriculteur et du flic …
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES
…que nous ne pouvons plus débattre dans la sérénité sur les questions agricoles et sur l'irrigation. Voilà deux raisons de s'opposer à la proposition de loi et de supprimer l'article unique.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Le terme « mégabassines » ne figure absolument pas dans le droit français. Je vais répondre méthodiquement à chacun des points et à chacun des méga-mensonges qui ont été présentés par la rapporteure. Je vais le faire en prenant l'exemple que je connais le mieux, celui du Marais poitevin. Vous auriez pu venir, madame la rapporteure, dans la partie vendéenne de celui-ci.
Non, vous n'y êtes pas venue. Du côté vendéen, nous avons institué, il y a plus de quinze ans, une organisation qui associe, par l'intermédiaire de l'établissement public du Marais poitevin (EPMP) et du schéma d'aménagement et de gestion de l'eau (Sage), non seulement des représentants de l'État, l'ensemble des conseils départementaux, la maîtrise d'ouvrage et les irrigants, mais aussi les associations de protection de la nature. Nous avons défini, tous ensemble, un usage de l'eau collectif, et cela fonctionne, sachant qu'il y a vingt-cinq réserves de substitution dans le sud de la Vendée.
Un conseil scientifique est intervenu, et je tiens à souligner certaines de ses conclusions. D'abord, ce que vous dites à propos de l'accaparement de l'eau est complètement faux : dans ce secteur, 80 % à 90 % des agriculteurs sont irrigants. Ensuite, 60 % des prélèvements d'eau en période estivale ont été diminués. Cela montre tout l'intérêt qu'il y a à stocker de l'eau en hiver pour l'utiliser convenablement en été, et éviter ainsi de faire baisser le niveau des nappes phréatiques.
Qui plus est, nous avons permis le développement de cultures spécialisées, notamment en agriculture biologique – je pensais que vous souteniez ce type d'agriculture. Enfin, nous avons surtout permis la préservation du modèle familial : en moyenne, chaque structure exploite 140 hectares et emploie deux associés. Nous sommes donc loin du modèle agro-industriel que vous évoquez.
L'orateur est applaudi sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Aucune vie, végétale ou animale, n'est possible sans eau. Bien sûr, les bassines ne sont pas la solution unique et uniforme pour tous les territoires : chacun présente des spécificités. C'est pourquoi l'implantation des bassines fait l'objet d'une étude par des organismes indépendants. Il s'agit de veiller à ce que la bassine soit…
…la meilleure option possible pour le territoire considéré.
Vous le savez, il n'y a pas partout des nappes phréatiques. Dans la Creuse, l'excès de pluie qui tombe l'hiver ne peut être utilisé de manière optimale s'il n'existe pas de bassines pour le retenir.
L'alimentation en eau y dépend aussi des sources, lesquelles ne sont pas affectées par l'implantation de bassines.
Il importe d'examiner, d'analyser et de comprendre la spécificité de chaque territoire pour déterminer si celui-ci a besoin ou non de bassines. Les exemples de Sainte-Soline, de la Vendée ou de la Creuse nous invitent effectivement à repenser notre modèle de gestion de l'eau, afin d'optimiser l'emploi d'une ressource qui se raréfie. La question n'est pas de savoir s'il faut instaurer un moratoire sur l'installation de mégabassines.
La question est de savoir si la ressource en eau sera disponible pour tous et si les agriculteurs pourront en bénéficier. Voulons-nous une agriculture qui permette de nourrir chacun d'entre nous, qui permette à chaque agriculteur de vivre de son travail…
…et qui permette à tous nos compatriotes d'avoir accès à l'eau ? C'est là un point fondamental, qui dépasse largement la question d'un moratoire sur les mégabassines.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
La présentation de cette série d'amendements identiques ne serait-elle pas de l'obstruction ? Je pensais que vous étiez contre l'obstruction, monsieur le président Maillard ?
La parole est à Mme Laurence Heydel Grillere, pour soutenir l'amendement n° 41 .
Compte tenu des propos que j'ai tenus précédemment, je pense être cohérente en vous présentant cet amendement de suppression. Je le redis : on instrumentalise ici, à des fins politiques, les difficultés de la gestion de la ressource en eau, et il n'est pas question de tomber dans ce piège qui nous est tendu. La question des retenues de substitution est complexe ; il faut l'appréhender avec un regard scientifique et dénué d'idéologie.
Pour ma part, je souhaite me fier à des constats clairs. Permettez-moi de citer le rapport relatif à la gestion de l'eau publié récemment par nos collègues sénateurs – le rapporteur est d'ailleurs issu de l'une de vos formations politiques : « La solution de facilité, pour mettre un terme aux confrontations, serait de déclarer un moratoire sur tous les nouveaux projets de retenues soumis à autorisation préfectorale […]. Si l'on doit privilégier en premier lieu la sobriété […] et l'adoption de pratiques culturales plus économes en eau […], on ne peut pas éluder le besoin en eau des agriculteurs ni considérer que, par nature, toute retenue de substitution est néfaste. » Tout est dit, et je pense objectivement que vous vous tirez une balle dans le pied en présentant cette proposition de loi.
Arrêtons les caricatures ! Cessons de stigmatiser les agriculteurs ! Respectons-les ! Ils consacrent chacune de leurs journées à nous nourrir. Je vous invite à rechercher avec nous des réponses globales sur la question de l'eau. Ce serait bien plus utile pour l'ensemble des Français. Je l'ai dit en commission, rédiger une proposition de loi n'est pas aussi simple que d'écrire un tweet. Les Français attendent un peu plus de nous que ce texte court, peut-être percutant, mais qui raconte surtout n'importe quoi.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. Jean-Paul Mattei applaudit également.
Pour un groupe d'opposition, une journée de niche est toujours importante, car c'est ce groupe, et non le Gouvernement ou la majorité, qui en fixe l'ordre du jour.
Et alors que nous pouvons le faire une fois par an, vous faites de l'obstruction. Est-ce cela, la démocratie ?
Chers collègues du groupe La France insoumise, je regrette que le moratoire sur le déploiement des mégabassines soit le seul texte en lien avec la transition écologique que vous ayez trouvé à inscrire à l'ordre du jour de votre niche. Je vous crois sincères dans le combat que vous menez pour améliorer la transition écologique dans notre pays, mais permettez-moi de regretter que vous n'ayez rien trouvé de mieux que ce sujet.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
En réalité, votre volonté est non pas de faire progresser la cause que vous prétendez défendre, mais uniquement de trouver des objets politiques, en l'espèce du gros vert qui tache, pour essayer de nous embêter…
…et d'embêter des acteurs qui agissent au quotidien dans notre intérêt, y compris en faveur de l'environnement.
Mes collègues l'ont dit, les mégabassines n'ont pas d'existence juridique propre. D'autre part, pourquoi estimez-vous nécessaire d'imposer un moratoire à l'échelle nationale, alors que, dans certains territoires, à n'en pas douter, les retenues sont nécessaires et n'ont pas l'impact négatif que vous décrivez ?
Vous donnez l'impression que nous vivons dans un pays sans foi ni droit, alors que nous sommes bien dans un pays de droit.
Sourires sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
D'ailleurs, nous avons tous été élus pour rédiger ce droit, dans l'intérêt général. Je rappelle que tout projet de retenue d'eau doit faire l'objet d'une déclaration préalable. Les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) et les services de l'État examinent ces projets et se prononcent en fonction de critères environnementaux.
Dès lors, nous avons besoin non pas d'instaurer un moratoire, mais de faire appliquer notre droit, ce qui est déjà le cas.
Mme la présidente coupe le micro de l'orateur, dont le temps de parole est écoulé. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Nous avons dénoncé la prime de 3 000 euros que peuvent toucher les préfets !
La parole est à M. Jean-René Cazeneuve, pour soutenir l'amendement n° 43 .
J'appelle à voter contre cette proposition de loi, qui montre les agriculteurs du doigt, les stigmatise.
Ce microtexte relève tout simplement de l'agribashing. À vous écouter, nos agriculteurs ne sont pas à la tête d'exploitations agricoles ; ils ont des fermes-usines – vous avez encore employé ce terme. À vous écouter, ils ne traitent pas leurs cultures contre les parasites ; ils empoisonnent nos sols et les Français. À vous écouter, ils n'élèvent pas leurs bêtes ; ils font de la maltraitance animale. À vous écouter, ils n'utilisent pas l'eau avec responsabilité pour nous nourrir ; ils monopolisent l'eau et la gaspillent.
Et c'est pour les aider que vous votez un traité de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande, sans doute !
Stop à l'agribashing ! Oui aux retenues d'eau ! Soutenons nos agriculteurs !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Il vise à supprimer l'article unique de la proposition de loi visant à instaurer un moratoire sur le déploiement des mégabassines.
En effet, le rapport de la mission d'information du Sénat relative à la gestion de l'eau, fruit d'un travail rassemblant diverses sensibilités politiques, exclut très clairement l'idée d'un moratoire, car celui-ci reviendrait à interdire purement et simplement le déploiement de tout projet de cette nature. Ce même rapport évoque d'ailleurs la nécessité de poursuivre le dialogue sur ces projets de mégabassine. Comme à son habitude, le groupe LFI – NUPES souhaite l'interdiction systématique tandis que nous, nous prônons la discussion systématique.
L'unique argument avancé pour justifier le moratoire est celui de la monopolisation de l'eau dans les mégabassines au bénéfice de seuls agriculteurs. Pourtant, ces derniers – faut-il le rappeler au groupe LFI –…
…contribuent pleinement à notre souveraineté alimentaire. Ils doivent soumettre un projet de retenue avant toute construction et être membres d'une société coopérative de gestion de l'eau.
En Côte-d'Or, nous ne parlons pas de « mégabassines » mais de « réserves d'eau ». Cette eau est utile pour nos agriculteurs et maraîchers de proximité ; utile pour les circuits courts reposant sur des projets multiusages où elle peut également servir à la sécurité incendie ou permettre de préserver le débit d'étiage des ruisseaux durant l'été ; utile pour la biodiversité ; utile pour les oiseaux migrateurs et pour bien d'autres fonctions.
Gardons-nous de tout dogmatisme et concevons des projets réfléchis pour notre souveraineté alimentaire, notre autonomie et notre biodiversité.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
La parole est à Mme Anne-Laure Blin, pour soutenir l'amendement n° 53 .
C'est avec une grande conviction que je défends cet amendement de suppression. Les réserves d'eau sont fondamentales. On vous entend hurler et huer lorsque nous dénonçons ce qu'ont fait vos amis activistes antibassines dans nos exploitations agricoles.
Des exploitations ont été piétinées et des compteurs d'eau utilisés pour l'irrigation ont été saccagés : voilà ce que vous faites dans les territoires ! Nous devons pourtant pouvoir débattre de la façon de stocker l'eau lorsqu'elle tombe du ciel en quantité suffisante. Il s'agit simplement d'un principe de bon sens.
Les agriculteurs en ont besoin.
Vous insistez sur la question de l'exportation. Mais il semble que vous lui préfériez les importations, puisque vous souhaitez que nous achetions à l'étranger ce que nous ne pourrons plus produire sur le territoire national.
Je viens d'une terre horticole, l'Anjou. Avec vos politiques dites écologiques, vous détruisez les territoires agricoles en favorisant la disparition d'un certain nombre de filières horticoles. Vous devez l'entendre ! Vous défendez une politique de décroissance contre laquelle nous nous élevons. Nous voterons massivement cet amendement de suppression.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme. Félicie Gérard applaudit également.
La suppression de l'article unique est justifiée par plusieurs raisons. D'abord, instaurer un moratoire ne répondrait pas à l'enjeu urgent et crucial de la gestion et de l'accès à la ressource en eau.
Ensuite, depuis 1970, l'irrigation a été développée pour réguler l'accès à l'eau. Or, depuis 2010 et la réforme de la PAC, elle régresse. Vous l'avez d'ailleurs souligné vous-même : seules 7 % des SAU sont actuellement irriguées.
Par ailleurs, comme vous le savez, l'autorisation des bassines est particulièrement encadrée par l'État, les collectivités territoriales et les associations environnementales, qui sont également impliquées dans le processus. Faisons confiance aux acteurs qui, eux, connaissent le terrain. Je vous invite, à cet égard, à vous intéresser aux nouvelles bassines construites en Allemagne.
Enfin, un moratoire de dix ans – la moitié d'une génération – serait bien trop long. Une telle option n'est pas acceptable. Réclamer une suspension des projets de mégabassine sans les définir relève de l'idéologie et ne constitue en rien une réponse satisfaisante aux conflits d'usage. Avec votre méga-schizophrénie et votre difficulté à gérer des problèmes, vous êtes décidément responsables de la mort lente de certaines structures agricoles. .
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. Frédéric Petit applaudit également
C'est vous qui êtes responsables ! N'est-ce pas vous qui gouvernez depuis sept ans ?
L'interdiction proposée dans la proposition de loi ne répond pas aux enjeux de la gestion de l'eau et ne constitue pas une solution scientifique et réaliste susceptible d'encourager l'évolution de nos pratiques collectives. Ensuite, son application juridique semble incertaine en pratique. Enfin, la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale a lancé cet été une mission d'information, dont je suis co-rapporteur, sur l'adaptation des politiques publiques de l'eau face au changement climatique. Il convient d'attendre de connaître ses propositions, qui viseront notamment à répondre à cet enjeu et à appliquer l'ambitieux plan Eau présenté par le Président de la République.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Je regrette que ce débat sur la politique de l'eau et ses retenues ait été placé, en commission comme en séance publique, sous le signe de la caricature et de slogans dignes d'être prononcés dans un mégaphone à Sainte-Soline. Le contenu de ce texte est inopérant, car le terme « mégabassine » n'a pas d'existence juridique.
Vous ne définissez pas la taille des retenues collinaires dont il est question. Cet article unique n'est donc ni fait, ni à faire. Il s'apparente davantage à un slogan prononcé dans une manifestation qu'à un texte de loi. Il est regrettable que le débat sur les retenues d'eau – dont nous soutenons le principe, car il est tout à fait normal d'imaginer conserver la pluie pour pouvoir l'utiliser lorsqu'il fait chaud –, soit hystérisé par une force politique qui a exercé une pression sociale à travers la violence des manifestations organisées à Sainte-Soline.
Pour notre part, nous souhaitons réfléchir aux enjeux que soulèvent ces mégabassines, qu'ils soient sanitaires, de gouvernance, de privatisation de l'eau ou de biodiversité. Mais la manière dont vous avez présenté le débat n'est absolument pas admissible dans l'enceinte de la représentation nationale et nous oblige à déposer un amendement de suppression. Il est regrettable que les quelques heures consacrées à ce texte en commission puis en séance publique ne soient mobilisées qu'au service de vos postures politiciennes.
Nous avions envisagé de poursuivre ce débat. Mais la façon dont il est posé nous oblige à supprimer cet article, à renvoyer ce texte aux oubliettes et, peut-être, à en déposer un bien plus intelligent.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Comme l'a souligné notre collègue Mazars, si ce texte était adopté, il mettrait en péril tous les systèmes de stockage d'eau en hiver qui permettent aux agriculteurs d'irriguer leurs cultures. Pour illustrer mon propos – car vous relatez bien souvent des situations catastrophiques qui ne reflètent pas la réalité –, dans la région de l'Entre-deux-Mers, en Gironde, où j'ai été élu député, coule le Drot, un affluent de la Garonne de 100 kilomètres de long présentant une pente de 0,03 ‰. Les écrits du Moyen-Âge le décrivaient comme un marigot boueux en été. Désormais, la rivière peut être traversée à la nage, mais certainement pas à pied, car elle est pleine.
Elle permet d'irriguer, sur un bassin versant, entre 10 000 et 11 000 hectares de culture grâce aux agriculteurs et aux élus des départements de la Dordogne, du Lot-et-Garonne et de la Gironde, qui ont construit plusieurs réserves de stockage. Ces dernières forment un maillage de réalimentation de la rivière qui permet de maintenir, jusqu'au 31 octobre, un débit d'étiage suffisant pour que les irrigants de la vallée puissent arroser leurs cultures. Ce sont ainsi 5 800 hectares qui bénéficient des 15 millions de mètres cubes d'eau stockés dans ces lacs de réalimentation, lesquels sont également nécessaires au maintien de la ripisylve et de la biodiversité sur toute la longueur de la rivière. Ce système offre enfin des exutoires pour les stations d'épuration des villes et présente donc aussi un intérêt pour des usagers qui ne sont pas directement liées à l'agriculture.
Voilà un exemple de gestion intelligente…
Mme la présidente coupe le micro de l'orateur, dont le temps de parole est écoulé. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
La proposition qui nous est faite ne répond pas à l'immense enjeu de la gestion de l'eau et méconnaît la réalité de nos territoires ainsi que de l'utilisation de cette ressource par les différents acteurs. Le partage de l'eau est essentiel, comme l'a rappelé le Président de la République en mars dernier lors de la présentation du plan Eau. Mais l'interdiction des mégabassines, loin d'être une réponse satisfaisante, est à la fois simpliste et, à mon sens, plus démagogique que scientifique.
Partout en France, certaines entreprises agroalimentaires, comme les sucreries, sont équipées de bassins récupérant l'eau de leur production. Dans ma circonscription, à Pithiviers-le-Vieil, la capacité de stockage des réserves d'eau de la sucrerie est de 2,5 millions de mètres cubes.
Des efforts importants y sont effectués en matière de recyclage de l'eau, l'objectif à court terme étant de ne plus prélever d'eau dans les nappes phréatiques et de permettre aux agriculteurs d'utiliser cette eau recyclée pour l'irrigation. J'ai pu le constater cet automne à l'occasion d'une visite. À terme, ces 2,5 millions de mètres cubes annuels, qui représentent la consommation de 50 000 personnes ou de 2 500 piscines olympiques, ne seront plus prélevés et pourront faire l'objet d'un usage domestique par les Loirétains. Du fait de ces avancées techniques, il ne semble pas pertinent d'interdire de telles infrastructures, alors que certaines ne seront plus soumises à l'article L. 214-1 du code de l'environnement mentionné dans votre proposition de loi.
Adopter ce texte reviendrait à mettre en péril cette activité, comme bien d'autres dans nos territoires ruraux, accroissant ainsi le chômage, la désindustrialisation et les importations de produits finis dans notre pays, qui contribuent à la disparition de certaines filières. Il convient donc de supprimer l'article unique.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
La parole est à M. Frédéric Descrozaille, pour soutenir l'amendement n° 94 .
Je ne reprendrai pas les arguments techniques et juridiques avancés pour pointer les inconséquences de votre proposition, mais j'insisterai sur un point : la question de l'eau – nous en sommes, je pense, tous d'accord – devient presque, en certains endroits, un motif de guerre civile.
Les esprits s'échauffent jusqu'à un point inouï : au-delà d'un dialogue de sourds, ce sont des affrontements qui se font jour dans de nombreux territoires. Pour traiter cette question il faut, à rebours de ce que vous proposez, de la prudence, de la pondération, de la diplomatie et de l'apaisement.
L'enjeu n'est pas qu'une vision l'emporte sur une autre. Nous avons besoin de nous parler, afin que tous les usages cohabitent. Nous ne devons pas faire par avance le procès d'un modèle en adoptant un texte dont le titre même, en incluant le mot « mégabassines », est déjà une provocation.
Nous n'avons pas parlé de « voleurs d'eau » alors que nous aurions pu !
Vous en faites le symbole de ce que vous ne voulez plus voir et vous refusez tout esprit de dialogue et d'ouverture sur cette question qui pourrait mettre le feu – pardon pour le jeu de mots – à la France dans les années qui viennent. Votre initiative est donc nulle et non avenue.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
La parole est à Mme Patricia Lemoine, pour soutenir l'amendement n° 97 .
La présente proposition de loi entend suspendre l'ensemble des projets en cours ainsi que toute nouvelle construction pendant dix ans, sans que cette durée ne soit justifiée par une quelconque explication. Aucune mesure concrète n'est par ailleurs proposée pour faciliter la gestion de l'eau, alors qu'il s'agit d'une question cruciale, notamment pour les agriculteurs. Balayer cet enjeu d'un revers de main en proposant un moratoire n'est pas sérieux et ne nous permettra pas de conduire le travail considérable qui s'impose pour trouver, aux côtés des exploitants, des solutions leur permettant d'irriguer malgré l'enchaînement les périodes de sécheresse tout au long de l'année.
Par ailleurs, le rapport sénatorial déjà évoqué par plusieurs de nos collègues préconise de travailler de concert avec les agriculteurs sur ce sujet. Enfin, vous ne tenez pas compte des situations hydrologiques très diverses selon les territoires.
Vous versez donc dans la caricature en démontrant une nouvelle fois, comme vous l'avez déjà fait à de multiples reprises dans cet hémicycle, que vous n'aimez pas les entreprises.
Vous n'aimez pas davantage les agriculteurs, que vous méprisez avec ce moratoire.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
J'imagine que vous êtes satisfaits. Vous vous êtes livrés à une obstruction très visible en déposant une vingtaine d'amendements identiques.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Exclamations sur les bancs du groupe RE ainsi que sur quelques bancs du groupe Dem.
Je n'ai aucun problème à débattre – nous verrons bien ce qui sera voté par la suite. Mais je répète que nous ne disposons que d'une seule journée par an pour choisir les textes inscrits à l'ordre du jour. Si nous faisons aujourd'hui une proposition limitée, c'est que notre temps est compté. Vous auriez pu, vous, en six ans de pouvoir, proposer de grandes lois sur la gestion de l'eau et la bifurcation du modèle agricole. Vous ne l'avez pas fait.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Ce qui me rassure, c'est que, si vous avez dû m'agonir d'injures et proférer tant de mensonges pour défendre vos amendements ,…
« Oh ! » sur les bancs des groupes RE et Dem
…c'est parce que vous n'avez pas beaucoup d'arguments. En réalité, je pense que vous doutez.
Quant à mon incompétence et à mon désintérêt supposé pour les questions agricoles, je regrette de devoir les démentir en racontant ma vie, mais mon grand-père était exploitant agricole dans la Vienne et mon frère est maraîcher dans les Deux-Sèvres.
M. Laurent Croizier applaudit.
De plus, en tant que députés de la nation, nous nous intéressons toutes et tous à ces questions cruciales
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES
Sourires sur les bancs du groupe Dem.
Vous devez accepter de bonne foi que nous n'ayons pas la même vision du modèle agricole à encourager.
Nous avons vu la vôtre ; nous essaierons de développer la nôtre à l'occasion de la loi d'orientation et d'avenir agricoles à venir.
Vous ne rendez pas service aux agriculteurs en les enfermant dans un modèle dont ils ne peuvent pas sortir.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
De même qu'à une autre époque, vous les encouragiez à investir massivement et à se surendetter pour acquérir un matériel agricole toujours plus puissant et regrouper des exploitations toujours plus grandes, vous voulez maintenant les rendre dépendants d'immenses ouvrages de stockage de l'eau dans lesquels ils vont investir alors qu'ils ne seront plus remplis dans les années à venir.
Ces bassines resteront vides, comme elles sont déjà vides en Catalogne, où le remplissage n'atteint que 28 % des capacités, pour une moyenne de 49 % en Espagne.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Vous condamnez leurs parcelles à l'irrigation forcée alors même que les bassines ne seront pas suffisamment alimentées. C'est un mauvais modèle.
Certains nous accusent de ne pas connaître le terrain et nous assurent que les mégabassines sont adaptées à certaines zones et pas à d'autres. Or, si nous avons décidé de faire un moratoire national, c'est parce que les consignes de systématisation de ces ouvrages viennent de l'État. La presse a même révélé ce matin que les préfets percevront une prime de fin d'année s'ils réussissent à faire construire suffisamment de mégabassines.
Monsieur le ministre délégué, pouvez-vous confirmer ou infirmer ce que nous pressentons, à savoir votre volonté de développer ce modèle partout, coûte que coûte ?
Enfin, celles et ceux qui ont appelé au respect de la démocratie et à la fin des conflits sur l'eau ne rendent pas service à la population. En effet, les conflits vont se multiplier en raison de la raréfaction de la ressource, tandis que les usages indispensables à la vie resteront constants.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES.
Ne votez pas ces amendements de suppression. N'ayons pas peur de la démocratie, laissons le débat avoir lieu.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur plusieurs bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES.
Madame la rapporteure, vous vous offusquez d'une prétendue obstruction des députés de la majorité parce qu'ils ont déposé une vingtaine d'amendements tendant à supprimer l'article unique de la proposition de loi. Quand on sait que, sur certains textes, vous avez déposé des amendements par centaines, voire par milliers ,
« Eh oui ! » et applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
De même, vous vous offusquez d'insultes qui auraient été proférées dans l'hémicycle, ce qui est absolument faux.
Je vous enverrai les références d'insultes qui ont été proférées en direction de députés ou de ministres ; vous verrez qu'elles sont loin de ce qui a été dit aujourd'hui.
Sans commenter toutes ces imprécisions et ces mensonges – ou, comme l'a dit Nicolas Turquois, ces « méga-mensonges » –,…
…je ne vois pas en quoi ces réserves d'eau seraient contradictoires avec une gestion ambitieuse de l'eau. Elles n'empêchent en rien d'engager une dynamique de sobriété,…
…d'optimiser la disponibilité de la ressource et d'améliorer la politique de l'eau.
La preuve en est que le plan Eau, présenté par le Président de la République au mois de mars dernier, présente cinquante-trois mesures qui seront déployées avec les collectivités territoriales et les différentes parties prenantes pour relever le défi de la gestion de l'eau et de la transition écologique dans l'agriculture.
En réalité, les réserves d'eau sont un bouc émissaire au service de votre vision idéologique et malthusienne de l'agriculture et, dirai-je même, de votre vision décroissante de l'économie, laquelle fait toujours les mêmes victimes : les agriculteurs.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Les agriculteurs, que vous dénigrez en permanence, comme l'a très bien souligné M. le rapporteur général du budget ; les agriculteurs qui, pourtant, font beaucoup pour la transition écologique par la diversification de leurs pratiques et de leurs cultures.
Cessez donc de les pointer du doigt et accompagnez-les dans une transition écologique au service de la gestion de l'eau. Les victimes, in fine, ce sont les Françaises et les Français, car vous attaquez notre souveraineté et notre capacité exportatrice en matière agricole.
Et l'accord avec la Nouvelle-Zélande, qui détruira les filières bovine et ovine, c'est pour la souveraineté agricole ?
C'est la raison pour laquelle nous soutenons ces amendements de suppression.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
J'ai reçu plusieurs demandes de prise de parole et je laisserai s'exprimer un orateur par groupe. La parole est à M. Bruno Millienne.
Je suis désolé que le débat en arrive là, madame Guetté. En commission, nous avions ébauché un début de discussion apaisée.
Le problème que vous soulevez est important ; néanmoins, je l'ai déjà dit, il ne doit pas être abordé sous cet angle. Des exemples ont été donnés dans l'hémicycle par des gens de bonne foi qui attestent que de nombreux problèmes d'accès à l'eau ont été réglés en mettant les gens autour de la table, territoire par territoire, comité de bassin par comité de bassin. Mon groupe compte un député qui s'y est consacré pendant vingt ans au sein des agences de l'eau ; il a toujours trouvé des solutions. Ce que je vous reproche, c'est de passer encore une fois par le biais de l'interdiction.
Enfin, je ne peux pas laisser passer le dernier mensonge que vous avez proféré. Oui, les préfets touchent des primes d'objectifs, car c'est ainsi qu'ils sont rémunérés : ils touchent un traitement complété par des primes liées au déploiement des politiques publiques. Et, effectivement, dans certains territoires, ils travaillent sur le problème de l'eau.
Enfin, ce que je regrette depuis le début de cette journée, c'est que vous proposiez des textes sans aucune nuance – ou plutôt, à l'image de votre politique, avec cinquante nuances de populisme.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem, RE et HOR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Ce défilé de défenseurs de l'agriculture est cocasse pour qui sait qu'il y a moins de quarante-huit heures, vous avez voté un accord de libre-échange entre la Nouvelle-Zélande et l'Union européenne
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES
qui va tuer des filières entières, et qu'il y a moins de deux heures, vous avez refusé les prix planchers pour les mêmes agriculteurs.
Mêmes mouvements.
Vous nous faites le coup des grandes concertations, mais vous êtes des méga-forceurs.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Vous vous asseyez sur l'instruction du Gouvernement de 2019 relative au PTGE, puisque la préfète des Deux-Sèvres en poste à l'époque a viré les parties prenantes, notamment les citoyens, du tour de table.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Mais je reviendrai aux préfets plus tard.
Vous niez les arguments techniques et scientifiques en prétendant que ces bassines seraient des réserves de substitution. Et bim : vous vous prenez une méga-annulation de quinze mégabassines illégales par le tribunal administratif
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES
sur ces mêmes fondements techniques et scientifiques.
En fait, vous êtes les méga-trolls de l'agrobusiness.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Mais rassurez-vous, monsieur Millienne, vous n'êtes pas seul : c'est une arnaque agronomique et environnementale en bande organisée, couverte et appuyée par l'État, puisque nous avons découvert ce matin que des méga-primes seront accordées aux préfets qui feront passer ces chantiers coûte que coûte. Tout cela est aussi pourri et malhonnête que le barrage illégal de Caussade,…
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Votre litanie le prouve, vous défendez une république bananière contre l'intérêt général, mais aussi contre les agriculteurs eux-mêmes.
Les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et GDR – NUPES ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.
Le débat n'est pas du tout à la hauteur de la gravité de la situation sur le terrain. Dans les Deux-Sèvres, la sécheresse s'est traduite par 1 000 kilomètres à sec dans les rivières et la sécurité en eau potable a dû être assurée par un approvisionnement auprès des départements voisins. Malgré cette situation, la préfecture a délivré des dérogations pour 2 millions de mètres cubes d'eau au bénéfice de l'irrigation agricole.
Vous dites qu'il faut faire confiance aux acteurs locaux. S'il y a un territoire en France qui demande un moratoire, c'est celui des Deux-Sèvres, or l'État passe en force
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES
et balaie les objections des associations, des maires et de toutes celles et ceux qui expliquent qu'on ne peut pas continuer comme ça.
M. Dominique Potier applaudit
dit qu'il faut faire une pause dans les travaux. La paix civile, la concorde civile, doivent revenir autour du partage de l'eau.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et SOC.
Vous prétendez mener une politique du cas par cas et du respect du droit de l'environnement. Est-ce pour cette raison que nombre d'entre vous ont proposé des amendements au code de l'environnement visant à reconnaître la construction de bassines comme répondant à une raison impérative d'intérêt public majeur (RIIPM), afin de les exempter de toutes les règles de base du code de l'environnement ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Vous êtes engagés dans une fuite en avant, ouverte en France par la circulaire Borloo du 25 janvier 2010 sur le financement public des retenues de substitution par les agences de l'eau. Elle avait fait l'objet d'un moratoire en 2012, lequel devait déboucher sur une remise à plat qui n'a jamais eu lieu. Dix ans se sont écoulés – autant de temps perdu. Le réchauffement climatique s'accélère. Nous ne pouvons pas continuer ainsi, ni pour les agriculteurs, ni pour l'eau potable.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et SOC ainsi que sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Je regrette plusieurs choses, à commencer par le fait que nous en restions aux caricatures politiciennes au lieu d'entrer dans le fond du débat. Je vous ai interpellée, madame la rapporteure, sur la situation du Sud-Vendée, où les vingt-cinq réserves de substitution fonctionnent grâce au partage de la gestion et du stockage de l'eau : l'eau n'y est pas la propriété des agriculteurs, mais celle d'un syndicat mixte.
Vous ne répondez pas non plus sur le fait que 90 % des irrigants y participent au stockage de l'eau : il n'y a donc pas d'accaparement, ce que vous dites est faux. Depuis quinze ans, nous avons réussi à réduire de 60 % les prélèvements d'eau en période estivale dans ce territoire, ce qui démontre l'importance du stockage de l'eau dans le marais poitevin.
La gestion de l'eau n'est pas la même dans les Deux-Sèvres et en Vendée.
Il n'y aurait pas de problème d'eau potable en Vendée ? À qui voulez-vous faire croire cela ? Soyez sérieux !
C'est justement le sujet que nous aurions dû aborder : non pas les réserves d'eau en tant que telles, mais la manière d'organiser le stockage.
Enfin, entre le 15 octobre et le 15 novembre, 235 millions de mètres cubes d'eau douce – je me suis amusé à compter – sont partis directement à la mer, alors qu'on aurait pu profiter de la période hivernale pour les stocker.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Cela représente vingt-six fois le volume maximal d'eau stockée sur ce secteur ! À l'inverse de La France insoumise, j'invite donc le Gouvernement, notamment dans le cadre du prochain projet de loi d'orientation et d'avenir agricoles, à faire en sorte que le stockage de l'eau soit reconnu comme d'intérêt général. Nous pourrons, je l'espère, compter sur lui pour cela.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Je précise tout d'abord que le groupe Socialistes et apparentés votera contre ces amendements de suppression. J'ai entendu plusieurs arguments : ce moratoire ne servirait qu'à embêter le monde, il nécessiterait trop d'adaptations et serait impossible à respecter.
C'est vrai, un moratoire de dix ans peut paraître long. Mais si nous voulons changer de modèle agricole, nous en avons pour trente ans ! Or on ne peut plus attendre.
Ensuite, à la lecture de la proposition de loi, j'observe que le moratoire concerne les nouveaux ouvrages, ceux qui ne sont pas encore construits. Les anciens ouvrages seraient laissés en l'état.
Il est vrai que certaines des bassines et des retenues d'eau qui existent déjà peuvent être très utiles. À mon sens, proposer un moratoire, c'est se donner le temps de réfléchir. Des scientifiques, notamment des hydrologues, nous alertent sur le sujet, et nous devons en tenir compte. Il faut profiter de ce délai pour réfléchir ensemble à cette question du partage de l'eau ,
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES
qui renvoie à l'enjeu plus large du changement climatique.
Nous faisons face à l'accélération du changement climatique, à la multiplication des sécheresses, qui sont de plus en plus terribles, et à la baisse de la disponibilité en eau. Nous devons donc nous employer à lever tous les freins à la transition agroécologique. Plus on persévère dans un système que l'on croit être le bon, plus on s'entête dans l'illusion de pouvoir continuer ! Il faut absolument arrêter, se poser et réfléchir. Nous voterons donc contre ces amendements de suppression.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LFI – NUPES. – Mme Marie Pochon applaudit également.
Madame la rapporteure, vous vous placez depuis le début du débat en position de victime. Vous agissez ainsi parce que nous sommes opposés à votre texte – et en effet, nous voulons le supprimer –, mais c'est en réalité de votre faute !
Nous l'avons certes rejeté ab initio, mais vous êtes responsable du sort qui lui sera réservé, parce que vous avez caricaturé la question des retenues d'eau, notamment par l'utilisation du terme « mégabassine », par la manière dont vous hystérisez le débat depuis plusieurs mois,…
Oh ! Ça va, le sexisme, là ! On en a marre d'être traitées d'hystériques !
Exclamations sur les bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe RE.
…et par les violences que vous commettez lors des manifestations que vous provoquez.
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
J'aimerais que vous compreniez quelque chose, chers collègues de gauche : votre comportement a pour effet de retourner les Français contre la transition écologique. Vous êtes responsables, par votre comportement violent, hystérique et caricatural, de ce retournement.
C'est d'ailleurs pareil pour les macronistes : vous en êtes responsables, vous aussi, parce que vous imposez en permanence des normes technocratiques d'écologie punitive.
Mais c'est quoi, votre programme écologique, au RN ? Parlons-en ! Zéro sur la transition écologique !
À gauche comme en Macronie, vous êtes donc responsables de l'absence d'acceptabilité sociale de la transition écologique auprès des Français !
…et s'agissant des mégabassines et des retenues d'eau, nous considérons qu'en effet, il faut capter l'eau quand il pleut pour pouvoir l'utiliser quand il fait chaud. C'est du bon sens !
C'est quoi, votre problème avec les utérus ? Arrêtez avec ce terme, ça commence à bien faire !
…en utilisant des termes qui sont en outre juridiquement inopérants ; nous aurions voulu réfléchir et travailler sur le sujet, mais la manière dont la discussion est posée nous empêche, et c'est regrettable, de débattre sereinement. Nous reviendrons avec une proposition de loi bien plus sérieuse !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 260
Nombre de suffrages exprimés 260
Majorité absolue 131
Pour l'adoption 156
Contre 104
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Plusieurs députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et désignent les bancs de la majorité et du RN en un geste de va-et-vient.
Députés du Rassemblement national, vous auriez pu vous contenter de votre climatoscepticisme habituel, sans y ajouter le sexisme crasse dont vous venez de faire preuve.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – Plusieurs députés du groupe LFI – NUPES, continuant d'applaudir, se lèvent.
Vous venez, collègues, de voter la suppression de l'article unique de cette proposition de loi. Cela nous fait peur, à mes camarades et à moi-même, car vous n'avez pas l'air conscients des enjeux auxquels nous faisons face et de l'urgence qu'il y a à faire bifurquer notre modèle agricole. Alors que la COP28 commence cette semaine et que vous allez à nouveau vous faire les champions de la terre dans tous les médias et dans tous les sommets importants, vous venez de manquer une occasion d'appuyer sur « pause »,…
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous auriez pu amender le texte, réduire la durée du moratoire ou le limiter à certaines zones du pays, par exemple les ZRE ; vous auriez pu, mais vous n'aviez pas envie de prendre cette peine. Y compris le jour de notre niche parlementaire, vous continuez l'obstruction …
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES
Ça s'appelle ne pas être d'accord ! Il faut accepter la contradiction !
…et vous nous empêchez de discuter, le seul jour où notre groupe d'opposition a l'initiative. Après avoir rejeté les prix planchers pour les agriculteurs, vous venez de faire perdurer le modèle des mégabassines, qui les place dans une situation absolument insoutenable.
Mêmes mouvements.
Vous venez de prendre une décision contre l'avis de 70 % des Français, qui étaient favorables à notre proposition de loi. Je suis évidemment très déçue et je la retire.
Les députés des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES se lèvent et applaudissent. – Les députés des groupes SOC et GDR – NUPES applaudissent également.
Je prends acte du retrait de la proposition de loi, en application de l'article 84, alinéa 2, du règlement. En conséquence, il n'y a pas lieu de poursuivre sa discussion.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante, est reprise à dix-neuf heures dix.
La parole est à Mme Danièle Obono, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Les services publics sont notre patrimoine collectif. Ils sont le produit de luttes et conquêtes sociales, de la Révolution française au Conseil national de la Résistance. Ils structurent tous les pans de notre vie, répondent à nos besoins fondamentaux et contribuent à la cohésion sociale et territoriale ainsi qu'à l'égalisation des conditions d'existence. C'est la République en actes.
Les services publics sont aussi notre futur. Leur renforcement et leur développement constituent une nécessité absolue pour faire face au défi civilisationnel que représente le dérèglement climatique.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Au cours des dernières décennies, ils ont connu d'importantes évolutions, en lien avec celles des besoins sociaux qui ont transformé les attentes de la population. Parmi les virages qui ont marqué l'action publique, l'introduction des technologies numériques et la numérisation des procédures administratives répondent sans conteste aux exigences du mode de vie contemporain.
Ces transformations ont été accueillies positivement par une majorité de la population. En effet, les outils numériques sont porteurs de progrès dans de nombreux domaines. En revanche, lorsqu'elle s'inscrit dans une politique de restriction budgétaire et s'accompagne du recul des implantations territoriales, la numérisation des services publics conduit à des ruptures d'accès aux droits pour une part non négligeable de la population .
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe GDR – NUPES. – M. Jean-Claude Raux applaudit également
, notamment les personnes plus précaires, confrontées aux démarches les plus complexes.
Dans le quotidien des habitants et habitantes, fonctionnaires, bénévoles et salariés d'associations que j'ai rencontrés au cours des six derniers mois aux quatre coins de la France, à Paris, Auxerre, Lure, Toulouse, Le Mans, Forcalquier, Marseille, Saffré, Tarbes, Pamiers, Villeurbanne et Vaulx-en-Velin, Nanterre, Lille et Roubaix, Tours – et j'en passe –, cette dématérialisation se traduit trop souvent par des portes closes, des boîtes vocales saturées, l'impossibilité d'obtenir un rendez-vous physique, des délais de traitement déraisonnables et la quasi-obligation de passer par le numérique.
La coordinatrice de l'association Zy'Va à Nanterre le résume ainsi : « On parle de dématérialisation, moi je parle de déshumanisation du système. On ne met plus personne devant les gens. On les laisse se débrouiller avec des moyens auxquels ils n'ont pas accès. »
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Ce constat est aujourd'hui largement documenté, en premier lieu par la Défenseure des droits, qui a réalisé un travail de suivi des effets de la dématérialisation des procédures administratives entre 2019 et 2022. Dans ses deux études, l'autorité administrative indépendante pointe la gravité de la situation, alertant sur la rupture d'accès aux droits pour des millions d'usagères et usagers.
Rupture pour toutes celles et tous ceux qui n'ont pas les moyens de se procurer le matériel et les accès nécessaires : « Quand il faut choisir entre bouffer ou accéder à internet, les mamans choisissent de donner à manger à leurs enfants », nous rapportait une animatrice d'un comité de quartier à Roubaix.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Davy Rimane applaudit également.
Rupture encore pour celles et ceux dont la capacité à survivre dépend d'une décision administrative qui tarde et sur laquelle ils n'ont aucune prise.
« Je suis à la retraite depuis décembre 2022. J'ai fait ma demande trois mois en avance et je n'ai toujours pas de réponse. Souvent, c'est très difficile de se nourrir et surtout de payer le loyer », témoignait un retraité devant la Caisse nationale d'assurance vieillesse de Paris.
Rupture toujours pour celles et ceux pour qui les démarches numériques sont un obstacle parfois insurmontable, en particulier les personnes en situation de précarité : « Les sites, c'est délicat, difficile, il faut cocher '' taper là '' pour voir si je ne suis pas un robot ! […] D'où je peux imaginer que quelqu'un va prendre ma place pour toucher 492,74 euros par mois ? », demandait un bénéficiaire du Secours catholique en avril dernier.
Les travaux récents sur les phénomènes d'exclusion numérique estiment à treize millions le nombre de personnes en difficulté avec le numérique en France… Un panel très large est concerné : les personnes en situation de handicap, pour qui les sites et applications sont loin d'être toujours adaptés ; les personnes étrangères qui ne maîtrisent pas toujours la langue ni la culture administrative de notre pays ; les personnes âgées, pour lesquelles les difficultés importantes rencontrées avec les démarches dématérialisées se traduisent souvent par une perte d'autonomie, elles qui arrivaient à se débrouiller toutes seules dépendent désormais de la présence de leurs enfants ou de proches. Les jeunes sont également moins à l'aise qu'on ne le croit avec l'administration dématérialisée : un quart des 18-24 ans indiquaient, en 2020, avoir rencontré des difficultés pour réaliser seuls des démarches en ligne, soit quatorze points de plus que la moyenne.
Des centres urbains ultra-densifiés aux campagnes désertifiées, la dématérialisation à marche forcée met à mal les fondements même du service public.
« Eh oui ! » sur de nombreux bancs du groupe LFI – NUPES. – Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Continuité, égalité et adaptabilité sont pourtant les trois grands principes censés guider cette évolution. Mais quelle continuité quand on se retrouve devant les guichets fermés de la Caisse nationale d'assurance maladie ou quand l'on a moins d'une chance sur deux d'obtenir une réponse à son appel téléphonique à la CAF – caisse d'allocations familiales ? Quelle égalité quand 22 % de la population ne dispose ni d'un ordinateur ni d'une tablette à domicile et que15 % n'a pas de connexion internet ? Quelle adaptabilité quand c'est désormais à l'usager comme à l'usagère de se substituer à l'administration et de trouver les moyens de se débrouiller tout seul ou de se former ou encore de se faire aider ?
Une telle situation n'est pas une erreur système, mais le résultat de choix politiques.
Le logiciel néolibéral du new public management a fait du numérique, depuis maintenant trente ans, un outil de démantèlement, de désorganisation et de réduction des services publics. Sous couvert de modernisation, il s'agit d'appliquer une logique de rationalisation et de réduction du champ de l'État social. « Si la dématérialisation ne permettait pas d'économies de coûts de gestion, elle ne serait pas présentée comme moderne », résumait un sociologue lors de nos auditions. Les suppressions de postes, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) et de la réforme de l'administration territoriale de l'État sous Nicolas Sarkozy, ont été suivies par celles liées à la modernisation de l'action publique sous François Hollande. Aujourd'hui, la politique d'Emmanuel Macron poursuit dans la même veine. Ainsi, selon la Cour des comptes, les effectifs de l'administration territoriale de l'État sont passés de 82 429 équivalents temps plein annuel travaillé à 70 666 entre 2012 et 2020, soit une réduction de 14 % !
Sur le terrain, si les agents et les agentes sentent bien l'impact négatif de ces réductions de postes, tous et toutes peinent à voir les gains de productivité sur leur travail quotidien : les guichets ferment certes, mais les dossiers, eux, continuent de s'empiler.
« Eh oui ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
C'est ce que nous ont rapporté les agentes et les agents chargés de l'indemnisation à Pôle emploi Île-de-France, pour qui une baisse importante de la charge de travail avait été anticipée, de l'ordre de 39 % en trois ans, de 2015 à 2018 du fait de la dématérialisation, de l'automatisation et de l'externalisation de certaines tâches. Mais il n'avait pas été envisagé qu'à défaut de se rendre aux guichets, les gens passeraient en plus grand nombre par les canaux numériques et téléphoniques… Résultat : plus 287 % pour les flux des mails relatifs à l'indemnisation, plus 157 % pour les flux téléphoniques entrants et plus 1 227 % pour les sortants.
Pôle emploi, assurance-maladie, préfectures, caisses d'allocations familiales, finances publiques, caisses d'assurance retraite, services de la répression des fraudes… La liste des services publics où le personnel sonne l'alarme est un indicateur de l'ampleur du problème. Partout, ils et elles font état des mêmes situations : surcharge de travail, perte de sens, manque de formation, augmentation du stress et des burn-out.
De l'autre côté du guichet dorénavant dématérialisé, l'éloignement approfondit des fractures sociales déjà béantes. L'augmentation des non-recours, la quasi-impossibilité de contester une suspension des droits ou encore l'augmentation des délais de traitement accroissent les difficultés financières, sanitaires ou professionnelles de celles et ceux qui étaient déjà les plus précaires.
« Eh oui ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Par son désengagement, l'État envoie comme message aux citoyens et aux citoyennes : « Autoadministrez-vous ! ».
Ce sont de fait les réseaux de solidarité qui prennent le relais : familles, amis, associations, travailleurs et travailleuses sociales. Le report se fait ainsi en cascade : les administrations aux portes closes renvoient vers des structures sociales locales, elles-mêmes débordées et en manque de personnels, qui renvoient donc vers des structures associatives à bout de souffle et dans l'incapacité de répondre à toutes les demandes.
Des personnels du service public à la Défenseure des droits, des associations de consommateurs aux collectifs citoyens, tout le monde alerte sur la nécessité de maintenir une double entrée dans les services publics.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LFI – NUPES.
Une nécessité prise en compte par le Conseil d'État, le 3 juin 2022 quand, au sujet de l'imposition du numérique en matière de titre de séjour, il a estimé indispensable qu'une voie alternative à la dématérialisation reste ouverte. Un an plus tard, dans un rapport annuel, il alertait solennellement sur le fossé créé entre l'action publique et les usagers.
En ouvrant 2 600 guichets uniques dits de proximité dans les espaces France services, le Gouvernement reconnaît lui-même qu'il y a de nombreux trous dans la raquette créés par la dématérialisation tous azimuts, et il confirme le bien-fondé de notre proposition de loi.
Les acteurs et actrices de terrain le disent sans ambages : les France services, « c'est mieux avec que sans ». Ils saluent unanimement le retour de lieux d'accueil physique dans les territoires qui en ont été cruellement privés. Le dispositif devra néanmoins se renforcer significativement, notamment en termes de financement, de dimensionnement et d'implantation pour pouvoir répondre aux besoins de premier niveau qu'il vise. Par contre, il n'est pas pensé pour les cas les plus complexes qui nécessitent l'expertise de techniciens ou de techniciennes spécialisés des différents organismes concernés. Pour ces cas, notre proposition de loi permettrait de garantir le principe d'un accueil et d'un accompagnement physique tout au long de leur démarche, à l'instar des espaces France services.
Cette proposition de loi n'est pas un retour en arrière, mais une avancée grâce à la reconnaissance et au renforcement des droits de tous et de toutes ,
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Marie Pochon applaudit également
et 91 % de nos concitoyens y sont favorables. Ainsi, en votant pour cette proposition de loi, collègues, vous répondrez aux besoins fondamentaux de la population et ferez aussi œuvre utile d'intérêt général.
Mmes et MM. les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent longuement – Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville.
Nous allons donc examiner ce soir votre proposition de loi, madame la rapporteure, tendant à la réouverture des accueils physiques dans les services publics. Si de prime abord, l'objectif est entendable,…
…vos moyens pour y parvenir – et ce que cela sous-entend – vont à l'encontre de la stratégie déployée depuis 2017.
Mme la secrétaire d'État sourit.
Vous avez une lecture particulière de la réalité, très éloignée de la situation du terrain. Non, le numérique n'est pas à opposer à l'accueil physique.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Téléphone, sites internet, applications smartphone, autant de manières d'accomplir ses démarches administratives qu'il faut proposer à l'usager sans exclure l'un au profit de l'autre, tout en portant une attention particulière aux guichets physiques pour aider ceux qui en ont le plus besoin.
Ça, j'avais compris !
Sourires.
Non, la création d'un guichet dès lors qu'une démarche est possible par voie dématérialisée n'est pas une bonne idée, surtout si ce n'est pas ce que les Français demandent, quoi qu'on en dise.
Non, les maisons France services ne sont pas des coquilles vides. Je vous invite à vous y rendre avec moi ou avec le ministre Stanislas Guerini, et à interroger leurs usagers parmi les centaines de milliers de Français qui s'y rendent chaque mois.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
J'aurai l'occasion de revenir sur ces trois rappels, mais je profite de cette introduction pour vous indiquer que le Gouvernement ne soutiendra pas ce texte.
Le numérique n'est pas l'ennemi des services publics.
Mêmes mouvements.
Votre texte cite le chiffre de 20 % des Français éloignés du numérique, mais cette catégorie recouvre des situations très variées,…
…des personnes en situation réelle d'incapacité à utiliser les services numériques jusqu'à celles qui se retrouvent, à un instant donné, bloquées par un dysfonctionnement.
Mais enfin, elles ont toutes le même droit d'accéder aux services publics !
Contrairement à ce que laisserait penser une vision simpliste de la situation, nous avons autant de réponses qu'il y a de situations différentes parmi ces 20 %.
La stratégie du Gouvernement en la matière est simple : continuer à dématérialiser pour rendre les Français qui le souhaitent autonomes dans leur démarche,…
Vous parlez de ceux « qui le souhaitent », mais vous l'imposez : c'est tout le problème !
…en veillant à la qualité des services numériques, et consacrer plus de temps, de ressources et d'agents au service de ceux qui en ont le plus besoin.
Ces interruptions sont pénibles.
Contrairement à ce qu'avance la proposition de loi, tous les usagers ne sont pas déboussolés par la possibilité de choisir le canal qui leur correspond le mieux, que ce soit le canal téléphonique, le canal numérique ou le canal physique.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Il n'y a personne au téléphone ! Ou alors il faut les appeler vingt fois pour que ça marche !
Comme l'a rappelé la Première ministre lors du dernier comité interministériel à la transformation publique, l'objectif n'est pas d'opposer le numérique et l'accueil physique. Aujourd'hui, de plus en plus de Français utilisent le numérique, entre autres parce que nous ne cessons d'améliorer les démarches en ligne.
Ainsi, depuis le début de l'année, il y a eu près de 700 millions de visites sur le site internet service-public.fr Nous avons dématérialisé 94 % des 250 démarches essentielles.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme la secrétaire d'État s'interrompt.
Renoncer à rendre ces démarches accessibles en ligne serait un retour en arrière complet pour la grande majorité des Français qui privilégient – que vous le vouliez ou non – le canal numérique pour entrer en relation avec l'administration et pour leurs démarches administratives. C'est d'ailleurs, je crois, le cas de beaucoup de députés ici présents,… mais vous n'êtes pas si nombreux.
Oh, ça va ! Vous en êtes responsable, on vous a attendu une demi-heure, madame la secrétaire d'État !
Nous continuerons donc à dématérialiser les démarches, mais en accélérant le processus, notamment sur les trois points sur lesquels le ministre Stanislas Guerini s'est engagé.
Sourires.
Premier point : l'accessibilité pour les personnes en situation de handicap. Des engagements forts ont été pris à ce sujet par le Président de la République et se traduisent par un effort financier de 60 millions d'euros sur cinq ans, ce qui devra permettre de rendre les 250 démarches les plus utilisées accessibles aux personnes en situation de handicap d'ici à 2025, ainsi que par le renforcement du régime de sanctions qui, désormais sous la responsabilité de l'Arcom – l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique –, prévoit des pénalités pouvant aller jusqu'à 50 000 euros pour non-respect des exigences d'accessibilité.
Deuxième point : la simplicité du langage et la qualité des interfaces. Un langage trop administratif pouvant freiner l'accès aux démarches en ligne, il y a au sein de la direction du numérique des équipes dites commandos expérience usagers, constituées d'experts en conception, qui ont déjà réalisé plus de 200 accompagnements simplifiés des démarches en ligne depuis 2020.
Troisième point : la meilleure circulation des données. Initiée par le déploiement de France Connect qui a permis de faciliter les démarches en ligne de 40 millions de Français, nous en poursuivons la logique avec le guichet « Dites-le nous une fois ». Le principe de ce guichet est en effet de préremplir les formulaires et d'éviter ainsi aux Français de fournir des justificatifs dont l'administration dispose déjà.
Ça, c'est seulement ce que vous, vous croyez !
Sourires.
Par ailleurs, le ministre a souhaité se saisir des perspectives qu'ouvrent le développement technologique et l'intelligence artificielle. Il a pour cela lancé une expérimentation IA auprès de 1 000 agents pour les accompagner dans la rédaction des réponses en ligne aux usagers.
Grâce à la numérisation, les agents gagnent du temps et se consacrent donc davantage au contact avec les usagers qui en ont le plus besoin. Un exemple très concret : celui de l'Agence nationale des titres sécurisés, à laquelle il fallait treize jours en moyenne pour répondre avant l'expérimentation contre deux jours aujourd'hui, et en plus avec des réponses de meilleure qualité.
Vous le voyez, le numérique ne veut pas dire absence d'humains, mais complémentarité puisqu'il est, lui aussi, au service de l'humain. Le numérique permet de libérer du temps pour que nos agents le consacrent aux Français qui souhaitent être davantage accompagnés.
S'agissant de la relation à l'usager et à la « veille idée » que représente France services, je souligne que l'accueil physique reste au cœur de notre stratégie, mais nous l'articulons intelligemment avec le téléphone et internet.
Cette proposition de loi témoigne de votre méconnaissance de la manière dont les usagers accèdent au service public. Plutôt que d'opposer physique et numérique, il faut penser au parcours des usagers. On peut très bien commencer sa démarche en ligne ou au téléphone avant de se rendre dans un guichet pour l'achever.
Je veux d'ailleurs insister sur le téléphone, que vous oubliez un peu trop vite, car il reste un canal essentiel d'accès au service public. Nous avons lancé un plan Téléphone à l'été pour améliorer le service rendu dans nos administrations et chez nos opérateurs ; il commence à porter ses fruits, notamment avec l'introduction de nouvelles fonctionnalités pour l'usager, telles que la possibilité d'être rappelé par un agent. Cela permet de mieux prendre en compte les contraintes des usagers : je pense aux seniors et aux personnes en situation de handicap qui se déplacent moins facilement ou sont moins à l'aise avec internet.
Cette notion de parcours de l'usager, le Gouvernement a souhaité qu'elle soit au cœur de la réflexion de nos administrations pour améliorer la qualité du service. Elle se déploie notamment dans la simplification de dix démarches clés, nommées les « moments de vie », qui vont du décès d'un proche au départ à l'étranger en passant par le fait de devenir étudiant.
Enfin, madame la rapporteure, s'agissant des maisons France Services, vous reprenez une citation du Président de la République pour nous expliquer que le compte n'y est pas. Au risque de vous décevoir, je vous indique que l'objectif est bel et bien atteint, voire dépassé.
L'ensemble des groupes politiques l'ont reconnu en commission : 7 000 agents France Services exercent dans près de 2 700 espaces du même nom partout en France. Ils sont autant de voix et de visages pour les services publics, aux côtés des agents d'accueil et d'intervention des services publics locaux et nationaux ; 95 % des Français ont une maison France Services à moins de vingt minutes de chez eux, et 99 % à moins de trente minutes. Les résultats sont là et le programme a vocation à se développer encore avec l'élargissement de son bouquet de services : les démarches relatives à MaPrimeAdapt', à MaPrimeRénov' et au chèque énergie seront possibles à partir du 1er janvier 2024.
Vous évoquez également la formation insuffisante de cinq jours et demi. Là aussi, on constate d'importantes évolutions : la formation est passée à onze jours et demi ! De plus, les conseillers pratiquent tout au long de l'année des immersions chez les opérateurs pour nouer des relations de travail et poursuivre leur formation.
Quand vous évoquez les difficultés des conseillers France Services à résoudre les problèmes des usagers, vous êtes à nouveau dans le faux : le taux satisfaction atteint 94 % ; 98 % des usagers ayant eu recours à France Services le recommandent ; quatre démarches sur cinq sont entièrement résolues dès la première visite d'un usager. C'est là le plus important : les Français qui utilisent ce nouveau service le plébiscitent. Je renouvelle l'invitation à vous rendre dans un espace France Services ; vous pourriez par exemple faire un déplacement …
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES
…dans l'un des trois espaces France Services que compte le 18
Enfin, au sujet de la critique consistant à pointer l'insuffisance du forfait de 30 000 euros, Stanislas Guerini a obtenu une augmentation :…
…de 30 000 euros par maison France Services en 2022, il est passé à 35 000 euros en 2023, et il atteindra 50 000 euros en 2026.
Je suis là, moi !
Je me permets au passage de pointer une contradiction : il est assez contre-intuitif de considérer que ces lieux sont inutiles et d'exiger dans le même temps qu'on augmente le forfait versé !
Pour conclure ,
« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES
je me permets une dernière citation tirée de l'exposé des motifs de votre proposition de loi : « Ces fermetures des guichets de préfecture sont emblématiques à plusieurs égards. » Or le Président de la République s'est engagé à rouvrir des sous-préfectures :…
…il y en a déjà six nouvelles depuis le début du premier quinquennat. J'ajoute qu'une quarantaine de sous-préfectures accueillent une maison France Services. Bref, à l'heure où nous réarmons les sous-préfectures, il s'agit de nouveau d'une contre-vérité.
Vous l'aurez compris, madame la rapporteure, votre texte est en décalage avec l'ambition qui est la nôtre ; en décalage avec la réalité et avec la manière dont les Français accomplissent leurs démarches administratives. Au bout du compte, il conduirait à un retour en arrière et alourdirait les démarches administratives pour les usagers comme pour les agents. Le Gouvernement ne soutiendra pas ce texte.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Rappel au règlement
Je me fonde sur l'article 100 relatif à la bonne tenue des débats.
Madame la secrétaire d'État, je trouve très choquant, vu l'importance de ce texte qui concerne 20 % de nos concitoyens – 8 millions de personnes, dans notre pays, souffrent d'illectronisme et n'arrivent pas à avoir accès aux services publics, ce qui remet en cause l'égalité des citoyens et des citoyennes devant la République –, que vous passiez votre temps à la tribune à rigoler.
Jusqu'à la fin de l'intervention de l'orateur, applaudissements continus sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur plusieurs bancs des groupes SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
À cause de ce problème, des gens n'accèdent pas aux aides personnelles au logement (APL), au minimum vieillesse ou aux allocations familiales, ou bien n'arrivent pas à obtenir un titre de séjour.
Les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent en continuant d'applaudir.
Je vous appelle à retrouver le sérieux, car le sujet et la situation l'exigent. Ce n'est pas nous qui sommes en décalage avec la réalité, c'est vous, en ce moment, lorsque vous rigolez, qui êtes en décalage avec ce qui se passe dans le pays !
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC ainsi que sur plusieurs bancs des groupes Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Monsieur Gouffier Valente, vous demandez la parole pour un rappel au règlement ?
Je demande une suspension de séance de cinq minutes, madame la présidente.
Protestations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à dix-neuf heures quarante.
Il n'y a pas de République sans service public. Nos concitoyens le savent et le sentent bien, eux qui y sont tous si attachés ; nous le répétons si souvent dans cet hémicycle. Le service public, c'est le patrimoine de ceux qui n'en ont pas.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
C'est la concrétisation du principe d'égalité qui figure dans notre devise : que vous soyez riche ou pauvre, jeune ou vieux, en ville ou à la campagne, la République vous garantit des droits grâce au service public. Ces droits sont pour la plupart inconditionnels : vous avez le droit de vivre, d'avoir une identité, d'accéder à l'énergie – raison pour laquelle EDF était et devrait être un service public ; vous avez aussi le droit de vous protéger face aux risques de la vie : le chômage, la vieillesse, les accidents, la maladie.
L'article 1er de la Constitution consacre la France comme « une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ». J'insiste sur ce dernier adjectif, « sociale », car il ne s'agit pas simplement de consacrer un droit formel, mais bien d'assurer l'effectivité des droits. Le service public, c'est précisément la concrétisation d'un droit. Nous sommes égaux en droit, dit la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, mais qu'est-ce que cela signifie ? Non pas que nous sommes égaux une fois pour toutes à la naissance, mais que nous devons agir pour être égaux en fait, et au minimum égaux devant nos droits. N'importe où sur le territoire, les citoyens doivent donc avoir accès à leurs droits, c'est-à-dire au service public ; pour cela, des administrations sont à la disposition de nos concitoyennes et concitoyens.
Je dis « sont », mais je devrais dire « étaient ». Car depuis plusieurs années, le service public est constamment affaibli par les politiques d'austérité, mais aussi par la stratégie de dématérialisation adoptée par les gouvernements successifs. Cette stratégie a bien sûr une part de légitimité : on règle bien des problèmes par internet, sans avoir à se déplacer devant un guichet. J'insiste : personne dans cet hémicycle ne contestera l'utilité des services publics en ligne. En revanche, la dématérialisation généralisée des services publics laisse de côté un très grand nombre de personnes.
J'imagine que vous avez comme moi à l'esprit la situation des personnes les plus vulnérables. Évidemment, c'est d'abord pour elles que nous défendons cette proposition de loi tendant à la réouverture des guichets de tous les services publics. Lorsque la précarité rend toute démarche difficile ; lorsque le quotidien est incertain et fait peser une charge mentale que peu d'entre nous pourraient supporter ; lorsqu'il faut parer à l'urgence pour soi, pour ses proches, pour ses enfants, et qu'on n'a pas internet, peut-être même pas d'électricité, qu'on vit une situation complexe, qui n'entre dans aucune case ; alors on subit une violence de plus si l'administration ne nous offre pas de visage humain, de voix humaine pour dialoguer.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Je vous dis cela sans misérabilisme et en toute objectivité. D'ailleurs, il serait faux de croire que l'absence d'accueil physique dans les services publics ne concerne que les personnes vulnérables. Les difficultés qu'elle crée touchent tous les âges, toutes les situations. Toutes et tous, nous avons déjà été littéralement empêtrés dans une procédure, dans un formulaire, dont la complexité nous a paru quasiment insurmontable. Combien de fois s'est-on dit qu'une conversation avec un véritable humain à l'autre bout du fil aurait réglé rapidement des difficultés dont on avait cru ne jamais pouvoir sortir ? Ou encore, combien de fois a-t-on laissé filer en se disant qu'après tout, nous ne vivions pas dans une telle urgence et que nous pouvions renoncer à utiliser nos droits au lieu de nous compliquer la vie ?
Les plus jeunes, souvent, vivent ces situations, mais rares sont ceux qui peuvent se permettre de laisser filer. Bien sûr, il y a aussi les personnes les plus âgées : nous en avons toutes et tous dans nos familles qui, le temps passant, se sentent moins à l'aise, ou peut-être ne l'ont jamais été, avec l'outil informatique. Et croyez bien que ceux qu'on appelle les digital natives, dont on dit qu'ils sont nés avec une souris greffée au bout des doigts, ne sont pas épargnés par l'illectronisme ; et même ceux d'entre eux qui aujourd'hui parviennent à utiliser les services en ligne, demain et après-demain auront vieilli et connaîtront la même difficulté pour accéder aux services publics et faire valoir leurs droits.
La dématérialisation des services publics porte préjudice aux usagers, mais elle nuit aussi considérablement au travail des agents. À première vue, ils devaient bénéficier de cette transformation : les procédures allaient être simplifiées et allégées, le temps consacré à chaque situation, diminuer. En réalité, il n'en est rien. Non seulement la dématérialisation a servi de prétexte à la réduction du nombre d'agents, qui se sont donc retrouvés surchargés de travail, mais en plus le changement de procédure a fait apparaître de nouvelles tâches de gestion qui n'existaient pas auparavant. Dites-vous bien qu'à Pôle emploi, un agent a aujourd'hui la responsabilité de 1 000 dossiers, et que s'il doit être absent pour maladie ou congés, personne ne s'en occupera.
Dans ces conditions, il n'est pas possible de soutenir la cadence. Les agents sont alors pris dans un cercle vicieux, dont certains s'accommodent sans doute très bien : la surcharge de travail nourrit la pénurie de personnel, la pénurie de personnel nourrit la surcharge de travail et, en fin de compte, les usagers en pâtissent et sont privés de leurs droits.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Priver des personnes de leurs droits, c'est non seulement inique, par définition, mais également dangereux ; c'est laisser la société entière se dissoudre. On parle souvent du non-recours aux droits. Nous en connaissons les causes : la méconnaissance des procédures, la honte de devoir demander et la peur d'essuyer un refus. Toutefois, ce contre quoi nous vous proposons de lutter, ce sont les situations de non-recours forcées. Ne vous est-il pas déjà arrivé d'appeler une sous-préfecture pour solliciter un rendez-vous et de tomber sur une messagerie automatique indiquant qu'aucun créneau n'est disponible…
…ou, pire, que ce numéro a été définitivement désactivé ? C'est courant dans mon département des Hauts-de-Seine. Savez-vous ce que cela fait, lorsque vous êtes tenus par des délais avant l'expiration de vos droits, de se dire qu'un algorithme décide de votre vie et que, demain, vous devrez passer dans l'illégalité pour disposer d'un revenu, nourrir vos enfants ou payer votre loyer, qu'il vous faudra vous cacher lorsque vous verrez un policier ? Et ce ne sera pas parce que vous serez en tort, mais parce que l'administration vous aura rejeté ! Le désarroi et la peur qui naissent de ces situations minent l'ensemble de la société.
De fait, je vous parle d'un mal invisible qui ronge le pays. Selon les mots de la Cimade relatifs aux procédures dématérialisées en préfecture : « Les files d'attente physiques ont été remplacées par des files d'attente invisibles mais bien réelles, pouvant durer des mois, voire plus d'un an, pour l'obtention d'un simple rendez-vous. »
À cette crise globale, le Gouvernement prétend apporter une réponse avec le développement des maisons France Services. Mais ce serait faire preuve de naïveté que de croire que ces dispositifs apporteront une solution complète. D'abord, les maisons France Services ne représentent pas un service public homogène sur le territoire. Il s'agit en réalité d'une sous-traitance déguisée du service public. Certaines maisons sont pilotées par des associations ou des collectivités, d'autres par des sociétés comme La Poste, qui a été privatisée.
Les employés exerçant dans ces structures ont, certes, parfois le statut d'agent de la fonction publique territoriale, mais ils sont le plus souvent salariés de droit privé. On organise ainsi la rupture d'égalité entre les agents, comme on prend acte du renoncement à servir le public à égalité. C'est une forme de concurrence déguisée entre une instance qui n'est pas vraiment publique et des organismes pleinement publics.
Ensuite, le financement lui-même n'est pas garanti, l'État se déchargeant d'une partie de celui-ci sur les collectivités.
J'ajoute, enfin, que la numérisation des services publics a pour conséquence de produire un très grand nombre de données, dont le caractère sensible n'échappe à personne. En effet, nous savons désormais que le tout numérique permet à différents organismes d'exploiter les données et de se livrer à une surveillance systématique des personnes les plus précaires. Ils utilisent par exemple un algorithme de notation des allocataires, afin de prédire ceux d'entre eux qui ne seraient pas dignes de confiance et devraient être contrôlés.
C'est paradoxal de la part de ceux qui font campagne uniquement sur les réseaux sociaux !
Cela constitue, bien sûr, une rupture inadmissible d'égalité entre les citoyens. La transparence de ces algorithmes doit être un préalable à la poursuite de toute politique de dématérialisation.
Par la présente proposition de loi, dont le principe est validé par plus de 90 % de la population, nous avons la possibilité d'agir concrètement sur la vie quotidienne des Français. Nous proposons de revenir au fondement même de la République sociale : garantir un accueil physique obligatoire pour tous les services publics. Nous ne prétendons être ni originaux ni, a fortiori, révolutionnaires, mais nous inscrivons nos pas dans ceux du Conseil d'État et de la Défenseure des droits : le premier a déclaré qu'une « solution de substitution » effective et crédible doit toujours être proposée en plus de l'usage des téléservices – j'insiste sur le terme « en plus » ; la deuxième a estimé que le seul moyen de respecter les droits des usagers est de garantir « un principe de double entrée dans les services publics ». Autrement dit, rien ne pourra remplacer un accueil physique dans les services publics.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Marie Pochon applaudit également.
Vous trouverez aussi un accueil physique dans les maisons France Services !
Certes, bon an mal an, 80 % des usagers s'en sortent, mais les services publics s'adressent à tous : nous ne pouvons pas exclure de la citoyenneté ni de la société 20 % de la population. C'est inconcevable et inacceptable.
Si vous nous donnez acte de cette affirmation et de ce raisonnement, vous devez voter cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES, dont plusieurs députés se lèvent, et sur quelques bancs des groupes SOC et GDR – NUPES. – Mme Marie Pochon applaudit également.
La présente proposition de loi réaffirme un principe. En cela, il est noble que notre assemblée puisse en débattre. Vous avez parlé, madame la secrétaire d'État, d'accueil physique ; sachez qu'il n'est pas très agréable pour la représentation nationale devant laquelle vous êtes responsable, d'avoir dû vous attendre une demi-heure pour entamer ce débat.
Cela étant dit, le groupe Les Républicains considère que le numérique est d'abord un atout pour le service public. Il a permis d'améliorer l'efficacité du service rendu aux Français, en créant notamment une logique d'accès permanent pour une bonne partie des administrés. S'il faut effectivement débattre de l'accueil physique, cela ne doit donc pas se faire en opposition avec l'accueil dématérialisé, qui constitue une vraie amélioration de la qualité d'accueil pour nombre de nos concitoyens, qui peuvent désormais effectuer, à tout moment du jour ou de la nuit et où qu'ils se trouvent, leurs démarches administratives.
Cependant, le déploiement des services numériques a généré plusieurs effets collatéraux, qui ont même parfois une répercussion sur notre façon de construire les politiques publiques. La quantité des données collectées et la finesse des analyses produites grâce au numérique ont pu nous conduire, nous législateurs – et j'inclus ceux qui sont à l'origine de ce texte –, à construire des dispositifs qui s'éloignent un peu trop des principes, qui entrent trop dans le détail et cherchent systématiquement l'exception. Autant d'effets qui sont nés du numérique et de la quantité colossale de données qu'il génère.
Parfois, la dématérialisation de l'accueil crée aussi des manques. Prenons l'exemple d'un débat qui a souvent été évoqué et qui est cher aux Républicains : le rétablissement pour les maires du fichier domiciliaire. Si le lien physique entre les habitants d'une commune et leur administration était plus régulier, ce débat n'aurait sûrement pas lieu. Or l'effacement des contacts entre l'institution communale et les concitoyens nécessite parfois d'apporter des réponses structurelles et techniques, afin de compenser ces absences de lien.
Par ailleurs, le numérique est une compétence en tant que telle, que nombre de nos compatriotes ont dû acquérir très vite. Cette technologie a pénétré notre quotidien, sans que l'on prenne réellement le temps d'apprendre à l'utiliser : or c'est désormais incontournable. Du reste, ce ne sont pas toujours les publics que l'on croit qui en sont le plus éloignés : on pense souvent qu'il existe une fracture due à l'âge de l'utilisateur, mais je ne pense pas que la fracture en matière de compréhension et de maîtrise de l'outil numérique soit une question de génération ; c'est bien plus complexe.
Face à la vitesse à laquelle le numérique s'est répandu dans notre quotidien, nous n'avons pas engagé de stratégie d'alphabétisation – pour reprendre un terme que j'aime bien et qui traduit la volonté de l'action publique d'« aller vers », pour construire ensemble la compréhension du moyen de communication qui nous lie. La preuve, c'est que l'État et les collectivités territoriales mettent désormais sur la table beaucoup de moyens pour lutter contre la diffusion trop rapide d'informations inexactes, voire manipulées, ou encore que nous créons des politiques de lutte contre l'illectronisme, comme si nous avions un manque à combler. Cela prouve surtout que nous n'avions pas fait, au préalable, le travail d'éducation au numérique, et de compréhension de cet outil.
Enfin, l'accessibilité du service public – et cela plaide dans le sens de la proposition de loi –, n'est pas seulement une question de temporalité ni de guichet, mais aussi une question d'accompagnement. Or force est de constater que nous avons une fâcheuse tendance à pondre des dispositifs de plus en plus complexes, qui nécessitent une médiation. Rien n'est alors plus efficace qu'un homme ou une femme, pour accompagner les Français.
Je ne saurai que vous appeler, mes chers collègues, à faire preuve d'humilité et d'humanité face à ce défi et face au lourd traitement qu'impose le numérique. Il n'est pas nécessaire de critiquer un moyen par rapport à l'autre : au contraire, nous devons construire la rencontre entre l'accueil physique et l'accueil dématérialisé.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Marie Pochon applaudit également.
Ces dix dernières années, la transformation numérique des services publics s'est accélérée en France pour s'imposer comme une nouvelle norme du service public, au centre de la modernisation de l'État. Cette transition numérique s'inscrit dans une logique de modernisation, d'efficacité et de simplicité des services publics.
Dans notre société de l'immédiateté, la dématérialisation des services publics permet d'effectuer ses démarches administratives et d'avoir accès aux informations, au jour et à l'heure que l'on souhaite. Ce souci de la rapidité répond aux attentes légitimes de nos concitoyens. En effet, même si le mode d'accès privilégié reste le guichet pour accomplir des formalités administratives, la proportion d'usagers utilisant internet augmente chaque année : ils étaient 83 % en 2014 et 92 % en 2022, soit une augmentation de 9 points !
L'objectif de cette évolution technologique est également de renforcer la sécurité et de proposer des services plus avancés. Dans cette optique, une bonne couverture numérique est capitale, notamment dans les territoires ruraux, comme j'ai pu le souligner dans le rapport d'information sur l'évaluation de l'accès aux services publics dans les territoires ruraux que j'ai rendu, début avril, avec notre collègue Pierre Morel-À-L'Huissier. Le plan France très haut débit a incontestablement permis d'accélérer cet état de fait, même s'il est encore en cours de finalisation.
Néanmoins, si le basculement vers le numérique représente une simplification des démarches administratives et une amélioration du service pour une partie des usagers et des usagères, la dématérialisation peut accentuer la fracture numérique et laisser de côté les plus précaires. Pour ces situations, la présence physique des services est indispensable.
C'est donc dans cette logique que le Président de la République avait annoncé, en avril 2019, la création d'une maison France Services dans chaque canton, d'ici à la fin de son quinquennat, soit environ 2 000 structures dans l'ensemble du territoire national. Au 1er février 2021, plus de 1 123 maisons France Services ont ouvert leurs portes. L'objectif est non seulement de proposer des services publics au plus près des citoyens, en particulier dans les zones rurales et les quartiers prioritaires, mais aussi d'accompagner les personnes en difficulté dans leurs démarches en ligne et de les former à l'utilisation des outils numériques.
Le dispositif de cette proposition de loi, qui prévoit de réinstaurer l'obligation de proposer un accès physique aux services publics, est donc déjà satisfait. Il est également important d'insister sur le point suivant : in fine, la dématérialisation ne remplace pas l'humain. Elle réoriente les missions des agents, comme les lignes budgétaires. Derrière internet, il y a forcément, de fait, la main de l'homme. Réduire la dématérialisation à la casse du service public, comme le fait ce texte, est un leurre. Désormais, chaque usager a la possibilité de choisir l'accès qui lui convient le mieux, sans être déboussolé.
Cette proposition de loi ne permettra donc pas de faciliter la vie des Français. Leur faciliter la vie, c'est garantir une meilleure adaptabilité de l'accès aux services publics, pour l'égalité de tous. Rappelons que d'ici à décembre 2023, plus de 2 700 maisons France Services seront ouvertes dans tout le territoire. De ce fait, le dispositif proposé est déjà satisfait. En revanche, son amélioration et son développement, c'est autre chose. Le Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques et les rapports d'information qu'il dépose, comme celui que je viens d'évoquer, nous permettent précisément d'envisager ces évolutions.
Comme je l'ai rappelé devant la commission des lois, le renoncement au numérique constituerait un net retour en arrière pour la grande majorité des Français qui privilégient le canal numérique pour accomplir leurs démarches administratives.
Plutôt qu'un retour en arrière, privilégions plutôt une vision généreuse, ambitieuse et optimiste pour nos concitoyens.
Pour toutes les raisons que je viens d'évoquer, le groupe Démocrate ne votera pas ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Face à la dématérialisation des services publics et à la rupture d'accès aux droits que ce phénomène induit, notamment pour les personnes âgées mais également pour celles qui sont en situation de précarité, la proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui entend mettre à la charge de l'administration la réouverture des accueils physiques dans nos services publics. Le constat est sans appel : en raison de la dématérialisation généralisée, nombre de nos concitoyens subissent un sentiment d'abandon nourri par une fracture numérique.
M. Frédéric Mathieu applaudit.
Certes, la dématérialisation présente de nombreux avantages – j'utilise une tablette, en ce moment même – et elle permet un traitement rapide des dossiers administratifs. Du moins, en théorie, car c'est encore loin d'être le cas si l'on songe aux délais qui se sont considérablement allongés par exemple pour la délivrance des cartes nationales d'identité ou des passeports – vous l'avez sans doute tous constaté dans vos permanences.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et LFI – NUPES.
Cela dit, ce n'est pas tant la dématérialisation des démarches administratives qui pose problème – il faut en effet suivre le train de la modernisation –, mais plutôt la fermeture des guichets de proximité et le fait que de nombreuses personnes restent sur le quai. Ainsi, la France n'a pas encore achevé la couverture numérique de tout le territoire, ce qui, de facto, entraîne des inégalités d'accès à internet, en particulier dans les zones rurales.
Selon un rapport de l'Insee de 2022, 7,5 % des ménages français n'ont pas accès à internet. La France, seulement située en quatorzième position au sein de l'Union européenne pour l'accès des ménages au net, présente d'importantes lacunes en matière de couverture numérique : outre les zones blanches sans aucun opérateur, il existe des zones grises desservies par un seul opérateur et des zones d'ombre où la connexion est de très mauvaise qualité.
Par ailleurs 15,4 % des plus de 15 ans sont en situation d'illectronisme – ils n'ont pas les compétences de base ou ne savent pas se servir d'internet. Les seniors, les plus modestes, les personnes faiblement diplômées, les personnes vivant seules et les habitants d'outre-mer sont plus particulièrement touchées.
Si ces deux éléments, le problème de la couverture numérique et l'illectronisme, ne sont pas pris en compte, la dématérialisation devient un outil de destruction des services publics.
M. Inaki Echaniz et M. Frédéric Mathieu applaudissent.
Dans son rapport d'activité pour 2021, la Défenseure des droits, Claire Hédon, dresse un bilan particulièrement critique de la politique tendant, depuis quelques années, à l'accélération de la dématérialisation de nos services publics : « Souvent pensées par le prisme de l'optimisation, de l'efficience ou de la simplification, les politiques de modernisation ou de transformation publique ont incontestablement eu des effets sur l'accès aux droits de toutes et tous, dont le Défenseur des droits est un témoin direct. »
Dès 2019, le prédécesseur de Mme Hédon, Jacques Toubon, écornait également vertement l'image du tout numérique dans nos services publics. Il affirmait ainsi : « Il ne peut y avoir de discrimination fondée sur le lieu de résidence. Du point de vue de l'égalité, de la solidarité et de l'accès aux droits, c'est inacceptable. ».
En somme, nos services publics devraient s'inspirer de l'esprit qui préside outre-Atlantique : chez nos amis québécois, on parle non pas de service public mais de service au public. Notre pays doit de toute urgence repersonnaliser notre administration publique.
Tout le monde aurait à y gagner, que ce soient les usagers qui se sentiraient mieux accompagnés ou les agents, qui subissent une perte de sens dans les tâches qu'ils accomplissent, tâches qui les tiennent surtout à distance de tout contact humain.
Chacun l'aura compris, le groupe Socialistes et apparentés apportera évidemment son soutien au texte défendu aujourd'hui par les collègues du groupe La France insoumise, visant à remettre de l'humain dans nos services publics.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Rappelons que notre groupe propose chaque année, dans le cadre du projet de loi de finances, des amendements visant à renforcer les effectifs dans les préfectures, afin d'assurer l'accueil physique auquel ont droit les usagers des services publics – malheureusement, les 49.3 sont systématiques. La situation dans les préfectures est alarmante, si on se réfère au dernier rapport de la Cour des comptes. Nous voterons pour ce texte.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la proposition de loi tendant à la réouverture des accueils physiques dans les services publics ;
Discussion de la proposition de loi visant à abroger L. 435-1 du code de la sécurité intérieure ;
Discussion de la proposition de loi visant à indexer les salaires sur l'inflation ;
Discussion de la proposition de loi visant à déconjugaliser l'allocation de soutien familial ;
Discussion de la proposition de loi visant à répondre à la crise du logement chez les jeunes.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures cinq.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra