Il signale également que les bassines ne pourront être remplies en hiver si le niveau des nappes phréatiques est trop bas ; or, comme il le précise dans une note explicative sur son expertise relative au projet de réserves de substitution dans les Deux-Sèvres, « la récurrence de périodes de sécheresse hivernale pourrait conduire de manière répétée à des niveaux de nappe inférieurs aux seuils réglementaires, compromettant le remplissage des réserves certaines années ».
Les scientifiques alertent : il s'agit d'éviter une maladaptation. Les mégabassines couvrent 8 hectares en moyenne, et jusqu'à 18 hectares : elles ont un impact sur le milieu naturel. Le fait de pomper à même les nappes phréatiques n'est pas sans conséquences : comme le souligne Jean-François Soussana, vice-président de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) et membre du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), cela pourrait accentuer la réduction de leur niveau. Nous manquons de données concernant les effets de ces bassines sur les nappes, sur l'assèchement des cours d'eau et sur le cycle de l'eau ; la justice a fait état de ce manque de précision, et des cas concrets ont révélé que les études d'impact conduites en amont de certains projets étaient défaillantes. Enfin, ces infrastructures suscitent un risque en matière de partage de l'eau, celui de l'accaparement.
Ce texte prévoit un moratoire de dix ans sur la délivrance des autorisations de construction, ce qui ne remettrait pas en cause les mégabassines existantes et permettrait d'engager une réflexion scientifique afin de déterminer dans quelles conditions précises ces ouvrages pourraient s'inscrire dans une logique d'adaptation. Le Parti socialiste ayant d'ores et déjà demandé au Gouvernement un tel moratoire, les députés Socialistes et apparentés voteront pour cette proposition de loi ; en revanche, compte tenu des débats en commission, nous proposerons de ramener la durée du moratoire à cinq ans, dans l'espoir de voir ce compromis accepté par le plus grand nombre.
Dans tous les cas, le moratoire nous donnerait le temps d'activer l'ensemble des solutions alternatives à ces infrastructures coûteuses : mobilisation des ouvrages existants de taille modérée, reforestation, retour des prairies et protection des haies, évolution des cultures consommant le plus d'eau, ou encore gestion du stress hydrique, le tout en nous appuyant sur les PTGE. Il nous faut envisager, d'ici à 2050, le changement tant des systèmes de production agricole que de la consommation alimentaire, en vue de réduire les besoins en matière d'irrigation et de parvenir à un meilleur équilibre avec le climat tel qu'il évolue. Cela demande une volonté politique forte – et surtout des moyens afin d'accompagner les agriculteurs dans une véritable transition agroécologique.