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Intervention de Guy Bricout

Séance en hémicycle du jeudi 30 novembre 2023 à 15h00
Moratoire sur le déploiement des mégabassines — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuy Bricout :

Alors que nous examinons cette proposition de loi, qui fait écho à l'actualité et au procès des militants opposés aux mégabassines de Sainte-Soline, j'appellerai, pour commencer, à ne surtout pas nous empêtrer dans des positions idéologiques lors de nos débats. En effet, les problèmes sous-jacents à ce texte, celui de la raréfaction de notre ressource en eau et celui de son partage, sont bien trop graves pour en faire des objets d'opposition stérile entre les différents acteurs concernés, au premier rang desquels les agriculteurs.

Sainte-Soline a cristallisé un peu plus la fracture entre partisans et opposants aux mégabassines. Votre texte, madame la rapporteure, semble être la seule réponse que vous ayez trouvée pour satisfaire les opposants.

Cette réponse est particulièrement arbitraire parce que vous décrétez dix ans de moratoire sans donner aucune explication. Pourquoi cette durée ? Pourquoi ne pas prévoir cinq ans, voire quinze, tant qu'on y est ?

Elle est également floue, parce que vous ne donnez aucune définition au terme « mégabassines », qui n'est pas non plus défini dans le code de l'environnement : un comble pour un texte qui les concerne très spécifiquement et se présente comme la porte ouverte à bien des décisions prises à l'emporte-pièce.

Enfin, cette réponse est injuste, car elle stigmatise et entretient un sentiment de défiance vis-à-vis de ce qu'elle nomme « le modèle agricole productiviste ». Pourtant, je le répète, la question est bien trop cruciale pour être strictement réduite à une position tranchée entre ceux qui sont « pour » et ceux qui sont « contre ». Et ce n'est certainement pas en entretenant les clivages que l'on parviendra à résoudre la question de l'accès à l'eau pour les cultures qui en ont besoin.

D'ailleurs, l'exemple de Sainte-Soline est à ce sujet très explicite : faute d'un dialogue à la hauteur, aucun compromis – hélas – n'avait pu être trouvé, ce qui laissait la place à la violence. En revanche, là où il y a dialogue, il y a toujours la possibilité d'une solution équilibrée. Et c'est ce dialogue que j'aimerais voir s'instaurer aujourd'hui dans notre hémicycle.

Toutefois, il ne pourra voir le jour que si nous revenons à des réflexions factuelles ancrées dans le réel et non dans des peurs plus ou moins fondées ou dans d'autres débats philosophiques.

Faisons quelques constats. Dans la majorité des territoires, jusqu'à maintenant, les usagers sont parvenus à s'accorder sur les projets de mégabassines. Notre pays dispose d'un cadre juridique fournissant les instruments nécessaires pour bâtir du consensus autour de ces dossiers. Les retenues de substitution sont soumises à autorisation : elles font donc l'objet d'études d'impact qui permettent d'évaluer si elles accaparent ou non la ressource en eau au détriment d'autres usages. Ces projets permettent aussi, en contrepartie, d'imposer des engagements en matière d'évolution des pratiques agricoles.

Ce sont les faits. Il y a un cadre, ne le nions pas, même s'il est sans doute perfectible. C'est la raison pour laquelle le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT) préconise, entre autres, de prendre davantage en compte les conséquences du dérèglement climatique dans les études d'incidence environnementale, ainsi qu'au moment de la délivrance de l'autorisation par l'autorité administrative. Nous suggérons par ailleurs de renforcer et de systématiser le contrôle des contreparties demandées aux agriculteurs, ce qui ne sera possible, encore une fois, que si toutes les conditions du dialogue sont bien réunies.

Forts de ces nouvelles exigences, nous considérons que les prochaines autorisations de retenues de substitution – comme les refus – pourront et devront se faire sereinement sur la base d'arguments techniques, en tenant compte des usages de l'eau et des caractéristiques tant géologiques qu'hydriques des territoires concernés.

Vous l'aurez compris, le groupe LIOT votera contre la proposition de loi. À nos yeux, ce moratoire serait bien plus porteur de conflits et de détresses que de solutions de long terme pour nos ressources en eau, aujourd'hui comme demain.

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