La présente proposition de loi réaffirme un principe. En cela, il est noble que notre assemblée puisse en débattre. Vous avez parlé, madame la secrétaire d'État, d'accueil physique ; sachez qu'il n'est pas très agréable pour la représentation nationale devant laquelle vous êtes responsable, d'avoir dû vous attendre une demi-heure pour entamer ce débat.
Cela étant dit, le groupe Les Républicains considère que le numérique est d'abord un atout pour le service public. Il a permis d'améliorer l'efficacité du service rendu aux Français, en créant notamment une logique d'accès permanent pour une bonne partie des administrés. S'il faut effectivement débattre de l'accueil physique, cela ne doit donc pas se faire en opposition avec l'accueil dématérialisé, qui constitue une vraie amélioration de la qualité d'accueil pour nombre de nos concitoyens, qui peuvent désormais effectuer, à tout moment du jour ou de la nuit et où qu'ils se trouvent, leurs démarches administratives.
Cependant, le déploiement des services numériques a généré plusieurs effets collatéraux, qui ont même parfois une répercussion sur notre façon de construire les politiques publiques. La quantité des données collectées et la finesse des analyses produites grâce au numérique ont pu nous conduire, nous législateurs – et j'inclus ceux qui sont à l'origine de ce texte –, à construire des dispositifs qui s'éloignent un peu trop des principes, qui entrent trop dans le détail et cherchent systématiquement l'exception. Autant d'effets qui sont nés du numérique et de la quantité colossale de données qu'il génère.
Parfois, la dématérialisation de l'accueil crée aussi des manques. Prenons l'exemple d'un débat qui a souvent été évoqué et qui est cher aux Républicains : le rétablissement pour les maires du fichier domiciliaire. Si le lien physique entre les habitants d'une commune et leur administration était plus régulier, ce débat n'aurait sûrement pas lieu. Or l'effacement des contacts entre l'institution communale et les concitoyens nécessite parfois d'apporter des réponses structurelles et techniques, afin de compenser ces absences de lien.
Par ailleurs, le numérique est une compétence en tant que telle, que nombre de nos compatriotes ont dû acquérir très vite. Cette technologie a pénétré notre quotidien, sans que l'on prenne réellement le temps d'apprendre à l'utiliser : or c'est désormais incontournable. Du reste, ce ne sont pas toujours les publics que l'on croit qui en sont le plus éloignés : on pense souvent qu'il existe une fracture due à l'âge de l'utilisateur, mais je ne pense pas que la fracture en matière de compréhension et de maîtrise de l'outil numérique soit une question de génération ; c'est bien plus complexe.
Face à la vitesse à laquelle le numérique s'est répandu dans notre quotidien, nous n'avons pas engagé de stratégie d'alphabétisation – pour reprendre un terme que j'aime bien et qui traduit la volonté de l'action publique d'« aller vers », pour construire ensemble la compréhension du moyen de communication qui nous lie. La preuve, c'est que l'État et les collectivités territoriales mettent désormais sur la table beaucoup de moyens pour lutter contre la diffusion trop rapide d'informations inexactes, voire manipulées, ou encore que nous créons des politiques de lutte contre l'illectronisme, comme si nous avions un manque à combler. Cela prouve surtout que nous n'avions pas fait, au préalable, le travail d'éducation au numérique, et de compréhension de cet outil.
Enfin, l'accessibilité du service public – et cela plaide dans le sens de la proposition de loi –, n'est pas seulement une question de temporalité ni de guichet, mais aussi une question d'accompagnement. Or force est de constater que nous avons une fâcheuse tendance à pondre des dispositifs de plus en plus complexes, qui nécessitent une médiation. Rien n'est alors plus efficace qu'un homme ou une femme, pour accompagner les Français.
Je ne saurai que vous appeler, mes chers collègues, à faire preuve d'humilité et d'humanité face à ce défi et face au lourd traitement qu'impose le numérique. Il n'est pas nécessaire de critiquer un moyen par rapport à l'autre : au contraire, nous devons construire la rencontre entre l'accueil physique et l'accueil dématérialisé.