Intervention de Aurélien Saintoul

Séance en hémicycle du jeudi 30 novembre 2023 à 15h00
Réouverture des accueils physiques dans les services publics — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAurélien Saintoul :

Je vous dis cela sans misérabilisme et en toute objectivité. D'ailleurs, il serait faux de croire que l'absence d'accueil physique dans les services publics ne concerne que les personnes vulnérables. Les difficultés qu'elle crée touchent tous les âges, toutes les situations. Toutes et tous, nous avons déjà été littéralement empêtrés dans une procédure, dans un formulaire, dont la complexité nous a paru quasiment insurmontable. Combien de fois s'est-on dit qu'une conversation avec un véritable humain à l'autre bout du fil aurait réglé rapidement des difficultés dont on avait cru ne jamais pouvoir sortir ? Ou encore, combien de fois a-t-on laissé filer en se disant qu'après tout, nous ne vivions pas dans une telle urgence et que nous pouvions renoncer à utiliser nos droits au lieu de nous compliquer la vie ?

Les plus jeunes, souvent, vivent ces situations, mais rares sont ceux qui peuvent se permettre de laisser filer. Bien sûr, il y a aussi les personnes les plus âgées : nous en avons toutes et tous dans nos familles qui, le temps passant, se sentent moins à l'aise, ou peut-être ne l'ont jamais été, avec l'outil informatique. Et croyez bien que ceux qu'on appelle les digital natives, dont on dit qu'ils sont nés avec une souris greffée au bout des doigts, ne sont pas épargnés par l'illectronisme ; et même ceux d'entre eux qui aujourd'hui parviennent à utiliser les services en ligne, demain et après-demain auront vieilli et connaîtront la même difficulté pour accéder aux services publics et faire valoir leurs droits.

La dématérialisation des services publics porte préjudice aux usagers, mais elle nuit aussi considérablement au travail des agents. À première vue, ils devaient bénéficier de cette transformation : les procédures allaient être simplifiées et allégées, le temps consacré à chaque situation, diminuer. En réalité, il n'en est rien. Non seulement la dématérialisation a servi de prétexte à la réduction du nombre d'agents, qui se sont donc retrouvés surchargés de travail, mais en plus le changement de procédure a fait apparaître de nouvelles tâches de gestion qui n'existaient pas auparavant. Dites-vous bien qu'à Pôle emploi, un agent a aujourd'hui la responsabilité de 1 000 dossiers, et que s'il doit être absent pour maladie ou congés, personne ne s'en occupera.

Dans ces conditions, il n'est pas possible de soutenir la cadence. Les agents sont alors pris dans un cercle vicieux, dont certains s'accommodent sans doute très bien : la surcharge de travail nourrit la pénurie de personnel, la pénurie de personnel nourrit la surcharge de travail et, en fin de compte, les usagers en pâtissent et sont privés de leurs droits.

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