La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures.
L'ordre du jour appelle la discussion de proposition de loi de M. Jean-Philippe Tanguy et plusieurs de ses collègues visant à soutenir les femmes qui souffrent d'endométriose (n° 1221 rectifié, 1696).
La parole est à M. Emmanuel Taché de la Pagerie, rapporteur de la commission des affaires sociales.
…« la femme n'est victime d'aucune mystérieuse fatalité : il ne faut pas conclure que ses ovaires la condamnent à vivre éternellement à genoux. » Il est des sujets sur lesquels la représentation nationale peut et doit faire œuvre d'intérêt général en délaissant les combinaisons politiques pour répondre, dans un esprit de responsabilité, à des défis urgents et cruciaux. Indéniablement, la proposition de loi que je défends devant vous en est un.
Membre assidu de la délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, rapporteur de la proposition de loi créant une aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales, adoptée à l'unanimité en janvier dans cet hémicycle et en février au Sénat, je vous propose d'avancer concrètement sur le sujet de l'endométriose, notamment en créant une affection de longue durée (ALD) spécifique pour les femmes atteintes de cette maladie. Ce serait ainsi faire le choix d'un progrès social évident et manifester notre engagement collectif en faveur de nos concitoyennes. Avec cette proposition de loi, le groupe Rassemblement national s'inscrit par ailleurs dans l'esprit de la « Lettre aux Françaises » de Marine Le Pen du 7 mars 2022.
Selon la définition de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), l'endométriose est une maladie gynécologique fréquente qui concerne une femme sur dix. Elle est liée à la présence de tissu semblable à la muqueuse utérine en dehors de l'utérus. Différents organes peuvent être touchés. La maladie peut être asymptomatique, mais elle provoque des douleurs fortes dans certains cas, notamment au moment des règles, et parfois l'infertilité. Les chercheurs tentent de mieux connaître ses mécanismes et ses liens avec l'infertilité.
Tous les couples savent que l'endométriose correspond à la difficulté, voire à l'impossibilité, de concevoir un enfant. Cette maladie est la première cause d'infertilité en France et touche entre 20 % et 68 % des femmes. L'endométriose, c'est aussi la douleur pendant les rapports sexuels, l'irritabilité, la dépression, voire les pensées suicidaires. À cet égard, je veux alerter sur l'enjeu que constitue l'endométriose en matière de santé mentale des femmes, dans le prolongement du rapport d'information de la délégation aux droits des femmes du 11 juillet 2023 sur le sujet.
Vous l'aurez compris, par ce propos liminaire, j'invite l'ensemble des groupes à prendre de la hauteur et à agir concrètement. Au cours des travaux de la commission, certains ont tenté de travestir l'ambition de la proposition de loi et nié la réalité subie par plus de 1 million de femmes dans notre pays. Chers collègues, lorsqu'il s'agit de la santé des femmes, les controverses, les atermoiements et les attaques politiciennes ne sont pas dignes et n'ont pas lieu d'être. J'ai lu et entendu des propos qui, sur le fond et sur la forme, n'honorent pas notre assemblée. Aucun prétexte ne peut excuser l'inaction.
J'en viens au texte de la proposition de loi. L'article 1er vise à créer une affection de longue durée spécifique pour les femmes atteintes d'endométriose afin de prendre en considération les particularités de la maladie, les dispositifs de prise en charge actuels – l'ALD 30 et l'ALD 31 – étant trop restrictifs. En créant une ALD exonérante spécifique, l'article répond à la diversité des situations vécues et subies par les femmes atteintes d'endométriose. Alors que la proposition de résolution visant à reconnaître l'endométriose comme une affection de longue durée, adoptée à l'unanimité le 13 janvier 2022, n'a jamais été appliquée par le Gouvernement, alors que la stratégie nationale de lutte contre l'endométriose, mise en œuvre à 85 % selon le ministère de la santé et de la prévention, ne permet pas de répondre dans des délais raisonnables à la gravité de l'enjeu, il est temps que le législateur agisse.
Le cadre permettant à des femmes atteintes d'endométriose d'être reconnues en ALD 31 a montré son insuffisance : cette reconnaissance est aussi exceptionnelle qu'aléatoire. En 2022, seules 13 472 femmes en ont bénéficié, soit 0,6 % des femmes atteintes de cette maladie. L'ALD 31 est également source d'inégalités territoriales. D'après la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam), en 2022, le taux d'acceptation des demandes en ALD 31 s'élevait à 31,86 % en Bretagne contre 79,40 % dans l'ancienne région Midi-Pyrénées.
Pour toutes ces raisons, la création d'une ALD spécifique pour les femmes atteintes d'endométriose est aujourd'hui cruciale. Concrètement, chers collègues, si vous adoptez la proposition de loi, les frais de santé liés à l'endométriose seront pris en charge à 100 % dans la limite du plafond de remboursement de l'assurance maladie. L'exonération du ticket modérateur concernera les consultations, les examens, les soins et les médicaments, ainsi que l'hospitalisation. Aucun frais de santé en rapport avec l'endométriose n'aura à être avancé. Les femmes concernées bénéficieront du tiers payant. La prise en charge des frais de transport liés aux soins sera également assurée.
Par ailleurs, il n'y aura plus de délai de carence en cas d'arrêts de travail successifs. D'après la circulaire du 26 mai 2015 relative aux modalités d'attribution des indemnités journalières dues au titre de la maladie, le premier arrêt de travail lié à une ALD ne peut donner lieu à une indemnisation qu'à compter du quatrième jour d'arrêt de travail. En revanche, en cas d'arrêts successifs liés à une même ALD, le délai de carence ne s'applique qu'une seule fois au cours d'une même période de trois ans. L'absence de délai de carence en cas d'arrêts de travail successifs est donc centrale pour les femmes atteintes d'endométriose. La Cnam compte en moyenne trente-trois jours d'arrêt de travail par an pour les femmes concernées par une ALD 31.
L'intérêt de la proposition de loi est d'inscrire l'endométriose dans la loi et d'obliger ainsi le Gouvernement à agir concrètement pour les 1,5 à 2,5 millions de femmes concernées dans notre pays. En cas d'adoption de l'article 1er , le Gouvernement sera tenu de prendre un décret reconnaissant l'endométriose comme affection de longue durée spécifique, conformément à l'article L. 160-14 du code de la sécurité sociale modifié par l'article 1er .
L'article 2 vise à permettre aux femmes diagnostiquées qui le souhaitent de bénéficier de la qualité de travailleur handicapé. Ainsi, cet article donne la possibilité d'aménager les horaires et le poste de travail, notamment grâce au télétravail lorsqu'il est possible. Une telle disposition favoriserait l'égalité et la visibilisation des femmes dans le monde professionnel.
Quant au diagnostic de l'endométriose, selon le rapport d'information du 27 juin 2023 relatif à la santé des femmes au travail de la délégation aux droits des femmes du Sénat, ce diagnostic pourrait s'appuyer sur le test salivaire de l'entreprise lyonnaise Ziwig, qui a fait l'objet d'une étude publiée le 9 juin 2023 dans The New England Journal of Medicine. Ce test identifie correctement 96 % des cas d'endométriose et présente moins de 5 % de faux négatifs. Alors que l'Inserm évalue le délai d'errance diagnostique à dix ans, la généralisation de ce test semble s'imposer.
Les travaux de la commission ont démontré la nécessité de la proposition de loi. Le groupe LIOT a reconnu que « l'article 1er créerait une exonération spécifique et totale pour l'endométriose en particulier, en dehors des dispositifs existants ». Les Républicains, et je les en remercie, ont déclaré « souscri[re] totalement à l'article 1er , qui crée un statut d'ALD, avec une prise en charge totale par l'assurance maladie ». Les Écologistes ont admis que « c'est bien parce que l'État ne fait pas assez en matière de santé des femmes que nous sommes amenés à étudier des textes du groupe Rassemblement national ». Le MODEM a soulevé la question de savoir si « notre débat ne devrait […] pas dépasser ces querelles politiques pour être utile aux femmes », soulignant que « poser la question de l'endométriose dans les entreprises participe à lever un tabou ». Enfin, le groupe Renaissance considère « qu'il faut s'inscrire dans la durée, avec l'amélioration des diagnostics et surtout de la prise en charge chirurgicale, pouvant elle-même être source de complications […] qui justifient l'ALD ». Tel est le sens de la proposition de loi, chers collègues. Je partage vos différents constats et je vous invite à soutenir le texte.
Certes, il arrive que l'endométriose passe inaperçue, ou presque, mais lorsque la douleur vous cloue au lit, lorsque vous êtes dans l'incapacité d'aller au lycée ou à l'université, de travailler, de gérer le quotidien, d'accueillir vos amis ou de mener un projet parental, elle est un poison dont la réalité est largement minimisée ou niée par la méconnaissance, l'ignorance ou les poncifs paternalistes obsolètes.
Chers collègues, faites preuve de liberté individuelle et d'objectivité. Renoncez, le temps de l'examen de ce texte, aux postures politiciennes afin que nous prenions, tous ensemble, notre part dans une avancée majeure pour les femmes. Ce matin, une seule option s'offre à nous : faire de ce jeudi 12 octobre 2023 le jour où les espoirs de millions de nos concitoyennes se seront réalisés. J'en appelle à la responsabilité de chacun, à votre capacité d'analyse. D'avance, merci pour elles !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Aujourd'hui, dans notre pays, une femme sur dix est touchée, à des degrés divers, par l'endométriose. Je connais bien cet enjeu, car je défends depuis longtemps l'amélioration de la prise en charge de cette maladie. J'ai mené ce combat dans mes précédentes fonctions, notamment à la tête de l'agence régionale de santé (ARS) Île-de-France,…
…et je continue résolument de m'y engager en tant que ministre de la santé et de la prévention. Vous avez raison, monsieur le rapporteur, ce sujet mérite un débat de fond, un débat politique, un débat tout sauf technocratique.
Souffrir d'une maladie gynécologique chronique, aux symptômes très variés et aux manifestations parfois très douloureuses, est avant tout une épreuve intime. L'endométriose, ce sont autant d'histoires et de combats individuels que de patientes. Les femmes qui souffrent de cette maladie subissent au quotidien des douleurs qui peuvent être invalidantes au bureau, à l'école, dans les transports.
Chacun d'entre nous ici sait comment il est venu au sujet de l'endométriose, comment ce combat est devenu le sien, et je ne dénie à personne le droit de l'embrasser. À titre personnel, c'est le féminisme qui m'y a mené. Il ne faut jamais oublier que la santé des femmes est avant tout un droit. Or, même dans la santé, il y a des biais de genre. Je suis convaincu que la recherche serait allée beaucoup plus vite si 2,5 millions de nos concitoyens masculins étaient touchés par des douleurs aussi violentes que celles causées par cette maladie.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Mme Sandrine Rousseau et M. Stéphane Peu applaudissent également.
Et ce n'est pas une formule de tribune ! Le fond de ma pensée est que la santé des femmes, leur droit et leur liberté de disposer de leur vie et de leur corps, constituent un bloc insécable. On ne choisit pas, dans ce bloc, les sujets qui vous intéressent. Ce combat, on le mène entièrement ou pas du tout. Il impose de la constance et de la cohérence. Je ne vous les conteste pas, monsieur le rapporteur, mais j'ai des doutes quant aux autres députés de votre groupe…
« Hors sujet ! » sur plusieurs bancs du groupe RN. – Mme Caroline Abadie et M. Sacha Houlié applaudissent.
L'endométriose, ce sont des trajectoires personnelles et des projets familiaux parfois contrariés, parfois même brisés – je pense aux femmes atteintes dans leur désir de maternité, cette maladie constituant la première cause d'infertilité en France. Ce sont des doutes, des questions et de l'incompréhension quand on sait que l'errance médicale dure en moyenne sept ans avant le diagnostic. L'expression « errance médicale » s'est banalisée, mais elle recouvre une réalité cruelle, celle de femmes seules avec leur douleur, à qui l'on répète cent fois que « c'est dans la tête » et qu'elles ne ressentent rien d'autre que des règles douloureuses. Oui, nous devons agir et nous agissons résolument !
M. Pierre Meurin s'exclame.
Certains tabous persistants empêchent les jeunes filles de parler à leurs proches, certains sujets sont insuffisamment pris en compte dans les différentes sphères de la société, notamment le monde professionnel. Pour ma part, je sais ce que cela fait de ne pas savoir ce que l'on a, de ne pas être entendu ou écouté quand on décrit ses symptômes ou ses séquelles – j'y reviendrai peut-être tout à l'heure. Je sais aussi le soulagement que procure – enfin ! – un diagnostic établi, la reconnaissance et une prise en charge.
Vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, l'endométriose touche entre 1,5 et 2,5 millions de nos concitoyennes. Elle constitue donc un sujet de santé publique, un enjeu de société, qui ne concerne pas uniquement les femmes, notamment parce que cette souffrance a été trop longtemps invisibilisée et banalisée, comme bien des problématiques relatives à la santé gynécologique et à la santé des femmes en général. Ce sujet de santé publique, cet enjeu de société, appelle plus qu'une réponse collective : une mobilisation générale de l'ensemble de la société.
Cette mobilisation n'a pas commencé il y a quelques semaines ni même quelques mois. Cela fait des années qu'elle se construit et se renforce ! Je voudrais commencer par mentionner le formidable travail mené par les associations, qui ont été de tous les combats, sur tous les fronts, parfois face au silence des gouvernements.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – M. Stéphane Peu et Mme Sandrine Rousseau applaudissent également.
Grâce à elles, la parole s'est libérée et, aujourd'hui, l'endométriose est, au même titre que d'autres pathologies, devenue un enjeu de la politique de santé publique. Je le dis en toute humilité : je ne sais pas si, sans leur abnégation, sans l'engagement de certains – et certaines – professionnels de santé et scientifiques à leurs côtés, les pouvoirs publics auraient agi et réagi aussi fortement.
Je sais que vous êtes également nombreux et nombreuses à porter haut cet enjeu, sur les bancs de cet hémicycle, dans la majorité comme dans les oppositions : Véronique Riotton, Véronique Louwagie, Marie-Pierre Rixain, Sébastien Peytavie, Mickaël Bouloux, Clémentine Autain, ainsi que les membres de la délégation aux droits des femmes dont vous faites partie, monsieur le rapporteur. Avec leurs idées, diverses, leurs approches, variées, les groupes politiques ont eux aussi contribué à rendre cette pathologie visible, à faire de sa juste prise en compte l'enjeu politique qu'elle mérite d'être. On ne peut que saluer la multiplication des initiatives sur le sujet, d'où qu'elles viennent, dès lors qu'elles proposent des réponses correctes et précises à de véritables problématiques.
La réponse du Gouvernement s'est quant à elle traduite dans la stratégie nationale de lutte contre l'endométriose. Il n'y a aucune inaction, monsieur le rapporteur. Cette stratégie, lancée par le Président de la République en janvier 2022, apporte une réponse collective, structurée, ambitieuse, mais aussi adaptable aux enjeux. Elle est le fruit de tous les travaux précédents. Elle n'a pas vocation – pardonnez ma trivialité – à « plier le match ». Elle doit au contraire s'adapter aux travaux des différentes instances, notamment parlementaires : l'action menée par la délégation aux droits des femmes ou encore la résolution de Clémentine Autain adoptée en 2022 l'ont ainsi nourrie et enrichie.
Fruit d'un long travail de coconstruction avec les professionnels et les associations, cette stratégie se décline sur le long terme comme sur le court terme, et permet d'apporter des réponses structurelles et opérationnelles. J'en présidais, mercredi dernier, depuis le centre hospitalier universitaire (CHU) de Rennes, le second comité de pilotage, avec la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche et la ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes. Ce comité de pilotage était poignant, en raison de la présence d'associations de patients, qui favorisent la libération de la parole, mais aussi grâce à la mobilisation des professionnels de tout un territoire, la Bretagne, du médecin généraliste aux meilleurs spécialistes du CHU, en passant par les centres experts de la douleur ou les kinésithérapeutes.
Oui, la problématique de l'endométriose soulève des enjeux d'accès aux soins, et je tiens pour indispensable, dans la lutte contre toutes les inégalités de santé, de garantir à toutes une prise en charge adaptée. Cela passe notamment par la reconnaissance des particularités et des vulnérabilités spécifiques auxquelles font face les femmes. C'est pour cela que l'un des objectifs de la stratégie est de donner accès à un diagnostic rapide et à des soins de qualité, sur l'ensemble du territoire.
Cela passe aussi par la structuration, dans chaque région, d'une filière dédiée à la prise en charge graduée de l'endométriose, s'intégrant aux organisations et aux dispositifs de coordination préexistants. Je veille personnellement à sa progression. Cinq régions, en France métropolitaine, sont déjà en stade dit « avancé » avec une filière en cours de finalisation ou finalisée. Vous l'avez dit : la réponse est encore trop hétérogène à l'échelle du territoire.
À Rennes, la semaine dernière, j'ai eu l'occasion de m'entretenir de manière approfondie avec les professionnels du réseau breton, les associations locales et nationales, et certaines patientes qui sont impliquées dans cette démarche. Tous reconnaissaient que le cadre fourni par la filière et les moyens qui lui sont alloués permettent de fédérer, sous certaines conditions sur lesquelles je reviendrai, toutes les bonnes volontés, pour proposer des parcours de soins exhaustifs, adaptés et innovants aux femmes qui en ont besoin.
La formation des soignants est au cœur du projet défendu par le réseau et par le Gouvernement. Nous avons fait des progrès au niveau national en ce sens, avec l'entrée de la pathologie dans le programme du deuxième cycle de formation des médecins, ou son inscription dans les orientations prioritaires de développement professionnel continu (DPC), mais les filières ont aussi tout leur rôle à jouer. Le sujet de la formation – y compris continue – est en effet central. Plusieurs amendements, notamment du groupe Les Républicains, vont d'ailleurs dans ce sens. Cependant, je ne pense pas que la loi soit le bon véhicule pour avancer sur ces enjeux.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
La mobilisation de l'assurance maladie, avec des webinaires …
Mêmes mouvements
…et des formations dédiées à chaque médecin, permettra de progresser tout au long de sa carrière, au-delà de la seule formation de trois mois sur l'endométriose qu'il aura reçue au début de ses études. Cela concerne les médecins, mais également tous les professionnels pouvant intervenir dans le parcours des patientes. Je pense notamment aux kinésithérapeutes qui peuvent acquérir certains gestes spécifiques pour les soulager, à condition d'avoir été formés.
Ce comité de pilotage m'a conforté dans la certitude que cette démarche est la bonne. Pour accélérer cette dynamique, j'ai fixé l'objectif, dans une instruction adressée à l'assurance maladie et à l'ensemble des ARS, d'achever l'identification des filières dans l'ensemble des régions d'ici la fin de l'année.
Parce que l'endométriose est aussi un enjeu médical et scientifique, il me faut revenir sur la recherche : ce sont pas moins de 30 millions d'euros qui sont consacrés à un programme prioritaire de recherche, intitulé « Santé des femmes et santé des couples ». J'insiste sur ce montant, qui représente 10 millions de plus que la somme initialement prévue dans la stratégie en 2022, alors même que le programme a été recentré autour des deux axes, intimement liés, que sont l'endométriose et l'infertilité. Le comité de pilotage a été l'occasion de présenter, pour la première fois après plus d'un an de travaux, ce programme finalisé, qui comprend notamment un projet épidémiologique ciblé sur l'endométriose, unique au monde, et qui entre désormais dans sa phase opérationnelle. Je souhaite, comme Sylvie Retailleau, que la France soit aux avant-postes de la recherche dans ce domaine.
Finalement, et c'est le dernier axe de notre stratégie, il faut continuer de mener la bataille de l'information et de la communication. C'est un travail de fond, et, sans remettre en cause les efforts déjà fournis, je suis conscient qu'il faut aller plus loin. Là encore, certaines des orientations qui ont été fixées devront être suivies de très près. Je pense notamment aux propositions défendues par le groupe Les Républicains concernant l'éducation nationale. Sur tous ces sujets, mais aussi en matière d'information des personnes concernées, il nous faut aller plus loin, et y aller plus vite. C'est le sens de l'instruction que j'ai signée il y a quelques semaines, et qui a d'ores et déjà permis d'approfondir certains points de la stratégie et d'engager de nouvelles actions.
J'ai vu certains d'entre vous sourire, à ma droite, lorsque j'ai évoqué les webinaires. Ces ressources de formation se sont pourtant révélées indispensables pendant la crise sanitaire. Je vous invite à visionner le webinaire relatif à l'endométriose : en un temps réduit, il permet aux médecins d'apprendre les bons réflexes, afin que plus une femme ne sorte d'une consultation médicale en ayant entendu, une fois de plus, que ses douleurs sont « dans sa tête » et qu'un Doliprane devrait suffire face à des règles douloureuses.
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RE.
J'en viens à la reconnaissance en ALD de l'endométriose, qui est l'un des sujets qui nous préoccupent particulièrement aujourd'hui. Je m'attarderai quelques instants ici…
…sur l'ALD, qui n'est pas la reconnaissance d'une maladie à proprement parler ; elle est d'abord le dispositif de prise en charge à 100 % par l'assurance maladie des frais de santé liés aux soins, ainsi que les jours de carence et les frais de transport.
L'ALD 31 n'est pas un moins-disant par rapport à l'ALD 30, bien au contraire : c'est une forme d'ALD différente, qui ouvre les mêmes droits et qui est plus adaptée aux maladies comme l'endométriose.
Mme Véronique Riotton applaudit.
L'ALD 31 est accordée en fonction de l'examen individuel du protocole de soin de chaque patiente. L'ALD 30, elle, repose sur une liste de pathologies dont les formes éligibles sont définies par des critères stricts et limitatifs. Inscrire l'endométriose en ALD 30 supposerait donc la définition par la Haute Autorité de santé (HAS) de ces critères médicaux d'admission spécifiques, qui seraient extrêmement difficiles à établir : en effet, certaines formes de la maladie sont asymptomatiques tandis que d'autres, violentes et douloureuses, ne se manifestent cliniquement que par des lésions superficielles – car l'endométriose, c'est cela. Les patientes dont les symptômes de la maladie ne correspondraient pas exactement aux critères seraient alors exclues de toute prise en charge au titre de l'ALD.
Par ailleurs, même si le dispositif de l'ALD 31 permet la prise en charge des formes graves et invalidantes de la maladie, les femmes qui pourraient y avoir accès n'y ont pas toujours recours. C'est le cas pour seulement 15 000 d'entre elles, certes 43 % de plus qu'il y a un an, mais cela reste insuffisant. Le combat est de former et préparer les professionnels de santé à la prise en charge de ces sujets : c'est le sens de la stratégie du Gouvernement.
Soit parce qu'elles sont encore en situation d'errance diagnostique ou thérapeutique, soit parce qu'elles n'ont parfois même pas connaissance de leurs droits, certaines patientes ignorent qu'elles peuvent bénéficier d'une ALD. L'instruction très claire que j'ai donnée est de travailler à cet enjeu, sous toutes ces facettes.
L'assurance maladie a ainsi rédigé, en lien avec les associations, une nouvelle circulaire spécifique à l'endométriose, afin d'actualiser et d'harmoniser les principes directeurs utilisés pour l'évaluation des dossiers de reconnaissance en ALD des patientes atteintes d'endométriose. Ce travail est déjà bien avancé. Les médecins attendent d'être accompagnés et formés tout au long de leur carrière, pour mieux prendre en charge certaines pathologies.
J'ai également demandé à mes services de me proposer avant la fin de l'année, pour les patientes ne relevant pas du dispositif de l'ALD, de nouvelles actions pouvant être mises en place afin de maîtriser le reste à charge relatif à la prise en charge et au traitement de l'endométriose, en lien avec les associations de patientes mobilisées sur le sujet – associations que vous avez très peu mentionnées, monsieur le rapporteur, voire pas du tout.
Je pense que cette explication, bien qu'un peu laborieuse, était nécessaire, car le sujet de l'ALD, qui ne doit pas être confondu avec celui de la reconnaissance de la maladie, a tendance à cristalliser les débats, comme cela a été le cas en commission.
Quel que soit son niveau de gravité, que l'on ait recours à l'ALD ou non, les personnes atteintes d'endométriose ont besoin de s'entendre dire que c'est une « vraie maladie ». Cela reste encore une forme d'angle mort, et nous devons trouver les moyens de donner à toutes ces femmes cette reconnaissance : cela n'a rien d'accessoire.
J'hésite à le dire ici…
…car il y a quelque chose d'un peu dérisoire dans le fait de parler de soi ; mais, vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, c'est aussi de l'intime qu'il est question. Il y a quelques années, j'ai été victime d'une maladie neurologique dont toute la littérature disait qu'elle n'entraînait aucune séquelle.
Depuis, chaque jour, je ressens des picotements dans la jambe droite, des fourmillements, qui certains jours sont insupportables. Pendant longtemps, les publications scientifiques ont affirmé que le syndrome aigu que j'avais présenté n'entraînait aucune séquelle. Un jour, en tant que directeur général de l'ARS Île-de-France, j'ai assisté à un congrès où, pour la première fois, un médecin a exposé que, selon ses recherches, tous les syndromes de Guillain-Barré, pour citer cette pathologie, laissaient des séquelles. Ce jour-là – pardonnez-moi de le dire ainsi et sachez qu'il n'y a pas ici d'effet de tribune –, ma seule réaction a été de pleurer. Les douleurs dans ma jambe n'étaient donc pas seulement des douleurs dans ma tête.
Je mesure que les mots, le fait de reconnaître une maladie, ont parfois autant de force que la douleur. Nous avons devant nous un travail pour les femmes, pour les malades, qui, même si leur endométriose prend des formes légères, si leurs symptômes paraissent sans gravité, ont besoin de s'entendre dire qu'elles sont malades et qu'on va les prendre en charge.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – M. Stéphane Peu applaudit également.
Mesdames et messieurs les députés, je suis bien conscient que tout n'est pas encore parfait, qu'il reste du travail et que nous devons tous nous mobiliser. Le texte proposé aujourd'hui à votre examen se veut une réponse – et je crois que cette volonté est sincère. Toutefois, tant sur le fond des solutions proposées que sur la forme de cette initiative, cette proposition de loi ne semble ni tenable ni opportune.
En s'arrimant à une noble cause, ce texte opportuniste, venant d'un groupe qui, à de multiples occasions, a prouvé sa méconnaissance des enjeux d'égalité entre les hommes et les femmes ,…
Vives protestations sur les bancs du groupe RN. – Applaudissements sur les bancs du groupe RE
…démontre cette fois-ci, en outre, une méconnaissance autant du droit que de la maladie.
J'ai eu l'occasion de le mentionner à plusieurs reprises, et quiconque connaît un tant soit peu le sujet sait que l'endométriose est une maladie complexe, qui affecte différemment chaque femme qui en souffre. Par conséquent, créer une exonération spécifique et totale pour l'endométriose hors du cadre de l'ALD n'est ni juridiquement tenable ni opportun. J'ai déjà expliqué pourquoi la réponse actuelle est appropriée, même si elle doit évoluer.
Systématiser la reconnaissance de la qualité de travailleuse handicapée pour cause d'endométriose n'est pas non plus une réponse adaptée.
Protestations sur les bancs du groupe RN.
Les textes actuels permettent déjà d'attribuer une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) aux personnes atteintes d'endométriose et qui en ont besoin, non pas au titre du diagnostic d'endométriose, mais au titre d'un degré de limitations concrètes causées par la maladie.
Plus profondément, la distinction entre maladie et handicap est l'un des fondements de notre politique en la matière, reconnue et saluée par les personnes directement concernées.
Je souligne que le nombre de femmes bénéficiant de l'ALD est en constante augmentation. Je suis prêt, dans les mois qui viennent, à venir devant vous rendre compte de l'évolution de ces chiffres.
C'est pourquoi je vous invite à rejeter ce texte dont la rédaction est en total décalage avec les attentes et les besoins.
Exclamations sur les bancs du groupe RN. – Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Rejetons-nous cette proposition de loi par principe parce que l'initiative vient du Rassemblement national ?
« Oui ! » sur les bancs du groupe RN.
Non ! Le sujet de la santé des femmes et plus largement de la défense des droits des femmes n'est le monopole de personne,…
…mais ce n'est en aucun cas une raison pour faire, pour dire ou pour voter ce qui vous plaît dans le droit des femmes, ce que vous jugez nécessaire,…
…alors que vous êtes opposés à la reconnaissance constitutionnelle de l'interruption volontaire de grossesse (IVG).
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – Vives protestations sur les bancs du groupe RN.
C'est une manière pour vous de faire en sorte que la partie cache le tout, mais cette proposition de loi ne sera pas votre cape d'invisibilité pour cacher votre vision des femmes dans la société.
Mêmes mouvements.
S'il avait été présenté dans les mêmes termes par la majorité, ce texte aurait-il été soutenu par le Gouvernement ?
« Oui ! » sur les bancs du groupe RN.
Non, car les dispositifs proposés ne sont pas les bons. On finit par se demander si, au fond – et vous êtes trop fin, monsieur le rapporteur, pour ne pas vous en rendre compte –, vous ne le savez pas pertinemment, mais préférez tenter cette offre publique d'achat (OPA) pour de mauvaises raisons.
Vives protestations sur les bancs du groupe RN.
Cependant, je reconnais que votre proposition de loi permet de clarifier les termes du débat, de prendre le temps d'évoquer un sujet majeur de santé publique, de s'interroger sur le fond et de présenter le bilan d'une stratégie qui, sans cela, peut-être serait restée dans des cercles plus restreints.
Je ne nie pas que de nombreux chantiers doivent être approfondis, et je tiens à vous assurer que vous pouvez compter sur l'engagement du ministère de la santé et du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation,…
…dans toutes leurs composantes, avec l'appui de l'ensemble des forces parlementaires pour engager ce combat. Je porterai ce combat de progrès jusqu'à son terme.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Comme vous le voyez, monsieur le ministre, c'est une femme qui défend la proposition de loi visant à soutenir les femmes qui souffrent d'endométriose, une femme qui connaît bien la maladie puisqu'elle en a souffert pendant des années. Le Rassemblement national défend aussi les droits des femmes.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
L'endométriose est la première cause d'infertilité en France. C'est une maladie gynécologique inflammatoire chronique, qui se caractérise par la présence d'endomètre, une muqueuse utérine, en dehors de l'utérus.
Cette pathologie est évolutive et tous les organes peuvent être touchés : intestins, estomac, rectum, vessie, vagin, système nerveux, et dans de plus rares cas, les poumons, les yeux et le cerveau. Cette maladie est caractérisée par de multiples symptômes – malaises, troubles digestifs, fatigue chronique –, mais le principal d'entre eux est la douleur. Douleurs abdominales, lombaires ou neuropathiques peuvent toutes intervenir pendant, comme en dehors du cycle menstruel, et elles affectent la vie de millions de nos concitoyennes. L'impact de cette maladie sur la vie privée et sociale est important, tant en raison du risque d'infertilité que de l'isolement ou de la nécessité de faire face à l'incompréhension d'un entourage qui ne connaît pas ou mal l'endométriose.
Ces nombreuses épreuves peuvent entraîner des problèmes de santé mentale tels que la dépression. En effet, si les douleurs physiques surviennent principalement lors de crises, les douleurs psychiques liées aux questionnements et aux inquiétudes sont profondes et permanentes. Les répercussions sur la vie scolaire et professionnelle des jeunes filles et des femmes sont tout aussi désastreuses : absentéisme, difficulté à garder un emploi ou à suivre un cursus scolaire.
Toutes ces conséquences, dans tous les domaines de la vie, en font une maladie handicapante. En France, nous sommes près de 2 millions de femmes à être touchées par ce mal, soit près de 10 % d'entre nous. Cet hémicycle compte 219 femmes sur ses bancs, ce qui signifie que, très probablement, une vingtaine d'entre nous font face ou ont dû faire face à cette pathologie.
On dit très souvent qu'il existe autant de variétés d'endométriose que de femmes touchées. C'est la vérité, puisque les symptômes varient selon les cas, ce qui rend difficile le diagnostic, qui est posé, selon les estimations de l'Inserm, en moyenne sept à dix ans après l'apparition des premiers symptômes.
Cette errance médicale est également liée au manque de formation de nos médecins et, plus globalement, de l'ensemble des professionnels de santé, dont font partie les infirmiers scolaires, par exemple.
En outre, comment ne pas évoquer la désertification médicale de notre pays, qui n'épargne pas la gynécologie ? Selon le rapport d'information de la délégation aux droits des femmes du Sénat du 14 octobre 2021 intitulé « Femmes et ruralité », dans 77 départements français sur 101, il y a moins de 2,6 gynécologues pour 100 000 femmes et 13 départements en sont même dépourvus. Selon l'UFC-Que choisir, un quart des Françaises n'ont pas accès à des soins gynécologiques, pourtant essentiels dans la vie de chaque femme.
Le vieil adage selon lequel il est normal d'avoir mal pendant ses règles ne contribue pas non plus à la prévention et au dépistage de cette maladie, qui commence, pour la plupart des femmes atteintes, avant 20 ans, dans une période de la vie où l'on se construit.
Du fait du caractère évolutif de la maladie, de nombreux examens sont nécessaires pour son diagnostic et son suivi : échographie endopelvienne, imagerie par résonance magnétique (IRM), cœlioscopie, autant d'actes qui coûtent cher et qui ne sont pas remboursés en totalité par la sécurité sociale.
La prise en charge de ces frais médicaux à 100 %, que permettrait le classement de l'endométriose dans les pathologies considérées comme affection de longue durée, constituerait donc une avancée importante.
En outre, la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé protégerait les femmes en leur permettant d'avoir un poste de travail adapté, de bénéficier d'horaires aménagés et de doubler la durée du préavis légal. Contrairement à ce que l'on a pu entendre lors des débats en commission, le statut de la RQTH n'engendre pas de frais supplémentaires ni l'impossibilité d'obtenir un prêt bancaire.
En effet, depuis le 1er juin 2022, il n'est plus nécessaire de remplir de questionnaire sur son état de santé, si la part assurée par personne est inférieure ou égale à 200 000 euros et si le remboursement total du prêt est prévu avant les 60 ans de l'intéressé.
Enfin, chers collègues, notre proposition est loin d'être opportuniste. La prise de conscience de notre famille politique sur ce sujet ne date ni d'hier ni d'avant-hier. La reconnaissance de l'endométriose était un engagement présidentiel majeur de Marine Le Pen envers les femmes,…
…qu'elle a notamment pris dans sa « Lettre aux Françaises » du 7 mars 2022.
Les travaux du Rassemblement national à ce sujet sont nombreux, à commencer par la proposition de résolution au Parlement européen de notre collègue Marie Dauchy, qui vise à reconnaître cette maladie, pas seulement pour les Françaises, mais pour toutes les Européennes. À toutes fins utiles, je rappelle que cette proposition, qui a d'abord été validée par la présidence du Parlement européen, n'a jamais été examinée en commission, du fait du lâche refus du président de cette dernière, votre collègue macroniste, Pascal Canfin.
« Eh oui ! » sur quelques bancs du groupe RN.
Cette proposition de loi déposée par Jean-Philippe Tanguy n'est pas une redite de la résolution du 13 janvier 2022 visant à reconnaître l'endométriose en tant qu'ALD. Ne vous en déplaise, collègues de gauche, elle vient justement en soutien de cette résolution adoptée à l'unanimité. En effet, M. Olivier Véran, à l'époque ministre de la santé, avait promis une grande stratégie nationale de lutte et de prévention ; pourtant, nous en sommes toujours au même point.
Encore une fois, le Gouvernement aura excellé en coups de com', mais n'a pas concrétisé les promesses faites. Les recherches sur les causes de cette maladie pataugent et les travaux visant à la mise au point d'un traitement semblent en être encore bien loin. Il est temps de prendre vos responsabilités, de traduire en actes vos engagements, de considérer enfin le calvaire que vivent ces Françaises. Vous le leur devez.
Le groupe Rassemblement national défend le droit des femmes et continuera de le faire. C'est pourquoi je vous invite tous, chers collègues, à voter en faveur de cette proposition de loi.
Applaudissements et « Bravo ! » sur les bancs du groupe RN.
Pendant combien de temps encore les femmes atteintes d'endométriose devront-elles attendre sept ans en moyenne avant d'obtenir un diagnostic médical ? Combien de rendez-vous à s'entendre dire que « c'est dans la tête », que « les règles, ça fait mal », qu'il n'y a rien d'anormal à souffrir d'un rapport sexuel, « un Doliprane et ça passe » ? Combien de temps rentreront-elles chez elles, sans aucun suivi médical, sans accompagnement pour accélérer le diagnostic, par manque de formation, d'accès à des parcours de soins structurés, organisés, sur tout le territoire ? Combien de temps encore expliquerons-nous aux adolescentes que souffrir en silence, c'est normal quand on est une femme ?
Personne ici – nulle part, d'ailleurs – ne compte sur le Rassemblement national…
…pour apporter des réponses au légitime besoin des femmes de s'émanciper.
Le Rassemblement national veut, par cette proposition de loi, installer un écran de fumée devant son histoire, ses valeurs, son programme qui s'opposent à la liberté des femmes.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – Vives protestations sur les bancs du groupe RN.
Si le parti de Marine Le Pen fait mine aujourd'hui de s'occuper de l'endométriose, c'est pour mieux camoufler son projet, qui est fondamentalement opposé aux droits des femmes.
Mêmes mouvements.
Je me souviens de votre absence, de votre silence, quand nous avons voté ici même, le 13 janvier 2022, à l'unanimité, à mon initiative, au nom de mon groupe parlementaire,…
…une proposition de résolution pour que cette maladie, qui touche 2 millions de femmes en France, entre dans la liste des affections de longue durée, la liste ALD 30.
Le Rassemblement national, c'est le refus d'inscrire l'IVG dans la Constitution
« C'est faux ! » sur les bancs du groupe RN. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES
Vives protestations sur les bancs du groupe RN.
L'une de ses députées compare même l'IVG à un « génocide », pendant que d'autres parlent d'« IVG de confort » et proposent de le dérembourser.
Le Rassemblement national, c'est le refus de condamner la Pologne, qui a rendu le droit à l'avortement quasiment inaccessible.
Vives protestations sur les bancs du groupe RN. – Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Ce que veut le Rassemblement national, c'est la fin du ministère dédié à l'égalité entre les femmes et les hommes ,
Mêmes mouvements
du salaire maternel et de la procréation médicalement assistée (PMA) pour toutes.
Mêmes mouvements.
Chers collègues, Mme Autain dispose encore de deux minutes vingt-cinq pour s'exprimer.
Nous ne sommes donc pas surpris de découvrir aujourd'hui une proposition de loi qui n'est ni faite, ni à faire. Elle ne correspond ni aux besoins des femmes, ni aux attentes des associations, puisqu'elle ne prévoit pas l'inscription de la maladie dans la liste ALD 30, qui permettrait aux femmes d'être automatiquement totalement exonérées du ticket modérateur dès confirmation du diagnostic
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Laurent Jacobelli s'exclame.
En se contentant de créer un nouveau statut d'affection de longue durée pour l'endométriose qui viendrait s'ajouter à l'accès au statut de travailleuse handicapée, le texte n'est donc qu'une très mauvaise copie de notre propre proposition, voire un moins-disant en matière d'arrêts de travail.
Vous avez déposé douze amendements sur le titre, pas un seul sur le fond !
Il y a pourtant urgence à agir sur ce qui constitue un enjeu majeur pour la santé publique et les droits des femmes. Si le RN a pu déposer cette proposition de loi, c'est parce qu'en n'appliquant pas ma proposition de résolution, pourtant adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale, le Gouvernement a ouvert une brèche dans laquelle l'extrême droite a pu s'engouffrer
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Quel mépris de haute volée pour les députés, y compris ceux du groupe Renaissance qui avaient soutenu cette volonté de faire un véritable pas en avant dans la prise en charge de l'endométriose !
Mêmes mouvements.
La demande était pourtant simple et claire : inscrire l'endométriose sur la liste ALD 30 par la voie d'un décret pris par le Gouvernement, puisqu'il est impossible de faire autrement. On nous a répondu que ce n'était pas possible, que ce serait trop compliqué compte tenu de la diversité des pathologies que la maladie peut entraîner – que je ne nie pas. Puisque passer par l'ALD 31, comme c'est le cas aujourd'hui, ne répond pas aux besoins, je vous le demande, monsieur le ministre : si c'est si compliqué, pourquoi ne pas créer une autre liste, taillée sur mesure pour la santé des femmes ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – Mme Isabelle Valentin s'exclame.
Les arguments technocratiques ne sont pas une réponse pour les femmes qui attendent en souffrant !
J'ai l'impression – et je sais que je suis loin d'être la seule – que le refus d'inscrire l'endométriose sur la liste ALD 30 est une affaire comptable, puisque cette liste représente aujourd'hui la plus grande part des dépenses de la sécurité sociale. Vous cherchez à contenir la dépense publique sur le dos des femmes.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Vous nous répondez que vous avez une stratégie nationale, mais voilà tout ce que l'on n'y trouve pas : des moyens importants pour favoriser la recherche, diminuer les délais d'établissement d'un diagnostic, améliorer la formation des personnels et réduire les inégalités territoriales de prise en charge.
M. Maxime Laisney applaudit.
Si cette proposition de loi du RN n'a aucun sens, qu'est-ce qui vous empêche, monsieur le ministre, d'en mettre en œuvre une autre ?
Les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent. – Les députés des groupes Écolo – NUPES et GDR – NUPES applaudissent également.
En France, l'endométriose touche 2 millions de femmes en âge de procréer, soit une femme sur dix. Comme ma collègue Martinez, j'ai moi aussi été touchée par cette affection pathologique. Qu'est-ce que l'endométriose ? Quelles en sont les conséquences concrètes sur le quotidien de ces femmes atteintes dans leur féminité ? Comment l'appréhende-t-on sur le plan médical ? Autant de questions absentes du débat public, et dont la proposition de loi défendue par nos collègues du Rassemblement national nous donne aujourd'hui l'occasion de nous saisir.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
L'endométriose est une affection gynécologique fréquente et complexe qui perturbe le bien-être physique des femmes. Source de douleurs chroniques et d'infertilité, cette pathologie peut engendrer des conséquences psychologiques parfois lourdes et avoir des répercussions sur la vie intime des femmes. Cela a été dit, chaque cas est différent, chaque histoire aussi. En 2023, dans notre pays, les femmes restent confrontées à un retard de diagnostic quasi systématique de sept ans en moyenne – autant d'années pendant lesquelles l'errance médicale est une source de souffrance supplémentaire. Un diagnostic précoce et des soins adaptés soulageraient grandement toutes ces femmes.
Face à ces constats, Olivier Véran, alors ministre des solidarités et de la santé, annonçait en février 2022 une stratégie nationale de lutte contre la maladie, afin d'améliorer sa détection en amont et sa prise en charge. Cette stratégie prévoyait la création de filières territoriales adossées à des centres de référence pour améliorer la qualité de la prise en charge des femmes, tant sur le plan diagnostique que thérapeutique, l'amélioration de la détection de l'endométriose par les médecins de santé scolaire, mais aussi les médecins libéraux et les radiologues, ou encore une meilleure prise en charge de la douleur. Mais à ce jour, rien de concret n'a émergé sur les territoires : l'accompagnement psychologique des femmes et la reconnaissance du caractère invalidant de cette pathologie demeurent un angle mort de nos politiques de santé publique.
« Exactement ! » sur quelques bancs du groupe RN.
Pourtant, la parole se libère et des femmes témoignent chaque jour du handicap qu'elles vivent. Il existe actuellement deux listes, ALD 30 et ALD 31, qui permettent d'ouvrir des droits aux personnes atteintes de maladie. La première permet une prise en charge à 100 % sans avance de frais et la suppression des jours de carence dès le deuxième arrêt de travail. La seconde, sur laquelle figure l'endométriose, permet aussi d'accéder à ces droits, mais la reconnaissance de ce statut est beaucoup plus difficile à obtenir. Pour pallier ces difficultés, l'article 1er de la proposition de loi propose de reconnaître cette pathologie comme une affection de longue durée exonérante avec une prise en charge totale des soins – une mesure à laquelle nous souscrivons pleinement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
L'article 2, qui prévoit d'accorder le statut de travailleur handicapé, est réputé satisfait, puisque le dispositif existe déjà pour les formes les plus graves de la maladie.
Le premier objectif doit être de freiner la progression et l'aggravation de la maladie, et de soulager les femmes dans leur vie quotidienne, à l'école et au travail. Les Républicains défendent des propositions en ce sens depuis de nombreuses années. En juillet 2020, mes collègues Emmanuelle Anthoine et Stéphane Viry ont ainsi déposé une proposition de loi visant à faire reconnaître la lutte contre l'endométriose « Grande cause nationale 2021 ». En juillet 2023, ma collègue Véronique Louwagie a proposé un texte portant sur un meilleur encadrement législatif de la prévention de l'endométriose.
Si toutes les mesures contenues dans la proposition de loi de nos collègues du Rassemblement national ne paraissent pas opportunes, son adoption enverrait un signal d'espoir.
Les Républicains proposeront des modifications substantielles visant à faciliter l'accès au télétravail, étendre les mesures de sensibilisation au milieu scolaire et faciliter l'absence en cours pour les jeunes filles scolarisées. Nous demandons également qu'un programme sur l'endométriose figure dans le cursus de première année de médecine,…
…ce qui sera certainement beaucoup plus efficace que les webinaires actuels. Enfin, nous souhaiterions qu'une grande campagne de communication soit lancée à l'échelle nationale afin de sensibiliser l'ensemble de la population et du corps médical.
La santé des femmes ne doit pas rester un tabou sociétal. Il y va de notre responsabilité d'adopter les mesures qu'elles attendent. L'intérêt de ce texte, qui vise à faire reconnaître l'endométriose comme une affection de longue durée, est de vous contraindre, monsieur le ministre, à agir concrètement pour les 2 millions de femmes touchées par cette pathologie.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Ainsi, sous réserve des améliorations que nous vous avons proposées, Les Républicains voteront en faveur de ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Monsieur le ministre, la politique politicienne n'a définitivement pas sa place en matière de santé publique.
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes LR et RN.
Il y a bientôt deux ans, le Gouvernement annonçait une stratégie nationale de lutte contre l'endométriose, dont les axes prioritaires étaient la recherche, le diagnostic et la sensibilisation. Aujourd'hui, les associations dressent un bilan plutôt positif de ce plan qui vise à aider les 2 millions de femmes qui survivent face aux saignements, aux kystes, aux inflammations, aux douleurs durant leurs règles et leurs rapports sexuels.
L'endométriose empêche ces femmes de travailler, elle les coupe du monde extérieur, et va parfois jusqu'à les rendre infertiles. Elles nous parlent de « cris du ventre », d'un « mal qui les ronge » : entendons-les. Sur un sujet si sérieux, le Rassemblement national a osé, dans l'article 1er de son texte, nier la singularité de ce que vivent les 2 millions de femmes qui souffrent de cette maladie.
Il veut standardiser là où, au contraire, il faudrait personnaliser. Autant de femmes, autant de formes différentes d'endométriose !
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.
L'article 2, quant à lui, assimile endométriose et handicap pour toutes les femmes : là encore, on stigmatise, on généralise, on ne les écoute pas.
« Ça rame ! » sur quelques bancs du groupe RN.
Je le répète : autant de femmes, autant de formes différentes d'endométriose !
En commission, j'ai fait part de la nécessité de prendre en compte les conséquences de la maladie sur la santé mentale des femmes. Or le Rassemblement national manque ici la première occasion de la rentrée politique de renforcer la stratégie du Gouvernement en matière de santé mentale, dont nous avons pu constater la situation critique à de nombreuses reprises au cours de l'année écoulée, notamment à travers les travaux menés par la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes – j'en profite pour remercier mes collègues Anne-Cécile Violland et Pascale Martin pour leur excellent rapport.
Nous pouvons donc nous interroger sur l'objectif de cette proposition de loi qui n'apporte rien.
Le groupe Démocrate réaffirme son soutien à la stratégie nationale de lutte contre l'endométriose menée par le Gouvernement
« Il n'y en a pas ! » sur plusieurs bancs du groupe RN
et sa volonté de renforcer la prise en compte de la santé mentale des femmes souffrant de cette maladie. Nous voterons donc contre ce texte qui, malheureusement, instrumentalise une pathologie à des fins politiques.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, RE et HOR.
Cette intervention ne fera pas de vous une ministre !
Chers collègues, nous serons ensemble jusqu'à minuit. Gardez un peu de votre belle énergie !
Sourires.
Il y a bientôt deux ans, l'Assemblée nationale adoptait à l'unanimité une proposition de résolution déposée par notre collègue Clémentine Autain et cosignée par nombre d'entre nous, qui visait à demander au Gouvernement de reconnaître l'endométriose comme une affection de longue durée, afin de garantir la justice sociale et une véritable prise en charge à toutes les femmes concernées, qui l'attendent parfois pendant des années.
Or le Gouvernement a choisi de se contenter de mettre en place des groupes de travail, sans qu'aucune mesure concrète soit prise pour reconnaître cette maladie. Après avoir constaté l'inertie du Gouvernement, les 4 millions de femmes qui en souffrent font aujourd'hui face à la récupération politique du Rassemblement national.
« Ah, voilà ! » sur quelques bancs du groupe RN.
Car oui, la proposition de loi si bancale dont nous débattons aujourd'hui n'est qu'un prétexte grotesque pour tenter de masquer ses habituelles positions antiféministes ,
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN
d'ailleurs dénoncées par toutes les associations féministes en 2022 : « En matière de droits des femmes, l'extrême droite a une constante : celle de nous combattre, de nous mépriser et de nous piétiner », disaient-elles alors.
Depuis les propos de votre présidente en 2012, qui déclarait alors que le progrès était de permettre aux femmes de rester à la maison,…
…votre discours envers les femmes, bien loin de toute logique émancipatrice, va toujours dans le même sens. Vous avez d'ailleurs de tout temps compté parmi les principaux opposants à l'avortement : vous avez régulièrement dénoncé les prétendues IVG de confort, et êtes fermement opposés à l'allongement de douze à quatorze semaines du délai légal d'avortement
Exclamations sur les bancs du groupe RN
– je me souviens très bien des débats pour avoir été corapporteure du texte.
Si vous me le permettez, je continuerai de regarder le rapporteur, puisque c'est de sa proposition de loi que nous débattons.
À l'Assemblée nationale comme au Parlement européen, vous vous opposez presque systématiquement aux textes qui promeuvent l'égalité entre les femmes et les hommes, qu'il s'agisse de la parité, de l'égalité salariale ou encore de l'éducation à la vie sexuelle et affective à l'école primaire.
Avec ce texte, vous ne trompez décidément personne. Et vous ne nous tromperez pas non plus par votre prétendue intention d'accorder un statut aux femmes atteintes d'endométriose.
Vous savez pertinemment qu'en l'espèce, seul un décret peut ouvrir des droits. Cessez donc de faire croire le contraire. Seule l'inscription sur la liste ALD 30, qui recense les trente affections de longue durée exonérantes, permet aux femmes atteintes de l'une de ces maladies de bénéficier d'une exonération du ticket modérateur pour chaque acte en lien avec leur traitement et d'une prise en charge à 100 % des dépenses liées à ces soins. Or seul un décret pris par le Gouvernement permettra d'inscrire l'endométriose sur la liste ALD 30 ; ni cette proposition de loi d'affichage opportuniste ni la reconnaissance du statut de travailleur handicapé – qui est stigmatisant – ne le pourront. Une simple instruction ministérielle ne suffira pas non plus, monsieur le ministre, pour accorder à ces femmes une réelle reconnaissance, pas plus que des recommandations de bonnes pratiques. Elles contribueraient certes à ce que la maladie soit mieux reconnue, mais seul un décret, celui que nous réclamons depuis deux ans et que plusieurs millions de femmes attendent depuis plus longtemps encore, permettra une véritable prise en charge. Je ne surprendrai donc personne en indiquant que notre groupe votera contre ce texte d'affichage.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes RE et Écolo – NUPES. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
La journée qui démarre n'est résolument pas une journée pour les Français.
« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe RN.
Ce n'est pas une journée pour améliorer leur quotidien, ni pour avancer concrètement sur de véritables enjeux en faveur de nos compatriotes.
Oh que non ! C'est une journée pensée par le groupe Rassemblement national pour tenter des coups, des petits coups tactiques, pour tenter de retenir l'attention sur des postures présentées comme constructives mais qui, in fine, débouchent sur des textes tellement mal travaillés qu'ils sont totalement inutiles.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
De vrais sujets transformés en textes vides de sens : voilà la magie du Rassemblement national, et voilà ce que nous avons au menu de cette journée qu'il nous a concoctée. C'est dommage car ici, nous discutons de la loi, de l'écriture juridique des choses. Passer du slogan et de la posture à des rédactions utiles, travaillées et réalistes est visiblement un exercice dans lequel les députés du Rassemblement national ont encore de sacrés progrès à faire.
Cette proposition de loi en est l'illustration. L'endométriose – une maladie complexe – et la douleur des femmes qui en souffrent sont une vraie cause, mais la réponse proposée rate totalement sa cible. La tentative de mystification est double. Tout d'abord, le Rassemblement national serait devenu, comme par enchantement, le défenseur de la cause des femmes.
« Oui ! » sur les bancs du groupe RN.
Mais si tel était le cas et si vous aviez écouté ce que disent et défendent les associations de patientes atteintes d'endométriose, vous n'auriez pas osé nous présenter une telle proposition de loi !
Mme Agnès Carel applaudit.
Les nouveaux convertis compensent toujours la fraîcheur de leur conviction par la fermeté de leur expression.
Cela ne dupe pourtant personne. Je vous ai écouté avec attention, monsieur le rapporteur. Vous martelez bien votre attachement à la défense de la cause des femmes mais, quand bien même je vous en donnerais crédit à titre personnel, vous dissimulez mal l'opportunisme des convictions de votre famille politique.
N'êtes-vous pas le parti qui a refusé d'allonger à quatorze semaines le délai pour avorter en France ?
N'êtes-vous pas le parti qui a refusé d'inscrire le droit élémentaire à l'avortement dans la Constitution ?
« C'est faux ! » sur les bancs du groupe RN.
N'êtes-vous pas le parti dont les eurodéputés se sont abstenus sur la résolution visant à condamner fermement l'interdiction quasi totale de l'avortement en Pologne ?
N'êtes-vous pas le parti qui a refusé de voter la résolution visant à reconnaître l'endométriose comme une affection de longue durée en 2022 ? N'êtes-vous pas, enfin, le parti qui a refusé de voter la loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes en 2018 ? Dois-je continuer de rappeler vos brillants faits d'armes, votre brillante contribution à la cause des femmes ?
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE et Dem.
La seconde mystification concerne la rédaction elle-même du texte que vous soumettez à la discussion. Premièrement, les textes actuels permettent déjà de reconnaître la qualité de travailleur handicapé aux personnes atteintes d'endométriose et qui en ont besoin, comme vous l'a dit le ministre.
Deuxièmement, les endométrioses relèvent d'ores et déjà de la définition de l'affection longue durée 31 – l'ALD hors liste –, car la maladie ne prend pas une forme unique. En outre, dans l'exposé des motifs, vous évoquez, monsieur le rapporteur, quatre stades de maladie, alors que cette définition n'existe plus au sein du corps médical.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Voilà l'illustration, s'il en fallait à nouveau, de votre méconnaissance totale du sujet et de votre peu d'intérêt sur le fond pour cette cause, comme je l'ai dit en commission. Toutefois, en persistant à étaler votre ignorance, vous montrez surtout que même lorsque nous essayons d'être constructifs avec vous, cela ne vous intéresse pas. Seule la gesticulation vous intéresse, voilà la triste vérité. Aucune des dispositions que vous proposez n'apporte de nouveauté. Voilà un texte réfléchi et rédigé à la va-vite, vide de sens et sans utilité.
Mmes Véronique Riotton et Anne Genetet applaudissent.
Pourtant, l'endométriose a trop longtemps été ignorée du grand public, puisqu'elle touche à l'aspect le plus intime de la vie d'une femme, à savoir sa santé gynécologique. Pour 2 millions de femmes qui en sont atteintes,…
…l'endométriose est une douleur importante qui, pendant les règles et au-delà, peut clouer au lit, empêcher de dormir, de faire du sport, de se rendre à des rendez-vous professionnels, mais aussi obliger à renoncer à des projets parentaux. En moyenne, l'endométriose est repérée après sept années d'errance médicale – sept années pendant lesquelles la maladie évolue, s'installant souvent de manière irréversible dans le corps des femmes. C'est beaucoup trop, et le Gouvernement n'a heureusement pas attendu cette triste journée pour agir. Grâce à l'engagement du Président de la République, avec la stratégie nationale de lutte contre l'endométriose de février 2022, la France est l'un des premiers pays à faire de l'endométriose un véritable sujet de santé publique.
Beaucoup reste cependant à faire, comme l'a rappelé le ministre. Les principales associations de patientes souhaitent désormais que le diagnostic soit facilité – elles vous l'auraient dit si vous les aviez écoutées –, que le parcours de soins soit adapté – elles vous l'auraient dit si vous les aviez écoutées – et que les acteurs de la santé soient mieux formés et la maladie mieux connue.
Face à ce texte totalement hors sujet, le groupe Horizons, généralement constructif ,
Rires et exclamations sur les bancs du groupe RN
ne votera pas ces dispositions telles qu'elles sont présentées. Zéro pour la copie !
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et Dem et sur plusieurs bancs du groupe RE.
La question de l'endométriose dit beaucoup du rapport de nos sociétés aux femmes. Il s'agit d'une maladie inflammatoire chronique qui se caractérise par le développement de la muqueuse utérine en dehors de l'utérus et qui conduit à des douleurs terribles pour les personnes qui en sont atteintes : troubles digestifs et urinaires, fatigue invalidante, règles douloureuses, et ainsi de suite. C'est une maladie ancienne : dans l'Antiquité déjà, des personnes se plaignaient de symptômes similaires et peut-être est-elle même à l'origine de ce que l'on a appelé « hystérie ».
Comme souvent quand il s'agit de la santé des femmes, nous avons du retard. Il aura donc fallu attendre des siècles pour que soit prise au sérieux la question des douleurs des femmes – elles qui sont constamment accusées de chipoter, de simuler ou d'exagérer. Mais le chemin est encore long, très long. Savez-vous comment l'endométriose est le plus souvent diagnostiquée ? Pas parce que des femmes se plaignent de douleurs récurrentes lors des rapports sexuels ou des menstruations, mais parce que l'endométriose est l'une des premières causes d'infertilité. En attendant de faire des enfants, bien des femmes ne se voient prescrire que des antalgiques ou s'entendent dire qu'un traitement ne leur sera proposé que lorsqu'elles voudront enfanter et que d'ici là, elles peuvent prendre des traitements hormonaux pour endormir les symptômes.
L'endométriose symbolise à elle seule le rapport de notre société aux femmes : on nous voit toujours à travers le prisme de notre capacité à procréer et non pas de notre capacité à jouir de notre propre corps.
Hier, je suis arrivée à une réunion de la commission des finances au moment même où un député RN tempêtait contre le fait que les femmes ne font plus d'enfants. Durant tout le débat sur les retraites, la quasi-totalité des prises de parole de ce groupe a porté sur le devoir d'enfanter des femmes. En 2012, Marine Le Pen avait dénoncé la multiplication des « avortements de confort » et prôné le déremboursement de l'IVG. Vous parlez en continu de démographie. La réalité, c'est que votre obsession n'est pas la santé des femmes,…
…mais leur capacité à procréer, pour contrer votre peur irrationnelle de ce que vous appelez le « grand remplacement ».
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Si le RN cherchait vraiment l'émancipation des femmes, il n'aurait pas été opposé à l'allongement des délais légaux de recours à l'interruption volontaire de grossesse, il lutterait activement contre les violences faites aux femmes et il ne perdrait pas son temps en fausses paniques morales sur l'écriture inclusive. Il ne soutiendrait pas des régimes ouvertement réactionnaires sur la place et le droit des femmes ,
« Comme le Hamas ? » sur les bancs du groupe RN
mais aussi des personnes LGBTQIA+.
Cette proposition de loi est un coup politique sur le dos des femmes. Nous, féministes, nous savons que jamais, jamais nous ne pourrons compter sur vous pour défendre nos droits. Votre seule préoccupation est un agenda politique rance.
Je m'adresse maintenant aux collègues de la majorité : quand réagirez-vous ? Quand mobiliserez-vous réellement tous les moyens à votre disposition pour lutter contre la montée de l'extrême droite ? Avant-hier, certains d'entre vous ont applaudi la prise de parole du Rassemblement national…
Or vous savez qu'un député de leurs bancs a ouvert une librairie négationniste.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Quand Le Pen père a parlé de « détail de l'histoire » au sujet des chambres à gaz, vous les avez laissés dérouler. Voici que vous nous servez de grands mots – la « grande cause », et ainsi de suite. Où est la grande cause ? Où est la grande cause ?
Une résolution a été votée ici grâce à Clémentine Autain. Il suffisait d'un décret, d'un simple décret pour que le Rassemblement national ne présente pas cette proposition de loi. Où est-il, le décret ?
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES.
Ces gens adoptent la stratégie du coucou. Ils prennent nos combats, ils prennent nos luttes, ils prennent nos mots, ils prennent nos auteurs et ils prennent nos autrices, comme Simone de Beauvoir.
Exclamations les bancs du groupe RN.
Le groupe Écologiste s'opposera à cette proposition de loi et s'opposera toujours aux tentatives de récupération de l'utérus des femmes pour autre chose que notre liberté de disposer de notre corps ! Nos corps, nos choix ! Nos corps, nos luttes !
Plusieurs députés des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES et GDR – NUPES se lèvent et applaudissent. – Exclamations sur les bancs des groupes RN et RE.
La douleur des femmes a toujours été euphémisée ou passée sous silence, voire caricaturée. Le corps des hommes a longtemps été la mesure de toutes choses ; pas celui des femmes, forcément « douillettes » sinon « hystériques ».
Aussi, il n'est pas étonnant que l'endométriose, cette maladie qui ne touche que les femmes et qui a été identifiée il y a déjà 170 ans, ait tant tardé à faire l'objet d'une prise de conscience collective. Ce sont pourtant des millions de femmes – probablement entre 2 et 3 millions en France – qui sont affectées par cette maladie chronique et toujours incurable, source de souffrances et de symptômes très pénalisants. Cette affection empoisonne la vie quotidienne, mais pèse également sur la vie professionnelle, car elle provoque bien souvent des difficultés à supporter la station debout, des problèmes de concentration liés à la douleur et une fatigue chronique – autant de symptômes qui rendent le travail difficile et qui peuvent logiquement entraîner des absences fréquentes. Ainsi, près de la moitié des femmes atteintes d'endométriose considèrent que leur maladie a des conséquences sur le déroulement de leur carrière.
Or, malgré ce constat alarmant, seules 0,5 % des femmes atteintes, soit 14 000 patientes, bénéficient de la reconnaissance de la pathologie comme affection de longue durée. L'annonce par Emmanuel Macron d'une stratégie nationale sur l'endométriose, notamment sur la recherche, a constitué un premier pas. Cependant, la véritable avancée a été l'adoption ici même, à l'unanimité, de la résolution défendue en janvier 2022 par notre collègue Clémentine Autain, qui demandait au Gouvernement la reconnaissance de l'endométriose sur la liste ALD 30, afin d'assurer l'égalité de toutes les femmes quant aux conditions de remboursement de leurs soins, quelle que soit l'agence régionale de santé dont elles dépendent.
On peut regretter que le Gouvernement n'ait pas profité de cette unanimité pour transformer l'essai et qu'il n'ait pas concrétisé cette mesure, qui est pourtant au cœur des revendications des associations en inscrivant l'endométriose sur la liste ALD 30 afin que les patientes bénéficient automatiquement d'une prise en charge complète par la sécurité sociale. Le Gouvernement leur a fait perdre du temps et de l'espoir.
Il a aussi offert au Rassemblement national une occasion de s'acheter une conduite.
Il faut le dire ici et en cet instant, la liste des combats que le Rassemblement national a menés contre les droits des femmes est très longue : contre l'avortement – cela a été dit –, contre la PMA, pour le déremboursement de l'IVG réputée de confort, ou encore pour la suppression du ministère chargé de l'égalité hommes-femmes, qu'il a proposée. Nous reconnaissons volontiers que cela peut constituer un fardeau encombrant et nous comprenons qu'il veuille le dissimuler. C'est le seul objet de cette proposition de loi opportuniste. L'article 1er est en effet sans objet, l'ajout d'une affection à la liste des ALD relevant d'un décret. Quant à l'article 2, il ne répond aucunement aux demandes formulées par les associations. Il est même une source de stigmatisation, loin des attentes des femmes qui sont atteintes d'endométriose.
La proposition qui nous est faite aujourd'hui singe les apparences d'une loi de progrès pour les femmes. Elle n'est en réalité porteuse d'aucune avancée. Des pistes existaient pourtant, qui auraient permis des progrès immédiats. Elles auraient pu inspirer les rédacteurs. Je pense par exemple à la mesure exemplaire décidée par la mairie de Saint-Ouen, notamment par son premier édile Karim Bouamrane, qui permet désormais aux employées municipales souffrant de règles douloureuses ou d'endométriose de prendre un congé menstruel. Mais les avancées concrètes ne sont pas l'objet de la présente proposition de loi. C'est pourquoi les députés du groupe GDR ne prendront pas part au vote, mais profiteront de cette occasion pour rappeler au Gouvernement sa responsabilité : celle de prendre un décret sans tarder.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES.
L'endométriose, une maladie qui concerne tant de femmes, une maladie aux contours parfois flous et aux conséquences multiples, doit être l'objet de toute notre attention. Nous souhaitons évidemment apporter aux personnes atteintes le soutien et la solidarité qui s'imposent. Les pistes d'améliorations sont nombreuses. Nous devons d'abord faire porter nos efforts sur la recherche, afin de donner aux femmes atteintes d'endométriose l'assurance d'un diagnostic précoce, qui débouche sur des traitements adaptés et efficaces. Peut-être même faut-il aller jusqu'à la systématisation d'un diagnostic gratuit.
Mais cela ne suffira pas sans un véritable effort porté sur la formation des professionnels, sur l'accompagnement et sur le parcours de soins. C'est en effet la priorité exprimée par les patientes. En renforçant la connaissance et la reconnaissance de la maladie par les soignants, on améliore les soins et l'accompagnement spécifique face aux problématiques liées à l'endométriose. Il est évident qu'une meilleure prise en charge passe par l'exonération des frais de santé, quand c'est possible et nécessaire, et par la reconnaissance des difficultés d'accès ou de maintien dans l'emploi que cette maladie peut parfois entraîner.
Nous devons agir plus et concrètement sur tous ces points. Mais ce n'est pas ce que ce texte propose aujourd'hui. De fait, l'article 1er suggère de faire de cette maladie un cas particulier en créant une exonération spécifique et totale, en dehors de tous les dispositifs existants. Mais sur quels critères, et pourquoi uniquement pour cette pathologie ? Pourquoi pas pour l'arthrose, pour l'hypertension, ou pour d'autres affections ?
On peut regretter que la proposition de résolution de la députée Autain, votée ici, n'ait pas été traduite dans les faits par le Gouvernement. On peut regretter que celui-ci n'ait pas encore saisi la Haute Autorité de santé pour que soit définie une forme sévère de cette maladie et qu'elle puisse être inscrite à l'ALD 30 par décret. Enfin, on peut regretter que le Gouvernement ait attendu le 27 septembre dernier pour diffuser une circulaire visant à préciser ou à faciliter l'application de la stratégie nationale annoncée le 11 janvier 2022. Mais il existe de très nombreuses formes de cette maladie, de la plus invalidante à la forme asymptomatique : leurs conséquences peuvent être diverses, ce qui rend cette proposition irréaliste.
Vous entendez ensuite, avec l'article 2, permettre aux femmes atteintes d'endométriose de bénéficier d'une RQTH systématique. Pourquoi vouloir établir un lien systématique entre une pathologie et une RQTH ? Cela remettrait en cause le principe même de la distinction entre maladie et handicap et, encore une fois, cela ne tiendrait pas compte de la grande diversité des formes de cette maladie. Êtes-vous certains que les plus de 2 millions de femmes atteintes d'endométriose veulent toutes se voir attribuer le statut de travailleur handicapé ?
Je ne le crois pas. Enfin, ce texte n'aborde pas la question des effets psychologiques de l'endométriose et de ses conséquences sur la santé mentale. C'est une préoccupation forte, passée sous silence.
À nos yeux, cette proposition de loi méconnaît la réalité de l'endométriose, et nous regrettons qu'un sujet soulevant une attente si forte chez les patientes fasse l'objet d'une forme d'instrumentalisation. Oui, trop de femmes sont aujourd'hui porteuses de cette maladie sans être diagnostiquées. Oui, nous devons agir concrètement pour permettre aux femmes atteintes d'endométriose d'être mieux et plus rapidement diagnostiquées, afin d'être prises en charge et soignées – et c'est au Gouvernement de prendre ses responsabilités. Monsieur le ministre, c'est à vous d'agir maintenant. Pour toutes ces raisons, le groupe LIOT ne votera pas cette proposition de loi.
Mme Martine Froger applaudit.
Nous sommes ici pour examiner une proposition de loi mais, plus qu'un texte, c'est ce que l'on appelle une manipulation que nous allons examiner : une manipulation basse, politicienne, qui instrumentalise la détresse et la souffrance de millions de femmes.
Si encore le fond du texte était de bon sens, on aurait pu dire que vous essayez de rattraper le programme de Mme Le Pen qui n'a jamais pu, jamais su, s'adresser aux femmes de ce pays.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.
On aurait préféré voir ses auteurs voter la proposition de loi visant à renforcer le droit à l'avortement, soutenir la PMA pour toutes, ou même voter la résolution visant à reconnaître l'endométriose comme une affection de longue durée. Mais non, le RN ne peut arriver à cacher le fond de sa pensée ; nous avons d'ailleurs entendu encore très récemment, dans cet hémicycle, que les femmes devraient rester au foyer…
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Ma mère est restée au foyer pour élever ses enfants et ça s'est très bien passé. Elle a très bien éduqué son fils, d'ailleurs.
Vous en conviendrez, je crois, toutes et tous : les positions de vote dans cette assemblée comme au Parlement européen sont bien plus éloquentes que n'importe quelle discussion générale. Quand on dit vouloir promouvoir la santé des femmes, mesdames et messieurs, la première chose à faire c'est de les écouter, elles et les associations qui les accompagnent.
Or cette proposition de loi n'est bonne ni sur le fond ni sur la forme. Puisqu'il est inutile, ce texte aurait au moins pu être inoffensif. Or il ne l'est pas ! Sur la forme, tout le monde a pu voir que cette proposition de loi est mal préparée, ayant été privée de l'apport majeur des associations qui travaillent sur le sujet – ce qui montre qu'il y a bien davantage une volonté d'instrumentalisation qu'une volonté d'agir concrètement pour les femmes.
Sur le fond, la liste des approximations, erreurs et autres malhonnêtetés est longue. Je n'en citerai que quelques exemples – des pépites ! Vous parlez des stades 1, 2, 3, 4 et 5 de l'endométriose.
Or il n'en existe que quatre ! Vous dites ensuite que l'endométriose ne concerne que les femmes en mesure de procréer. Or elle peut aussi survenir avant la puberté et durant la ménopause. Enfin, vous évoquez un chemin vers la guérison. Laissez-moi vous rappeler qu'il n'existe aujourd'hui aucun traitement qui permette de guérir de cette maladie.
C'est bien ça le problème ! Et ce n'est pas avec un webinaire que cela va s'arranger !
En réalité, vous faites des raccourcis. À l'article 1er , vous associez systématiquement la maladie à l'ALD 30 ; or toutes les endométrioses ne nécessitent pas un parcours de soins. Il est en outre déjà possible de bénéficier d'une reconnaissance en ALD sous un format plus protecteur, celui de l'ALD 31.
En 2022, ce sont 13 472 femmes atteintes d'endométriose qui en bénéficient. L'ALD 31 permet un remboursement à 100 % et la limitation des jours de carence en cas d'arrêts de travail consécutifs, au même titre que l'ALD 30. Elle n'est de surcroît pas conditionnée, elle, à des critères médicaux restrictifs. Elle permet donc une prise en charge plus large des symptômes de la maladie. Or c'est cela, l'enjeu. Elle apporte une réponse aux formes diverses de la maladie, ce que ne permettrait pas une liste restrictive adossée à l'ALD 30 : cette dernière exclurait, de fait, un bon nombre de femmes de la prise en charge.
« Voilà ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Je m'adresse à vous, monsieur le rapporteur : lors des auditions que vous avez menées, certaines associations ont confirmé, tout comme la Haute Autorité de santé, la difficulté à classifier l'endométriose en ALD 30.
L'article 2, tout aussi contre-productif, opère lui aussi un raccourci. Il prétend permettre aux femmes souffrant d'endométriose de bénéficier de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé. Or cette possibilité existe déjà, monsieur le rapporteur, et une lecture plus attentive du rapport de la délégation sénatoriale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes vous aurait éclairé sur le fait que peu de femmes y recourent, par crainte d'être stigmatisées et non en raison d'un vide juridique ! Alors arrêtez de faire des raccourcis entre maladie et RQTH, et arrêtez de considérer les femmes atteintes d'endométriose comme des victimes : elles ne sont pas victimes, elles sont malades !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Cette proposition de loi témoigne autant du manque d'intérêt et de la méconnaissance du RN s'agissant de la santé des femmes que s'agissant de l'écoute des associations. Celles-ci veulent un diagnostic plus précoce, un parcours de soins adapté et une amélioration des soins. À ce sujet, la majorité ne vous a pas attendus : elle a agi dès 2019, avec un plan d'action présenté par Agnès Buzyn…
…renforcé depuis par la stratégie nationale annoncée en 2022, que nous mettons en œuvre. Dans ce cadre, ce sont 30 millions d'euros qui sont alloués à la recherche, tandis que des filières médicales dédiées à l'endométriose sont mises en place sur l'ensemble du territoire, permettant une prise en charge pluridisciplinaire. La formation des professionnels de santé à ce sujet, enfin, a été approfondie.
Finalement, que voyons-nous ?
On voit que le RN fait avec la santé des femmes ce qu'il fait sur tous les sujets : du superficiel, de l'éphémère et de la démagogie.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.
Quand on gratte, on découvre qu'il n'y a ni travail, ni empathie, juste un profond désintérêt pour la France et les Français.
Ni la santé des femmes ni l'endométriose ne seront votre caution féministe !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. Philippe Berta applaudit également.
« J'ai pour principe politique de refuser toutes les lois qui viennent du RN. » Ces propos, ce sont ceux de Mme la ministre Bérangère Couillard. Je vous le dis, ils me choquent. Ils me choquent d'autant plus que nous examinons un texte relatif à l'endométriose, une pathologie qui touche, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), près de 10 % des femmes et des filles en âge de procréer à l'échelle mondiale, soit 190 millions de personnes. Cela représente, même s'il est encore difficile de les dénombrer avec précision, entre 2 et 4 millions de femmes en France.
Mme la ministre Couillard nous a même dit être totalement favorable à un décret qui pourrait contrer la démarche du Rassemblement national. Elle serait ainsi prête, pour le contrer, à faire… son travail ! On croit rêver. Quelle ironie ! Et surtout, quelle irresponsabilité ! Est-il vraiment l'heure, face à cette maladie chronique que nous n'arrivons malheureusement pas à soigner, de faire de la politique politicienne, de faire de la tambouille sur le dos des femmes qui souffrent ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN et sur plusieurs bancs du groupe LR.
Je ne le crois pas !
Il est grand temps au contraire de prendre cette question à bras-le-corps, parce que les millions de Françaises qui voient chaque jour leur vie empoisonnée par l'endométriose doivent enfin être prises en considération. Parce que cette maladie chronique est associée à des douleurs aiguës et perturbantes au moment des règles, ou pendant les rapports sexuels, et parce qu'elle peut également provoquer une infertilité. Parce qu'il n'existe pas de remède contre l'endométriose, les traitements actuels ne visant qu'à en soulager les symptômes. Parce que le diagnostic est toujours complexe et qu'il ne peut être précoce, par manque de prévention. Parce que la majorité des professionnels de santé ne savent pas toujours que des douleurs pelviennes pénibles et perturbantes ne sont pas normales, si bien que les femmes qui pourraient bénéficier de traitements médicamenteux contre les symptômes de l'endométriose ne s'en voient pas forcément prescrire, ce qui retarde l'accès aux traitements existants comme les analgésiques non stéroïdiens – les antidouleurs – ou bien les contraceptifs oraux ou progestatifs. Enfin, parce que les professionnels de santé manquent encore d'outils pour repérer avec précision les personnes les plus susceptibles d'être atteintes d'endométriose.
Oui, c'est vrai, le ministre des solidarités et de la santé de l'époque, Olivier Véran, avait bien lancé en mars 2021 des travaux d'élaboration d'une première stratégie nationale contre l'endométriose. Oui, c'est encore vrai, un rapport sur l'endométriose a bien été remis au même ministre Véran en janvier 2022, avançant des propositions pour lutter contre cette maladie gynécologique. Oui – et personne ne le nie –, une résolution visant à faire de l'endométriose une affection de longue durée, portée par la députée insoumise Clémentine Autain, a déjà été adoptée en janvier 2022, à l'unanimité, à l'Assemblée nationale.
Oui, tout le monde a posé sa pierre, et tant mieux, – même si, avouez-le, les résultats concrets se font attendre.
La proposition de loi que nous examinons vise à soutenir les femmes qui souffrent de cette maladie ; elle prévoit notamment l'exonération des frais de sécurité sociale, la caractérisation en affection de longue durée et la reconnaissance, sur la base du volontariat, du statut de travailleuse handicapée. Comment refuser toutes ces avancées aux femmes concernées, au prétexte que le texte provient du Rassemblement national ? C'est tout simplement minable, et même déshonorant !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe LR.
La cause que nous défendons vaut mieux que cela. Je n'ai qu'une chose à ajouter : que chacun prenne ses responsabilités !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Partant du principe que tout ce qui est excessif est insignifiant, je considère que les amalgames et les mensonges que certains viennent de proférer ne méritent pas de réponse.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Aux autres collègues, qui n'ont peut-être pas compris mais qui ont la volonté de mener un travail sinon collectif, du moins favorable aux femmes, et qui aimeraient croire que cette proposition loi ne changera rien – ou que l'ALD 30 offre déjà une prise en charge suffisante –, je répondrai ceci : abandonnez vos postures, lisez, travaillez. Lisez la proposition de loi : une prise en charge à 100 % est évidemment prévue par l'article 1er , non seulement pour les soins, mais aussi pour l'accompagnement. Cette disposition n'offre pas une couverture plus faible que l'ALD existante : elle permet de rembourser à 100 % les frais de médecine générale et spéciale, les frais pharmaceutiques ainsi que les frais d'hospitalisation, de transport et de télésurveillance médicale, sans oublier le forfait patient urgences.
Monsieur le ministre, vous affirmez que la loi n'est pas le bon véhicule, mais qu'a fait le Gouvernement pour accélérer la reconnaissance totale de l'endométriose ? Je n'aurai pas la cruauté de dire qu'il n'a rien fait, car je vous crois animé de bonne volonté. Si, comme on nous le répète à l'envi, la voie réglementaire est la plus efficace, si un décret permet de nous couper l'herbe sous le pied, madame Autain, pourquoi celui-ci n'est-il pas déjà rédigé, afin d'offrir une réponse aussi satisfaisante que notre proposition de loi ? Le travail est fait – en l'occurrence, il a été fait par le Rassemblement national.
Mêmes mouvements.
Dois-je rappeler que seules 0,6 % des femmes souffrant d'endométriose sont prises en charge en ALD 31, et que le reste à charge équivaut en moyenne à 150 euros, ce qui est énorme pour une personne payée au Smic ?
Vous connaissez, pour certains, mon caractère assez rond.
Mme Elsa Faucillon s'exclame.
Cela vient avec l'âge ! Je constate, chez d'autres, un sectarisme assez profond. Je vous invite à travailler et à discuter notre texte ; certains députés Républicains l'ont d'ailleurs amendé, comme Mme Valentin. Lisez le texte – je parle pour Mme Riotton. Votez mon amendement rédactionnel, plutôt que de déposer des amendements qui frisent le ridicule. Vous savez pourtant que je vous apprécie, madame Riotton ; je suis l'un des membres les plus assidus de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, que vous présidez. Au travail, chers collègues ! Des femmes qui souffrent nous regardent. Sommes-nous obligés, par des déclarations malheureuses, de nous écharper sur le dos des femmes qui souffrent ? Au travail !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
J'accepte assez facilement de recevoir des leçons, car cela peut toujours faire progresser ; en revanche, je suis moins friand des procès d'intention. Je l'affirme : nous n'entendons pas faire des économies sur le dos des femmes.
Je ne saurais accepter que certains le sous-entendent ou le disent explicitement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Je le répète, à la suite du premier retour de l'Inserm, nous avons augmenté de 10 millions d'euros la dotation destinée à conduire des recherches sur l'endométriose et sur l'infertilité, pour la porter à 30 millions. Si nous voulions faire des économies sur le dos des femmes, nous aurions probablement maintenu le montant initial !
J'ai par ailleurs indiqué aux agences régionales de santé que pour structurer les filières de prise en charge de l'endométriose, qui ne sont pas exclusivement médicales, elles pourront recourir à tous les moyens dont elles ont besoin. Il n'y a donc pas de limitation financière.
J'en viens à un point que de nombreux députés de la NUPES ont évoqué. Si les médecins qui suivent les patients en ALD, si les milliers de salariés de l'assurance maladie qui ont leur mission chevillée au corps, si les professionnels de santé et les associations considéraient que l'ALD 30 pouvait régler du jour au lendemain le problème de l'endométriose, je n'hésiterais pas un instant à signer un décret en ce sens.
Cela nous renvoie à un vieux débat entre droits réels et droits formels. Mon objectif, c'est l'accès aux droits réels : en l'occurrence, l'accès des femmes à la prise en charge de l'endométriose.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Notre travail prioritaire est de faire connaître cette maladie aux femmes, mais aussi aux professionnels de santé. J'entends rire chaque fois qu'il est question de webinaire. Je ne sacralise pas cet outil, mais si l'un d'entre vous pense qu'une formation de quelques semaines au début des études de médecine permet, quarante ans plus tard, d'être toujours au point sur toutes les maladies que l'on découvre, ils se trompent.
Mêmes mouvements.
Si le Gouvernement et moi-même avions une quelconque hésitation, croyez-vous que ce serait grâce à des fonds publics, dans le cadre de France 2030, qu'une start-up française a développé un test salivaire qui permet de dépister l'endométriose, et qui est en cours d'évaluation par la Haute Autorité de santé ? Mon objectif, c'est que les femmes touchées par l'endométriose puissent intégrer des parcours de soins. Mon objectif, c'est que tous les professionnels de santé – au-delà des seuls médecins – sachant repérer et dépister cette maladie.
Mêmes mouvements.
Vous nous accusez de faire de la politique politicienne, madame Valentin.
Je vous invite à aller voir ce qu'est une filière de prise en charge de l'endométriose, en Bretagne ou en Île-de-France : tous les professionnels de santé se réunissent autour de la table et organisent le suivi des femmes. Mon objectif, c'est que ces expériences réussies, qui découlent directement de la stratégie, se généralisent dans quelques mois dans l'ensemble du territoire.
Je refuse qu'on nous accuse de faire de la gesticulation.
Ce que je viens de décrire, ce sont des actes concrets. Il y a une différence entre vous et moi : vous pensez que faire voter votre texte suffira à changer la vie des gens ; pour ma part, je pense que c'est quand un médecin prend en charge l'endométriose qu'on fait bouger la vie des femmes.
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe RE.
J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte dont l'Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n'a pas adopté de texte.
Merci d'avoir annoncé, monsieur le ministre, qu'il n'y aurait pas de décret : cela éclaire le débat. Nous vous avons vu ramer laborieusement pour justifier votre sectarisme – ce fut long, trop long, et cela n'avait pas l'air simple. Je me réjouis qu'ait surgi dans l'hémicycle l'idée selon laquelle vous ne vouliez pas classer l'endométriose en ALD exonérante pour ne pas mettre la main à la poche, sacrifiant ainsi la cause des femmes, qui deviennent honteusement la variable d'ajustement des politiques publiques.
La proposition de loi de M. Taché de la Pagerie fait l'unanimité des associations que nous avons auditionnées.
Je tiens à rappeler que sous la législature précédente, les députés du Rassemblement national ont voté la proposition de résolution de Clémentine Autain visant à reconnaître l'endométriose comme une affection de longue durée. Nous faisons donc preuve d'une parfaite cohérence – cohérence qui ne vous étouffe pas, députés de la majorité. Vous arborez un ruban rose, comme nous tous, de façon transpartisane, et je ne doute pas que si un ruban était consacré à la lutte contre l'endométriose, nous le porterions tous dans l'hémicycle, preuve de l'universalité de ce combat. Mais puisque vous agissez comme une secte, vous n'êtes pas capables de voter 1 % d'un texte qui provient d'une autre famille politique que la vôtre : franchement, c'est la honte !
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Quant à nos collègues d'en face, qui osent parler du droit des femmes à la tribune alors qu'ils siègent dans un groupe dont beaucoup de députés refusent de condamner les terroristes du Hamas, je veux leur dire : vous êtes la honte de la République !
Mêmes mouvements.
À tous ceux qui ne voteront pas cet article par opportunisme politique, je veux dire : votre sectarisme n'honore ni la République, ni la démocratie, ni la cause des femmes ; vous ajoutez de la douleur à la douleur.
Mêmes mouvements.
Le Rassemblement national est une arnaque : vous êtes les pires adversaires des droits des femmes.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Cyrielle Chatelain applaudit également.
Il est intéressant de rappeler qu'en janvier 2022, quand le groupe La France insoumise – NUPES a fait adopter à l'unanimité la résolution de Clémentine Autain sur l'endométriose, vous n'étiez pas là, madame Le Pen, vous étiez aux abonnés absents.
Mme Laure Lavalette s'exclame.
Quant aux associations, vous mentez, madame Lavalette : elles ont refusé d'être auditionnées par votre groupe. Elles demandent surtout que M. le ministre prenne acte du vote de l'Assemblée et publie enfin un décret pour répondre aux attentes de 2 millions de femmes qui souffrent de cette pathologie.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous êtes les pires adversaires des droits des femmes. C'est vous, madame Le Pen, qui affirmiez en 2012 : « Le progrès pour les femmes, c'est de rester à la maison. »
Mme Laure Lavalette s'exclame.
Ce sont les eurodéputés de votre groupe qui ont voté contre la réduction des écarts de salaire entre les femmes et les hommes. C'est vous qui, dans votre programme, proposez de supprimer le ministère de l'égalité entre les femmes et les hommes, et qui souhaitez voir les femmes procréer davantage.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Parlons de vos amis, dont vous ne vous cachez pas, et de ce qu'ils sont en train d'accomplir partout en Europe.
Vous dites prendre pour modèle la Hongrie, qui oblige les femmes à écouter le cœur du fœtus avant de pouvoir avorter.
Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vos amis, en Pologne, sont responsables de la mort de six femmes, dont Izabela, victime d'une septicémie parce qu'on lui a interdit d'avorter alors que sa grossesse mettait sa santé en danger.
C'est vous, madame Lavalette, qui, en 2014, avez appelé à abroger à terme la loi sur l'avortement. C'est Hervé de Lépinau, dans votre groupe, qui compare l'IVG aux génocides arménien et rwandais, à la Shoah et aux crimes de Daech.
« Non ! sur plusieurs bancs du groupe RN.
Sur cette question, c'est vous qui êtes la honte !
Aujourd'hui, comme un symbole, nous accueillons Justyna Wydrzynska, militante polonaise condamnée pour aide à l'avortement ; nous sommes fiers de la recevoir à l'Assemblée en cette journée.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Soyez à la hauteur de l'histoire, monsieur le ministre : prenez un décret pour les femmes atteintes d'endométriose ; inscrivez l'IVG dans la Constitution pour rappeler à tout le monde que le corps des femmes…
M. le président coupe le micro de l'oratrice. – Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES, dont certains députés se lèvent.
Je serai brève pour répondre à Mme Panot qui a longuement évoqué mes amis. Vos amis à vous, madame Panot, ils jettent le corps des femmes à l'arrière de pick-up ; ils crachent sur elles après les avoir violées et les avoir démembrées. D'accord ?
Les députés du groupe RN se lèvent et applaudissent.
Vous n'avez pas la parole, madame Panot ; vous ne pouvez pas prendre à partie vos collègues à travers l'hémicycle.
Oui, monsieur le rapporteur, l'endométriose touche beaucoup de femmes, jeunes pour nombre d'entre elles, qui s'inquiètent à l'idée que leurs souffrances puissent perdurer toute leur vie. Oui, monsieur le ministre, la santé des femmes et leur liberté de disposer de leur corps sont des sujets majeurs. La stratégie nationale de lutte contre l'endométriose répond aux problématiques qui se posent. Ce sont les professionnels qui nous le disent.
J'ai lancé un débat à Lille avec des médecins, des gynécologues et des associations de malades : tous reconnaissent qu'une meilleure prise en charge, comprenant un diagnostic précoce, le soulagement de la douleur et le fait de permettre la maternité et l'exercice d'une activité professionnelle dans des conditions normales, doit constituer l'objectif de la première stratégie de lutte contre l'endométriose.
Ne trompez pas les Français sur ce qu'est votre proposition de loi, monsieur le rapporteur. Non, l'article 1er ne crée pas un statut d'ALD : une exonération de ticket modérateur, ce n'est pas une reconnaissance d'ALD. Non, ces femmes ne se trouvent pas sans solution : elles sont prises en charge en ALD 31. Certes, cette reconnaissance est encore insuffisante dans certains territoires, mais elle leur permet d'être intégralement remboursées ; et, si elles le souhaitent – j'insiste sur ce point –, d'être reconnues travailleuses handicapées. En 2021, 7 000 femmes ont été prises en charge en ALD 31, en 2022 elles ont été 13 000, soit une hausse de 43 % ! Oui, le recours progresse pour celles qui le souhaitent ! Or votre proposition de loi, par son automaticité, pourrait stigmatiser les femmes qui ne souffrent pas de leur endométriose et ne souhaitent pas être reconnues travailleuses handicapées ni bénéficier de la prise en charge au titre de l'ALD, laquelle n'est pas sans contraintes.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
L'article 1er , outre que son adoption pourrait stigmatiser les femmes atteintes de cette pathologie, témoigne de votre volonté d'uniformiser le traitement. Or il y a autant de formes différentes d'endométriose que de femmes qui en souffrent. Jamais je n'ai entendu le Rassemblement national s'intéresser aux causes de cette maladie, encore moins aux travaux de la recherche, qu'il conviendrait au contraire d'encourager. Le Rassemblement national n'en a jamais parlé, ce qui est pour le moins préoccupant. Je le répète : il est embarrassant de voir une maladie instrumentalisée à des fins politiques.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Sur l'article 1er , je suis saisi par les groupes Renaissance, Rassemblement national et Écologiste – NUPES d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Frédéric Valletoux.
J'aurais aimé que le rapporteur nous explique le bien-fondé de la disposition prévue à l'article 1er . L'endométriose peut déjà être prise en charge en ALD 31. La procédure à suivre pour en bénéficier est connue et suppose un avis de la Haute Autorité de santé. En tout cas, elle ne relève pas de la loi, mais du règlement. Nous ne saisissons donc pas l'intérêt de cette proposition de loi qui n'apporte aucune réponse précise et juridique aux problèmes de ces femmes. L'article 1er n'est qu'une façade, car il n'est pas possible de modifier par la loi la liste des affections de longue durée, à moins de revoir toute l'architecture du dispositif de leur prise en charge. Les députés du Rassemblement national n'ont d'ailleurs pas réussi à nous prouver le contraire. Nous ne voterons donc pas l'article.
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et RE.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement rédactionnel n° 20.
La commission des affaires sociales a rendu un avis défavorable à l'amendement. Écoutez-moi bien, madame Riotton : la commission a rejeté tous les amendements rédactionnels, dont celui-ci, alors que je considère, à titre personnel, qu'il est empreint de bon sens et rédigé selon une syntaxe parfaitement adaptée au texte. Je vous propose, par conséquent, de remplacer les termes « victimes de l'endométriose » par « femmes atteintes d'endométriose ».
Cette modification est à l'image de votre texte, monsieur le rapporteur. Elle trahit un manque de travail, une méconnaissance de l'endométriose et une absence de considération pour les femmes. Nous ne soutiendrons pas votre amendement !
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
En effet, même si elle est connue depuis plus d'un siècle, qui a parlé d'endométriose jusqu'à présent ? Peu de monde et sûrement pas vous !
« Mais si ! » sur les bancs du groupe RN.
Elle était en effet ignorée de la sphère publique et il a fallu attendre que le Président de la République, Emmanuel Macron, en fasse une cause nationale, aux côtés des associations qui, seules, furent très actives – je pense en particulier au travail d'EndoFrance.
La première stratégie nationale de lutte contre l'endométriose a été lancée l'an dernier. Elle bénéficie de financements importants à travers France 2030, de l'ordre de plusieurs millions, ce qui permettra de renforcer la recherche, de former spécialement les professionnels à cette maladie et de mieux informer le grand public. Le ministre l'a dit, l'information est le nerf de la guerre et nous lancerons des campagnes dès le collège.
Il reste beaucoup à faire, mais nous avons déjà pris des mesures importantes, ne serait-ce qu'en installant des filières de soins actives dans les régions. Partant de très loin, nous avons ouvert la voie et les associations reconnaissent notre engagement. Nous avons fait de la lutte contre cette maladie une cause prioritaire et nous serons là s'il faut faire évoluer le fondement juridique du dispositif que nous avons bâti.
Nous sommes autant attachés à cette cause qu'à celle du droit des femmes, comme en témoignent les lois qui ont été adoptées pour défendre leur santé, la parité, l'accès aux postes à responsabilité – autant de textes que vous n'avez pas votés !
Contrairement à ce que vous dites, madame Brulebois, l'amendement montre tout simplement que nous sommes capables de nous remettre en cause et d'améliorer nos propositions. C'est cette philosophie qui guide notre action depuis que les Françaises et les Français nous ont fait l'honneur de nous confier quatre-vingt-huit mandats au sein de cet hémicycle ! Car nous, nous travaillons seulement pour l'intérêt général !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Or, depuis une heure et demie, nous assistons à un bien triste spectacle, que vous avez décidé d'écrire vous-mêmes et que vous jouez lamentablement ! Vous êtes incapables de défendre l'intérêt général parce que vous adoptez systématiquement des postures minables, mesquines, indignes du mandat que vous ont confié les Françaises et les Français !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs du groupe RE.
Le rapporteur l'a excellemment exprimé tout à l'heure, la grossièreté de vos attaques égale l'insignifiance sur le fond des arguments que vous osez proférer dans cet hémicycle. Et je ne parle pas de votre arrogance alors que la situation dans laquelle se retrouvent les femmes atteintes d'endométriose est la conséquence de vos échecs !
Vous êtes responsables de l'échec de toutes les politiques menées à l'intention des femmes ! La seule chose que nous retiendrons des débats d'aujourd'hui est que vous aurez refusé d'améliorer ce texte et de travailler ensemble pour améliorer le sort des femmes. Vous l'assumerez ! Ce n'est pas notre piège, c'est votre échec !
Ce ne sont pas nos manœuvres, mais votre faillite ! Ce n'est pas notre indifférence à l'intérêt général, mais votre sectarisme minable, déplorable, mesquin ! Vous en serez sévèrement sanctionnés le 9 juin 2024 !
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe RN, dont quelques députés se lèvent.
Je reconnais que l'amendement du rapporteur améliore la rédaction de l'article, mais dès lors que j'invite notre assemblée à rejeter ce dernier, je rendrai un avis défavorable à l'amendement.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
L'amendement n° 20 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 277
Nombre de suffrages exprimés 273
Majorité absolue 137
Pour l'adoption 96
Contre 177
L'article 1er n'est pas adopté.
La parole est à Mme Isabelle Périgault, pour soutenir l'amendement n° 17 portant article additionnel après l'article 1er .
Cet amendement a été inspiré par la proposition de loi portant sur un meilleur encadrement législatif de la prévention de l'endométriose, déposée par Mme Véronique Louwagie en juillet 2023. Il tend à ce que les jeunes filles scolarisées au sein d'un établissement scolaire sous contrat avec l'éducation nationale puissent bénéficier d'une tolérance pour leurs absences lorsqu'elles justifient par certificat médical souffrir d'endométriose.
Sur l'amendement n° 17 , je suis saisi par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission ?
En proposant de reconnaître l'endométriose comme un motif légitime d'absence à l'école, vous soulevez un vrai problème. L'endométriose peut faire vivre un véritable calvaire aux femmes sur leur lieu de travail, mais aussi aux jeunes filles en classe ou à l'université. Selon l'enquête EndoVie menée par Ipsos, les premiers symptômes de l'endométriose seraient apparus avant l'âge de 20 ans chez 49 % des femmes qui en souffrent. Le fait de devoir supporter des douleurs intenses et de ne pas pouvoir se tenir dans une même position durant plusieurs minutes d'affilée devrait être pris en compte. Il est donc important que les jeunes filles concernées ne soient pas pénalisées pour leur absence. À titre personnel, je suis favorable à l'amendement, mais je vous informe que la commission des affaires sociales s'y est opposée.
Nous devons replacer l'endométriose dans le cadre de la prise en charge des pathologies dont peuvent souffrir les enfants ou les adolescents. Le projet d'accueil individualisé dans les établissements scolaires prévoit que les jeunes atteints d'une maladie chronique, reconnue ou non comme une ALD, bénéficient des aménagements prévus par l'amendement. Le dispositif existe et il fonctionne. L'amendement est donc satisfait. Avis défavorable, si vous le maintenez.
Parler d'endométriose exige beaucoup d'humilité. Cette pathologie a été évoquée dès l'Antiquité : les Égyptiens en ont parfaitement décrit les symptômes. Les femmes qui se plaignaient des maux qu'elle provoque ont pendant longtemps été qualifiées d'hystériques.
Lutter contre l'endométriose exige un travail de longue haleine, qui commence par la prévention. Tout ce qui a été annoncé par le ministre va dans ce sens.
Je constate que les élus du Rassemblement national préfèrent les écrans de fumée. Avec cette proposition de loi qui n'a aucun sens, vous tentez d'accrocher votre petit train au grand train de la cause de femmes, des droits liés à leur santé et au libre usage de leur corps.
Quant aux élus du groupe LR, ils essaient d'accrocher leur wagon à ce petit train RN. Ce n'est pas ainsi que l'on fera avancer une politique de santé publique…
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Cher collègue, vos propos me surprennent. Sachez que lorsque l'on veut arriver à destination, mieux vaut être dans le train que de le louper.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et RN.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 262
Nombre de suffrages exprimés 254
Majorité absolue 128
Pour l'adoption 118
Contre 136
L'amendement n° 17 n'est pas adopté.
L'endométriose, qui touche 10 % des femmes en âge de procréer, constitue la première cause d'infertilité en France et fait l'objet de diagnostics posés très tardivement. Il me semble nécessaire de prévoir une séance annuelle de sensibilisation dans les collèges et les lycées par groupes d'âge homogène afin de permettre aux jeunes femmes de mieux appréhender les symptômes et les implications de cette maladie dans leur vie quotidienne. Une meilleure connaissance aujourd'hui favorisera un meilleur diagnostic demain.
La parole est à Mme Isabelle Valentin, pour soutenir l'amendement n° 16 .
Les associations et les femmes atteintes d'endométriose nous alertent sur le manque d'information au sujet de cette maladie. Il importe de prévoir un module consacré à la sensibilisation des élèves à l'endométriose et à d'autres pathologies. Les professeurs pourraient soit faire intervenir des associations soit intervenir eux-mêmes dans le cadre des cours d'éducation morale et civique.
Il me semble primordial de faire en sorte que les symptômes puissent être détectés le plus tôt possible et les dispositifs prévus dans vos amendements y contribueraient, honnêtement et sincèrement.
Je vous informe que la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable sur vos deux amendements. Ma position est la suivante : avis favorable à l'amendement n° 11 , qui me paraît plus précis, et demande de retrait s'agissant de l'amendement n° 16 . Je m'exprime ici à titre personnel.
Donner aux jeunes femmes les moyens de mieux appréhender les enjeux liés à la puberté est une nécessité, je suis d'accord avec vous, mesdames les députées, mais il faut dire les choses et parler aussi des menstruations et des douleurs ressenties lors des premiers rapports sexuels, lesquelles permettent souvent de détecter l'endométriose.
L'article L. 312-16 du code de l'éducation – il n'a pas fait l'unanimité dans cette assemblée – prévoit déjà qu'une information et une éducation à la sexualité sont dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d'au moins trois séances annuelles et par groupes d'âge homogène.
L'endométriose fait l'objet de séances spécifiques. Le ministère de l'éducation nationale, de concert avec les associations, a veillé à assurer une meilleure cohérence des messages diffusés dans ce cadre.
Train ou pas, sachez que le Gouvernement avance en matière de lutte contre l'endométriose même s'il ne se saisit pas de la loi, ce qui vous prive du coup de projecteur que vous espériez. D'ores et déjà, dans les collèges et les lycées, des séances sont consacrées à la sexualité – je sais que cela fait bondir certains –, à la reproduction et aux maladies gynécologiques, dont l'endométriose. Vos amendements sont donc satisfaits. Demande de retrait ou avis défavorable.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.
La parole est à Mme Raquel Garrido. J'imagine que vous êtes contre les amendements…
Rires sur plusieurs bancs.
Sourires.
Le code de l'éducation prévoit trois séances annuelles obligatoires consacrées à la sexualité et à l'égalité entre femmes et hommes dans tous les établissements scolaires de notre pays. Or, selon les études les plus récentes, seul un élève sur cinq a accès à la totalité de ces séances. Je vous renvoie à la question posée par notre collègue Marietta Karamanli la semaine dernière, dans le cadre des questions au Gouvernement, et à laquelle le ministre de l'éducation n'a pas vraiment répondu.
Si vous voulez que tous les élèves aient accès à ces séances chaque année, il faut aller plus loin. Permettez-moi, à cet égard, chères collègues du groupe LR, de mettre le doigt sur l'une de vos contradictions. Vous passez votre temps, notamment lors de la discussion des textes budgétaires, à appeler à réduire les dépenses dédiées aux services publics.
Qu'en est-il ? En Seine-Saint-Denis, département dans lequel se trouve ma circonscription, il manque des professeurs dans chaque établissement. Les brigades de remplacement interviennent mais, saturées comme elles sont, elles ne peuvent assurer toutes les tâches. Les professeurs qui demandent des temps de formation, par exemple pour prendre en charge ces séances annuelles que prescrit la loi, se voient opposer des refus.
Ne vous payez donc pas de mots ! Si vous voulez que l'on parle d'endométriose, il faut financer l'école publique !
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Monsieur le ministre, mettre en avant les cours d'éducation sexuelle quand il est question d'améliorer l'information sur l'endométriose me paraît un peu capillotracté !
Il y a un lien, certes, si on cherche loin, mais vous savez bien que l'objectif premier de ces cours n'est pas de sensibiliser les jeunes à cette maladie. Les personnes les mieux placées pour répondre aux jeunes filles confrontées à ce problème de santé auraient été les infirmières scolaires mais il n'y en a plus dans les collèges et les lycées.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Quand je vous entends multiplier les grandes promesses, qu'il s'agisse de l'amélioration de la détection, des diagnostics précoces, des traitements ou de l'information, j'éprouve le même sentiment que face à la prise en charge des troubles du spectre de l'autisme : malgré les grandes déclarations que vous faites régulièrement, les choses n'avancent que très peu sur le terrain.
Dans ces conditions, et puisque vous avez annoncé vous-même de la manière la plus claire qui soit que vous ne vouliez pas publier de décret au sujet de l'endométriose, une loi me paraît nécessaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
L'amendement n° 16 est retiré.
L'amendement n° 11 n'est pas adopté.
Il vise à renforcer les enseignements dédiés à l'endométriose non plus auprès des élèves du secondaire mais des étudiants en médecine. Un arrêté du ministère de l'enseignement et de la recherche du 2 septembre 2020 a introduit l'endométriose dans le chapitre « De la conception à la naissance, pathologie de la femme – Hérédité – L'enfant – L'adolescent », qui a pour but de faire connaître aux étudiants en médecine de deuxième cycle les principales pathologies de la femme. Si cet arrêté a été accueilli comme une bonne nouvelle, compte tenu du manque de formation des médecins en ce domaine, la connaissance du personnel médical pourrait être efficacement renforcée par la création d'un module d'enseignement dès la première année d'études. Il est temps de sensibiliser les étudiants en médecine alors qu'une femme sur dix est atteinte de cette pathologie.
Je suis saisi de plusieurs demandes de scrutin public : sur l'amendement n° 18 , par les groupes Rassemblement national et Les Républicains ; sur l'amendement n° 12 , par le groupe Les Républicains.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Isabelle Valentin, pour soutenir l'amendement n° 18 .
Monsieur le ministre, j'ai bien entendu votre proposition de former les médecins avec des webinaires mais je doute de l'efficacité de ces modules : les médecins manquent de temps, compte tenu de leur surcharge de travail et de leur nombre insuffisant. Ils pourront davantage profiter de ces formations s'ils ont été déjà sensibilisés à cette pathologie lors de leurs études. Les femmes demandent une meilleure prise en charge, une reconnaissance de leur maladie. C'est sur le terrain, avec les associations, avec les médecins, que tous ensemble nous pourrons faire avancer les choses.
Cet amendement propose d'intégrer une sensibilisation à l'endométriose au programme de la première année des études de santé, commune à la maïeutique, à l'odontologie, à la médecine, à la pharmacie. J'espère très sincèrement que cet amendement sera adopté par tous.
La parole est à Mme Josiane Corneloup, pour soutenir l'amendement n° 12 .
Cet amendement similaire vise à mettre en place un programme de sensibilisation à l'endométriose dans le cursus de la première année des études de santé afin de permettre aux étudiants d'apprendre à reconnaître les symptômes plus tôt et de mieux appréhender l'impact de cette maladie sur la vie quotidienne et la santé des femmes qui en sont atteintes.
Comme il m'a été reproché de ne pas être assez clair, je lirai, mot à mot, mon argumentaire. Ces amendements proposent d'intégrer un programme de sensibilisation à l'endométriose en première année d'études de santé ou pendant les études médicales. Comme vous le soulignez, la formation des professionnels de santé est l'une des clés de la lutte contre l'endométriose, toutes les auditions le confirment.
Depuis la publication de l'arrêté du 2 septembre 2020, l'endométriose est intégrée à la formation de deuxième cycle des études médicales. La sensibilisation que vous prévoyez dès le premier cycle permettrait une extension à d'autres disciplines, puisque la première année d'études de santé est commune aux étudiants en médecine, en pharmacie, en odontologie et maïeutique.
Vous vouliez que je sois précis, je le suis, chers collègues. Les amendements n° 13 de Mme Ménard et n° 18 de Mme Valentin atteignent bien cet objectif : j'y serai donc favorable, à titre personnel. En revanche, je demanderai à Mme Corneloup de bien vouloir retirer son amendement n° 12 , rejeté en commission. S'agissant de l'amendement n° 6 de M. Pauget, qui me semble moins précis puisqu'il fait référence aux études médicales en général, ce sera un avis de sagesse.
Ne vous plaignez pas quand on vous donne satisfaction, chers collègues !
La stratégie nationale de lutte contre l'endométriose, dans ses objectifs 11 et 12, comporte des mesures, que je ne détaillerai pas ici, portant sur la formation initiale et continue des professionnels. Je ne peux qu'aller dans votre sens, mesdames les députées, cette formation constitue bien un enjeu. En deuxième cycle d'études médicales, il est déjà prévu une formation dédiée à cette pathologie. Elle concerne les futurs médecins tandis qu'en première année d'études de santé, tous les étudiants ne sont pas appelés à poursuivre leurs études en médecine.
J'entends cependant vos arguments. Pardonnez-moi de me montrer un peu tatillon, mais le programme des études de santé en première année relève d'un arrêté et non de la loi. Je prends donc l'engagement de solliciter ma collègue chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche afin de modifier l'arrêté de 2011 et d'inscrire le sujet de l'endométriose dès la première année. C'est pourquoi je vous invite à retirer vos amendements ; à défaut, je donnerai un avis défavorable.
Quelque chose me frappe dans vos amendements. Lorsqu'on construit une maison, on commence par créer les fondations, puis on pose les murs et le toit, avant de terminer par les portes et les fenêtres. Il se trouve qu'en première année de médecine, l'ordre des études répond à une logique : on commence par apprendre l'anatomie, puis on s'intéresse à la physiologie, puis à la pathologie et enfin à la thérapeutique.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Étudier l'endométriose dès la première année serait illusoire : cela ne répondrait pas du tout aux objectifs et ne s'inscrirait pas dans la logique des études de santé.
Enfin, par cette proposition de loi, le Rassemblement national semble manifester un intérêt soudain pour les femmes. Toutefois, si vous consultez son site internet, vous y trouverez dix-sept livrets thématiques, sans qu'aucun ne soit consacré aux femmes – alors même qu'il en existe un relatif à la protection des animaux !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Je suppose que les femmes sont censées rester chez elles et qu'elles n'ont pas besoin de droits spécifiques ni d'être protégées.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Protestations sur les bancs du groupe RN.
Peut-être bénéficieront-elles de droits lorsqu'elles iront promener leur chien ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
De deux choses l'une : soit vous n'êtes intéressés que par votre nombril et vous ne lisez pas ce qu'écrivent ni ce que proposent vos adversaires politiques – ce qui est parfaitement possible s'agissant de vous, membres du groupe Renaissance – et, alors, vous êtes de bonne foi ; soit vous êtes de mauvaise foi et c'est encore moins pardonnable.
En effet, nous avons présenté au cours de la campagne présidentielle un très long texte à propos des femmes et j'ai défendu à cette occasion la proposition que nous soutenons aujourd'hui concernant l'endométriose. Ce texte était accompagné d'un clip vidéo de sensibilisation, comprenant le témoignage de nombreuses femmes, d'élues, de cadres du Rassemblement national qui ont souhaité exprimer publiquement les caractéristiques de la maladie dont elles étaient victimes et comment elles le vivaient.
Vous avez le droit d'être en désaccord avec nous, c'est le principe de la démocratie. Néanmoins, si nous pouvions éviter les énormes mensonges sur un sujet aussi important, la démocratie y gagnerait, ainsi d'ailleurs que ceux qui nous regardent.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Mme Anne Genetet proteste.
Je donne en principe la parole à un orateur pour et un orateur contre.
Toutefois, à titre exceptionnel, je donne la parole est à Mme Clémentine Autain qui, si j'ai bien compris, n'est ni pour ni contre.
Effectivement. Mme Le Pen a raison sur un point : il s'agit d'un sujet sérieux.
« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe RN.
C'est précisément pour cela que nous refusons d'amender la présente proposition de loi ; ce, pour deux raisons.
La première, c'est qu'il s'agit d'une opération de pure communication visant à masquer la réalité de votre projet politique, qui est opposé aux droits des femmes.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe RN.
Ensuite, cette proposition de loi n'est ni faite ni à faire : elle ne correspond ni aux besoins des femmes ni aux demandes des associations.
« Ah ! sur plusieurs bancs du groupe RN.
Ni sur les amendements du Rassemblement national, ni sur ceux déposés par Les Républicains. Il est d'ailleurs significatif que ces derniers soient le seul groupe politique à avoir décidé d'amender la proposition de loi du Rassemblement national.
Protestations sur plusieurs bancs des groupes RN et LR.
C'est déjà, en soi, un fait politique. Nous n'entrerons pas dans cette logique et nous voterons contre les deux articles.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 12 est retiré.
L'amendement n° 13 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 232
Nombre de suffrages exprimés 222
Majorité absolue 112
Pour l'adoption 97
Contre 125
L'amendement n° 18 n'est pas adopté.
L'article 2 vise à reconnaître aux femmes victimes d'endométriose, qui en expriment le besoin – j'insiste sur ce point –, la qualité de travailleur handicapé.
Encore faudrait-il, chers collègues, que vous fassiez l'effort de lire le texte. Nous parlons bien des femmes qui en expriment le besoin. Cette disposition n'a pas de visée générale ; il ne s'agit pas d'un texte couperet, qui rendrait la mesure automatique.
Au lieu de faire ce petit effort de lecture, vous vous ingéniez, tous autant que vous êtes – à quelques exceptions notables près –, dans le cadre d'un concours qui relève du niveau bac à sable, à vouloir prouver qui est le plus grand défenseur de la cause des femmes.
« Nous ! » sur plusieurs bancs du groupe RE.
Ce n'est certainement pas vous, collègues du groupe LFI – NUPES, compte tenu du sort que vos chers amis du Hamas et du Hezbollah réservent aux femmes !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Vous avez perdu depuis longtemps le droit de vous émouvoir du sort des femmes – les derniers événements l'ont encore prouvé.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Quant à vous, membres de la majorité-minorité présidentielle, et à vous, monsieur le ministre de la santé, qui faites semblant de vous intéresser au sort de nos concitoyens et aux femmes qui souffrent d'endométriose, comment osez-vous affirmer que vous êtes les seuls à pouvoir rédiger des textes qui tiennent la route ?
Quel odieux péché d'orgueil ! En outre, c'est totalement faux ! Si vous étiez vraiment les champions en la matière, la France ne serait pas à genoux ! Il y aurait des hôpitaux et des médecins dans les campagnes !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Monsieur le rapporteur, vous aimez rappeler votre appartenance à la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes de notre assemblée ; c'est tout à votre honneur. Néanmoins, force est de constater que vous n'accordez que peu d'attention aux travaux de la délégation aux droits des femmes du Sénat. Dans le cas contraire, vous sauriez que, dans son rapport publié en juin, dont s'inspire d'ailleurs fortement votre texte, elle écarte la piste d'un renforcement de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé.
M. Sacha Houlié applaudit.
Je parle bien de renforcement puisque votre proposition de loi ne crée aucun droit nouveau. Les femmes atteintes d'endométriose peuvent d'ores et déjà effectuer une demande de RQTH auprès des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Mais, comme le souligne le rapport du Sénat, les femmes ne recourent pas à cette possibilité, par crainte de la stigmatisation professionnelle ou sociale. Quand bien même l'article 2 serait adopté, les femmes atteintes d'endométriose persisteraient à ne pas demander ce statut. Bel exemple de loi bavarde !
Monsieur le rapporteur, collègues du Rassemblement national, vous ne voulez pas nous entendre, mais entendez l'avis de la délégation aux droits des femmes du Sénat, vous qui vous êtes soi-disant trouvé une conscience féministe.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
La rédaction de l'article 2 nous pose problème. En effet, l'article L. 5213-1 du code du travail qu'il entend modifier dispose qu'« est considérée comme travailleur handicapé toute personne dont les possibilités d'obtenir ou de conserver un emploi sont effectivement réduites par suite de l'altération d'une ou plusieurs fonctions physique, sensorielle, mentale ou psychique. » Le droit actuel permet donc aux femmes qui souffrent de formes douloureuses ou invalidantes d'endométriose de demander la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé.
Or l'article 2 tel qu'il est rédigé rend cette reconnaissance automatique pour les personnes atteintes d'endométriose, qu'elles souffrent d'une forme sévère ou asymptomatique de la maladie. Cela ne correspond pas à la demande des malades ni des familles. C'est pourquoi nous trouvons cet article surprenant.
Je le souligne d'autant plus aisément que ceux qui ont accepté d'amender votre texte – selon le droit constitutionnel réservé aux parlementaires –, je pense bien sûr à nos collègues du groupe LR, ont déposé un amendement qui reprend exactement l'argumentaire que je viens d'exposer. Par cet article, vous laissez entendre que l'endométriose conférerait un droit automatique ; ce faisant, vous créez une liste exhaustive et prenez le risque d'en oublier beaucoup.
L'article 2 nous pose donc problème sur le fond, parce qu'il signifie que les 2 millions de femmes atteintes d'endométriose seront automatiquement reconnues travailleuses handicapées,…
Protestations sur plusieurs bancs du groupe RN.
Vous nous demandez de travailler sur le fond et lorsqu'on le fait, cela ne vous convient pas ! C'est dur, la démocratie, n'est-ce pas ?
Souffrez que l'on puisse vous répondre sur le fond. Cet article est dangereux, en ce qu'il crée une liste à la Prévert. C'est pourquoi nous le rejetterons.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Il y a tout de même un grand paradoxe : l'article 2 enferme les femmes dans leur maladie, alors qu'elles demandent plutôt un meilleur accompagnement. Nous sommes d'accord sur ce dernier point : sans doute qu'il faudrait les accompagner et leur parler d'une manière davantage bienveillante. Elles font souvent état d'une vraie souffrance face au jugement qui est porté sur elles. Les figer dans un statut de travailleur handicapé au motif qu'elles sont atteintes de cette maladie est complètement inadapté et ne correspond pas à ce qu'elles souhaitent réellement.
Permettez-moi d'ajouter quelques mots au caractère singulier, pour ne pas dire dangereux, de l'article 2 tel qu'il est rédigé. Je l'ai dit précédemment et je le répète : ce texte n'a pas été travaillé sur le fond et sa rédaction, sur le plan juridique, est dangereuse. Chers collègues du Rassemblement national, il y a les slogans, les intentions, les causes que l'on veut épouser, mais nous sommes dans cet hémicycle pour élaborer des textes.
La rédaction que vous proposez est totalement inédite et dangereuse, pour les raisons qui ont très bien été développées, tant par notre collègue Saint-Huile que par notre collègue Josso. Cet article ouvre la boîte de Pandore et enferme les femmes touchées par cette maladie, dont on a souligné combien elle pouvait les affecter à des degrés différents, dans un statut de travailleur handicapé qui n'a pas lieu d'être. Si cet article était voté par notre assemblée, ce serait totalement inédit dans le droit français.
Avant de donner la parole au rapporteur et au ministre s'ils le souhaitent, je donne la parole à M. Aurélien Saintoul, pour un rappel au règlement. Sur quel fondement ?
Sur le fondement de l'article 100. Il n'est pas possible d'avoir un débat de bonne tenue si nous nous imputons les uns aux autres des positions qui ne sont pas celles de nos groupes respectifs. L'extrême droite nous a imputé des positions infamantes ,
« Nous ne sommes pas d'extrême droite ! » sur plusieurs bancs du groupe RN
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
En revanche, ils oublient de dire que figure explicitement dans le programme de Marine Le Pen…
Nous nous éloignons du rappel au règlement, monsieur le député. Ce n'est pas le sujet.
Le micro de l'orateur est coupé. – Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous vous éloignez du rappel au règlement, monsieur le député. Je vous demande de vous arrêter ! Revenons-en à l'article 2.
Sur l'article 2, je suis saisi par les groupes Renaissance, Rassemblement national et Écologiste-Nupes de demandes de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. le rapporteur.
Madame Josso, un accompagnement bienveillant, qu'est-ce donc ? Comment transcrivez-vous cela dans la loi ? J'aimerais que vous m'expliquiez.
Monsieur Saint-Huile, votre argumentation est particulièrement faible et frappée au coin du mauvais sens, voire de l'illettrisme.
Monsieur Valletoux, rien de nouveau à proposer depuis l'examen en commission ? Vous continuez votre numéro ?
Madame Lebec, vous mentionnez le Sénat. D'une part, nous sommes à l'Assemblée nationale. D'autre part, qu'auriez-vous fait si je n'avais pas repris la proposition de loi de Mme la vice-présidente du Sénat Valérie Létard visant à créer une aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales, qui, après avoir été adoptée à l'unanimité par la chambre haute, a traîné pendant des mois sur le bureau de Mme la présidente de l'Assemblée nationale ? Vous l'avez votée, n'est-ce pas ?
Je vous remercie de votre écoute.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Madame Bordes, vous avez affirmé que je fais semblant de m'intéresser à la santé des femmes. Selon l'expression d'André Malraux, un homme – ou une femme – « est la somme de ses actes ». Or quand je regarde vos actes depuis votre entrée dans la vie politique, je ne vois pas trace de votre implication dans cette cause.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Vous m'accusez de faire semblant ; pour votre part, madame la députée, vous ne faites même pas semblant d'avoir lu la stratégie nationale de lutte contre l'endométriose, que vous n'avez pas évoquée une seule fois. Pourtant, elle concerne six ministères et sa mise en œuvre fait l'objet d'un suivi mensuel.
Vous ne faites même pas semblant d'avoir écouté les associations, unanimement opposées à cette mesure de reconnaissance automatique du statut de travailleur handicapé.
Vous ne faites même pas semblant de savoir que le fait de dissocier la maladie du handicap et du stigmate qui y est attaché est un progrès, conquis par les associations, notamment les associations de malades.
Enfin, vous ne faites même pas semblant de rechercher le progrès. Pour vous, coller une étiquette sur le front des malades vaut toujours mieux que de se risquer à mettre les mains dans le cambouis !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et sur quelques bancs du groupe Dem.
Pour la première fois de la législature, je prends la parole pour un rappel au règlement se fondant sur l'article 70, alinéa 3, relatif à la mise en cause personnelle. Monsieur le rapporteur m'a reproché mon illettrisme. Je regrette qu'il ait tenu ces propos totalement déplacés.
J'ai développé posément mon argumentaire, en soulignant d'ailleurs que l'amendement que nous allons examiner, l'amendement n° 15 de Mme Valentin, fait état des mêmes fragilités d'écriture. Je regrette que nous ne puissions pas débattre sur le fond de manière constructive. Puisque vous reprochez à certains de s'en tenir à une posture, j'ai tenté d'entrer avec simplicité dans le fond du texte. J'ai fait observer que la rédaction proposée présentait des dangers. Souffrez donc la contradiction sans nous traiter avec un tel sectarisme, pour reprendre un mot cher à votre groupe !
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Mme Sandra Regol applaudit également.
La parole est à Mme Isabelle Valentin, pour soutenir l'amendement n° 15 .
Le groupe Les Républicains n'est pas favorable à l'article 2, car il est déjà satisfait. L'amendement vise à le réécrire afin d'améliorer les conditions de travail des femmes souffrant d'endométriose. Dans cet esprit, nous proposons de faciliter leur quotidien en leur donnant accès à des jours de télétravail médicalement justifiés.
J'exprime à M. Saint-Huile mes regrets pour les propos que j'ai tenus.
La RQTH est une des réponses possibles aux difficultés au travail liées à l'endométriose. Elle permettrait aux femmes de bénéficier non seulement de télétravail, mais aussi, plus généralement, d'horaires aménagés. L'article 2 me paraît donc plus protecteur que l'amendement, qu'il satisfait. Demande de retrait ou avis défavorable.
Avis défavorable. Le dispositif actuel, qui permet au médecin du travail de prendre en considération la maladie et de proposer des aménagements de poste pouvant inclure le télétravail, est plus protecteur. En outre, il protège mieux le secret médical, que je considère comme un enjeu majeur en matière de santé au travail. Enfin, la rédaction que vous proposez me semble un peu large.
Je souhaite vous interroger, monsieur le ministre, au sujet du fameux plan et de la circulaire que vous avez mentionnés. Malheureusement, vous ne définissez pas de moyens chiffrés spécifiquement dédiés à la prise en charge de l'endométriose.
Les associations demandent que cette pathologie soit incluse dans la liste ALD 30, car le dispositif ALD 31 n'est pas à la hauteur de la tâche. Certes, le nombre de femmes bénéficiant du dispositif a augmenté de 43 % entre 2021 et 2022, mais d'une part, la reconnaissance de l'ALD 31 n'est pas systématique, d'autre part, l'augmentation affichée de 43 % masque le faible nombre effectif de bénéficiaires : sur 2 millions de femmes souffrant d'endométriose, seules 14 000 personnes sont prises en charge au titre de l'ALD 31. S'il est vrai que toutes les malades de l'endométriose n'ont pas besoin d'un suivi médical, la proportion de femmes prises en charge – moins de 1 % ! – n'en reste pas moins ridicule.
Monsieur le ministre, comment comptez-vous passer à une prise en charge de masse, capable de répondre à ce problème de masse ? Non seulement, ignorant nos demandes, vous n'empruntez pas la voie de l'ALD 30, mais vos circulaires et votre plan ne comportent aucun chiffre, aucune feuille de route concrète qui permettrait d'affirmer qu'en France, l'endométriose est prise au sérieux.
Mme Danielle Simonnet applaudit.
Ceux qui nous regardent peinent certainement à comprendre ce qu'il se passe dans cet hémicycle.
Tous les orateurs ont rappelé, à la tribune, que l'endométriose est une maladie terrible qui entraîne, pour certaines malades, des souffrances insupportables pouvant aller jusqu'à causer l'invalidité professionnelle. L'idée d'instaurer toutes les mesures possibles pour permettre aux femmes atteintes de continuer à travailler, y compris, si la gravité de leur pathologie l'exige, la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, devrait donc faire l'unanimité.
Je suis profondément heurtée par l'affirmation selon laquelle nous voudrions contraindre ces femmes à être reconnues comme travailleuses handicapées. Ce n'est évidemment pas le cas : c'est la malade elle-même qui pourra solliciter ce statut si elle considère que sa souffrance entraîne une invalidité permanente.
Arrêtez avec le juridisme, cela n'apporte rien ! Je conclurai en faisant observer à M. Valletoux que, n'étant ni juriste ni médecin, il n'a pas à prendre cet air supérieur pour donner des leçons aux autres.
Quant à vous, madame Josso, si vous considérez que le traitement de l'endométriose consiste uniquement à prodiguer aux femmes des paroles réconfortantes, nous ne sommes pas du tout sur la même longueur d'onde. Je crains que vous n'ayez pas mesuré la gravité des conséquences que peut avoir l'endométriose sur la vie quotidienne de millions de nos compatriotes.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
L'amendement n° 15 n'est pas adopté.
Cet amendement rédactionnel vise à remplacer le mot « victime » par le mot « atteinte ».
Défavorable.
Cet amendement révèle, s'il en était encore besoin, les caractéristiques de la proposition de loi et celles du groupe parlementaire qui l'a déposée : manque de travail, manque de connaissances, manque de compétence.
Eh oui ! Vous connaissez si mal ce sujet important et sérieux que vous prétendez défendre que vous êtes contraints de déposer de tels amendements. Vous révélez ainsi la réalité du texte : une arnaque populiste, un joli vernis, une belle apparence, dissimulant une proposition de loi vide, inutile…
…et qui ne correspond pas aux attentes des associations de défense des droits des femmes. Non, nous ne sommes pas dupes : vous n'avez pas l'intention d'aider les femmes, mais seulement de faire oublier que votre parti s'oppose à toutes les avancées en faveur de leurs droits. Vous êtes opposés au renforcement du droit à l'IVG comme à l'égalité socioprofessionnelle ; vous disiez encore il y a quelques jours que les femmes devraient « rester à la maison ».
Vives exclamations sur les bancs du groupe RN.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – M. François Gernigon applaudit également.
Chère collègue, il est dommage que, pour mentir à ce point, vous ayez besoin d'une fiche.
Rires et applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Je ne sais ce qui vous a inspiré ce mauvais discours ; peut-être en avez-vous parlé avec Mme Brulebois, puisqu'elle donne exactement le même spectacle ! En tout cas, il est dommage d'avoir besoin d'une fiche pour répéter la même chose pendant une demi-heure. Vous qui aimez donner des grandes leçons de droit, sachez qu'en droit français, on n'a pas besoin de répéter deux fois la même chose et on n'est pas jugé deux fois pour les mêmes conneries !
Rires et applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Je vous invite donc à garder pour vous vos leçons de juridisme.
Pour ma part, je suis réceptif à toute critique constructive. Par exemple, j'ai trouvé recevables les arguments de M. Saint-Huile et je reconnais sa modération. Toutefois, pourquoi n'a-t-il pas déposé d'amendement ?
Nous n'allons pas réécrire votre proposition de loi et faire votre boulot à votre place !
Il est un peu tard, monsieur Saint-Huile, pour « entrer dans le fond du texte ». S'il avait souhaité l'améliorer, votre groupe aurait pu y entrer plus tôt ; je suis certain que M. le rapporteur aurait écouté vos arguments et que, si le texte laissait planer une ambiguïté de bonne foi, nous aurions pu la dissiper. Au lieu de cela, vous avez préféré nous attaquer gratuitement.
J'en reviens au juridisme. S'il est une majorité qui ne saurait nous reprocher de produire une loi bavarde, imprécise, pleine de formules gratuites et inopérantes, c'est bien la vôtre ! Le Conseil d'État, dans chacun de ses rapports annuels, ne cesse d'écrire que les lois votées par la majorité socialiste puis par la majorité macroniste sont bavardes et imprécises.
Il ne s'agit pas là d'une attaque de l'opposition, mais bien des mots du Conseil d'État, censé vous conseiller en matière de rédaction de la loi ! Vous l'ignorez si totalement, vous écrivez de si mauvaises lois que le Conseil d'État est obligé de vous dire que vous êtes bavards, incompétents et inutiles ! Gardez donc vos leçons.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Il se fonde sur l'article 70, alinéa 3, de notre règlement, relatif à la mise en cause personnelle. Monsieur Tanguy, je ne reviendrai pas sur la seconde partie de votre intervention : vous avez le droit d'exprimer votre avis. En revanche, vos premières phrases dirigées contre notre collègue relèvent de l'attaque misogyne. Vous n'auriez pas dit la même chose à un homme !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem. – Mme Éléonore Caroit se lève pour applaudir. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Il se fonde sur le même article. Il va sans dire que mon propos n'était pas misogyne. Rassurez-vous, monsieur Maillard : vous êtes vous-même bavard, inutile et incompétent.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
En la circonstance, je donne la parole à M. Sylvain Maillard pour un dernier rappel au règlement ; mais un tête-à-tête entre vous serait tout aussi fructueux.
Sourires sur divers bancs.
Qu'on soit très clair : vous devez tenir l'hémicycle, monsieur le président, et je l'entends, mais ce que vient de dire M. Tanguy est honteux.
Avons-nous fait une remarque à propos du rapporteur, censé connaître parfaitement sa proposition de loi, et qui doit pourtant lire ses fiches à chaque fois ? Jamais ! Nous le laissons travailler. Quant à notre collègue, elle parle comme elle l'entend. Je maintiens qu'il s'agit d'une attaque misogyne, je le maintiens. C'est honteux !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur plusieurs bancs des groupes Dem et HOR.
On a fait le tour de la question. Revenons-en à la discussion des articles.
L'amendement n° 21 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 257
Nombre de suffrages exprimés 257
Majorité absolue 129
Pour l'adoption 85
Contre 172
L'article 2 n'est pas adopté.
Cet amendement propose d'intégrer le dépistage de l'endométriose dans les rendez-vous prévention prévus par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023. L'article 29 prévoit en effet d'instaurer des consultations pour mieux lutter contre l'apparition de facteurs de risque, de pathologies et de prévenir les maladies chroniques. On sait que l'endométriose, difficile à diagnostiquer, est souvent décelée tardivement – plus de sept ans, en moyenne, après les premiers symptômes.
La commission a émis un avis défavorable, mais j'y suis favorable à titre personnel.
Votre amendement, monsieur le député, ne manque pas d'intérêt ; c'est une bonne idée que d'aborder cette question sous ce prisme.
Toutefois, l'amendement est satisfait : le repérage de l'endométriose chez les 18-25 ans est bien pris en compte dans les instructions pour l'organisation des rendez-vous prévention, qui sont mis en place de façon systématique dans une région depuis le 1er octobre. Retrait ; à défaut, avis défavorable.
Je regrette l'avis défavorable du Gouvernement, d'autant que l'on connaît l'errance médicale que des femmes doivent subir, faute de diagnostic. L'endométriose est une souffrance insupportable pour les femmes qui en sont atteintes. Elle est une souffrance pour le couple, car elle agit sur la fertilité et rend les rapports sexuels douloureux. Je suis heureuse que nous ayons l'occasion de débattre de ce sujet dans cet hémicycle, souvent empreint d'un peu trop de testostérone.
Je souhaite pour ma part évoquer le thermalisme car les cures permettent de réduire les souffrances causées par cette affection – il n'existe pas de traitement, hélas, qui permette de les supprimer totalement. Le centre thermal de Challes-les-Eaux était reconnu comme le plus efficace dans ce domaine, grâce à la haute teneur en soufre de ses eaux mais, malheureusement, il a fermé il y a peu. Il serait intéressant d'explorer plus avant la voie du thermalisme pour combattre les souffrances dues à l'endométriose.
Mme Emmanuelle Ménard applaudit.
Je tiens à dire, s'agissant du diagnostic, que la recherche avance puisqu'on expérimente des techniques de diagnostic par la salive, sur des micro-acides ribonucléiques, dits micro-ARN, ce qui va simplifier beaucoup les choses.
Il y a aussi des avancées en matière thérapeutique. Début juillet, une publication majeure, dans Science, a montré qu'une grande partie des endométrioses pourraient, comme c'est le cas des ulcères gastro-duodénaux, être causées par une bactérie, fusobacterium. Une antibiothérapie serait alors la solution. Affaire à suivre dans les mois à venir.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs des groupes RE et HOR. – M. Olivier Marleix applaudit également.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 220
Nombre de suffrages exprimés 216
Majorité absolue 109
Pour l'adoption 94
Contre 122
L'amendement n° 14 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Isabelle Valentin, pour soutenir l'amendement n° 19 .
Cet amendement d'appel demande au Gouvernement de mettre en place un grand plan de communication pour sensibiliser aussi bien les professionnels de santé que les jeunes filles et les jeunes femmes touchées par l'endométriose.
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, ce texte, qui pouvait susciter un espoir pour les femmes atteintes d'endométriose, est désormais vide. Il est devenu inutile d'envisager une quelconque avancée. Je souhaite donc que nous cessions de l'étudier. Je remercie tous les collègues qui ont contribué, par moments, à la qualité des échanges. Je suis député, mais surtout dépité.
Mmes et MM. les députés du groupe RN se lèvent et applaudissent longuement.
M. Jean-Philippe Tanguy, auteur de la proposition de loi, vient de me confirmer qu'elle était retirée.
La proposition de loi n° 1221 rectifié est retirée.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à onze heures cinquante-cinq, est reprise à douze heures cinq.
La parole est à M. Bryan Masson, rapporteur de la commission des affaires sociales.
« Il faudrait qu'à la première infraction, on arrive à sanctionner financièrement et facilement les familles. » Ces mots ne sont pas les miens, mais ceux que le Président de la République a prononcés en juillet, lors d'une visite qu'il effectuait en soutien aux policiers qui affrontaient alors les nuits d'émeutes.
Que s'est-il passé depuis ? Rien ! Aucune proposition n'a vu le jour pour mettre en pratique cette idée, pourtant bonne. Elle est bonne parce que nous ne pouvons rester sans rien faire face aux déchaînements de violence de cet été, qui ont mis en lumière l'ampleur de la délinquance des mineurs dans notre pays. Elle est bonne parce que derrière chaque enfant violent, il y a des détenteurs de l'autorité parentale qui sont censés veiller sur lui. Elle est bonne car nous devons apporter des réponses à nos concitoyens, qui ne comprennent pas ces comportements et, surtout, refusent de les cautionner.
Nous l'avons constaté sur le terrain, les chiffres du Gouvernement l'ont confirmé : les émeutiers étaient particulièrement jeunes, leur moyenne d'âge se situant entre 17 et 18 ans, et souvent des enfants âgés de 11 ou 12 ans à peine figuraient parmi les auteurs d'infractions. Face à ces situations, nous devons nous interroger. Que faisaient ces enfants dehors en pleine nuit ? Étaient-ils en sécurité quand les tirs de mortier explosaient au coin de la rue, quand des feux d'artifice sauvages étaient tirés de partout, quand les vitrines étaient explosées à coups d'armes blanches ? Où étaient leurs parents ? Pourquoi, dans ces circonstances, n'ont-ils pas mis leurs enfants à l'abri ? N'ont-ils pas fait preuve de négligence ?
Ces questions sont bien sûr rhétoriques, car la réponse est limpide : ces enfants n'avaient rien à faire dehors la nuit au milieu des émeutes ; leurs parents ont une responsabilité qu'il nous appartient d'invoquer.
Or ces parents qui laissent leurs jeunes enfants errer dans la rue et commettre des exactions ne sont pas inquiétés par la justice aujourd'hui. Ils sont ainsi complètement déresponsabilisés, comme si aucun devoir parental ne leur incombait.
Alors reprenons ici, dans cet hémicycle, cette idée de bon sens : sanctionnons financièrement et rapidement les familles de ces enfants délinquants. Pourquoi faire le choix d'une sanction financière, me direz-vous ? Tout simplement parce que le contribuable français n'a pas à payer pour les casseurs. J'insiste : les Français qui se lèvent tôt, qui travaillent dur et qui élèvent leurs enfants dans des conditions parfois très difficiles n'ont pas à payer pour les exactions de délinquants. Les dégâts énormes qui ont été causés lors des nuits d'émeutes de juin et juillet dernier ne représentent pas quelques centaines d'euros : leur coût est estimé à plus de 700 millions d'euros. Est-ce au contribuable de payer pour leur réparation ? Non, il faut appliquer le principe du casseur-payeur !
Pourquoi lier le sujet de la sanction financière au versement des allocations familiales ? Tout simplement parce que la responsabilité des parents va de pair avec l'autorité parentale, qui leur impose des droits, mais surtout des devoirs. Le soutien financier qu'offre la nation aux familles pour l'éducation des enfants ne peut qu'être conditionné au respect, par les parents bénéficiaires, de leurs devoirs parentaux.
Notre ordre juridique interne prévoit bien la responsabilité civile des parents pour les faits commis par leurs enfants. Il prévoit aussi que les parents qui s'occupent mal de leurs enfants peuvent être pénalement sanctionnés. Mais ces sanctions, prévues à l'article 227-17 du code pénal sont, dans la pratique, très peu appliquées par les magistrats. La preuve, c'est que le garde des sceaux s'est vu contraint de rappeler aux juges leur existence dans une circulaire relative au traitement judiciaire des violences urbaines. Peut-on offrir meilleure démonstration de l'inapplication de ces sanctions que ce rappel aux magistrats, signé de la main du ministre ?
On voit bien qu'un vide juridique vient limiter l'invocation de la responsabilité parentale lorsque des enfants commettent des exactions violentes ;
M. Charles Sitzenstuhl s'exclame
il restreint aussi l'autorité de l'État face à ces situations. Une chose est sûre : c'est un vide qu'il nous faut combler en nous montrant audacieux et innovants.
Tel est justement le cœur de ma proposition de loi, coécrite avec la présidente du groupe Rassemblement National, Marine Le Pen.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Nous vous proposons un dispositif simple et lisible : lorsqu'un enfant à charge est définitivement condamné par la justice à un crime ou à un délit puni de plus de deux ans d'emprisonnement, on peut décider de retirer la part d'allocations familiales le concernant.
Ce retrait peut bien sûr varier selon la gravité de la condamnation : il peut durer vingt-quatre mois lorsque l'enfant est condamné au titre d'un délit…
…ou durer le temps de l'incarcération si l'enfant est condamné à une peine d'emprisonnement de plus de deux années. Le retrait est définitif lorsqu'il s'agit d'un crime.
Nous proposons d'organiser cette procédure de retrait en plusieurs étapes. D'abord, le parquet transmet au préfet l'ensemble des décisions définitives qui concernent les mineurs et majeurs de moins de 20 ans. Ensuite, la préfecture trie ces décisions pour déterminer celles qui sont susceptibles de conduire à une suppression ou à une suspension des allocations familiales. Les parents concernés sont alors contactés et peuvent présenter leurs observations sur ce sujet, soit par écrit, soit oralement, sur demande de leur part. Bien sûr, ils peuvent être assistés d'un conseil ou se faire représenter par un mandataire de leur choix.
Puis à la lumière de ces observations, le préfet détermine s'il y a lieu ou non de retirer les allocations familiales pour la part qui concerne l'enfant condamné. Les choses, là aussi, sont simples : soit les parents ont pu démontrer qu'ils ont agi de façon responsable en tentant d'empêcher leur enfant de commettre l'infraction pour laquelle il a été condamné, soit ils y ont failli, se rendant ainsi coupables de carences parentales. Dans le second cas, le préfet prend la décision de suspendre ou de supprimer les allocations familiales. Cette décision n'est donc pas automatique et dépendra des circonstances. Ultime étape : le préfet transmet sa décision à la caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) et aux caisses d'allocations familiales (CAF) pour qu'elles l'exécutent sans délai.
Bien sûr, d'aucuns prétendront qu'une telle procédure ne respecte pas le droit des peines, le principe de responsabilité pénale individuelle ou encore la charge de la preuve.
Mais ces arguments sont en réalité des incantations juridiques creuses, dans la mesure où ils ne peuvent concerner une procédure qui n'a ici rien d'une procédure judiciaire.
Ça ne vous embête pas de balayer les droits de l'homme d'un revers de la main, visiblement !
D'ailleurs, cette procédure tire son inspiration de dispositifs qui ont déjà existé et qui, pour certains, existent toujours à cette heure. Je pense évidemment à la loi Ciotti de 2010 visant à lutter contre l'absentéisme scolaire, qui permettait à l'inspecteur d'académie de prononcer le retrait des allocations familiales quand un enfant ne se présentait pas à l'école.
Cette procédure – qui ne passe pas non plus par le juge, vous en conviendrez – avait été considérée par le Conseil d'État lui-même comme étant conforme à nos principes constitutionnels et à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Je veux aussi citer quelques exemples locaux. Poissy, Valence, Caudry : dans plusieurs communes, les élus ont fait le choix de limiter les aides accordées aux familles lorsque les enfants commettent des infractions. On peut aussi penser aux conventions qui sont passées par plusieurs communes avec les bailleurs sociaux pour prévoir l'expulsion de certaines familles de délinquants des logements sociaux qu'elles occupent. Il me semble d'ailleurs avoir entendu que le ministre de l'intérieur souhaitait leur généralisation.
Ces différents exemples me paraissent particulièrement intéressants car, tout en étant différents dans leur contenu, ils se fondent sur cette même logique : une aide sociale ou familiale accordée par l'État ou les collectivités va de pair avec des devoirs qui doivent être respectés. Ils font ainsi la démonstration que le levier des aides familiales a été considéré par plusieurs élus, issus de différents groupes politiques, comme un moyen d'action efficace pour responsabiliser les parents. Et soulignons qu'au travers de ces élus, c'est en réalité la majorité des Français qui trouve cette démarche logique et légitime.
Mme Caroline Abadie s'exclame.
La proposition de loi que je vous présente aujourd'hui n'est bien sûr pas une solution absolue, mais elle a au moins le mérite de constituer un premier élément de réponse à ces problèmes. En tant que législateur, je considère qu'il est de notre responsabilité de proposer une évolution législative qui permettra d'enrayer la violence de nos jeunes, de restaurer l'ordre public et de mieux responsabiliser les parents.
M. Jérôme Guedj s'exclame.
Tel est l'objet de la proposition de loi que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui, dans la perspective de ce que proposait le Président de la République en juillet dernier : sanctionner financièrement et facilement les familles, dès la première infraction commise. En réponse aux attentes des Français sur ce sujet, j'espère que nos discussions nous permettront aujourd'hui d'agir de façon responsable et d'avancer de manière constructive en nous appuyant sur cet alignement des volontés politiques, depuis la majorité présidentielle jusqu'au groupe Rassemblement national.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Mesdames et messieurs les députés, je veux tenir ici un discours de vérité, sans tabou. Avons-nous été choqués par les violences et les dégradations commises en juin dernier ? Oui. Considérons-nous que ces faits doivent être condamnés pénalement ? Oui. Devons-nous rappeler aux parents leurs responsabilités ? Oui. La loi le permet-elle ? Oui. La loi suspend-elle déjà les allocations en cas d'incarcération ? Oui.
Je regrette de constater que le groupe Rassemblement national a voulu, avec ce texte, faire croire aux Français que nous vivons dans la plus grande impunité et que l'État ne sanctionne rien.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Nous y sommes malheureusement habitués : son objectif est toujours d'alimenter les fantasmes et les peurs et de nourrir des croyances infondées sur nos intentions. .
Mêmes mouvements
C'est donc avec beaucoup de confiance et de conviction que je viens vous demander de rejeter ce texte.
Au préalable, j'affirme clairement que nous condamnons avec la plus grande fermeté les violences et les dégradations que nous avons connues cet été. Brûler les bâtiments publics, des écoles, des mairies, des bibliothèques, piller des commerces, tirer avec des armes de guerre sur les policiers, attenter à la vie des élus et de leurs familles : il n'y a aucune excuse, aucune justification à de tels actes, et il n'y en aura jamais.
Face aux violences urbaines, la réaction des services de l'État a été immédiate et claire.
Ce sont jusqu'à 45 000 policiers et gendarmes qui ont été mobilisés dans l'ensemble du territoire. Policiers, gendarmes, pompiers, agents de police municipale, soignants ont été pleinement engagés, à chaque instant. Je veux une fois encore leur rendre hommage.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Sur toute la période, plus de 4 000 interpellations ont eu lieu. Ce fut donc l'inverse du chaos. Cette stratégie visait justement à empêcher que le désordre ne s'installe dans notre pays. Ensuite, nous avons fait preuve d'une fermeté absolue : au 1er août, 2 519 majeurs étaient poursuivis, 1 249 condamnés, dont 60 % à une peine d'emprisonnement ferme.
Et oui, nous regardons en face la réalité de ces jours et nuits d'émeutes : nous avons vu des délinquants jeunes, trop jeunes, de 13 ou 14 ans. C'est une évidence, mais je tiens à la rappeler : non, on ne sort pas seul la nuit à cet âge-là.
Mais la réponse que vous apportez est un dévoiement de la justice pénale des mineurs,…
…qui plus est en vous référant à une sanction qui existe déjà en grande partie. Une fois de plus, vous n'êtes pas à la hauteur.
Protestations sur les bancs du groupe RN.
J'ai regardé de façon approfondie votre proposition. Contrairement à ce que vous affirmez, monsieur le rapporteur, elle n'est ni simple ni lisible.
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe RE.
J'ai voulu comprendre le dispositif lourd, complexe et sinueux que vous proposez – un dispositif qui alourdirait notre système administratif.
Regardons en détail votre proposition.
Le ministère public est supposé transmettre l'ensemble des décisions définitives qui concernent les mineurs et les majeurs de moins de 20 ans au préfet lorsqu'ils sont condamnés, pour un crime ou un délit puni de deux ans d'emprisonnement, à une peine ou une mesure éducative autre que le placement. Le préfet doit ensuite trier les décisions qui lui sont transmises pour déterminer lesquelles sont susceptibles de conduire à une suspension ou à une suppression des allocations familiales, puis mettre les parents en mesure de présenter leurs observations. À l'issue de cette phase, le préfet peut finalement décider d'exonérer ou non les parents du retrait des allocations familiales Sur quels critères ? On ne sait pas – mais sommes-nous à un détail près ?
Revenons à votre fine mécanique car, même si j'en ai déjà beaucoup dit, nous n'en sommes qu'à mi-parcours.
Le préfet doit enfin transmettre sa décision à la CAF compétente pour que celle-ci applique sans délai la décision de suspendre ou de supprimer les allocations familiales. Autrement dit, le temps que l'ensemble de cette procédure soit mise en œuvre, surtout si l'on ajoute le temps du recours administratif, elle ne trouverait presque jamais à s'appliquer. En matière d'efficacité, on a vu mieux !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Vous me permettrez de revenir un instant sur le caractère inconstitutionnel de ce que vous proposez.
Vous créez une responsabilité pénale du fait d'autrui, ce qui est contraire au principe constitutionnel de responsabilité pénale du fait personnel.
Madame la présidente Le Pen, vous ne pouvez pas, étant avocate, l'ignorer.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
En droit français, sachez, mesdames et messieurs les députés du Rassemblement national, que nul n'est pénalement responsable que de son propre fait. La privation des allocations familiales pour un foyer au motif que l'un de ses membres a commis une infraction pénale n'est pas compatible avec le principe de responsabilité personnelle en matière répressive qui résulte des articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
« Eh oui ! » et applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Mme Marine Le Pen conteste.
Ce principe s'applique non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives, mais aussi à toute sanction ayant le caractère d'une punition.
En outre, la perte des allocations familiales, qui sont destinées à contribuer aux frais liés à l'entretien et à l'éducation des enfants, est manifestement inappropriée à la répression de la délinquance des mineurs. Ainsi, s'agissant des délits, l'application stricte de votre proposition conduirait à suspendre les allocations aux parents d'un enfant qui vole à l'étalage ou qui triche à un examen. Est-ce vraiment là l'objectif que vous voulez atteindre ?
Outre vous convaincre du caractère inconstitutionnel de la proposition de loi, je voudrais, mesdames et messieurs les députés, vous assurer que les règles juridiques existantes permettent déjà de faire beaucoup.
S'agissant des incarcérations, ce que vous proposez, monsieur le rapporteur, est déjà couvert par le droit existant. Je vous rappelle que les allocations familiales sont versées aux personnes qui assument la charge effective de l'enfant. En cas d'incarcération, l'enfant n'est par définition plus à charge.
Au-delà du champ des allocations familiales, je redis ici qu'il est possible d'engager la responsabilité des parents défaillants en plus de sanctionner leurs enfants qui commettraient des délits ou des crimes.
Oui, il est possible d'engager la responsabilité pénale des parents qui se soustraient à leurs obligations légales au point de compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation de leurs enfants. Les parents peuvent voir leur responsabilité pénale engagée en cas de manquement grave à leurs obligations. Ils sont alors passibles d'une peine de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende…
…ou, dans une démarche plus pédagogique et dans le cadre d'une alternative aux poursuites, d'un stage de responsabilité parentale.
Oui, les parents sont solidairement responsables des dommages causés par leurs enfants mineurs qui habitent avec eux.
Rappelons avec force ce que nous avons fait.
Sous le précédent quinquennat, nous avons créé un nouveau code de justice pénale des mineurs, entré en vigueur le 30 septembre 2021.
En effet, ça marche bien, et je suis fière d'appartenir à la majorité qui a défendu ce texte et redonné de la cohérence et de la lisibilité aux mesures de l'ordonnance de 1945.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Cela a permis notamment d'accélérer la procédure de jugement des mineurs,…
…avec une audience en deux temps : une première de culpabilité, qui doit intervenir dans un délai compris entre dix jours et trois mois, et qui est suivie d'une mise à l'épreuve éducative ; et une seconde consacrée au prononcé de la sanction, qui doit intervenir dans un délai compris entre six et neuf mois.
En parallèle, les victimes peuvent se constituer partie civile bien plus rapidement qu'auparavant. Entre 2019 et 2023, le délai entre les poursuites et le jugement a été réduit, drastiquement, de plus de 40 %.
Dans un esprit de responsabilité, loin des incantations et de la course à l'idée la plus populiste, notre seul objectif doit être d'obtenir des résultats, et de répondre aux failles existantes.
La première concerne la suspension des allocations familiales en cas d'emprisonnement d'un enfant à charge. Sur ce sujet, je veux être très claire. Comme je viens de vous le rappeler, les allocations familiales sont suspendues pour les parents dont un enfant est incarcéré, à raison de la part qu'il représente. Aujourd'hui, c'est aux parents qu'il revient de déclarer le changement de situation. Le contrôle de ces déclarations est fait par les CAF, de la même manière que pour les autres déclarations. En cas d'erreur ou de fraude, l'indu peut certes être recouvré, mais ce n'est pas suffisant et je veux y remédier.
Le dispositif doit être réformé, pour que la suspension des allocations familiales soit effective et immédiate en cas d'emprisonnement d'un enfant. C'est pourquoi je souhaite que nous renforcions les échanges d'information entre les juridictions et les CAF. Celles-ci doivent pouvoir avoir accès à l'information au moment de la condamnation sans avoir à attendre la déclaration des parents de l'enfant incarcéré. Nous ne pouvons pas faillir dans l'application du droit.
« Très bien ! » sur les bancs du groupe RE.
La deuxième faille concerne la responsabilisation des deux parents. Notre droit actuel ne s'est pas suffisamment adapté à une évolution majeure des configurations familiales : la monoparentalité, qui concerne désormais une famille sur quatre. Quid de toutes ces mères que l'on dit seules sans se poser plus de questions, et qui se retrouvent à assumer seules toutes les responsabilités, alors que l'on devrait se demander où sont les pères ?
Un principe simple doit nous guider : on peut se séparer de son conjoint, mais jamais de ses enfants. Quand on a des enfants, c'est pour toute leur vie que nous nous engageons et que nous avons une responsabilité à leur égard. Cette responsabilité, ce n'est pas juste une pension alimentaire, c'est le devoir pour tout parent d'exercer pleinement son autorité parentale. Nous ne pouvons pas laisser les femmes seules tout le temps en première ligne.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR
Nous avons la mission de réinvestir politiquement la question de la parentalité, parce que nous avons le devoir d'accompagner tous les parents à exercer au mieux leurs responsabilités face aux évolutions de notre société et aux nouveaux risques auxquels leurs enfants – nos enfants – sont exposés à des âges charnières de la vie : la sédentarité, les écrans.
Sourires sur les bancs du groupe RN.
Agir auprès des parents est un levier d'action évident pour la prévention précoce de nombreux risques. Or les parents manquent de repères. Le soutien à la parentalité peine à émerger comme une politique publique à part entière ; ses dispositifs demeurent locaux, mal coordonnés, mal connus des parents et sont, en définitive, trop peu utilisés.
Dans le même temps, et paradoxalement, les parents sont submergés par une masse de discours sur la parentalité ou sur les méthodes éducatives, et ils ne savent pas à qui ils peuvent faire confiance.
Le contexte de recomposition majeure des familles depuis un demi-siècle – délitement du cercle familial, augmentation des séparations conjugales, recompositions, éloignement des grands-parents qui conseillent ou relaient en cas de besoin –, l'apparition de nouveaux risques font qu'il est peut-être plus compliqué d'être parent aujourd'hui. C'est toute cette réflexion que je souhaite engager pour aboutir à une politique structurée et cohérente de l'accompagnement des parents, les pères comme les mères, à tous les moments clefs de la vie des familles, face aux défis qu'elles rencontrent, petites questions du quotidien comme situations exceptionnelles ou difficiles. Il n'y a pas de tabou dans les pistes que nous explorons.
Ce sont ces travaux ambitieux, systématiques, structurants, qui seront efficaces pour répondre avec fermeté et justice aux manquements des mineurs auteurs et des parents défaillants et pour appeler à la responsabilité des uns et des autres : tout l'inverse de la proposition inconstitutionnelle, partielle, inopérante et clairement populiste que vous proposez.
Vous l'aurez compris, le Gouvernement est défavorable à cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Notre pays subit depuis trop longtemps une délinquance et une criminalité juvéniles, toujours plus importantes, toujours plus violentes.
L'autorité n'est plus. Elle est bafouée par des délinquants et criminels toujours plus jeunes, qui n'hésitent pas à agresser les forces de l'ordre, à brûler des écoles, à piller des commerces, à commettre des agressions sexuelles.
Elle est mise à mal par un système judiciaire laxiste où la culture de l'excuse est prégnante. Bien trop souvent, si ce n'est de façon quasi systématique, la réparation n'est pas à la hauteur du préjudice causé, et c'est la société qui paie la note.
Les récentes émeutes qui ont frappé notre pays et dont le coût avoisine 1 milliard d'euros en sont le parfait exemple : un tiers des interpellés étaient mineurs ; certains n'avaient que 11 ou 12 ans.
Les Français n'en peuvent plus d'être condamnés à la double peine. Ils subissent et ils paient. Ils se posent une question essentielle : que font et où sont les parents de ces délinquants et criminels – ceux qui se retrouvent au cœur d'émeutes nocturnes ou derrière le volant d'un véhicule de plusieurs centaines de chevaux à l'heure de l'école, ceux qui violentent une femme de 90 ans pour lui voler son argent ou qui violent une jeune fille de 13 ans tout en filmant la scène, ceux qui font l'apologie du terrorisme ou qui promettent à leur professeur de subir le même sort que Samuel Paty ?
Pour ces faits graves, nous devons recourir au retrait ou à la suspension des allocations familiales sans aucun sentiment de culpabilité. C'est même le minimum que nous puissions faire.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Cette mesure de bon sens est un message envoyé aux Français : les familles d'enfants délinquants ou criminels ne bénéficieront plus du soutien financier des contribuables. Arrêtez de tout excuser, de faire porter la responsabilité tout entière à notre société alors que la charge éducative incombe aux parents. La solidarité nationale qui s'exprime à travers les prestations sociales est un droit consenti aux familles, mais l'éducation des enfants par les familles est un devoir que nous devons rappeler.
Souvenez-vous, chers collègues, que vous siégez ici selon la volonté des Français et que sept Français sur dix soutiennent cette mesure. Le chef de l'État s'est exprimé en faveur d'une sanction financière envers les familles dès la première infraction. Nombre d'entre vous ont fait cet été le tour des chaînes de télévision, s'émouvant de trouver une telle proportion de mineurs dans les rues, en pleine nuit, pendant les émeutes. On vous sert aujourd'hui sur un plateau ce qui manque à une majorité d'entre vous : l'alliance de la parole et des actes.
Mêmes mouvements.
Au Rassemblement national, nous sifflerons la fin de la récréation pour les mineurs délinquants et criminels, nous rétablirons l'autorité de l'État et remettrons notre pays en ordre.
Cela va sans dire, le groupe Rassemblement national votera en faveur du texte.
Mêmes mouvements.
Permettez-moi de vous rappeler deux principes édictés par la Convention relative aux droits de l'enfant : la famille « doit recevoir la protection et l'assistance dont elle a besoin pour pouvoir jouer pleinement son rôle dans la communauté » ; les droits et libertés de l'enfant s'appliquent « sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation ».
Le Rassemblement national se fiche bien de cette convention. Quel projet de société propose-t-il aux Français ? Celui d'ajouter de la misère à une précarité déjà certaine pour des familles qui survivent à l'aide d'allocations familiales, dans un contexte où les prix s'affolent et où, en revanche, la Cnaf chiffre à 10 milliards d'euros chaque année le montant des aides non réclamées.
Avant de vouloir suspendre ou supprimer le versement des allocations familiales, encore faudrait-il s'assurer qu'elles sont correctement versées !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Du reste, votre rengaine n'est pas nouvelle. Il y a vingt ans, déjà, Tryo nous livrait ces paroles dans sa chanson Récréaction : « Hé ouais ! On prend des décisions / Les gens d'en bas sont mauvais en termes d'éducation / Puisqu'ils gèrent mal leurs mouflets, puisqu'ils tiennent mal leur maison / On va leur sucrer les allocations ».
En 2005, déjà, les révoltes urbaines avaient justifié la création d'un « contrat de responsabilité parentale ».
En 2010, déjà, dans la loi visant à lutter contre l'absentéisme scolaire, la droite imposait, sans étude d'impact ni réflexion prospective préalable, un dispositif de suspension du versement des allocations familiales. Un rapport du Sénat a ensuite appelé à son abrogation, estimant : « Rien dans les statistiques disponibles ne suggère […] que le dispositif de suspension des allocations familiales ait été efficace ». La Cnaf, quant à elle, a mis en lumière l'échec de la mesure.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Quand comprendrez-vous que les sanctions appliquées aux prestations familiales sont inefficaces et indignes ? Et qu'il est absurde et irresponsable de vouloir infliger une triple peine ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Faut-il rappeler qu'un enfant qui entre en conflit avec la loi est un enfant en danger ? Faut-il rappeler que les services de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) et de l'aide sociale à l'enfance (ASE), pour ne citer qu'eux, ne cessent de réclamer des moyens ? Faut-il rappeler que c'est la politique ultralibérale qui a dégarni nos services publics, nos écoles, nos hôpitaux, éloignant toujours plus les familles des services de proximité et les rapprochant toujours plus de la précarité ?
Vous ne cessez de demander le retour de l'autorité de l'État, mais qu'en est-il de sa responsabilité et de ses devoirs envers les enfants qui composent notre nation ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Au lieu de s'en préoccuper, l'extrême droite s'obstine à faire porter aux familles déjà en difficulté la responsabilité du désengagement des pouvoirs publics.
D'ailleurs, quelle ingénieuse idée que de demander aux parents d'apporter la preuve qu'ils ont tenté d'empêcher leur enfant de commettre un délit ou un crime ! Peut-être avez-vous prévu de nous expliquer, mesdames et messieurs du RN, s'il faut envoyer un texto à son enfant chaque jour pour éviter une fugue, s'il faut filmer son horaire de retour au domicile ou encore s'il faut placer à son insu des caméras dans son manteau ?
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Cette proposition de loi masque vos intentions réelles. Vous avez besoin d'aide, semble-t-il, pour mieux exprimer votre pensée.
Peut-être manquez-vous de courage pour formuler clairement votre projet ? Ce texte aurait dû être intitulé : « proposition de loi visant à stigmatiser les enfants des quartiers populaires ».
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Ce qui vous rebute, ce sont les familles précaires, les familles des quartiers populaires. D'ailleurs, vous n'avez que faire du pouvoir d'achat, et vous avez toujours refusé d'augmenter le Smic.
Exclamations prolongées sur les bancs du groupe RN.
Auriez-vous des idées analogues à proposer pour taxer les parents ultrariches dont les enfants commettent un crime ou un délit ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous poursuivez votre traque à l'encontre de parents que vous jugez démissionnaires. Pourtant, combien de parents inquiets ont tiré la sonnette d'alarme ? Permettez-moi de vous parler de Murielle, 42 ans ,
« Ah ! » sur les bancs du groupe RN
qui cumule deux emplois et élève seule ses deux enfants, âgés de 16 et 12 ans. Elle a sollicité l'ASE, car elle craint que sa fille aînée ne continue de fuguer ; elle s'est rendue au commissariat pour indiquer que son enfant n'était pas rentrée ; elle a tenté de joindre le 119, saturé d'appels ; elle désespère d'obtenir un rendez-vous auprès de travailleurs sociaux débordés. Que répondez-vous concrètement à Murielle ? Rien !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous utilisez de façon démagogique les révoltes urbaines, qui ont fait suite à la mort d'un jeune homme de 17 ans prénommé Nahel, causée par un agent de police. Cette mort tragique a réveillé une colère légitime face à un racisme systémique et face au mépris dont témoigne une politique de classe.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.
Pour vous, la délinquance a une origine géographique, une classe sociale, un visage. Pour reprendre les mots de Kery James, « Au cœur de débats, des débats sans cœur / Toujours les mêmes qu'on pointe du doigt dans votre France des rancœurs ».
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES – Plusieurs députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et continuent à applaudir. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
À la fin du mois de juin 2023, la France a connu des émeutes d'une ampleur sans précédent. À la différence des émeutes de 2005, celles-ci se sont déroulées sur la presque totalité du territoire, parfois dans de toutes petites villes paisibles, et non uniquement dans les grandes villes. Elles ont impliqué des personnes très jeunes.
Cette proposition de loi vise à créer un mécanisme permettant de suspendre ou de supprimer les allocations familiales pour les parents de mineurs délinquants, à établir un barème de réduction croissant en fonction du délit commis par le mineur délinquant et à assurer, au niveau territorial, une coordination étroite entre ministère public et préfet de département.
Le renseignement territorial a montré que les dernières attaques contre la République avaient été le fait d'auteurs de plus en plus jeunes, parfois âgés d'à peine 12 ans. Dès lors, il devient nécessaire d'adapter notre législation à l'évolution du profil des délinquants, afin de la rendre plus dissuasive. En effet, si certains textes de loi prévoient déjà des sanctions pour les parents, ils sont très difficiles à mettre en œuvre.
L'article 371-1 du code civil rappelle que « l'autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs »…
…et précise que les parents doivent assurer l'éducation de leurs enfants. L'article 227-17 du code pénal prévoit que les parents s'exposent à deux ans d'emprisonnement et à 30 000 euros d'amende dans le cas où ils se soustraient à leurs obligations légales « au point de compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation » de leur enfant. Malheureusement, cette disposition reste le plus souvent impossible à appliquer.
Depuis de nombreuses années, le groupe Les Républicains est convaincu que la responsabilisation des parents est un levier majeur pour limiter fortement la délinquance dans notre pays. En 2010, notre collègue Éric Ciotti avait fait adopter une loi prévoyant la suspension des allocations familiales en cas d'absentéisme scolaire.
Le 20 juillet dernier, notre collègue Jean-Louis Thiériot a déposé une proposition de loi de même nature, visant à suspendre les allocations familiales et prestations sociales aux parents des enfants délinquants. Le même jour, Éric Ciotti, président de notre parti, a déposé une proposition de loi visant à responsabiliser les parents des enfants délinquants et absentéistes.
De nombreux pays européens ont déjà instauré de tels dispositifs, à l'instar du Royaume-Uni et de la Suède. Les Français sont eux aussi favorables à une telle mesure : selon une étude réalisée par Odoxa et Backbone Consulting pour Le Figaro, qui l'a publiée le 6 juillet, 77 % des Français souhaitent que les familles des émeutiers mineurs soient sanctionnées financièrement.
Si les pillages et agressions sont le fait de leurs auteurs directs et si des mesures doivent être prises pour aider les parents en difficulté, notamment les mères élevant seules leurs enfants, il faut aussi faire en sorte que les parents assurent sans ambiguïté leur rôle éducatif. Par ailleurs, il n'est pas justifié que des parents démissionnaires profitent des aides et prestations sociales et familiales. Ceux-ci doivent être sanctionnés dans ce domaine lorsque leurs enfants mineurs détruisent des biens et agressent les forces de l'ordre. Par de telles actions, les enfants s'extraient du vivre ensemble.
Ils ne peuvent exiger de notre société de bénéficier de la solidarité nationale.
M. Éric Dupond-Moretti, ministre de la justice, l'a rappelé en juillet : « Il faut remettre les pendules à l'heure. » Il n'est pas normal de voir des adolescents de 13 ans traîner la nuit dans les rues. Les parents demeurent les premiers éducateurs de leurs enfants.
En sanctionnant financièrement les parents dès le premier délit commis par leur enfant, cette proposition de loi remplit une fonction pédagogique…
…en faveur de la sécurité des Français. Ce mécanisme est ainsi un outil supplémentaire de lutte contre la délinquance des mineurs, lesquels risquent de commettre demain des délits de plus en plus graves, s'ils ne sont pas mis en face de leurs responsabilités aujourd'hui, dès leurs premières infractions.
Il paraît d'autant plus pertinent d'agir quand on connaît le niveau de récidive des mineurs après leur majorité. En effet, le rapport d'information du Sénat intitulé « Prévenir la délinquance des mineurs – Éviter la récidive », remis le 21 septembre 2022, précise : « Un nombre non négligeable de mineurs est […] en état de récidive ou de réitération après la majorité : le taux de réitération observé dans les cinq années de la première condamnation est supérieur à 50 % pour les mineurs primo-condamnés ». Ce chiffre provenait de la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG).
L'instauration de sanctions financières permettra la prise de conscience, par les parents, de la gravité de la situation et de leurs responsabilités.
Elle permettra ainsi de limiter la récidive de ces jeunes. Notre groupe votera en faveur de ce texte.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et RN. – M. le rapporteur applaudit aussi.
Il faut qu'ils demandent à M. Gosselin de venir dans l'hémicycle ! Il ferait du droit !
Après l'avoir examinée en commission la semaine dernière, nous étudions en séance publique la proposition de loi visant à supprimer ou à suspendre les allocations familiales pour les parents d'enfants criminels ou délinquants. Ce texte illustre la vision défendue par le Rassemblement national, selon laquelle la justice des mineurs serait laxiste. Nous pouvons d'ailleurs lire, dès la première ligne de l'exposé des motifs : « L'impunité des mineurs est une hormone de croissance de la délinquance. »
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
…que je représente sur ce texte.
La principale mesure proposée dans ce texte est la suspension des allocations familiales pour les parents dont les enfants ont été reconnus coupables ou complices d'un crime ou d'un délit. Entendons-nous bien, le groupe Démocrate considère que le vivre ensemble doit exister par le respect de l'ordre républicain.
M. Erwan Balanant applaudit. – Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.
C'est un impératif pour notre société, et nous condamnons et continuerons à condamner systématiquement et fermement les violences urbaines lorsqu'elles surviennent. Seulement, la solution proposée ne nous paraît pas la plus efficace.
Déposé dans le contexte récent des émeutes de juin 2023, ce texte appelle à l'application du principe du casseur-payeur. Il juge le mineur délinquant d'office, comme une sorte d'enfant roi, maléfique et intouchable.
M. Laurent Jacobelli fait un signe de dénégation.
Proposer ce texte, c'est oublier que les réactions et réponses de la société ont été rapides et sans appel : les populations, les élus – nationaux comme locaux –, la police et la justice ont condamné ces violences. C'est oublier que les enquêtes ont été menées de manière efficace et que la réponse pénale n'a pas tardé.
Proposer ce texte, c'est outrepasser le principe pénal de responsabilité personnelle.
Proposer ce texte, c'est nier l'esprit de notre droit positif, notamment celui du code de la justice pénale des mineurs, qui rappelle l'importance d'accompagner ces jeunes et consacre la primauté de l'éducatif sur le répressif. Effectivement, les parents doivent assurer leur rôle et assumer leurs responsabilités.
Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.
Oui, ces mesures de prévention et d'accompagnement ne portent pas leurs fruits immédiatement. C'est un peu comme le temps de semer la graine, de la laisser germer puis pousser,…
Non, sanctionner en recourant à un outil de politique familiale ne résoudra pas, à notre sens, le problème de la délinquance juvénile. D'autant qu'il existe déjà, dans notre droit – je le rappelle ici –, des sanctions financières, notamment des amendes, voire des peines d'emprisonnement, à l'encontre des parents défaillants dans leur devoir d'éducation.
Si l'on établit un parallèle entre ce dispositif et celui de la loi Ciotti, adoptée en 2010 pour lutter contre l'absentéisme scolaire, on se rend compte que les mesures de cette nature sont inefficaces. « Rien dans les statistiques disponibles ne suggère donc que le dispositif de suspension des allocations familiales ait été efficace », concluait un rapport de 2012, appelant à l'abrogation de cette loi après l'avoir évaluée. On avait même relevé, à cette période, une augmentation de l'absentéisme dans l'ensemble du secondaire, celle-ci étant passée, d'une année sur l'autre, de 4,3 % à 5 %.
D'autre part, si nous traversons la Manche pour prendre l'exemple du Royaume-Uni, qui applique depuis plusieurs années une législation répressive à l'égard des parents en vue de lutter contre l'absentéisme scolaire, on constate que le nombre de cas augmente, que les amendes se multiplient et que leur montant a presque doublé. Or l'absentéisme perdure, voire progresse.
MM. Arthur Delaporte et François Piquemal applaudissent.
Non, définitivement, sanctionner les parents en réduisant, voire en supprimant une aide sociale…
…qui a pour objectif de répondre aux besoins primordiaux des familles et d'enrayer un processus de pauvreté et d'exclusion, ne serait, à notre sens, ni juste, ni équitable, ni efficace.
Comme en commission, le groupe Démocrate votera contre cette proposition de loi, dont il ne partage ni la philosophie ni les solutions.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et sur plusieurs bancs du groupe RE. – M. Pierre Dharréville applaudit aussi.
On croyait que le RN était un parti rétrograde. Aujourd'hui, il a quelques semaines d'avance sur Halloween : c'est le musée des horreurs.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
On a commencé par essayer de piller une proposition de loi féministe. On aura, plus tard, les tests osseux sur les mineurs. Ici, c'est Peur sur la ville !
Je lis dans l'exposé des motifs : « L'impunité des mineurs est une hormone de croissance de la délinquance » ; …
M. Arthur Delaporte poursuit sa lecture sur un ton emphatique
« un état de désordre endémique, dont les images et les échos sont glaçants de brutalité »,…
…« les nuits se suivent et se ressemblent, le pays est en proie à la violence »… Ils sont dans vos villes, dans vos campagnes !
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
C'est ça, le Rassemblement national : un parti qui joue sur les peurs et qui détourne les chiffres, un parti qui présente une réalité alternative. Vous écrivez que le nombre total de mises en cause de mineurs a bondi de 150 % en quarante ans. Peur sur la ville ! Restons-en aux faits : en 1999, 170 387 mises en cause de mineurs ; en 2018, 177 761 ; en 2019, 166 589, et environ 168 000 en 2006. Vous voyez que les mises en cause de mineurs sont stables depuis trente ans. En affirmant qu'elles ont augmenté de 150 %, vous jouez sur les peurs.
Vous parlez d'impunité : quand on regarde les chiffres du ministère de la justice, on constate que le nombre de classements sans suite diminue depuis 2006. Vous racontez n'importe quoi.
L'évolution actuelle de la justice pénale des mineurs vise à mieux accompagner les mineurs et à mieux les insérer. On peut évidemment regretter le manque de moyens, mais que voulez-vous faire ? Jouer sur les peurs avec des outils profondément inefficaces. La proposition de loi d'Éric Ciotti visant à retirer les allocations familiales aux parents d'enfants absentéistes a eu un effet redoutable pour les 472 familles qui ont été condamnées. Qu'a-t-on observé ? L'absentéisme a augmenté.
Comme l'a très bien dit Maud Petit, du groupe Dem – dont je regrette qu'il n'ait pas adopté la même philosophie lors de l'examen du projet de loi sur la réforme du RSA
MM. François Piquemal et Benjamin Lucas applaudissent
– , ce qui se passe, quand on pénalise les familles les plus précaires, c'est l'échec. Leur retirer de l'argent ne fait qu'aggraver la pauvreté et renforcer l'origine de la délinquance. Il y a bien un problème factuel : vous proposez des mesures qui ne servent à rien et qui n'ont pas d'effet.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Il y a un deuxième problème : en agitant ces peurs, vous avez une influence terrible sur le débat public. Si l'on prolonge votre raisonnement, on pourrait réduire les allocations familiales pour les plus riches, car eux aussi ont des enfants qui peuvent faire des bêtises. Malheureusement, ce n'est pas possible.
Alors, que faites-vous ? Vous tapez sur les plus pauvres, toujours sur les plus pauvres. C'est votre philosophie.
Vous auriez pu dire : « Nous sommes pour la moralisation de la vie publique. Nous allons retirer leurs financements aux partis condamnés pour abus de biens sociaux, pour escroquerie, etc. » Vous ne l'avez pas fait, parce que vous savez très bien que vous auriez été concernés, vous qui avez été longtemps dirigés par Jean-Marie Le Pen, condamné vingt-cinq fois dans sa vie,…
Vives exclamations sur les bancs du groupe RN
…vous dont le parti bénéficie des financements de la vie politique depuis tant d'années.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Vous êtes des multirécidivistes ; pourtant, vous continuez de stigmatiser les plus pauvres.
Exclamations renouvelées sur les bancs du groupe RN.
Votre texte, c'est Peur sur la ville, c'est de l'agitation de fantasmes, c'est de la démagogie sans solution.
Plutôt que d'apporter des solutions à des problèmes comme le manque de services publics ou le lien entre la police et la population, qui est problématique et qu'il faut absolument réparer – grâce à des moyens –, vous convoquez des fantasmes.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Après France Travail, c'est France rance, c'est France zombie, c'est la France qui peint des cauchemars auxquels elle apporte des solutions simplistes et impossibles. Derrière les cravates, les idées sombres pullulent mais, à la différence des punaises de lit, il ne suffit pas d'un nuage de vapeur sèche pour les faire disparaître. Il faut un combat sur les faits, que nous mènerons, mais aussi sur la morale, dont vous êtes bien loin. Nous le regrettons ; nous voterons contre ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Après la mort du jeune Nahel, survenue à Nanterre le 27 juin, des émeutes ont embrasé nos villes, avec des scènes de pillage et de saccage de biens publics et d'écoles. Après la sidération de la nation vient l'heure du bilan : la facture des dégradations s'élève à plus de 730 millions d'euros. Aux côtés des maires, des forces de l'ordre et des sapeurs-pompiers, le Gouvernement et la majorité ont agi et continuent d'agir pour que de tels épisodes ne puissent se reproduire à l'avenir : fermeté de la justice, doublement de la présence des forces de sécurité sur le terrain, hausse du budget du ministère de l'intérieur, implantation de 238 nouvelles brigades de gendarmerie.
Au-delà de ces réponses nécessaires, nous devons apprendre de ces émeutes, comprendre les défaillances du système éducatif et du cadre familial de ces jeunes. Quelle réponse sociale – puisque c'est ce qui doit nous préoccuper – peut-on apporter aux causes et aux conséquences de ces émeutes ?
Dans le cadre de la prévention de la délinquance des mineurs et de la récidive, le groupe Horizons souscrit à la nécessité de responsabiliser davantage les familles aux devoirs qui leur incombent au titre de l'autorité parentale, comme le code civil le prévoit. Cela inclut le contrôle des actions de leurs enfants. La responsabilisation financière peut en être l'un des moyens. Le Président de la République a d'ailleurs déclaré envisager de sanctionner financièrement les familles des enfants interpellés pendant les émeutes.
Si nous entendons l'inquiétude de nos concitoyens face à la délinquance des mineurs, nous ne partageons pas la solution de votre proposition de loi.
Cette solution consiste à suspendre de façon temporaire ou définitive le versement des allocations familiales aux parents d'enfants délinquants ou criminels. D'une part, l'introduction d'une sanction administrative, superposée à une décision de justice, est un principe qui nous interroge. D'autre part, la rédaction actuelle du texte pose des questions d'applicabilité.
Premièrement, cette sanction pourrait induire une rupture du principe d'égalité car elle crée une inégalité entre des familles qui sont dans la même situation au regard des conditions requises pour toucher ces allocations. Par ailleurs, les allocations familiales sont dues uniquement au deuxième enfant, ce qui aurait pour conséquence que les foyers ayant un seul enfant ne seraient pas concernés par cette mesure.
Deuxièmement, la clause consistant à demander aux parents de prouver qu'ils ont tenté d'empêcher la commission de l'infraction ne nous semble en aucun cas applicable.
Troisièmement, elle méconnaît la lourdeur de la procédure créée pour les collectivités. Rappelons que les jeunes interpellés pendant les émeutes avaient 17 ans en moyenne. Le temps que soit rendue une décision de justice définitive et que la procédure administrative arrive à son terme, la sanction sera caduque.
La délinquance des mineurs trouvera une réponse dans l'accompagnement de la parentalité et dans la prise en charge précoce des jeunes mineurs, dès les signes avant-coureurs de délinquance. Le traitement de cette question ne peut passer par l'ajout de difficultés supplémentaires, mais par une lutte plus efficace et plus durable contre la perte de cadre et d'autorité.
Le groupe Horizons et apparentés votera contre cette proposition de loi, inapplicable et inefficace.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes HOR, RE et Dem.
Supprimer les allocations aux familles dont un enfant a fait des bêtises,…
…voilà une proposition bien symptomatique du projet du Rassemblement national. Il s'agit de punir les parents pour qu'ils en veuillent à leur enfant, de pourrir une relation sans doute déjà difficile et de ne frapper que les familles, populaires, qui touchent les allocations familiales – absolvant ainsi les délinquants de bonne famille –, de dégrader les conditions de vie d'un enfant pour le châtier et de forcer à le punir plus encore.
Quelle société traite ses enfants de la sorte au lieu de les aimer ?
« Oh… » sur les bancs du groupe RN.
Quand ils cassent, quand ils tapent sur les policiers, ils les aiment ?
Nous avons entendu que la proposition de loi prétendait apporter une réponse aux émeutes de cet été. D'abord, on ferait mieux d'essayer de s'attaquer aux causes de ce malaise, aux fractures de notre société. Ensuite, le texte ne propose qu'une mesure vexatoire totalement inefficace. Enfin, la justice a été saisie et elle a effectué ou effectue son travail. La proposition de loi fait comme s'il n'y avait pas de sanctions, pas de services sociaux, pas de décisions de mise sous protection, comme s'il suffisait de couper les vivres aux gens pour les faire revenir dans le droit chemin.
Cette proposition méconnaît plusieurs principes de droit de notre République. En premier lieu, elle ignore l'individualisation de la peine, qui écarte l'automaticité et permet au juge d'adapter sa décision à la personne. L'individualisation de la peine consiste à ne pas rendre une personne responsable d'actes qu'elle n'a pas commis ; cela exclut la pratique de la sanction collective, car condamner quelqu'un pour quelque chose qu'il n'a pas fait relève tout simplement de l'injustice. À cet égard, supprimer les allocations familiales en vertu d'une présomption de culpabilité, même en ne supprimant que la part liée à l'enfant concerné, bouleverse toute l'économie familiale.
En second lieu, les ordonnances de 1945 ont consacré le principe de spécialisation de la justice des mineurs, celui de la protection de l'enfance et les principes fondateurs relatifs à l'enfance délinquante. La Convention internationale des droits de l'enfant souligne que les enfants ont droit à la protection. Lorsque les enfants ont des comportements délictueux, c'est qu'ils ne vont pas bien, qu'ils sont en danger, qu'ils se mettent en danger, qu'ils ont besoin d'aide, de soutien et d'accompagnement. Pour cela, les services publics de la protection de l'enfance et de la protection judiciaire de la jeunesse doivent se voir confier des moyens suffisants. Il existe bien des sanctions possibles. La justice examine toute la situation familiale et interroge les défaillances parentales. Les parents sont déjà comptables des actes de leurs enfants.
L'allocation familiale a pour but de garantir les droits de l'enfant en permettant aux parents de répondre à ses besoins, d'assurer son épanouissement et son éducation. La supprimer, c'est les entraver dans leur capacité à le faire. Cette allocation n'est pas un bonus, une récompense ou un luxe ; c'est le signe d'une société qui s'engage, qui est au rendez-vous de ses responsabilités auprès de chaque enfant et qui n'abandonne personne.
La République doit fixer des règles, fixer des limites et sanctionner lorsque c'est nécessaire. Elle est d'autant plus forte pour le faire qu'elle garantit les droits, qu'elle n'en fait pas un objet de chantage et qu'elle conçoit la peine dans sa dimension de réparation et d'amendement.
Cette proposition de loi n'aura aucun effet positif. Elle révèle des conceptions éducatives qui datent, comme on dit chez moi, de l'an pèbre. Elle méconnaît les mécanismes complexes de l'éducation. Comme s'il suffisait de vouloir pour son enfant ! On ne fait pas d'un enfant ce qu'on veut, on cherche sa route avec lui. Tant de choses construisent une personne humaine : ce que lui donnent ses parents, ce qu'elle trouve à l'école, ce qu'elle puise dans ses pratiques culturelles et sportives, ce qui se façonne dans les rencontres qu'elle fait.
Rien de bon ne se gagne dans le mépris. Certains veulent une société impitoyable, vengeresse, accablante. Nous voulons une société qui protège, accompagne et relève, une République qui défend toujours la dignité humaine, une République qui apprend, plutôt qu'à obéir avec docilité, à être libre et responsable. Nous voulons une République civilisée.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES. – MM. Gilles Le Gendre et Erwan Balanant applaudissent également.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion de la proposition de loi visant à supprimer ou à suspendre les allocations familiales pour les parents d'enfants criminels ou délinquants ;
Discussion de la proposition de loi visant à faire baisser la facture énergétique des Français et des entreprises sur le territoire ;
Discussion de la proposition de loi portant interdiction de l'écriture dite inclusive dans les éditions, productions et publications scolaires et universitaires ainsi que dans les actes civils, administratifs et commerciaux ;
Discussion de la proposition de loi visant la création d'un complément de revenu garanti par l'État pour les étudiants qui travaillent durant leurs études ;
Discussion de la proposition de résolution invitant le Gouvernement à accorder l'asile politique à Julian Assange ;
Discussion de la proposition de loi visant à renforcer le contrôle des déclarations de minorité des étrangers.
La séance est levée.
La séance est levée à treize heures.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra