France Insoumise (NUPES)
PCF & ultramarins (NUPES) PS et divers gauche (NUPES) EELV (NUPES)
Radicaux, centristes, régionalistes... LREM et proches (Majorité gouv.)
MoDem et indépendants (Majorité gouv.) Horizons (Majorité gouv.) LR et UDI
RN et patriotes
Non-Inscrits (divers gauche à droite sans groupe)
La séance est ouverte.
La séance est ouverte à seize heures.
Le texte que nous examinons aujourd'hui est particulièrement attendu par les 17 000 agents des douanes, dans la mesure où il est essentiel pour leur permettre de lutter plus efficacement contre les trafics, de mieux contrôler nos frontières, donc de mieux protéger les Français. Le débat qui s'engage est aussi le point d'aboutissement d'un travail de plusieurs mois, conduit en collaboration étroite avec les organisations syndicales, qui ont été consultées à chaque étape de l'élaboration du texte. Nous avons également travaillé en lien constant avec le Conseil d'État afin de nous assurer que l'équilibre trouvé est bien conforme aux exigences du Conseil constitutionnel.
Les débats qui se sont déroulés la semaine dernière en commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République ainsi qu'en commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire l'ont bien montré : il s'agissait de trouver le meilleur équilibre possible entre respect du droit et efficacité opérationnelle. Je crois que nous y sommes parvenus. Je saisis d'ailleurs l'occasion pour remercier dès à présent les rapporteures, Élodie Jacquier-Laforge et Nadia Hai, pour leur remarquable travail, ainsi que tous les députés qui ont contribué à enrichir le texte et à nourrir nos débats. Vous le savez, ce projet de loi a été adopté par le Sénat le 30 mai dernier à une très large majorité. Je veux croire qu'il existe à l'Assemblée nationale une majorité tout aussi nette pour soutenir l'action des douaniers.
Car c'est bien de cela qu'il est question : soutenir les douaniers en leur donnant davantage de moyens pour agir. Avant de présenter ce texte, je tiens à faire part de la très grande fierté que m'inspire le fait d'être, au titre de mes fonctions, le ministre chargé de la douane. Les douaniers ont vécu et accompagné les grandes transformations de notre histoire récente. Ils ont accompagné l'internationalisation des échanges et la diversification du commerce extérieur. Ils ont été la figure de proue de la construction européenne avec la création de l'Union douanière en 1968, puis, en 1993, la disparition des frontières intérieures de l'Union européenne. Ils en ont accompagné tous les soubresauts, y compris ceux causés très récemment encore par le Brexit et le rétablissement de la frontière de la Manche. Ils étaient à nouveau au premier rang il y a quelques mois pour mettre en œuvre les sanctions à l'encontre de la Russie après son invasion de l'Ukraine en février 2022. C'est donc d'abord aux agents des douanes que je rends hommage, à ces femmes et à ces hommes qui ont relevé tant de défis et qui ont démontré une exceptionnelle capacité d'adaptation au service de notre pays.
Si les douaniers ont su constamment s'adapter, reconnaissons que le cadre juridique dans lequel ils agissent – le code des douanes – a très peu évolué depuis 1948. Si cet état de fait n'a pas empêché les douaniers d'agir efficacement, chacun comprend qu'il est grand temps de moderniser le cadre de leur action. C'est la raison pour laquelle le texte prévoit non seulement des évolutions immédiates, mais aussi le lancement d'un travail de refonte à droit constant du code des douanes.
Je l'ai dit, notre mission consiste à permettre aux douaniers d'agir le plus efficacement possible pour assurer notre protection dans un monde où les menaces se multiplient et pour garantir notre souveraineté face à des réseaux transnationaux de plus en plus puissants. Ces professionnels livrent chaque jour des combats que nous n'avons tout simplement pas le droit de perdre. Nous n'avons pas le droit de perdre la guerre contre le trafic de stupéfiants, ce fléau qui détruit tant de vies. Nous n'avons pas le droit d'échouer contre la fraude et les trafics, ni face à la contrebande, qui n'est pas seulement une fraude, mais un danger insidieux pour la santé publique et pour les consommateurs français. Nous n'avons pas le droit de perdre la bataille contre la criminalité organisée, contre ces organisations tentaculaires qui mobilisent des moyens parfois considérables pour déstabiliser notre société et qui sont prêtes à tout au nom du seul appât du gain.
Voilà les dangers auxquels nous faisons face. La pire des erreurs serait de les sous-estimer. Les menaces que les douaniers affrontent sont organisées, mondiales et tentaculaires. Face à elles, ils agissent et obtiennent des résultats : près de 105 tonnes de stupéfiants et 650 tonnes de tabac de contrebande ou de contrefaçon saisies en 2022 ; 11,5 millions d'articles contrefaits retirés du marché. Je tiens d'ailleurs à alerter sur les enjeux de la contrefaçon : elle ne contribue pas seulement à détruire de la valeur économique ; elle représente aussi un danger de chaque instant pour la santé de nos compatriotes. Je songe par exemple aux médicaments falsifiés, contre lesquels nous devons impérativement agir. Plusieurs amendements déposés en ce sens par Christophe Blanchet permettront, s'ils sont adoptés, de mieux combattre ce fléau. Je salue d'ailleurs son engagement en la matière.
La douane est aussi, de plus en plus, un outil essentiel de lutte contre la criminalité environnementale. Nous examinerons plusieurs amendements portant sur ce point. Je tiens d'ores et déjà à souligner que j'ai demandé à mes services de se mobiliser pleinement sur la question et que je présenterai, à l'automne prochain, un plan d'action contre les importations illégales de produits carnés. Le Gouvernement travaille également, à l'échelle nationale comme européenne, à améliorer les outils de lutte contre l'importation d'espèces exotiques et de contrôle de la validité des permis délivrés en application de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction. Si des travaux sont encore nécessaires avant de faire évoluer la législation sur tous ces points, je tiens à vous assurer de la mobilisation pleine et entière du Gouvernement.
Les douaniers obtiennent des résultats parce qu'ils sont efficaces, mais aussi – ne nous voilons pas la face – parce que le volume des trafics s'accroît. C'est précisément parce que les trafics augmentent et se métamorphosent qu'il est de notre devoir d'adapter notre riposte. Soyons à la hauteur du courage de ces agents, qui consacrent leur vie, parfois jusqu'à la risquer, pour tenir nos frontières, qu'elles soient terrestres, maritimes, aériennes ou numériques – car l'espace virtuel est encore trop souvent une zone de non-droit qui charrie des menaces aux effets bien réels. Nous y reviendrons.
Pour être à la hauteur, nous devons d'abord donner à la douane les moyens d'assurer ses missions. C'est précisément l'objet du contrat d'objectifs et de moyens (COM) dont nous l'avons dotée pour la période 2022-2025. Ce contrat prévoit que la douane bénéficiera de plus de 148 millions d'euros supplémentaires et d'un niveau d'effectifs garanti. Je sais que la réserve opérationnelle fait l'objet de débats. Comme je l'ai indiqué, elle vise à constituer une force d'appoint mobilisable lors d'événements exceptionnels. Voyez d'ailleurs l'exemple de la gendarmerie et de la police nationales : la création des réserves opérationnelles n'y a nullement empêché la croissance des effectifs, bien au contraire ! Celle-ci n'a jamais été aussi forte que depuis la création de réserves opérationnelles dans ces corps.
Six mois après mon arrivée, j'ai tenu à affirmer une autre priorité face à la croissance fulgurante des phénomènes de contrebande et de contrefaçon de tabac, dont chacun constate clairement qu'ils ont changé d'échelle. Des réseaux mafieux auparavant dédiés aux trafics de stupéfiants se diversifient et se concentrent de plus en plus sur le tabac, à tel point qu'en 2022, pour la première fois dans notre histoire, nous avons découvert sur le sol national cinq usines clandestines de contrefaçon de tabac !
Il y en avait effectivement une dans votre région. Dans ces cinq usines étaient produites entre 1 et 2 millions de cigarettes de contrefaçon par jour, sur des lignes de production et avec l'aide de machines-outils. Nous avons d'ailleurs, je le répète, saisi 650 tonnes de tabac de contrebande l'année dernière.
Face à ce changement d'échelle, nous devons à notre tour revoir nos méthodes et nos moyens. J'ai ainsi annoncé la densification du réseau de lecteurs automatisés de plaques d'immatriculation – les fameux Lapi, bien connus des douaniers et que nous évoquerons au cours de nos débats –, ainsi que le déploiement généralisé des scanners, qui constitueront des adjuvants essentiels dans la lutte contre la contrebande et contre les trafics de stupéfiants. Quatorze scanners seront ainsi déployés d'ici à 2025, avec pour objectif principal de scanner 100 % des colis provenant d'États extérieurs à l'Union européenne par voie aérienne. Je souhaite que nous investissions 45 millions d'euros supplémentaires dans ces équipements d'ici à 2027.
Soutenir les douaniers, c'est donc leur donner les moyens nécessaires. C'est aussi sécuriser leur action sur le plan juridique. Je fais bien sûr référence, ici, au droit de visite. Le premier enjeu du texte – son fait générateur, pourrait-on dire – consiste à offrir aux douaniers la sécurité juridique indispensable à l'exercice du droit de visite, lequel a, dans sa version actuelle, été déclaré non conforme à la Constitution. Afin de répondre aux critiques formulées par le Conseil constitutionnel dans sa décision prise en réponse à la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) du 22 septembre 2022, le texte prévoit de réécrire intégralement l'article 60 du code des douanes afin de sécuriser le droit de visite. Ce dernier, vous le savez, constitue une prérogative essentielle pour les douaniers, puisqu'il leur permet tout simplement de contrôler les marchandises, les moyens de transport et les personnes afin de rechercher des fraudes. Soyons donc clairs : si ce texte n'est pas adopté et promulgué d'ici l'été, les douaniers n'auront plus le droit de contrôler la moindre marchandise ni quiconque sur le territoire national à compter du 1er septembre prochain. Il en irait de même si le texte adopté rompait l'équilibre validé par le Conseil d'État, nous exposant alors à une nouvelle censure du Conseil constitutionnel.
Les articles 1 à 5 du projet de loi assurent la mise en conformité du droit de visite par trois moyens. D'abord, le texte inscrit dans la loi les principes dégagés par la jurisprudence de la Cour de cassation au fil des années. Sont ainsi codifiés le caractère contradictoire des contrôles, l'interdiction de la fouille à corps et le maintien à disposition des personnes pendant le temps strictement nécessaire aux opérations de visite. Ces différentes exigences étaient, bien évidemment, déjà appliquées et respectées par les douaniers. Il nous semble néanmoins préférable de les inscrire dans la loi – pour reprendre l'expression consacrée, si cela va sans dire, cela va mieux en le disant.
Ensuite, le texte maintient, dans la zone frontière, une prérogative de contrôle étendue, justifiée par la nature même des infractions douanières. Dans le rayon des douanes, fixé à 40 kilomètres de nos frontières, ainsi que dans les ports, les aéroports et les gares ferroviaires et routières internationales, le droit de visite continuera d'être exercé sans aucune modification.
Enfin, le projet de loi vise à donner un nouveau cadre d'action au droit de visite à l'intérieur du territoire. Je tiens à souligner qu'il s'agit bien d'un nouveau cadre : le droit de visite continuera de s'appliquer dans la profondeur du territoire. Seulement, son exercice ne pourra intervenir que dans deux cas précis : soit sur le fondement de raisons plausibles de soupçonner que la personne contrôlée a commis une infraction douanière ; soit après information préalable du procureur de la République pour la recherche d'infractions douanières. J'insiste sur ce point : il s'agit bien d'informer le procureur, et non de recueillir son autorisation préalable, afin de ne pas entraver ou ralentir l'action des services.
Certains groupes défendront probablement à nouveau en séance des amendements visant à élargir le rayon des douanes au-delà de 40 kilomètres. Je comprends parfaitement les préoccupations que ces amendements traduisent, mais, comme je l'ai indiqué en commission des lois, une telle modification emporterait le risque d'une nouvelle censure du droit de visite par le Conseil constitutionnel, donc d'une nouvelle période d'insécurité pour les douaniers. Restons-en à l'équilibre qui a été trouvé puis validé par le Conseil d'État comme satisfaisant aux demandes du Conseil constitutionnel.
Je sais qu'il existe aussi des débats nourris quant au rôle du procureur de la République. Certains ont déposé des amendements visant à remplacer le régime d'information par un régime d'autorisation. J'expliquais à l'instant pourquoi je suis défavorable à une telle disposition : elle alourdirait sensiblement l'action des douaniers. D'autres proposent au contraire de supprimer la possibilité, pour l'autorité judiciaire, de s'opposer à la mise en œuvre du droit de visite. En réalité, le meilleur compromis – celui que, selon moi, le texte prévoit – est celui qui permet d'encadrer sans entraver.
Enfin, nous devons trouver un équilibre s'agissant des délais introduits dans le texte : douze heures pour effectuer l'ensemble des opérations de contrôle et quatre heures pour informer le procureur de la République lorsqu'une opération de visite conduit à maintenir une personne à la disposition de la douane. Il importe de nous assurer que ces mesures d'encadrement, renforcées par le Parlement, n'obéreront pas la capacité de la douane à remplir ses missions et à protéger les personnes – et elles seules – lorsque cela est essentiel. C'est pourquoi des exceptions devront être ménagées. Nous y reviendrons au cours de nos débats.
Vous l'aurez toutefois compris : ce projet de loi ne consiste pas seulement à assurer la mise en conformité d'une prérogative essentielle avec la Constitution. Il s'agit aussi d'adapter nos moyens d'action et de permettre aux douaniers de lutter le plus efficacement possible contre les grandes menaces d'aujourd'hui et de demain.
D'abord, nous voulons donner aux douaniers les moyens de combattre la cyberdélinquance et la cybercriminalité. L'article 9 leur permet de prendre connaissance et de saisir au cours d'une retenue douanière des objets ou des documents se rapportant à un flagrant délit douanier, y compris lorsqu'ils figurent sur un support numérique. Il s'agit par exemple des données contenues dans un ordinateur, un disque dur ou un smartphone, que les agents pourront saisir et dont ils pourront, sous réserve de l'autorisation du procureur de la République, faire une copie. Ce dispositif accélérera considérablement les enquêtes douanières et renforcera leur efficacité.
Ensuite, nous proposons de permettre aux agents de procéder au gel des données stockées sur des serveurs informatiques situés à l'extérieur du lieu perquisitionné. L'objectif, c'est que les données conservées – comme c'est souvent le cas – dans des clouds ne soient pas effacées par les suspects et puissent être effectivement saisies.
Vous le savez, un nombre croissant d'infractions douanières sont commises à partir de contenus en ligne, par exemple la vente de produits de contrefaçon ou de tabac de contrebande. C'est la raison pour laquelle l'article 12 de ce texte donne la possibilité à nos agents d'exiger des plateformes qu'elles procèdent au retrait de tels contenus, une mesure inspirée notamment par le rapport d'information de Christophe Blanchet et Pierre-Yves Bournazel.
Si ces plateformes ne répondent pas, nos agents pourront demander aux moteurs de recherche de procéder au déréférencement du contenu ou à la suspension du nom de domaine. Je tiens au passage à souligner qu'a été voté en commission des finances un amendement, défendu par Michel Castellani et Charles de Courson, qui vise à porter à quatre mois la période de déréférencement, laquelle peut d'ailleurs être renouvelée pour quatre mois supplémentaires.
Le Sénat a proposé d'inclure une sanction pécuniaire dans ce dispositif ; la commission des finances, dans sa grande sagesse, a souhaité conserver cet apport, remanié. Le Gouvernement n'était pas favorable à cette évolution – je le reconnais – mais, grâce au travail effectué par Nadia Hai, nous avons trouvé une voie de passage permettant de renforcer l'effectivité du dispositif. Je soutiendrai donc l'amendement défendu par votre rapporteure.
Ensuite, ce texte permettra de mieux utiliser les nouvelles technologies en matière d'enquête et de renseignement douaniers. L'article 11 prévoit ainsi une expérimentation consistant à conserver, pour une durée étendue à quatre mois, les données issues des lecteurs automatiques de plaques d'immatriculation.
Pour lutter efficacement contre le trafic de stupéfiants, nous devons en effet être capables de détecter les convois routiers organisés par les trafiquants. Il existe bien aujourd'hui des lecteurs automatisés chargés de scanner les plaques d'immatriculation des véhicules qui pénètrent sur notre territoire. Cependant, le dispositif actuel consiste essentiellement à comparer les plaques au fichier des véhicules volés ou encore à celui des personnes recherchées. L'expérimentation évoquée à l'article 11 prévoit de se servir de cet outil de manière nouvelle.
Très concrètement, pendant les quatre mois durant lesquels les données seront conservées, les lecteurs et les algorithmes qui y sont associés seront en mesure d'identifier certaines situations. S'ils repèrent, par exemple, que deux véhicules circulent à intervalles réguliers l'un à côté de l'autre – ou à proximité –, cela pourrait indiquer qu'il s'agit d'une voiture dite ouvreuse et d'une autre dite suiveuse. Nous ciblerions alors les contrôles sur ces convois qui transportent probablement des marchandises prohibées.
Je tiens à insister sur l'absolue nécessité, dans le cadre protecteur de l'expérimentation et sous le contrôle du Parlement et de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, de disposer de cet outil pour mettre un coup d'arrêt aux trafics à nos frontières.
En son article 6, le projet de loi vise à sécuriser le recours par la douane aux techniques de sonorisation et de captation d'images en reproduisant le dispositif prévu par le code de procédure pénale pour les enquêtes douanières. Cette disposition essentielle et protectrice permettra de mieux séparer les utilisations, préventives d'un côté et répressives de l'autre, de ces techniques spéciales d'enquête.
Notre ambition avec ce texte est d'agir dans l'espace numérique et de faire coopérer les plateformes et les moteurs de recherche. Pour être aussi efficaces que ceux que nous affrontons, nous nous donnons les moyens d'exploiter pleinement les nouvelles technologies.
Les organisations que nous affrontons ne manquent pas de ressources. C'est la raison pour laquelle nous devons les frapper au portefeuille, car c'est sans doute le moyen le plus efficace pour les affaiblir. Je présenterai dans quelques semaines une nouvelle stratégie financière de la douane qui s'appuiera notamment sur l'évaluation de notre pays par le Gafi, le Groupe d'action financière.
L'article 6 prévoit la création d'un dispositif de retenue temporaire d'argent liquide circulant à l'intérieur du territoire lorsqu'il existe des indices que cet argent est lié aux activités criminelles les plus graves. Ce délit existait auparavant uniquement pour les flux d'argent liquide en provenance ou à destination de l'étranger. Il fallait impérativement corriger cela, notamment eu égard au phénomène des mules, ces jeunes qui, vous le savez, sont payés pour transporter de la drogue dans leur ventre, de la Guyane jusqu'à l'Hexagone, par voie aérienne. La retenue temporaire d'argent liquide au sein des frontières nationales permettra d'agir plus efficacement contre ce fléau.
Nous voulons aussi réformer le délit de blanchiment douanier, notamment en incluant, parmi les types de fonds pouvant relever d'un tel délit, les cryptoactifs.
Vous le voyez, l'objectif de ce texte est d'offrir à nos agents la panoplie la plus complète possible pour mener à bien leurs missions en veillant scrupuleusement au respect du droit. Oui, il faut donner à nos douaniers les moyens d'agir et nous devons tout faire, dans le cadre de nos principes, pour ne pas entraver leur action. Je refuse par exemple que le secret professionnel soit opposé aux agents qui conduisent une enquête. C'est la raison pour laquelle je soutiendrai l'amendement, déposé par Véronique Louwagie, Marie-Christine Dalloz, Émilie Bonnivard et plusieurs autres députés du groupe Les Républicains, qui prévoit de rendre inopposable le secret professionnel lorsque nos agents demandent que des documents leur soient communiqués.
L'identité des douaniers qui procèdent aux retenues doit être protégée, voilà pourquoi je soutiendrai l'amendement présenté par Sabrina Agresti-Roubache et plusieurs autres députés du groupe Renaissance.
Par ailleurs, vous le savez, je veux mener un combat sans merci contre le trafic de tabac. À la fin de l'an dernier, j'avais annoncé plusieurs mesures en ce sens dans le cadre du plan Tabac 2023-2025. Je rends hommage au passage à Éric Woerth, ici présent, qui avait remis il y a trois ans un rapport d'information sur ce sujet, cosigné par Zivka Park.
Le texte prévoit donc un renforcement des sanctions applicables au trafic de tabac. Nous voulons ainsi créer une peine complémentaire d'interdiction du territoire pour les étrangers qui ont fait l'objet d'une condamnation pour contrebande de tabac.
Par ailleurs, nous voulons durcir les sanctions applicables à la fabrication et à la détention de tabac de contrebande, un enjeu crucial que nous avons évoqué en commission, notamment avec Robin Reda, très engagé dans ce dossier. Si de tels délits sont commis, la peine d'emprisonnement passera d'un an à trois ans. Lorsqu'ils le sont en bande organisée, elle passera de cinq à dix ans.
Je veux aussi agir contre la vente illégale de tabac qui fragilise les 24 000 buralistes de notre pays…
…et constitue un facteur d'insécurité dans nos centres-villes. Je souhaite ainsi frapper plus durement les commerces, principalement les épiceries de nuit et les bars à chicha qui vendent du tabac sans autorisation. Le Gouvernement soutiendra notamment plusieurs amendements du groupe Renaissance qui prévoient de doubler la durée de fermeture administrative et de renforcer les sanctions en cas de non-exécution de la décision prononcée.
Enfin, depuis la présentation de ce projet de loi, j'ai exposé la feuille de route gouvernementale en matière de lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques. Certaines de ces mesures peuvent être traduites dès à présent dans ce texte, en particulier la transformation du service d'enquêtes judiciaires des finances, le SEJF, en Office national de lutte contre les fraudes aux finances publiques, l'Onaf, référent en matière d'enquête judiciaire sur les fraudes graves et complexes qui visent nos finances publiques. Plusieurs amendements – notamment un de M. Jolivet – matérialisent les avancées annoncées par le Gouvernement ; j'y serai évidemment favorable.
D'autres mesures ont été proposées pour mieux lutter contre les fraudes. Je salue l'initiative des parlementaires associés à l'élaboration de la feuille de route qui ont formulé ces propositions. Je pense notamment aux amendements tendant à intégrer les délits douaniers dans le régime pénal de lutte contre la criminalité organisée ; le Gouvernement y sera favorable sous réserve d'ajustements rédactionnels.
Voilà les enjeux de ce texte. Bien plus qu'une modernisation juridique, c'est une mobilisation générale qu'il nous faut engager : contre les trafics, contre les réseaux et pour celles et ceux qui agissent chaque jour pour protéger nos frontières et nos concitoyens : je veux parler de nos douanières et de nos douaniers.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LR, Dem et HOR.
La parole est à Mme Nadia Hai, rapporteure de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Le projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces est né de trois constats. Le premier s'est imposé à nous : avant le 13 septembre 2023, il est impératif de rénover l'emblématique droit de visite des douaniers : expression la plus évidente de leurs prérogatives, ce dispositif a cependant été déclaré inconstitutionnel, dans sa rédaction actuelle, par le Conseil constitutionnel. Les articles relatifs à la rénovation du fameux article 60 du code des douanes ont été délégués au fond à la commission des lois – ma chère collègue Élodie Jacquier-Laforge y reviendra.
Le second constat, c'est que le code des douanes, vieillissant, ne semble plus adapté à certaines réalités. En effet, les trafics tendent à croître et les trafiquants s'appuient désormais sur des technologies évoluées et sur des pratiques délictuelles en pleine transformation que notre code des douanes ne permet pas d'appréhender.
Pour y remédier, le projet de loi prévoit plusieurs évolutions parmi lesquelles la possibilité, ouverte par l'article 10, de procéder au gel des accès à des serveurs distants susceptibles de contenir des données en lien avec une infraction douanière.
Je mentionnerai également la création d'une retenue temporaire d'argent liquide sans franchissement de frontière et la modernisation du délit de blanchiment douanier dont l'un des objectifs communs est de lutter contre la collecte de l'argent issu des trafics, qui alimente ensuite des circuits de financement parallèles.
Enfin, le caractère vieillissant du code des douanes et obsolète de certaines de ses dispositions, mais également l'éparpillement dans différents codes des prérogatives et des procédures douanières, limitent la lisibilité du droit et ouvrent la porte à des incohérences juridiques. Pour ces différentes raisons, l'article 15 du projet de loi prévoit d'engager un travail de rénovation de la structure du code et de recodification de dispositions qui trouveront leur place dans le code des douanes.
Je ne peux que constater qu'un certain nombre de groupes ont déposé des amendements de suppression de cet article. J'espère pouvoir les convaincre, avant la fin de l'examen du texte, de la nécessité de cet article, mais également du sérieux qui caractérisera le travail de codification et de sa fidélité aux dispositions existantes et à nos travaux.
Le troisième constat porte sur l'accroissement de l'ampleur et de la rentabilité des trafics de tabac : les modes opératoires et les bénéfices tendent à se rapprocher des trafics de stupéfiants alors que, jusqu'à présent, les risques encourus par les trafiquants sont moindres. L'article 14 du projet de loi introduit donc une évolution substantielle des peines applicables aux trafiquants de tabac afin qu'elles soient plus proches de celles qui s'appliquent aux trafiquants de stupéfiants.
Enfin, en tant que rapporteure spéciale de la mission budgétaire Sécurités, je ne peux que constater le bénéfice que représente le concours d'une réserve opérationnelle pour la police nationale et pour la gendarmerie nationale. Je me réjouis donc de la création, par l'article 7, de la réserve opérationnelle de l'administration des douanes.
Sur proposition de Marie-Christine Dalloz, nous avons adopté en commission des finances – après l'avoir sous-amendé pour étendre le délai à deux ans – un amendement qui prévoit la remise d'un rapport d'évaluation de cette réserve. Nous aurons également l'occasion d'examiner un amendement de Michaël Bouloux qui viendra compléter celui que je viens d'évoquer.
Il me semble cependant nécessaire de rappeler un point essentiel : les expériences de la police et de la gendarmerie montrent que le recours à une réserve opérationnelle n'a pas pour objet – ni pour effet – de réduire les effectifs permanents. Le nombre d'agents des forces de sécurité intérieure a crû de manière très marquée depuis cinq ans alors même que le nombre de réservistes progressait aussi. Il s'agit donc bien d'un dispositif complémentaire visant à soutenir les agents de douane, et non d'un dispositif de substitution – je sais que les débats sur cette question seront très vifs, c'est pourquoi je tenais à être claire.
Pour conclure, je souhaite remercier chaleureusement M. Gabriel Attal pour son écoute qui nous a permis d'aboutir, au terme du travail mené en commission des finances, à un texte enrichi de plusieurs dispositions – il a d'ailleurs eu l'occasion de les évoquer. Je veux aussi remercier son cabinet pour le travail que nous avons réalisé à ses côtés. Il s'est en effet montré à l'écoute et disponible pour répondre à toutes nos interrogations.
Il me semble que ce texte peut faire l'objet d'un large consensus. Le renforcement de la lutte contre les trafics et la modernisation des moyens d'action et d'enquête des douaniers sont des objectifs qui doivent nous rassembler.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et sur quelques bancs des groupes LR, Dem et HOR.
La parole est à Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à laquelle la commission des finances a délégué l'examen des articles 1er à 5, 8, 8 bis, 11, 11 bis, 11 ter et 11 quater .
Avant tout, et au nom de chacun d'entre nous, permettez-moi de rendre un hommage appuyé à la douane française, cette administration de la frontière et de la marchandise à laquelle nous devons tant, et de saluer l'action des femmes et des hommes qui œuvrent courageusement pour la protection de nos frontières, notre sécurité nationale et notre économie.
Ce sont plus de 16 600 personnes qui assurent au quotidien la sécurité du territoire et de la population, et qui font face à des menaces nouvelles, tant sur le terrain très dynamique de la cybercriminalité qu'en matière d'évolution, voire de sophistication, des modes opératoires des délinquants dans notre monde bien réel.
Le texte de loi soumis à l'examen de notre assemblée est le premier dédié à la douane depuis plus d'un demi-siècle et a pour ambition de donner aux douaniers les moyens de poursuivre et de renforcer leur action au service de notre pays. En effet, si l'année 2022 a été pour eux une année record, les douanes risquent de se retrouver, sans intervention rapide du législateur, privées dès la rentrée de l'un de leurs principaux leviers d'action : le droit de visite douanière, c'est-à-dire la faculté de visite par les douaniers des marchandises, des véhicules et des personnes, car son fondement juridique a été jugé inconstitutionnel, par une décision prenant effet au 1er septembre prochain.
Comportant initialement seize articles, le texte en a compté vingt-trois après son examen par le Sénat, auxquels sont venus s'ajouter deux articles supplémentaires à l'issue de nos travaux en commission. Onze ont fait l'objet d'une délégation au fond à la commission des lois, c'est pourquoi il me revient de vous les présenter brièvement.
L'article 1er modifie la zone terrestre du rayon des douanes afin d'en fixer la limite à 40 kilomètres à partir des frontières sans permettre aux pouvoirs réglementaires de l'étendre.
L'article 2 peut être considéré comme le cœur du texte et constitue la réponse à la censure de 2022, puisque l'on passe ainsi d'un dispositif qu'on peut qualifier de laconique – deux lignes que la Cour de cassation avait dû préciser dans une abondante jurisprudence – à un corpus robuste de onze articles déclinant la finalité du droit de visite, ses modalités d'exercice et les garanties qui l'entourent. Nous reviendrons largement sur ce nouveau régime au cours des débats, mais je tiens d'ores et déjà à insister sur un point pour lever certaines incompréhensions : le droit de visite sera applicable sur tout le territoire et pas seulement aux frontières, comme certains amendements pourraient le laisser penser.
L'article 3 transpose les garanties introduites à l'article 2 aux visites de navires, qui font l'objet de dispositions spécifiques dans le code des douanes.
L'article 4 formalise les pouvoirs des agents des douanes lorsqu'ils constatent une infraction de droit commun.
L'article 5 précise le fondement des contrôles exercés aux frontières.
L'article 8 complète les dispositions déjà existantes en matière de procédure spéciale d'enquête douanière et permet ainsi à des agents spécialement habilités – et uniquement pour les infractions les plus graves – de procéder à des sonorisations et à des fixations d'images.
L'article 11 instaure une expérimentation de trois ans de l'exploitation élargie du dispositif de lecteurs automatiques des plaques d'immatriculation, pour contrer la sophistication grandissante des modes opératoires des délinquants dans la commission des délits douaniers les plus graves.
Le Sénat en commission, puis en séance, a apporté de nombreuses modifications, d'une portée variable, à l'écriture initiale proposée par le Gouvernement, mais sans remettre en cause l'équilibre global du texte. Il a par ailleurs souhaité introduire de nouvelles dispositions : je pense en particulier à l'article 11 bis, qui prévoit des modalités nouvelles de communication pour les agents des douanes, de la police nationale et de la gendarmerie nationale chargés de missions de police aux frontières, mais aussi à l'article 11 ter portant création de la catégorie d'agents de douane judiciaire (ADJ) et à l'article 11 quater, qui étend les possibilités d'utilisation des caméras aéroportées – les drones – pour lutter contre le trafic de produits du tabac et aux fins de surveillance de nos frontières.
La commission des lois de l'Assemblée nationale n'a pas remis en cause cet équilibre général et a globalement maintenu les dispositions proposées par le Sénat, tout en les complétant à la marge. Le texte que nous examinons aujourd'hui est donc le produit d'un travail, que je crois fructueux, entre la rédaction du Gouvernement, les travaux du Sénat et ceux de nos commissions, qui illustre le caractère attendu et nécessaire de ce projet de loi. Je ne doute pas que ce même esprit préside à nos débats.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LR, Dem et HOR ainsi que sur plusieurs bancs du groupe RN.
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
La censure par le Conseil constitutionnel des dispositions de l'article 60 du code des douanes nécessite évidemment un retour devant le Parlement afin de permettre l'action de nos douaniers. Ce texte propose également des dispositions censées garantir l'efficacité de la douane française, mais aboutissant à créer un nouveau cadre d'action de cette administration, ce qui à ce stade m'interroge. Il nous faut en effet garantir à la fois la modernisation de la douane et le respect des libertés individuelles, sachant qu'il est indispensable de donner aux douaniers les moyens nécessaires à l'exercice de leurs fonctions.
Or, si nous voulons une douane plus efficace, certains choix me semblent contestables. Il ne s'agit pas, à mon sens, d'étendre ses prérogatives – volonté de la part de certains d'entre vous que j'ai pu constater en consultant différents amendements – ni ses missions en la mobilisant sur le contrôle à la personne plutôt que sur les marchandises. Au contraire, nous lui devons un encadrement judiciaire du droit de visite afin d'apporter à la fois une garantie et une sécurisation aux agents, mais aussi aux personnes contrôlées. Il s'agit de recentrer la douane sur ses véritables missions : la lutte contre le trafic de marchandises et donc les trafiquants, ainsi que la lutte contre la fraude fiscale, et non l'interdiction de l'entrée sur le territoire en agissant en tant que supplétifs des politiques migratoires. Ce n'est pas son rôle.
Nous devons également à la douane des moyens humains. Je vous ai attentivement écouté en commission, monsieur le ministre délégué, et je n'ai pas été convaincu sur ce point, notamment s'agissant de la réserve. Depuis la création du marché unique et la suppression des barrières physiques, l'administration douanière a été durement touchée par différentes réorganisations ayant entraîné des suppressions d'effectifs : elle en a été durablement affaiblie, puisque le nombre d'agents a diminué de 20 % pour passer de 21 000 à 17 000 actuellement selon un rapport du Sénat. En comparaison, l'Allemagne dispose de plus de 41 000 douaniers, soit environ 2,4 fois plus qu'en France. Je reconnais, vous l'avez souligné en commission, que la comparaison n'est pas parfaite : certes, l'Allemagne importe deux fois plus que la France, mais notre territoire est plus étendu et nos frontières terrestres plus longues ; certes, les missions de la douane allemande sont plus nombreuses, puisqu'elle est notamment compétente en matière de lutte contre le travail illégal, mais si vous ajoutez aux douaniers français les 1 500 inspecteurs de l'Urssaf, cela ne permet toujours pas d'atteindre un effectif comparable. Il me semble donc que cette comparaison, à défaut d'être précise, demeure éclairante.
En outre, le niveau d'activité a fortement augmenté : d'une part, le périmètre des missions de la douane et les espaces contrôlés se sont considérablement élargis – lutte contre les trafics, protection du consommateur et des patrimoines culturels et naturels, perception de recettes fiscales – ; d'autre part, la fraude douanière atteint des niveaux inédits, comme le montrent l'augmentation des saisies de stupéfiants et du montant des avoirs saisis ou identifiés, soit + 40 % par rapport à 2021, ou encore le nombre d'articles retirés du marché – + 27 % –, mais vous avez eu l'honnêteté de reconnaître que ces chiffres sont surtout dus à l'augmentation des flux et, même si cela montre aussi évidemment l'efficacité des douaniers, il existe donc un réel besoin de recrutement que la création d'une réserve opérationnelle ne pourra satisfaire.
Vous affirmez d'ailleurs que ce ne sera pas son objectif, puisqu'elle aura uniquement pour but d'apporter un soutien aux douaniers. J'observe à cet égard que la création d'autres réserves opérationnelles s'est accompagnée de recrutements massifs dans la gendarmerie et dans la police. On peut donc s'interroger sur le caractère réellement supplétif du soutien que la réserve pourra apporter. Alors que le besoin en moyens humains est manifeste, vous pouvez difficilement soutenir que recourir à une réserve opérationnelle sans augmenter les effectifs ne revêt pas un caractère budgétaire. Dès lors que l'emploi de la réserve ne se différencie pas de celui des agents, y avoir recours pour un besoin permanent ne peut s'expliquer que par une mauvaise raison : un coût d'emploi bien inférieur. Les réservistes constituent en effet une force d'intervention particulièrement souple et mobilisable à moindre coût. Le Gouvernement ne s'en cache pas puisque, selon l'étude d'impact du projet de loi, l'objectif de cette réserve est de renforcer les douanes tout en respectant le schéma d'emplois prévu pour 2022-2025 – et vous avez dit vous-même en commission qu'il faudrait attendre 2025 pour envisager un renforcement des effectifs.
La question n'est pas d'être pour ou contre la réserve, mais de reconnaître que celle-ci ne peut venir en renfort que si les douaniers sont en nombre suffisant, ce qui n'est pas le cas actuellement. Voilà qui pose évidemment problème. Ce ne sont pourtant pas les candidats qui manquent, la profession attire, mais les postes ouverts ne permettent de recruter qu'à peine 2 % des inscrits au concours de contrôleur ; ouvrons donc de nouvelles places qui garantiront le maintien d'un haut niveau de qualification sur le terrain.
Pour faire face aux nouvelles menaces et pour nous protéger, la prochaine programmation devra être à la hauteur des enjeux : doublons les effectifs de la douane, réaffirmons son rôle de police de la marchandise, renforçons les moyens humains et techniques de l'administration fiscale dans la lutte contre la fraude – à laquelle vous dites vouloir vous attaquer –, réaffirmons la mission de contrôle des importations de la douane pour lutter contre les trafics, instaurons des droits de douane sur des critères écologiques et protégeons comme il se doit les économies locales, toutes actions qui nécessiteraient évidemment un renforcement de la douane. Il me semble que c'est ainsi que nous pourrons moderniser le cadre d'action de notre administration douanière.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Permettez-moi tout d'abord d'exprimer toute la reconnaissance du groupe Les Républicains aux forces de l'ordre, aux pompiers, aux soignants et aux autres services de l'État engagés en Maurienne ce week-end pour assurer la sécurité des personnes et des biens face à des individus violents et radicaux venus en découdre dans le cadre du chantier de la ligne Lyon-Turin.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR, Dem et HOR, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe RN.
Les personnels de la douane que nous évoquons aujourd'hui font partie de ces femmes et de ces hommes qui s'engagent au service de notre pays. Députée d'un territoire savoyard frontalier de l'Italie, je souhaite saluer leur travail extraordinaire au quotidien pour protéger le territoire national de trafics graves mettant en danger nos concitoyens. Les douanes exercent en effet un rôle majeur dans la lutte contre les trafics de toute nature – stupéfiants, armes, tabacs de contrebande, etc. – et, plus généralement, contre la criminalité organisée. Leur niveau d'activité en 2022 atteste de l'importance de leurs missions : elles ont saisi 104 tonnes de drogues pour une valeur supérieure à 1 milliard d'euros, 640 tonnes de tabacs et de cigarettes et 11,5 millions d'articles de contrefaçon.
Pour autant, l'administration des douanes fait aujourd'hui face à un double défi : d'une part, elle est confrontée, comme les autres acteurs de la sécurité intérieure, à une intensification des flux illégaux, à une complexification des trafics et à une adaptabilité de plus en plus forte des réseaux criminels, notamment grâce à l'appui offert aux délinquants par les nouvelles technologies ; d'autre part, elle gère désormais des frontières de nature multiple, puisque la frontière numérique est venue s'ajouter aux traditionnelles frontières terrestres, maritimes et aériennes. Dans un espace Schengen intégré, les douanes doivent adapter leurs méthodes d'action à la spécificité des flux internationaux auxquels sont exposées les différentes parties de notre territoire. Or le code des douanes n'avait plus été réformé depuis 1948 et apparaissait donc largement daté à l'heure ou nos douaniers doivent faire face à toutes ces nouvelles menaces.
C'est tout l'objet de ce projet de loi que de profiter de l'obligation de préciser le droit de visite des douanes, censuré par le Conseil constitutionnel l'année dernière, pour renforcer et pour adapter les moyens donnés aux douaniers. Ce texte sécurise donc juridiquement en priorité le droit de visite au regard des attentes du Conseil constitutionnel, c'est-à-dire les conditions du contrôle effectif des marchandises, des véhicules et des personnes, ce qui constitue le cœur de l'activité des douanes.
Nous saluons également l'introduction d'outils nouveaux pour rendre le travail des douaniers plus agile et plus efficace face aux nouvelles menaces. Parmi ces outils, on peut citer notamment la création d'une réserve opérationnelle dans des conditions similaires à celles qui existent pour les autres réserves, le renforcement des sanctions applicables au trafic de tabac, l'élargissement des prérogatives de saisie en cas de flagrant délit, l'établissement de nouveaux leviers juridiques permettant d'appréhender le volet numérique des infractions ou encore l'extension de la durée d'exploitation des données Lapi.
Vous l'aurez compris, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues : les députés LR voteront ce texte qui répond à une attente des douaniers en matière de sécurisation et de renforcement de leurs moyens opérationnels d'action. Toutefois, nous regrettons que d'autres sujets tels que le renforcement des moyens financiers et humains ne soient pas abordés.
Nous assumons de vouloir réduire le nombre d'agents publics dans les administrations centrales pour pouvoir les redéployer sur le terrain, au service du quotidien des Français, de leur sécurité et de leur santé. Nous attendons donc un effort du Gouvernement au moment de l'examen du prochain projet de loi de finances. Sinon, le vote de ce projet de loi laissera comme un triste sentiment d'inachevé. Cependant, nous le voterons, car il va améliorer considérablement le travail des douaniers, qui ont tout notre soutien.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR, RE, Dem et HOR ainsi que sur plusieurs bancs du groupe RN.
Sécuriser juridiquement les actions des douanes tout en leur apportant les moyens supplémentaires qui permettent de faire face aux nouveaux enjeux : tel est le cœur du projet de loi que nous étudions aujourd'hui. En guise d'introduction, permettez-moi à mon tour de saluer le travail essentiel de nos douaniers, que ce soit sur le terrain ou au sein des directions. Leur métier est parfois mal connu ; pourtant, les douaniers assurent des missions régaliennes qui tiennent à la souveraineté de l'État et contribuent à assurer la sécurité de nos concitoyens. Pour illustrer la qualité de leur travail, je rappellerai un seul chiffre : plus de 50 % de la drogue saisie sur notre territoire, toutes catégories confondues, l'est par nos douaniers.
Quel est le quotidien de nos douaniers ? Ils jouent un rôle de garde-frontières – n'en déplaise à certains – et accomplissent des missions connues de filtrage et de fouille lors du passage aux frontières. Mais ils travaillent aussi en partie dans l'ombre, dans le cadre de missions de renseignement et d'investigation, qui englobent une diversité de métiers. Des douaniers de terrain à ceux qui enquêtent sur le darknet, cette diversité fait à la fois la richesse et la complexité de la douane française.
Je suis sûr que, comme en commission, ce projet de loi fera l'objet d'un consensus en séance. Amoindrir les ambitions de ce texte reviendrait à confier les clés de la souveraineté française aux trafiquants en tout genre.
Nous allons avoir, dans quelques instants, un débat nourri sur un corps de métier qui n'avait pas connu de réforme depuis près de soixante ans. La genèse de ce projet de loi a été rappelée par M. le ministre délégué : il s'agit de la décision du Conseil constitutionnel portant censure du désormais célèbre article 60 du code des douanes. Le projet de loi aurait pu s'en tenir à une simple recodification. Or le Gouvernement et le ministre délégué ont travaillé sur un texte global, en vue de bâtir la douane du XXI
La cybersécurité, enjeu majeur de notre siècle, permettra de faciliter le travail d'investigation de nos douaniers face aux nouvelles menaces ou aux menaces déjà connues, mais d'une intensité nouvelle.
La fameuse réserve opérationnelle, inspirée de celle de la gendarmerie et de la police, aura un triple effet bénéfique pour le pays : baisser les coûts attenants à une expérience sous-traitée, ce qui est bon pour nos deniers publics ; permettre une meilleure réactivité ponctuelle là où un accroissement d'effectifs est nécessaire ; donner une nouvelle possibilité d'engagement à nos concitoyens qui veulent se rendre utiles à leur pays.
Elle ne remplacera pas les agents des douanes professionnels, dont l'effectif accueille de plus en plus de jeunes motivés. D'ailleurs, la dernière Journée internationale de la douane, célébrée le 26 janvier, avait pour thématique le capital humain et le renouvellement des générations des douanes.
Les nécessaires évolutions juridiques et techniques des douanes, comme la lecture automatique des plaques d'immatriculation, permettront de remonter plus loin dans le temps pour confondre les réseaux mafieux qui, avec ingéniosité et diversité, mettent au point de nouveaux processus criminels.
Ce projet de loi renforce aussi la sécurité du quotidien. Les trafics en tout genre explosent, notamment le trafic de tabac de contrebande. La réalité de nos villes, ce sont des vendeurs à la sauvette qui harcèlent continuellement des gens qui rentrent chez eux après leur journée de travail. Il faut couper le mal à la racine et c'est précisément ce que ce projet de loi entreprend. Pour lutter contre ces trafics, il nous faut lutter contre les produits de la fraude qui alimentent les réseaux mafieux. Le problème est réel – ne mettons pas la poussière sous le tapis et ne nous cachons pas derrière notre petit doigt ! La vente d'une cigarette de contrebande dans nos rues n'est jamais sans gravité. La reconquête de notre souveraineté commence souvent sur le parvis d'une gare ou sur le tarmac d'un aéroport.
Augmenter les peines d'emprisonnement des contrebandiers, exclure du territoire les étrangers qui alimentent ce genre de trafics et contrôler efficacement la circulation d'argent liquide : voilà les moyens que nous nous donnons pour enrayer la spirale exponentielle du trafic de cigarettes. Les effets se ressentiront à la fois sur la santé publique, mais aussi pour nos buralistes, liens essentiels dans nos villages et nos villes entre la nation et ses habitants. Les finances publiques s'en trouveront bénéficiaires, car un paquet de tabac de contrebande vendu, c'est de l'argent public en moins pour nos hôpitaux, nos écoles ou notre police : c'est tout simplement de l'argent volé au contribuable.
Vous l'aurez compris : le groupe Renaissance se réjouit de ce projet de loi de bon sens, qui rationalise, sécurise et enrichit le travail de nos douaniers. Ceux-ci nous regardent et comptent sur la représentation nationale pour ne pas décevoir les espérances qu'ils ont placées dans ce projet de loi attendu par toute la profession et l'ensemble des Français.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Mme la rapporteure de la commission des finances et M. François Jolivet applaudissent également.
Dans les temps pas si anciens de la mondialisation triomphante, les douanes apparaissaient aux yeux de certains comme une sorte de survivance du passé, presque comme une aberration. Ces temps sont aujourd'hui révolus : le mirage d'un monde sans frontières s'est dissipé et les douanes apparaissent de nouveau comme le maillon indispensable de la protection du territoire, de la lutte contre les trafics et de la surveillance des flux de marchandises.
Mais une question se pose : la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) dispose-t-elle des moyens financiers, humains et réglementaires pour accomplir de telles missions ? Le présent texte évoque l'élargissement des capacités et le renforcement des moyens alloués aux douanes. Il a pour principal objet la modification des modalités du droit de visite, c'est-à-dire la réécriture de l'article 60 du code des douanes, censuré par le Conseil constitutionnel en septembre 2022. Il prévoit ainsi de délimiter un cadre précis dans lequel les visites douanières doivent se dérouler.
Les services de la DGDDI doivent pouvoir contrôler plus efficacement les marchandises et les moyens de transport. Par ailleurs, nous devons porter une attention toute particulière au droit de visite des personnes
À ce titre, plusieurs dispositifs inscrits dans le texte suscitent notre interrogation : la capacité à effectuer des écoutes et de la surveillance vidéo, l'expérimentation d'un contrôle automatisé des plaques d'immatriculation ou encore l'extension de l'usage des drones dans les enquêtes. Notre groupe restera également vigilant à la nature de l'activité des douanes et aux relations qu'elles entretiennent avec d'autres services de l'État. Nous accueillons favorablement la possibilité pour les douanes d'accéder aux données de la direction générale des finances publiques (DGFIP) relatives à la TVA : voilà qui constituera un levier supplémentaire dans la lutte contre la fraude dont fait l'objet cette taxe.
Il semble également judicieux de faire participer les douanes à l'échange de renseignements liés aux contrôles aux frontières. Notre groupe alerte cependant sur un risque de glissement de l'activité des douanes vers un rôle de police aux frontières : nous devons impérativement nous assurer que cela ne se produise pas – je suis sûr que vous serez d'accord avec moi.
Enfin, notre groupe émet quelques réserves sur la proposition de créer une nouvelle catégorie de douanier, à savoir l'agent de douane judiciaire. Cette mesure, annoncée par Gabriel Attal à l'occasion de la présentation de son plan de lutte contre les fraudes, n'avait pas été introduite dans le texte initial, mais elle y a finalement été ajoutée par voie d'amendement. Nous regrettons cette méthode, tout simplement parce qu'elle ne permettra pas à la représentation nationale de bénéficier d'une étude d'impact sur un sujet aussi important. Nous craignons par ailleurs une confusion des genres, susceptible de complexifier les interactions entre les forces de l'ordre concernées lors de la conduite de certaines opérations. Aussi conviendrait-il, monsieur le ministre délégué, que vous puissiez dissiper ces inquiétudes.
Vous l'aurez compris, notre groupe restera vigilant quant à l'élargissement du champ d'action des douanes. Il reste convaincu qu'accroître les moyens humains et matériels est indispensable. La douane est une administration efficace et performante : en 2022, le coût de collecte des recettes douanières et fiscales était seulement de 0,68 % ! Malgré cela, les moyens budgétaires et humains octroyés stagnent. Entre 2019 et 2022, les crédits du programme 302, Facilitation et sécurisation des échanges, ont augmenté de seulement 28 millions d'euros en autorisations d'engagement, soit une hausse de moins de 1,8 %, bien inférieure à celle de l'inflation.
Si les dépenses de personnel ont augmenté davantage, les emplois rémunérés sont passés de 16 964 ETPT – équivalents temps plein travaillé – en 2019 à 16 380 en 2022, soit une diminution de 584 postes en quatre ans. Bien que cette réduction des effectifs s'explique en partie par des mesures de périmètre, les agents en poste manquent. En conséquence, conscients des besoins, nous soutiendrons la création d'une réserve opérationnelle. Nous estimons toutefois que celle-ci doit aller au-delà des 300 postes annoncés d'ici 2025 et qu'elle ne peut pas se substituer à la création de postes d'agents.
En conclusion, le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires est plutôt favorable à ce texte, notamment parce qu'il permet de rassurer les douaniers dans l'exercice de leurs missions sur le terrain. Cependant, nous attendons la modulation de certains dispositifs qui suscitent encore nos inquiétudes : c'est pourquoi nous défendrons plusieurs amendements en ce sens.
Je suis heureux de prendre la parole devant vous aujourd'hui sur ce projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces. Celui-ci s'inscrit en réalité dans un plan d'action beaucoup plus large de lutte contre la fraude, qu'elle soit douanière, fiscale ou sociale. La fraude va sans doute devenir une grande cause nationale, monsieur le ministre délégué : c'est une bonne chose et vous en êtes à l'origine.
Je souhaite avant tout saluer le travail précieux qu'effectuent chaque jour les douaniers et l'ensemble des agents de la DGDDI. Ils jouent un rôle central dans la lutte contre les trafics en tout genre. Les missions qui leur sont confiées exigent d'ailleurs qu'ils soient armés. Leur travail n'est pas de tout repos ; défendre nos intérêts est en effet une mission difficile.
Il ne fait nul doute que la décision du Conseil constitutionnel a accéléré le dépôt de ce projet de loi. C'est probablement la raison pour laquelle celui-ci peut se concevoir comme l'acte I de votre réforme : nos douaniers ne pouvaient plus exercer leur droit de visite. Ce problème est désormais corrigé par le texte dont nous sommes saisis, qui a pour objet de concilier la liberté d'aller et venir, la capacité opérationnelle de vos services et le droit au respect de la vie privée.
Au-delà de la nécessaire évolution du droit imposée par la censure du Conseil constitutionnel, ce projet de loi contient plusieurs apports : c'est sur eux que je veux concentrer mon propos.
L'article 7 crée une réserve opérationnelle douanière qui permettra de renforcer la force de frappe des douaniers lors de leurs pics d'activité : le groupe Horizons et apparentés s'en félicite. Cette réserve est conçue sur le modèle de celle qui existe déjà pour nos armées, la gendarmerie ou la police – elle existe et elle fonctionne bel et bien. Le système de réserve permet aux citoyens de s'investir pleinement au service de la nation et de faire corps avec elle
Le présent projet de loi adapte également le droit existant aux évolutions incessantes des réseaux criminels. L'importance des nouvelles technologies et d'internet dans la réalisation des infractions doit entraîner une évolution du cadre juridique. À cet égard, j'observe que la Commission européenne a annoncé, le 13 mai dernier, des décisions qui vont dans le même sens que ce projet de loi. Le texte prend donc acte de la nécessité de faire évoluer le cadre juridique en ce qu'il prévoit notamment la modernisation du délit de blanchiment douanier ou la prévention de la commission d'infractions en ligne.
Ayant participé aux réunions du groupe de travail que conduit le ministre délégué sur les trois principales fraudes – fraude sociale, fraude fiscale et fraude douanière –, j'ai pu constater que les réseaux criminels étaient particulièrement inventifs et, quelquefois, malheureusement efficaces.
L'article 14 du projet de loi renforce les sanctions douanières et pénales en matière de trafic de tabac. Voilà une disposition salutaire, qui n'est que justice pour nos buralistes : en effet, alors qu'ils respectent les règles, ils se voient concurrencés illégalement par des escrocs qui trouvent des complices sur notre territoire. La peine prévue pour fabrication et détention frauduleuse en vue de la vente sera alourdie – c'est une bonne chose et le groupe Horizons et apparentés y souscrit.
Enfin, il a été ajouté un article additionnel au Sénat créant un statut d'agent de douane judiciaire. Les agents concernés seront affectés au SEJF, en appui des officiers de douane judiciaire. Dans une recherche d'efficacité, nous proposerons par voie d'amendement d'aller plus loin en créant un statut unique d'agent de police judiciaire des finances, composé d'agents des douanes et d'agents des services fiscaux, dont la mission serait d'assister et de seconder, sans considération de leur administration d'appartenance, les officiers de douane judiciaire et les officiers fiscaux judiciaires. La création de ce statut unique nous semblerait de nature à faciliter les ponts entre les enquêtes douanières et fiscales, car les escrocs se retrouvent souvent dans les deux camps.
C'est parce que la fraude – douanière, fiscale ou sociale – est un fléau que les députés du groupe Horizons et apparentés voteront l'acte I de votre plan de lutte contre les fraudes.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem, ainsi que sur les bancs des commissions.
La douane française exerce essentiellement trois missions : la surveillance et la protection des citoyens, en luttant contre les trafics, les transferts illicites de capitaux, les fraudes fiscales, les fraudes douanières et la menace terroriste ; l'accompagnement des entreprises dans leur compétitivité à l'échelle internationale ; le recouvrement des impôts dits indirects. Ce rappel a vocation à rendre hommage aux 17 000 agents des douanes, dont le travail essentiel et précieux est peu connu, voire complètement méconnu du grand public. Je tiens, à cette tribune, à leur manifester toute notre reconnaissance pour leur engagement quotidien au service de notre pays.
La mission de surveillance et de protection des citoyens nécessite bien souvent le recours au droit de visite, qui autorise les agents des douanes à pénétrer en tout lieu, y compris lorsque celui-ci est privé, et à saisir les marchandises et les documents se rapportant aux délits constatés. Or, par sa décision du 22 septembre 2022, le Conseil constitutionnel a censuré l'article 60 du code des douanes qui prévoit ce droit de visite, considérant que le cadre applicable à la conduite des opérations de visite n'était pas suffisamment précisé, ce qui n'assurait pas « une conciliation équilibrée entre, d'une part, la recherche des auteurs d'infractions et, d'autre part, la liberté d'aller et de venir et le droit au respect de la vie privée ». Les effets de la censure ont été reportés au 1er septembre 2023.
Le présent projet de loi visait initialement à instaurer un nouveau cadre législatif adapté. Assurément, il eût été plus pertinent d'agir avant que n'intervienne la sanction du Conseil constitutionnel. L'article 60 est issu d'un décret de 1948, sur la fragilité duquel nous avions été alertés à de nombreuses reprises. Pourtant, il a fallu attendre 2023 pour qu'un gouvernement s'intéresse à ce cadre législatif.
Le Gouvernement s'y est intéressé et a choisi par la suite d'engager, grâce à ce texte, un mouvement de modernisation du cadre d'action des douaniers, qui sont confrontés aux nouvelles technologies et à de nouvelles menaces. Ainsi, ce projet de loi vise à donner à la douane des moyens juridiques, essentiellement, afin d'adapter l'État de droit au progrès numérique et aux menaces qui en découlent.
Entre cette adaptation de l'État de droit au progrès numérique et les possibles entorses aux droits fondamentaux du fait de l'accroissement de certains moyens donnés à la douane pour faciliter la constatation des infractions, il convient de trouver un équilibre permettant de protéger la vie privée, de garantir l'efficacité de la lutte contre la fraude et de protéger les citoyens contre l'importation de productions auxquelles ont été appliquées des normes environnementales, sanitaires ou sociales incompatibles avec les exigences d'un pays membre de l'Union européenne.
Je viens de l'indiquer, ce texte donne essentiellement à la douane des moyens juridiques. En commission, madame la rapporteure, vous avez fait valoir que cette affirmation n'était pas exacte, dans la mesure où l'article 7 du projet de loi prévoit l'instauration d'une réserve opérationnelle,…
…dans des conditions similaires à celles qui ont prévalu lors de la création de telles réserves pour d'autres corps. Je voudrais à nouveau exposer devant vous les doutes du groupe Écologiste quant à la pertinence du développement d'une réserve opérationnelle pour l'administration des douanes, alors même que celle-ci dispose déjà de personnels dits Paris-Spéciaux. Surtout, il est nécessaire de déployer des moyens humains de façon pérenne pour faire face aux menaces, lesquelles préexistaient et intéressent notamment le contrôle des frontières et des zones maritimes. Or à cette nécessité ne répondent ni la création de la réserve opérationnelle,…
…ni la politique de suppression d'emplois, qui a touché plus de 2 000 postes au sein de l'administration des douanes en 2022 et 2023.
Par ailleurs, l'autorisation à légiférer par voie d'ordonnance sollicitée par le Gouvernement dessaisira le Parlement de ses prérogatives législatives pendant une période trop importante. Nous estimons que cette autorisation est nécessaire uniquement pour prémunir l'administration douanière d'une éventuelle censure de la nouvelle rédaction de l'article 60 du code des douanes. Nous avons fait à cet égard des propositions qui ménageraient un équilibre satisfaisant entre la protection de l'exercice du droit de visite et le respect des prérogatives du Parlement.
Enfin, je profite de cette intervention pour appeler, au nom du groupe Écologiste, à la réalisation d'un bilan exhaustif et sérieux du transfert des missions fiscales de la DGDDI à la DGFIP, afin d'en mesurer l'ampleur et les conséquences pour nos finances publiques.
Merci de votre écoute, monsieur le ministre délégué…
De l'avis de syndicats des douanes, la censure de l'article 60 du code des douanes par le Conseil constitutionnel couvait depuis longtemps, tant ce code était vieillissant. L'objectif immédiat de votre texte est d'établir – c'est heureux – de nouvelles modalités du droit de visite, équilibrées, qui garantissent à la fois les libertés individuelles et les moyens juridiques dont les douaniers ont besoin pour accomplir leur mission. Les douaniers l'attendent depuis longtemps, eux qui font tant et ont tant à faire non seulement face aux trafics, mais aussi face à la libéralisation échevelée des échanges, qui induit de la délinquance et de la contrebande. Leur travail est essentiel pour juguler la jungle. Je tiens à les saluer et à saluer leur engagement.
De manière plus large, ce texte vise à dépoussiérer le code des douanes, dont un bon nombre de dispositions pourraient, du fait de l'absence de procédure, subir le même sort que l'article 60. En la matière, nous regrettons qu'il soit de nouveau fait usage d'une ordonnance, l'article 15 faisant office de voiture-balai.
Le projet de loi aurait pu se borner à ces éléments de réécriture et de recodification. Toutefois, son titre lui assigne une tout autre ambition : donner les moyens à la douane de faire face aux nouvelles menaces. Or nous comprenons que ces nouvelles menaces sont avant tout inhérentes aux nouvelles missions qui incomberont désormais aux douanes, au détriment de leur cœur de métier.
Il nous semble essentiel de rappeler que les douanes constituent une administration fiscale et que, dans ce cadre, leurs missions visent avant tout à contrôler des marchandises et à recouvrer des taxes et des accises. Bien entendu, le contrôle des personnes existe, mais il s'agit de contrôler davantage un porteur de marchandises qu'une personne en tant que telle. Or la politique menée depuis 2017 a profondément modifié ce point de vue. Les missions de contrôle des personnes aux frontières se sont particulièrement développées ces dernières années, à tel point que les douanes assurent désormais seules les contrôles à certains points de passage frontaliers, en lieu et place de la police aux frontières (PAF).
Depuis l'instauration d'une réglementation européenne, en 2016, les douaniers sont considérés comme des garde-frontières. Ils sont ainsi pleinement intégrés à l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex) et l'administration douanière mobilise régulièrement ses agents pour des missions aux frontières de l'Europe. Les douanes se voient même parfois confier des missions de maintien de l'ordre. Sur réquisition du préfet, qui peut recourir au prétexte du contrôle des stupéfiants, des agents des douanes sont parfois envoyés sur certains événements dans le seul but de compléter les effectifs policiers.
Depuis 2017, qui plus est, des lois de finances ont transféré à la DGFIP le contrôle et le recouvrement de certaines taxes, alors même que l'administration douanière possédait des compétences réelles dans ce domaine. Quant au contrôle des marchandises, celui-ci s'est profondément amenuisé, l'administration douanière n'étant plus capable d'assurer un maillage complet du territoire. Pour le couvrir dans son ensemble, il faudrait des effectifs supplémentaires ; ce serait le gage d'une plus grande efficience. En effet, la multiplication des échanges de marchandises accroît le risque de fraude, ce qui devrait appeler à une intensification des contrôles. Monsieur le ministre délégué, vous l'avez indiqué vous-même lors de l'examen du texte en commission : si les prises augmentent, c'est parce que les trafics augmentent !
De ce changement de doctrine, vous déduisez des moyens à mobiliser. Là encore, nous ne pouvons souscrire à ce qui est prévu. Il existe certes de nouveaux moyens juridiques ou technologiques permettant de davantage contrôler les marchandises, mais ces moyens sont dévoyés pour d'autres missions. Ainsi en est-il des drones, utilisés aux frontières pour surveiller les mouvements de migrants. Au demeurant, quand bien même ces nouveaux moyens seraient utilisés à bon escient, ils ne sauraient se substituer aux moyens humains. Or près de 6 000 postes, soit près d'un quart des effectifs, ont été supprimés au cours des vingt dernières années. En la matière, nous pourrons mesurer l'effort réellement consenti lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2024.
Pour l'heure, ce projet de loi n'apporte rien sur la question des effectifs, si l'on excepte, bien sûr, la fameuse réserve opérationnelle douanière, qui fait l'objet de l'article 7. À ce sujet, l'étude d'impact a le mérite de la sincérité : elle indique clairement que la seule utilité de cette réserve sera de faire nombre lors des Jeux olympiques de 2024. C'est là un véritable cache-misère, qui, loin de constituer une solution, créera de nombreuses difficultés. Quelle sera la formation de ces réservistes ? Lorsqu'il s'agit de volontaires, ils n'ont aucune connaissance du métier. Sachant que les moyens humains manquent et que les agents vont devoir se former eux-mêmes aux nouvelles dispositions prévues par le projet de loi, qui pourra former ces réservistes ? Quelles missions assureront-ils, étant entendu qu'il sera désormais possible de les armer ? Toutes ces questions restent en suspens.
Malgré l'urgence de la recodification, compte tenu de l'absence de moyens humains pérennes et de la bascule que ce texte opère en ce qui concerne les missions des douanes, nous ne pourrons pas le soutenir.
D'après son intitulé, le présent projet de loi vise à « donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces ». À l'origine de ce texte, il y a une situation critique : l'article 60 du code des douanes, qui permet aux douaniers d'effectuer leur mission de contrôle, a été censuré en septembre dernier par le Conseil constitutionnel. En conséquence, dès septembre prochain, les douaniers seraient dans l'incapacité de faire leur travail.
Nous examinons votre projet de loi neuf mois après la censure du Conseil, avec cette épée de Damoclès au-dessus de la tête. Ce calendrier pose un problème, d'autant que, si vous avez pris du temps pour élaborer ce projet de loi, vous ne l'avez pas utilisé pour travailler de manière constructive avec les organisations syndicales de la DGDDI.
Malgré leurs multiples demandes d'être associées à la réécriture de l'article 60, les organisations syndicales et, partant, les agents directement concernés n'ont pas participé à la prise de décision.
N'importe quoi !
Elles ont seulement été consultées a posteriori, à diverses étapes du processus. Là encore, la démocratie sociale est méprisée.
C'est faux ! Le ministre délégué vous a répondu à ce sujet en commission !
Je dis « là encore », car en matière de piétinement de la démocratie sociale, vous avez excellé ces derniers mois, en imposant de force aux Françaises et aux Français votre réforme des retraites si injuste.
Qui plus est, bien sûr, vous méprisez encore et toujours la démocratie parlementaire. Les dernières semaines nous ont montré à quel point vous excellez aussi dans cet exercice. Cette fois, notre assemblée est sommée de légiférer dans l'urgence, à la va-vite, pour que le contrôle douanier reste effectif à la fin de l'été.
En ayant sciemment attendu le dernier moment, le Gouvernement nous soumet à un double chantage. D'abord, comme je l'ai évoqué, il nous met au pied du mur à deux mois de l'abrogation définitive de l'article 60. Ensuite, il exige une fois de plus une habilitation à légiférer par ordonnance ; si celle-ci était adoptée, elle priverait encore un peu plus notre assemblée de son pouvoir.
Le sujet est trop important. Vous en êtes conscient, car vous avez toutes et tous rendu hommage au travail des douaniers, hommage auquel je m'associe bien évidemment. Toutefois, avant de se targuer de donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces, encore faudrait-il leur donner des moyens tout court !
Permettez-moi de citer quelques chiffres édifiants. Nos douanes comptent 17 000 agents, contre 48 000 en Allemagne. Ainsi, il y a 2,3 fois moins de douaniers par habitant en France qu'outre-Rhin, alors que notre pays compte 3,9 fois plus de kilomètres de frontières et que sa superficie terrestre et maritime est 29 fois supérieure ! Dès lors, la douane, cette « police des marchandises » si essentielle à l'intérêt général, a du mal à accomplir ses missions. Par exemple, alors que la fraude à la TVA fait perdre chaque année 25 milliards d'euros aux caisses de l'État, seul un conteneur sur mille quittant notre pays est contrôlé, faute d'effectifs suffisants. Les délinquants peuvent donc se faire rembourser indûment des sommes colossales de TVA, en toute impunité. Telle est la réalité du contrôle douanier dans notre pays.
En réalité, il n'est pas question de moyens dans votre projet de loi, si ce n'est dans son titre. En effet, les moyens, ce sont essentiellement des effectifs et des investissements. Or, ici, on ne prévoit pas de plan d'embauche massif pour combler le sous-effectif, ni d'investissements stratégiques qui permettraient aux fonctionnaires d'accomplir leurs missions avec efficacité. Tout ce que vous nous proposez, c'est la création d'une réserve opérationnelle, composée d'agents peu formés ou de retraités épuisés.
Pourtant, douanier est un métier qui s'apprend et nécessite une mise à niveau permanente ainsi que la pleine maîtrise de ses capacités physiques et intellectuelles.
Votre réserve opérationnelle n'est qu'un cache-misère ; ce sera une douane au rabais. Elle ne peut être à la hauteur de l'enjeu et répondre aux besoins d'une administration en souffrance et en sous-effectif structurel. Votre réserve douanière est un projet mortifère et dangereux. Mortifère, car il s'inscrit dans le processus général de destruction d'un service public,…
…qui pourrait fonctionner admirablement si on lui en donnait les moyens. Dangereux, car vous allez envoyer sur le terrain des agents formés à la va-vite et armés, pour effectuer de périlleuses missions que les douaniers titulaires ont mis des années à maîtriser.
Votre réserve empêchera donc aussi la montée en compétences et la pérennisation des agents, si essentiels à l'efficacité de ce service public.
M. Antoine Léaument applaudit.
Mais là n'est pas le seul piège de votre projet. Le texte qui nous est proposé contribue à un dangereux glissement de la police des marchandises vers une police migratoire.
Plusieurs articles du projet de loi tendent à dévoyer le travail de la douane en la mobilisant pour le contrôle des personnes plutôt que des marchandises. Si ce texte est adopté en l'état, les douaniers pourront contrôler l'identité de chaque personne se trouvant dans leur rayon d'exécution ; les réservistes pourront être mobilisés dans le cadre de Frontex ; les drones des douanes seront utilisés pour la surveillance des frontières dans la lutte contre les franchissements irréguliers. Autrement dit, vous allez transformer les douaniers en garde-frontières ou en supplétifs de la police, et les lancer dans une chasse aux migrants absurde et inhumaine.
À cette politique, il existe un projet alternatif, que nous avons l'honneur d'incarner avec nos partenaires de la NUPES. En effet, il serait aisé d'amplifier le recrutement des agents. Le président de la commission des finances l'a dit, les candidats et candidates aux douanes ne manquent pas ! Rappelons que le taux de réussite au concours, l'un des plus difficiles de la fonction publique, est généralement inférieur à 2 %.
Oui, il est possible de faire des douanes une administration qui participe à la grande bifurcation écologique, dont l'humanité a besoin, en instaurant des droits de douane fondés sur des critères économiques et sociaux. Oui, nous pouvons aussi lutter contre l'évasion fiscale, notamment contre la fraude à la TVA, en recentrant les douaniers sur leur mission première de police des marchandises.
Monsieur le ministre délégué, donnez réellement des moyens aux douanes en embauchant des douaniers ! Ces agents réalisent un travail formidable contre l'évasion fiscale et pour la protection des consommateurs comme de la biodiversité. Ils méritent un texte à la hauteur des immenses missions qui leur sont confiées.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES. – M. Mickaël Bouloux applaudit aussi.
Nous sommes réunis aujourd'hui pour examiner un texte de loi d'une importance cruciale pour nos douanes qui, en tenant nos frontières et en contrôlant nos marchandises, protègent l'économie, la population et le territoire français. Malgré la forte capacité d'adaptation des douanes face à un monde en constante mutation, il est nécessaire d'agir pour sécuriser leur action sur le plan juridique.
Le projet de loi du Gouvernement que nous étudions aujourd'hui tire, en premier lieu, les conséquences d'une décision du Conseil constitutionnel du 22 septembre 2022, lequel avait, après avoir été saisi d'une QPC par la Cour de cassation, appelé l'exécutif à revoir l'article 60 du code des douanes, jugé inconstitutionnel à compter du 1er septembre 2023. L'article 60 régit le droit de visite des agents des douanes, autorisant ceux-ci à fouiller les moyens de transport, les marchandises et les personnes pour appliquer les dispositions du code des douanes et en vue de rechercher la fraude. Ce droit de fouille n'est limité ni dans l'espace, ni dans le temps, ni selon les circonstances. Il convient de souligner que cette prérogative majeure des douaniers n'a fait l'objet d'aucune modification depuis 1948.
Le Conseil constitutionnel a motivé sa décision en estimant que la rédaction actuelle de l'article 60, en ne précisant pas suffisamment le cadre applicable à la conduite du droit de visite, n'assure pas une conciliation équilibrée entre « d'une part, la recherche des auteurs d'infractions et, d'autre part, la liberté d'aller et de venir et le droit au respect de la vie privée ». Afin de préserver cette prérogative majeure des douaniers, le Gouvernement a donc déposé un projet de loi afin de rénover l'article 60 pour qu'il soit conforme à la Constitution. Je note la célérité avec laquelle Bercy modifie la loi pour la rendre conforme à la Constitution ; il conviendrait que d'autres ministères s'en inspirent.
M. François Jolivet applaudit.
En second lieu, le projet de loi propose de modifier les pratiques douanières pour leur permettre de se moderniser. Trois tendances fortes constituent des leviers de transformation des métiers de la douane pour faire face aux nouvelles menaces.
Premièrement, il tient compte des évolutions de fond qui affectent les frontières et les flux de marchandises, avec le boom des flux de marchandises liés à l'e-commerce et, surtout, la mise en place du paquet TVA e-commerce, qui conduisent la douane à bâtir de nouvelles modalités de gestion de la frontière numérique, ainsi que de la création d'une nouvelle frontière physique du fait du Brexit.
Deuxièmement, il reconnaît le besoin renforcé de protection et de souveraineté du territoire vis-à-vis du terrorisme et de la criminalité organisée, celui des entreprises françaises vis-à-vis de la contrefaçon ou pour les aider à l'export, ainsi que celui de la population vis-à-vis des trafics, notamment du trafic de tabac illicite, et de la criminalité environnementale.
Troisièmement, il prévoit un recours croissant au numérique et à la donnée, lesquels, s'ils sont utilisés largement par les réseaux criminels, doivent permettre à la douane de se moderniser et de gagner en efficience, de simplifier les procédures pour les usagers et de renforcer les capacités opérationnelles des agents.
Ce texte a été utilement complété par le Sénat en première lecture et en commission à l'Assemblée. Plusieurs amendements ont été adoptés pour mieux encadrer la nouvelle prérogative permettant de geler les données numériques dans le cadre d'une visite domiciliaire, prévoir la levée du secret professionnel pour les besoins de la prévention de la circulation des armes chimiques, préciser les dispositions sur le droit de visite douanière et les prérogatives des douanes concernant la lutte contre les contenus illicites en ligne, créer un accès automatique pour les agents des douanes aux informations de la DGFIP pour permettre le contrôle des opérations de détaxe de TVA et améliorer l'échange d'informations entre l'autorité judiciaire et la douane.
Il a par ailleurs été adopté deux amendements du Gouvernement. L'un permet de créer des agents de douane judiciaire, lesquels seront chargés d'appuyer les officiers de douane judiciaire sur la formalisation des procédures. Cette nouveauté, saluée par ma collègue Perrine Goulet en commission des finances, est une vraie avancée. L'autre étend la possibilité, pour la douane, d'utiliser des drones pour lutter contre les trafics de tabac, dans des conditions conformes à la décision du Conseil constitutionnel.
À notre sens, le projet de loi permet d'atteindre ses objectifs. Le groupe Démocrate votera ce texte.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et HOR.
Chers douaniers présents en tribune ce soir, vous êtes inquiets. Vous êtes inquiets de cette réforme du code des douanes et des conséquences qu'elle aura sur votre quotidien ; vous êtes inquiets de la limitation de votre liberté d'action, de la mise sous la tutelle des procureurs et de la multiplication des formalités administratives au détriment du terrain ; par-dessus tout, vous êtes inquiets de cet article 2 qui vous impose d'invoquer des raisons plausibles pour effectuer un contrôle.
Je partage votre inquiétude sur cette disposition qui est un océan d'incertitude. C'est la fin du flair des douaniers et des contrôles aléatoires, qui ont pourtant fait leurs preuves et permis de trouver de nouvelles filières de contrebande à de nombreuses reprises. Ces contrôles paraissent d'autant plus importants que les contrebandiers d'aujourd'hui sont bien loin des caricatures du cinéma et ressemblent chaque jour un peu plus à monsieur Tout-le-Monde. Le Gouvernement nous répond en commission que les raisons plausibles ne sont à invoquer qu'en dehors des zones où interviennent habituellement les douanes. C'est vrai ; mais ce qu'il ne dit pas, c'est que c'est la douane volante, celle qui agit au cœur de notre territoire, bien souvent à l'extérieur de ces zones, qui a les meilleurs résultats. Tout simplement parce que la douane prend le contrebandier par surprise, sa force étant d'être là où on ne l'attend pas.
L'introduction de la raison plausible dans le code des douanes sera à l'origine de nombreux contentieux. Le contrebandier pourra se dire discriminé et poursuivre le douanier pour cette raison – ce qui est ridicule, puisque le but du douanier est de trouver des marchandises illicites : il ne choisit donc pas le contrebandier. Mais cet argument tiendra-t-il devant une cour de justice ? Pire, si la raison plausible invoquée est jugée trop fragile par un magistrat, le douanier verra son affaire réduite à néant. C'est une aubaine pour les avocats et les narcotrafiquants, c'est une catastrophe pour les douaniers, dont la réactivité est entravée, et donc pour nos concitoyens.
Cette disposition a été demandée par le Conseil constitutionnel pour encadrer la liberté d'action des douaniers, jugée disproportionnée. Nous nous retrouvons dans une situation intolérable et contraire à l'esprit des lois de la nation française, fille des Lumières, où le juge écrit la loi et se substitue au législateur que nous sommes. On ne peut qu'être ébahi devant la créativité de ce gouvernement, qui détourne chacune des institutions de notre pays pour contourner la représentation nationale qui l'a mis en minorité.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Avec de la volonté et du courage, il était possible d'assumer le choix d'une douane forte au service de la France et des Français. Vous en êtes capables. La preuve : vous l'avez fait en faisant annuler tous nos recours contre la réforme des retraites.
La douane, c'est 8 000 agents sur le terrain qui, à eux seuls, saisissent plus de 65 % des stupéfiants transitant sur notre territoire. Depuis deux ans, nous découvrons des usines de cigarettes de contrefaçon sur notre sol, lesquelles étaient jusqu'alors limitées géographiquement à l'Europe de l'Est. À l'heure où la quantité de produits stupéfiants à destination de la France est de plus en plus grande, nous ne pouvons nous passer des douaniers. Chez nos voisins, en Belgique et aux Pays-Bas, la pression est encore plus forte : des journalistes, des avocats et même des ministres ont été menacés d'enlèvement ; certains ont été assassinés par des narcotrafiquants, de plus en plus téméraires.
Je le répète : la douane a besoin de plus de moyens pour maîtriser ces risques et contrer ces nouvelles menaces. Au lieu de cela, vous obligez les douaniers à rédiger des procès-verbaux en cas de contrôle négatif, ce qui aboutit à plus de paperasse et moins de terrain.
Pire, le texte place la douane sous la tutelle des procureurs, ces derniers gagnant la possibilité d'annuler leurs opérations. Alors que la douane n'a fait l'objet d'aucun scandale, d'aucune bavure, alors qu'elle est une administration bien gérée, la seule à rapporter de l'argent à l'État, le Gouvernement va mettre les douaniers sous la tutelle des procureurs. La douane est une administration autonome et doit le rester. Le procureur n'a pas à donner son aval sur ses actions. La douane se doit d'être rapide et réactive pour attraper les contrebandiers. La multiplication des décideurs ne ferait qu'entraver son action, donc réduire son efficacité.
Après des années d'austérité, ce projet de loi était l'occasion de réaffirmer le rôle de la douane en augmentant ses moyens ou, à tout le moins, en les maintenant. Malheureusement, il n'en est rien et, malgré vos bons sentiments, vous risquez de porter préjudice au travail des douaniers.
Les douaniers n'ont pas besoin d'entraves, mais de soutien. La douane ne cesse d'annoncer des saisies records et d'intensifier sa lutte contre les trafiquants, alors même que ces derniers sont de plus en plus dangereux. Au sein du groupe Rassemblement national, nous estimons que notre mission consiste à soutenir nos douaniers, à défendre leurs droits, mais aussi leur efficacité. Donner à nos douaniers les moyens juridiques de faire leur travail relève du respect le plus élémentaire. Jamais ils n'ont abusé de leur liberté, car ils sont l'émanation même de la République. La République doit donc leur faire confiance. Mesdames et messieurs les douaniers, nous, nous vous faisons confiance.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui trouve son origine dans la décision du Conseil constitutionnel de septembre dernier qui a censuré l'article 60 du code des douanes, lequel permettait un droit de fouille étendu. La censure de l'article 60 doit s'appliquer à compter du 1er septembre 2023. Vu le calendrier parlementaire, nous ne disposons plus que d'un mois pour voter un texte que l'on sait pourtant nécessaire depuis huit mois environ. Ce point a fait l'objet de discussions en commission. Je comprends la nécessité de consulter les administrations et les syndicats, et nous avons tous intérêt à ce que la douane puisse continuer à travailler pour lutter contre la contrebande et les divers trafics, mais vous avez un peu tardé et c'est une fois encore le Parlement, traité comme une variable d'ajustement, qui en fait les frais. Il faut au moins le signaler ici.
Certes, le Conseil d'État a donné son aval au texte, mais il n'est pas le Conseil constitutionnel, et si ce dernier n'est pas satisfait par ce que vous proposez aujourd'hui, nous nous retrouverons dans une impasse inédite. J'espère que cela n'arrivera pas, mais je me dois de vous alerter. En tout état de cause, ce n'est pas très rassurant pour les 18 000 agents des douanes, dont je veux saluer ici le travail exceptionnel.
Nous aurions pu et dû examiner rapidement un texte restreint à cette réforme de l'article 60. Ensuite, dans un temps plus raisonnable, nous aurions pu traiter le reste des mesures proposées par le présent texte. Cela aurait permis de dissocier les votes.
Ce texte prévoit des mesures nécessaires, dont la nouvelle version de l'article 60, plus respectueuse des libertés individuelles, dont les douaniers ont un besoin immédiat. Toutefois, vous avez décidé d'y ajouter des mesures de réforme des douanes et de lier celles-ci à la question de l'article 60. En matière d'équilibre entre efficacité et préservation des libertés individuelles, légiférer dans l'urgence n'est pas la meilleure façon de procéder.
Nous émettons des réserves sur certaines mesures. Ainsi, il nous semble qu'il faut privilégier l'augmentation des effectifs pour la réserve douanière. Nous avons eu cette discussion en commission, où vous nous avez répondu que les deux objectifs n'étaient pas contradictoires, mais nous attendons des réalités concrètes en matière d'effectifs. En outre, le port d'armes pour les réservistes, mal défini, pose problème. Par ailleurs, avec les articles 6, 11 ter et 13, il est donné aux douanes des pouvoirs qui n'ont quasiment plus de lien avec les frontières et les marchandises, brouillant la ligne entre cette administration et les forces de l'ordre intérieures. Cela interroge, à tout le moins.
Vous renforcez les sanctions contre la contrebande de tabac. Il ne s'agit pas de nier le développement du trafic et de la contrebande de tabac et je n'ai aucune complaisance envers le trafic de tabac – ni même envers le tabac. Toutefois, les membres du groupe Socialistes sont attachés à la proportionnalité des peines ; c'est une question de principe, un principe que nous défendrons toujours, sans nier la nécessité des sanctions.
D'autres mesures insérées par le Gouvernement posent question et doivent demeurer sous contrôle. Il s'agit de la sonorisation et de la captation d'images – article 8 –, de la consultation et de la copie du contenu des appareils électroniques lors des gardes à vue et des confiscations – article 9 –, du gel des données sur serveurs distants – article 10 – et de l'utilisation de caméras embarquées – article 11 quater . Si l'on peut en comprendre la nécessité opérationnelle, il convient de garder le contrôle.
Enfin, l'article 15 habilite pendant trois ans le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour recodifier le code des douanes. Je me dois de rappeler à cette assemblée qu'une habilitation à légiférer par ordonnances signifie que nos amendements sur le même champ deviendront irrecevables, conformément à l'article 41 de notre Constitution. Il pourrait donc nous être interdit de modifier tout le code des douanes pendant trois ans. Je propose une autre méthode : que le Gouvernement prépare ses projets d'ordonnances, puis qu'il dépose un projet de loi de demande d'habilitation à légiférer par ordonnances pendant trois mois et y annexe les projets en question, pour que nous sachions ce que nous l'autorisons à faire.
MM. Antoine Léaument et Alain David et Mme Christine Arrighi applaudissent.
Montesquieu, que le Gouvernement a la fâcheuse tendance de reléguer aux oubliettes ces derniers mois, soulignait qu'il ne faut toucher aux lois « que d'une main tremblante ». N'utilisons pas toujours le prétexte de l'urgence ni celui d'une nécessaire conformité constitutionnelle pour légiférer à tout va. C'est dans cet état d'esprit de vigilance que nous abordons le texte.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – M. le président de la commission des finances applaudit également.
Les 18 000 douaniers français ont beaucoup de mérite. Leur engagement sans faille pour la lutte contre tous types de trafics à nos frontières mérite tout notre respect et nos remerciements. On ne parle presque jamais d'eux mais, dans un monde de plus en plus violent, ils font un travail difficile nécessitant du courage, de bonnes aptitudes d'observation et une grande capacité d'organisation, au regard des milliers de produits franchissant nos frontières chaque jour. Le nombre record de saisies effectuées en 2022 atteste du rôle majeur de la douane française pour notre pays : elle a saisi 104 tonnes de drogue, 640 tonnes de tabac et de cigarettes et plus de 11 millions d'articles de contrefaçon. Bravo à ses agents !
Aujourd'hui, nous ne devons pas entraver l'action de ces derniers ; nous devrions même la renforcer. Or je crains que la mesure majeure de ce projet de loi, réécrivant l'article 60 du code des douanes, n'impacte très négativement le travail de la douane. Je regrette vivement que ce projet de loi crée une suspicion envers les douaniers. Proposer que toute intervention des douaniers soit soumise à l'exigence de raisons plausibles, conduisant à soupçonner une infraction, revient clairement à mettre des bâtons dans les roues des douaniers. En agissant ainsi, nous ne leur accordons pas toute notre confiance. De plus, en étant mise sous tutelle du procureur de la République, la douane ne pourra pas continuer à faire preuve de réactivité. Si le procureur peut décider subjectivement de s'opposer à une intervention, autant dire que les records de saisies de 2022 ne seront jamais plus égalés.
Il y a un autre point sur lequel je veux attirer votre attention. Ce qui m'interroge, c'est que la communication gouvernementale laisse croire que la France a une politique douanière stricte et indépendante, d'une efficacité sans faille. Rappelons pourtant – les multiples références à la réglementation européenne dans le texte en attestent – que la France doit se conformer au code des douanes de l'Union, lequel régit les règles et les procédures douanières dans l'Union européenne. Même si nous le voulions, nous ne pourrions contrôler efficacement nos frontières. En effet, du fait des règles européennes sur la libre circulation au sein de l'Union, il est difficile pour les douaniers français d'effectuer leur travail au mieux. Si nous avions vraiment voulu évoquer le sujet du contrôle des frontières françaises, il aurait fallu parler des frontières extérieures de l'Europe car, une fois que des marchandises illégales ont pu entrer sur le territoire européen, il est plus difficile pour les douaniers français de les intercepter.
Ce projet de loi aurait donc dû chercher à renforcer les missions des douaniers français au regard du droit de l'Union. Or, en laissant croire à la souveraineté et à l'indépendance française en matière de contrôle de nos frontières, il me laisse de ce point de vue un goût amer. J'ai l'impression qu'il s'agit surtout d'un projet de communication visant à laisser les Français imaginer qu'ils maîtrisent encore pleinement ce qui circule et surtout ce qui entre sur le territoire.
Je veux, pour conclure, rappeler à tous l'intérêt de renforcer les attributions de nos douaniers. Ils contribuent, par leur travail quotidien, à assurer la sécurité des Français et à protéger notre économie et nos entreprises. Vous le savez bien, la contrefaçon et la concurrence déloyale peuvent causer des dommages considérables à nos industries nationales. En octroyant des compétences élargies aux douaniers français, nous assurerions notre sécurité nationale et la lutte contre les pratiques illégales nuisant à notre tissu économique national. Je regrette donc vivement que ce projet de loi ne donne pas suffisamment de latitude aux douaniers.
M. Xavier Breton applaudit.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.
Cet amendement d'appel me permettra de contextualiser la situation de nos douanes, ce qui me semble important. La France est dotée de 5 500 kilomètres de côtes, d'un nombre conséquent d'aéroports et de gares, et de frontières terrestres longues de 2 913 kilomètres. Le renforcement des douanes pour protéger notre pays passe d'abord par une augmentation des effectifs. Or, avec ce texte, le Gouvernement ne nous propose que de répondre à une décision de justice constitutionnelle. Je tiens pourtant à rappeler que la France comptait 22 000 douaniers en 1993 et qu'elle n'en comptait plus que 17 000 en 2021. Il y a donc nécessité de renforcer les effectifs, dont la baisse s'est accélérée sous la présidence d'Emmanuel Macron. Alors qu'elle dispose de deux fois moins de points d'entrée extracommunautaires que la France, l'Allemagne a deux fois plus de douaniers ! Je ne reviendrai pas sur les chiffres de la délinquance ni sur les trafics illicites ou la nécessaire lutte contre l'immigration, et me bornerai à souligner que, grâce aux saisies qu'elle réalise, la douane rapporte chaque année de l'argent à l'État français.
Par le présent amendement, nous demandons de la clarté dans les termes et dans le message envoyé aux douaniers : il faut renforcer leurs moyens plus largement. Je rappelle aussi que la France est le mauvais élève de l'Union européenne, puisqu'elle n'est que seizième en nombre de douaniers. Notre pays a besoin de plus de douaniers, avec davantage de moyens. Il est important de le leur rappeler, et de leur redire que nous les soutenons.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
L'intitulé du titre Ier , que vous souhaitez modifier, correspond à la visée du texte : c'est suite à la censure du Conseil constitutionnel que nous devons maintenir la surveillance douanière. S'agissant des moyens, je laisserai M. le ministre délégué répondre. Avis défavorable.
Cet amendement appelle notre attention sur la question des moyens et des effectifs de la douane, dont nous avons longuement débattu en commission. Je tiens à rappeler qu'il n'y a pas eu de réduction d'effectifs ces dernières années au-delà des évolutions de périmètre – au-delà notamment du transfert d'emplois lié au transfert de la douane à la direction générale des finances publiques du recouvrement d'un certain nombre de taxes. Quant au contrat d'objectifs et de moyens 2022-2025, il garantit aux douaniers l'absence de réduction d'effectifs sur cette période. Nous pourrons avoir, à l'occasion du prochain contrat, des discussions sur un éventuel renforcement des effectifs. Pour la période actuelle, le choix que nous avons fait a consisté à renforcer les moyens techniques, avec 150 millions d'euros d'investissements supplémentaires, dont 50 millions pour de nouveaux scanners et des lecteurs automatisés de plaques d'immatriculation. Je puis vous assurer que nos douaniers attendent ces moyens.
Je tiens enfin à rappeler, comme je l'avais fait en commission, que les comparaisons des effectifs douaniers entre pays de l'Union européenne ont leurs limites : les douanes n'ont en effet pas les mêmes missions ni le même périmètre d'action dans ces différents pays. Il est très difficile de comparer ce qui, en réalité, n'est pas comparable. Avis défavorable.
L'amendement n° 231 n'est pas adopté.
La décision du Conseil constitutionnel du 22 septembre 2022 déclare contraire à la Constitution l'article 60 du code des douanes, qui a pour objet l'organisation des droits de visite dans le respect des libertés fondamentales. Cette décision nous oblige. Je souhaite cependant attirer l'attention du Gouvernement sur le fait que cet article n'a pas permis d'endiguer les divers trafics illicites. Nos territoires, monsieur le ministre délégué, sont victimes de monstrueux trafics. En Guyane, les forces douanières se battent ardemment pour contrecarrer l'acheminement de drogue vers l'Europe. En Guadeloupe, pas plus tard que la semaine dernière, c'est un conteneur de près de 2 tonnes de cocaïne qui a été saisi. Les agents guadeloupéens œuvrent quotidiennement à la sécurité de leur territoire. Ils font un travail remarquable ; je tiens à les saluer ici, ainsi qu'à féliciter les autres douaniers.
Le présent projet de loi vise à créer une réserve opérationnelle de douaniers pour venir en soutien à ces agents. Or ce dont ils ont vraiment besoin c'est, sur le long terme, de ressources, de moyens humains et logistiques mobilisables. Les douaniers de mon département ont demandé un scanner mobile et sollicité de meilleures formations. Vous comprenez ma crainte : je redoute que, sans moyens véritables, la nouvelle organisation du droit de visite ne freine l'activité douanière car, pour tout contrôle désormais, nos agents devront se référer au procureur de la République. Je souhaite vous sensibiliser, monsieur le ministre délégué, à la nécessité de donner des moyens à nos agents pour lutter contre l'insécurité et faire face aux nouvelles menaces ; il faut revenir tout simplement à un effectif de 20 000 agents.
M. Antoine Léaument applaudit.
Permettez-moi tout d'abord de rendre hommage à l'ensemble de nos douaniers, ces fonctionnaires qui œuvrent au quotidien pour assurer la sécurité de notre pays. Ils sont en première ligne pour assurer la protection de notre territoire en traitant les flux de marchandises et en luttant contre les trafics, mais aussi contre la criminalité organisée et le financement du terrorisme. Exerçant une mission de contrôle migratoire aux points de passage frontaliers, nos garde-frontières sont les garants de notre intégrité.
Ils font face à une immigration toujours plus massive et incontrôlée, notamment aux entrées irrégulières dans l'Union européenne depuis la Méditerranée centrale, qui ont augmenté de 300 % depuis début 2023. Nos douaniers agissent également pour contrôler nos frontières numériques et, évidemment, les flux de marchandises. Vous l'aurez compris, les missions de la douane sont essentielles et il faut lui donner les moyens de les assurer.
L'article 1er de ce projet de loi redéfinit ce que l'on appelle le rayon des douanes. Il abroge notamment le 4 de l'article 44 du code des douanes, qui dispose que ce rayon peut être porté par décret à 60 kilomètres. L'une des raisons évoquées pour justifier cette abrogation est la mise en conformité du droit français avec le droit européen. N'oublions pas que c'est au moment de la généralisation de l'automobile que ce rayon a été porté à 60 kilomètres, et qu'il était de 20 kilomètres en 1791, lorsque l'on roulait en calèche.
Nous comprenons bien sûr la nécessité d'adopter le présent texte. Permettez-moi toutefois de vous rappeler que le Conseil constitutionnel a seulement recommandé – et non demandé – que cette zone géographique, dont nous allons largement débattre, soit restreinte à 40 kilomètres. Pour contrer les différentes menaces auxquelles font face les douanes, il est nécessaire de la ramener à 60 kilomètres. C'est la mesure que le groupe RN défendra tout au long de nos débats. Vous nous répondrez à chaque fois qu'une telle mesure pourrait être censurée par le Conseil constitutionnel ; nous vous répondrons quant à nous qu'il est important d'adapter le rayon des douanes à la modernité, aux automobiles et à notre temps. Les douanes ont besoin de plus de moyens et notre groupe fera tout ce qui est en son pouvoir pour maintenir à 60 kilomètres le rayon des douanes dont il est question à l'article 1er .
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
L'article 1er redéfinit la profondeur du rayon des douanes. La rédaction actuelle de l'article 44 du code des douanes dispose qu'une première zone de 20 kilomètres peut être élargie à 60 kilomètres par décret ministériel. Il nous est aujourd'hui proposé de réduire cette zone à 40 kilomètres, sans prévoir la possibilité d'un élargissement à 60 par décret ministériel, puisque le texte supprime l'alinéa permettant d'y recourir. Pour le groupe La France insoumise, c'est un problème. Nous pensons que le rayon doit être maintenu à 60 kilomètres, la distance maximale possible aujourd'hui, afin que les douaniers puissent faire leur travail et exercer notamment leur mission de contrôle des marchandises, des trafics de drogue et d'armes et des transports illicites d'argent. Alors qu'on entend régulièrement parler des go fast – qui, comme leur nom l'indique en anglais, vont vite –, on comprend aisément que les douaniers ont besoin d'une distance assez importante pour, le cas échéant, les rattraper et les neutraliser.
Nous défendrons donc, lors de la discussion de cet article, les moyens donnés aux douaniers pour qu'ils puissent faire correctement leur travail de contrôle des marchandises. Cela sera d'ailleurs notre philosophie pour l'ensemble du texte. Nous nous battrons pour que, à rebours de ce que viennent de dire nos collègues du Rassemblement national, les douaniers restent des douaniers et qu'on ne les transforme pas en policiers aux frontières chargés d'autre chose que du contrôle des marchandises. Je pense par exemple au contrôle des migrations : ce n'est pas leur métier, ce n'est pas ce qu'ils veulent faire. Il faut leur donner les moyens de faire ce qui relève réellement de leur travail et non des inventions de nos collègues d'en face.
Mme Charlotte Leduc applaudit.
Je suis saisie de onze amendements, n° 18 , 58 , 103 , 122 , 176 , 300 , 40 , 165 , 233 , 178 et 234 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 18 , 58 , 103 , 122 , 176 et 300 sont identiques, de même que les amendements n° 40 , 165 et 233 et les amendements n° 178 et 234 .
La parole est à Mme Émilie Bonnivard, pour soutenir l'amendement n° 18 .
Proposé par mon collègue Neuder, il vise à étendre la distance kilométrique permettant le droit de visite. La distance de 40 kilomètres restreint largement les capacités d'intervention des agents des douanes, alors que de nombreuses brigades ont été fermées depuis la suppression des douanes aux frontières intérieures de l'UE et la disparition des observatoires douaniers aux frontières.
Au surplus, l'actuel article 44 évoque déjà cette valeur de 60 kilomètres, qui permet une protection en profondeur dans des endroits où la circulation routière est parfois difficile, comme c'est le cas dans les zones montagneuses.
La parole est à M. Alexandre Sabatou, pour soutenir l'amendement n° 58 .
Il vise à maintenir le périmètre des douanes à 60 kilomètres à l'intérieur de la frontière, sachant qu'il est actuellement fixé à 20 kilomètres, mais peut être augmenté à 60 kilomètres par arrêté. Comme l'a rappelé mon collègue Guitton, la recommandation du Conseil constitutionnel n'est pas une obligation. Vous nous parlez systématiquement d'équilibre à trouver, monsieur le ministre délégué, mais, je le répète, je ne vois pas comment le Conseil constitutionnel pourrait censurer le texte si nous passions de 40 à 60 kilomètres, c'est-à-dire pour 20 malheureux kilomètres, alors que ce seuil peut déjà être atteint par arrêté.
Comme indiqué par plusieurs orateurs, cette frontière à 20 kilomètres en profondeur a été instaurée en 1791, à une époque où l'on circulait à cheval et en calèche. Alors que nous avons des TGV et des voitures qui peuvent circuler à plus de 200 kilomètres à l'heure, il est évident que 40 kilomètres ne suffisent pas, encore moins 20, alors restons-en à 60.
Je profite de ma prise de parole sur ce texte destiné à donner aux douaniers plus de moyens face aux nouvelles menaces pour saluer le travail qu'ils font sur terre, sur mer, à nos frontières, mais aussi dans le monde numérique, quelle que soit l'heure du jour et de la nuit, comme j'ai pu le constater lors d'une journée en immersion avec eux. Les douanes, c'est 16 000 hommes et femmes qui travaillent pour notre sûreté. Au cours de la seule année 2022, ces agents ont saisi 650 tonnes de cannabis, 100 tonnes de stupéfiants et 17 millions de produits contrefaits. Ils luttent contre la fraude financière ou même contre le trafic de biens culturels, comme l'a montré l'affaire de la gouache de Matisse saisie en juin 2022.
Globalement, tous mes amendements auront pour but de donner davantage de pouvoirs aux douaniers afin qu'ils puissent faire leur travail, tout en respectant un équilibre nécessaire avec la liberté d'aller et venir. Il s'agit de renforcer leurs moyens, mais aussi d'anticiper d'éventuelles failles dans lesquelles pourraient s'engouffrer des avocats pénalistes pour obtenir l'annulation de procédures et la relaxe de délinquants ou de trafiquants.
Cet amendement n° 103 tend à modifier l'alinéa 3 de l'article 1er , afin de permettre des contrôles d'identité dans une zone frontalière portée à 60 kilomètres. Comme d'autres orateurs l'ont déjà souligné, il faut nous adapter aux go fast et aux moyens de transport actuels pour permettre à nos douaniers de mieux faire leur travail.
La parole est à M. Michaël Taverne, pour soutenir l'amendement n° 122 .
En commission, monsieur le ministre délégué, vous avez dit que ce texte est important, historique et essentiel. C'est vrai, mais il doit surtout être efficace, notamment en ce qui concerne la profondeur de la zone frontalière.
Ce week-end, avec quelques collègues de mon groupe, je suis allé rencontrer des douaniers. Dans ma circonscription du Nord, il suffit parfois de passer d'une commune à une autre pour se retrouver en Belgique. « Sont-ils conscients de ce qu'ils sont en train de faire ? », nous ont demandé certains douaniers. Et d'expliquer que leur métier est difficile et que, même s'ils font de nombreuses saisies, beaucoup de marchandises passent, car il reste des trous dans la raquette.
Soyons conscients des réalités. Le Conseil constitutionnel ne dit nulle part qu'une extension de la profondeur de la zone frontalière à 60 kilomètres serait un motif de censure. Nous devons surtout écouter les douaniers de terrain, dont certains ont vingt-cinq ans de service. Si nous ne prenons pas cette mesure dès maintenant, nous disent-ils, les organisations criminelles vont s'engouffrer dans la brèche et les dégâts seront irrémédiables. Il y a un consensus de toutes les organisations syndicales et de nombreux députés sur ces 60 kilomètres. Soyons pragmatiques et adoptons ces amendements identiques.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
La zone frontière est l'un des sujets sur lesquels nous avons été alertés par les douaniers, notamment ceux de Solidaires Douanes. Cette zone a été établie à 20 kilomètres en 1791, à une époque où les frontières existaient encore davantage que de nos jours. À cette époque, on se déplaçait à pied ou à cheval – le moyen de transport le plus rapide –, et non pas avec des véhicules pouvant atteindre 260 kilomètres à l'heure.
L'article 44 du code des douanes prévoit que la zone de 20 kilomètres peut être portée à 60 kilomètres par arrêté ministériel. Le présent texte fait passer la zone douanière de 20 à 40 kilomètres, mais il supprime la possibilité de l'élargir à 60 kilomètres par décret ministériel. Peu favorables aux décrets, nous préférons que le législateur définisse lui-même la zone frontière. Comme un certain nombre de douaniers, notamment ceux de Solidaires Douanes, nous prônons donc son élargissement à 60 kilomètres. Les douanières et douaniers pourront ainsi mieux contrôler les marchandises à une époque où les go fast se développent pour franchir très vite ces zones frontières.
C'est pourquoi je vous appelle à soutenir cet amendement.
La parole est à M. Alexandre Loubet, pour soutenir l'amendement n° 300 .
Par idéologie mondialiste ou européiste, le Gouvernement a particulièrement à cœur d'abattre les frontières nationales, et ce projet de loi sur les douanes y contribuera. Pourtant, monsieur le ministre délégué, les frontières nous protègent de nombreuses menaces, notamment de l'immigration massive,…
…mais aussi des trafics, n'en déplaise à la NUPES, à commencer par les trafics de drogue. Les douanes françaises, qui interviennent dans la grande majorité des saisies de drogue, sont donc indispensables – j'en suis d'autant plus convaincu que je suis élu d'une circonscription frontalière avec l'Allemagne.
Vous voulez réduire le rayon des douanes à 40 kilomètres, alors qu'il varie actuellement de 20 à 60 kilomètres selon les cas. Vouloir figer ce rayon à 40 kilomètres est un contresens, une mesure technocratique qui ne prend pas en compte les réalités du terrain telles que le caractère rural ou montagneux de la zone, ou la présence d'une autoroute. Une telle mesure ne tient pas compte non plus des nouvelles menaces comme les go fast, ces fameux véhicules rapides qui traversent notre pays pour livrer de la drogue. Alors que les nouveaux modes d'action des délinquants et criminels sont plus rapides et plus agiles, vous souhaitez geler les capacités de nos douanes.
Quant à nous, nous proposons d'étendre à 60 kilomètres le rayon d'intervention des douanes françaises.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 40 .
Lors de la discussion générale, monsieur le ministre, vous avez déjà indiqué que vous n'étiez pas favorable à ces nombreux amendements, arguant que la zone des 40 kilomètres répondait à votre volonté d'équilibre et permettrait d'éviter une nouvelle censure du Conseil constitutionnel. Peut-être en avez-vous ras le bol d'entendre sept, huit ou dix députés avancer les mêmes arguments ou presque pour plaider en faveur des 60 kilomètres.
En tout état de cause, une chose m'échappe dans votre raisonnement. La loi prévoit un périmètre d'intervention de 20 kilomètres, mais aussi la possibilité de l'étendre jusqu'à 60 kilomètres par arrêté. Vous voulez passer de 20 à 40 kilomètres et supprimer cette exception. Je suis d'accord avec vous pour les 40 kilomètres, mais gardons aussi l'exception des 60 kilomètres. Donnons à nos douaniers, dont vous êtes le ministre de tutelle, la possibilité d'exercer leur mission dans les meilleures conditions possibles.
À ma connaissance, le Conseil constitutionnel ne voit pas d'inconvénient à ce que nous passions de 20 à 40 kilomètres. Pourquoi le fait de conserver cette exception de 60 kilomètres soulèverait-il une difficulté ? Passer de 20 à 40 kilomètres en supprimant au passage les 60 kilomètres, ça fait un peu politique du doigt mouillé.
En revanche, comme d'autres collègues l'ont déjà dit, les services des douanes réclament tous une zone de 60 kilomètres. C'est pourquoi je vous demande de nous entendre, monsieur le ministre délégué.
La nouvelle rédaction de l'article 60 entraînant plus de contraintes dans la mise en œuvre des visites douanières, nous devons conserver la possibilité d'élargissement du rayon douanier à 60 kilomètres, afin de préserver les moyens d'action des services concernés. Il n'y a aucune raison de restreindre ce rayon alors que les douaniers sont très demandeurs de cette possibilité d'intervention jusqu'à 60 kilomètres et que le Conseil constitutionnel n'y est pas défavorable. C'est ce que nous proposons avec cet amendement.
Sans vouloir répéter sans cesse les mêmes arguments, j'indique que le Conseil constitutionnel recommande, mais n'oblige pas. Pourquoi se plier à une obligation qui n'en est pas une ? Pourquoi le législateur n'essaierait-il pas de faciliter un peu la vie quotidienne des douaniers, en considération du travail qu'ils accomplissent ?
Nous débattons d'un projet de loi qui, finalement, dépendrait d'une décision de justice. À la fac de droit, on m'a pourtant répété ce que disait Montesquieu : le juge est la bouche de la loi. C'est donc à nous de faire la loi, et le juge déclarera constitutionnelle la décision qui s'ensuivra. C'est au législateur, élu du peuple français, de faire la loi pour les douanes.
Sur le fond, il faut faciliter la vie des douaniers, qui ont affaire à des délinquants recourant à des méthodes modernes, à l'intelligence artificielle et des véhicules de plus en plus puissants. Élargir le rayon des douanes n'est que s'adapter à la criminalité et aux bandes organisées qui transportent des marchandises illicites à nos frontières. À nos yeux, ce point est très important.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
On a l'impression que ce chiffre de 40 kilomètres est une espèce de compromis entre 20 et 60 kilomètres. Notre amendement de repli s'inscrit dans cette logique de marchandage : nous vous proposons d'établir la zone frontière à 50 kilomètres.
Comme mon collègue, j'ai déposé un amendement de repli fixant le rayon des douanes à 50 kilomètres. Voyant le nombre de députés de différents groupes qui plaident pour un élargissement de ce rayon, vous pourriez peut-être évoluer vers un compromis de dernière minute pour améliorer les conditions de travail des douaniers.
Comme vous l'avez indiqué, mes chers collègues, nous devons légiférer à la suite d'une décision du Conseil constitutionnel qui revient sur l'existant, à savoir la possibilité pour les douanes d'exercer leur droit de visite partout.
Actuellement, la loi fixe la profondeur de la zone terrestre du rayon des douanes à 20 kilomètres et prévoit la possibilité de l'étendre à 60 kilomètres par un arrêté ministériel. La censure du Conseil constitutionnel nous oblige à revenir sur cette disposition pour fixer une limite géographique à l'exercice du droit de visite, sachant que d'autres articles lui fixeront des limites fonctionnelles. Le dispositif qui vous est soumis est ainsi à la fois équilibré et robuste.
En écoutant certains orateurs, j'ai eu le sentiment qu'ils considéraient que, au-delà du rayon des douanes, l'action de celles-ci ne serait pas possible – l'un d'entre vous a évoqué le « gel des capacités des douanes ».
J'ajoute que cet équilibre a été validé par le Conseil d'État et par le Sénat : la technique du « doigt mouillé » est donc plutôt efficace, si vous me permettez cette boutade.
Il faut ajouter au rayon des douanes les ports, les aéroports et les gares ; les douanes ont donc une latitude et une capacité d'action très fortes. Elles peuvent également agir partout ailleurs : par exemple, sur la RD117, qui, je suppose, vous est chère, monsieur Léaument ; sur la RD613, madame Ménard ; au péage de l'A5, monsieur Guitton ; sur l'A40, monsieur Breton ou – cela s'adresse à M. Baubry, qui n'est pas encore arrivé – dans le parc d'activités des Baumes.
Vous pouvez donc être rassurés sur la capacité d'action des douanes, qui est sécurisée dans un rayon de 40 kilomètres.
Avis défavorable sur l'ensemble des amendements.
Tout d'abord, il faut être très clair : si nous le pouvions, nous ne changerions rien à la rédaction actuelle de la disposition relative au droit de visite. Mais celle-ci a été censurée par le Conseil constitutionnel, lequel nous a enjoint d'encadrer davantage ce droit. Certes, il ne nous a pas donné un mode d'emploi précis, mais enfin tout un travail a été accompli pendant plus plusieurs mois par le service général des douanes, le Conseil d'État ainsi que par des juristes passés par le Conseil constitutionnel pour définir un cadre le plus fin possible, de manière que l'exercice concret de nos douaniers change le moins possible. Croyez bien que tout a été étudié de très près.
En écoutant certaines interventions, j'ai eu, comme la rapporteure pour avis, le sentiment que d'aucuns pensent encore qu'au-delà du rayon des douanes celles-ci n'auraient plus la possibilité d'exercer leur droit de visite. Sur ce point, il faut être très clair : le droit de visite continuera à s'appliquer sur l'ensemble du territoire, mais dans un cadre nouveau au-delà du rayon des douanes.
Par ailleurs, il m'a également semblé que, pour certains d'entre vous, si les douaniers voient passer un go fast – un convoi composé de véhicules circulant très vite – dans le rayon des douanes et que ce convoi quitte ce rayon, ils ne pourront pas le suivre et intervenir en dehors du rayon. Bien sûr que si : dès lors qu'ils ont des raisons plausibles de soupçonner une infraction douanière – et c'est le cas pour un go fast –, ils peuvent suivre le convoi et exercer leur droit de visite sans aucune formalité. En réalité, cela ne changera donc pas grand-chose à l'action de nos douaniers.
Actuellement, je le rappelle, le rayon des douanes est fixé, dans la loi, à 20 kilomètres. Nous proposons de le porter à 40 kilomètres. Alors que nous devons réécrire le droit de visite pour encadrer davantage son exercice, nous étendons le rayon des douanes en le multipliant par deux. Vous proposez, par vos amendements, de le multiplier par trois. Nous avons étudié la question avec le Conseil d'État : l'extension que vous proposez ferait peser un risque sur la validité constitutionnelle du texte.
Il est donc bon qu'un scrutin public ait été demandé sur ces amendements, car chacun doit prendre ses responsabilités. Si ceux-ci étaient adoptés et que le texte venait à être censuré dans quelques semaines par le Conseil constitutionnel au motif que l'encadrement serait insuffisant, notamment parce que le rayon des douanes aurait été multiplié par trois, chacun serait mis devant ses responsabilités.
Je précise par ailleurs que nous tenons bien entendu compte de la réalité opérationnelle. Ainsi, le rayon des douanes s'étend, pour la zone terrestre, jusqu'au premier péage implanté après la limite de 40 kilomètres : il ne s'arrête pas net à cette limite. Il en est de même pour les gares. Le fait qu'il y ait désormais des trains à grande vitesse ne change rien : le rayon des douanes s'étend à la première gare après la limite des 40 kilomètres.
Un très gros travail a été effectué avec des juristes et des référents ambassadeurs douaniers œuvrant sur le terrain, en sus de celui accompli avec les organisations syndicales, qui ont participé, avec la direction générale des douanes, à la rédaction du nouvel article 60 du code des douanes. Tout a été pesé et soupesé pour que l'action des douaniers soit entravée par le moins de barrières possible et pour que les garanties soient données par le Conseil constitutionnel.
Si une chose peut nous rassembler, c'est bien le souhait que nos douaniers puissent continuer à exercer leur droit de visite après le 1er septembre prochain. Grâce à la rédaction que nous vous proposons, qui est très protectrice, notamment de leur action, j'ai la garantie que ce sera le cas. Si ces amendements étaient adoptés, je ne l'aurais pas. Mais chacun est face à ses responsabilités. Avis défavorable.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Monsieur le ministre, madame la rapporteure pour avis, vous l'avez dit, le rayon des douanes est actuellement fixé dans la loi à 20 kilomètres. Mais pourquoi est-il possible de l'étendre à 60 kilomètres par arrêté ? Parce que cela correspond à un besoin ! Nous devons en tenir compte et maintenir la distance de 60 kilomètres, qui avait été considérée comme juste à l'époque.
L'argument du Conseil constitutionnel est un faux argument. Il ne censurera pas la loi pour vingt malheureux kilomètres qui, au demeurant, figurent déjà dans la loi. Nous pouvons donner plus de flexibilité et de liberté à nos douaniers. Faisons-le ! Ne lavons pas plus blanc que blanc, ne soyons pas plus royalistes que le roi : adoptons ces amendements !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Monsieur le ministre, je comprends vos arguments ; ils ont du sens. Ce qui n'en a guère, en revanche, c'est de fixer le rayon des douanes à 40 kilomètres plutôt qu'à 41, à 42, à 38 kilomètres ou à 60 kilomètres, comme nous le proposons. Notre logique est la suivante : dès lors que nous sommes amenés à étendre ce rayon et qu'il existait jusqu'alors une possibilité de le porter à 60 kilomètres, autant le porter à cette distance car ainsi, les douanes pourront intervenir dans un rayon plus large sans avoir besoin de raisons plausibles de soupçonner une infraction.
Du reste, les douaniers ne contrôlent pas au pifomètre. Ils ont généralement des raisons plausibles d'intervenir. Nous souhaitons qu'ils puissent agir aussi librement que possible dans un rayon de 60 kilomètres. Il y a peu de risque que le Conseil constitutionnel censure le texte sur ce fondement.
Par ailleurs, vous avez évoqué les péages d'autoroute. Or, les douaniers d'Aulnay-sous-Bois, que j'ai rencontrés avec mon collègue Bastien Lachaud, ont soulevé un problème à ce propos. Les sociétés d'autoroute, nous ont-ils dit, sont en train de supprimer les péages – non pas le fait de payer, mais les barrières – intermédiaires, qui font perdre du temps, de sorte que l'automobiliste n'ait plus à passer une barrière de péage qu'au moment où il entre sur l'autoroute et au moment où il la quitte.
Votre argument risque donc de tomber. Je vous invite à y réfléchir, car cela commence à être un problème pour les douaniers, dans la mesure où, depuis que l'on a supprimé les frontières dans le cadre de Schengen, les barrières de péage sont un des derniers endroits où ils peuvent contrôler les véhicules à l'arrêt sur une autoroute.
La disparition des barrières de péage posera donc un problème, à long terme.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 92
Nombre de suffrages exprimés 88
Majorité absolue 45
Pour l'adoption 33
Contre 55
Je suis saisie de huit amendements, n° 41 , 46 , 166 , 255 , 318 , 72 , 179 et 319 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 41 , 46 , 166 , 255 et 318 sont identiques, de même que les amendements n° 72 , 179 et 319 .
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 41 .
Il s'agit, cette fois, de porter de 40 kilomètres à 60 kilomètres la partie de la zone terrestre du rayon des douanes calculée à partir des frontières terrestres. Mais l'amendement ne sera probablement pas davantage accepté par le Gouvernement…
Quoi qu'il en soit, si l'on maintient à l'article 1er la possibilité, mais uniquement à titre exceptionnel, de porter le rayon des douanes de 40 à 60 kilomètres, je ne vois pas pourquoi le Conseil constitutionnel censurerait cette disposition.
Actuellement, les douaniers peuvent agir dans un rayon de 20 kilomètres sur terre, distance qui peut être portée à 60 kilomètres par arrêté ministériel. Avec ce projet de loi, la profondeur d'action serait strictement limitée à 40 kilomètres, soit une réduction du périmètre de 33 %. Par cet amendement, nous proposons de maintenir la possibilité pour les douaniers d'exercer une présence ou un contrôle renforcé dans un rayon de 60 kilomètres, ce qui est particulièrement important, notamment dans le département des Ardennes.
Les précédents amendements portaient sur l'alinéa 3, qui fixe la distance du rayon des douanes à partir du littoral ; celui-ci porte sur l'alinéa 4, qui la fixe à partir de la frontière terrestre. Nous proposons, là encore, qu'elle soit de 60 kilomètres.
Je vais défendre également l'amendement n° 319 .
Tout d'abord, je remercie le Gouvernement d'avoir élaboré ce projet de loi, qui est, hélas ! la conséquence d'une décision du Conseil constitutionnel. On ne commente pas ses décisions, mais on peut dire ici qu'elles sont surprenantes et que, au cours des dernières années, sa jurisprudence est allée systématiquement à l'encontre des principes de sécurité.
Je rappellerai la décision qui a censuré la pénalisation de la consultation des sites djihadistes,…
…mais il y en a beaucoup d'autres. Il faudra peut-être qu'un jour, le Conseil constitutionnel comprenne que la première des libertés est la défense de la sécurité.
C'est un principe collectif, qui va au-delà de l'individualisme. Il faut donc légiférer pour empêcher qu'une de nos institutions fondamentales, les douanes, qui participent de la chaîne de la sécurité, ne puissent plus agir.
Lorsque j'arrive à l'aéroport de Nice, les douaniers me demandent : « Quand allez-vous voter un texte ? Nous allons bientôt nous retrouver démunis, notamment contre le fléau du trafic de drogue ! »
Mme Christine Arrighi s'exclame.
Il fallait donc élaborer ce projet de loi. Mais je crois qu'il faut pousser les curseurs le plus loin possible. C'est pourquoi nous proposons d'étendre le rayon des douanes jusqu'à 60 kilomètres. Nous pouvons tenter, oser cette extension, car il faut que les douanes conservent davantage de moyens. Mais, à un moment, une révision constitutionnelle s'imposera pour rappeler que la sécurité est la première des libertés !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Par cet amendement de repli, nous proposons de maintenir la possibilité pour les douaniers d'assurer une présence ou d'exercer un contrôle renforcé dans un rayon de 50 kilomètres.
Il s'agit d'un amendement de repli. Madame la rapporteure pour avis, monsieur le ministre, vous avez beaucoup fait référence à la notion d'équilibre et assez peu à celle d'efficacité. Or, quel est l'objectif du projet de loi ? S'il est uniquement de trouver un équilibre satisfaisant pour le Conseil constitutionnel, on passe à côté des exigences d'efficacité alors que, on le sait, les délinquants utilisent des moyens de contournement de la loi qui nécessitent que nous nous adaptions.
L'amendement n° 319 de M. Éric Ciotti a déjà été défendu.
Quel est l'avis de la commission sur cette série d'amendements ?
Seule la frontière terrestre est concernée par ces amendements et non la frontière maritime. Je ne vais pas vous infliger la réitération des arguments que j'ai fait valoir pour la précédente série d'amendements et qui m'ont conduite à donner un avis défavorable. Je rappellerai seulement que le dispositif prévu est équilibré, puisqu'il vise à garantir à la fois la capacité d'action des douaniers, la liberté constitutionnelle d'aller et venir et le respect de la vie privée.
Nous avons en effet donné un certain nombre d'arguments et je ne voudrais pas faire durer les débats en les répétant. Reste que vous pourrez dire aux douaniers que vous rencontrez à l'aéroport de Nice, monsieur Ciotti, que rien ne changera pour eux après l'adoption du texte. Je l'affirme d'autant plus que, quand nous avons examiné la décision du Conseil constitutionnel, nous avons hésité, pour la nouvelle rédaction de l'article 60 du code des douanes, à envisager un nouveau cadre d'action, y compris pour ce qui se passe dans le rayon de la frontière. Or ce qui est très positif pour les douaniers avec la nouvelle rédaction, c'est que rien ne change de leur activité dans le rayon de la frontière. Un nouveau cadre d'action est certes prévu en profondeur mais, disons-le, il reste assez léger afin de ne pas contrevenir aux décisions du Conseil constitutionnel. Mais, j'y insiste, pour tout ce qui se passe dans les zones frontalières, dans les aéroports internationaux, dans les gares routières et dans les gares ferroviaires internationales, rien ne change et il faut s'en réjouir.
L'intervention de M. Ciotti nous a permis d'en revenir à notre sujet, à savoir le respect de la Constitution.
L'orateur s'exprime le règlement à la main.
Pas du tout, je réponds à M. Ciotti selon lequel la première des libertés, c'est la sécurité. Ce n'est pas le cas, cher collègue. Il faut en effet dire : la première des sécurités, c'est la liberté,…
Vous direz ça à vos amis des Soulèvements de la terre, qui caillassent les forces de l'ordre !
…ce que garantit la Constitution par le biais de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Je sais que vous n'aimez pas trop la Déclaration, mais il faut ici en lire l'article 2 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. »
Mais je suis dans le débat, madame la présidente ! Je poursuis : « Ces droits sont la liberté – donc, comme je le disais à l'instant, la première des sécurités, c'est la liberté –, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression. »
Où sont-ils, les droits de l'homme et du citoyen, quand vous soutenez ceux qui se livrent à des dégradations pendant une manifestation ?
La sécurité ne fait pas partie des droits naturels, c'est la sûreté. Or la sûreté implique que nous ayons des droits garantis par la Constitution et par nos textes. C'est pourquoi figure également, parmi ces droits naturels, la résistance à l'oppression : si c'est le Gouvernement qui opprime, si c'est le Gouvernement qui ne respecte pas la liberté, alors nos droits doivent pouvoir être garantis.
C'est pourquoi, monsieur Ciotti, ce n'est pas la sécurité qui est la première des libertés mais bien la liberté qui est la première des sécurités.
Entendre les mots « liberté » et « sécurité » dans votre bouche, convenez que c'est un peu incongru, quand on songe aux appels à la violence que votre formation politique a lancés ,…
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur de nombreux bancs des groupes RE, RN et Dem
…quand vous soutenez que la police tue – c'est votre mentor qui l'assène dans tous les médias. Nous ne pouvons donc pas être d'accord quand on note le soutien que vous avez encore apporté le week-end dernier en Savoie à des manifestations violentes avec la participation d'élus de votre groupe menés par sa présidente ,…
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur de nombreux bancs des groupes RE, Dem et HOR
…quand on constate la violence que vous suscitez partout. Aussi l'idée selon laquelle la première des libertés c'est la sécurité ne peut-elle que vous être étrangère. Mais la liberté elle-même vous est étrangère puisque vous soutenez des régimes qui ont fait, par la dictature, par la terreur, tout le contraire de la liberté.
Pour vous, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, c'est donc la terreur ?
Évitez donc d'évoquer à la fois la liberté et la sécurité, notions dont vous ignorez tout.
Mêmes mouvements.
L'amendement n° 19 de M. Yannick Neuder est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Protestations sur les bancs des groupes LR et RE.
Et c'est vous qui lui reprochez de vous insulter ? Mais c'est vraiment l'hôpital qui se fout de la charité !
L'amendement n° 19 n'est pas adopté.
Suivant la même logique que celle des amendements précédemment défendus, celui-ci vise à maintenir pour les douaniers la possibilité d'exercer une présence ou un contrôle dans un rayon de 60 kilomètres.
C'est un amendement de coordination, puisqu'il s'agit de supprimer un alinéa qui, lui-même, prévoit de supprimer la profondeur de la zone terrestre jusqu'à 60 kilomètres.
Vous souhaitez que soit maintenue la possibilité d'étendre par le pouvoir réglementaire la zone terrestre jusqu'à 60 kilomètres. Or vous savez bien, chers collègues, que c'est inconstitutionnel. Aussi adopter vos amendements fragiliserait-il le dispositif. J'émets donc un avis défavorable.
Même avis pour les mêmes raisons.
La parole est à M. Michaël Taverne, pour soutenir l'amendement n° 123 .
J'ai reçu un texto d'un de ces douaniers qui font leur travail dans des conditions très difficiles : « Voyous : 1 ; douanes : 0. » Les organisations criminelles sont de plus en plus offensives, et l'on restreint le rayon d'intervention des douanes. Cet amendement de repli vise par conséquent à en revenir à un rayon de 60 kilomètres de profondeur pour la zone terrestre d'action des douanes.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
L'amendement n° 123 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 78
Nombre de suffrages exprimés 76
Majorité absolue 39
Pour l'adoption 75
Contre 1
L'article 1er est adopté.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
L'amendement n° 406 du Gouvernement est important en ce qu'il précise, nous le verrons, un certain nombre de conditions pour l'application des contrôles. Je regrette qu'il ait été déposé à la dernière minute alors qu'il s'agit d'un projet de loi – donc d'un texte d'origine gouvernementale –, alors que des études préalables ont été menées, que le Conseil d'État a donné son avis et que ce texte a déjà été examiné en première lecture au Sénat. Ce n'est du reste pas seulement le cas de cet amendement, et si plusieurs sont rédactionnels – dont acte –, d'autres sont plus substantiels, comme cet amendement n° 406 , qui porte sur le délai de quatre heures au-delà duquel le procureur de la République doit être informé. Non seulement il pose problème mais il n'a pas fait l'objet d'une réelle concertation avec les agents douaniers concernés. Nous nous étonnons donc de cette méthode consistant à déposer des amendements au dernier moment.
Hier encore j'étais dans ma circonscription à l'occasion des cérémonies du 18-juin…
Nous aussi, nous étions dans notre circonscription ! M. Houssin découvre le métier de député !
…à l'issue desquelles des douaniers sont venus me voir pour me faire part de l'inquiétude que font peser, selon eux, plusieurs dispositions de l'article 2 sur l'avenir de leur profession, sur leurs capacités d'action. On le sait, le Conseil constitutionnel nous demande de modifier le code des douanes : il juge que le champ d'action et les droits des douaniers sont excessifs – alors que la plupart de ces règles datent de 1948 sans que personne ne s'en soit plaint jusque-là en dehors, peut-être, de l'extrême gauche ou des trafiquants eux-mêmes, aucun scandale n'ayant éclaboussé les douanes.
Il faut, certes, se conformer aux exigences du Conseil constitutionnel pour que les douaniers puissent exercer leur profession après le 1er septembre, mais nous devons également laisser un maximum de marge de manœuvre aux douaniers pour lutter contre les trafics. Ce que nous vous demandons, monsieur le ministre délégué, c'est de ne pas faire d'excès de zèle, de ne pas créer de surcharge administrative, de ne pas limiter le champ d'action autour des ports, des aéroports ou des gares sans nécessité impérieuse, de ne pas limiter la durée des contrôles sans exigence du Conseil constitutionnel et, surtout, de ne pas céder à l'idée de raison plausible pour justifier un contrôle. Les trafiquants n'ont pas de portrait-robot, et les contrôles aléatoires donnent des résultats.
On a assisté, en 2022, à des records de saisies, grâce aux douaniers et à leurs techniques d'action. Ils savent sur quoi fonder leurs contrôles et ils n'abusent pas de leurs droits.
Nous vous demandons également de ne pas placer les douanes sous la tutelle du procureur de la République.
Concrètement, soutenons nos douaniers, garantissons leurs droits et leur efficacité, faisons-leur confiance et ne faisons pas plus de dégâts que n'en a faits, contre toute attente, le Conseil constitutionnel. Ce dernier a des exigences que nous devons observer, mais ne contraignons pas davantage les douaniers, dont nous ne pouvons que louer, j'y insiste, l'action et l'efficacité.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
L'article 2 forme le centre du projet de loi puisque le Conseil constitutionnel a exigé que nous modifiions la rédaction de l'article 60 du code des douanes, lequel article permet l'action des douaniers. Nos travaux sont très suivis par les quelque 17 000 agents des douanes, ainsi que nous l'ont assuré ceux que notre collègue Bastien Lachaud et moi-même avons pu rencontrer – j'en profite pour les saluer.
Nous allons défendre une idée assez simple : donner des moyens aux douaniers pour qu'ils puissent faire leur travail, c'est-à-dire contrôler les marchandises, contrôler les flux financiers, sans transformer la douane en police aux frontières chargée de contrôler l'immigration puisque ce n'est pas son métier ; faire en sorte, en même temps, de rester dans le cadre de la Constitution et donc du droit.
Deux points de vue s'opposent. L'extrême droite entend donner pleins pouvoirs et de façon permanente aux agents des douanes, en se fichant des droits, avec l'idée sous-entendue que, même si vous n'avez rien à vous reprocher, vous n'avez aucun droit…
Nous verrons au cours du débat que, même quand on n'a rien à se reprocher, il vaut mieux, pour certaines circonstances, garantir les droits – à cet égard, nous avons déjà débattu en commission de la lecture automatisée des plaques d'immatriculation.
Vous pourrez compter sur les Insoumis et, globalement, sur la NUPES, pour être du côté de la défense des droits.
En somme, les amendements que nous vous proposons sont de nature à garantir aux douaniers qu'ils disposeront des moyens de faire leur travail correctement, tout en restant dans le cadre de la Constitution, par conséquent dans celui de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen – qui compte beaucoup pour nous. Il s'agit donc d'obtenir un texte efficace pour les douaniers mais aussi constitutionnel.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous en venons aux amendements à l'article 2.
La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l'amendement n° 73 .
Nous avons eu ce débat à l'article 1er et, si j'ai entendu vos arguments, monsieur le ministre délégué, madame la rapporteure pour avis, j'estime néanmoins qu'il convient d'écouter la demande des douaniers, qui souhaitent pouvoir continuer d'agir dans un rayon de 60 kilomètres, dans le cadre d'un arrêté ministériel.
Comme je vous l'ai dit précédemment, cher collègue, une telle disposition a été jugée inconstitutionnelle. L'avis est donc défavorable.
L'amendement n° 73 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Vous avez expliqué tout à l'heure que ce texte visait à garantir à nos douaniers les mêmes possibilités d'action qu'aujourd'hui et qu'en définitive il ne changera pas grand-chose pour eux. Dont acte, mais il faut alors être précis, car une loi imprécise permet toutes les interprétations, même les plus folkloriques – ce qui, après avoir entendu la dernière intervention des rois du folklore de la NUPES, en l'occurrence M. Léaument, pourrait être très inquiétant.
L'article 2 précise que les douaniers pourront agir autour des gares, des aéroports et des ports internationaux. Or, dans la mesure où les gens qui y transitent arrivent du monde entier, une aérogare internationale s'apparente à une frontière. Nous pouvons donc nous demander pourquoi le rayon de 40 kilomètres ne serait pas maintenu.
Quoi qu'il en soit, notre volonté est de définir ce rayon, car le texte ne parle que des « abords » des lieux que j'ai cités. Que signifie « abords », monsieur le ministre délégué, madame la rapporteure pour avis ?
1 kilomètre ? 500 mètres ? 800 mètres ? Il n'existe pas de définition précise et il serait temps de fixer un nombre précis de kilomètres, afin de permettre aux douaniers d'agir.
En effet, si à la contrainte et à la lourdeur administratives vous ajoutez l'imprécision, nous allons saper leur travail – travail qui est d'ailleurs de plus en plus utile face à des trafiquants qui, eux, ne s'embarrassent pas de telles règles absurdes.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Je me permettrai de donner une réponse un peu large, car outre ces deux amendements, plusieurs autres visent à fixer un rayon de 30, 20 ou encore 5 kilomètres autour des ports, des aéroports et des gares.
Comme vous le savez, la commission des lois a approuvé le retour à la rédaction initiale de l'article 2 qui, elle, parle des « abords » des ports, aéroports et gares. En effet, comment les policiers procèdent-ils pour faire un contrôle d'identité ? Ils s'appuient sur la notion d'abords, qui est définie dans le code de procédure pénale. Je tiens donc à vous rassurer, cher collègue : il ne s'agit pas d'une notion floue. Elle existe, soyez-en certain, dans le code de procédure pénale, auquel vous pouvez vous référer si vous le souhaitez.
Vous proposez de fixer à 30 ou à 20 kilomètres le rayon au sein duquel des interventions douanières pourraient avoir lieu. Nous en avons discuté en commission des lois : avec de tels périmètres, toute l'agglomération parisienne serait concernée compte tenu de la présence de plusieurs aéroports et gares et du port de Gennevilliers. Les zones seraient extrêmement étendues, trop étendues.
Or, comme nous l'avons également déjà évoqué, il nous faut trouver un équilibre entre la capacité d'action des douanes et la liberté d'aller et venir des individus. Le chemin que nous vous proposons étant un chemin équilibré, l'avis de la commission sera systématiquement défavorable sur les amendements visant à fixer un champ d'action plus étendu, mais nous en reparlerons au fil des amendements.
Si nous définissons, autour des gares, des aéroports et des ports, un rayon de 30 ou 20 kilomètres, tel que le prévoient ces amendements, ou même de seulement 10 kilomètres, au sein duquel le droit de visite des douaniers pourra s'exercer sans cadre d'action spécifique, l'ensemble de la ville de Paris sera concernée, ce qui serait objectivement disproportionné et contraire à l'équilibre que nous cherchons.
J'ajoute que la notion d'abords existe déjà dans le code de procédure pénale, ainsi que dans le code des douanes, où elle figure dans un autre article que l'article 60. La jurisprudence est d'ailleurs très claire sur sa définition : il s'agit des rues adjacentes aux gares.
Cela étant, il n'y a pas d'inquiétude à avoir sur ce point car, comme nous en avons parlé en commission, si quelqu'un est repéré dans une gare et suspecté d'être en train de commettre une infraction douanière et de transporter de la marchandise prohibée, les douaniers pourront l'interpeller sans aucun cadre d'action spécifique, même au-delà des rues adjacentes car, s'ils ont suivi cette personne hors de la gare, c'est bien qu'ils ont une raison plausible de le suspecter.
J'insiste, nous devons observer un certain équilibre. La rapporteure pour avis a pris l'exemple des contrôles d'identité pour illustrer la notion d'abords telle qu'elle existe dans le code de procédure pénale : il en va de même dans le code des douanes. Les douaniers pourront poursuivre un individu hors d'une gare, d'un aéroport ou d'un port sans aucune difficulté et ainsi exercer leur droit de visite s'ils le suspectent d'être en infraction.
Je me permets de répondre à M. Jacobelli qui, dans sa présentation des présents amendements, a jugé utile de dire que nous étions folkloriques.
Son groupe a pourtant déposé un nombre considérable d'amendements visant à fixer un rayon d'action des douaniers à 30, 20 ou encore 10 kilomètres,…
J'espère que vous n'êtes pas en train de nous donner des leçons dans ce domaine !
En réalité, c'est vous, monsieur Jacobelli, qui êtes folklorique avec cet amendement. Vous proposez d'établir une zone de 30 kilomètres autour des gares ferroviaires et routières, des ports et des aéroports ouverts au trafic international, mais savez-vous seulement combien de ces lieux existent en France et, pour aller au bout du raisonnement, savez-vous quelle part du territoire national serait ainsi concernée par ces rayons de 30 kilomètres ? Vous n'êtes pas en mesure de répondre à ces questions, et je pense que vous n'avez même pas étudié l'impact des amendements que vous avez déposés.
Ainsi, en matière de folklore, monsieur Jacobelli, je crois que vous nous donnez une belle leçon !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Quand on arrive dans un port ou un aéroport depuis l'étranger, c'est qu'on a quitté un pays pour se rendre dans un autre. La question des 10, 20 ou 30 kilomètres autour de ces lieux est donc pertinente. Or, comme l'a parfaitement rappelé M. le ministre délégué, les abords d'une gare ou d'un aéroport se résument aux rues adjacentes à ces lieux : il faut bien comprendre que cela ne va pas très loin.
Cela étant, nous entendons, monsieur le ministre délégué, la nécessité de conserver un équilibre. Si nous adoptions ces amendements d'appel et validions un rayon de 30 kilomètres, nous couvririons en effet presque l'intégralité du territoire national, particulièrement, comme l'a dit Mme la rapporteure pour avis, dans les zones urbaines. L'ensemble de la Seine-Saint-Denis serait concerné, tout comme l'Île-de-France, et ce n'est pas ce que nous voulons. À cet égard, nos amendements n° 119 et 121 pourraient constituer un compromis, en ce qu'ils visent à distinguer les territoires ruraux des territoires urbains.
Quant au nombre d'amendements que nous avons déposés, monsieur Léaument, permettez-moi de vous répondre que c'est l'hôpital qui se fout de la charité ! Ces amendements visent à défendre les douaniers, non à bloquer une réforme ou à faire semblant de s'y opposer en faisant le jeu de la majorité. Ils ont été élaborés avec les syndicats et les douaniers afin de défendre leurs positions.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Il s'inscrit dans la continuité de celui que j'ai précédemment défendu, le n° 103, et vise à faciliter et à améliorer l'efficacité de la lutte de nos douaniers contre les stupéfiants, les contrefaçons et toutes les formes de délinquance.
J'ai bien noté, monsieur le ministre délégué, les arguments relatifs à la notion d'abords, l'objet de cet amendement n'étant d'ailleurs pas de la remettre en cause. Je soulignerai simplement que cette notion peut être évolutive, car soumise à l'interprétation du juge. J'en veux pour preuve l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH), seul exemple que je prendrai, dont l'interprétation au fil du temps emporte des conséquences que nos prédécesseurs, il y a un demi-siècle, ne pouvaient soupçonner.
Ainsi, comme précédemment, cet amendement vise à cadrer les choses et à fixer un nombre précis de kilomètres, afin que le champ d'action des douaniers ne puisse faire l'objet d'une interprétation évolutive de la part des magistrats.
Ces amendements ont le mérite d'être très précis, la loi se devant de l'être. En effet, le Conseil constitutionnel pourrait très bien, demain, retoquer la notion d'abords d'une gare ou d'un aéroport, et venir ainsi restreindre encore davantage le rayon au sein duquel les douaniers peuvent agir autour de ce type de lieux. C'est pourquoi j'estime qu'il convient de trouver un compromis sur une distance, qu'elle soit de 10, 20 ou 30 kilomètres.
J'insiste ; alors que nous venons de subir une censure de la part du Conseil constitutionnel et que celui-ci semble vouloir réduire les moyens d'action des douanes, qui vous dit que, demain, il ne cherchera pas à revenir sur la notion d'abords et à restreindre encore le champ d'action des douanes, si nous n'établissons pas une loi suffisamment claire ? Nous devons élaborer une loi claire, nette et de nature à rassurer les douaniers, s'agissant de leurs moyens et de leur action quotidienne – ce qui est d'ailleurs l'objet du projet de loi.
M. Alexandre Loubet applaudit.
L'amendement n° 380 de M. Thomas Ménagé est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces cinq amendements ?
J'espère que vous ne m'en voudrez pas, chers collègues, mais je reviendrai sur la notion d'abords.
M. Antoine Léaument s'exclame.
Je vous prie de m'excuser si je vous tourne le dos et si vous m'entendez mal, monsieur Léaument mais, comme vous étiez présent en commission, vous avez déjà entendu mes explications.
La notion d'abords figure à l'article 67 quater du code des douanes, à l'article 78-2 du code de procédure pénale, ainsi que dans le code de la sécurité intérieure. Non seulement cette notion est inscrite dans ces articles, chers collègues, mais elle a évidemment été utilisée, si bien qu'elle est balisée. Soyez donc rassurés sur sa précision.
Vous dites qu'elle n'est pas précise, monsieur Jacobelli : je répéterai donc ce que je viens de dire. La notion d'abords figure à l'article 67 quater du code des douanes, à l'article 78-2 du code de procédure pénale, ainsi que dans le code de la sécurité intérieure. Trois codes se réfèrent à cette notion, attestant donc de sa précision. J'émets un avis défavorable sur ces cinq amendements.
Même avis, pour les mêmes raisons.
La parole est à M. Alexandre Sabatou, pour soutenir les amendements n° 119 et 121 , qui peuvent faire l'objet d'une présentation groupée.
Sur ces amendements, je suis saisie par le groupe Rassemblement national de demandes de scrutins publics.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Comme je l'ai évoqué lors de mon intervention précédente, ces amendements visent à différencier les gares et les aéroports internationaux situés en zone rurale de ceux des centres-villes.
En effet, si un rayon de 2 ou 10 kilomètres autour de ce type d'infrastructures s'appliquait en zone urbaine, c'est l'intégralité de l'Île-de-France qui serait concernée. Nous souhaitons donc distinguer les gares de petites communes accueillant des trains étrangers, particulièrement si elles se trouvent à proximité d'une autoroute : je pense par exemple au Sud-Ouest où des dessertes avec l'Espagne existent. De cette manière, nous élargirions le champ d'action des douaniers et leur accorderions davantage de liberté.
Ces deux amendements sont similaires, mais le n° 121 élargit encore un peu plus leur rayon d'action.
Dans la mesure où nous avons déjà eu ce débat en commission, mon avis défavorable ne vous surprendra pas. J'estime qu'il ne faut pas élargir le périmètre d'action des douaniers, car cela remettrait en cause l'équilibre global du texte.
Même avis, pour les mêmes raisons.
Cinq minutes ne se sont pas écoulées depuis l'annonce des scrutins publics, mais si personne n'y voit d'inconvénient, je vais mettre aux voix ces amendements, en commençant par le n° 119.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 79
Nombre de suffrages exprimés 78
Majorité absolue 40
Pour l'adoption 22
Contre 56
L'amendement n° 119 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 77
Nombre de suffrages exprimés 76
Majorité absolue 39
Pour l'adoption 22
Contre 54
L'amendement n° 121 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Émilie Bonnivard, pour soutenir l'amendement n° 70 .
Cet amendement, dont Mme Marie-Christine Dalloz est la première signataire, vise à étendre l'exception accordée aux bureaux des douanes pour allonger au-delà de douze heures la durée du droit de visite aux lieux agréés ou désignés par arrêté par le directeur général des douanes.
Sans une telle extension, les locaux des opérateurs situés dans les grandes plateformes logistiques comme celles du Havre, de Marseille ou de Roissy verraient leur activité entravée car la restriction des douze heures frapperait des lieux fonctionnant en continu.
L'amendement est satisfait, car les ports et aéroports sont déjà inclus dans le texte. En outre, le renvoi à un arrêté, et donc au niveau infralégislatif, fragiliserait le dispositif au regard de la Constitution. Pour ces deux raisons, avis défavorable.
Le texte prévoit déjà un régime spécifique pour les opérateurs sous surveillance dans le nouvel article 60-4 du code monétaire et financier. L'amendement étant déjà satisfait, je demande son retrait.
L'amendement n° 70 est retiré.
Monsieur le ministre délégué, lors de la présentation de la proposition de loi, vous avez souligné que certaines dispositions devaient être inscrites dans la loi car cela va mieux en l'écrivant. Je l'ai noté, car nous avons souvent proposé qu'il en soit ainsi, et c'est ce que nous faisons avec cet amendement.
Nous proposons de préciser à l'alinéa 11 que la zone de visite des douanes s'étend aux « axes routiers secondaires et tertiaires ». Le débat a déjà eu lieu en commission. À cette occasion, Mme la rapporteure pour avis a fait valoir que ces axes étaient déjà inclus dans la zone par l'alinéa 8, qui renvoie à l'article 44 du code des douanes.
Je suis d'accord mais, pour répondre à l'inquiétude des douaniers, nous avons déposé cet amendement d'appel en séance publique, afin que la possibilité effective de réaliser des contrôles sur ces axes soit mentionnée dans les comptes rendus, facilitant ainsi le travail des douaniers lors d'éventuelles procédures judiciaires. Cela va mieux en l'écrivant ! Le compte rendu nous suffira.
Il est similaire à l'amendement précédent puisqu'il vise à élargir le périmètre de la zone de visite des douanes aux axes secondaires. Certes, le texte le prévoit déjà, et Mme la rapporteure pour avis nous a rassurés sur ce point tout à l'heure. Toutefois, nous devons également rassurer les douaniers car ce texte encadrera leur travail quotidien.
Il est donc important que Mme la rapporteure pour avis ainsi que M. le ministre délégué le disent, car cela va mieux en le disant.
En effet, les délinquants, qui ne sont pas plus bêtes que les autres, sont de plus en plus nombreux à emprunter les axes secondaires. Dans ma région, la Champagne-Ardenne, ils franchissent la frontière avec la Belgique en traversant les Ardennes sur des petites routes départementales.
Nous comptons donc sur vous pour le préciser afin d'éviter qu'un décret ou une décision du Conseil constitutionnel ne revienne dans quelques années sur cette possibilité.
Nous avons débattu de cette question en commission et nous le faisons à présent dans l'hémicycle, mais je rappelle que cette possibilité est déjà inscrite dans le projet de loi aux articles 60-1, 60-2 et 60-3. M. Léaument peut donc être rassuré : la route départementale D117 fera bien partie de la zone de visite des douanes !
Ces amendements d'appel me donnent l'occasion de le dire clairement : les axes secondaires et tertiaires sont couverts par le droit de visite tel que mentionné aux articles du projet de loi codifiant la jurisprudence en ce domaine.
Je me suis rendu il y a quelques jours à Baizieux, dans le département du Nord. J'ai assisté à des contrôles réalisés par des douaniers sur un axe autoroutier ainsi que sur un axe secondaire. Les délinquants empruntent en effet de plus en plus souvent les axes secondaires, notamment parce que certaines applications signalent les contrôles douaniers sur les autoroutes. Les douanes doivent donc pouvoir couvrir tous les axes, et nous devons le préciser.
Demande de retrait.
Nous proposons de préciser que le droit de visite s'étend aux trains « de marchandises et de voyageurs » et donc au fret. Mon collègue Antoine Léaument ainsi que M. le ministre délégué l'ont rappelé : ce qui est inscrit dans la loi permet de clarifier et d'assurer ce qui doit l'être.
Nous souhaitons éviter que le contrôle des douanes ne se réduise à celui des voyageurs. Dans un capitalisme mondialisé, caractérisé par la circulation continue des marchandises et par la concurrence, le contrôle du fret est nécessaire, afin de détecter les fausses marchandises. Ce gouvernement n'aime pas le fret ferroviaire – il passe son temps à détricoter sa réglementation –, mais ce texte doit préciser qu'il relève de la compétence des douanes.
De façon plus générale, il faut éviter que les douaniers ne soient détournés de leur mission. Nous avons le sentiment désagréable que les douanes sont utilisées comme police des flux migratoires, ce qui n'est pas leur rôle. Je rappelle qu'en 2016 des agents avaient ainsi été mis à disposition de Frontex et que les douaniers s'étaient mobilisé contre cette décision. Nous devons défendre les douaniers et leurs missions d'intérêt général de lutte contre la contrebande, les fraudes et le trafic de marchandises contre ceux qui souhaitent mettre la douane au service d'une idéologie raciste. Nous nous opposerons toujours à eux, car c'est inacceptable.
M. Antoine Léaument applaudit.
Au cours des débats en commission, il a été rappelé que le contrôle des douanes sur les trains prévu par le texte ne se limite pas au transport des voyageurs et qu'il inclut donc le fret. Toutefois, il est important de le rappeler en séance publique. J'émets néanmoins un avis défavorable.
Même avis, pour les mêmes raisons.
Il serait souhaitable d'inscrire cette précision dans la loi. Un nombre croissant d'opérateurs ferroviaires de proximité desservent les ports, comme ceux du Havre ou de Fos-sur-Mer, ou même celui d'Anvers, et les douanes ne se rendent pas dans les endroits situés dans les hinterlands, car ils sont éloignés des frontières.
L'amendement n° 193 n'est pas adopté.
L'amendement n° 381 est retiré.
Cet amendement de bon sens vise à étendre les pouvoirs des services des douanes à proximité des infrastructures accueillant des épreuves sportives et des athlètes,…
…ce qui serait utile dans le cadre des Jeux olympiques de 2024. Un partenariat entre la préfecture de police et le Comité d'organisation des Jeux olympiques prévoit d'ailleurs la collaboration avec les douanes. Pour en garantir l'efficacité, les douanes doivent pouvoir agir concrètement sur un périmètre donné autour des infrastructures olympiques. Cet amendement propose de le fixer à 5 kilomètres.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Lors des débats en commission, il a été rappelé qu'une loi à portée générale comme celle-ci n'a pas vocation à traiter d'un événement spécifique. Étendre cet amendement à tous les stades, les gymnases, les piscines, les courts de tennis, les salles d'escrime et de sports de combat, les terrains de foot, de hand, de basket ou même de pétanque reviendrait à donner aux douanes un droit de visite sur toute l'étendue du territoire, ce qui serait très excessif.
Avis défavorable.
Même avis, pour les mêmes raisons.
Collègues du Rassemblement national, avec cet amendement qui vise à étendre le contrôle des douanes aux individus, vous confirmez les propos de mon collègue Thomas Portes. Sinon, comment expliquer votre proposition de contrôler les alentours des infrastructures olympiques ? Les gens ne vont pas s'y rendre avec des camionnettes ! Ce que vous voulez, c'est donc bien contrôler les individus et, plus précisément, les étrangers.
N'importe quoi ! Nous voulons que les douanes puissent contrôler les marchandises et les individus.
Votre préoccupation n'est pas le contrôle des flux transfrontaliers de marchandises, mais bien celui des étrangers, qui plus est à l'occasion des Jeux olympiques, qui sont pourtant un événement de fraternité entre les peuples autour du sport. Vous souhaitez en faire l'inverse. C'est la honte, comme d'habitude !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Monsieur Léaument, lors de grands événements sportifs, des produits de contrefaçon transportés en camionnette sont vendus aux abords des installations sportives.
Cet amendement permettrait donc de lutter contre la contrefaçon, ce qui relève des prérogatives des douanes. Il s'agit donc bien d'un amendement de bon sens. Monsieur Léaument, je vous remercie !
Nous avons déjà eu ce débat en commission. Les marchandises sont transportées par des hommes, le bon sens demande donc de pouvoir les contrôler.
J'ajoute qu'un de vos amendements prévoit de supprimer une disposition de l'article 11 quater permettant aux douanes de transmettre à la police ou à la gendarmerie des informations sur des personnes. Vous êtes donc contre le travail de collaboration en bonne intelligence des différentes forces de police.
Les douanes doivent pouvoir contrôler les personnes afin de transmettre à la police les informations relatives à tout individu en situation irrégulière ou sous le coup d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF).
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Il s'agit tout simplement d'appliquer la loi. Vous avez un problème avec la République, avec la loi et avec les douanes ! Vous ne voulez pas que les douanes puissent transmettre les informations nécessaires pour garantir la sécurité – ou la sûreté, comme vous dites – des Français. Assumez donc vos positions antipolice et antidouanes !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
L'amendement n° 252 n'est pas adopté.
La parole est à M. Antoine Léaument, pour soutenir l'amendement n° 185 .
La discussion de cet amendement nous donne l'occasion de vérifier qui est raciste et qui ne l'est pas.
« Quel rapport ? » sur plusieurs bancs du groupe RN.
Il prévoit en effet d'encadrer les contrôles des douanes par l'article 225-1 du code pénal, qui interdit toute forme de discrimination fondée par exemple sur l'origine ou sur la couleur de peau.
Un exemple concret : si les douaniers fondent leur décision d'effectuer un contrôle sur la présence d'une plaque d'immatriculation étrangère, l'origine étrangère, étayée par un élément objectif – une plaque –, donne une raison plausible de soupçonner l'importation de drogues. Cette décision n'est donc pas raciste et ne constitue pas une discrimination. En revanche, le fait d'arrêter quelqu'un du fait de sa couleur de peau, de son origine supposée constitue une discrimination, punie par l'article du code pénal que nous visons.
Si cet amendement de défense des droits recueillait un avis favorable, cela montrerait que ce texte sur les douanes ne sert pas des objectifs racistes.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous l'indiquez vous-même : ce principe est déjà inscrit dans la loi. Je rappelle dans cet hémicycle que celle-ci doit être respectée par les douaniers. Nous avons déjà eu cette discussion en commission des lois. Avis défavorable.
Même avis pour les mêmes raisons.
Monsieur Léaument, vous le savez très bien, ce principe est déjà inscrit dans la loi – dans la Constitution, notamment. Vous cherchez simplement à faire votre pub, avec cet amendement.
Monsieur le ministre délégué, comme je l'ai indiqué dans la discussion générale, l'article 2 est un nid à contentieux. Comment pourrons-nous justifier ces contrôles devant un tribunal ?
Puisque les filières de trafic sont internationales, les plaques étrangères sont visées en priorité. Mais, puisque toutes les nationalités sont représentées à l'étranger, rien n'exclut non plus de contrôler des personnes ayant des couleurs de peau différentes. Il revient aux douaniers de juger, sachant qu'ils se fonderont d'abord sur la plaque d'immatriculation et qu'ils visent, non des contrebandiers, mais des filières connues de trafic de marchandises.
Cet amendement est particulièrement insultant à l'endroit des douaniers. En demandant de préciser dans le code des douanes qu'ils ne doivent pas commettre de discrimination lors des contrôles, vous portez atteinte à leur honneur de manière scandaleuse.
Vous avez commencé votre intervention en délivrant des brevets de racisme et d'antiracisme, alors que nous sommes toutes et tous attachés à la lutte contre les discriminations.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Il n'est pire façon de faire que de porter atteinte à des fonctionnaires en les accusant de discriminations.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Au contraire, c'est parce que j'ai beaucoup de respect pour le travail des douaniers et pour les qualités dont ils font preuve,…
…qu'il importe d'inscrire cette précision dans la loi.
Alors que l'on nous répète à l'envi que d'autres que des républicains pourraient un jour arriver au pouvoir,…
…attenter à la République et dénaturer la douane, inscrire cette précision dans la loi permettrait de les en empêcher. Ce serait une sécurité pour l'avenir. Comme vous le savez, il faut écrire la loi tant pour les périodes où l'on est au pouvoir que pour celles où l'on n'y est pas – pour notre part, nous n'y sommes pas encore, mais nous y pensons.
Nous voulons donner aux douaniers les moyens juridiques de refuser des missions avec lesquelles ils ne seraient pas d'accord, dans le cas où d'autres que vous exerceraient le pouvoir.
Voilà pourquoi il faut inscrire cette précision dans la loi ; vous faites une erreur en donnant un avis défavorable.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 185 n'est pas adopté.
La notion de « raisons plausibles » est juridiquement floue ; il convient donc de la supprimer pour sécuriser le travail des douaniers et éviter les recours intempestifs.
La parole est à M. Jocelyn Dessigny, pour soutenir l'amendement n° 264 .
En prévoyant que les douanes devront caractériser la flagrance ou des « raisons plausibles de soupçonner la commission » d'une infraction, vous changez le paradigme. Les fonctionnaires ne pourront plus mener à bien leur mission car, par définition, l'infraction, comme les raisons plausibles de la soupçonner, ne se découvre qu'au cours du contrôle de douane et non a priori. Par ailleurs, en droit français, les personnes assujetties à une réglementation particulière, fiscale par exemple, peuvent être contrôlées, même en l'absence de raison objective de les suspecter.
Nous vous proposons donc de supprimer la condition limitant l'action des douaniers aux seuls cas où ils disposent de raisons plausibles de soupçonner une fraude, afin de protéger leur action et de respecter l'objectif à valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infraction.
Le Conseil constitutionnel a jugé, à l'alinéa 9 de sa décision du 22 septembre 2022, que le législateur n'a pas respecté la Constitution, « en ne précisant pas suffisamment le cadre applicable à la conduite de ces opérations [douanières], tenant compte par exemple des lieux où elles sont réalisées ou de l'existence de raisons plausibles de soupçonner la commission d'une infraction ». L'article 2 reprend donc la formule même du Conseil constitutionnel. Si nous supprimons la mention « raisons plausibles », nous nous exposons donc à un risque d'inconstitutionnalité. Avis défavorable.
On reconnaît dans la formule « raisons plausibles » une référence tant à la décision du Conseil constitutionnel qu'à l'article 78-2 du code de procédure pénale. Le présent amendement vise à réécrire le texte de manière plus souple, afin d'éviter que des avocats pénalistes ne mettent en doute la caractérisation du soupçon auprès du juge.
Votre position est d'autant plus difficile à comprendre que je viens de vous lire la décision du Conseil constitutionnel et que vous avez vous-même mentionné l'article 78-2 du code de procédure pénale – vous auriez également pu citer l'article 78-2-3 du même code, relatif à la fouille de véhicules. Ainsi, aucun flou ne subsiste. Avis défavorable.
Monsieur Daubié, je vous remercie pour votre contribution à ce texte, mais nous avons choisi l'expression « raisons plausibles », car elle est connue : elle figure déjà dans le code de procédure pénale et le code des douanes, à l'article 67 F, et fait l'objet d'une jurisprudence nourrie. Je préfère donc en rester à cette notion, plutôt que d'en choisir une autre, y compris celle que vous proposez car, pour le coup, cela justifierait la crainte, agitée par d'autres, d'un nid à contentieux.
J'entends ces arguments. Pour la cohérence du texte, je retire mon amendement.
L'amendement n° 107 n'est pas adopté.
La parole est à M. Antoine Léaument, pour soutenir l'amendement n° 182 .
Nous suivons la logique inverse des amendements précédents, en proposant de substituer à l'expression « raisons plausible » celle de « raisons objectives » de soupçonner une fraude. Ainsi, ces raisons seraient progressivement définies par la jurisprudence.
Toutefois, monsieur le ministre délégué, vos arguments sont convaincants et nous retirons cet amendement.
L'amendement n° 182 est retiré.
Nous proposons que le procureur de la République soit informé avant l'exercice d'un droit de visite – y compris dans les cas où celui-ci est motivé par des raisons plausibles de soupçonner une infraction –, afin que le parquet puisse s'y opposer.
Comme depuis le début de l'examen de ce texte, nous souhaitons ainsi permettre aux douaniers de faire leur travail – aucune autorisation préalable du procureur ne serait nécessaire –, tout en garantissant le respect des droits et en permettant les échanges entre les différents services de l'État – les douaniers pourraient ainsi s'assurer que leur intervention n'interfère pas avec une autre procédure en cours. L'adoption de cet amendement ne coûterait pas grand-chose ; d'ailleurs, un certain nombre d'amendements vont dans le même sens.
Cet amendement d'Elsa Faucillon est semblable au précédent et vise à renforcer le contrôle du procureur sur l'une des modalités de visite douanière. En effet, dans le nouveau cadre proposé, les douaniers pourront opérer de manière totalement libre au sein du rayon des douanes et dans les lieux de transit internationaux. Hors de ces zones, ils ne pourront intervenir que pour des motifs particuliers – par exemple, s'ils disposent de raisons plausibles de soupçonner la commission d'une infraction douanière, comme le prévoit le futur article 60-2 du code des douanes.
Notre amendement vise à instaurer une information préalable du procureur de la République en cas de visite opérée dans ce cadre particulier – ce qui n'implique pas une autorisation expresse de sa part, comme l'a indiqué M. Léaument. Cette procédure est calquée sur celle prévue dans le futur article 60-3 du code des douanes, qui donne la possibilité d'opérer des visites pour certains types d'infraction. En outre, cette information préalable existe déjà pour d'autres procédures douanières et ne semble pas présenter de difficultés techniques. Je pense même qu'elle protège le travail des douaniers.
Le Conseil constitutionnel a censuré l'article 60 du code des douanes, en exigeant l'instauration d'un meilleur équilibre entre, d'une part, le respect de la vie privée et de la liberté d'aller et venir, et, d'autre part, les prérogatives des douaniers dans le cadre de la recherche d'informations. Celles-ci devront donc être davantage encadrées.
L'amendement n° 142 vise à imposer un devoir d'information du procureur de la République avant les opérations de visite – c'est-à-dire de fouille. Il pourra ainsi s'y opposer.
Je défends l'amendement n° 143 au cas, tout à fait improbable, où l'amendement n° 142 ne serait pas adopté. Le procureur de la République serait « informé immédiatement, par tout moyen » de fouilles. Il pourrait s'y opposer.
Quant à l'amendement n° 144 , il s'inscrit dans le même esprit. Les horaires des fouilles des douaniers seraient davantage encadrés, grâce aux alinéas suivants : « Entre huit heures et vingt heures ou, en dehors de ces heures, lorsque l'accès au public est autorisé, le procureur de la République est informé immédiatement, par tout moyen, dès la prise de décision de procéder aux opérations de visite. En dehors de ces heures, les opérations de visites ne peuvent être engagées qu'après information du procureur de la République. Le procureur de la République peut s'y opposer. » Un tel encadrement respecterait l'esprit de la censure de l'article 60 du code des douanes par le Conseil constitutionnel.
Comme vous l'indiquez vous-même, monsieur Vicot, vous souhaitez renforcer l'encadrement des fouilles, en prévoyant que les fouilles prévues dans le cadre du futur article 60-2 du code des douanes nécessiteront une information préalable du parquet. Or cet article ne concernera que les fouilles motivées par des raisons plausibles de soupçonner une infraction, comme nous l'avons vu. Cela revient donc à prévoir ceinture et bretelles !
Nous sommes d'accord. Vous allez trop loin et prévoyez un encadrement excessif de l'action des douanes ; ce faisant, vous remettez en cause l'équilibre actuel. Avis défavorable.
Monsieur Léaument, je vous trouve incohérent.
Vous indiquiez tout à l'heure que votre boussole pour l'examen de ce texte serait l'action des douaniers et son effectivité.
Or votre amendement – comme ceux qui lui sont similaires – leur mettrait des bâtons dans les roues, lors de leur travail quotidien.
Un exemple : dans une gare internationale, nos douaniers repèrent quelqu'un et ils ont des raisons plausibles de soupçonner qu'il commet une infraction douanière ; la personne sort de la gare ; elle se déplace au-delà de ses abords, quelques rues plus loin. S'ils veulent la poursuivre et exercer leur droit de visite, avec votre amendement, il faudra au préalable qu'ils informent le procureur de la République. Elle aura donc le temps de s'enfuir.
Je le répète, vous mettez des bâtons dans les roues à nos douaniers. Nous voulons, au contraire, qu'ils puissent agir efficacement.
Je ne sais pas si nos collègues de la NUPES sont informés que ce texte s'intitule « Donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces ». Donner des moyens, ce n'est pas empêcher la douane de faire face à ces menaces.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – « Oh ! » sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
Or – nous nous en étions déjà aperçus en commission –, tous les amendements des collègues de la NUPES visent à compliquer la tâche de la douane, en la mettant sous la coupe du procureur de la République, en limitant les heures durant lesquelles elle peut agir, etc. C'est incohérent avec leur volonté, affichée, de faciliter son travail. Avec la NUPES, la douane est toujours suspectée de mal agir.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Monsieur le ministre délégué, je ne suis pas d'accord avec vous. Nous sommes cohérents par rapport à nos deux objectifs. Il faut, d'une part, donner aux douaniers les moyens d'agir efficacement. Nous avons déposé des amendements en ce sens, comme celui sur la zone de 60 kilomètres, dont vous n'avez d'ailleurs pas voulu.
D'autre part, il s'agit de garantir les droits. Qu'est-ce que cela fait d'informer le procureur de la République ?
S'il estime qu'il peut y avoir un risque pour les droits, alors il arrête la procédure. Le procureur de la République est le bras judiciaire de l'État. La plupart du temps, il n'aura donc rien à dire puisqu'il s'agit de lutter contre la fraude et la contrebande.
L'information ne ralentit pas ! Quand elle concerne les droits, au contraire, elle est une garantie. Laisser la possibilité au procureur de s'opposer ne veut pas dire qu'il va s'opposer ! En outre, c'est rapide – nous ne sommes plus à l'époque des pigeons voyageurs !
C'est simple comme un coup de fil ! Il faudrait peut-être aussi un numéro vert ?
Il s'agit donc d'amendements de bon sens, qui vont dans la direction que vous prétendez défendre, celle de la constitutionnalité et de la garantie des droits. Plusieurs députés de la NUPES plaident pour cette option. Écoutez-nous plutôt que d'écouter ceux d'en face.
Je partage l'analyse de M. Léaument. Vous ne pouvez pas nous accuser de vouloir trop encadrer la liberté des douaniers car nos propositions respectent l'esprit de la censure de l'article 60 du code des douanes par le Conseil constitutionnel. Il s'agit de garantir la liberté d'aller et venir de nos concitoyens. Ce n'est donc pas incompatible avec la liberté d'agir des douaniers. Mais il faut trouver un équilibre entre les prérogatives des douaniers et les libertés des citoyens.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
L'amendement n° 181 n'est pas adopté.
La parole est à M. Michaël Taverne, pour soutenir l'amendement n° 124 .
Les douaniers doivent avoir des raisons plausibles de procéder aux visites, selon les termes retenus. Mais, selon eux comme selon les officiers de police judiciaire, dans 90 % des cas, ces visites partent d'un indice décelé par eux seuls, du fait de leur expérience et de leur flair – quand nous n'y voyons que du feu.
Une affaire peut démarrer à partir de presque rien. C'est pourquoi il faut les laisser apprécier la situation et leur faire confiance. Ce sont des professionnels – heureusement qu'ils sont là pour saisir de nombreuses marchandises.
Il faut valoriser leur discernement. Préciser qu'il faut des « raisons plausibles » va conduire à invalider de nombreuses procédures, car les avocats des prévenus y trouveront matière à contestation. La couleur d'une vis, différente des autres, constitue-t-elle une « raison plausible » ? Comme je l'ai dit en commission, il s'agit là d'un exemple concret, qui a permis la découverte de plusieurs dizaines de kilos de cocaïne. Si la procédure avait été cassée, les douanes n'auraient pas réalisé la saisie ni remonté la filière.
Il faut s'appuyer sur le discernement des agents et leur permettre d'apprécier la situation, sinon soyez certains que de nombreuses procédures seront interrompues et que l'efficacité du dispositif baissera.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Bien évidemment, l'appréciation de ces raisons plausibles revient aux douaniers. J'ai vu travailler les services de douane de l'Isère et observé comment ils interrogeaient les uns et les autres ; je ne remets absolument pas en cause le flair dont ils font preuve.
Votre amendement est satisfait. Avis défavorable.
L'amendement n° 124 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jocelyn Dessigny, pour soutenir l'amendement n° 265 .
Il s'agit, à nouveau, d'un amendement d'appel. Ces raisons plausibles doivent être entendues largement. Il y va des résultats de nos douaniers, qui s'appuient sur leur flair,…
Et quand ils sont enrhumés ? Je ne sais pas ce qu'ils disent alors au juge…
Votre proposition fragilise le dispositif. Les termes « raisons plausibles » sont déjà employés pour les contrôles de police ou d'identité. Je vous rassure : le dispositif est robuste, et déjà appliqué dans d'autres situations. Avis défavorable.
L'amendement n° 265 , ayant reçu un avis défavorable du Gouvernement, est retiré.
Sur l'amendement n° 157 ainsi que sur les amendements identiques n° 57 , 236 et 274 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de deux amendements identiques, n° 38 et 273 .
La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l'amendement n° 38 .
Ce projet de loi doit simplifier le travail des douaniers et non complexifier et ralentir les procédures. Il convient donc de supprimer l'obligation d'informer le procureur de la République en amont des visites.
La parole est à M. Laurent Jacobelli, pour soutenir l'amendement n° 273 .
Au moment où nos douaniers ont besoin d'agilité et de souplesse, on va leur opposer la lourdeur administrative, lourdeur qui, malheureusement, parfois, interdira certaines opérations. Vous estimez qu'il suffit d'informer le procureur, mais vous rajoutez dans la foulée qu'il peut s'opposer aux opérations. Il s'agit donc d'une autorisation de fait !
Combien d'opérations n'auraient pas lieu dans un tel cadre ? Combien de vices de procédure vont servir d'alibi aux avocats pour annuler des opérations qui auraient pu être des réussites ? Par respect pour le travail des douaniers et pour leur engagement – ils ont toujours un comportement irréprochable –, nous plaidons pour la suppression de l'alinéa 16. Ne les plaçons pas sous une tutelle administrative ; ce serait un anachronisme.
Vos amendements visent l'article 60-3, et donc le droit de visite pour la recherche de certaines infractions, comme celles liées aux matières dangereuses, aux contrefaçons ou aux stupéfiants. C'est – si vous me permettez l'expression – le troisième étage après les articles 60-1 et 60-2. Les douaniers n'ont pas besoin de raisons plausibles dans ce cas qui ne concerne, je le répète, qu'un certain type d'infractions.
Malgré tout, l'encadrement – que vos amendements visent à supprimer – est nécessaire, si nous ne voulons pas retomber sur les mêmes écueils que pour l'article 60. J'espère que vous suivez, cher collègue…
Une information n'est pas une autorisation. Le procureur est informé de l'opération et peut s'y opposer.
Non, c'est faux. Pourquoi peut-il s'y opposer ? Par exemple, si une opération de police judiciaire est en cours ou prévue, il aura des raisons de le faire.
Le dispositif est similaire à celui prévu à l'article 63 ter du code des douanes pour l'accès aux locaux professionnels en vue de rechercher des infractions douanières. Avis défavorable.
J'entends vos préoccupations et votre plaidoyer pour l'action efficace de nos douaniers. Mais, en l'espèce, vos amendements mettent en danger leur activité et leurs actions. S'ils venaient à être adoptés, il rendrait le nouveau cadre d'action des douaniers inopérant dans la profondeur du territoire et ils nous exposeraient à une nouvelle censure par le Conseil constitutionnel.
Le cadre que nous vous proposons est très souple. Après la décision du Conseil constitutionnel, ma crainte était que nous nous trouvions avec un régime d'autorisation. Ce n'est pas le cas puisque nos douaniers pourront informer le procureur de la République par tout moyen, en précisant par exemple que, le lendemain, toute la journée, ils seront sur tels axes autoroutiers. C'est aussi simple et souple que cela, et cela nous permet de garder un droit de visite sur l'intégralité du territoire. Préservons-le ! Avis défavorable.
Madame la rapporteure pour avis, vous parliez d'une journée en immersion. Nous l'avons tous faite – je l'ai réalisée aussi.
Parfois, nos douaniers s'installent à un endroit pour réaliser les contrôles que vous avez évoqués. Demain, ils devront en informer le procureur. Dans quel délai ce dernier devra-t-il répondre ? C'est tout de même une forme d'épée de Damoclès…
En outre, si, au bout de deux minutes, les douaniers se rendent compte que les logiciels de guidage routier signalent leur présence et veulent se déplacer vers d'autres rues – les voies de contournement, celles que vont probablement prendre les trafiquants –, s'ils ne préviennent pas le procureur, que se passe-t-il ? Doivent-ils rentrer chez eux ? Doivent-ils rester au même emplacement quand les trafiquants, eux, le contournent ? Doivent-ils attendre la réponse du procureur, qui peut-être n'arrivera pas ?
Ce flou, que je ne qualifierai pas d'artistique, et cette épée de Damoclès au-dessus des douaniers ne sont pas favorables à leur travail, qui consiste à nous protéger des trafics.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Deux formes de cohérence s'opposent. D'un côté de l'hémicycle, le Rassemblement national estime qu'il ne faut aucun contrôle, nulle part, jamais, pour protéger les droits humains. Il ne faut donc jamais informer le procureur de la République, quel que soit le sujet. En résumé, les douaniers sont libres de faire ce qu'ils veulent.
Mais même les douaniers ne demandent pas cela !
Ils plaident pour un cadre légal constitutionnel dans lequel accomplir leur travail. Lors de nos auditions, l'information du procureur de la République n'a pas semblé leur poser de problème.
Notre cohérence, c'est de garantir les droits, tout en donnant un maximum de moyens aux douaniers. C'est pourquoi nous vous avons proposé d'élargir l'information au procureur de la République, et donc ses possibilités d'intervenir. C'est pourquoi, en face, on nous propose l'exact inverse.
Vous vous trouvez donc dans une situation particulière, monsieur le ministre délégué. Vous venez de défendre ce à quoi vous vous êtes précédemment opposé. Vous avez dénoncé mon incohérence, mais celui qui n'est pas cohérent, c'est vous, ce n'est pas moi !
La parole est à M. Timothée Houssin, pour soutenir l'amendement n° 253 .
Il a été déposé par M. Romain Baubry et vise à donner aux douaniers la possibilité d'informer le procureur de la République par tout moyen et à toute heure. Ainsi, l'information restera obligatoire puisqu'elle peut se révéler utile, comme vous venez de l'expliquer, tout en limitant au maximum la contrainte, afin de gagner en efficacité.
Le droit de visite s'applique à toute heure, donc l'information peut déjà se faire par tout moyen et à toute heure : votre amendement est satisfait. Je vous demande donc de le retirer ; à défaut, l'avis sera défavorable.
Même avis, car il est satisfait.
Les douaniers nous ont souvent demandé à quel procureur ils devront adresser l'information. Les péages et les autres zones de contrôle sont souvent situés à la limite des ressorts de plusieurs tribunaux judiciaires. Avez-vous par exemple prévu un procureur référent dans chaque département, afin de simplifier la procédure ?
Les douaniers nous ont évidemment posé cette question. Nous définissons un cadre qui sera le plus souple possible, ou au moins le plus simple d'application pour les douaniers. Vous l'avez dit, les péages notamment sont souvent situés à la limite de deux juridictions. Nous allons donc élaborer un cadre national, puis un protocole qui définira au niveau local quel procureur il faut prévenir selon le lieu d'intervention.
L'amendement n° 253 est retiré.
Nous en venons au cœur du texte, à l'alinéa qui prévoit de placer la douane sous la tutelle des procureurs. Les douaniers vivent cette réforme comme une injustice : ils ont été irréprochables, ils n'ont commis aucune bavure ; or ce dispositif leur apparaît comme une sanction. Nous vous mettons en garde : vous ajoutez des intermédiaires, la douane sera donc moins libre et moins réactive. Les douaniers ne voient pas d'objection à avertir le procureur : chacun a son périmètre, ce qu'ils respectent ; néanmoins, pour assurer leur efficacité et pour le bien commun, ils doivent rester autonomes.
Vous avez assuré, monsieur le ministre délégué, que les douaniers n'auraient qu'à informer le procureur, et non à justifier de raisons plausibles. Cet amendement vise à préciser que l'action de la douane s'étend dans un rayon de 5 kilomètres autour de la zone indiquée au procureur. Si, par exemple, ils organisent une opération dans la zone du péage de Chamant-Senlis, ils pourront intervenir jusqu'à 5 kilomètres de ce lieu, sans raison plausible. En effet, les douaniers sont souvent repérés et leur position indiquée sur les applications de GPS ; les contrebandiers en profitent pour emprunter les routes nationales ou départementales parallèles, souvent situées à moins de 5 kilomètres. Pour le bien des douaniers, pouvons-nous parvenir à un compromis sur ce sujet ?
La parole reste à M. Alexandre Sabatou, pour soutenir l'amendement n° 57 .
J'anticipe sur la défense des amendements n° 52 à 275 du groupe Rassemblement national, que nous discuterons dans un instant. Si vous refusez de concéder la simple information du procureur, sans possibilité pour lui de s'opposer à l'action de la douane, nous proposerons d'autres formulations, visant à encadrer son refus, notamment par l'obligation de motiver sa décision. Madame la rapporteure pour avis l'a bien expliqué, elle peut être parfaitement justifiée, toutefois nous pouvons le préciser dans le texte, plutôt que de laisser blanc-seing au procureur.
La parole est à M. Jordan Guitton, pour soutenir l'amendement identique n° 236 .
Vous cherchez à donner aux douaniers le cadre le plus souple possible. Il est donc nécessaire de supprimer l'alinéa 16, en particulier le passage autorisant le procureur à s'opposer aux opérations de visite. En effet, il peut s'y opposer sans aucun argument. Imaginons, comme vous l'avez suggéré, que le procureur informe les douanes qu'une opération de police ou de gendarmerie est déjà en cours : on peut faire confiance à l'intelligence des douaniers et des policiers ou gendarmes pour que l'opération des premiers n'entrave pas l'action des seconds. Le procureur peut donc informer les douanes sans posséder un droit de veto qui les place sous sa tutelle.
Le procureur et les douaniers communiquent, faisons confiance à leur intelligence collective, puisque nous votons une loi de confiance aux douanes. Si vous voulez absolument conserver au procureur la possibilité de s'opposer aux opérations, il faut établir une liste exacte des conditions dans lesquelles il peut l'exercer, faute de quoi les douaniers travailleront sous l'égide du procureur, qui aura droit de vie ou de mort sur leurs actions.
Le signal qu'envoie ce projet de loi, c'est plus de contrôle des douaniers, moins de contrôle pour les trafiquants. Le nombre des trafics explose. Vous faites non de la tête, mais j'ai encore rencontré des douaniers la semaine dernière : c'est leur avis. Or, avec le début du texte, vous avez réduit leur périmètre d'action ; avec cet alinéa, vous limitez leur capacité d'intervention.
La singularité des douanes françaises était précisément de pouvoir mener leurs opérations de visite sans que le procureur puisse les empêcher. Vous voulez autoriser le procureur à bloquer les opérations, malgré les difficultés afférentes, que mes collègues du groupe Rassemblement national ont soulignées.
Le présent amendement vise à limiter le dispositif à l'information du procureur, sans donner à ce dernier la possibilité de s'opposer aux opérations douanières, nécessaires à la sécurité de nos concitoyens, notamment dans le cadre de la lutte contre les trafics de drogue. Les actions qui menacent la sécurité sont de plus en plus brutales et rapides : les douaniers doivent pouvoir agir plus facilement, avec davantage d'agilité. Vous préférez restreindre leurs prérogatives en ajoutant des lourdeurs bureaucratiques : c'est navrant.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Le risque est effectivement de placer les services douaniers sous la tutelle des procureurs, donc de créer de l'arbitraire.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Il s'agit, chaque fois, d'adosser le texte à une disposition existante et éprouvée. Le dispositif d'information avec possible opposition, sans motivation, existe à l'article 63 ter du code des douanes, consacré au droit d'accès aux locaux et lieux à usage professionnel. À mon sens, cette référence est de nature à vous rassurer.
S'agissant de l'ajout d'un rayon de 5 kilomètres, il serait trop contraignant, donc contraire à votre intention. Imaginons que les douaniers informent le procureur qu'ils vont intervenir à un péage et dans la zone alentour, sur telle et telle route offrant des accès secondaires. Votre rédaction serait plus contraignante que le texte, puisqu'elle limiterait leur intervention à un rayon de 5 kilomètres autour du péage. Il est vrai que les douaniers sont très rapidement géolocalisés sur les applications – je l'ai constaté au péage de Voreppe –, mais le procureur peut être informé d'un déplacement de manière très fluide. Il ne faut donc pas aller trop loin dans la contrainte.
Les dispositifs prévus aux articles 60-1, 60-2 et 60-3 du code des douanes sont tous délimités, géographiquement ou par leur champ d'application ; or les opérations dont il est question ne se déroulent pas dans des zones particulièrement exposées, comme le sont le rayon des douanes et les zones de gare. Cet alinéa permet de cadrer le dispositif.
Pour toutes ces raisons, l'avis est défavorable sur l'ensemble des amendements en discussion commune.
Je comprends très bien que les douaniers se posent des questions, qu'ils soient inquiets. En revanche, il est de notre responsabilité de ne pas raconter n'importe quoi, de nature à les inquiéter, qu'il s'agisse des intentions du Gouvernement ou des effets potentiels du texte.
Toutes les semaines, je discute avec des douaniers. Quand on leur explique les aspects pratiques de l'organisation qui découleront de l'adoption du texte, ils sont très vite rassurés.
Vous demandez ce qui se passera si les douaniers informent le procureur qu'ils organisent une opération sur un axe routier mais qu'ils décident de se déplacer, parce que leur présence a été signalée et qu'ils craignent un contournement par des voies secondaires. Nous travaillons avec le ministère de la justice, afin que la dépêche de la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) et les protocoles d'application à l'échelle locale prévoient la possibilité d'informer le procureur que les contrôles pourront se dérouler à divers endroits d'une zone. Les douaniers sont très mobiles et restent rarement de longues heures dans un même lieu, notamment parce qu'ils effectuent des repérages. Évidemment, le protocole relatif à la liaison des douanes et du parquet, que nous élaborons avec le ministère de la justice, prévoira la possibilité d'intervenir sur différents points de contrôle, sachant que, pour des raisons de sécurité, les douaniers connaissent les lieux d'intervention.
Le procureur pourra s'opposer aux opérations, c'est la garantie que l'action sera encadrée. Lors des discussions entre les procureurs et la direction générale des douanes, les premiers ont expliqué qu'ils ne voyaient pas de raisons de s'opposer à des contrôles, à l'exception du cas, que la rapporteure pour avis a cité, où l'opération des douanes pourrait gêner le déroulement d'une opération judiciaire ou faire courir des risques aux douaniers.
Je suis serein. Dès les premières semaines de l'entrée en vigueur du texte, tout le monde constatera qu'il ne bouleverse pas le cadre de travail des douaniers qui effectuent des missions sur le terrain. Avis défavorable.
Pouvez-vous, monsieur le ministre délégué, rassurer la représentation nationale, comme apparemment vous avez rassuré les douaniers ? Quelle sera leur latitude ? Quel degré de précision devra atteindre l'information qu'ils transmettront au procureur ? Un péage est une zone très circonscrite : devront-ils prévoir d'intervenir dans un rayon de 5 kilomètres, comme je le suggérais, ou devront-ils spécifier qu'ils se déplaceront entre l'autoroute et la D75, par exemple, sur une portion donnée ? Pouvez-vous être plus précis ?
Dans un souci de clarté, j'aimerais répondre à ce qui a été dit implicitement. Nous portons la voix des douaniers et de leurs syndicats, qui nous font confiance et que ces articles inquiètent. Nous ne jouons pas sur les peurs.
Nous n'allons pas au-devant des douaniers en leur expliquant qu'ils doivent craindre cette disposition, parce qu'elle bloquera leur travail. Ils connaissent parfaitement leur métier – loin de moi l'intention de le leur apprendre.
Si nous estimons que les rapports entre les douanes et les procureurs doivent être encadrés, c'est parce que les relations humaines varient au gré des individus : elles seront fluides avec certains parquets mais, dans d'autres cas, un procureur qui aura un directeur des douanes dans sa ligne de mire pourra lui opposer des refus, dans le simple but de le contrarier. Ce n'est évidemment pas souhaitable, mais il en aura la possibilité. Il importe d'encadrer ces relations, afin qu'elles se déroulent au mieux.
Vous ne cessez d'invoquer votre confiance dans les douaniers ; pour notre part, nous avons confiance dans nos institutions au sens large, et nous considérons qu'il est important de protéger les garants des libertés fondamentales. Cela ne signifie pas que les fonctionnaires consciencieux que sont les douaniers accomplissent mal leur travail – bien au contraire. Nous défendons la justice ; nous défendons les procureurs qui font leur travail du mieux qu'ils peuvent et qui entretiennent une relation de confiance avec les douanes – M. le ministre délégué l'a très bien souligné. De votre côté, vous cherchez à instiller de la défiance et à attiser les peurs parmi les douaniers. Nous reconnaissons là le Rassemblement national.
Sans trop allonger les débats, il me paraît important d'apporter certaines précisions – d'autant que des douaniers nous regardent et nous écoutent. Le dispositif sera souple. C'est précisément pour garantir de la souplesse que nous travaillons, avec le ministère de la justice, sur la dépêche qui sera diffusée au niveau national et sur les protocoles qui seront diffusés au niveau local.
Les douaniers ne raisonnent pas sur la base d'un rayon de 5 kilomètres autour d'un péage, par exemple – en tout cas, je n'ai rencontré aucun douanier qui fonctionne de la sorte, et la DGDDI me l'a confirmé. Ils privilégient certains points de contrôle où ils ont l'habitude de se rendre, ne serait-ce que pour des raisons pratiques : un poids lourd ne peut pas s'arrêter n'importe où, mais doit disposer d'un espace suffisant pour se déporter. Pour m'être rendu au Perthus avec une de vos collègues, je peux témoigner que les douaniers ont l'habitude d'intervenir sur certaines aires d'autoroute et à certains points de contrôle.
Le dispositif que nous élaborons avec le ministère de la justice vise à ce que les douanes informent le procureur de la République que le jour suivant, elles seront susceptibles d'effectuer des contrôles à tel et tel endroit, dans un rayon assez restreint. Ce sera assez simple. Nous avons vu ce qu'il en était au Perthus : les douaniers restent une demi-heure ou une heure à un point de contrôle, puis s'installent dans un autre, puis reviennent au premier… Nous sommes parfaitement conscients de cette réalité opérationnelle, et le dispositif que nous élaborons s'y conformera.
L'amendement n° 157 est retiré.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 82
Nombre de suffrages exprimés 81
Majorité absolue 41
Pour l'adoption 23
Contre 58
Sur les amendements n° 52 , 54 et 22 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de huit amendements, n° 52 , 54 , 22 , 275 , 371 , 125 , 315 et 48 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Alexandre Sabatou, pour soutenir les amendements n° 52 et 54 , qui peuvent faire l'objet d'une présentation groupée.
Ils visent tous deux à encadrer le refus d'opération de visite du procureur. L'amendement n° 52 prévoit que le procureur notifie par écrit sa décision de refus, et qu'il la motive par la conduite concomitante d'une autre enquête relative aux mêmes faits ou à des faits connexes, diligentée par un autre service judiciaire.
Quant à l'amendement de repli n° 54, il prévoit que le procureur notifie sa décision de refus par écrit et qu'il la motive.
Je le répète : pour garantir une relation de confiance entre le procureur et les douanes, nous devons encadrer leurs échanges.
M. Jordan Guitton applaudit.
La douane joue un rôle essentiel de protection de la sécurité du territoire et de nos concitoyens, ainsi que de gestion des crises. Afin qu'elle accomplisse au mieux ses missions, nous devons prendre des mesures qui lui permettent d'exercer une répression effective de la délinquance douanière.
Le droit de visite peut s'exercer pour les infractions douanières relatives à certaines marchandises particulièrement sensibles, et pour les infractions de blanchiment douanier qui s'y rapportent. Or l'article 2 du projet de loi, dans son alinéa 16, prévoit que les opérations de visite ne peuvent être engagées qu'après information du procureur de la République, qui peut s'y opposer. Vous entravez ainsi la mobilité nécessaire des douaniers.
Par ailleurs, vous n'encadrez pas de manière suffisamment précise les circonstances et les conditions dans lesquelles le droit de visite douanière peut être refusé – nous venons de l'évoquer. M. ministre délégué a affirmé qu'il n'y avait pas de raison que le procureur s'oppose à des visites, et qu'il ne voyait pas dans quel cas il pourrait les refuser. Dans ce cas, pourquoi lui accorder un droit de refus ? Un refus non motivé est susceptible de faire obstacle aux missions des douaniers. Il nous paraît nécessaire d'encadrer le champ d'intervention du procureur, afin de prévenir le risque de refus contre-productifs, et de lutter plus en profondeur contre les infractions douanières. Par cet amendement, nous proposons ainsi que le procureur motive systématiquement sa décision.
M. Jordan Guitton applaudit.
La parole est à M. Laurent Jacobelli, pour soutenir l'amendement n° 275 .
Comment expliquerons-nous aux douaniers que le procureur peut s'opposer à des visites, sans avoir à motiver sa décision ? Vous laissez entendre que les douaniers effectuent des contrôles arbitraires, mais gardons-nous de décisions arbitraires des procureurs !
La moindre des choses est qu'ils motivent leurs décisions. C'est l'objet de mon amendement.
Avec l'aval des organisations syndicales, nous avons défendu le principe d'une zone terrestre du rayon des douanes d'une profondeur de 75 kilomètres, mais vous l'avez refusé. Vous affirmez par ailleurs que le droit de visite doit être motivé par des raisons plausibles de soupçonner une infraction douanière. Cette condition reste floue, alors qu'elle engage la responsabilité pénale des douaniers : les malfrats n'hésiteront pas à les poursuivre, au motif que les raisons de leur visite n'étaient pas suffisamment plausibles.
Les organisations syndicales qui représentent les douaniers – car nous les rencontrons aussi – demandent simplement que les refus de visite du procureur de la République soient motivés. Telle est la condition d'une bonne compréhension entre la justice et les services douaniers, comme cela a cours pour la police et la gendarmerie.
La parole est à Mme Caroline Janvier, pour soutenir l'amendement n° 315 .
Comme beaucoup d'entre vous, je me suis rendue auprès des agents douaniers pour observer leurs difficultés et leurs conditions d'exercice ; j'ai constaté qu'ils devaient faire preuve d'une grande agilité pour adapter leurs opérations et contourner les repérages diffusés par des applications comme Waze. Je relaie ici certaines de leurs demandes – c'est le rôle de la représentation nationale –, en particulier leur souhait que les avis du procureur soient motivés.
Pour que les fonctionnaires des douanes comprennent les refus de visite, ils doivent en connaître les motifs – ce, dans le respect des libertés fondamentales, en particulier de la liberté d'aller et venir, qui prime sur toute autre considération, y compris opérationnelle. Il est important d'entendre la volonté de ceux qui exercent ces missions au quotidien.
M. Nicolas Pacquot applaudit.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 48 .
L'alinéa 16 de l'article 2 prévoit que les opérations de visite ne peuvent être engagées qu'après information du procureur de la République, qui peut s'y opposer. Comme les intervenants précédents, je souhaite que la précision suivante soit ajoutée : « Dans ce dernier cas, le procureur de la République doit motiver sa décision. » Il s'agit certes d'éviter tout risque de décision arbitraire – car des oppositions et des querelles de personnes peuvent survenir dans toute structure humaine –, mais un autre écueil me préoccupe davantage : que les douaniers ne comprennent pas les décisions du procureur et que leur action soit entravée. Cela mettrait en cause la nature même des opérations qu'ils mènent.
D'après M. le ministre délégué, les procureurs eux-mêmes affirment qu'il ne leur viendrait pas à l'esprit de s'opposer à des visites – ou alors de façon tout à fait exceptionnelle. C'est une raison supplémentaire pour qu'ils motivent leurs décisions : si leurs refus sont exceptionnels, ils ont un devoir accru de les expliquer et de les justifier, pour éviter toute incompréhension de la part des services des douanes.
Dès lors que les procureurs reconnaissent eux-mêmes que les refus seront exceptionnels, il y a tout lieu de leur demander de les motiver. Cela contribuera à la bonne compréhension et à la bonne entente entre les services.
Comme je l'ai expliqué, la procédure d'information sans motivation est déjà prévue par le code des douanes, et est déjà appliquée : cet argument me paraît suffisamment solide pour vous rassurer. J'ajoute que nous pouvons faire confiance aux procureurs de la République pour prendre des décisions équilibrées.
Nous avons dit toute la confiance et toute la reconnaissance que nous accordons aux douaniers ; cette confiance et cette reconnaissance, les procureurs les méritent également. Avis défavorable sur l'ensemble des amendements.
Je l'ai dit, nos premiers échanges avec les parquets et avec le ministère de la justice, à un niveau technique, permettent d'anticiper que les refus seront rares – j'ai évoqué les situations dans lesquelles ils pourraient survenir. Si le procureur de la République doit motiver son refus, je crains que, par symétrie, on ne finisse par exiger des douaniers qu'ils motivent leurs informations ou leurs demandes relatives à des visites. De même que nous pouvons faire confiance aux douaniers pour la pertinence des opérations de contrôle dont ils informent le procureur – ils connaissent leur travail et savent où se situent les risques –, nous pouvons faire confiance aux parquets pour avoir de bonnes raisons de refuser des visites de façon exceptionnelle. Ne nous engageons pas dans une course aux formalités, dont les douaniers risqueraient de sortir perdants. Je propose donc de maintenir le dispositif prévu par le texte. Avis défavorable.
Les députés du groupe La France insoumise voteront contre ces amendements.
Au-delà, je constate un phénomène intéressant : dès qu'il s'agit de justice, le Rassemblement national met des bâtons dans les roues.
En l'occurrence, nous parlons de fonctions exécutives – même si elles s'inscrivent dans le champ du pouvoir régalien.
Nous défendons ô combien les douaniers – davantage que d'autres –, puisque nous proposons d'en doubler le nombre et d'exercer un protectionnisme solidaire : il faudra beaucoup de douaniers pour contrôler les marchandises !
Mme Émilie Bonnivard s'exclame.
Personne ne peut donc nous reprocher de ne pas défendre les pouvoirs régaliens.
Sourires.
J'y insiste : pour qu'il existe un équilibre, il faut l'instaurer entre les différents pouvoirs – exécutif, législatif et judiciaire. Vous voulez donner tout pouvoir à l'exécutif ; cela se comprend parfaitement, puisque, de manière générale, vous aspirez à des pouvoirs autoritaires.
Comme politique, il n'est pas bon ; mais comme comique, il n'est pas mal !
Quand il s'agit de défendre le pouvoir judiciaire, il n'y a plus personne : c'est la bureaucratie à tous les étages.
Ce n'est pas ainsi que notre système fonctionne.
Nous voterons contre ces amendements, car un procureur de la République qui s'oppose aux opérations de visite a de bonnes raisons.
Encore une fois, dans ce débat, nous sommes ceux qui cherchent le plus à trouver un équilibre entre les prérogatives et les devoirs des douaniers.
Je remercie les députés de la NUPES de nous faire la leçon. Du reste, ce sujet vous intéresse tellement que vous êtes nombreux dans l'hémicycle – nous le constatons tous.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Monsieur le ministre délégué, je regrette que nous ne parvenions pas à trouver un accord pour lever les craintes des douaniers.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous avez à votre disposition toute une palette de solutions graduées pour répondre à leurs craintes. Je vous invite donc à faire un choix et à revoir votre position, afin que nous rassurions les douaniers.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 82
Nombre de suffrages exprimés 81
Majorité absolue 41
Pour l'adoption 24
Contre 57
L'amendement n° 52 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 81
Nombre de suffrages exprimés 80
Majorité absolue 41
Pour l'adoption 24
Contre 56
L'amendement n° 54 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 80
Nombre de suffrages exprimés 79
Majorité absolue 40
Pour l'adoption 23
Contre 56
L'amendement n° 22 n'est pas adopté.
Le vote à main levée n'ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 76
Nombre de suffrages exprimés 76
Majorité absolue 39
Pour l'adoption 31
Contre 45
L'amendement n° 315 n'est pas adopté.
L'amendement n° 48 n'est pas adopté.
La présidente de l'Assemblée nationale a reçu de la Première ministre communication du décret du Président de la République en date du 19 juin 2023, portant convocation du Parlement en session extraordinaire à compter du 3 juillet 2021.
L'ordre du jour de cette session extraordinaire sera publié au Journal officiel du 20 juin 2023.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures cinq.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra