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Intervention de Gabriel Attal

Séance en hémicycle du lundi 19 juin 2023 à 16h00
Donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces — Présentation

Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics :

Il y en avait effectivement une dans votre région. Dans ces cinq usines étaient produites entre 1 et 2 millions de cigarettes de contrefaçon par jour, sur des lignes de production et avec l'aide de machines-outils. Nous avons d'ailleurs, je le répète, saisi 650 tonnes de tabac de contrebande l'année dernière.

Face à ce changement d'échelle, nous devons à notre tour revoir nos méthodes et nos moyens. J'ai ainsi annoncé la densification du réseau de lecteurs automatisés de plaques d'immatriculation – les fameux Lapi, bien connus des douaniers et que nous évoquerons au cours de nos débats –, ainsi que le déploiement généralisé des scanners, qui constitueront des adjuvants essentiels dans la lutte contre la contrebande et contre les trafics de stupéfiants. Quatorze scanners seront ainsi déployés d'ici à 2025, avec pour objectif principal de scanner 100 % des colis provenant d'États extérieurs à l'Union européenne par voie aérienne. Je souhaite que nous investissions 45 millions d'euros supplémentaires dans ces équipements d'ici à 2027.

Soutenir les douaniers, c'est donc leur donner les moyens nécessaires. C'est aussi sécuriser leur action sur le plan juridique. Je fais bien sûr référence, ici, au droit de visite. Le premier enjeu du texte – son fait générateur, pourrait-on dire – consiste à offrir aux douaniers la sécurité juridique indispensable à l'exercice du droit de visite, lequel a, dans sa version actuelle, été déclaré non conforme à la Constitution. Afin de répondre aux critiques formulées par le Conseil constitutionnel dans sa décision prise en réponse à la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) du 22 septembre 2022, le texte prévoit de réécrire intégralement l'article 60 du code des douanes afin de sécuriser le droit de visite. Ce dernier, vous le savez, constitue une prérogative essentielle pour les douaniers, puisqu'il leur permet tout simplement de contrôler les marchandises, les moyens de transport et les personnes afin de rechercher des fraudes. Soyons donc clairs : si ce texte n'est pas adopté et promulgué d'ici l'été, les douaniers n'auront plus le droit de contrôler la moindre marchandise ni quiconque sur le territoire national à compter du 1er septembre prochain. Il en irait de même si le texte adopté rompait l'équilibre validé par le Conseil d'État, nous exposant alors à une nouvelle censure du Conseil constitutionnel.

Les articles 1 à 5 du projet de loi assurent la mise en conformité du droit de visite par trois moyens. D'abord, le texte inscrit dans la loi les principes dégagés par la jurisprudence de la Cour de cassation au fil des années. Sont ainsi codifiés le caractère contradictoire des contrôles, l'interdiction de la fouille à corps et le maintien à disposition des personnes pendant le temps strictement nécessaire aux opérations de visite. Ces différentes exigences étaient, bien évidemment, déjà appliquées et respectées par les douaniers. Il nous semble néanmoins préférable de les inscrire dans la loi – pour reprendre l'expression consacrée, si cela va sans dire, cela va mieux en le disant.

Ensuite, le texte maintient, dans la zone frontière, une prérogative de contrôle étendue, justifiée par la nature même des infractions douanières. Dans le rayon des douanes, fixé à 40 kilomètres de nos frontières, ainsi que dans les ports, les aéroports et les gares ferroviaires et routières internationales, le droit de visite continuera d'être exercé sans aucune modification.

Enfin, le projet de loi vise à donner un nouveau cadre d'action au droit de visite à l'intérieur du territoire. Je tiens à souligner qu'il s'agit bien d'un nouveau cadre : le droit de visite continuera de s'appliquer dans la profondeur du territoire. Seulement, son exercice ne pourra intervenir que dans deux cas précis : soit sur le fondement de raisons plausibles de soupçonner que la personne contrôlée a commis une infraction douanière ; soit après information préalable du procureur de la République pour la recherche d'infractions douanières. J'insiste sur ce point : il s'agit bien d'informer le procureur, et non de recueillir son autorisation préalable, afin de ne pas entraver ou ralentir l'action des services.

Certains groupes défendront probablement à nouveau en séance des amendements visant à élargir le rayon des douanes au-delà de 40 kilomètres. Je comprends parfaitement les préoccupations que ces amendements traduisent, mais, comme je l'ai indiqué en commission des lois, une telle modification emporterait le risque d'une nouvelle censure du droit de visite par le Conseil constitutionnel, donc d'une nouvelle période d'insécurité pour les douaniers. Restons-en à l'équilibre qui a été trouvé puis validé par le Conseil d'État comme satisfaisant aux demandes du Conseil constitutionnel.

Je sais qu'il existe aussi des débats nourris quant au rôle du procureur de la République. Certains ont déposé des amendements visant à remplacer le régime d'information par un régime d'autorisation. J'expliquais à l'instant pourquoi je suis défavorable à une telle disposition : elle alourdirait sensiblement l'action des douaniers. D'autres proposent au contraire de supprimer la possibilité, pour l'autorité judiciaire, de s'opposer à la mise en œuvre du droit de visite. En réalité, le meilleur compromis – celui que, selon moi, le texte prévoit – est celui qui permet d'encadrer sans entraver.

Enfin, nous devons trouver un équilibre s'agissant des délais introduits dans le texte : douze heures pour effectuer l'ensemble des opérations de contrôle et quatre heures pour informer le procureur de la République lorsqu'une opération de visite conduit à maintenir une personne à la disposition de la douane. Il importe de nous assurer que ces mesures d'encadrement, renforcées par le Parlement, n'obéreront pas la capacité de la douane à remplir ses missions et à protéger les personnes – et elles seules – lorsque cela est essentiel. C'est pourquoi des exceptions devront être ménagées. Nous y reviendrons au cours de nos débats.

Vous l'aurez toutefois compris : ce projet de loi ne consiste pas seulement à assurer la mise en conformité d'une prérogative essentielle avec la Constitution. Il s'agit aussi d'adapter nos moyens d'action et de permettre aux douaniers de lutter le plus efficacement possible contre les grandes menaces d'aujourd'hui et de demain.

D'abord, nous voulons donner aux douaniers les moyens de combattre la cyberdélinquance et la cybercriminalité. L'article 9 leur permet de prendre connaissance et de saisir au cours d'une retenue douanière des objets ou des documents se rapportant à un flagrant délit douanier, y compris lorsqu'ils figurent sur un support numérique. Il s'agit par exemple des données contenues dans un ordinateur, un disque dur ou un smartphone, que les agents pourront saisir et dont ils pourront, sous réserve de l'autorisation du procureur de la République, faire une copie. Ce dispositif accélérera considérablement les enquêtes douanières et renforcera leur efficacité.

Ensuite, nous proposons de permettre aux agents de procéder au gel des données stockées sur des serveurs informatiques situés à l'extérieur du lieu perquisitionné. L'objectif, c'est que les données conservées – comme c'est souvent le cas – dans des clouds ne soient pas effacées par les suspects et puissent être effectivement saisies.

Vous le savez, un nombre croissant d'infractions douanières sont commises à partir de contenus en ligne, par exemple la vente de produits de contrefaçon ou de tabac de contrebande. C'est la raison pour laquelle l'article 12 de ce texte donne la possibilité à nos agents d'exiger des plateformes qu'elles procèdent au retrait de tels contenus, une mesure inspirée notamment par le rapport d'information de Christophe Blanchet et Pierre-Yves Bournazel.

Si ces plateformes ne répondent pas, nos agents pourront demander aux moteurs de recherche de procéder au déréférencement du contenu ou à la suspension du nom de domaine. Je tiens au passage à souligner qu'a été voté en commission des finances un amendement, défendu par Michel Castellani et Charles de Courson, qui vise à porter à quatre mois la période de déréférencement, laquelle peut d'ailleurs être renouvelée pour quatre mois supplémentaires.

Le Sénat a proposé d'inclure une sanction pécuniaire dans ce dispositif ; la commission des finances, dans sa grande sagesse, a souhaité conserver cet apport, remanié. Le Gouvernement n'était pas favorable à cette évolution – je le reconnais – mais, grâce au travail effectué par Nadia Hai, nous avons trouvé une voie de passage permettant de renforcer l'effectivité du dispositif. Je soutiendrai donc l'amendement défendu par votre rapporteure.

Ensuite, ce texte permettra de mieux utiliser les nouvelles technologies en matière d'enquête et de renseignement douaniers. L'article 11 prévoit ainsi une expérimentation consistant à conserver, pour une durée étendue à quatre mois, les données issues des lecteurs automatiques de plaques d'immatriculation.

Pour lutter efficacement contre le trafic de stupéfiants, nous devons en effet être capables de détecter les convois routiers organisés par les trafiquants. Il existe bien aujourd'hui des lecteurs automatisés chargés de scanner les plaques d'immatriculation des véhicules qui pénètrent sur notre territoire. Cependant, le dispositif actuel consiste essentiellement à comparer les plaques au fichier des véhicules volés ou encore à celui des personnes recherchées. L'expérimentation évoquée à l'article 11 prévoit de se servir de cet outil de manière nouvelle.

Très concrètement, pendant les quatre mois durant lesquels les données seront conservées, les lecteurs et les algorithmes qui y sont associés seront en mesure d'identifier certaines situations. S'ils repèrent, par exemple, que deux véhicules circulent à intervalles réguliers l'un à côté de l'autre – ou à proximité –, cela pourrait indiquer qu'il s'agit d'une voiture dite ouvreuse et d'une autre dite suiveuse. Nous ciblerions alors les contrôles sur ces convois qui transportent probablement des marchandises prohibées.

Je tiens à insister sur l'absolue nécessité, dans le cadre protecteur de l'expérimentation et sous le contrôle du Parlement et de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, de disposer de cet outil pour mettre un coup d'arrêt aux trafics à nos frontières.

En son article 6, le projet de loi vise à sécuriser le recours par la douane aux techniques de sonorisation et de captation d'images en reproduisant le dispositif prévu par le code de procédure pénale pour les enquêtes douanières. Cette disposition essentielle et protectrice permettra de mieux séparer les utilisations, préventives d'un côté et répressives de l'autre, de ces techniques spéciales d'enquête.

Notre ambition avec ce texte est d'agir dans l'espace numérique et de faire coopérer les plateformes et les moteurs de recherche. Pour être aussi efficaces que ceux que nous affrontons, nous nous donnons les moyens d'exploiter pleinement les nouvelles technologies.

Les organisations que nous affrontons ne manquent pas de ressources. C'est la raison pour laquelle nous devons les frapper au portefeuille, car c'est sans doute le moyen le plus efficace pour les affaiblir. Je présenterai dans quelques semaines une nouvelle stratégie financière de la douane qui s'appuiera notamment sur l'évaluation de notre pays par le Gafi, le Groupe d'action financière.

L'article 6 prévoit la création d'un dispositif de retenue temporaire d'argent liquide circulant à l'intérieur du territoire lorsqu'il existe des indices que cet argent est lié aux activités criminelles les plus graves. Ce délit existait auparavant uniquement pour les flux d'argent liquide en provenance ou à destination de l'étranger. Il fallait impérativement corriger cela, notamment eu égard au phénomène des mules, ces jeunes qui, vous le savez, sont payés pour transporter de la drogue dans leur ventre, de la Guyane jusqu'à l'Hexagone, par voie aérienne. La retenue temporaire d'argent liquide au sein des frontières nationales permettra d'agir plus efficacement contre ce fléau.

Nous voulons aussi réformer le délit de blanchiment douanier, notamment en incluant, parmi les types de fonds pouvant relever d'un tel délit, les cryptoactifs.

Vous le voyez, l'objectif de ce texte est d'offrir à nos agents la panoplie la plus complète possible pour mener à bien leurs missions en veillant scrupuleusement au respect du droit. Oui, il faut donner à nos douaniers les moyens d'agir et nous devons tout faire, dans le cadre de nos principes, pour ne pas entraver leur action. Je refuse par exemple que le secret professionnel soit opposé aux agents qui conduisent une enquête. C'est la raison pour laquelle je soutiendrai l'amendement, déposé par Véronique Louwagie, Marie-Christine Dalloz, Émilie Bonnivard et plusieurs autres députés du groupe Les Républicains, qui prévoit de rendre inopposable le secret professionnel lorsque nos agents demandent que des documents leur soient communiqués.

L'identité des douaniers qui procèdent aux retenues doit être protégée, voilà pourquoi je soutiendrai l'amendement présenté par Sabrina Agresti-Roubache et plusieurs autres députés du groupe Renaissance.

Par ailleurs, vous le savez, je veux mener un combat sans merci contre le trafic de tabac. À la fin de l'an dernier, j'avais annoncé plusieurs mesures en ce sens dans le cadre du plan Tabac 2023-2025. Je rends hommage au passage à Éric Woerth, ici présent, qui avait remis il y a trois ans un rapport d'information sur ce sujet, cosigné par Zivka Park.

Le texte prévoit donc un renforcement des sanctions applicables au trafic de tabac. Nous voulons ainsi créer une peine complémentaire d'interdiction du territoire pour les étrangers qui ont fait l'objet d'une condamnation pour contrebande de tabac.

Par ailleurs, nous voulons durcir les sanctions applicables à la fabrication et à la détention de tabac de contrebande, un enjeu crucial que nous avons évoqué en commission, notamment avec Robin Reda, très engagé dans ce dossier. Si de tels délits sont commis, la peine d'emprisonnement passera d'un an à trois ans. Lorsqu'ils le sont en bande organisée, elle passera de cinq à dix ans.

Je veux aussi agir contre la vente illégale de tabac qui fragilise les 24 000 buralistes de notre pays…

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