Chers douaniers présents en tribune ce soir, vous êtes inquiets. Vous êtes inquiets de cette réforme du code des douanes et des conséquences qu'elle aura sur votre quotidien ; vous êtes inquiets de la limitation de votre liberté d'action, de la mise sous la tutelle des procureurs et de la multiplication des formalités administratives au détriment du terrain ; par-dessus tout, vous êtes inquiets de cet article 2 qui vous impose d'invoquer des raisons plausibles pour effectuer un contrôle.
Je partage votre inquiétude sur cette disposition qui est un océan d'incertitude. C'est la fin du flair des douaniers et des contrôles aléatoires, qui ont pourtant fait leurs preuves et permis de trouver de nouvelles filières de contrebande à de nombreuses reprises. Ces contrôles paraissent d'autant plus importants que les contrebandiers d'aujourd'hui sont bien loin des caricatures du cinéma et ressemblent chaque jour un peu plus à monsieur Tout-le-Monde. Le Gouvernement nous répond en commission que les raisons plausibles ne sont à invoquer qu'en dehors des zones où interviennent habituellement les douanes. C'est vrai ; mais ce qu'il ne dit pas, c'est que c'est la douane volante, celle qui agit au cœur de notre territoire, bien souvent à l'extérieur de ces zones, qui a les meilleurs résultats. Tout simplement parce que la douane prend le contrebandier par surprise, sa force étant d'être là où on ne l'attend pas.
L'introduction de la raison plausible dans le code des douanes sera à l'origine de nombreux contentieux. Le contrebandier pourra se dire discriminé et poursuivre le douanier pour cette raison – ce qui est ridicule, puisque le but du douanier est de trouver des marchandises illicites : il ne choisit donc pas le contrebandier. Mais cet argument tiendra-t-il devant une cour de justice ? Pire, si la raison plausible invoquée est jugée trop fragile par un magistrat, le douanier verra son affaire réduite à néant. C'est une aubaine pour les avocats et les narcotrafiquants, c'est une catastrophe pour les douaniers, dont la réactivité est entravée, et donc pour nos concitoyens.
Cette disposition a été demandée par le Conseil constitutionnel pour encadrer la liberté d'action des douaniers, jugée disproportionnée. Nous nous retrouvons dans une situation intolérable et contraire à l'esprit des lois de la nation française, fille des Lumières, où le juge écrit la loi et se substitue au législateur que nous sommes. On ne peut qu'être ébahi devant la créativité de ce gouvernement, qui détourne chacune des institutions de notre pays pour contourner la représentation nationale qui l'a mis en minorité.