Le projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces est né de trois constats. Le premier s'est imposé à nous : avant le 13 septembre 2023, il est impératif de rénover l'emblématique droit de visite des douaniers : expression la plus évidente de leurs prérogatives, ce dispositif a cependant été déclaré inconstitutionnel, dans sa rédaction actuelle, par le Conseil constitutionnel. Les articles relatifs à la rénovation du fameux article 60 du code des douanes ont été délégués au fond à la commission des lois – ma chère collègue Élodie Jacquier-Laforge y reviendra.
Le second constat, c'est que le code des douanes, vieillissant, ne semble plus adapté à certaines réalités. En effet, les trafics tendent à croître et les trafiquants s'appuient désormais sur des technologies évoluées et sur des pratiques délictuelles en pleine transformation que notre code des douanes ne permet pas d'appréhender.
Pour y remédier, le projet de loi prévoit plusieurs évolutions parmi lesquelles la possibilité, ouverte par l'article 10, de procéder au gel des accès à des serveurs distants susceptibles de contenir des données en lien avec une infraction douanière.
Je mentionnerai également la création d'une retenue temporaire d'argent liquide sans franchissement de frontière et la modernisation du délit de blanchiment douanier dont l'un des objectifs communs est de lutter contre la collecte de l'argent issu des trafics, qui alimente ensuite des circuits de financement parallèles.
Enfin, le caractère vieillissant du code des douanes et obsolète de certaines de ses dispositions, mais également l'éparpillement dans différents codes des prérogatives et des procédures douanières, limitent la lisibilité du droit et ouvrent la porte à des incohérences juridiques. Pour ces différentes raisons, l'article 15 du projet de loi prévoit d'engager un travail de rénovation de la structure du code et de recodification de dispositions qui trouveront leur place dans le code des douanes.
Je ne peux que constater qu'un certain nombre de groupes ont déposé des amendements de suppression de cet article. J'espère pouvoir les convaincre, avant la fin de l'examen du texte, de la nécessité de cet article, mais également du sérieux qui caractérisera le travail de codification et de sa fidélité aux dispositions existantes et à nos travaux.
Le troisième constat porte sur l'accroissement de l'ampleur et de la rentabilité des trafics de tabac : les modes opératoires et les bénéfices tendent à se rapprocher des trafics de stupéfiants alors que, jusqu'à présent, les risques encourus par les trafiquants sont moindres. L'article 14 du projet de loi introduit donc une évolution substantielle des peines applicables aux trafiquants de tabac afin qu'elles soient plus proches de celles qui s'appliquent aux trafiquants de stupéfiants.
Enfin, en tant que rapporteure spéciale de la mission budgétaire Sécurités, je ne peux que constater le bénéfice que représente le concours d'une réserve opérationnelle pour la police nationale et pour la gendarmerie nationale. Je me réjouis donc de la création, par l'article 7, de la réserve opérationnelle de l'administration des douanes.
Sur proposition de Marie-Christine Dalloz, nous avons adopté en commission des finances – après l'avoir sous-amendé pour étendre le délai à deux ans – un amendement qui prévoit la remise d'un rapport d'évaluation de cette réserve. Nous aurons également l'occasion d'examiner un amendement de Michaël Bouloux qui viendra compléter celui que je viens d'évoquer.
Il me semble cependant nécessaire de rappeler un point essentiel : les expériences de la police et de la gendarmerie montrent que le recours à une réserve opérationnelle n'a pas pour objet – ni pour effet – de réduire les effectifs permanents. Le nombre d'agents des forces de sécurité intérieure a crû de manière très marquée depuis cinq ans alors même que le nombre de réservistes progressait aussi. Il s'agit donc bien d'un dispositif complémentaire visant à soutenir les agents de douane, et non d'un dispositif de substitution – je sais que les débats sur cette question seront très vifs, c'est pourquoi je tenais à être claire.
Pour conclure, je souhaite remercier chaleureusement M. Gabriel Attal pour son écoute qui nous a permis d'aboutir, au terme du travail mené en commission des finances, à un texte enrichi de plusieurs dispositions – il a d'ailleurs eu l'occasion de les évoquer. Je veux aussi remercier son cabinet pour le travail que nous avons réalisé à ses côtés. Il s'est en effet montré à l'écoute et disponible pour répondre à toutes nos interrogations.
Il me semble que ce texte peut faire l'objet d'un large consensus. Le renforcement de la lutte contre les trafics et la modernisation des moyens d'action et d'enquête des douaniers sont des objectifs qui doivent nous rassembler.