Le texte que nous examinons aujourd'hui est particulièrement attendu par les 17 000 agents des douanes, dans la mesure où il est essentiel pour leur permettre de lutter plus efficacement contre les trafics, de mieux contrôler nos frontières, donc de mieux protéger les Français. Le débat qui s'engage est aussi le point d'aboutissement d'un travail de plusieurs mois, conduit en collaboration étroite avec les organisations syndicales, qui ont été consultées à chaque étape de l'élaboration du texte. Nous avons également travaillé en lien constant avec le Conseil d'État afin de nous assurer que l'équilibre trouvé est bien conforme aux exigences du Conseil constitutionnel.
Les débats qui se sont déroulés la semaine dernière en commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République ainsi qu'en commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire l'ont bien montré : il s'agissait de trouver le meilleur équilibre possible entre respect du droit et efficacité opérationnelle. Je crois que nous y sommes parvenus. Je saisis d'ailleurs l'occasion pour remercier dès à présent les rapporteures, Élodie Jacquier-Laforge et Nadia Hai, pour leur remarquable travail, ainsi que tous les députés qui ont contribué à enrichir le texte et à nourrir nos débats. Vous le savez, ce projet de loi a été adopté par le Sénat le 30 mai dernier à une très large majorité. Je veux croire qu'il existe à l'Assemblée nationale une majorité tout aussi nette pour soutenir l'action des douaniers.
Car c'est bien de cela qu'il est question : soutenir les douaniers en leur donnant davantage de moyens pour agir. Avant de présenter ce texte, je tiens à faire part de la très grande fierté que m'inspire le fait d'être, au titre de mes fonctions, le ministre chargé de la douane. Les douaniers ont vécu et accompagné les grandes transformations de notre histoire récente. Ils ont accompagné l'internationalisation des échanges et la diversification du commerce extérieur. Ils ont été la figure de proue de la construction européenne avec la création de l'Union douanière en 1968, puis, en 1993, la disparition des frontières intérieures de l'Union européenne. Ils en ont accompagné tous les soubresauts, y compris ceux causés très récemment encore par le Brexit et le rétablissement de la frontière de la Manche. Ils étaient à nouveau au premier rang il y a quelques mois pour mettre en œuvre les sanctions à l'encontre de la Russie après son invasion de l'Ukraine en février 2022. C'est donc d'abord aux agents des douanes que je rends hommage, à ces femmes et à ces hommes qui ont relevé tant de défis et qui ont démontré une exceptionnelle capacité d'adaptation au service de notre pays.
Si les douaniers ont su constamment s'adapter, reconnaissons que le cadre juridique dans lequel ils agissent – le code des douanes – a très peu évolué depuis 1948. Si cet état de fait n'a pas empêché les douaniers d'agir efficacement, chacun comprend qu'il est grand temps de moderniser le cadre de leur action. C'est la raison pour laquelle le texte prévoit non seulement des évolutions immédiates, mais aussi le lancement d'un travail de refonte à droit constant du code des douanes.
Je l'ai dit, notre mission consiste à permettre aux douaniers d'agir le plus efficacement possible pour assurer notre protection dans un monde où les menaces se multiplient et pour garantir notre souveraineté face à des réseaux transnationaux de plus en plus puissants. Ces professionnels livrent chaque jour des combats que nous n'avons tout simplement pas le droit de perdre. Nous n'avons pas le droit de perdre la guerre contre le trafic de stupéfiants, ce fléau qui détruit tant de vies. Nous n'avons pas le droit d'échouer contre la fraude et les trafics, ni face à la contrebande, qui n'est pas seulement une fraude, mais un danger insidieux pour la santé publique et pour les consommateurs français. Nous n'avons pas le droit de perdre la bataille contre la criminalité organisée, contre ces organisations tentaculaires qui mobilisent des moyens parfois considérables pour déstabiliser notre société et qui sont prêtes à tout au nom du seul appât du gain.
Voilà les dangers auxquels nous faisons face. La pire des erreurs serait de les sous-estimer. Les menaces que les douaniers affrontent sont organisées, mondiales et tentaculaires. Face à elles, ils agissent et obtiennent des résultats : près de 105 tonnes de stupéfiants et 650 tonnes de tabac de contrebande ou de contrefaçon saisies en 2022 ; 11,5 millions d'articles contrefaits retirés du marché. Je tiens d'ailleurs à alerter sur les enjeux de la contrefaçon : elle ne contribue pas seulement à détruire de la valeur économique ; elle représente aussi un danger de chaque instant pour la santé de nos compatriotes. Je songe par exemple aux médicaments falsifiés, contre lesquels nous devons impérativement agir. Plusieurs amendements déposés en ce sens par Christophe Blanchet permettront, s'ils sont adoptés, de mieux combattre ce fléau. Je salue d'ailleurs son engagement en la matière.
La douane est aussi, de plus en plus, un outil essentiel de lutte contre la criminalité environnementale. Nous examinerons plusieurs amendements portant sur ce point. Je tiens d'ores et déjà à souligner que j'ai demandé à mes services de se mobiliser pleinement sur la question et que je présenterai, à l'automne prochain, un plan d'action contre les importations illégales de produits carnés. Le Gouvernement travaille également, à l'échelle nationale comme européenne, à améliorer les outils de lutte contre l'importation d'espèces exotiques et de contrôle de la validité des permis délivrés en application de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction. Si des travaux sont encore nécessaires avant de faire évoluer la législation sur tous ces points, je tiens à vous assurer de la mobilisation pleine et entière du Gouvernement.
Les douaniers obtiennent des résultats parce qu'ils sont efficaces, mais aussi – ne nous voilons pas la face – parce que le volume des trafics s'accroît. C'est précisément parce que les trafics augmentent et se métamorphosent qu'il est de notre devoir d'adapter notre riposte. Soyons à la hauteur du courage de ces agents, qui consacrent leur vie, parfois jusqu'à la risquer, pour tenir nos frontières, qu'elles soient terrestres, maritimes, aériennes ou numériques – car l'espace virtuel est encore trop souvent une zone de non-droit qui charrie des menaces aux effets bien réels. Nous y reviendrons.
Pour être à la hauteur, nous devons d'abord donner à la douane les moyens d'assurer ses missions. C'est précisément l'objet du contrat d'objectifs et de moyens (COM) dont nous l'avons dotée pour la période 2022-2025. Ce contrat prévoit que la douane bénéficiera de plus de 148 millions d'euros supplémentaires et d'un niveau d'effectifs garanti. Je sais que la réserve opérationnelle fait l'objet de débats. Comme je l'ai indiqué, elle vise à constituer une force d'appoint mobilisable lors d'événements exceptionnels. Voyez d'ailleurs l'exemple de la gendarmerie et de la police nationales : la création des réserves opérationnelles n'y a nullement empêché la croissance des effectifs, bien au contraire ! Celle-ci n'a jamais été aussi forte que depuis la création de réserves opérationnelles dans ces corps.
Six mois après mon arrivée, j'ai tenu à affirmer une autre priorité face à la croissance fulgurante des phénomènes de contrebande et de contrefaçon de tabac, dont chacun constate clairement qu'ils ont changé d'échelle. Des réseaux mafieux auparavant dédiés aux trafics de stupéfiants se diversifient et se concentrent de plus en plus sur le tabac, à tel point qu'en 2022, pour la première fois dans notre histoire, nous avons découvert sur le sol national cinq usines clandestines de contrefaçon de tabac !