La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Suite de la discussion d'une proposition de loi
Ce matin, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
La parole est à M. Jean-Marc Tellier.
Je souhaite tout d'abord, au nom du groupe Gauche démocrate et républicaine – NUPES, m'associer à l'immense émotion entraînée par les événements d'Annecy.
En 2012, la France instaurait de manière unilatérale une taxe sur les transactions financières (TTF). Après la crise financière de 2008 et compte tenu de l'enlisement des négociations européennes sur le sujet, elle faisait ainsi un choix fort, celui de s'attaquer enfin à la finance dérégulée qui, en raison de la multiplication des transactions, provoquait l'instabilité des cours et la formation de bulles spéculatives.
L'institution de cette taxe constituait une première étape, modeste, dans la tentative de reprise en main de la finance, livrée depuis les années 1980 à un processus de déréglementation et de dérégulation. Elle visait également à faire contribuer au budget de l'État ce secteur économique dont les effets sur l'économie réelle peuvent se révéler particulièrement néfastes.
La TTF permet donc de taxer les échanges d'actions des entreprises cotées à la Bourse de Paris. Son taux, fixé initialement à 0,2 %, a depuis été porté à 0,3 %. Elle permet de générer près de 1,5 milliard d'euros de recettes fiscales qui abondent le budget de l'État et contribuent, grâce à un mécanisme d'affectation, à financer l'aide publique au développement. À cet égard, nous regrettons que la part des recettes affectées à l'APD soit plafonnée à 528 millions, ce qui représente moins d'un tiers des recettes totales.
En outre, très peu de transactions sont taxées, et parmi celles qui le sont, on ne trouve pas les transactions intrajournalières, c'est-à-dire les opérations d'achat et de revente effectuées au cours d'une même journée, souvent dans le cadre de la spéculation à haute fréquence, grâce à des ordres transmis automatiquement. Ces transactions, dont le seul objectif est de faire toujours plus de profit, n'apportent pourtant aucun bénéfice à l'économie réelle, bien qu'elles représentent aujourd'hui entre 20 et 45 % des transactions quotidiennes.
Leur inclusion dans l'assiette de la TTF permettrait donc non seulement d'accroître son produit, mais aussi de mieux cibler les transactions problématiques, celles que la taxe était destinée à limiter.
De même que pour les transactions intraday, l'inclusion dans l'assiette de la taxe des produits dérivés tels que les options ou ventes à terme, qui aujourd'hui en demeurent exclus, permettrait de cibler plus précisément les activités les plus spéculatives.
Une première tentative d'élargissement de l'assiette de la TTF, visant uniquement les transactions intrajournalières, avait été adoptée dans la loi de finances pour 2017. La disposition n'entrera toutefois jamais en vigueur, la nouvelle majorité l'ayant abrogée dès le début de la précédente législature.
À l'heure où les niveaux de dette privée atteignent des records et font courir de grands risques, il est temps de mettre à l'ordre du jour une nouvelle régulation des marchés financiers. Bien entendu, cette proposition de loi ne résout pas entièrement le problème. Son adoption représenterait néanmoins une avancée très importante et reviendrait à envoyer à nos voisins européens un message ambitieux.
Sans surprise, une telle proposition suscite une opposition ferme de la part des gardiens du temple, qui mobilisent les arguments classiques : la nécessité d'agir au niveau européen afin d'être plus efficaces et d'éviter l'effondrement de la place de Paris. Les mêmes arguments étaient d'ailleurs déjà avancés en 2012. De fait, le nombre de certains types de transactions a baissé après l'institution de la TTF. La réduction du volume de transactions intrajournalières serait justement la preuve que cette proposition de loi aura atteint ses objectifs !
Je remercie donc le rapporteur et le groupe LIOT d'avoir mis ce texte à l'ordre du jour. Notre groupe, dans la lignée des propositions qu'il a pu faire lors de précédentes discussions budgétaires, votera en sa faveur.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR – NUPES et LIOT.
La discussion générale est close.
La parole est à M. Christophe Naegelen, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Je remercie MM. Tanguy, Sala et Brun, Mme Pires Beaune, M. Julien-Laferrière et M. Tellier pour leurs propos et le soutien qu'ils ont apporté au texte, et souhaite répondre aux objections de M. le ministre délégué chargé des comptes publics, de M. Labaronne, de M. Laqhila et de Mme Gérard.
Ces derniers ont évoqué le problème des liquidités. En réalité, l'amendement que je présenterai pour rétablir l'article 1er exclut de son champ les market makers, les apporteurs de liquidité. Nous tenons ainsi compte des préoccupations exprimées par les professionnels que nous avons auditionnés. Il n'y aura donc pas de problème à cet égard. D'ailleurs, depuis 2013 et l'instauration de la taxe sur les transactions financières, la place de Paris n'a pas souffert d'une baisse des liquidités.
On m'a également opposé la difficulté à appliquer un tel dispositif. Je répondrai en paraphrasant Mark Twain : « Ils savaient que c'était impossible, alors ils l'ont fait » ! De même, lorsqu'il a été proposé, il y a quelques mois, de déconjugaliser l'AAH, l'allocation aux adultes handicapés, beaucoup disaient que c'était impossible, qu'une telle mesure se heurtait à des difficultés techniques. En fin de compte, la décision a été prise, pour le plus grand intérêt de nos concitoyens.
Le système, nous dit-on, repose sur une base déclarative. Mais je ne doute pas, monsieur le ministre, que vous faites confiance aux entreprises pour effectuer ces déclarations, ni que vous faites confiance à votre administration pour les contrôler… Vous avez cité la Suède en contre-exemple, mais celui-ci date d'il y a plus de trente ans ; il convient de vivre avec son temps. De plus, la comparaison entre le modèle appliqué à l'époque par la Suède et celui que nous proposons aujourd'hui n'est pas pertinente car le mode de collecte serait complètement différent ; la place de Paris ne connaîtrait pas aujourd'hui les problèmes que ce pays a rencontrés alors.
Ces explications devraient dissiper les doutes exprimés tant par le ministre que par les différents orateurs de la majorité.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, applaudit.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
Je suis saisie de sept amendements, n° 31 , 8 , 9 , 6 , 21 , 27 et 28 , pouvant faire l'objet d'une discussion commune.
Les amendements n° 6 , 21 , 27 et 28 sont identiques.
Sur l'amendement n° 31 , je suis saisie par les groupes La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale et Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir cet amendement, qui fait l'objet d'une série de sous-amendements.
Cet amendement est capital puisqu'il tend à rétablir en le réécrivant l'article unique de la proposition de loi initiale.
La rédaction que je propose tient compte aussi bien des auditions auxquelles nous avons procédé que du rapport Barroso. Elle est de nature à apaiser les inquiétudes exprimées au cours de la discussion générale.
L'amendement prévoit ainsi, tout d'abord, de taxer les ordres d'achat plutôt que le transfert de propriété. Ensuite, s'inspirant du rapport Barroso, il tend à appliquer à la souscription de produits dérivés un taux dix fois inférieur à celui que la France applique à l'achat d'actions, soit 0,03 %. Enfin, suivant l'exemple de la place boursière italienne, ce taux serait doublé – soit 0,06 % – pour les dérivés négociés hors marchés réglementés. Une telle disposition ne pourrait que renforcer la place de Paris, objet des inquiétudes de M. le ministre.
L'adoption de l'amendement permettrait ainsi de faire bénéficier le budget de l'État de recettes supplémentaires tout en sécurisant la position de la place de Paris.
La parole est à M. Daniel Labaronne, pour soutenir le sous-amendement n° 41 .
Même si cela paraît contre-intuitif, l'amendement proposé conduirait en réalité à réduire de 1 milliard d'euros les recettes fiscales produites par la taxation de l'achat d'actions.
Au cours des auditions, le rapporteur s'est rendu compte que la taxation des contrats de produits dérivés et du trading intraday était impossible en l'état, faute d'un transfert de propriété sur lequel se fonder.
On pourrait, de façon malicieuse, contribuer à faire adopter l'amendement proposé par notre collègue : cela conviendrait bien aux entreprises et aux épargnants, qui gagneraient 1 milliard d'euros dans l'affaire…
J'attire donc l'attention du rapporteur sur le caractère dangereux de son amendement. Le rendement de la TTF sur l'acquisition d'actions est aujourd'hui plutôt bon. Pourquoi ? Parce que le fait générateur de l'impôt est aisé à identifier, si bien qu'Euroclear n'a aucune difficulté à collecter la taxe. La substitution des ordres d'achat au transfert de propriété comme fondement de la taxe nous ferait perdre cette efficacité, l'ordre d'achat étant un fait générateur plus difficile à contrôler et plus sensible aux fraudes, car non enregistré par Euroclear.
Le dispositif proposé est donc tout sauf judicieux. Votez-le, et le produit de la TTF baissera de 1 milliard d'euros.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
La parole est à M. Mathieu Lefèvre, pour soutenir le sous-amendement n° 43 .
Nos débats peuvent paraître quelque peu dérisoires par rapport au drame qui est survenu ce matin à Annecy, mais je voudrais dire au rapporteur que nous partageons les objectifs qu'il assigne à cette proposition de loi, c'est-à-dire à la fois augmenter les recettes du budget général – contrairement à la proposition de loi sur les retraites de ce matin –, augmenter les recettes de l'aide au développement – sur ce point, la majorité n'a pas à rougir de ce qu'elle a fait, puisque l'aide au développement a augmenté de plus de 50 % entre 2017 et 2022 – et, enfin, lutter contre la spéculation. Je remercie donc le rapporteur pour cette proposition de loi, qui a au moins le mérite de rappeler ces objectifs.
Nous ne sommes pas opposés par principe à l'élargissement de la taxe sur les transactions financières, mais nous estimons qu'il n'est pas souhaitable de singulariser notre pays dans le cadre européen, comme le ferait cette proposition si elle était mise en œuvre. En d'autres termes, on peut élargir la taxe sur les transactions financières, mais pas en ordre dispersé – je rappelle que l'Allemagne et l'Autriche, par exemple, n'appliquent aucune taxe sur les transactions financières nationales. Dans le fond, nous sommes tout autant attachés que vous à la lutte contre la spéculation, mais nous estimons que si ce texte était adopté, il pourrait avoir un effet négatif sur le financement de l'économie ainsi que sur l'emploi dans notre pays. Nous sommes donc opposés à tout élargissement de la TTF qui ne se ferait pas au niveau européen.
En conclusion, je veux dire à nos amis du groupe Socialistes et, plus largement, à l'ensemble des camarades de la NUPES que nous n'avons pas à rougir de ce que nous avons fait, a fortiori si nous jetons un coup d'œil sur le passé. Tenez-vous bien, mes chers collègues, en 1997 la taxe sur les transactions financières a été instaurée par le gouvernement de Lionel Jospin à un taux de 0 % ! Oui, c'est bien un taux de 0 % qui a figuré à l'article 235 ter ZD du code général des impôts de 1997 à 2012, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'il soit augmenté sous le président Sarkozy. Depuis, notre majorité a poursuivi ce travail et je crois qu'il faut continuer ainsi, mais dans un cadre européen et dépassionné.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
La parole est à M. Daniel Labaronne, pour soutenir le sous-amendement n° 42 .
Il vise à supprimer la taxation des ordres d'achat, prévue par l'amendement du rapporteur. En effet, l'application d'une telle taxation susciterait des difficultés juridiques importantes lorsqu'il s'agirait de retrouver le fait générateur de la taxe. Le dispositif actuel fonctionne très bien parce que la définition du fait générateur de la taxe ne pose aucun problème, notamment sur le plan juridique, et vous le fragiliseriez en voulant le modifier.
Nous y reviendrons sans doute ultérieurement, mais je souligne d'ores et déjà un point qui me semble important. En relisant le compte rendu de la séance du 15 décembre 2016 consacrée à l'examen du projet de loi de finances pour 2017, j'ai découvert que Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget et des comptes publics, avait exposé des arguments tout à fait intéressants sur le même sujet, en particulier la théorie dite des formalités impossibles. Or, en voulant élargir la TTF aux ordres d'achat d'actions, vous allez tout droit vers ce que décrivait Christian Eckert, à savoir une impossibilité juridique sanctionnée par le Conseil constitutionnel sur le fondement de l'article 34 de la Constitution et faisant l'objet à ce titre d'une jurisprudence constante.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Ce sous-amendement propose de conditionner l'application de l'élargissement de l'assiette de la TTF à l'adoption d'une même taxe à l'échelle européenne. Le Parlement européen a adopté le 10 mai dernier, à l'initiative de Valérie Hayer et José Manuel Fernandes, une résolution appelant à faire aboutir les discussions entre la Commission et plusieurs États membres, dans le cadre d'une coopération renforcée, avant juin de cette année. À terme, la TTF européenne pourrait constituer l'une des nouvelles ressources propres destinées à alimenter le budget de l'Union européenne. Pour nous, c'est ainsi qu'il faut agir, en incitant à la mise en place d'une taxation des transactions financières à l'échelon européen.
Faut-il rappeler que c'est au niveau européen que le principe d'une taxe sur les services numériques, dite taxe Gafam, a fini par s'imposer et que, désormais mise en application, cette taxe produit ses effets de manière optimale ? Faut-il rappeler que c'est avec l'accord intervenu au niveau européen sur la mise en place d'un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF), destiné à fixer un prix commun du carbone pour les importations de certains produits dans l'Union européenne, que nous avons enfin réussi à imposer une taxe carbone aux frontières ? Faut-il rappeler que c'est la contribution temporaire de solidarité, votée elle aussi au niveau européen en septembre 2022, qui assujettit à une taxe les producteurs et les distributeurs de pétrole, de gaz et de charbon à l'échelle européenne ? En matière fiscale comme dans d'autres domaines, nous considérons que l'échelon européen est celui qui permet d'agir le plus efficacement, n'en déplaise aux europhobes, aux eurosceptiques et à tous les pourfendeurs d'une Europe unie, intégrée et puissante.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
En matière de compétitivité fiscale par rapport aux autres pays d'Europe, nous avons déjà beaucoup fait depuis 2017 en alignant la fiscalité de nos entreprises et les prélèvements obligatoires – l'impôt sur les sociétés ou les revenus du capital –, et nous en avons tiré des résultats extrêmement positifs en termes d'attractivité, de création d'emplois, de revenus, ou tout simplement de rendement de l'impôt. Sur ce sujet comme sur d'autres, si nous sortons du marché européen, nous allons être perdants sur tous les tableaux, car s'agissant de produits financiers particulièrement volatils, les investisseurs peuvent très facilement délaisser la France au profit d'autres États européens. C'est pourquoi, même si je partage moi aussi les objectifs affichés par le rapporteur, j'estime que chercher une solution au niveau national plutôt qu'européen nous conduirait droit dans le mur.
Certains se demanderont si nous sommes crédibles pour agir au niveau européen.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Mais bien sûr que nous le sommes, comme vient de le dire notre collègue Le Grip ! Nous avons été parfaitement capables de faire bouger l'Europe sur le principe de la taxe Gafam, sur la taxation carbone aux frontières de l'Europe et sur l'impôt minimum au niveau mondial : toutes ces batailles, c'est nous qui les avons menées. Donc oui, nous sommes crédibles, mais uniquement si nous agissons à l'échelle européenne.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. Ian Boucard s'exclame.
Comme vient de le dire M. Cazeneuve, notre rapporteur général, nous partageons évidemment le souhait du rapporteur d'élargir l'assiette de la taxe sur les transactions financières. Nous voulons, nous aussi, nous servir de cette taxe pour investir dans les technologies d'avenir, la transition écologique, la réindustrialisation, tout ce qui nourrit et alimente notre politique depuis 2017 au niveau national comme au niveau européen. En revanche, là où nous divergeons de manière extrêmement claire avec vous, monsieur Naegelen, c'est sur la dimension et le périmètre qu'il convient de donner à cette taxe. Pour nous, c'est au niveau européen que nous devons réussir à imposer cette taxe si nous voulons qu'elle soit pleinement efficace, car l'élargissement au niveau national de la taxation d'une activité aussi éminemment délocalisable que le sont les transactions financières ne peut avoir qu'un effet, celui de voir les investisseurs éviter notre pays.
C'est pourquoi nous avons déjà entrepris d'agir avec nos partenaires européens. Le Parlement européen a d'ores et déjà adopté un rapport proposant de nouvelles ressources propres, issues d'une taxation des transactions financières à l'échelle européenne et destinées à soutenir les priorités politiques énumérées il y a quelques instants, mais aussi à contribuer au remboursement de l'emprunt européen ayant financé le fonds de relance européen de 2020. Je rappelle que ce fonds est venu abonder l'ensemble des plans de relance nationaux, ce qui a permis à l'économie européenne de résister au moment de la crise covid – évidemment, les europhobes qui occupent les bancs des extrêmes étaient opposés à ce plan de relance, comme ils sont aujourd'hui encore opposés à l'idée d'adopter une taxe au niveau européen. Notre assemblée doit maintenant adresser un signal en direction de la Commission européenne afin qu'elle se saisisse rapidement de cette question …
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES
…car une telle législation serait la meilleure manière de financer la relance, les politiques d'avenir et le remboursement du plan de relance européen.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Mes chers collègues, je vous demande un peu de calme, car on ne s'entend plus et cela nuit à la qualité des débats.
La parole est à M. Jean-René Cazeneuve, pour soutenir le sous-amendement n° 49 .
Il y a dans cet hémicycle des députés qui sont très européens – c'est notre cas – et d'autres qui ne le sont pas du tout et rejettent toute solution au niveau européen – c'est le cas des députés du Rassemblement national et de la NUPES –, ce que je regrette.
Mme Danielle Simonnet s'exclame.
Exclamations prolongées sur de nombreux bancs.
La France n'est pas une île et ne peut pas décider toute seule d'augmenter le montant des taxes en imaginant que cela va provoquer une augmentation du rendement, ce serait trop simple …
Le brouhaha couvre les propos de l'orateur
Mes chers collègues, pourrions-nous nous écouter ? Il est tout de même dommage qu'on ne puisse même pas entendre l'orateur qui s'exprime. Si vous voulez la parole, madame Chikirou, vous devez me la demander et je vous la donnerai. Il y a des règles, c'est ainsi.
Mme Sophia Chikirou proteste vivement.
Je rappelle que cette journée est consacrée à la niche parlementaire du groupe LIOT : respectez au moins vos collègues de ce groupe !
Vous avez la parole, monsieur Cazeneuve.
Si nous sommes européens, nos collègues de la NUPES, en particulier ceux de La France insoumise, ont parfaitement le droit de ne pas l'être. Mais au moins, qu'ils assument sans honte leur conviction sur ce point !
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous sommes européens, nous pensons que l'Europe est plus forte et la seule à pouvoir nous apporter des solutions efficaces, en particulier en matière de fiscalité.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Que nos collègues du groupe RN ne s'inquiètent pas, je ne vais pas évoquer la Russie, du moins pas pour le moment.
Mêmes mouvements.
Si les intentions du rapporteur sont tout à fait louables, chacun doit avoir conscience du fait que nous vivons dans un monde où le capital est extrêmement mobile, encore plus qu'il ne l'était dans les années 1980, lorsque la Suède a mis en place sa fameuse taxe sur les transactions financières. Je rappelle que cette tentative s'est soldée par un échec total pour la Suède, qui a perdu en quelques années plus de 90 % des transactions qu'elle accueillait précédemment, au profit de la City, la place financière de Londres.
De la même manière, je crains qu'en adoptant la taxe proposée, on n'affaiblisse considérablement la place de Paris, qui a repris du muscle après le Brexit, et qu'on ne serve indirectement les intérêts d'Amsterdam, Munich ou Zurich, ce qui n'est pas souhaitable même s'il s'agit de places amies : en tant que députés français, nous souhaitons avant tout œuvrer au développement de la place financière de Paris. C'est pourquoi, je le répète, ce n'est qu'au moyen d'un accord au niveau européen que nous pourrons progresser sur la question que pose cette proposition de loi.
Avant de présenter l'amendement n° 8 , je réponds d'abord à M. Lefèvre au sujet des propos qu'il a tenus précédemment. Il ne devait pas être présent lorsque je suis montée à la tribune dans le cadre de la discussion générale, car il refait l'erreur qu'il avait déjà commise en commission des finances. L'article du code général des impôts qu'il a cité ne concerne pas du tout la TTF, mais une taxe sur les échanges de devises, et la mesure que l'on peut considérer comme l'ancêtre de la TTF est en réalité l'impôt sur les opérations de bourse, dont il est question aux articles 978 et suivants du même code. Par ailleurs, c'est Nicolas Sarkozy qui a supprimé cette taxe pour la recréer sous sa forme actuelle au taux de 0,1 %, avant que les socialistes ne portent son taux à 0,2, puis à 0,3 %.
« Et voilà ! Merci pour la démonstration ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Pour ce qui est de l'amendement n° 8 , il a simplement pour objet de rétablir l'article 1er dans sa rédaction initiale.
Déposé par les députés du groupe Socialistes et apparentés, il vise à rétablir l'article 1er supprimé par la commission. Il intègre à l'assiette de la taxe sur les transactions financières les transactions intrajournalières et les produits dérivés.
La TTF est une taxe comportementale – c'est son objet principal – destinée à diminuer le volume de transactions spéculatives. Toutefois, en exonérant les transactions intrajournalières et les produits dérivés, principaux supports des échanges boursiers des spéculateurs, la TTF rate largement sa cible.
Précisons que, même s'il est difficile à évaluer, le produit potentiel d'une taxation des échanges intrajournaliers pourrait se compter en milliards d'euros, voire en dizaine de milliards.
De la même façon, il vise à rétablir l'article 1er . Il faut que le débat ait lieu et il ne suffit pas d'invoquer une taxe sur les transactions financières européenne. Vous en parlez tous comme d'une très bonne mesure. Cependant, avec de nombreux collègues, dans le cadre de l'examen des lois de finances, nous défendons depuis cinq ans l'alignement du taux de la TTF sur son équivalent britannique et l'élargissement de l'assiette. Or, il nous est systématiquement répondu : vous allez voir ce que vous allez voir avec la taxe sur les transactions financières européenne, la France sera à l'avant-garde ! Résultat : avez-vous vu ce dispositif à l'agenda de la présidence française de l'Union européenne en 2022 ?
« Non ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Ça n'était pas à l'agenda hier, et jamais le président Macron n'a défendu une telle taxe. Pourtant, aujourd'hui, vous recommencez à nous mettre en garde en arguant de l'attractivité de la place de Paris, et à nous annoncer que notre pays sera à l'avant-garde de la taxe sur les transactions financières européenne. C'est tout de même se moquer du monde !
Il y aura toutefois une occasion de se rattraper. Dans quinze jours, le Président de la République accueillera à l'Élysée un grand sommet de la finance mondiale. J'espère qu'il défendra une TTF mondiale. Après tout, j'ai entendu des membres de la majorité faire l'éloge de la tribune publiée par Le Monde, il y a deux jours, signée par Joseph Stiglitz et soixante-dix économistes, tribune qui défendait l'élargissement aux transactions dites intraday d'une taxe sur les transactions financières mondiale. Nous aurons l'occasion de vérifier ce qu'il en sera très rapidement.
La parole est à M. Karim Ben Cheikh, pour soutenir l'amendement n° 28 .
Comme les précédents amendements identiques, il vise à rétablir la rédaction initiale de l'article 1er . La TTF est censée faire l'objet d'un très large consensus transpartisan.
Puisque l'un de nos collègues semble apprécier l'archéologie législative, rappelons que, en 2002, Henri Emmanuelli, alors président de la commission des finances, défendait cette taxe. Elle avait été introduite dans le projet de loi de finances au taux de 0,1 % pour une mise en œuvre au 1er janvier 2003, mais elle n'avait finalement pas été appliquée.
Sous le président Nicolas Sarkozy, elle s'était appliquée au taux de 0,2 %, puis au taux de 0,3 % sous la présidence de François Hollande. Nous avons en conséquence l'occasion de tous nous retrouver sur un dispositif qui a fait l'objet d'efforts partagés sur tous les bancs au cours de son histoire.
Comme l'ont rappelé plusieurs collègues, la TTF constitue un levier essentiel pour financer l'aide au développement. En améliorant le rendement de cette taxe, on augmentera en effet la part allouée à l'aide publique au développement. Nicolas Sarkozy disait que la TTF était « techniquement possible, financièrement indispensable, moralement incontournable ». C'est aussi l'occasion pour nous tous de montrer que le combat en faveur de la solidarité internationale – car c'est bien cela qui se joue avec ce texte – n'a pas de famille politique. Nous sommes nombreux à le mener et nous le poursuivrons, du moins je l'espère.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe SOC.
Chers collègues, je vous informe que, sur les sous-amendements n° 45 et identiques, sur les sous-amendements n° 46 et identiques et sur les amendements n° 6 et identiques, je suis saisie par le groupe Rassemblement national de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements en discussion commune ?
Je me permets de commencer par les amendements autres que le mien visant à rétablir l'article 1er , madame la présidente. Je demande leur retrait. La rédaction que je propose résulte du travail d'audition mené en commission afin d'aboutir à une version plus cohérente et à un dispositif plus facile à appliquer.
Les collègues de la majorité qui ont déposé onze sous-amendements nous disent, en fait, qu'il ne faut pas adopter l'article 1er , même s'ils proposent de le compléter. Ils se fondent sur trois arguments principaux.
Ils expliquent d'abord que, si l'idée est bonne, il faut attendre qu'elle avance au niveau européen. La réalité est tout autre : c'est la France qui bloque, comme l'explique le ministre des finances de la Finlande.
Ayons du courage ! Devenons les fers de lance européens de cette taxation ! Je rappelle que la demande formulée au niveau européen inclut les produits dérivés et les transactions intrajournalières. Je soutiendrai un amendement dans lequel j'explique clairement qu'une fois la mesure adoptée par l'Union européenne, elle se substituera au dispositif français.
Nos collègues évoquent ensuite le fait générateur – je pense au sous-amendement de M. Labaronne – puis l'exclusion des produits dérivés – c'est le sous-amendement de M. Lefèvre. Vous nous expliquez que nous perdrons 1 milliard d'euros ou plutôt vous l'affirmez sans l'expliquer. D'un côté, il y a donc José Manuel Barroso et Joseph Stiglitz et, de l'autre, Daniel Labaronne et Mathieu Lefèvre.
Sourires et applaudissements sur plusieurs bancs.
Alors, même si j'ai beaucoup de respect pour nos deux collègues, je vais plutôt faire confiance à Joseph Stiglitz et à José Manuel Barroso et donner un avis défavorable sur l'ensemble des sous-amendements.
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Les sous-amendements de la majorité sont un peu hypocrites. Pour gagner du temps et permettre à nos collègues du groupe LIOT de faire avancer leurs textes, il aurait mieux valu appeler clairement à voter pour ou contre l'article 1er .
Au lieu de cela, on doit examiner deux sortes de sous-amendements. Les premiers expliquent que le principe défendu par l'article est parfait mais en détruisent le contenu – il ne reste alors plus que le principe. Les seconds demandent d'attendre que tous les pays européens se mettent d'accord avant d'appliquer ce qu'ils affirment pourtant être juste.
Puisque nous parlons de l'Union européenne je rappelle qu'il existe deux façons de la faire avancer. Il est possible, d'une part, que les principaux membres de l'Union s'engagent sur une voie qu'ils estiment la bonne – en l'espèce, l'Italie, l'Espagne, la Belgique et même l'Irlande ont avancé. D'autre part, il est possible, tout en sachant que rien ne se fera, de se contenter de dire : attendons que tout le monde se mette d'accord ! C'est toute la différence entre ceux qui pensent que l'Union doit être une terre de progrès social et fiscal et ceux qui pensent qu'elle doit être au service de la finance.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics, pour donner l'avis du Gouvernement.
Avant de m'exprimer sur les amendements et sous-amendements en discussion commune, je dirai mot de la discussion générale à l'issue de laquelle je ne me suis pas exprimé.
Je veux d'abord lever toute ambiguïté : depuis dix ans, la France soutient l'instauration d'une taxe sur les transactions financières au niveau européen.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Si, c'est vrai. Il y a des blocages parce qu'il y a des débats entre pays européens : certains ont une place financière importante et ne souhaitent pas partager le produit de la taxe avec d'autres, certains n'ont pas de place financière importante et souhaitent bénéficier d'une quote-part importante de la taxe, certains enfin débattent du périmètre. C'est pour cela que ça n'avance pas. La seule avancée de ces dernières années a eu lieu en 2019, dans le cadre de la coopération renforcée, il s'agit de la « solution de Meseberg » Et qui était à l'initiative de cette avancée ? La France et l'Allemagne, main dans la main.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
La France a donc joué un rôle moteur qui continue d'être le sien.
Je précise par ailleurs que la Commission européenne a annoncé qu'elle examinera, dans le cadre des ressources propres de l'Union européenne pour le remboursement du plan de relance européen, une taxe sur les transactions financières. Évidemment, la France participera à ce travail d'expertise pour, le cas échéant, soutenir cette solution de constitution d'une ressource propre de l'Union.
Il est donc faux d'affirmer que la France ne soutient pas ce dispositif puisque la seule avancée de ces dernières années est due à son action, et à celle de l'Allemagne.
Pourquoi ne soutenons-nous pas la rédaction de l'article 1er proposée par M. le rapporteur et demandons-nous le rejet de l'amendement en question ? L'idée d'une taxe élargie sur les transactions financières, qui ne toucherait pas les vrais gens – M. et Mme Tout-le-monde dont parlait l'un d'entre vous –, peut paraître séduisante, mais qui en subira en réalité les effets ?
Ce seront d'abord nos agriculteurs, en particulier nos céréaliers qui vendent leur production à terme à un prix fixé en avance grâce à des contrats à terme. Or ces contrats à terme, les « futures » comme on dit, sont des produits dérivés que l'amendement de M. Naegelen prévoit de taxer.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Je peux vous dire que les agriculteurs céréaliers sont visés par le dispositif que vous soutenez. La direction de la législation fiscale qui m'accompagne l'a analysé et elle est formelle.
Exclamations sur plusieurs bancs.
Une autre catégorie de Français sera visée.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Je comprends que tout cela vous dérange car cette analyse ne correspond pas tout à fait au discours que vous tenez parfois.
Ce sont les classes moyennes qui veulent emprunter pour acheter un logement. Nous avons la chance, en France, que 96 % des prêts bancaires immobiliers soient à taux fixe. Les banques se couvrent grâce à un produit dérivé : le swap de taux d'intérêt.
Cela nous permet de ne pas voir s'amonceler les dossiers de surendettement, contrairement à ce qui se passe dans des pays comme l'Espagne et Royaume-Uni où les taux d'emprunt peuvent exploser parce qu'ils varient d'une année à l'autre en fonction des taux d'intérêt. La taxation des produits dérivés que vous proposez renchérira l'accès au crédit immobilier pour les Français des classes moyennes qui veulent devenir propriétaires.
Il y a encore une catégorie de Français visés par votre dispositif : nos entreprises, notamment les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI), qui exportent. Sachant que leur marge à l'export s'élève aujourd'hui à environ 5 % et que l'on peut enregistrer des variations annuelles de taux de change qui peuvent aller jusqu'à 15 % – comme l'année dernière entre l'euro et le dollar, il faut bien qu'elles se couvrent. Elles le font grâce à un produit dérivé, le swap de change, que vous entendez également taxer. Autrement dit, vous exposerez nos PME et ETI qui exportent aux variations des taux de change : elles risquent de voir leur marge disparaître totalement.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Tout cela est très concret.
Je le répète : vouloir élargir l'assiette de la taxe sur les transactions financières peut paraître très séduisant politiquement, mais chacun doit prendre ses responsabilités – il est bon qu'il y ait un scrutin public. Ce vote concerne en effet les céréaliers, les Français qui veulent emprunter pour accéder à un logement,…
…les PME et les ETI exportatrices taxées et mises en danger par le dispositif que vous proposez.
Voilà pourquoi nous sommes résolument défavorables à l'ensemble des amendements et sous-amendements.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Chers collègues, plusieurs d'entre vous souhaitent s'exprimer. Je vais donner la parole à deux orateurs pour et à deux orateurs contre.
La parole est à M. Michel Castellani.
Je soutiens l'amendement du rapporteur et, plus largement, la proposition de loi de notre groupe. Au-delà des arguments – ou, plus souvent, des arguties –, quelle est la question de fond : faut-il ou non taxer les transactions spéculatives ? Nous parlons ici de ces millions, de ces milliards qui s'échangent chaque seconde au travers de produits de plus en plus complexes, de plus en plus élaborés, jusqu'à mettre parfois en danger l'économie réelle, sans jamais créer une seule miette de pain de richesse. Voilà de quoi nous parlons !
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
On va évidemment nous répondre que la finance est indispensable à l'économie réelle, et je sais bien qu'il existe un équilibre vertueux : le périmètre de cette proposition de loi protège précisément l'investissement productif et ne taxe que la spéculation.
Permettez-moi un rappel historique : après la révolution industrielle, ce sont les grands industriels qui ont bâti l'économie avant que, progressivement, le secteur bancaire devienne prépondérant et que, bientôt, se développe une économie strictement financière, qui a bousculé l'ensemble du système en imposant ses propres règles, pour en tirer des profits extraordinaires.
J'en reviens donc à ma question : doit-on ou non taxer l'économie spéculative ? Le groupe LIOT pense que, puisque nous avons enfin le pouvoir d'agir, nous devons agir !
Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT, LFI – NUPES, LR, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Que de temps perdu depuis 1998 et la création de l'association Attac, que j'ai présidée pendant quinze ans, pour taxer les transactions financières ! Que de temps perdu, depuis qu'en 1999 Jean-Luc Mélenchon défendait cette proposition au Sénat !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Exclamations sur les bancs du groupe RE.
Que de temps perdu lorsque, en 2017, le Président Macron a assumé, dès le lendemain de son élection d'enterrer le projet de coopération renforcée européenne.
Mêmes mouvements.
Alors ne nous parlez pas d'Europe ! Ne nous parlez pas d'Europe, quand vous refusez que la France joue le rôle de fer de lance en Europe.
Monsieur le ministre, je vous ai écouté attentivement : soit vous mentez, soit vous ne comprenez rien à l'économie.
Vives exclamations sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Par respect pour vous, je retiendrai la première option. Vous osez citer le prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz, qui dit absolument le contraire de ce que vous racontez. Lorsque vous évoquez le risque d'un manque de liquidités, on croit rêver ! Tous les économistes un peu sérieux disent qu'il y a bien trop de liquidités financières et spéculatives.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe LIOT.
Pour la seule bourse de Paris, où s'effectuaient en 1970 pour 3 milliards de transactions financières, savez-vous où nous en sommes aujourd'hui ? à 2 000 milliards !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous nous parlez des contrats et des marchés à terme agricoles. Il se trouve que j'ai travaillé pendant des années sur le sujet…
Exclamations sur les bancs des groupes RE et Dem.
Le micro de l'oratrice est coupé. – Elle poursuit néanmoins son propos quelques instants.
En rétablissant l'article 1er , vous souhaitez taxer les produits dérivés, les transactions intraday et les ordres d'achat. Je voudrais insister sur ce dernier point car, non seulement la taxation des ordres d'achat se heurte à des obstacles juridiques mais, de surcroît, si ces obstacles étaient levés, cette mesure ferait perdre 1 milliard d'euros au budget de l'État. Libre à vous, cependant de voter ce dispositif !
Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
En ce qui concerne ensuite les ménages qui empruntent pour s'acheter un appartement, vous augmentez le coût de leur emprunt. Quant aux TPE – très petites entreprises – ou aux PME qui vont avoir besoin de produits dérivés, pour se couvrir soit contre les risques de taux de change à l'exportation, soit contre les risques d'augmentation des matières premières, vous allez augmenter le coût de leur couverture. Non seulement vous voulez augmenter les impôts sur les entreprises et les impôts sur les ménages épargnants mais, qui plus est, vous allez augmenter le coût de couverture des risques. Il me semble que ce n'est pas forcément ce qu'il y a de mieux à faire dans le contexte que nous que nous connaissons.
Enfin, vous avez évoqué la tribune signée par soixante-dix économistes, parmi lesquels Joseph Stiglitz. Je vous concède bien volontiers, monsieur le rapporteur, qu'entre Stiglitz et Labaronne il n'y a pas photo. Néanmoins, si on avait sollicité ma signature, j'aurais signé
M. Pierre Cazeneuve applaudit
– ce que vous-même n'avez pas fait. Parce que Stiglitz dit la même chose que nous : si nous adoptons les dispositifs que vous proposez, nous nous tirons une balle dans le pied.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
En effet, ce n'est pas à notre niveau qu'il faut taxer les transactions financières mais au niveau international – c'est le sens de cette tribune. Nous proposons nous que la France soit leader…
Je vous remercie, mais c'est au tour du rapporteur de prendre la parole.
Le micro de l'orateur est coupé.
Monsieur Labaronne, un argument d'autorité n'est pas forcément un argument.
…et je vous en remercie ; je vous donne rendez-vous dans un an pour faire les comptes. Je voudrais aussi dire que, contrairement à ce que j'ai entendu, je ne suis pas certain – je suis même certain du contraire – que ce sont les petits épargnants qui jouent sur le marché avec les produits dérivés et les swaps. C'est faux, c'est un mensonge éhonté !
M. Ian Boucard applaudit.
Enfin, je remercie le ministre, qui a parfaitement raison de dire qu'il serait dangereux de taxer les swaps de taux ou les swaps de devises. C'est la raison pour laquelle ils sont exclus de l'amendement. Votre argument, monsieur le ministre, valait pour le texte initial de la proposition de loi, mais pas pour l'amendement de rétablissement n° 31. On en apprend tous les jours en effet et, à la suite des auditions que nous avons menées, nous avons compris qu'il fallait protéger nos agriculteurs et nos entreprises et qu'il fallait donc exclure de cette proposition les dérivés qui servent de couverture.
J'irai même plus loin : depuis que j'ai déposé cette proposition de loi, ce ne sont pas des petits épargnants qui m'écrivent pour la critiquer ; ce ne sont pas non plus des entreprises, ni même le Medef ; ce sont plutôt des banques et des sociétés financières, qui m'alertent sur les dangers encourus.
Il ne faut pas se tromper de combat, et c'est la raison pour laquelle je demande à l'ensemble de nos collègues de soutenir mon amendement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et LR.
Il est évident que la plupart des petits épargnants ne savent même pas qu'ils sont couverts par des produits dérivés, pas plus que ceux qui vont voir leur banquier pour un projet ou un emprunt immobilier. Pourtant, la banque se couvre bien – et les couvre – avec des produits dérivés.
Ensuite, je ne voudrais pas qu'on puisse donner l'impression d'avoir ici un débat sur le fait d'instaurer ou non, en France, une taxe sur les transactions financières, comme si nous partions de zéro. Il existe une taxe sur les transactions financières en France, ce qui n'est pas le cas dans la plupart des pays. Vous avez parlé de la coopération renforcée : encore une fois, le seul événement notable en cinq ans, c'est l'initiative prise conjointement par la France et l'Allemagne en 2019, à Meseberg.
Enfin, dans les derniers pays européens qui ont instauré une taxe sur les transactions financières, vous avez cité l'Espagne. C'était en 2020, sous le Gouvernement dans lequel siègent vos amis de Podemos…
Et de quoi se sont-ils inspirés ? De la taxe en vigueur en France, sans les ajouts que propose M. Naegelen !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
J'ajoute qu'ils ont choisi d'appliquer un taux inférieur au nôtre. La réalité, c'est bien que nous allons déjà plus loin que vos amis espagnols. Nous pouvons donc être fiers de la position française et de ce que nous défendons au niveau européen. Ne prenons donc pas une décision qui pénaliserait une fois encore nos petits épargnants nos PME, nos entreprises de taille intermédiaires (ETI) et nos agriculteurs.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Après une épreuve à la main levée déclarée douteuse, l'amendement est mis aux voix par scrutin public.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 375
Nombre de suffrages exprimés 372
Majorité absolue 187
Pour l'adoption 195
Contre 177
Le sous-amendement n° 41 est adopté.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Le sous-amendement n° 43 est adopté.
Après une épreuve à la main levée déclarée douteuse, l'amendement est mis aux voix par scrutin public.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 374
Nombre de suffrages exprimés 372
Majorité absolue 187
Pour l'adoption 196
Contre 176
Le sous-amendement n° 42 est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 377
Nombre de suffrages exprimés 377
Majorité absolue 189
Pour l'adoption 204
Contre 173
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 375
Nombre de suffrages exprimés 373
Majorité absolue 187
Pour l'adoption 205
Contre 168
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 376
Nombre de suffrages exprimés 320
Majorité absolue 161
Pour l'adoption 123
Contre 197
L'amendement n° 31 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 373
Nombre de suffrages exprimés 369
Majorité absolue 185
Pour l'adoption 163
Contre 206
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures dix.
Je souhaite simplement annoncer, madame la présidente, que je retire cette proposition de loi, afin que les autres textes à l'ordre du jour de notre niche parlementaire puissent être discutés.
Je tiens à remercier M. le rapporteur Naegelen pour le travail qu'il a accompli avec cette proposition de loi. Je l'ai dit dès mon intervention en présentation du texte, j'ai parfaitement compris vos intentions, et nos débats auront au moins eu le mérite de montrer que nous nous rejoignons sur un point, à savoir la nécessité d'avancer au niveau européen.
Nos débats m'auront également permis, au nom du Gouvernement, de rappeler la position de la France, ce qui peut notamment avoir un impact sur les discussions en cours avec la Commission européenne.
Je le répète, j'entends parfaitement vos intentions, et j'espère que vous aurez entendu les réserves que nous avons émises, notamment pour des raisons techniques. Je retiens de nos échanges que nous sommes tout à fait prêts à avancer ensemble en vue d'établir une taxation des transactions financières au niveau européen.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Je prends acte du retrait de la proposition de loi par son auteur, en application de l'article 84, alinéa 2, du règlement. En conséquence, il n'y a pas lieu de poursuivre la discussion du texte.
Je suspends la séance pour cinq minutes, le temps d'accueillir au banc M. le ministre délégué chargé des outre-mer pour la discussion de la proposition de loi suivante.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures vingt.
La parole est à M. Olivier Serva, rapporteur de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Je vais commencer mon intervention en vous exposant, dans ses grandes lignes, le budget, pour un mois de soins, d'un parent guadeloupéen contraint de faire soigner à Paris son enfant mineur souffrant de lourdes pathologies. Il lui faudra d'abord débourser 2 300 euros pour les deux billets d'avion aller-retour, contre 127,40 euros de frais de transport pour des administrés de Valognes en Normandie ou 136 euros pour un parent de Saumur, dans le Maine-et-Loire. Venons-en à l'hébergement dudit parent, qui n'a pas la possibilité de rentrer à son domicile pendant son séjour à Paris : il faudra compter 3 000 euros pour les nuitées d'hôtel. Il devra aussi s'acquitter de 170 euros de frais de transport en commun, de 900 euros de frais de bouche et de 700 euros de frais vestimentaires si nous sommes en hiver, soit un total de 7 070 euros ! La facture est salée ! Et je ne vous parle pas des frais médicaux non pris en charge par la sécurité sociale et la mutuelle…
Ce budget s'alourdit encore lorsque l'on est Mahorais : 2 436 euros pour chaque billet d'avion pour la période du 1er au 31 juillet. Pour un Guyanais, il faudra compter 1 188 euros et pour un Polynésien, plus de 3 350 euros !
Les ménages ultramarins sont pris à la gorge par un coût des transports qui ne cesse d'augmenter. Entre février 2022 et février 2023, au départ de la Guadeloupe, les prix des billets d'avion, toutes destinations confondues, ont augmenté de 48 %. C'est 45 % au départ de la Martinique, 30 % au départ de la Guyane, 25 % au départ de Mayotte ou de La Réunion.
Dans un contexte d'augmentation des prix inégalée, outre-mer, la précarité gagne du terrain encore plus rapidement que dans l'Hexagone. Si, en France hexagonale, près de 14 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, ce taux s'élève à 30 % en Guadeloupe et en Martinique, 53 % en Guyane et 77 % à La Réunion.
Pas un jour ne passe sans que nous, parlementaires ultramarins, ne soyons interpellés. Mais peut-être est-ce aussi votre cas, chers collègues. Le 12 mai dernier, je devais recevoir à l'Assemblée nationale les élèves du collège Nestor de Kermadec de Pointe-à-Pitre. Ils ont dû annuler leur venue à Paris au regard des coûts exorbitants des billets d'avion. Je pense également à l'association Fair+, de Boissard, aux Abymes en Guadeloupe, vectrice d'inclusion sociale, qui devait permettre à quatre-vingts jeunes issus des quartiers prioritaires de la ville de venir dans l'Hexagone en échange culturel. Un projet, une fois de plus, avorté compte tenu du coût des transports.
Ces cas ne sont pas isolés. C'est aussi le sort réservé à des milliers d'étudiants, d'artistes, de sportifs, d'entrepreneurs issus de nos territoires, obligés de renoncer à des possibilités, contraints d'abandonner leur rêve car ils sont dans l'incapacité de se déplacer. Les pertes de chance se succèdent donc pour ces Français qui ne demandent qu'à travailler, se former, se soigner, performer. Il ne s'agit pas de séjours balnéaires en France hexagonale, mais de séjours professionnels ou sanitaires !
La situation que vivent nos concitoyens d'outre-mer dépasse l'entendement. Depuis la départementalisation de 1946, le compte n'y est pas. Cela transparaît à travers des décennies de gronde sociale : 2008 et 2017 en Guyane, 2009 et 2021 en Guadeloupe, 2018 à La Réunion, 2018 et 2023 à Mayotte.
Par ailleurs, alors que le principe de continuité territoriale, créé à juste titre pour la Corse en 1976, a été transposé aux territoires ultramarins en 2003, son application semble largement insuffisante dans ces derniers.
Dans ces conditions, du fait de la faiblesse des moyens, le principe de continuité territoriale est loin de répondre au principe d'égalité qui le sous-tend. Pire, les territoires ultramarins souffrent d'une distorsion du principe d'égalité, fait générateur du sentiment d'abandon des populations sur place.
Ce principe a été mis à mal par des années de politiques publiques – tous bords politiques confondus – peu ambitieuses et sous-dotées en matière de continuité territoriale entre les outre-mer et l'Hexagone. Alors que les Corses bénéficient d'un accompagnement budgétaire à la continuité territoriale de 257 euros par habitant – tant mieux d'ailleurs –, les îles Baléares, les Canaries et Ceuta, de 223 euros par habitant, les outre-mer émargent difficilement à 90 euros par habitant.
C'est ce qui justifie que, dans le cadre de la niche parlementaire du groupe LIOT, mon collègue Max Mathiasin et moi ayons déposé cette proposition de loi. Les travaux en commission ont été prolifiques. Je remercie mes collègues de tous bords pour ce travail qui a abouti à la coconstruction de la proposition de loi telle qu'elle vous est présentée aujourd'hui, ainsi qu'à son adoption à l'unanimité en commission.
Que proposons-nous ? Tout d'abord, un renforcement de l'accompagnement des actifs dans leur mobilité. La rédaction de l'article 1 issue de l'examen en commission prévoit une extension des missions de L'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (Ladom), avec la création d'un passeport pour le retour au pays pour les ultramarins résidents dans l'Hexagone et d'un passeport pour la mobilité des actifs destiné à accompagner ces derniers dans leur mobilité dans le cadre de leur formation continue. Sur cet article, je vous proposerai d'adopter un amendement coconstruit avec la majorité, qui prévoit la définition des modalités de ces nouvelles aides par voie réglementaire, après le comité interministériel des outre-mer (Ciom) début juillet, dans l'intérêt des territoires ultramarins.
À l'article 2, nous suggérons d'augmenter par voie réglementaire les montants de l'aide à la continuité territoriale, afin qu'ils puissent mieux prendre en compte l'évolution des prix des billets d'avion. Ainsi, l'aide est actuellement de 340 euros pour la Guadeloupe, ce qui est bien trop peu, vous le savez, monsieur le ministre délégué, lorsque le billet dépasse 1 000 euros. J'ai proposé 950 euros dans la première mouture du texte, et j'ai l'espoir que le Gouvernement procédera à une revalorisation à la hauteur des attentes des ultramarins.
Enfin, il nous a semblé opportun d'accompagner davantage la mobilité des familles faisant face à la maladie d'un enfant. En ce jour si particulier, nos pensées accompagnent les victimes des barbares. À l'article 4, nous plaidons en faveur d'un cumul entre l'allocation journalière de présence parentale et le complément et la majoration de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé pour les parents résidant dans un territoire ultramarin ou en Corse.
Enfin, je salue le travail de l'ensemble des collègues – députés, sénateurs, membres du Conseil économique, social et environnemental (Cese) – membres des délégations aux outre-mer. Je remercie également l'ensemble des personnalités et institutions auditionnées – Ladom, les compagnies aériennes, les élus locaux, les associations de retour au pays, les chambres de commerce et d'industrie (CCI) – qui se sont prêtées au jeu.
Je me félicite également de l'excellente relation avec la majorité, notamment avec le responsable du texte, M. Guillaume Vuilletet – même s'il est absent, j'ai une pensée pour lui –, et de ce travail transpartisan, en bonne intelligence, également avec les cabinets de la Première ministre et du ministre délégué chargé des outre-mer, ainsi qu'avec le ministre délégué lui-même, et le président de la commission. Avec le groupe LIOT, nous avons à cœur que ce texte prospère au-delà des murs de l'Assemblée nationale et soit examiné par le Sénat, sans être trop dénaturé. Pour conclure, je remercie l'administratrice qui nous a accompagnés, ainsi que les conseillères de notre groupe politique, pour leur appui technique et logistique.
Il est l'heure, chers collègues, de débattre ! Je ne doute pas que la richesse de nos échanges contribuera à améliorer, encore, ce texte.
La parole est à M. le président de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire.
En commission, la qualité de nos débats sur la proposition de loi de nos collègues Olivier Serva et Max Mathiasin a démontré, s'il en était besoin, combien notre commission accorde de l'importance aux enjeux des outre-mer. Comment pourrait-il d'ailleurs en être autrement ? Les défis auxquels doivent faire face les territoires ultramarins sont sans commune mesure avec ceux de l'Hexagone, en particulier en matière d'aménagement du territoire ou de mobilités.
Vous le savez, notre commission est particulièrement mobilisée sur le thème des transports. Les mobilités constituent un enjeu crucial pour nos concitoyens ; j'y consacrerai donc mon propos. Il s'agit de l'accès aux soins, aux études, à la formation, au travail, et du maintien des liens familiaux. Elles sont la clé de l'émancipation de chaque individu. La promesse républicaine de l'égalité des chances ne peut être tenue sans satisfaire aux exigences qu'elle impose.
Notre ambition est évidemment d'y répondre, avec pragmatisme, en prenant en considération la spécificité des territoires et les besoins de nos concitoyens. Ces enjeux se trouvent démultipliés dans les territoires des outre-mer, où certaines difficultés sont de nature structurelle, souvent en raison de leur insularité et des difficultés de transport subséquentes qui, couplées au coût élevé de la vie, sont autant d'obstacles difficiles à surmonter. C'est là qu'intervient le principe de la continuité territoriale, qui tend à concrétiser la promesse d'égalité républicaine en s'appuyant sur la solidarité nationale. Or nos collègues ultramarins nous le disent fort bien : le contexte inflationniste met à mal la continuité territoriale, car il touche de plein fouet le secteur des transports et, par voie de conséquence, nos concitoyens des outre-mer qui souhaitent exercer leur droit légitime à la mobilité vers l'Hexagone.
Comment assurer l'égalité des chances dans les domaines des études supérieures ou des formations spécialisées quand le prix des billets d'avion entre les outre-mer et l'Hexagone dépasse souvent 1 000 euros ? Des dispositifs d'aide existent – je salue l'action du ministre délégué des outre-mer en la matière –, qui ont permis de répondre à ces questions. Mais à l'évidence, il nous faut réfléchir à de nouveaux modes d'intervention, afin de tenir compte de la situation, faute de quoi, pour reprendre une expression de notre cher rapporteur, la continuité territoriale deviendrait une fiction.
Telle est la préoccupation qui a animé notre commission lors de ses travaux. Nous avons ainsi consolidé certains aspects de la proposition de loi, notamment s'agissant des aides financées par le fonds de continuité territoriale, qui devront désormais tenir compte du prix moyen des billets d'avion. Il s'agit selon moi d'une réelle avancée, à laquelle nous sommes parvenus de manière transpartisane. Nous avons également approuvé l'article 4, qui facilitera je l'espère la mobilité vers l'Hexagone des parents qui font face à la maladie de leur enfant.
Sur d'autres points, en revanche, il nous a semblé plus sage d'attendre certaines échéances importantes, en particulier le tout prochain comité interministériel des outre-mer. Nous espérons tous qu'il aboutira à des améliorations concrètes.
En conclusion, je remercie de nouveau notre rapporteur, Olivier Serva, pour son travail constructif, ainsi que le Gouvernement, notamment M. le ministre délégué, qui a su faire preuve d'écoute et d'ouverture pour faire progresser la continuité territoriale au bénéfice de tous nos concitoyens des outre-mer. Je me réjouis de cet état d'esprit consensuel, qui démontre que nous pouvons aussi nous rejoindre sur des objectifs aussi essentiels pour la nation.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Permettez-moi, en tant qu'ancien préfet de la Haute-Savoie, de m'associer publiquement à l'émotion que vous avez exprimée à la suite de l'attentat ignoble survenu à Annecy.
La distance a un défaut : elle n'obéit pas au pouvoir politique. Les progrès technologiques ont certes raccourci les trajets, mais la distance demeure et des moyens sont nécessaires pour la parcourir. Dans les territoires d'outre-mer, cette distance et les coûts induits représentent un défi en matière de cohésion territoriale, d'égal accès aux soins et à l'instruction – d'égalité des chances. En somme, quand une mer, un océan, une forêt, des milliers de kilomètres nous séparent, c'est l'indivisibilité de la République qui est en jeu.
Or la République refuse l'assignation à résidence. Aussi a-t-elle inventé, et c'est son honneur, la continuité territoriale, que vous qualifiez, monsieur le rapporteur, de « fiction juridique ».
Je tiens à vous remercier de nous permettre de discuter de ce sujet, dont vos collègues sénateurs Catherine Conconne et Guillaume Chevrollier, que je salue, se sont aussi saisis récemment. Dans la perspective du projet « Ladom 2024 » et du comité interministériel des outre-mer qui aura lieu dans les prochaines semaines, nous devons et pouvons avancer sans esprit de polémique, dans l'unique but d'améliorer la situation des ultramarins. C'est, je crois, ce que nous avons fait en examinant ce texte dans un esprit de consensus. Je salue d'ailleurs son vote à l'unanimité en commission la semaine dernière. Félicitons-nous en ensemble, monsieur le rapporteur !
La première condition de la possibilité d'une continuité territoriale entre les territoires ultramarins et l'Hexagone est l'existence de liaisons aériennes. À cet égard, l'État a toujours assumé ses responsabilités en garantissant non seulement cette existence, mais aussi celle d'une concurrence, afin de proposer aux ultramarins des billets au meilleur prix possible – ce qui est difficile – et de limiter la hausse des prix – ce qui ne l'est pas moins. L'aide de l'État s'est traduite par une contribution financière au redressement des compagnies aériennes desservant les territoires. Depuis 2020, il a notamment consacré 300 millions d'euros au sauvetage d'Air Austral et de Corsair, pour l'essentiel sous la forme d'aides et d'abandon de créances. L'effet de cette politique est réel : grâce à la concurrence, à l'automne 2022, le prix par passager et par kilomètre des voyages entre l'Hexagone et les Drom – départements et régions d'outre-mer – était 41 % plus bas que le prix moyen à l'échelle mondiale. Certes, le prix des billets d'avion connaît une dynamique haussière, notamment à cause des tensions sur le kérosène, un phénomène mondial que nous subissons de plein fouet.
Historiquement, l'État a fait le choix d'aider les plus modestes. L'aide à la continuité territoriale (ACT), financée par Ladom, a permis d'aider à l'achat de 60 545 billets en 2022. Vous l'avez noté, le montant forfaitaire de l'ACT a été revalorisé en mars 2023 pour prendre en compte l'augmentation des prix des billets et pour limiter le reste à charge des bénéficiaires. L'aide représente désormais 50 % du prix moyen du billet. Dans le cadre du Ciom, nous devons réfléchir à faire évoluer l'équilibre des paramètres, notamment le seuil d'éligibilité, le montant et les bénéficiaires. J'y travaille. Quoi qu'il en soit, les aides sont et resteront fondées sur des critères sociaux objectifs : nous y sommes tous attachés.
Le Gouvernement a entamé une refonte profonde des autres dispositifs de Ladom. Nos réflexions portent notamment sur un élargissement des publics concernés – étudiants, actifs en formation, acteurs de la culture, sportifs, doctorants –, qui irait au-delà même de ce que prévoit votre texte.
Dans le cadre de Ladom, l'État agit aussi auprès des compagnies aériennes. Air Caraïbes et French Bee ont ainsi annoncé qu'elles accorderaient cet été une remise supplémentaire de 100 euros aux bénéficiaires de l'ACT. C'est cohérent avec l'Oudinot du pouvoir d'achat que j'ai engagé l'été dernier. Je remercie les entreprises pour les efforts consentis ; nous maintenons en permanence nos discussions avec elles sur les possibilités de remise. Pour un trajet entre Paris et Fort-de-France, l'effort d'Air Caraïbes ajouté à la revalorisation du bon de l'aide à la continuité territoriale, décidée en mars, permet un gain de 170 euros par rapport à l'aide précédente.
Je souhaite insister sur trois aspects. S'agissant de la comparaison avec la Corse, je vous remercie, monsieur le rapporteur, d'avoir estimé à 90 euros le montant de la dépense par habitant en outre-mer – il doit effectivement avoisiner 90 ou 100 euros. En effet, le budget de l'État en matière de continuité territoriale prévoit également 30 millions d'euros de défiscalisation par avion, pour trois avions par an ; depuis 2020, 300 millions d'euros de soutien aux compagnies aériennes ; 75 millions par an pour les congés bonifiés. La sécurité sociale finance aussi les évacuations sanitaires. Ensemble, nous devons refuser la stricte logique arithmétique, pour aller au fond des choses.
À propos de la création d'un tarif résident, la liaison aérienne entre l'Hexagone et les Drom appartient à un marché ouvert à la concurrence ; en application des règlements européens, la liberté tarifaire des transporteurs s'y exerce. On ne saurait déterminer un tarif pour les résidents sans réfléchir à la compensation du coût sur des lignes long courrier quatre fois plus fréquentées – je dis bien quatre fois – que les liaisons vers la Corse. Les transporteurs réalisent une marge très faible, souvent négative, sur la desserte des Drom – la preuve, il faut les aider chaque année. Ils ne seraient pas en mesure d'assumer financièrement les conséquences de cette mesure. Le risque serait alors ni plus ni moins qu'ils arrêtent de desservir les destinations ultramarines. Il faudrait donc compenser la perte de revenu des opérateurs en créant une délégation de service public soumise à appel d'offres, ce qui imposerait de ne retenir qu'un opérateur par liaison. C'est le modèle corse. Cela reviendrait à abandonner le régime concurrentiel, qui influence pourtant l'offre tarifaire plutôt à la baisse. La concurrence joue un rôle d'amortisseur sur les prix : à l'automne 2022, le coût kilométrique des liaisons ultramarines était inférieur de 41 % à la moyenne internationale.
Quant à la prise en charge des liaisons intérieures, y compris entre les îles, elle relève des collectivités territoriales, conformément à la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République – loi Notre – de 2015. Les collectivités disposent d'outils réglementaires pour intervenir sur le prix des transports, mais L'État apporte son soutien aux collectivités dans des cas particuliers, lorsque le marché est défaillant, par exemple en Guyane, ou à Wallis-et-Futuna et Saint-Pierre-et-Miquelon, qu'affecte une double, voire une triple insularité.
Un autre sujet a émergé dans le cadre des discussions. Bien qu'il ne concerne pas l'objet de cette proposition de loi, j'en dirai donc un mot. Il s'agit de la suppression de la TVA en outre-mer. La TVA n'est pas responsable du coût de la vie en outre-mer, j'ai eu l'occasion d'en parler hier devant la commission d'enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la Constitution. Le taux de TVA outre-mer est déjà très bas. Le taux réduit est de 2,1 %, notamment pour l'alimentation et les abonnements à l'électricité et au gaz. La dépense fiscale correspondante s'élève à 4 milliards. En outre, la TVA ne s'applique ni à Mayotte ni en Guyane. Sur des produits comme le café moulu ou la farine, l'octroi de mer entraîne une taxation de plus de 30 %, contre 5,5 % dans l'Hexagone. Néanmoins, cette taxe remplit d'autres fonctions, notamment en matière de protection de la production locale et de financement des collectivités. Travaillons ensemble à la réformer. Cela suppose un consensus général – j'y travaille. Nous souhaitons réformer la fiscalité : le Président de la République s'y était engagé ; Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a également fait des annonces récentes en la matière, en accord avec moi. Ce sera l'occasion pour nous de travailler avec les parlementaires et l'ensemble des parties prenantes, mais la présente proposition de loi n'est pas le cadre opportun pour ce débat. Sur ce point uniquement, j'émettrai donc un avis défavorable à vos propositions.
De manière générale, nous pouvons et devons faire mieux en matière de continuité territoriale ; nous souhaitons avancer grâce au Ciom, comme avec l'examen de ce texte, ici et au Sénat. Je vous prie de croire que nous nous y emploierons. Ensemble, nous pouvons faire converger nos points de vue et nos ambitions au profit de nos concitoyens ultramarins.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et LIOT.
Je suis heureux, monsieur le ministre, que vous émettiez un avis favorable sur ce texte. Cela prouve que nos entrevues, nos discussions, qui se sont déroulées dans une très bonne ambiance, ont été fructueuses. Je m'en réjouis, de même, je pense, que mon ami Olivier Serva.
Je tiens à remercier le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires de nous permettre de présenter cette proposition de loi lors de sa journée de niche. L'article 1er de la Constitution dispose que la République ne saurait faire de discrimination ou de différence entre ses membres ; il affirme l'égalité des citoyens.
En février 2017, l'Assemblée nationale a adopté la loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, dite loi Erom. Défendue par le ministre Victorin Lurel – l'un de vos prédécesseurs, monsieur le ministre délégué –, elle s'était imposée parce que la France est le seul pays de l'Union européenne qui conserve des séquelles d'un passé douloureux, dont la possession de territoires dans trois océans. L'égalité des citoyens doit pouvoir y être garantie. La présente proposition de loi a donc une valeur à la fois symbolique et très concrète : il s'agit de corriger certaines inégalités dues à l'éloignement de nos territoires de la France continentale – de l'Hexagone, si vous préférez.
Pour les ultramarins et les Corses qui doivent se rendre en France continentale pour suivre leurs études ou une formation, il n'est pas question de rentrer à la maison le soir ou le week-end, en raison de la distance et du prix des billets d'avion. Même pour les vacances, il ne leur est pas toujours possible de rentrer : les prix des billets d'avion vers les outre-mer, déjà excessifs, ont augmenté en moyenne de 40 % – Olivier Serva, Jean-Marc Zulesi et vous-même, monsieur le ministre délégué, l'avez rappelé. Nos compatriotes restent donc séparés de leurs proches pendant plusieurs mois, avec à la clé un sentiment d'isolement et un risque de dislocation des liens familiaux.
Le Gouvernement est conscient du problème : Ladom a revalorisé les montants de tous les dispositifs d'aide à la continuité territoriale pour les résidents d'outre-mer. En dépit de quelques avancées, ceux qui en sont exclus demeurent trop nombreux et les billets d'avion restent hors de portée d'une grande partie des ultramarins.
Le groupe LIOT considère qu'il est nécessaire d'aller encore plus loin, pour assurer davantage de justice territoriale et pour redynamiser les territoires d'outre-mer. La présente proposition de loi marque une étape substantielle : elle vise à étendre le dispositif d'aide à la continuité territoriale par la création de deux nouveaux passeports, le passeport pour le retour au pays et le passeport pour la mobilité des actifs. Afin de gagner en agilité, elle permet également de définir par voie réglementaire le montant de l'aide à la continuité territoriale en fonction de l'éloignement du territoire et du prix moyen des billets d'avion.
Nos territoires, nos forces vives et nos jeunes attendent ces nouveaux dispositifs, dont il conviendra de tirer le meilleur parti au bénéfice de nos populations. Par ailleurs, les amendements adoptés en commission ont permis d'enrichir le texte d'une disposition prévoyant un rapport sur les pistes d'amélioration de la continuité postale. Nombre de nos concitoyens ultramarins sont amenés à commander en ligne les produits qui ne sont pas disponibles sur place ; cela leur revient très cher. En effet, lorsque les sites internet acceptent de livrer dans les outre-mer, s'ajoutent au prix du produit les frais de port, les droits et frais de douane, l'octroi de mer – et sa déclinaison régionale –, ainsi que la TVA à l'importation : sur le plan fiscal, les territoires ultramarins sont considérés comme des territoires tiers. Les populations d'outre-mer doivent pouvoir acheter en ligne à des prix normaux ; ce rapport sera donc très attendu.
Le dernier enjeu de continuité territoriale traité par ce texte me tient particulièrement à cœur. Il s'agit de fournir aux parents d'un enfant malade les moyens financiers d'accompagner celui-ci en France continentale pour y recevoir des soins vitaux qui ne sont pas disponibles sur leur territoire. Cette mesure concerne les familles des outre-mer et de Corse. Une maman m'a contacté l'an dernier pour me raconter son parcours et les difficultés auxquelles elle a dû faire face, depuis le jour où elle a dû quitter précipitamment la Guadeloupe pour Paris avec sa petite fille atteinte d'un cancer jusqu'à son retour deux ans plus tard avec son enfant guérie. Son histoire m'avait inspiré l'amendement dont l'adoption a permis d'abonder les crédits de la continuité territoriale pour la prise en charge de billets d'avion supplémentaires pour les familles d'enfants malades. En quittant la Guadeloupe du jour au lendemain, cette mère a aussi quitté son emploi ; sans salaire, elle a dû assumer deux fois plus de charges – à Paris et en Guadeloupe. Pendant ces deux années, elle a vu des enfants désespérés, qui se laissaient couler, seuls à l'hôpital, sans leurs parents à leurs côtés. Ces derniers ne pouvaient financer un séjour de longue durée tout en assumant leurs charges courantes. Elle a eu connaissance de familles sans moyens ou sans proches capables de les héberger, qui ne sont donc pas parties faire soigner leurs enfants : on peut en imaginer les conséquences.
Il est donc impérieux d'allouer à ces familles d'outre-mer ou de Corse les aides leur permettant de faire face aux multiples charges engendrées par l'hospitalisation de leurs enfants en France hexagonale. Le cumul de l'allocation journalière de présence parentale (AJPP) et du complément de la majoration de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) est donc une solution simple pour pallier l'inégalité territoriale des soins.
Cette proposition de loi a reçu un accueil favorable de votre part, monsieur le ministre délégué, de la commission et de l'ensemble des groupes politiques. Le groupe LIOT s'en réjouit ; il se réjouit aussi de l'écoute nouvelle dont bénéficient les outre-mer, comme l'ont montré les discussions menées avec le ministre délégué aux outre-mer et ses services en amont de l'examen du texte.
Nous attendons avec beaucoup d'intérêt les amendements de nos collègues qui viendront enrichir la proposition de loi. Le groupe LIOT votera évidemment ce texte, qui constitue une avancée tangible pour nos territoires. Il est nécessaire, monsieur le ministre délégué, de prévoir des mesures spécifiques, adaptées aux réalités locales, pour tendre vers davantage d'égalité entre les citoyens français. Pour faire baisser les prix des billets d'avion, nous voulons aller encore plus loin dans les échanges avec le Gouvernement et les compagnies aériennes qui y sont rétives.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs des groupes RE et GDR – NUPES.
La continuité territoriale représente pour les outre-mer un enjeu de taille. En effet, 80 % de leurs échanges se font avec l'Hexagone et l'Europe. L'intensité des relations économiques avec l'Hexagone est un sujet en soi : elle témoigne de la force des liens concrets entre les différents territoires de la nation. La création de valeur outre-mer n'en doit pas moins tenir compte des débouchés dans un environnement régional. Par ailleurs, les échanges sont nécessaires entre les territoires ultramarins eux-mêmes, certains services n'étant pas présents partout de la même façon. En cela, les outre-mer ne diffèrent pas des autres territoires.
On ne peut promettre l'intégralité des services à la porte de chacun ; néanmoins, reconnaissons ensemble, dans cet hémicycle, que l'accès à ces services essentiels est beaucoup plus complexe quand on vient d'outre-mer ; reconnaissons aussi que notre histoire témoigne d'une carence des investissements outre-mer, signalée depuis de longues décennies et sur laquelle nous tentons de revenir depuis quelques années. Enfin, les échanges entre les outre-mer et l'Hexagone tiennent à l'importance de la diaspora ultramarine. Cette réalité, longtemps encouragée par l'État, crée des devoirs singuliers à notre nation quant à la facilitation des rapports familiaux.
Ce gouvernement et le précédent ont porté les crédits pour l'outre-mer de 2 à 2,9 milliards d'euros, et les crédits transversaux qui leur sont dédiés de 17 à 22 milliards. Il n'y a pas lieu d'en rougir, au contraire ! En matière de continuité territoriale, le budget de Ladom est passé de 22 à 70 millions d'euros. Des efforts significatifs de solidarité ont donc été consentis en faveur des outre-mer : il faut le souligner. Le ministre délégué chargé des outre-mer a précisé récemment que ces efforts allaient être prolongés ; il y consacre beaucoup d'efforts, ce dont le groupe Renaissance se réjouit.
Dans la perspective d'une réforme de Ladom et du prochain Ciom, nous devons progresser, sans esprit polémique…
…pour améliorer la situation de nos compatriotes des outre-mer. C'est ce que nous avons fait en commission, puisque ce texte, amendé et retravaillé dans un large esprit de consensus, a été voté à l'unanimité – je vous en félicite, monsieur le rapporteur. Je tiens également à saluer à cette tribune le travail mené par le responsable du texte pour le groupe Renaissance, Guillaume Vuilletet, qui n'est malheureusement pas encore parmi nous.
Revenons sur les différentes dispositions de cette proposition de loi. Tout d'abord, le retour chez eux des étudiants ultramarins venus étudier sur le territoire hexagonal est en soi un sujet d'importance. Que toutes les formations ne soient pas disponibles outre-mer peut agacer, mais cela s'entend : sur le territoire national comme ailleurs, les étudiants changent de site pour se former au mieux et cela n'a rien de choquant. La question est surtout de savoir comment favoriser le retour de nos compatriotes des outre-mer au pays pour y mener des projets et y développer les territoires. Cette observation s'applique non seulement aux étudiants, mais aussi aux acteurs économiques désireux de développer les territoires ; c'est pourquoi nous regrettons la rédaction de l'article 1er . Je suis convaincu que le Gouvernement saura préciser ses intentions en la matière.
Par ailleurs, Ladom fera prochainement l'objet d'une réforme globale. La présente proposition de loi est une forme de contribution au débat qui s'ouvrira bientôt à ce sujet. Dans une logique identique, nous avons voté avec le rapporteur un amendement de réécriture de l'article 2.
Avec votre permission, j'aimerais évoquer la comparaison avec la Corse qui, je n'en doute pas, va animer certains de nos débats. Nous comprenons les interrogations de nos collègues, qui se résument en une comparaison : la nation contribuerait à la continuité territoriale à hauteur de 257 euros par habitant pour la Corse contre seulement 16 euros pour les outre-mer. Le ministre délégué a fait à l'instant justice de cette comparaison, qui nous semble tout à fait hâtive et simpliste ; nous aurons l'occasion d'y revenir à maintes reprises. Soutenir le transport aérien, c'est d'abord faire en sorte qu'il y en ait un : le Gouvernement a débloqué 300 millions pour sauver deux compagnies aériennes – French Bee et Air Caraïbes.
En conclusion, le groupe Renaissance votera ce texte, s'il n'est pas dénaturé, dans un geste fort de soutien à nos compatriotes d'outre-mer.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et HOR.
« La France est une République indivisible » : ce sont les premiers mots de l'article 1er de notre Constitution. La France est aussi un pays sur lequel le soleil ne se couche jamais, grâce à ses outre-mer. C'est pourquoi nous devons, en tant que législateurs, faire en sorte que ces territoires soient facilement accessibles, vers et depuis l'Hexagone, en instituant une véritable continuité territoriale. Nous devons également permettre à tous nos compatriotes ultramarins de bénéficier d'un niveau de vie décent, notamment en limitant les prix des biens de grande consommation. En effet, une véritable continuité territoriale ne peut être garantie sans prix raisonnables.
Le groupe Rassemblement national défend la nécessaire reconfiguration de l'octroi de mer, pour qu'il favorise réellement la production locale, mais aussi pour éviter de renchérir le prix des biens en provenance de France hexagonale et de l'Union européenne. C'est avant tout un enjeu de cohésion, d'égalité et de justice, car il ne saurait y avoir de Français moins égaux que d'autres. Mais c'est aussi un enjeu de souveraineté, car il ne peut non plus y avoir de territoires moins français que d'autres.
La position de notre groupe est depuis longtemps très claire sur la politique à mener en faveur de nos compatriotes ultramarins : subventionner les tarifs des transports vers et depuis l'Hexagone pour les ultramarins afin de les rendre réellement accessibles ; repenser l'octroi de mer, pour les territoires concernés, afin d'assurer une baisse généralisée du coût de la vie ; garantir l'accès à un panier de cent produits de première nécessité pour l'alimentation et l'hygiène, bénéficiant d'une TVA à zéro ; protéger nos frontières où qu'elles se situent.
Les gouvernements qui se sont succédé depuis quinze ans ont largement failli à cette mission, sans parler de l'Union européenne, qui met régulièrement en cause le principe même de continuité territoriale. Ils n'ont pas su construire le véritable pont économique avec nos territoires ultramarins que Marine Le Pen appelait de ses vœux dès 2012. Ils n'ont pas davantage veillé au respect scrupuleux du principe de continuité territoriale, en vertu duquel toutes les zones du territoire national bénéficient de services publics dans tous les secteurs – transports, énergie, postes et télécommunications –, ni au désenclavement des collectivités les plus éloignées de leur chef-lieu par une politique ambitieuse d'aménagement du territoire.
Au contraire, les prix des billets d'avion sont exorbitants, voire prohibitifs, et les aides actuelles inadaptées. Elles sont en effet fondées sur un système de bons et d'aides distribués en nombre limité, dont les conditions d'obtention sont trop complexes. Cela concourt à freiner le développement économique des outre-mer. L'État soutient la continuité territoriale ultramarine à hauteur de seulement 45 millions d'euros pour 2 700 00 habitants, soit 16 euros par personne. C'est évidemment très insuffisant.
Nous saluons néanmoins l'orientation générale du texte enrichi par la commission. Il va globalement dans le bon sens, même si nous considérons qu'il faut aller beaucoup plus loin et beaucoup plus vite, instaurer une véritable continuité territoriale et défendre une véritable ambition économique et sociale pour nos outre-mer.
En attendant la grande loi de programmation pour la France d'outre-mer que nous appelons de nos vœux, nos compatriotes ultramarins pourront compter, en toute occasion, sur le soutien du groupe Rassemblement national pour les défendre et pour répondre à leurs légitimes attentes en matière de cohésion, d'égalité et de justice.
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La continuité territoriale a normalement pour but de compenser l'éloignement et l'enclavement de nos territoires ou leur accès difficile depuis l'Hexagone.
En 1976, le Gouvernement a créé – à fort juste titre – le dispositif pour nos amis corses. Pourquoi avoir attendu 2003 pour l'étendre aux autres pays français ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe GDR – NUPES.
Si l'aide à la continuité territoriale s'élève à 257 euros par habitant en Corse, ce qui reste insuffisant, que dire de la dotation chez nous, limitée à 16 euros par habitant ? Ces dotations sont ridicules au vu, entre autres, des tarifs aériens élevés et des enjeux de la continuité territoriale. Les prix des billets d'avion vers ces territoires flambent, alors même qu'ils connaissent des taux de pauvreté pouvant atteindre 77 %.
Qu'avez-vous fait pour lutter contre cette flambée ? Rien pour l'instant !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Le chômage de masse n'étant toujours pas endigué, les ultramarins disposent d'un faible pouvoir d'achat. Qu'avez-vous fait ? Rien pour l'instant ! La vie étant beaucoup plus chère sur leurs territoires, ils ont moins d'argent pour voyager. Qu'avez-vous fait ? Rien pour l'instant ! Souhaitez-vous que les peuples s'épanouissent ou préférez-vous encourager les compagnies aériennes à se gaver encore et encore sur le dos des ultramarins ? To toche anou – arrêtez de nous mettre en difficulté !
Ce n'est pas une continuité territoriale pour bat karé – se promener –, ni une aide pour les compagnies aériennes que nous réclamons. Non, la continuité territoriale, pilotée par Ladom, doit bénéficier avant tout aux personnes et permettre à nos jeunes de se former et de travailler dans l'Hexagone, avec l'assurance de pouvoir rentrer au pays ; aux ultramarins de se faire soigner, de voir leur famille et d'être en contact avec d'autres cultures.
En plus de faire preuve d'insuffisance, le directeur de Ladom, suivant les directives du Gouvernement, s'est permis de déclarer au mois de mars : « Demain, nous allons travailler sur la mobilité dans les deux sens, c'est-à-dire permettre à des Français de s'installer en outre-mer […] ». Cette déclaration est scandaleuse. En premier lieu, il distingue les Français de l'Hexagone des Français ultramarins. En second lieu, vous voulez financer, en payant leurs billets d'avion, l'installation des hexagonaux dans nos différents territoires. Vous n'avez jamais contredit ces propos, alors que, vous le savez, de nombreuses administrations appliquent la préférence hexagonale. Cette déclaration a conduit à amplifier cette tendance au détriment de nos diplômés, qui n'aspirent qu'à rentrer au pays, et des locaux qui veulent accéder à des postes à responsabilité. Vous confirmez ainsi votre objectif : amplifier la politique du dominant-dominé.
Le problème de la vie chère dans nos pays, soulevé par les auteurs de la proposition de loi, met en lumière le sous-investissement chronique de l'État dans nos collectivités, confortant l'idée qu'elles sont toujours traitées comme des « sous-France ». Qu'attendez-vous pour instaurer la continuité économique, qui favorisera la baisse des prix, améliorera le pouvoir d'achat et garantira le développement économique en créant des emplois dans chacun de nos territoires ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe GDR – NUPES.
La proposition de loi a le mérite de soulever plusieurs problèmes liés aux conséquences de l'éloignement entre les pays français dits d'outre-mer et la France hexagonale. Néanmoins, un travail plus approfondi doit être mené sur la continuité territoriale dans sa globalité, afin d'apporter des réponses différenciées, notamment en matière de santé, de TVA, d'octroi de mer, de continuité économique, d'emploi, de famille. Il est grand temps que l'État investisse dans nos pays, tant au profit des habitants que des territoires.
Mme Clémence Guetté applaudit.
Nous ne demandons pas la charité, nous demandons un traitement équitable !
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et SOC. – M. Marcellin Nadeau applaudit également.
Par conséquent, il est temps que vous cessiez de souligner ce que la France apporte aux outre-mer pour mesurer plutôt ce que rapportent les outre-mer à l'ensemble des territoires français. En effet, il y a la France hexagonale, mais aussi les pays français de l'océan Indien, de l'Atlantique, du Pacifique ; tous font la grande France.
Comme le rappellent souvent mes collègues ici présents, c'est grâce à nos territoires que la France est le seul pays présent sur tous les océans du globe, ce qui en fait la deuxième puissance maritime mondiale, et qu'elle dispose d'une immense zone économique exclusive de 11 millions de kilomètres carrés, regorgeant de richesses minérales, énergétiques et halieutiques ; 80 % de la biodiversité française se trouve chez nous,…
…sans parler des atolls de Polynésie, de la forêt équatoriale de Guyane et des récifs coralliens, des pitons, des cirques et des remparts de La Réunion.
Dès lors, le renforcement du principe de la continuité territoriale chez nous ne doit souffrir d'aucune contestation ni d'aucune hésitation : ce n'est que reconnaissance et justice !
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
La proposition de loi du groupe LIOT, rapportée par notre collègue Olivier Serva, s'attaque à une difficulté à laquelle sont confrontés nos compatriotes ultramarins : le coût de l'éloignement et des trajets entre les outre-mer et la France hexagonale. Depuis la sortie de la crise sanitaire, le coût des billets d'avion vers les outre-mer a augmenté de 25 % à 50 % selon les destinations. Ces prix ont donc flambé – le rapporteur l'a rappelé – et ne cessent de croître. Ils peuvent être supérieurs à 1 000 euros, ce qui représente une dépense considérable, voire disproportionnée,…
… pour des familles dont le niveau de vie est inférieur à la moyenne nationale.
Ces hausses, dont l'amplitude est difficilement justifiable, sont d'autant plus pénalisantes que de nombreux étudiants ultramarins sont contraints de se rendre dans l'Hexagone…
…s'ils souhaitent poursuivre leurs études dans des filières qui ne sont pas représentées dans leurs territoires, ou qui le sont en partie, comme c'est le cas pour les études de médecine. Si les billets d'avion deviennent inaccessibles, comment peuvent-ils revenir chez eux afin de faire bénéficier leur territoire de leur expertise et de leur dynamisme, ou tout simplement de conserver des liens familiaux et amicaux ?
Je ne prendrai que deux exemples. Chaque année, environ 3 400 étudiants quittent La Réunion pour se former dans l'Hexagone. Les personnes qui reviennent sont généralement âgées d'une trentaine d'années, diplômées de l'enseignement supérieur et ont démarré leur carrière professionnelle. Un sondage montre que 77 % des intéressés souhaiteraient revenir dans leur territoire, mais la plupart d'entre eux ne le peuvent pas pour des raisons financières, ou ne le peuvent que de manière très occasionnelle. Si le législateur ne soutient pas les retours, ce phénomène ne fera que s'amplifier.
Le second exemple concerne la Martinique. Selon l'Insee, 4 000 Martiniquais quittent leur territoire chaque année. À la sortie de la crise du covid, environ huit Martiniquais sur dix souhaitaient revenir au pays ; aujourd'hui, ce ratio est plutôt de neuf sur dix. Or le prix des billets d'avion les en empêche pour la plupart, notamment s'ils ont fondé une famille et ont des enfants, ce qui accroît le coût du transport.
Les restrictions aux déplacements imposées par les hausses de tarifs sont pénalisantes pour le dynamisme des territoires. Je ne peux donc que m'associer aux excellentes dispositions de cette proposition de loi, notamment à son article 1er , qui crée un « passeport pour le retour au pays », destiné aux ultramarins résidant dans l'Hexagone, et un « passeport pour la mobilité des actifs », qui contribue au financement des billets des personnes inscrites à une formation continue dans l'Hexagone.
Les aides de Ladom pour partir étudier et se former dans l'Hexagone, qui ont le mérite d'exister, sont nombreuses et bien connues, contrairement aux aides pour revenir dans les territoires. La proposition de loi remédie à cette carence.
Même si elle n'aborde pas la question très sensible du fret,…
…je souhaite l'évoquer. Certaines importations demeurent indispensables pour nos territoires du Pacifique, de l'océan Indien et des Caraïbes. Leur coût ne doit pas être disproportionné ; il faudra y veiller. C'est un chantier de plus sur lequel vous devez avancer, monsieur le ministre délégué – vous avez l'habitude.
Enfin, comment ne pas être d'accord avec l'article 4, qui répond à la situation très sensible des familles confrontées à la maladie, qui font face à des difficultés financières lorsqu'elles doivent se rendre dans l'Hexagone pour y faire soigner leur enfant ou leur parent ?
Pour conclure, nous progressons. Monsieur le ministre délégué, nous sommes sensibles à votre sens de l'écoute, qui se manifestera certainement de nouveau cet après-midi. Pour toutes ces raisons, les députés du groupe Les Républicains, fidèles à leur tradition gaulliste, se prononceront en faveur de cette proposition de loi, construite dans un esprit consensuel et dans l'intérêt des outre-mer.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Principe de service public, la continuité territoriale a pour objectif de renforcer la cohésion entre les différentes parties du territoire de la République, afin de compenser les handicaps liés à l'éloignement, à l'enclavement ou à l'accès difficile de certaines d'entre elles.
Les outre-mer bénéficient de l'aide à la continuité territoriale, mais son montant est largement insuffisant compte tenu de l'augmentation des coûts du transport. En outre, une partie du public qui en aurait besoin n'en bénéficie pas et elle favorise les déplacements vers l'Hexagone au détriment des retours. Cette politique ne prend pas en considération la nécessité de préserver les liens familiaux – nous l'avons évoqué – ou encore la promotion des relations culturelles et économiques entre l'Hexagone et l'outre-mer.
Nous sommes donc tous présents dans cet hémicycle pour répondre aux faiblesses de cette politique publique, dont le financement est insuffisant. Alors qu'elle se veut ambitieuse, ses effets directs sur la population sont peu visibles.
En dehors même du contexte inflationniste, se déplacer depuis ou vers l'un de ces territoires qui permettent à la France d'être un pays où le soleil ne se couche jamais est, chacun le sait déjà, un handicap certain pour les ultramarins.
Si nous avons le devoir d'accompagner nos jeunes, nos étudiants, la nouvelle génération, dans la recherche de la connaissance et du savoir, nous devons aussi permettre à ceux qui le souhaitent de revenir pour contribuer au développement local.
Je veux ici saluer l'action de Ladom, qui est au service de nos résidents ultramarins et les aide à concrétiser, avec le peu de moyens dont ils disposent, leur projet de mobilité. Mais il faut plus – plus de budget, plus de missions – pour cette agence. Je sais, monsieur le ministre, votre engagement en faveur d'une refonte globale de cet établissement public afin qu'il soit mieux tenu compte des principes d'égalité des droits, de solidarité nationale et d'unité de la République. Je veux croire qu'au-delà de ce texte de niche, le Gouvernement aura à cœur d'améliorer encore la qualité du service attendu en matière de continuité territoriale.
Ainsi, il me paraît important que soit bien prise en compte la mobilité entre les territoires ultramarins d'un même bassin géographique. Qu'un Martiniquais puisse se rendre pour un prix raisonnable à Saint-Barthélemy afin d'y travailler – sachant que, le plus souvent, il devra faire escale à Saint-Martin – ou que l'on puisse faciliter les déplacements qu'un apprenti effectue entre Cayenne et Pointe-à-Pitre pour les besoins de sa formation, cela ne me semble pas déraisonnable, compte tenu du coût de ces trajets interterritoires. J'ai bien compris que les collectivités locales avaient leurs responsabilités en la matière, mais toutes n'ont pas les moyens de les assumer.
Comme par hasard, je me retrouve à soutenir une proposition de loi dans laquelle mon territoire, Saint-Martin, a été oublié.
Mais, et je m'en réjouis, l'amendement du Gouvernement répare cet oubli – qui concerne également la Nouvelle-Calédonie, me semble-t-il. Je suis donc disposé à retirer celui que j'avais moi-même déposé à cette fin.
L'article 2, relatif à la revalorisation des montants de l'aide à la continuité territoriale par territoire, est évidemment justifié. Toutefois, je suis d'avis de ne pas figer ces montants en les inscrivant dans la loi ; il convient de permettre les ajustements nécessaires, en tant que de besoin.
L'article 4, qui prévoit le cumul entre l'allocation journalière de présence parentale et la majoration de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé pour les parents résidant dans un territoire d'outre-mer ou en Corse est également une mesure de bon sens, que mon groupe soutiendra.
Je veux espérer que, d'un côté à l'autre de l'Hémicycle, nous saurons faire preuve de l'écoute nécessaire pour comprendre que la France lointaine n'est pas moins importante que celle qui est proche de la tour Eiffel.
Le groupe Démocrates, vous l'aurez compris, soutiendra la proposition de loi telle qu'issue des délibérations de la commission.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs du groupe RE.
Le principe de continuité territoriale est une garantie du service public. En effet, il vise à renforcer la cohésion entre différents territoires d'un même État, en compensant les handicaps liés à leur éloignement, à leur enclavement ou à leur accès difficile. Ainsi, le 1er janvier 1976, une fiction juridique a été établie pour les liaisons maritimes entre la Corse et l'Hexagone, qui a ensuite été étendue, après vingt-sept années d'iniquité, aux territoires dits d'outre-mer.
Ce processus d'élargissement va dans le bon sens, même s'il s'applique dans une moindre mesure aux territoires ultramarins, qui souffrent, eux aussi, de leur éloignement. L'État ne semble pas préoccupé par ces questions. Il revient donc à notre assemblée de faire des propositions afin de remédier à ces manquements.
M. Boris Vallaud applaudit.
Le dispositif corse permet aux compagnies aériennes de proposer des tarifs préférentiels aux résidents corses moyennant une compensation financière qu'ils perçoivent à travers la dotation de continuité territoriale. En tant que député de la Guadeloupe, mes administrés m'ont rapporté être victimes, depuis janvier, d'une hausse historique du prix des billets d'avion entre l'outre-mer et la France, et les experts ne constatent aucun renversement de tendance à ce jour. Le Gouvernement doit manifester la volonté politique d'aider nos concitoyens ultramarins à faire face à cette situation.
Au départ de la Guadeloupe, les prix ont augmenté de 47,9 %. La hausse atteint 45,2 % au départ de la Martinique, 28,9 % au départ de la Guyane et 24,9 % au départ de La Réunion. Il est vrai que plusieurs facteurs expliquent ces tarifs élevés. Mais ces constats doivent s'accompagner de propositions afin de remédier à ces situations.
Du reste, la continuité territoriale n'est pas le seul sujet traité dans la proposition de loi. Je pense notamment à l'achat de produits en ligne à des prix abordables, qui est aussi un enjeu important pour les ultramarins. Ainsi le texte est-il en cohérence avec le souhait que je formule d'un renforcement de la continuité territoriale. « C'est parce que la force des choses tend toujours à détruire l'égalité que la force de la législation doit toujours tendre à la maintenir », écrivait Rousseau dans Du Contrat social.
Nous ne pouvons pas nous cacher derrière des excuses telles que le prix du kérosène, la distance parcourue ou le manque de rentabilité pour expliquer de telles hausses. Il convient de se pencher sur Ladom et les différentes aides : l'AEEH, l'AJPP ou l'aide à la continuité territoriale. En conséquence, je plaide pour que le Gouvernement exprime une véritable volonté politique de renforcer sa participation à la continuité territoriale et à la lutte contre les inégalités entre territoires. Parce qu'elle s'inscrit dans cette lignée, la proposition de loi est ambitieuse.
Le 8 juillet 2019, le président Macron déclarait, à propos des efforts du Gouvernement en faveur de l'outre-mer, que l'on ne fait pas d'économies sur les outre-mer. Je forme le vœu que le Gouvernement l'entende et ne laisse pas aux seuls députés ultramarins le soin d'agir pour aider nos compatriotes. L'État est indivisible et la continuité territoriale en est un des principes.
Monsieur le ministre, nous attendons des explications sur l'amendement de réécriture de l'article 1er déposé par le Gouvernement. Vous proposez de supprimer le « passeport pour le retour au pays » et le « passeport pour la mobilité des actifs ». Pour quelles raisons ? Vous renvoyez ensuite les modalités de l'aide au prochain Ciom et à des dispositions réglementaires. De quelles garanties disposons-nous ? Il va falloir nous fournir des explications précises.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR – NUPES et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Permettez-moi tout d'abord d'associer à mon intervention Anne-Cécile Violland, députée de la Haute-Savoie, qui ne peut être présente parmi nous en raison de l'horrible événement survenu à Annecy ce matin. Je tiens du reste à témoigner, comme vous tous, notre entier soutien aux victimes et à leurs familles.
Applaudissements.
La proposition de loi visant à renforcer le principe de la continuité territoriale outre-mer comporte plusieurs volets qui ont pour objet d'accompagner et de faciliter la mobilité entre la métropole et les territoires d'outre-mer. De fait, les déplacements entre certaines collectivités territoriales éloignées et le territoire métropolitain peuvent s'avérer compliqués et extrêmement coûteux. À cela s'ajoutent les inégalités de niveau de vie entre métropole et outre-mer dans les domaines de l'éducation, de la santé, du logement et, plus largement, de l'accès au service public.
Rappelons qu'environ 18 % des Français en situation de grande pauvreté se trouvent dans les départements et régions d'outre-mer, dont les habitants ne représentent pourtant que 3 % de l'ensemble de la population française.
La politique de continuité territoriale constitue donc un enjeu majeur pour les 2,7 millions d'habitants ultramarins, répartis sur onze territoires et trois océans. Parce que nous sommes pleinement conscients de l'importance de cette politique, nous avons, dans la loi de finances pour 2023, augmenté les crédits budgétaires qui lui sont alloués de 5 millions par rapport à 2022.
Par ailleurs, le Gouvernement mène actuellement des discussions dans le cadre de la préparation du comité interministériel des outre-mer de juin 2023 afin de renforcer cette politique publique, dans un contexte où l'inflation constatée du coût des ressources énergétiques s'est traduite par un renchérissement important du prix des billets d'avion.
Cette inflation s'ajoute aux difficultés des ménages, déjà largement affectés au quotidien par la hausse des prix. C'est pourquoi nous nous sommes mobilisés, en lien avec le Gouvernement, pour revaloriser l'aide à la continuité territoriale afin de prendre en compte l'augmentation du prix des billets d'avion et de limiter le reste à charge des bénéficiaires. Telle est également la logique de l'article 2 de la présente proposition de loi, dont le groupe Horizons et apparentés soutient la philosophie.
Je tiens à saluer la qualité de nos débats en commission, qui ont notamment permis, par la suppression de l'article 3, d'améliorer la pertinence de la rédaction du texte. En effet, cet article, qui visait à instaurer une exonération de TVA pour les achats en ligne d'un montant inférieur à 150 euros, aurait pu placer le commerce local d'outre-mer dans une position difficile vis-à-vis de la concurrence internationale.
Par ailleurs, le groupe Horizons a fait adopter en commission un amendement tendant à renforcer la cohérence de la politique de continuité territoriale avec les outre-mer, ce dont nous nous félicitons. Compte tenu de ces avancées, notre groupe votera en faveur de la proposition de loi.
Pour conclure, permettez-moi de remercier notre rapporteur pour son engagement et son travail en faveur de nos concitoyens ultramarins.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs du groupe RE.
Je veux tout d'abord remercier le rapporteur et le groupe LIOT de nous permettre de débattre de ce texte si important et, probablement – je l'espère, en tout cas –, de l'adopter. Se rendre dans l'Hexagone est presque devenu un sacrifice pour nos concitoyens ultramarins car, cela a été dit, de nombreuses inégalités persistent, au détriment de ces territoires. En témoignent les quelques exemples suivants : plus de 1 000 euros pour un Paris-Pointe-à-Pitre, plus de 1 500 euros pour un Paris-Papeete ! Le prix du transport aérien est en constante augmentation depuis des années, et plus encore dans le contexte inflationniste actuel. En Guadeloupe, les prix ont ainsi augmenté de près de 50 % entre février 2022 et février 2023.
Le principe de continuité territoriale, principe de service public qui vise à faciliter le déplacement des citoyens entre les territoires, est donc bien menacé. Nous connaissons déjà la question des écarts à la moyenne entre l'Hexagone et l'outre-mer.
La forte inflation qui sévit dans l'Hexagone depuis le début de la guerre en Ukraine est exponentielle en outre-mer. Depuis des années, les produits alimentaires, le carburant et d'autres produits de base sont devenus inabordables, ce qui rend la vie quotidienne plus difficile pour un grand nombre de nos concitoyens et limite leur capacité à accéder à certains biens et services essentiels.
Comme si cela ne suffisait pas, nombre de formations ne sont pas disponibles en outre-mer, ce qui contraint les jeunes à s'expatrier de leur territoire.
Prendre l'avion pour venir voir leur famille ou assister à un événement d'ampleur ne doit pas être un luxe pour les étudiants. Face aux tarifs exorbitants pratiqués par les compagnies aériennes, l'État doit par conséquent mieux les accompagner. À cet égard, la vidéo diffusée à la rentrée par Maëlle, une étudiante en détresse, nous a tous marqués et aurait dû déclencher une véritable prise de conscience : au motif que ses parents ont déménagé à Mayotte, où les salaires sont majorés compte tenu du coût de la vie courante dans les départements d'outre-mer, le centre régional des œuvres universitaires et scolaires (Crous) a rétrogradé sa bourse étudiante de l'échelon 4 à l'échelon 0 bis, si bien que le montant de l'aide est passé de 396 euros mensuels à 100 euros entre le début de ses études et aujourd'hui.
Au-delà de ce cas, de nombreux étudiants originaires des territoires ultramarins ne peuvent bénéficier d'une bourse, au prétexte que les revenus de leurs parents sont jugés trop élevés, y compris lorsqu'ils poursuivent leurs études à plus de 8 000 kilomètres de chez eux.
En outre, les défaillances en matière de santé publique sont connues et documentées : nombre de nos concitoyens ultramarins sont contraints de venir se faire soigner, à leurs frais, sur le territoire hexagonal, certaines spécialités médicales n'étant pas disponibles localement. En raison de l'éloignement géographique, cela entraîne des difficultés financières et logistiques plus importantes pour les patients et leurs familles.
Je veux également souligner les problèmes de renouvellement de passeport auxquels sont confrontés nos concitoyens en outre-mer : si une carte d'identité en cours de validité suffit pour se rendre des territoires ultramarins vers l'Hexagone, il faut souvent transiter par un pays étranger dans lequel un passeport en cours de validité est nécessaire. Or l'obtention d'un passeport dans les territoires ultramarins peut relever d'une épreuve de Koh-Lanta…
…et les coûts associés à son obtention, tels que les frais de déplacement pour se rendre au centre de demande le plus proche, peuvent être élevés.
Nous devons donc agir, comme nous y invite la présente proposition de loi. Nous le savons, lorsque nos concitoyens se sentent abandonnés, les extrêmes prospèrent. Or de nombreux résidents des territoires d'outre-mer ont le sentiment d'être délaissés. L'État français doit reconnaître ces inégalités et s'engager à les résoudre.
Pour les territoires ultramarins, le dispositif d'accès à la mobilité géré par Ladom reste insuffisant malgré les 6 millions d'euros d'augmentation annoncés en mars 2023, sans compter les différences entre les territoires : en moyenne, l'aide à la continuité territoriale s'élève à 257 euros par an et par habitant en Corse, contre 16 euros dans les outre-mer.
Le groupe Écologiste – NUPES soutiendra donc cette proposition de loi. Il soutiendra également le cumul entre l'allocation journalière de présence parentale et la majoration de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé pour les parents résidant dans un territoire d'outre-mer.
C'est pourquoi nous remercions le groupe LIOT et voterons la présente proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur quelques bancs des groupes RE, LFI – NUPES et SOC.
Le groupe Gauche démocrate et républicaine – NUPES, composé en grande partie de députés issus des territoires dits d'outre-mer, ne peut qu'être favorable à cette proposition de loi, non seulement parce qu'elle présente un intérêt certain pour nos compatriotes ultramarins, mais aussi parce qu'elle réduit un grave déficit d'égalité républicaine.
En effet, pour les ressortissants des territoires ultramarins, se déplacer n'est pas accessoire ; c'est une nécessité pour les études, la santé, le travail, l'économie et la vie courante. Or la cherté des prix des transports, devenus prohibitifs dans les Antilles ou l'océan Indien, les en empêche. Comment un étudiant pourrait-il rentrer dans sa famille aux Antilles chaque année, alors que le prix du billet d'avion dépasse les 1 000 euros ? Il y a non seulement une rupture d'égalité avec la France hexagonale, mais aussi une aggravation des handicaps dont souffrent les Ultramarins. On les pressure, car ce sont des populations contraintes : c'est inadmissible ! Lorsque les territoires ultramarins demandent des adaptations, l'État leur répond souvent qu'ils sont la France ; mais lorsqu'ils demandent la réduction des inégalités qui les minent, on leur répond qu'ils sont trop à part.
Que propose l'État face à une telle situation ? Une politique de continuité territoriale qui n'est à la hauteur ni des attentes ni des enjeux territoriaux du moment ; une politique timorée et sans moyens réels.
Nous aurions pu espérer que l'État facilite, à la marge, les continuités régionales : par exemple entre les Antilles et la Guyane, ou au sein de l'archipel guadeloupéen avec les îles du nord Saint-Martin et Saint-Barthélemy, ou entre les îles Loyauté et Nouméa, ou encore en Polynésie avec les myriades d'îles disséminées sur une surface grande comme l'Europe. Eh bien non ! Il est moins coûteux pour un Martiniquais d'aller en Guyane en passant par Paris que de s'y rendre directement. Quelle aberration ! Quant aux îles indépendantes de la Caraïbe, pourtant proches de 50 à 100 kilomètres des régions françaises d'Amérique, il est préférable de passer par Paris ou Miami, tant en ce qui concerne le temps de trajet que le prix, plutôt que de s'y rendre directement depuis la zone concernée.
Bref, de quelque côté que l'on se tourne, la politique de continuité territoriale est inadaptée et scandaleuse pour notre République. L'État dépense tout juste entre 35 et 52 millions d'euros pour aider, sous conditions, des étudiants, des sportifs – qui rapportent d'ailleurs des médailles –, des personnes sans ressources ou financer des rapatriements funéraires. Ce n'est rien, ou presque rien. Je réaffirme que l'aide au transport aérien n'a rien à voir avec le financement de la continuité territoriale.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR – NUPES.
Il n'y a aucune volonté d'égalité, aucune ambition républicaine à la hauteur des valeurs affichées.
La France, cela a été rappelé à plusieurs reprises, débourse 16 euros par habitant ultramarin, alors que l'Espagne octroie 223 euros par habitant aux îles Canaries – pourtant proches du continent – et le Portugal 34 euros pour Madère et les Açores. L'aide française est donc misérable.
M. Frédéric Maillot applaudit.
Pourtant, les ultramarins ne demandent pas grand-chose, si ce n'est de se voir appliquer la même politique de continuité territoriale que celle prévue pour les Corses – sans remettre en cause leurs avantages –, c'est-à-dire 257 euros par habitant.
Ceci est valable pour les transports de personnes. S'agissant du fret, la France entretient les avantages liés aux organismes oligopolistiques qui, depuis des temps immémoriaux, vivent sur la bête de somme que sont les Antillais, les Réunionnais, les Guyanais ou les autres concitoyennes et concitoyens d'outre-mer. À la colonie a succédé la colonialité qui perdure !
Une réforme de Ladom, organisme chargé de la politique de continuité territoriale, est en cours avec l'élaboration d'un plan stratégique intitulé « Ladom 2024 ». Espérons qu'il sera à la hauteur des enjeux et des attentes.
Votre proposition de loi va donc dans le bon sens, monsieur le rapporteur, même si l'on pouvait espérer qu'elle vise plus haut et plus loin. Le groupe GDR – NUPES a formulé des propositions concrètes, mais le temps imparti ne me permet pas de les développer. Ce texte va dans le bon sens, disais-je, puisqu'il vise à renforcer le principe de la continuité territoriale. Nous le voterons, en pensant à nos concitoyens des territoires ultramarins, qui l'attendent et l'appellent de leurs vœux. Espérons que du simple principe, nous en arriverons vite à la réalité ! Espérons que le ciel de la continuité territoriale s'éclaircisse et qu'il n'y ait aucune embuscade. Permettez-moi néanmoins de rester un peu inquiet au vu de quelques-uns des amendements déposés par le Gouvernement.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES et sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-huit heures cinq.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
Les députés du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires approuvent évidemment le travail réalisé par M. le rapporteur Olivier Serva et saluent les propos de convergence qui viennent d'être tenus : ils annoncent la restauration du principe d'égalité dans les territoires d'outre-mer, décliné dans des mesures de nature comparable à celles qui ont cours pour la Corse – j'en parle en connaissance de cause, ayant été président de l'Office des transports de la Corse, autorité concédante de la délégation de service public maritime et aérienne, qui bénéficie à ce titre de l'enveloppe de continuité territoriale entre l'île et le continent. Dans leur contenu, les mesures prévues à l'article 1er diffèrent certes de celles qui valent pour la Corse. Quoi qu'il en soit, je peux témoigner des ruptures d'égalité que subissent les territoires insulaires, en particulier sur le plan sanitaire – c'est d'ailleurs l'une des raisons qui justifient l'effort et la régulation légitime prévus par la proposition de loi.
Ce texte constitue une étape. Nous espérons qu'il recueillera un large soutien et qu'il suscitera une unanimité politique : ce serait un message d'espoir. Pour autant, des dangers persistent, parmi lesquels figure en particulier l'augmentation du prix du carburant : elle altère déjà grandement le modèle de continuité territoriale pour la Corse, et pourrait affecter à l'avenir le modèle envisagé pour les territoires ultramarins. La réflexion doit donc nécessairement se poursuivre. Tout chemin commence par un premier pas ; celui que nous faisons aujourd'hui me paraît déterminant.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.
Comme l'a indiqué M. Valence, les députés du groupe Renaissance soutiennent la présente proposition de loi. L'article 1er est important, car il établit les prémisses de travaux dont nous attendons beaucoup – rappelons que les conclusions du comité interministériel des outre-mer seront connues en juillet. De manière générale, les dispositifs de continuité doivent être revus, actualisés et adaptés à la réalité des territoires ultramarins.
Dans sa version initiale, la proposition de loi de M. Serva contenait une surprise plutôt désagréable pour deux territoires, la Nouvelle-Calédonie – dont je suis un représentant – et Saint-Martin : ils étaient exclus de la nouvelle aide au retour pour les personnes justifiant d'une promesse d'embauche ou d'une création d'activité. Nous avons tenté de combler cette faille en déposant un amendement, mais il a été retoqué en application de l'article 40 – cela arrive à tout le monde. Un autre amendement de notre excellente collègue Maud Petit, tendant à inclure Saint-Martin dans le dispositif, a pour sa part été accepté.
Il restait à résoudre la situation de la Nouvelle-Calédonie. Je remercie M. le rapporteur et M. le ministre délégué d'avoir corrigé cet oubli grâce à l'amendement n° 65 rectifié . Si de nouvelles aides sont nécessaires, et si leur suivi est important, il faut éviter à tout prix de créer des distorsions entre nos territoires, même si leurs situations varient. Tous doivent être traités de la même manière.
Avec la correction apportée par l'amendement n° 65 rectifié , l'article 1er ne nous pose plus de difficulté.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
L'article 1er vise à accompagner les actifs ultramarins dans leur mobilité. Il prévoit de modifier le code des transports afin d'accorder une aide aux actifs ultramarins qui vivent en métropole et qui peuvent se prévaloir d'une promesse d'embauche ou d'une création d'entreprise dans leur collectivité d'origine. Concrètement, il s'agit de contribuer en partie au financement de leurs titres de transport. Une aide similaire est prévue pour les actifs qui doivent suivre une formation qui n'est pas dispensée dans leur collectivité de résidence. Ces deux mesures vont dans le bon sens, car elles contribuent au développement des territoires et des collectivités d'outre-mer ; elles aideront les ultramarins à retourner dans leur territoire riches d'une expérience et d'un projet. Si l'État peut y contribuer, ce sera de l'argent bien investi, qui participera, je l'espère, au développement économique des outre-mer. Les députés du groupe Rassemblement national voteront donc cet article, et seront attentifs aux décrets d'application de la loi.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
L'article 1er , et plus généralement la proposition de loi, constituent un progrès et un pas – même si c'est un petit pas.
J'espère qu'il ne sera pas, en définitive, un très petit pas ; aussi resterons-nous vigilants. La question de la continuité territoriale est complexe, et se pose avec une acuité particulière pour les populations dont la situation sociale est déjà difficile – je pense à ces territoires où les hôpitaux ont été abandonnés, et où la médecine de ville est en grande difficulté.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Cyrielle Chatelain et M. Davy Rimane applaudissent également.
Nombre de déplacements n'y relèvent pas de l'agrément, mais sont bel et bien forcés. Dans ce contexte, les tarifs des billets d'avion, imposés par des compagnies aériennes organisées en oligopoles, constituent un véritable racket.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Les compagnies organisent un racket des populations, dès lors que les habitants effectuent des mobilités forcées.
Pensons aussi à ceux qui habitent dans l'Hexagone et qui souhaitent retourner vivre, travailler et mener des projets en outre-mer. Il est sain qu'ils soient éligibles à l'aide à la mobilité, au titre de la continuité territoriale : c'est une avancée. Il faut toutefois ménager des garde-fous : cette aide doit être accordée prioritairement aux originaires qui retournent travailler au pays ,
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES, ainsi que sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES
notamment dans les territoires qui, faute de perspectives, subissent une baisse du nombre d'habitants et une fuite des cerveaux, de la main-d'œuvre et de la jeunesse.
Mêmes mouvements.
La proposition de loi constitue certes une – petite – avancée, mais nous pouvons déplorer la méthode qui a été employée pour y parvenir. Ainsi, un amendement de réécriture déposé à la dernière minute empêche les parlementaires ultramarins de travailler ensemble – car si M. Serva est chargé de le défendre aux côtés du groupe LIOT, le texte est le fruit d'un travail transpartisan. À son habitude, le Gouvernement nous impose un amendement en catimini, à la dernière minute, comme s'il voulait nous diviser. C'est pourquoi nous avons sollicité une suspension de séance tout à l'heure.
Quelle philosophie a dicté votre réécriture de l'article 1er , qui est si important, monsieur le ministre délégué ? Quel en est le périmètre, et que devons-nous en attendre ? Le risque est que le texte cache un loup. Or il faut permettre aux territoires ultramarins de revivifier leur population. Songez que d'ici à quelques années, mon département de la Guadeloupe passera de 400 000 à 280 000 habitants. Il faut permettre aux jeunes et aux cerveaux d'y revenir ; surtout, il faut accompagner le vieillissement des territoires d'outre-mer. Comptez-vous agir en ce sens, monsieur le ministre délégué ?
Pour finir, je souhaite vous sensibiliser à la double insularité. À titre d'illustration, vous ne pouvez pas renvoyer les habitants de Marie-Galante vers la région ; l'État doit aussi leur apporter une aide. Ne nous renvoyez pas non plus vers le Ciom, qui existe depuis 2009 mais n'a jamais produit grand chose. Les territoires d'outre-mer doivent être appréhendés dans leur réalité, celle de parties prenantes de la République française.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et LFI – NUPES. – M. Marcellin Nadeau applaudit également.
Sans répéter les observations de mes collègues, je tiens à souligner combien cette proposition de loi est importante. Elle donne une chance au Gouvernement et à l'État français de dire aux habitants des outre-mer : « Vous n'êtes pas des Français de seconde zone. Vous n'êtes pas loin des yeux, loin du cœur. Vous devez être traités de la même manière que les Français de l'Hexagone. »
Les différences de traitement n'ont que trop duré. Nous avons les plus mauvais résultats de France en matière économique et sociale : c'est inadmissible.
Un de nos collègues soulignait que la population ultramarine, qui ne représente pourtant que 3 % de la population en France, était la plus pauvre : il y a donc un véritable problème, que nous avons démontré et explicité. Il existe dans nos territoires une sorte de plafond de verre qui nous empêche de décoller, à l'instar d'Ariane qui s'envole régulièrement de notre territoire pour mettre des satellites européens en orbite.
Sur tous les sujets que nous soulevons, vous nous renvoyez au Ciom, monsieur le ministre délégué, mais un dicton créole dit : nou pa ka acheté chat en sac.
Autrement dit, nous serons très attentifs aux objectifs qui y seront fixés, car l'avenir de nos relations en dépend : s'ils ne sont pas à la hauteur des attentes de la population, la communication entre nous sera difficile.
M. le rapporteur a indiqué que des mesures seraient annoncées au Ciom : soit, nous lui faisons confiance. J'espère que ce ne sera pas un camouflet et que vous apporterez réellement des réponses aux attentes des Français et Françaises d'outre-mer, monsieur le ministre délégué.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR – NUPES et LFI – NUPES.
Nous en venons à l'examen des amendements.
Je suis saisie de trois amendements, n° 65 rectifié , 34 et 48 , pouvant être soumis à une discussion commune et qui font tous trois l'objet d'un sous-amendement.
Les amendements n° 34 et 48 sont identiques.
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l'amendement n° 65 rectifié .
Nous n'imposons rien, monsieur Califer :…
…j'ai simplement indiqué être favorable à l'élargissement du fonds de continuité territoriale à de nouvelles actions, comme celles favorisant l'installation professionnelle dans les territoires ultramarins, qui en ont bien besoin, ou la prise en charge des frais de transport des actifs salariés résidant en outre-mer désireux de se former dans l'Hexagone, faute de formations disponibles sur place. Si nous y travaillons dans le cadre du Ciom, c'est uniquement parce qu'il s'agit de mesures d'ordre réglementaire : la prochaine réunion du Comité sera l'occasion de préciser les modalités de ces nouvelles aides – j'ai bien pris note de vos attentes en la matière, monsieur Rimane.
L'amendement n° 65 rectifié reprend la rédaction de l'article 1er issue des travaux de la commission, se contentant d'en élargir le périmètre à la Nouvelle-Calédonie et à Saint-Martin, afin que l'ensemble des territoires d'outre-mer soient couverts par le dispositif – j'espère que cela conviendra à tout le monde. Il a en outre l'avantage de supprimer tout débat sur les charges créées par le texte initial.
Sur cet amendement n° 65 rectifié , je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir le sous-amendement n° 66 à l'amendement n° 65 rectifié .
Je ferai une remarque générale sur l'esprit qui préside à nos débats cet après-midi.
Tout d'abord, je tiens à rassurer mon collègue et ami Elie Califer : il n'y a pas de loup. Comme notre collègue Philippe Dunoyer l'a souligné, il était nécessaire d'élargir le dispositif prévu par l'article 1er à deux territoires qui avaient été oubliés, la Nouvelle-Calédonie et Saint-Martin. C'est le principal objectif de l'amendement du Gouvernement.
Par ailleurs, comme M. le ministre délégué l'a déjà dit – mais peut-être pourra-t-il le répéter un peu plus fort –, le Gouvernement est bien conscient que les moyens de la continuité territoriale en outre-mer doivent être renforcés. Si nous avons déjà commencé à y travailler dans un esprit de coconstruction, vous comprendrez que certaines modalités techniques, comme le montant moyen de la prise en charge des billets d'avion, n'ont pas vocation à figurer dans la loi. Non seulement les billets pour la Guadeloupe ne coûtent pas le même prix que ceux pour Wallis-et-Futuna, mais il serait désagréable et inutile de devoir légiférer à nouveau si leur prix augmentait dans les mois à venir, par exemple. Il convient donc que ces précisions soient prises par décret – le ministre délégué s'est engagé à le faire, en respectant nos demandes, lors du Ciom qui se tiendra tout début juillet : c'est dans moins d'un mois, nous n'avons plus longtemps à attendre.
La seule différence entre la rédaction issue des travaux de la commission et celle proposée par le Gouvernement réside dans l'appellation du dispositif : avec Max Mathiasin, nous avions proposé « passeport pour le retour au pays » et « passeport pour la mobilité des actifs » : j'imagine qu'en ne mentionnant rien, le Gouvernement préfère se réserver le choix de l'intitulé. Le contenu de ces passeports de mobilité étant respecté, cela ne me gêne pas.
Mon sous-amendement, déposé à la demande – légitime – des députés de la NUPES, vise à s'assurer que les aides prévues à l'article 1er ne bénéficieront qu'aux ressortissants de l'Hexagone remplissant le critère du centre des intérêts matériels et moraux (CIMM), autrement dit ceux ayant des attaches en outre-mer parce qu'eux-mêmes, leurs parents ou grands-parents y sont nés, par exemple, ou parce qu'ils y possèdent des biens. La précision que la NUPES souhaite à raison apporter conforte la logique qui préside à l'octroi des nouvelles aides.
Comme l'a rappelé M. le rapporteur, inscrire dans la loi des montants précis et spécifiques pour chacune de nos collectivités d'outre-mer ne serait pas pertinent. La rédaction de l'article 1er qu'il propose, qui renvoie au pouvoir réglementaire la définition de dispositions très précises ayant besoin d'être régulièrement ajustées, procède donc d'une bonne pratique législative.
Je voudrais également saluer les propos tenus à l'instant par le rapporteur, qui nous invite à la confiance – celle-là même qui a présidé aux échanges sur ce texte, que ce soit entre le rapporteur et les différents groupes de l'Assemblée – notamment ceux de la majorité – ou avec le Gouvernement. Attendre les précisions qui seront apportées lors du Ciom procède aussi de cette logique. Je vous demande donc de nous faire confiance, comme le rapporteur vous y a invités – s'il doutait lorsqu'il a déposé son texte, les échanges avec le Gouvernement et les groupes de la majorité l'ont rassuré.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
La parole est à M. Vincent Thiébaut, pour soutenir l'amendement identique n° 48 .
Nous nous félicitons du consensus qui est en train de naître autour de l'amendement du Gouvernement grâce au travail mené par le rapporteur. Nous pensons nous aussi que renvoyer les modalités du dispositif de l'article 1er au pouvoir réglementaire est une décision de bon sens, car les figer dans la loi imposerait de légiférer à nouveau à chaque évolution des critères, au détriment des citoyens d'outre-mer. Nous retirons donc notre amendement au profit de celui du Gouvernement.
L'amendement n° 48 est retiré.
Rédactionnel, il tend simplement à élargir les dispositions de l'amendement n° 34 à la petite île de Saint-Martin, qui a été oubliée.
Je suis favorable à l'adoption de l'amendement n° 65 rectifié sous-amendé, et défavorable à l'amendement n° 34 et au sous-amendement n° 62 .
Si je me félicite de la bonne ambiance de travail qui règne entre la majorité et le rapporteur, je tiens à souligner que le sous-amendement de ce dernier est né des échanges qui ont eu lieu avec tous les groupes durant la suspension de séance, lesquels ont permis de clarifier plusieurs points. Nous revendiquons notre participation à la coconstruction.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
La gauche plurielle ! En somme, Renaissance plus NUPES égale bon travail, voilà ce qu'il a voulu dire !
Nous préférons être à gauche qu'à droite, ne vous inquiétez pas !
Tous les collègues qui se sont exprimés ont attiré l'attention de l'Assemblée sur le grand espoir que la proposition de loi va susciter, tant la situation est grave. Je vous donne un exemple : lorsque j'étais président de la ligue de Guyane d'athlétisme, j'ai eu à organiser le déplacement de quelques athlètes et accompagnateurs de Cayenne à Pointe-à-Pitre. Pour ce déplacement, Air France m'a demandé rien de moins que 1 800 euros par personne !
C'est pour cette raison qu'avec mes collègues, nous nous battons depuis le début de la législature, malgré vos promesses, pour que les mesures relatives aux outre-mer ne soient pas systématiquement prises par ordonnance ou par décret – car sinon les outre-mer n'existent pas dans les différents projets de loi. Je soutiendrai votre proposition de loi, cher collègue Serva, mais je vous le dis sincèrement : comme nos autres collègues, je serai vigilant, car je ne veux pas me rendre complice d'un vote qui encouragerait le recours aux mesures réglementaires.
Enfin, j'ai assisté ce matin à l'audition de Bruno Le Maire par la commission d'enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la Constitution. C'est lui qui tient les cordons de la bourse, n'est-ce pas, monsieur le ministre délégué ? Un peu !
Sourires.
C'est donc à lui que reviennent en dernier ressort un certain nombre de décisions. Or, lorsque nous l'avons interrogé sur les différences entre nos territoires et la Corse, il nous a répondu qu'en compensation, le Gouvernement avait investi 300 millions d'euros dans deux compagnies aériennes au titre de la continuité territoriale. Pouvez-vous clarifier ce point ?
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR – NUPES et LFI – NUPES.
Le sous-amendement n° 66 est adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 65 rectifié , tel qu'il a été sous-amendé.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 227
Nombre de suffrages exprimés 227
Majorité absolue 114
Pour l'adoption 227
Contre 0
L'amendement n° 65 rectifié , sous-amendé, est adopté ; en conséquence, l'article 1er est ainsi rédigé et les amendements suivants tombent.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE, LFI – NUPES, Dem, HOR et GDR – NUPES.
La parole est à M. Christophe Bentz, pour soutenir l'amendement n° 52 .
Il portait sur un terme qui ne figure plus dans la rédaction de l'article 1er que nous venons d'adopter. Je le retire donc.
L'amendement n° 52 est retiré.
Vous conservez la parole, monsieur Bentz, pour soutenir l'amendement n° 49 .
Il tend à créer un guichet unique, sous forme physique ou numérique, afin de simplifier les demandes de cartes de mobilité pour nos compatriotes ultramarins. Les Français se rendant en métropole ou, à l'inverse, en outre-mer, pourraient ainsi bénéficier d'un service dédié qui faciliterait leur prise en charge et, le cas échéant, les accompagnerait dans leurs démarches administratives.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Vous soulevez une question importante – d'autres amendements nous permettront de rappeler d'autres aspects de la réalité de la vie ultramarine. Toute mesure tendant à rationaliser la jungle des aides existantes est évidemment bienvenue et, à ce titre, l'idée d'un guichet unique est pertinente – c'est d'ailleurs le principe qui fonde Ladom. Son fonctionnement est néanmoins perfectible, et le ministre délégué s'est engagé à doubler ses moyens – je ne sais plus si c'est dans l'hémicycle ou à une autre occasion.
Dans les deux ans !
Le guichet unique que vous appelez de vos vœux existe donc déjà, et devrait être renforcé dans les années à venir. Par conséquent, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Comme l'a dit le rapporteur, l'amendement est satisfait. Je demande donc son retrait ; à défaut, avis défavorable.
L'amendement n° 49 n'est pas adopté.
Sur l'article 2, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Philippe Dunoyer.
Si j'ai souhaité intervenir de nouveau, c'est parce que cet article a trait à un problème récurrent, fort bien exposé par le rapporteur : la difficulté d'adapter le mécanisme de continuité territoriale à l'évolution ou plutôt à la révolution du prix des billets d'avion. Je ne résiste d'ailleurs pas au plaisir de vous apprendre que pour venir en Nouvelle-Calédonie, comme je vous y incite tous, il vous faudra débourser la modique somme de 2 400 euros – ce qui est très loin du montant de l'aide à la continuité territoriale (ACT) ; en conséquence, le nombre des bénéficiaires néo-calédoniens de cette aide a été divisé par dix.
En combinant un critère invariable – l'éloignement géographique – et un critère variable – le prix des billets –, l'article 2, dont je remercie M. le rapporteur et M. le ministre délégué, permettra une appréciation beaucoup plus empirique. Le recours aux textes réglementaires donnera en outre au dispositif la souplesse indispensable. Comme l'a fait le Gouvernement, il y a quelques années, pour les bourses attribuées aux étudiants de Nouvelle-Calédonie, il sera adapté à l'éloignement de manière concrète ; il comblera le vide et répondra entièrement aux attentes de nos concitoyens. C'est pourquoi nous voterons en faveur de l'article.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Depuis plus de quinze ans, l'outre-mer compte parmi les grands oubliés de la politique nationale. La présidence Macron n'y a rien changé :…
…pas de suppression de l'octroi de mer, pas de grand ministère doté, comme nous le proposons, d'importantes prérogatives. La promesse républicaine que constitue la continuité territoriale balbutie. La cherté de la vie aggrave l'infériorité, déjà injuste, du pouvoir d'achat par rapport à la métropole. En Guadeloupe, 34,5 % de la population vivent au-dessous du seuil de pauvreté ; à Mayotte, 75 % ! Trop de Français résidant en métropole, mais ayant outre-mer leurs attaches familiales et affectives, sont empêchés de circuler par le coût des transports. Nos concitoyens ultramarins sont pénalisés par une politique qui regarde loin d'eux.
C'est pourquoi cette proposition de loi rappelle un certain nombre de réalités, dont la plus significative est en effet le coût prohibitif, souvent supérieur à 1 000 euros, d'un billet de classe économique au départ de Paris ; qu'il s'agisse d'aide au retour outre-mer ou de refonte de l'ACT, elle prévoit aussi des évolutions souhaitables et concrètes. Le Rassemblement national propose d'agir directement sur le pouvoir d'achat de nos compatriotes ultramarins ; espérons que la Macronie y porte enfin attention. Nous serons donc très attentifs, monsieur le rapporteur, à l'accueil que vous réserverez à nos amendements.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Cet amendement issu du groupe Socialistes et apparentés vise d'une part à remplacer, à l'alinéa 2, le mot « métropole » par « France hexagonale », d'autre part à préciser que l'arrêté fixant le montant des aides et les modalités de fonctionnement du fonds de continuité territoriale tient compte des éventuelles difficultés d'accès à une partie du territoire d'une collectivité donnée. M. le ministre délégué connaît bien le problème en Guadeloupe, avec l'île de La Désirade, mais l'observation vaut aussi pour Mayotte ou pour la Guyane.
Cet amendement très simple, mais hautement symbolique, vise à substituer « France hexagonale » à « métropole » dans le texte de l'alinéa 2.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Je remercie les auteurs de ces amendements ; j'invite du reste l'ensemble de nos collègues, ainsi que tous ceux qui rédigent des textes, à une extrême vigilance sur ce point. Le dictionnaire Le Petit Robert donne du mot « métropole » la définition suivante : « Territoire d'un État considéré par rapport à ses colonies, aux territoires extérieurs. »
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe GDR – NUPES. – M. Nicolas Thierry applaudit également.
L'outre-mer n'entrant en principe ni dans la catégorie des colonies, ni dans celle des territoires extérieurs, dès que survient la tentation bien naturelle, le réflexe séculaire, d'utiliser « métropole », s'il vous plaît, remplacez-le par « Hexagone » ! Avis favorable.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
J'espère qu'à défaut d'un grand ministère, madame la députée du Rassemblement national, vous estimez avoir affaire à un grand ministre !
Mme Caroline Parmentier sourit.
Avis extrêmement favorable.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – M. le président de la commission applaudit également.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 213
Nombre de suffrages exprimés 213
Majorité absolue 107
Pour l'adoption 213
Contre 0
L'article 2, amendé, est adopté.
Applaudissements sur divers bancs.
Il a trait au problème de la continuité territoriale, non plus entre l'Hexagone et cet outre-mer qui fait la richesse de la France, mais au sein d'un même territoire ultramarin. Une véritable politique est nécessaire en la matière, un service public qui permette aux enseignants, par exemple, de se rendre dans certaines parties de la Guyane – ce qui est d'ailleurs déjà pris en charge –, ou encore, en Guadeloupe, aux Saintes ou à Marie-Galante, afin que les enfants ne perdent pas quotidiennement une heure de cours. Il est vrai, monsieur le ministre délégué, que c'est l'affaire de la région ; mais si la région était accompagnée, la charge partagée, nous pourrions obtenir de meilleurs résultats et accroître les chances de réussite des élèves habitant les îles, même lorsqu'elles sont peu peuplées.
Vous abordez la question de la double voire triple insularité : nous y sommes également sensibles, car si votre circonscription comprend les Saintes, la mienne inclut Marie-Galante. Comme vous l'avez rappelé, c'est la région qui a compétence en la matière ; mais nous ne pouvons que demander à l'État, ici incarné par le ministre délégué, s'il a conscience de cette difficulté, à laquelle il ne restera certainement pas indifférent. Avis de sagesse.
Effectivement, il s'agit là d'une compétence régionale, et la région a besoin pour l'exercer de l'aide financière de l'État. C'est ce qui se passe à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Wallis-et-Futuna pour la desserte interne de Futuna, en Guyane, où nous sommes en train de discuter avec le président de l'assemblée délibérante, Gabriel Serville, d'une augmentation de cette aide. En Guadeloupe, la question ne se pose pas encore ; si cela devait être le cas, l'État viendrait également en aide à la collectivité – je l'ai dit la dernière fois que je me suis rendu sur place, et je le confirme ce soir. Par conséquent, je demande le retrait de l'amendement ; à défaut, avis défavorable.
M. le ministre délégué nous présente le Ciom comme l'alpha et l'oméga pour tout ce qui concerne nos territoires : il conviendrait en fait d'aller bien plus loin que ce comité. Reste que nous avançons dans la confiance. M. le rapporteur, qui connaît parfaitement le problème, a émis un avis de sagesse ; cependant, pour permettre à notre assemblée d'aborder en toute sérénité les amendements suivants, je retire celui-ci.
M. le rapporteur applaudit.
L'amendement n° 8 est retiré.
La parole est de nouveau à M. Elie Califer, pour soutenir l'amendement n° 31 .
L'éloignement par rapport à l'Hexagone implique, concernant les infrastructures de transport, un retard en matière d'entretien et d'investissements. Or la Guadeloupe et certains territoires du Pacifique sont composés de plusieurs îles : ce caractère archipélagique complique le quotidien de nos concitoyens, qui se retrouvent parfois assignés à résidence – ainsi, lorsque vous allez à Marie-Galante, vous ne pouvez en repartir immédiatement. À la vétusté des infrastructures s'ajoutent les difficultés portuaires, le manque de liaisons maritimes ou aériennes, les aléas environnementaux, comme les sargasses. C'est pourquoi, encore une fois, monsieur le ministre délégué, il importe que la double insularité constitue un marqueur dans des textes réglementaires à venir.
Le problème que vous évoquez est réel : il faut renforcer la continuité territoriale entre les îles. Cependant, votre amendement ne ferait qu'énumérer des territoires où elle existe déjà ; par conséquent, avis défavorable.
Je souhaitais dire à M. Califer que le Ciom ne fait pas tout : nous n'avons heureusement pas attendu qu'il se réunisse de nouveau, la semaine prochaine, pour aider les territoires qui en avaient besoin. La vie suit son cours ! Si cela m'est réclamé, je n'aurai pas besoin du Ciom pour prendre en compte, avec l'aide financière que cela suppose, la double insularité en Guadeloupe. Comme pour le précédent amendement, je demande le retrait de celui-ci ; à défaut, avis défavorable.
Je ne l'ai pas précisé, mais l'amendement vise à ajouter au second alinéa de l'article L. 1803-4 du code des transports : « notamment en Guadeloupe, en Guyane, en Polynésie française, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Wallis-et-Futuna ». L'énumération des territoires concernés passerait ainsi d'un arrêté à un texte de loi, sécurisant le dispositif, d'autant que le problème est récurrent. Puisqu'un travail parlementaire consensuel, coconstruit, nous permet de progresser, autant, je le répète, sécuriser la chose. Si cela vous gêne, monsieur le rapporteur, je peux toujours retirer l'amendement, afin que nous examinions avant minuit le plus de dispositions possible ; mais je préférerais le maintenir.
L'amendement n° 31 n'est pas adopté.
Il propose d'ajouter aux cinq programmes énumérés à l'article 1er de la loi d'orientation des mobilités (LOM) votée en 2019, un sixième programme d'investissement prioritaire visant à renforcer les moyens consacrés à la politique nationale de continuité territoriale outre-mer. La LOM fixe la stratégie et la programmation financière des investissements de l'État dans les systèmes de transport pour la période 2019-2037. Il me semble que cette demande peut être prise en compte.
Vous avez raison : il faut renforcer le programme d'investissement pour soutenir la continuité territoriale. Il faudra ensuite décrire et caractériser ce sixième programme, à la création duquel je suis favorable.
Les sommes en jeu sont considérables, si l'on tient compte de l'ensemble des territoires concernés : il faut investir dans les bâtiments mais aussi dans les pistes, dont il faut garantir la longueur et la stabilité. Il ne s'agit pas d'annoncer des investissements immédiats ; des contrats de plan seront signés. Mais compte tenu de leur nécessité évidente, je ne peux qu'émettre un avis de sagesse.
Alors qu'il ne l'avait pas fait en 2018 – ce qui avait été signalé par certains élus ultramarins –, le Conseil d'orientation des infrastructures (COI) énumère dans son dernier rapport plusieurs infrastructures de transport nécessaires en outre-mer. Il évoque notamment l'augmentation des capacités de la RN1 et de la RN2 en Guyane, à proximité de Cayenne. Après une intervention du ministre délégué auprès de son président, le COI a fait le choix de porter un regard particulier sur les projets ultramarins d'investissement – y compris s'agissant de projets routiers, alors que les analyses conduites ailleurs vont plutôt dans le sens d'une réduction des investissements dans ce type de projets. La spécificité des investissements en outre-mer par rapport à la France hexagonale a bien été prise en compte dans les travaux du COI, qui nourrissent les analyses du Gouvernement pour la planification des infrastructures dans les années à venir.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Je ne peux m'empêcher d'évoquer à ce sujet la Guyane, où je rappelle que sept communes sur vingt-deux sont totalement enclavées, sans route pour y accéder. Maripasoula, qui compte 12 000 âmes, a connu des manifestations pendant plus d'un mois et demi en raison de coupures d'électricité qui entraînaient des coupures d'eau, si bien que l'hôpital de proximité avait cessé toute activité. Cette situation est totalement inacceptable. Le sixième comité de pilotage des assises visant le désenclavement total de la Guyane, qui réunit des associations et des citoyens, vient de se tenir. Je plaide ici pour un investissement qui ne soit pas seulement général ; la Guyane est vraiment un cas particulier. Je rappelle que, d'après l'Insee, elle comptera 570 000 habitants en 2040 contre 300 000 aujourd'hui. Je le redis ici : cette bombe démographique aura des conséquences graves pour tout le monde si nous n'aménageons pas le territoire.
Nous avons une responsabilité ; il faut mettre sur pied un programme spécifique pour sortir enfin de la mise sous cloche de ce territoire et abandonner les idées qui ne tiennent pas la route. Toute la Guyane doit être désenclavée, notamment les principales communes dans lesquelles vivent des milliers d'habitants. La construction de collèges et de lycées y présente des surcoûts très importants – à Maripasoula ou à Papaïchton, elle est deux voire trois fois plus élevée qu'ailleurs. Et je ne vous parle même pas des problèmes de santé : chaque jour nous sommes inquiets et voyons des personnes mourir car leur évacuation sanitaire ne peut pas être organisée une fois la nuit tombée.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR – NUPES et LFI – NUPES. – M. Jean-Claude Raux applaudit également.
Je voudrais répondre au député Castor, devant la représentation nationale, que le Gouvernement a conscience des difficultés de la Guyane : électricité, ordures ménagères, immigration – vous le savez –, hôpitaux. Il n'y a que pour l'approvisionnement en eau que la situation est à peu près acceptable. Je me suis déjà rendu trois ou quatre fois en Guyane cette année et, lors de chacune de mes visites, nous avons réglé un problème différent. J'espère bien régler celui de la centrale électrique de l'ouest guyanais (Ceog) dans les jours à venir. Peut-être échouerai-je mais, aujourd'hui, les discussions se poursuivent.
L'amendement n° 9 est adopté.
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l'amendement n° 19 .
Depuis le début des auditions menées par la commission d'enquête sur la vie chère en outre-mer, il a été très souvent répété que le prix des billets d'avion n'allait pas baisser, bien au contraire. Le prix des billets vers et au départ de La Réunion a ainsi augmenté de 42 % l'année dernière. Cette augmentation a pour conséquence d'empêcher les ultramarins de se déplacer pour aller voir leur famille, se former, travailler ou se soigner.
Pour trouver une solution, il faut donc étudier toutes les pistes – y compris la mise en place d'un tarif résident outre-mer comme celui qui existe pour la Corse et qui constitue le cœur du service public. Il convient d'étudier les conditions de mise en place d'un tarif préférentiel pour les ultramarins voulant se déplacer dans l'Hexagone ou à l'intérieur de leur zone géographique. La question des déplacements des ultramarins travaillant dans l'Hexagone vers leur territoire d'origine doit également être étudiée. Il y a lieu pour cela de prendre appui sur l'expérience corse et de s'inspirer des discussions qui ont abouti à l'élaboration de la grille tarifaire, notamment avec les partenaires que sont l'Union européenne, la direction générale de l'aviation civile (DGAC), les collectivités locales ou encore l'État. Nous proposons d'expérimenter un tarif résident dans les transports aériens et maritimes, pour les citoyens ultramarins se déplaçant entre l'outre-mer et l'Hexagone ainsi qu'à l'intérieur de leur zone géographique. Nous demandons un rapport sur le sujet.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Je suis très sensible à votre argumentation. Je me tourne vers mes amis corses du groupe LIOT : ils se battent pour obtenir plus de moyens, mais le montant de l'aide à la continuité territoriale y atteint en moyenne 250 euros par habitant, contre 100 euros par habitant en outre-mer d'après les chiffres annoncés par le ministre délégué. Les outre-mer reçoivent donc 2,5 fois moins d'aide par habitant que la Corse.
Pourtant, même si votre proposition est intéressante sur le fond, le tarif résident ne fonctionnerait pas bien ; le ministre délégué l'a rappelé tout à l'heure. Entre la Corse et le continent, en effet, la concurrence est peu importante ; d'un point de vue réglementaire, on peut donc facilement y mettre en place un tarif résident. Dans les liaisons ultramarines, au contraire, la concurrence beaucoup plus intense empêcherait la mise en place d'un tel tarif, dont le but aurait précisément été de compenser l'absence de concurrence.
Je reconnais que la continuité territoriale devrait être renforcée pour les outre-mer – entre 100 euros d'un côté et 250 de l'autre, le compte n'y est pas –, mais j'émets un avis défavorable à votre proposition.
Ce que je crains, c'est que la mise en place d'un tarif résident n'entraîne la disparition des compagnies. C'est principalement le prix du kérosène – que nous avons évoqué hier, dans le cadre de la commission d'enquête – qui explique les tarifs élevés des billets. Sur les trajets et les distances concernés, ce n'est pas le bénéfice réalisé par les compagnies qui est en cause. Un tarif résident, forcément plus bas que les prix actuels, se traduirait par la disparition des compagnies et, de fait, de la concurrence. Votre idée n'est pas absurde mais elle ne favorisera pas l'existence de liaisons entre la métropole – l'Hexagone, pardon – et les territoires d'outre-mer. En outre, sa compatibilité avec les règles européennes n'est pas certaine ; il nous faudrait au moins deux ou trois ans pour la mettre en place. Avis défavorable.
L'amendement qui nous est proposé mentionne l'Hexagone – un terme auquel le ministre délégué n'est pas encore habitué, puisqu'il vient de parler de métropole ! À ce sujet, j'aimerais que vous apportiez en séance publique une clarification sur un point que nous avons évoqué en commission, monsieur le rapporteur. Nous sommes tous favorables à l'emploi du terme de France hexagonale plutôt que métropolitaine ; le groupe Rassemblement national l'appuiera d'ailleurs dans l'une de ses futures propositions de loi. Je demande cependant à être rassuré : en tant que député du Pas-de-Calais, je me sens concerné lorsqu'il est question de France hexagonale mais qu'en est-il de la Corse ? Est-elle incluse également ?
M. Christophe Bentz applaudit.
Mon collègue me met en difficulté, et il le sait – d'autant plus qu'il y a des députés corses dans mon groupe
Sourires
–, car je vais devoir lui répéter ce que je lui ai déjà dit en commission. Nous sommes d'accord pour refuser l'emploi du terme métropole ; il faut donc en trouver un autre. Nous reconnaissons ensemble que le terme Hexagone n'est pas la panacée. D'après un article du très sérieux magazine Alternatives économiques, faisant suite à l'adoption de l'amendement substituant Hexagone à métropole, la France ne serait d'ailleurs pas hexagonale mais octogonale. Mais je ne sais pas s'il serait opportun de qualifier les Français du continent européen d'Octogonaux !
Sourires.
Le président de la commission lui-même a évoqué les îles au large de la Bretagne, soulignant qu'elles non plus n'étaient pas englobées dans le terme d'Hexagone !
Quoi qu'il en soit, nous avons trouvé une solution. En attendant de trouver mieux ensemble, parce qu'il n'est pas tout à fait satisfaisant, je vous propose de conserver le terme Hexagone, qui est « moins pire » que métropole. Lorsque nous trouverons un terme faisant l'unanimité, nous l'adopterons ensemble. Je confirme, à défaut du retrait de l'amendement, l'avis défavorable.
L'amendement n° 19 n'est pas adopté.
L'article 2 bis est adopté.
Je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public sur l'amendement n° 16 et par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public sur l'amendement n° 15 .
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de deux amendements, n° 21 et 16 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour soutenir l'amendement n° 21 .
Alors que l'octroi de mer est présenté dans les discours du Gouvernement et des différentes autorités comme la cause essentielle de la vie chère – ce qui occulte, soit dit en passant, le caractère bien souvent excessif des marges et la réalité du coût de transport –, personne ne pense à jouer sur la TVA.
Cet amendement de mon excellent collègue Jean-Hugues Ratenon vise à instaurer une TVA à taux zéro sur les produits de première nécessité afin de redonner du pouvoir d'achat aux populations dites d'outre-mer.
Nous vous offrons l'opportunité d'être en phase avec le Gouvernement, qui parle de lutter contre la vie chère ; compte tenu du taux de pauvreté, cinq à dix fois plus élevé dans nos territoires qu'en France, j'espère que vous lui réserverez un accueil très favorable.
La parole est à Mme Caroline Parmentier, pour soutenir l'amendement n° 16 .
Pour agir en faveur du pouvoir d'achat de nos concitoyens ultramarins – l'un des objectifs du texte –, nous proposons une mesure immédiate et supportable pour nos finances publiques. Il s'agit d'appliquer un taux nul de TVA sur un panier de 100 produits de première nécessité, pour l'alimentation et l'hygiène, en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion. Ce dispositif existe déjà dans d'autres collectivités d'outre-mer.
Pour de nombreux Français, le coût de la vie est devenu source d'angoisse. Le contexte inflationniste a des répercussions immédiates outre-mer, d'autant plus que les produits alimentaires y sont jusqu'à 30 % plus chers qu'en métropole – la différence est parfois de 80 %.
Comment s'opposer à de tels arguments ? Effectivement, la vie est chère en outre-mer. Sans préjuger des travaux de la commission d'enquête, je prétends que la vie chère est due principalement à la nécessité de faire traverser l'océan à de nombreux produits et que les répercussions d'une hausse de prix sont d'autant plus sensibles que la pauvreté est importante.
Supprimer la TVA sur les produits protégés par le bouclier qualité prix est, sur le papier, une bonne idée. Cela suscite une question et une remarque. Est-il certain que les fournisseurs répercuteront l'exonération sur le prix payé par le consommateur ? Cette proposition de loi, qui vise à renforcer la continuité territoriale, n'est peut-être pas le bon véhicule.
Pour ne rien vous cacher, j'ai évoqué la question plus générale de la fiscalité avec le Gouvernement et la majorité et je crois savoir que le ministre a des réponses à vous apporter. Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.
La TVA n'est pas responsable de l'inflation outre-mer – d'ailleurs, il n'y a pas de TVA en Guyane et à Mayotte. Je rappelle aussi que le taux ordinaire de TVA est de 8,5 % au lieu de 20 % dans l'Hexagone, les produits d'alimentation, les abonnements à l'électricité et au gaz étant taxés au taux réduit de 2,1 %.
Supprimer la TVA sur les produits de première nécessité reviendrait donc à abaisser le taux de 2,1 %. Non seulement cette baisse coûterait de l'argent au budget de l'État, mais surtout, elle serait immédiatement réduite à néant par l'augmentation des prix.
Comme l'a dit Olivier Serva, c'est plutôt sur la création de valeur qu'il convient de s'interroger : si les Guadeloupéens n'étaient pas obligés d'importer 80 % du poisson qu'ils consomment, ils le paieraient moins cher. Le reste est à l'encan.
Le Gouvernement s'est engagé à mener une réflexion globale sur la fiscalité – droits d'accise sur le tabac et l'alcool, taxes sur les produits énergétiques, notamment le carburant, octroi de mer et TVA. Parallèlement, une mission a été commandée sur la défiscalisation. L'idée est qu'elle favorise la création de valeur et la création culturelle, et d'éviter les dispositifs de confort.
Il s'agit pour le moment d'une orientation dont nous sommes convenus avec Bruno Le Maire. Les décisions n'ont pas encore été prises, nous aurons le temps de trouver une solution consensuelle avant la fin de l'année. Elle sera débattue avec les exécutifs locaux, les membres des deux délégations aux outre-mer et les parlementaires qui s'intéressent à ces questions.
Je suis d'accord pour dire qu'il faut travailler sur la fiscalité mais je ne partage pas l'objectif de ces amendements. Je vous demande de les retirer, à défaut de quoi mon avis sera défavorable.
Pas plus tard qu'hier, nous avons eu ces débats au sein de la commission d'enquête sur le coût de la vie en outre-mer. Je voudrais modérer les propos de notre collègue Nilor : il est faux de dire qu'il existe une volonté affichée de détruire l'octroi de mer. Le ministre délégué sait très bien, et il l'a rappelé, que cette taxe constitue une ressource pour les collectivités locales, dont elles ont besoin pour mener leurs politiques de développement économique et d'aménagement du territoire. Le seul défaut de l'octroi de mer, que tout le monde reconnaît, est qu'il est acquitté par l'importateur avant la vente, quand le bien est encore en stock, d'où des difficultés de trésorerie, qui ne sont pas que techniques mais aussi économiques.
Il existe, c'est vrai, un problème global de fiscalité sur les produits ultramarins. Je rappelle qu'aux Antilles, le taux de l'octroi de mer applicable à la farine est de 30 %, quand celui de la TVA est de 2,1 %. Il faut remettre tout cela à plat – l'ambition existe, elle est légitime – mais dans un autre cadre que cette proposition de loi. Nous voterons contre ces amendements.
Cet amendement attire l'attention de nos collègues sur un fait extrêmement grave. Cela fait des années que nous menons des auditions, que nous publions des rapports, que nous faisons des études sur la cause du renchérissement continu des marchandises et produits de première nécessité et de consommation dans les outre-mer.
Lorsqu'en 1946, les Antilles, économies de plantation, passent de colonies à départements, les propriétaires fonciers – les terres n'ont pas changé de mains après l'abolition de l'esclavage – investissent le produit de la vente des exploitations dans le commerce et l'importation, plutôt que dans la production. Pourquoi ? Parce que cela rapporte davantage, l'opacité fait qu'on peut fixer des prix exorbitants en les justifiant par le poids de la TVA, de l'octroi de mer ou des frais d'approche. Cette parfaite opacité empêche quiconque de faire la lumière sur les coûts d'achat. Il faut mettre un terme à cette spirale, où certains s'enrichissent sur le dos des plus pauvres, alors que le taux de pauvreté est bien plus élevé que dans l'Hexagone.
L'amendement n° 21 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 183
Nombre de suffrages exprimés 168
Majorité absolue 85
Pour l'adoption 34
Contre 134
L'amendement n° 16 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Caroline Parmentier, pour soutenir l'amendement n° 15 .
En Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, à La Réunion et à Mayotte, une taxe particulière, l'octroi de mer, est appliquée aux importations de biens et, dans certaines conditions, aux biens produits localement. Créé en 1670, cet impôt avait pour objectif de protéger les productions locales face aux importations, mais il a entraîné le renchérissement des biens.
Pour faire baisser le coût de la vie et redonner du pouvoir d'achat aux habitants d'outre-mer, nous proposons de réformer profondément l'octroi de mer. Il restera applicable aux produits entrant en concurrence avec ceux fabriqués dans les cinq départements concernés ainsi qu'aux produits importés des pays non-membres de l'Union européenne.
La perte de recettes pour les collectivités locales sera compensée à l'euro près par une augmentation de leur dotation globale de fonctionnement. Compte tenu de l'importance de cette recette dans le financement des collectivités, ce gage est essentiel – il ne s'agit pas d'une convention formelle.
Sur l'article 4, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission ?
Votre amendement a le mérite d'interroger la pertinence de l'octroi de mer. C'est une vraie question. Pour avoir été, dans une autre vie, vice-président du conseil régional, chargé du développement économique et de l'octroi de mer, je peux vous dire que c'est un impôt schizophrène puisqu'il a trois objectifs différents. Le premier est de protéger et favoriser les productions locales face aux importations. Une bière produite en Martinique est exonérée, tandis qu'une bière venue de l'extérieur est taxée entre 20 et 30 %.
Le deuxième est de ménager le panier des consommateurs. Dans la mesure où beaucoup de produits sont importés, une taxe de 20 % a des répercussions sur le coût moyen de la vie.
Troisième objectif : financer les collectivités locales – communes, départements, régions. L'octroi de mer est leur deuxième source de revenus. En Guadeloupe, il représente 40 % des ressources des communes.
Nous considérons qu'il doit être réformé et non pas supprimé. C'est une position communément admise même si, comme le ministre délégué l'a souligné, cela nécessite que des discussions avec les collectivités locales et les parlementaires aient lieu.
Plusieurs pistes de réforme se dessinent. La première consiste à différer le paiement de l'octroi de mer : il serait acquitté au moment où le produit est acheté par le consommateur final et non plus où il arrive en douane, alors même que le fournisseur n'a pas encore vendu une seule cacahuète ou boîte de conserve. Une deuxième piste vise à opérer une clarification à l'égard de la TVA, dans la base d'imposition de laquelle il est actuellement compris. Une troisième tend à éviter qu'il soit acquitté doublement – actuellement, si une personne fait entrer un produit en Guadeloupe pour l'exporter à Saint-Martin, elle doit le payer deux fois, en Guadeloupe et à Saint-Martin.
Si nous tenons à ce que l'octroi de mer soit maintenu, c'est aussi parce que c'est le seul impôt de France et de Navarre qui relève de la souveraineté des collectivités locales. Il leur offre une marge de manœuvre, qui est un gage de liberté et d'autonomie.
Ajoutons que l'octroi de mer facilite l'importation de produits et d'équipements sur lesquels aucune imposition ne devrait peser, les scanners, par exemple. En outre, il a pour but de protéger les productions locales.
Nous sommes favorables à une réforme mais dans le cadre d'une réforme globale de la fiscalité. Si une partie de ses recettes était remplacée par un autre dispositif, celui-ci devrait rester à la main des collectivités locales, conformément à l'engagement pris par le ministre de l'économie et par le ministre de l'intérieur et des outre-mer. Il n'y a pas de craintes à avoir à ce sujet : une modification n'entraînerait pas de changements dans la capacité des collectivités locales à décider d'une part de leur fiscalité. Avis défavorable.
Je vous invite à ne toucher qu'avec mesure et délicatesse à l'octroi de mer. Rappelons qu'à l'origine, il a pour but de protéger la production locale. Si nous supprimons cette barrière, cela risque de poser problème.
En outre, il constitue la première ressource des collectivités territoriales. Je veux bien qu'on envisage une compensation à l'euro près en cas de suppression mais encore faudrait-il savoir dans quelles conditions cela pourrait se faire. L'octroi de mer est vital pour ces collectivités locales qui peuvent décider de son taux. Une refonte de cette imposition ne peut s'envisager que dans le cadre d'une réflexion plus globale.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Je voudrais saluer l'initiative qu'a prise le groupe LIOT avec cette proposition de loi fort intéressante. Elle nous permet de réaffirmer notre attachement aux outre-mer – je tiens au pluriel. Votre amendement, madame Parmentier, a le mérite de rouvrir le débat sur l'octroi de mer, que nous avons chaque année en commission des finances. L'écart de niveau de vie entre l'Hexagone et les outre-mer me frappe toujours. Il est bien plus important qu'entre l'Espagne et les Canaries, le Portugal et Madère, les États-Unis et Hawaï – État où le niveau de vie est même plus favorable que dans le reste du pays. Les petites économies insulaires qui fonctionnent sont souvent des économies ouvertes et spécialisées. On pense d'emblée au tourisme – nous ne parlons pas de paradis fiscaux ou d'îles dotées de ressources naturelles spéciales.
L'octroi de mer soulève des interrogations. Le modèle de substitution aux importations sur lequel il repose grève le pouvoir d'achat local et entrave la spécialisation. Une piste consisterait peut-être à différencier les solutions suivant les territoires : dans ceux pour lesquels l'écart avec l'Hexagone est le plus marqué, comme la Guyane et Mayotte, on peut se demander si ce modèle ne demeure pas pertinent ; pour La Réunion et les Antilles, la question de la réforme se pose.
Je remercie le ministre délégué d'avoir indiqué qu'une part de la fiscalité devrait rester à la main des collectivités territoriales mais si nous voulons encourager le développement économique de nos outre-mer, évitons-leur d'avancer avec des boulets aux pieds.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
La parole est à M. Jean-Philippe Nilor mais deux députés s'étant déjà exprimés contre l'amendement, je vous demanderai d'être bref.
J'ai pour habitude de l'être, madame la présidente. Nous ne pourrons pas voter en faveur de cet amendement qui vise à supprimer l'octroi de mer pour tous les produits en provenance de la France hexagonale et de l'Union européenne. Autrement dit, il vise les produits qui, venant de loin, ont une empreinte carbone plus marquée. Ne faudrait-il pas plutôt supprimer cette taxation pour les produits issus de territoires plus proches, comme la région caraïbe, à l'heure où le commerce à l'échelle des bassins régionaux est encouragé ? Cela nous paraîtrait moins contradictoire.
J'ajoute que la suppression envisagée dans l'amendement placerait les collectivités dans une dépendance encore plus grande à l'égard de l'État. Nous savons quels combats elles doivent mener chaque année autour de la dotation globale de fonctionnement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 221
Nombre de suffrages exprimés 218
Majorité absolue 110
Pour l'adoption 29
Contre 189
L'amendement n° 15 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Brigitte Klinkert, pour soutenir l'amendement n° 13 .
Notre collègue Nicolas Metzdorf, retenu en Nouvelle-Calédonie, m'a confié le soin de défendre son amendement. C'est l'occasion pour moi de dire toute l'importance de cette proposition de loi et de souligner à quel point nous nous réjouissons qu'un amendement du Gouvernement ait permis, comme des députés de la majorité l'avaient proposé, l'intégration de la Nouvelle-Calédonie au dispositif de l'article 1er , malgré l'article 40.
Dans cet amendement rédactionnel, nous proposons de remplacer « métropolitain » par « français hexagonal ». La préoccupation que nous exprimons est, nous le savons, partagée par M. le rapporteur.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Je salue Nicolas Metzdorf et la Nouvelle-Calédonie. Nous sommes bien sûr favorables à cet amendement.
Je salue à mon tour Nicolas Metzdorf. Cependant, vous venez d'adopter un amendement visant à remplacer « métropole » par « France hexagonale ». Je ne suis pas député mais il me semble difficile de retenir deux rédactions différentes à un quart d'heure d'intervalle. À vous de voir, monsieur le rapporteur.
Je m'en remets donc à la sagesse de notre assemblée. Merci pour votre vigilance, monsieur le ministre délégué.
Monsieur le rapporteur, mon collègue Emmanuel Blairy vous a posé une question sur la Corse qui vous a mis, de votre propre aveu, en difficulté. Vous me permettrez d'enfoncer le clou puisqu'il est à nouveau question de la France hexagonale.
Ne devrait-on pas plutôt indiquer « la France hexagonale et la Corse » ? Celle-ci n'est en effet ni ultramarine ni hexagonale, puisqu'à la différence des îles normandes ou bretonnes, que vous citiez, elle n'est pas rattachée administrativement à l'Hexagone. Il faut être précis quand on légifère. Je vous repose donc la question : où est la Corse ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
L'amendement n° 13 est retiré.
L'article 3 bis est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 212
Nombre de suffrages exprimés 212
Majorité absolue 107
Pour l'adoption 212
Contre 0
L'article 4 est adopté.
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l'amendement n° 18 .
Quand la maladie d'un enfant survient, du jour au lendemain, elle devient une souffrance pour toute une famille. Le monde s'effondre. Lorsque le médecin propose un traitement qui n'est envisageable que dans l'Hexagone, vous acceptez sans hésiter. La distance n'est évidemment pas dissuasive quand la vie de votre enfant est en jeu, même s'il faut parfois parcourir 11 000 kilomètres, comme c'est le cas pour les familles réunionnaises, ou 7 000 pour les guyanaises. L'espérance devient votre ultime guide, même si votre budget est mis à mal, même si vous vous demandez comment assurer l'ensemble des dépenses liées au voyage et aussi comment dégager des jours de congé supplémentaires. Au-delà de l'aspect financier de cette épreuve, le temps est en effet précieux. Dans le parcours de soins qui l'attend loin de son domicile, un enfant a besoin plus que jamais de ses parents, qui doivent avoir du temps, être accompagnés et rassurés par une organisation de voyage facilitée au maximum.
Par cet amendement, nous demandons que les congés supplémentaires nécessaires aux parents puissent être accordés par les employeurs, pour des raisons évidentes de solidarité et d'humanité.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe GDR – NUPES.
Ce sont autant de drames du quotidien. Il arrive que la découverte d'une maladie chez un enfant impose aux parents de quitter dans l'urgence travail et domicile afin de se rendre dans l'Hexagone et d'y séjourner, parfois pour une durée allant jusqu'à deux ans, cela a été dit.
L'article 4 prévoit de renforcer l'accompagnement des parents d'un enfant malade, confrontés à des difficultés financières et à des souffrances psychologiques accentuées par le dépaysement dû à la nécessité de se rendre dans l'Hexagone pour assurer les soins.
Votre proposition est intéressante. Je considère toutefois que la question que vous soulevez sera prise en compte de manière plus globale, dans moins d'un mois, par le Ciom dans le cadre duquel des réponses claires, aboutissant à des décrets et des décisions réglementaires, seront apportées.
Demande de retrait.
Il est toujours sympathique d'être généreux et j'ai, moi aussi, envie d'être généreux. Mais que le Parlement décide, à l'occasion d'un débat plus qu'intéressant sur la mobilité, de la création de congés supplémentaires me paraît quelque peu hors sujet.
Cela dit, j'ignore si cette question sera discutée dans le cadre du Ciom, mais c'est un fait : l'inégalité n'est pas la même selon les territoires. Il nous faut progresser en matière d'accompagnement. L'accueil des parents d'un enfant malade est un vrai sujet. Je ne souhaite pas que ce soit Ladom qui y pourvoie mais nous travaillons avec d'autres associations territoriales, implantées à Paris, ou nationales pour aider ces parents. Au reste, cette aide est accordée par l'intermédiaire d'associations que, pour l'heure, le ministère de l'intérieur et des outre-mer finance, et finance largement. Ce n'est donc pas le lieu de discuter d'une telle disposition, même si, effectivement, nous avons toujours envie, sur le plan moral, d'aider les gens. C'est pourquoi je demande le retrait de l'amendement ; faute de quoi, l'avis sera défavorable.
L'article 4, que nous avons examiné en commission, concerne des situations humainement très complexes et douloureuses et cet amendement s'inscrit dans la même logique. Mais le diable peut se cacher dans les détails. Il n'est pas si simple de demander aux entreprises de financer cet effort, alors même qu'elles sont elles-mêmes dans des situations très différentes, selon qu'il s'agit d'une PME ou d'une grande entreprise.
Les partenaires sociaux doivent pouvoir, bien sûr, s'emparer de la question. J'ignore si c'est le Ciom qui le permettra : en tout cas, le cadre de cette proposition de loi n'est pas pertinent, même si le drame que vivent ces parents est indiscutable. C'est pourquoi le groupe Renaissance appelle au retrait ou au rejet de cet amendement.
Le rapporteur et le ministre délégué ne sont pas exactement sur la même longueur d'onde. Pour le rapporteur, la question sera traitée dans le cadre du Ciom, tandis que le ministre délégué dit ne pas en être sûr. Les choses sont donc moins claires qu'au départ.
Par ailleurs, monsieur le ministre délégué, ce n'est pas de la générosité que nous sollicitons de votre part ou de la part de l'État. Si ces parents sont obligés de quitter leur territoire avec des enfants malades, c'est en raison de l'inexistence ou de l'insuffisance des structures sur place.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Pourquoi ? Parce que l'État a abandonné les hôpitaux et, plus largement, le système de santé dans nos territoires. La situation est déjà grave dans l'Hexagone : elle est pire outre-mer.
Nous ne sommes pas là pour pleurer et n'attendons aucune générosité. Nous exigeons tout simplement le respect !
L'amendement n° 18 n'est pas adopté.
Je suis saisie, par le groupe Rassemblement national, d'une demande de scrutin public sur l'amendement n° 2 .
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Caroline Parmentier, pour soutenir cet amendement.
Cet amendement de repli propose la remise d'un rapport au Parlement sur l'opportunité d'appliquer un taux de 0 % de TVA sur un panier de 100 produits de première nécessité pour l'alimentation et l'hygiène en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion. Cette mesure attendue contribuerait à protéger le pouvoir d'achat de nos compatriotes de ces trois territoires dans un contexte d'inflation où les produits alimentaires sont d'ores et déjà 33 % plus chers qu'en métropole, voire beaucoup plus.
L'amendement vise à évaluer, à défaut d'appliquer un taux de 0 % de TVA sur des produits de première nécessité, le bénéfice que pourraient en tirer les habitants de Guadeloupe, de Martinique et de La Réunion.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Votre demande est légitime – nous en avons discuté tout à l'heure – mais elle me semble satisfaite dans la mesure où le ministre délégué a annoncé qu'il faut réfléchir et travailler rapidement à une réforme globale de la fiscalité outre-mer, comprenant donc le coût, notamment, des produits de première nécessité. Je demande donc le retrait de votre amendement.
Je rappelle à l'ensemble de la représentation nationale que le Gouvernement, par ma voix, avait donné un avis favorable à la création de la commission d'enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la Constitution : un peu surprenant, m'a-t-on dit, mais c'est ainsi et je m'en félicite. Je préfère attendre les conclusions de cette commission d'enquête, à la convocation de laquelle je me suis rendu hier. Il faut évidemment progresser encore, mais je ne suis pas favorable à un rapport supplémentaire.
Je ne fais pas confiance au Gouvernement sur cette question. En revanche, je fais toute confiance à M. Serva. Il s'agit d'une mesure du programme présidentiel de Marine Le Pen et je n'ai pas besoin de vous rappeler le score qu'elle a fait dans les outre-mer au second tour de la dernière élection présidentielle.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Nous avons le droit de nous montrer dubitatifs sur l'efficacité d'une mesure de réduction de la TVA : elle n'a pas eu d'effet spectaculaire sur les prix pratiqués dans la restauration et l'hôtellerie lorsqu'elle a été prise dans ces deux secteurs.
Je dois reconnaître que le groupe Rassemblement national m'avait étonné, en défendant ses amendements relatifs à la TVA, puisqu'il avait réussi jusque-là, ce qui est un prodige, à ne pas prononcer le nom de la candidate qui a été très nettement défaite à la dernière élection présidentielle. Or, madame Parmentier, dans votre dernière intervention, vous avez fini par atteindre le point Le Pen, qui est récurrent dans vos propos. Cela montre qu'en dehors de la pensée d'une personne, vous n'avez pas beaucoup d'imagination.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Mes chers collègues, je vous propose tout simplement de suivre l'avis du ministre délégué : une commission d'enquête sur le coût de la vie outre-mer travaille à l'heure actuelle de manière très sérieuse. Faisons-lui confiance. Ne faisons pas confiance, en revanche, à ceux qui utilisent les outre-mer pour recycler une vieille promesse de campagne électorale que les Français n'ont pas approuvée.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
« Mal nommer un objet, c'est ajouter au malheur de ce monde. » Au premier tour, en outre-mer, on a fait un vote d'espoir qui s'appelait Jean-Luc Mélenchon et, au second tour, on a fait un vote de désespoir, parce que le désespoir est mobilisateur et quand il est mobilisateur, il est dangereux : il s'est alors appelé Marine Le Pen.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Et elle a perdu : bien fait ! Vous n'aviez qu'à pas dire n'importe quoi !
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 173
Nombre de suffrages exprimés 165
Majorité absolue 83
Pour l'adoption 25
Contre 140
L'amendement n° 2 n'est pas adopté.
L'article 193 de la loi de finances initiale pour 2023 prévoit la remise au Parlement par le Gouvernement d'un rapport proposant des solutions afin de rendre plus efficiente la consommation de l'enveloppe dédiée à l'aide au fret prévue dans le cadre de l'action 04 du programme 138 de la mission "Outre-mer" .
En effet, alors que seule la moitié des crédits a été consommée en 2021, que les coûts liés au fret pour les entreprises ultramarines ont considérablement augmenté cette même année et que cette tendance s'est accentuée en 2022 et semble perdurer en 2023, cet amendement d'appel vise à interpeller le Gouvernement sur la suite donnée à cette demande de rapport.
Il n'y a plus, jusqu'à la fin du texte, que des amendements visant à demander des rapports. Compte tenu du fait que nous sommes dans le cadre d'une niche parlementaire et que le groupe LIOT souhaite avoir également le temps de défendre un texte visant à permettre une gestion différenciée de la compétence « eau et assainissement »,…
…j'émettrai désormais des avis plus laconiques que précédemment. Sagesse.
Vous avez raison de rappeler que ce rapport concerne un sujet important. Il est en cours de finalisation. Il sera remis au Parlement avant l'été. C'est pourquoi je demande le retrait de l'amendement.
L'amendement n° 3 est retiré.
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l'amendement n° 24 .
Les prix du fret ont été multipliés par 2,5 dans les outre-mer, ce qui n'est pas sans incidence sur le prix des matières premières, en nette hausse. Certains matériaux, comme les métaux ferreux, ont vu leur coût augmenter de 91 % d'avril 2020 à avril 2021. Or, à cette hausse s'est encore ajoutée celle, de 30 %, du coût du fret de marchandises en provenance d'Europe, tandis que le prix des marchandises arrivant d'Asie a été multiplié par 2,5.
Le fret maritime n'est pas le seul à avoir augmenté. Du fait de son insularité, La Réunion subit ces hausses de plein fouet. Tirons également la leçon de la période de la covid-19, durant laquelle l'approvisionnement de nos territoires a été mis à mal. Les petits volumes de fret maritime des îles du sud-ouest de l'océan Indien ont été sacrifiés au profit des grands marchés. L'inflation met aujourd'hui nos territoires en difficulté, notamment en raison de la forte augmentation du prix des conteneurs.
C'est afin de pallier ces difficultés mettant à mal les populations que nous proposons la remise par le Gouvernement au Parlement d'un rapport sur le développement du principe de continuité territoriale pour le fret de marchandises dans les outre-mer, principe que nous préférons appeler de continuité économique, afin d'offrir un outil de transport adapté aux besoins des entreprises locales et régionales.
Par-delà l'avis de sagesse que je prononcerai également, je tiens à vous dire que vous avez raison, monsieur Ratenon. Toutefois, un rapport sur ce dispositif a déjà été demandé dans le cadre d'un amendement parlementaire au projet de loi de finances pour 2023 : il sera rendu avant l'été.
C'est vrai : le système actuel de l'aide au fret ne fonctionne pas. Il est trop compliqué, entre l'Europe, les régions et l'État. Il nous faut revoir l'ensemble de la question. J'aimerais bien que ce soit Ladom qui s'en charge pour tout le monde, afin de parvenir à un guichet unique. Il faut savoir que les crédits inscrits ne sont pas consommés alors que les tarifs sont au-delà du raisonnable.
Je risque d'être moins sage que le rapporteur et le ministre délégué. C'est quasiment en tant que président de la commission d'enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la Constitution que je m'adresse à Jean-Hugues Ratenon. Je sais le travail qu'il y conduit : nous nous y côtoyons souvent au cours des auditions.
Or c'est à cette commission d'enquête de répondre en premier lieu à sa demande de rapport, car le problème qu'il vise la concerne au premier chef. Qu'il s'agisse des fluctuations du prix du fret, qui a beaucoup augmenté, de la hausse du prix du fioul qui affecte jusqu'aux réductions pratiquées par certaines compagnies, de la continuité territoriale, y compris entre les îles, toutes ces questions relèvent de notre prérogative de parlementaires et nous y travaillons avec le rapporteur Johnny Hajjar, dont je salue l'engagement dans ce dossier.
Par ailleurs, s'agissant des aides, le ministre délégué l'a rappelé, un rapport est en voie de finalisation. Adopter cet amendement serait nous marcher sur les pieds.
Il s'agit d'une demande de rapport sur un problème qui est bien réel et dont personne ne conteste l'existence. Monsieur le ministre délégué, je suis rarement d'accord avec vous, mais vous avez raison de souligner que rien n'est clair dans le fonctionnement du système actuel. Ce rapport devrait donc tirer des enseignements, formuler des conclusions et proposer des orientations claires sur la façon dont il faudrait gérer l'aide au fret. Cette demande de rapport ne fait donc pas double emploi avec l'actuelle commission d'enquête parlementaire sur le coût de la vie outre-mer. Pour une fois que nous avons un double avis de sagesse du rapporteur et du ministre délégué sur une demande de rapport, j'invite tous mes collègues à voter avec foi en faveur de cet amendement de mon excellent collègue Ratenon.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Il arrive plus souvent que nous soyons d'accord que vous ne le dites.
L'amendement n° 24 est adopté.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je souhaite que, dans un délai de six mois à compter de la promulgation du présent texte, le Gouvernement remette au Parlement un rapport exhaustif présentant les différents niveaux de prix des billets d'avion pour les liaisons entre la métropole et les territoires d'outre-mer ainsi que des billets concernant les liaisons inter-îles.
La parole est à M. Christian Baptiste, pour soutenir l'amendement n° 6 .
Le présent amendement vise à indexer les prix des billets d'avion sur le taux d'inflation. Nous savons très bien que la majorité des départements dits d'outre-mer sont insulaires et que le seul moyen dont nous disposons pour nous déplacer est l'avion – je rappelle à cet égard que notre collègue Hajjar est rapporteur de la commission d'enquête sur le coût de la vie dans les outre-mer. Or, les prix des billets d'avion ayant augmenté de près de 30 %, il est important d'adapter et de réévaluer l'aide à la continuité territoriale en l'indexant, je le répète, sur l'inflation.
Les demandes de rapport sont assez mal vues mais ces rapports peuvent être l'occasion d'une réflexion qui est le préalable nécessaire à l'action. Les relations fiscales entre les territoires et l'État central, les soutiens à l'économie ne sont jamais dépourvus d'effets pervers. Nous évoquions tout à l'heure l'octroi de mer, ressource essentielle mais qui renchérit la vie. En Corse, le système de continuité territoriale a été un désastre macro-économique : il a complètement ruiné la production locale. Il faut donc que les choses soient mises à plat, soient simplifiées. Je ne me permettrais pas de m'exprimer sur les territoires d'outre-mer, leurs élus le font très bien. Pour la Corse, nous demandons ainsi la mise à plat de tous les dispositifs fiscaux qui se sont accumulés au fil du temps, qui s'enchevêtrent et ne sont pas dépourvus d'effets pervers – parfois très graves –, pour les remplacer par un système fiscal unique, fruit d'une discussion que nous ne cessons d'appeler de nos vœux entre l'État et les élus de la Corse. Une telle méthode peut également valoir pour les territoires d'outre-mer – même si, j'y insiste, je n'ai pas de conseils à donner.
Je soutiens l'excellent amendement de notre collègue Lovisolo. Vous avez vous-même, monsieur le ministre délégué, parcouru les trois bassins océaniques et entrepris avec le ministre délégué chargé des transports Clément Beaune un travail important…
…sur les billets d'avion. Vous avez ainsi, je crois, accru l'aide de plusieurs millions d'euros par le biais de Ladom. Vous avez également travaillé avec les compagnies aériennes ultramarines qu'il est nécessaire de soutenir. Autant de points qu'il convenait de souligner.
La parole est à M. Perceval Gaillard, pour soutenir l'amendement n° 23 .
Par cet amendement d'appel souhaitons que l'État se penche sur l'instauration d'un tarif résident pour les transports aériens et maritimes des citoyens ultramarins, entre les territoires d'outre-mer et l'Hexagone ainsi qu'à l'intérieur de leur zone géographique.
Le dispositif de continuité territoriale a été créé en 1976 pour la Corse afin de répondre aux problèmes de desserte aérienne et il consiste en une dotation annuelle de l'État qui s'élève désormais à 187 millions d'euros. Cette dotation a été exceptionnellement augmentée à la fin 2022 pour compenser l'inflation, passant à 220 millions d'euros – ce qui n'a pas été le cas pour la dotation aux territoires d'outre-mer, laquelle s'élève à 45 millions d'euros en 2023. Cela signifie que l'État débourse 187 millions d'euros par an pour environ 340 000 Corses et 45 millions d'euros pour quelque 2,8 millions d'ultramarins.
Depuis le début des auditions menées par la commission d'enquête sur le coût de la vie dans les outre-mer, on a bien compris que les prix des billets d'avion n'allaient pas baisser – au départ de La Réunion, ils ont augmenté de 42 % en un an ! Il faut en outre compter avec des effets ciseaux, des questions de saisonnalité… Cette augmentation prive les ultramarins de la possibilité de se déplacer, notamment pour voir leur famille.
Il y a donc lieu d'analyser toutes les pistes, y compris la mise en place d'un tarif résident outre-mer, comme ce qui se pratique en Corse, ce tarif étant au cœur du service public. Il s'agit d'étudier les conditions de mise en place d'un tarif préférentiel pour les ultramarins vivant dans leur territoire et voulant se déplacer dans l'Hexagone ou dans leur zone géographique. Il s'agit aussi d'étudier la question des déplacements des ultramarins travaillant dans l'Hexagone vers leur territoire d'origine.
Il faut donc prendre appui sur l'expérience corse. Des discussions avec les partenaires que sont l'Union européenne, la direction générale de l'aviation civile (DGAC), les collectivités locales, l'État doivent aboutir à la définition d'une grille tarifaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Défavorable : nous n'allons pas remettre un rapport sur un dispositif qui a été rejeté par l'Assemblée.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
C'est le principe d'un rapport de vérifier le bien-fondé d'un tel dispositif !
L'amendement n° 23 n'est pas adopté.
La parole est à M. Christian Baptiste, pour soutenir l'amendement n° 7 .
Le présent amendement vise à renforcer les moyens de Ladom : nos territoires ont en effet besoin de leurs forces vives. Or la Guadeloupe et la Martinique perdent chaque année entre 0,8 % et 1 % de leur population et il en va de même pour La Réunion et la Nouvelle-Calédonie. Et si Ladom aide nos compatriotes lors de leur venue dans l'Hexagone, aucune aide n'est prévue pour le retour au pays.
L'amendement n° 7 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Le rôle de l'Agence française de développement – AFD – a considérablement évolué puisqu'elle dispose d'un budget de 12 milliards d'euros versés sous forme de prêts ou sous forme de subventions, dont, notamment, 9 milliards versés à des pays étrangers et 1,1 milliard aux territoires ultramarins – ici principalement sous forme de prêts. Il faut expliquer à nos concitoyens ce chiffre intéressant : l'Agence prête des centaines de millions d'euros à la deuxième puissance économique mondiale, la Chine.
Aux prêts s'ajoutent les dons. Un seul chiffre suffit à justifier le présent amendement : à peine 2 % des dons sont consacrés aux territoires ultramarins. Or les dons représentent 1,4 milliard d'euros versés principalement sous forme de subventions à des pays d'Afrique et du Moyen-Orient. Nous pensons que l'AFD devrait revoir ses priorités, d'où la présente demande de rapport. Il est en effet temps de revenir à l'esprit originel de l'Agence : servir la France ultramarine.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Strictement défavorable.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 144
Nombre de suffrages exprimés 142
Majorité absolue 72
Pour l'adoption 20
Contre 122
L'amendement n° 30 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l'amendement n° 20 .
Par cet amendement d'appel nous invitons le Gouvernement à indexer sur l'indice des prix du transport aérien de passagers le dispositif de continuité territoriale pour les territoires d'outre-mer. En effet, par définition, la continuité territoriale doit faciliter la cohésion et l'équité entre les territoires – nous parlons ainsi, globalement, d'égalité des chances pour des territoires ultramarins se trouvant à plusieurs milliers de kilomètres de la France hexagonale.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 20 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Perceval Gaillard, pour soutenir l'amendement n° 22 .
Par cet amendement d'appel, nous invitons le Gouvernement à revoir les conditions et restrictions actuelles qui limitent l'aide à la continuité territoriale des ultramarins. En effet, les conditions de ressources sont très strictes : un quotient familial inférieur ou égal à 11 991 euros pour bénéficier du dispositif d'aide à la continuité territoriale classique, soit des revenus nets imposables de 1 000 euros par mois pour une personne célibataire. À cela s'ajoute un délai de carence de trois ans pour pouvoir renouveler une demande d'aide. Ces conditions ne sont ni acceptables ni acceptées par la population et il faut impérativement les réviser.
Nous souhaitons également que l'État fasse davantage connaître les différents dispositifs, trop souvent méconnus par la population : aide à la continuité territoriale classique et aide spécifique pour les doctorants, les acteurs culturels, les sportifs et pour les obsèques, passeport mobilité pour les études et pour la formation professionnelle des demandeurs d'emploi.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Défavorable : nous travaillons sur la question et un rapport pourra être remis le moment venu.
L'amendement n° 22 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Claire Pitollat, pour soutenir l'amendement n° 43 .
Je souhaite la remise d'un rapport sur l'opportunité de créer une aide additionnelle en faveur des territoires d'outre-mer et spécifique à la continuité intérieure. Il concernerait les territoires d'outre-mer particulièrement vastes pour lesquels un accès par bateau est nécessaire afin de rejoindre l'aéroport international de départ le plus proche.
L'amendement n° 43 , accepté par la commission, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Nous demandons que le Gouvernement remette un rapport dans un délai de six mois à compter de la promulgation du présent texte. Il s'agirait de présenter les pistes de réformes visant à renforcer la participation de l'État aux délégations de service public visant à assurer la continuité territoriale intérieure des collectivités mentionnées à l'article L. 1803-2 du code des transports. L'État a certes débloqué des crédits en faveur de la continuité territoriale intérieure desdites collectivités ; néanmoins, le dispositif ayant atteint sa limite, nous devons déterminer les moyens de l'améliorer.
Je profite de l'occasion qui m'est offerte pour remarquer que s'il y a autant de demandes de rapports, c'est bien parce que de très nombreux problèmes n'ont pas trouvé de solution et qu'une niche parlementaire ni même l'examen des crédits budgétaires relatifs à l'outre-mer n'y suffiront. Il est donc urgent, monsieur le ministre délégué, de prendre la décision de nous soumettre un projet de loi qui prenne en compte les aspirations de chaque territoire d'outre-mer. Il est temps de ne plus se contenter d'appliquer des pansements sur des hémorragies.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et LFI – NUPES.
Ce texte va passer devant le Sénat, où il sera amendé et amélioré selon les orientations que nous avons évoquées aujourd'hui. Des décrets en compléteront les dispositions. Franchement, les débats que nous venons d'avoir valent mieux que des rapports ! Je ne crois pas à la politique des rapports, je crois plus aux rapports personnels que j'entretiens avec les députés dans le cadre des réunions où je rends compte de mon action.
Rires et exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je ne vois pas ce qu'un rapport apporterait de plus. Mieux vaut proposer une véritable politique – ce que vous m'avez précisément demandé, monsieur Rimane –…
…plutôt que de rédiger un rapport avant même de l'avoir menée ! La promulgation de la proposition de loi, nous n'y sommes pas encore. Nous n'avons que des pistes de réforme. Travaillons, travaillons !
Avis défavorable.
Sur le principe, je peux être d'accord avec vous. Mais je le répète, si les demandes de rapport sont aussi nombreuses, c'est parce que les problèmes le sont aussi. « Travaillons », dites-vous. Tous les députés que vous voyez sont prêts à travailler, mais cela doit marcher dans les deux sens : il ne faut pas nous demander de venir discuter si c'est pour finalement nous dire que la question est tranchée ! Une vraie concertation implique de rechercher le consensus, que chacun fasse un pas vers l'autre. Si tout est observé sous le prisme de l'économie, si les seules réponses sont : « Tel est le plafond adopté en loi de finances », « On ne peut pas faire plus », voire « Ce qu'on fait pour vous, c'est déjà beaucoup », ça ne va pas le faire ! En revanche, si vous êtes prêt à travailler sur les situations réelles, sur les conditions de vie dans chaque territoire dit ultramarin, vous trouverez du monde pour s'y associer et pour voter une loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Karim Ben Cheikh applaudit également.
L'amendement n° 26 n'est pas adopté.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la proposition de loi visant à renforcer le principe de la continuité territoriale en outre-mer ;
Discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à permettre une gestion différenciée des compétences « eau » et « assainissement » ;
Discussion de la proposition de loi relative à la consultation des habitants d'un département sur le choix de leur région d'appartenance ;
Discussion de la proposition de loi visant à limiter la contamination par les substances polyfluoroalkyles et perfluoroalkyles.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra