La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Mesdames et messieurs les députés, mesdames et messieurs les membres du Gouvernement ,
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent
dans cet hémicycle où retentit sa voix, en une séance inoubliable de septembre 1981, c'est avec une profonde tristesse et une indicible émotion que je veux évoquer devant vous la mémoire du grand républicain qui vient de nous quitter.
Robert Badinter pourtant semblait immortel. Depuis plus d'un demi-siècle, nous l'avons vu agir inlassablement, l'avocat pénaliste, le conseiller très écouté de François Mitterrand, le garde des sceaux portant l'art oratoire à son degré suprême, mais aussi le président du Conseil constitutionnel, le sénateur et le président d'honneur de l'association Ensemble contre la peine de mort.
Sa force de conviction, son engagement, son sens aigu de la justice et du droit, vous les connaissez. Avec finesse, avec élégance, il les incarnait à la manière d'un sage, fidèle aux principes, indifférent aux outrages.
Homme de culture, amoureux des livres et des anciens manuscrits, Robert Badinter puisait dans l'histoire les modèles exigeants qu'il se donnait. De Victor Hugo, il aimait à citer cette phrase : « Le droit qu'on ne peut retirer à personne, c'est le droit de devenir meilleur. ». Aussi considérait-il avec Hugo la peine de mort comme le « signe spécial et éternel de la barbarie ».
Lui qui ne voulait plus d'une « justice qui tue », s'illustra aussi par d'autres avancées comme la fin des juridictions d'exception, l'abrogation de la loi de 1942 qui discriminait l'homosexualité, le régime indemnitaire des victimes d'accidents de la route ou encore l'ouverture de la possibilité de déposer des recours individuels devant la Cour européenne des droits de l'homme.
Dans tous ses combats, le souci d'une pleine justice orientait et déterminait l'action publique. Humaniste avec Hugo, il était socialiste à la façon de Jaurès qui disait : « La République a vaincu parce qu'elle est dans la direction des hauteurs, et que l'homme ne peut s'élever sans monter vers elle. Ceux qui, depuis un siècle, ont mis très haut leur idéal ont été justifiés par l'histoire. ».
Oui, Robert Badinter allait à l'idéal par les chemins de crête. Enfant de la République, dont la famille avait fui la Bessarabie et ses persécutions, il savait la puissance émancipatrice de l'universalisme républicain et, à son tour, l'a fait vivre.
À nous de continuer son œuvre, à nous de suivre son magnifique exemple.
Hugo, Jaurès l'attendent aujourd'hui au temple des grands hommes, ce Panthéon, où, je le souhaite, Robert Badinter, les rejoindra un jour.
À son épouse, Élisabeth, à ses enfants, à ses amis et à ses proches, au nom de la représentation nationale et en mon nom personnel, j'adresse nos condoléances attristées.
Mesdames et messieurs les députés, mesdames et messieurs les membres du Gouvernement, en mémoire de Robert Badinter et en son hommage, je vous demande de bien vouloir observer une minute de silence.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement observent une minute de silence.
Mmes et MM. les députés des groupes RE, LFI – NUPES, LR, Dem, SOC, HOR, Écolo – NUPES, GDR – NUPES et LIOT, plusieurs députés du groupe RN ainsi que les membres du Gouvernement, restés debout, applaudissent.
L'heure est grave. Le 24 février prochain marquera un sinistre anniversaire, le deuxième de l'agression militaire de la Russie contre un État souverain, l'Ukraine. Nous ne pouvons que saluer le courage et l'engagement de l'armée ukrainienne et la résistance du peuple ukrainien.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, RE, LFI – NUPES, LR, SOC, HOR, Écolo – NUPES, GDR – NUPES et LIOT et sur quelques bancs du groupe RN.
Malgré le manque de munitions et de matériel, malgré les décisions du Congrès américain, qui, pour l'instant, refuse le renforcement du soutien à l'Ukraine réclamé par le président Biden, les Ukrainiens résistent. La Russie, elle, poussée par son économie de guerre, affiche un taux de croissance de 3 %, contourne les sanctions économiques grâce à l'ouverture de nouvelles voies commerciales pour acheminer son gaz et son pétrole, notamment vers la Chine et l'Inde. Les sites de désinformation russes inondent les réseaux sociaux : 193 viennent d'être identifiés en France.
Le président Poutine réécrit inlassablement l'histoire. Dans une interview récente, il affirme ainsi que c'est bien l'Ukraine qui a déclenché la guerre et que ce territoire fait historiquement partie de la Russie. Il se dit aussi prêt à une solution diplomatique mais déterminé à ne jamais abandonner ses ambitions pour ces territoires. Pendant ce temps, le candidat Trump stigmatise les membres de l'Otan, remet en cause le principe de solidarité qui prévaut au sein de l'Alliance et encourage Poutine à attaquer tout membre de l'Otan qui ne paierait pas sa part.
Alors, oui, plus que jamais, nous avons besoin d'une Europe unie, forte dans ses actes et dans ses paroles. Ma question est simple, monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères : où en est la diplomatie européenne ? Comment l'Europe se prépare-t-elle à l'éventualité d'une initiative belliqueuse à son encontre ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe RE.
Les Ukrainiens, avec notre soutien, mènent une résistance héroïque depuis maintenant près de deux ans. Malgré les frappes visant délibérément les civils, malgré les crimes commis par la Russie, leur détermination reste intacte et, je voudrais rassurer la représentation nationale, la nôtre l'est tout autant.
Soutenir l'Ukraine, c'est défendre une cause juste, celle d'un pays agressé dans sa souveraineté, celle d'une démocratie violentée par une autocratie aux rêves d'empire. La France, vous le savez, a joué un rôle majeur dans la conclusion de l'accord européen du 1er février en vue du versement d'une nouvelle aide financière, de 50 milliards d'euros, pour la reconstruction du pays. Un nouvel accord portant sur le volet militaire suivra au mois de mars – nous y travaillons.
Le défi du soutien à l'Ukraine, l'Europe doit le relever. Les déclarations de Donald Trump sont là pour nous en persuader : chaque minute compte pour se préparer au choc que constituerait pour les Européens le scénario décrit par le candidat à l'investiture républicaine.
Je terminerai en évoquant le péril de la désinformation. La Russie va mal et veut nous persuader du contraire. Elle entend nous décourager en affirmant que le temps joue pour elle. C'est faux : ses élites fuient, ses investissements s'effondrent. Les économies européennes restent beaucoup plus puissantes. Il y a quelques semaines, alors que les élections européennes approchent, nous avons pu mettre au jour un réseau de 193 sites de désinformation russes, ce qui témoigne de l'efficacité de nos dispositifs d'alerte. Je me félicite qu'avec mes collègues polonais et allemands, nous nous unissions pour lutter contre ce phénomène.
La Russie cherche à déstabiliser nos démocraties…
Mme la présidente coupe le micro de l'orateur, dont le temps de parole est écoulé. – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Monsieur le Premier ministre, quelle grande nation laisserait, sans réagir avec vigueur, un morceau de son territoire subir une crise migratoire, sécuritaire, et donc sociale, aussi grave que celle que vivent nos compatriotes mahorais ? Dans ce domaine comme dans tant d'autres, vous n'avez cherché qu'à gagner du temps : le projet de loi que vous avez évoqué dans votre déclaration de politique générale nous a déjà été vendu par M. Lecornu, M. Carenco puis M. Vigier. Monsieur le Premier ministre, annoncer n'est pas faire, communiquer n'est pas faire.
L'opération Wuambushu, malgré l'investissement des forces de l'ordre sur le terrain, n'a en rien enrayé la criminalité dans ce département. Certes, je ne peux que me féliciter de la fin du droit du sol à Mayotte, mesure que je préconise depuis longtemps et qu'il est même nécessaire d'étendre à la France entière.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Huées sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
J'estime, en revanche, que sans une politique globale, cette mesure aura un effet limité.
Pour répondre à l'enfer que vivent les Français de l'île aux parfums, il faut non seulement mettre fin au droit du sol mais aussi entamer un bras de fer diplomatique d'une fermeté absolue vis-à-vis des Comores, État largement responsable de la situation qu'ils endurent. Je ne peux d'ailleurs que déplorer que les rares étrangers renvoyés de Mayotte le soient vers la métropole.
Il faut bien sûr établir la priorité nationale ; en outre, étant donné le chaos qui règne, je vous appelle une nouvelle fois à instaurer l'état d'urgence dans ce département et à y renforcer la chaîne pénale, avec des juges qui rendent la justice au nom du peuple français, non pas au nom de leur idéologie immigrationniste – à laquelle les Français, les Mahorais en premier lieu, sont massivement opposés.
Monsieur le Premier ministre, pour rendre la situation à Mayotte vivable, il n'y a qu'une solution : le retour de l'État dans toutes ses dimensions. Y êtes-vous prêt ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Depuis ma nomination, j'ai eu à plusieurs reprises – ne serait-ce qu'ici même, la semaine dernière – l'occasion de m'exprimer au sujet de Mayotte. Je le répète, si un département de l'Hexagone connaissait une situation similaire, nous en entendrions parler matin, midi et soir dans tous les médias nationaux. Ce n'est pas là une situation que nous découvrons : elle vient de loin, et nous intervenons en vue d'y remédier depuis 2017, avec un réinvestissement massif de nos moyens,…
…des décisions claires, fortes, le doublement des effectifs de police et de gendarmerie, l'opération Wuambushu,…
…dont vous paraissez estimer qu'elle n'a produit aucun effet. Nous avons mobilisé huit unités de forces mobiles et arrêté plus de soixante chefs de bande qui opéraient sur l'île. Nous poursuivons en ce sens : création de deux brigades mobiles de gendarmerie, préparation de l'opération Wuambushu II, avec pour objectifs de lutter contre la délinquance, l'habitat insalubre et l'immigration irrégulière.
Concernant les services publics, nous avons répondu présent : 240 millions d'euros consacrés à moderniser le centre hospitalier de Mamoudzou, à en construire un second à Combani, 520 millions destinés aux collèges et lycées mahorais. Voilà des actes – car, madame Le Pen, les polémiques n'ont jamais fait éclore un hôpital, une école, une unité de police ou de gendarmerie !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Face à la crise de l'eau, nous répondons présent,…
…bien qu'elle vienne de loin, elle aussi, et se révèle extrêmement complexe :
Sourires et murmures sur quelques bancs du groupe RN
mesures d'urgence, distributions, augmentation des capacités de dessalement d'eau de mer, développement des systèmes d'irrigation et d'accès à l'eau.
Enfin, face à la crise migratoire, madame Le Pen, ne vous en déplaise, nous répondons également présent.
Nous agissons sans trembler, sans refuser a priori aucune mesure ; nous avons investi comme aucun gouvernement précédent, comme aucune majorité, financé des avions de surveillance, des drones.
Les déboutés du droit d'asile font systématiquement l'objet d'une décision d'éloignement. Je serai très clair : tous doivent être renvoyés dans leur pays d'origine. Depuis cinq ans, plus de 110 000 personnes ont été expulsées de Mayotte. Encore une fois, ce sont des faits, ce sont des actes, et nous renforçons encore notre action : la refonte du plan interministériel Shikandra permettra ainsi d'agir plus efficacement encore…
…contre l'immigration illégale. Le projet de loi d'urgence concernant Mayotte, que j'ai annoncé lors de ma déclaration de politique générale, vous sera présenté avant l'été par M. Darmanin et Mme Guévenoux. Toutefois, la situation actuelle nécessite que nous allions plus loin encore : la moitié de la population de l'île est étrangère, au moins la moitié de ces étrangers sont en situation irrégulière,…
…et à l'immigration comorienne s'ajoute depuis quelques mois celle en provenance de l'Afrique des Grands Lacs. Il en résulte une grave menace pour l'île, sa stabilité, sa paix civile, donc pour la République dans son ensemble – car Mayotte, c'est la République !
Face à un tel danger, il y a ceux qui jettent en permanence des anathèmes, qui expliquent qu'ils ont la science infuse, qu'ils peuvent résoudre tous les problèmes par magie ;…
…qui élaborent des solutions, même lorsque c'est difficile, même lorsque cela prend du temps. Encore une fois, la situation est grave ; elle demande des mesures fortes, radicales. De toute évidence, les aménagements du droit du sol réalisés par le passé ne suffisent plus : c'est pourquoi le Président de la République a décidé de vous proposer de supprimer ce droit à Mayotte.
Cette mesure nécessaire, attendue par les Mahorais, par les élus, doit nous permettre d'avancer. Nous réduirons également de manière drastique le nombre des titres de séjour accordés…
…et appliquerons immédiatement les dispositions restreignant le regroupement familial qui figurent dans la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration. Tout cela nous permettra d'achever le démantèlement du camp de Cavani, démantèlement qui progresse – un nouveau départ d'immigrés déboutés du droit d'asile est prévu dans les prochains jours –, mais se trouve freiné par le blocage de l'île : je souhaite que les opérations puissent reprendre, s'accélérer et atteindre leur terme au plus vite.
Je le répète, madame Le Pen, face aux anathèmes, aux critiques stériles, à ceux qui ne cherchent manifestement pas de solutions et refusent de voir celles qui leur sont soumises, nous serons toujours du côté des actes, du côté des Mahorais, du côté de la République !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Entre le premier et le second tour de l'élection présidentielle, monsieur le Premier ministre, Emmanuel Macron a gagné 9 millions de voix : 9 millions d'électeurs, notamment écologistes et de gauche, qui lui ont permis d'être locataire de l'Élysée, et à vous d'occuper Matignon ;…
…9 millions de citoyens et de citoyennes qui se sont levés, déplacés, mobilisés pour faire barrage à l'extrême droite, pour dire non au racisme, non à l'antisémitisme,…
…non à l'obsession identitaire d'une France ethniquement homogène, non à la menace fasciste ;…
Et oui à la réforme des retraites !
Bravo : c'est vous qui nous ferez élire !
…9 millions de personnes, qui ont fait primer leur attachement à la République sur leurs convictions politiques. Pourtant, vendredi dernier, le Président de la République a déclaré tout à fait normal de discuter avec le Rassemblement national en vue de « constituer, texte par texte, des majorités […] parfois complétées ou grossies par des voix » de ce groupe.
De semaine en semaine, monsieur le Premier ministre, les digues cèdent. Que répondrez-vous aux électeurs qui, comme moi, n'ont fait élire Emmanuel Macron que pour barrer la route à l'extrême droite ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.
Depuis ma première nomination au sein du Gouvernement,…
…j'ai toujours assumé le fait de travailler avec le Parlement, d'associer ses membres aux chantiers dont j'ai eu la responsabilité.
Exclamations sur divers bancs.
Je l'ai fait à chacun des postes que j'ai occupés, notamment, en tant que ministre délégué chargé des comptes publics, dans le cadre des dialogues de Bercy.
Souhaitant échanger avec le Parlement dans la perspective de l'élaboration du budget, j'ai choisi de le faire comme dans cet hémicycle, c'est-à-dire en répondant aux interpellations des uns et des autres. C'est pourquoi, madame la présidente Chatelain, j'avoue avoir du mal à comprendre ce que vous me demandez. Voudriez-vous, lorsqu'une question au Gouvernement, lorsqu'un amendement émane d'un groupe avec lequel, au demeurant, je suis radicalement en désaccord, que nous n'y répondions pas ?
Exclamations sur quelques bancs du groupe SOC.
Telle n'est pas ma conception de la démocratie parlementaire ni du respect dû aux membres du Parlement !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
J'ai d'autant plus de mal à concevoir vos critiques…
…que, comme chacun ici, et comme beaucoup hors de l'hémicycle, j'ai observé ces derniers mois, ces dernières années, un certain nombre de faits : lorsque vous déposez des motions de censure, sur quelles voix comptez-vous donc pour faire chuter le Gouvernement ?
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Pour faire adopter vos amendements, sur quelles voix comptez-vous ? Nous le constatons régulièrement, madame Chatelain : à force de faire des appels du pied à l'extrême droite, vous en devenez le marchepied ! Ce n'est pas là la position de ce gouvernement !
Mêmes mouvements.
Ma question, monsieur le Premier ministre, était pourtant simple : continuerez-vous, en reniant tout ce que vous avez dit à 9 millions d'électeurs d'Emmanuel Macron,…
…à faire passer des textes qui reprennent le programme de Jean-Marine Le Pen ?
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et SOC – Exclamations et rires sur plusieurs bancs du groupe RN.
Continuerez-vous de vous associer à celle qui a déclaré assumer intégralement l'héritage du Front national, de tendre la main à celle qui vient encore une fois de critiquer les juges ?
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Conclurez-vous un pacte politique avec ceux qui, au Parlement européen, siègent aux côtés des membres du parti Alternative für Deutschland – lequel a élaboré un plan de remigration des étrangers, voire des Allemands d'origine étrangère ? Nous sommes 151 députés républicains : vous pouvez travailler avec nous !
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et SOC, ainsi que sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
La vérité, c'est que nous, les écologistes et la gauche, sommes désormais seuls à faire barrage au Rassemblement national !
Mêmes mouvements.
Je le répète, madame la présidente Chatelain, lorsque vous adressez une question au Gouvernement, vous affectez de vous boucher le nez en parlant du groupe Rassemblement national, mais cela ne vous empêche pas de lui faire les yeux doux lorsque vous espérez obtenir ses voix en vue de faire tomber le Gouvernement.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem. – Exclamations sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et SOC.
Je garde en mémoire quelques mises aux voix d'amendements ou de motions de censure, quelques interventions de députés de la NUPES, voire de votre groupe, déclarant en substance : « Nous étions si près du but ! » Qui était « nous » ? Vous, et eux !
Avec nous, il n'y a pas eux : c'est toute la différence entre vous et nous !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Regardez-vous dans une glace : c'est l'hôpital qui se moque de la charité !
Monsieur Darmanin, Mayotte agonise ; Mayotte pleure Mohamadi Assinani, poignardé en plein cœur, cette nuit, à Tsingoni – un père de famille, énième victime de la violence aveugle qui ravage notre île. Mayotte réclame à cor et à cri la sécurité, le droit de vivre.
L'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose que les « droits naturels et imprescriptibles de l'homme […] sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression ». Qui se soucie de notre sûreté ? Nous, vos concitoyens, risquons notre vie en allant faire nos courses, en nous rendant au travail ou à l'hôpital. Nous sommes prisonniers chez nous ; nos enfants vont à l'école sous la protection de la gendarmerie, quand les cours ne sont pas, comme aujourd'hui, annulés en raison des émeutes.
Parlons de la liberté de circulation, elle aussi garantie par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : nous ne circulons plus de nuit, ni d'ailleurs de jour, par crainte des embuscades, des bandes qui ravagent, pillent, détruisent, incendient des quartiers entiers, sèment la mort à coups de machette. Je vous le dis : trop, c'est trop. C'est invivable !
Mayotte entame son vingt-deuxième jour de blocage, toujours paralysée par le mouvement social légitime de ceux qui réclament la paix et la sécurité. Nous attendons de votre part un engagement écrit : quand allez-vous nous répondre ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes RN, LR et HOR.
Avant toute chose, madame Youssouffa, je vous prierai d'excuser l'absence du ministre de l'intérieur : vous n'ignorez pas qu'il est très concerné par les problèmes de Mayotte, où il se trouvait dimanche. Nous y avons passé toute la journée ensemble, rencontrant notamment le collectif Forces vives de Mayotte, écoutant les Mahorais.
Vous posez la question des moyens déployés, ou en passe de l'être, afin de remédier à la situation :…
…depuis 2017, les effectifs de police et de gendarmerie ont été doublés. L'opération Shikandra, lancée en 2019, a permis de doubler les interceptions en mer et d'expulser, en l'espace de trois ans, 90 000 étrangers en situation irrégulière.
Début 2023, le lancement de l'opération Wuambushu a donné lieu à un déploiement inédit de moyens pour lutter contre la violence et la criminalité, avec l'arrestation de soixante chefs de bande, et contre l'habitat indigne, avec le décasage de 700 cases. Il a également permis de lutter contre l'immigration clandestine : 661 kwassa ont été interceptés, 592 passeurs interpellés et 25 000 étrangers en situation irrégulière reconduits à la frontière.
Cependant, madame Youssouffa, vous avez raison : nous devons aller beaucoup plus loin pour protéger Mayotte de la pression migratoire. C'est pourquoi nous engageons l'opération Wuambushu II. Dimanche, le ministre de l'intérieur et des outre-mer s'est d'ailleurs immédiatement rendu sur place avec quinze gendarmes du GIGN – Groupe d'intervention de la gendarmerie nationale – pour soutenir les forces de l'ordre locales et permettre des actions ciblées et rapides. Un escadron Guépard sera également envoyé dans les prochaines semaines. Enfin, un rideau de fer sera créé grâce au déploiement, en mer, de moyens renforcés de la marine nationale, de drones et de radars de nouvelle génération.
Pour ce qui est du courrier sur lequel vous m'interrogez, il sera adressé, comme nous nous y étions engagés, ce soir, à Mayotte.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – M. Laurent Croizier applaudit également.
Madame la ministre déléguée, il y a urgence : Mayotte est en train de mourir. Notre économie est à genoux, nous n'en pouvons plus !
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs du groupe LR.
Madame la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, permettez-moi tout d'abord de vous souhaiter une pleine et entière réussite dans les fonctions qui sont désormais les vôtres à la tête de ce beau ministère !
Une série de chantiers ont été ouverts par vos prédécesseurs. Je pense, par exemple, à l'amélioration de la formation des enseignants, au développement de la mixité sociale et scolaire, à l'approfondissement de l'école inclusive ou encore à la restauration de l'autorité des enseignants dans leurs classes.
Conformément à ses engagements depuis 2017, la majorité sera à vos côtés et aux côtés de tous les acteurs de la communauté éducative pour soutenir les projets qui permettront de faire perdurer dans nos écoles la promesse républicaine de l'égalité des chances, qui doit conduire à la réussite de chaque élève. N'en déplaise à nos opposants, c'est grâce au travail de la majorité que le dédoublement des classes a été opéré dans les zones d'éducation prioritaire, que nos enseignants ont bénéficié d'une revalorisation importante, que la prise en charge des élèves en situation de handicap est en constante amélioration, que nos directrices et directeurs bénéficient de meilleures conditions de travail et que les équipes pédagogiques ont des moyens pour mener leurs projets, avec le concours du dispositif « Notre école, faisons-la ensemble ».
Nous devons impérativement poursuivre nos actions pour que nos établissements scolaires et nos personnels éducatifs, dont je salue l'engagement, bénéficient de toute la place qu'ils méritent dans notre société. Pour cela, il faut être à l'écoute des acteurs du terrain, qui font souvent remonter des problèmes qui perdurent. Je parle ici, entre autres, des classes surchargées, de la formation continue insuffisante ou inadaptée des enseignants, ou du manque d'accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH).
Pour nos élèves, pour nos personnels éducatifs, pour nos écoles publiques, il faut avancer sur ces questions.
Pouvez-vous nous détailler votre feuille de route et votre méthode pour relever ces défis prioritaires, afin que notre école reste un lieu d'épanouissement, où nos élèves préparent leur avenir ainsi que celui de notre pays ?
La parole est à Mme la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Madame Rilhac, merci pour votre question. Lorsque le Premier ministre et le Président de la République ont fait le choix de me nommer ministre de l'éducation nationale – une grande responsabilité et un honneur –, la feuille de route était claire : il s'agit, vous l'avez dit, de contribuer à la réussite de l'école républicaine.
C'est la logique dans laquelle je veux m'inscrire, dans la lignée de ce que mes prédécesseurs ont fait depuis 2017. Je ne peux, en une minute, résumer l'ensemble de la feuille de route que je vais appliquer,…
…mais je veux poursuivre deux objectifs et appliquer une méthode.
Le premier objectif est d'améliorer la réussite scolaire ; nous en avons besoin, nous le savons. L'investissement des responsables éducatifs – professeurs, cadres, inspecteurs – n'a pas suffi à nous donner des résultats satisfaisants dans les classements du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (Pisa) ; c'est la raison pour laquelle la réforme dite du choc des savoirs sera conduite à la rentrée 2024. J'ai dit, et je redis devant vous, que j'exclus évidemment tout tri social par l'échec : l'ensemble de nos élèves doivent maîtriser au mieux les apprentissages fondamentaux.
Les fiches d'Oudéa-Castéra étaient meilleures ! Il n'y a pas une fiche sur Stanislas ?
Cela suppose de revoir de fond en comble la formation initiale des enseignants et de travailler sur la formation continue pour leur offrir de nouvelles possibilités.
Le second objectif concerne le vivre-ensemble à l'école.
Nous devons protéger les élèves et protéger les enseignants, qui font tant pour l'école de la République. J'y veillerai personnellement.
Enfin, la méthode – c'est important – repose sur deux notions : le dialogue avec les organisations syndicales et le contact avec le terrain.
Je sais, madame la députée, que je peux compter sur vous et sur vos collègues.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.
…nous avons eu cinq ministres, oui, cinq ministres de l'éducation nationale différents en moins de vingt mois.
Votre nomination, madame la ministre, n'est pas une solution, c'est un symptôme, celui d'un gouvernement sans cap, sans stratégie, sans boussole pour notre école ; pire encore, sans colonne vertébrale. N'est-ce pas vous, madame la ministre, qui, en 2016, qualifiiez de fariboles la restauration de l'autorité et le port de l'uniforme ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR. – Mme Caroline Abadie s'exclame.
N'est-ce pas vous, madame la ministre, qui avez inventé le délit de blasphème, en lâchant publiquement la jeune Mila qui était la proie des islamistes sur les réseaux sociaux ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Et maintenant vous venez nous expliquer que votre feuille de route est celle de Gabriel Attal et qu'elle comprend notamment l'introduction de l'uniforme et la défense de la laïcité ? Mais de qui se moque-t-on ?
La vraie question est de savoir si vous êtes vraiment ministre de l'éducation nationale.
Est-ce vous ou Gabriel Attal, vous ou Emmanuel Macron ? En 2016, vous parliez de supprimer le ministère de l'éducation nationale ; vous avez déjà commencé en supprimant celui de l'enseignement professionnel. Qu'allez-vous faire de l'éducation nationale, madame l'ex-garde des sceaux ? Êtes-vous là pour en prononcer la liquidation judiciaire ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs des groupes RN et LIOT.
La parole est à Mme la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Monsieur Portier, j'ai eu l'occasion de vous lire récemment et je ne suis pas sûre que les attaques personnelles ,
Protestations sur les bancs du groupe LR
surtout lorsqu'elles font appel à des informations inexactes, servent notre démocratie.
Passons cependant sur ces éléments pour en venir au fond. J'ai, je le répète, deux objectifs : la réussite des élèves et le vivre-ensemble dans les écoles.
Exclamations prolongées sur les bancs du groupe LR.
Je souhaite renforcer la protection de nos personnels enseignants, notamment des chefs d'établissement, qui, tous les jours, luttent pour faire vivre les principes de la République. Parmi ces principes, il y a celui de la laïcité, auquel je suis, depuis longtemps, profondément attachée…
…dans la mesure où il représente la réussite de la mixité et plus largement de notre République.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Protestations sur les bancs du groupe LR.
Protestations sur les bancs du groupe RE
uniquement des verbatim de propos que vous aviez tenus. La différence entre vous et moi, c'est que moi, j'assume totalement ce que j'écris. On vous attend sur le fond quand vous voulez !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Monsieur le député, pour que nos élèves réussissent à maîtriser les apprentissages fondamentaux, qui représentent la base, il faut respecter quatre principes dans les établissements,…
…et j'y veillerai : des règles claires pour tous ;…
…le respect de ces règles – c'est essentiel ; la protection de l'ensemble des acteurs éducatifs et des élèves, lorsqu'ils en ont besoin ; la restauration de l'autorité – une autorité proportionnée et bien comprise. Voilà les principes que je m'attacherai, avec la représentation nationale, à faire vivre.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
La situation à Mayotte n'est pas nouvelle. De Sarkozy à Macron en passant par Hollande, tous les présidents le savaient ; tous les récents gouvernements le savaient : là où la justice fait défaut, la violence trouve son chemin, son terreau. C'est le cas de Mayotte qui se trouve dans une situation d'abandon total par la République. Malgré de nombreuses alertes et propositions, depuis 2017, les appels à l'action semblent avoir été ignorés, laissant une population entière dans un désarroi profond.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Depuis plusieurs années, les élus de Mayotte nous alertent sur une situation explosive liée aux enfants abandonnés : 4 000 à 5 000 enfants, dont les parents ont été reconduits à la frontière ou sont décédés en mer, vivent dans la rue, sous des abris de fortune et dans la boue. Dès 2018, Jean-Luc Mélenchon
« Ah ! » sur les bancs du groupe LR
avait suggéré que l'Hexagone prenne sa part de responsabilité en accueillant immédiatement ces mineurs isolés en détresse.
Six ans plus tard, ces mêmes mineurs abandonnés, âgés de 10 à 20 ans, ne constituent-ils pas le gros des troupes des bandes responsables de l'insécurité qui règne à Mayotte ?
Parallèlement, on demandait à l'État de mettre en œuvre le plan d'investissement de 1,8 milliard d'euros sur dix ans, proposé par les élus de Mayotte, pour assurer les besoins vitaux en matière de logement, d'eau potable, d'éducation, de transport et de santé – demande qui n'a toujours pas trouvé d'écho.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
Pire, l'État organise le transfert des violences de Mayotte vers La Réunion.
Monsieur le ministre de l'intérieur et des outre-mer, vous savez très bien que la fin du droit du sol n'arrêtera pas le flux migratoire. Maintenant, soit six ans plus tard, êtes-vous prêt à entendre raison et à agir en conséquence ?
Les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent pour applaudir. – Mme Mélanie Thomin et M. Benjamin Lucas applaudissent également.
Monsieur Ratenon, vous avez raison de rappeler la situation difficile à Mayotte. Ce territoire vit depuis plusieurs mois des crises successives graves : crise de la sécurité – le Premier ministre en a parlé –, crise de l'eau, liée au réchauffement climatique,…
Ce qui se passe à Mayotte n'a rien à voir avec le réchauffement climatique !
…crise démographique et migratoire, qui s'explique par la proximité entre Mayotte et les Comores, et par son niveau de vie bien meilleur que dans les autres pays de la zone. Pour les Mahorais, cette situation est insupportable.
En revanche, votre question me surprend et m'inquiète car elle semble nier une part de la réalité. De notre point de vue, soit on fait l'autruche, soit on agit.
Mme Mathilde Panot s'exclame.
Alors arrêtez de faire l'autruche, comme vous le faites depuis sept ans !
C'est bien l'action que le Gouvernement a choisie. Dimanche, lorsque le ministre de l'intérieur et des outre-mer et moi-même étions à Mayotte, nous avons entendu, durant quatre heures, les représentants du collectif Forces vives, qui nous ont clairement exposé leurs spécificités et leurs revendications. Nous avons su les entendre, et grâce à l'implication personnelle du Président de la République et de Gérald Darmanin, nous avons prévu une batterie de mesures, dont la suppression du droit du sol, qui doit mettre fin à l'attractivité de l'immigration irrégulière
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES
– problème que vous êtes manifestement, monsieur Ratenon, le seul à ne pas voir.
La restriction de 90 % des titres de séjour est également prévue. Nous nous appuierons à la fois sur les mesures du projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, et sur de nouvelles dispositions qui vous seront présentées, mesdames et messieurs les députés, dans le cadre d'un projet de loi relatif à Mayotte.
Enfin, la préparation d'une opération Wuambushu II, que j'ai décrite à votre collègue Youssouffa, permettra également de continuer à lutter contre la délinquance, l'immigration irrégulière et l'habitat insalubre. Près de 25 000 étrangers ont déjà été reconduits à la frontière.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, voilà près de quinze ans que pèse sur la France le contentieux européen sur la mise en concurrence de nos concessions hydroélectriques, alors que nous n'avons toujours pas statué sur le mode de gestion futur de ces ouvrages. Dans l'attente, les parlementaires ont décidé, depuis 2019, de créer deux dispositifs.
Le premier concerne les autorisations d'augmentation de puissance des centrales hydroélectriques existantes. Depuis plus de quatre ans, au moins sept dossiers sont examinés par vos services sans qu'aucun n'ait encore obtenu votre aval.
Vu nos besoins de production d'énergie, notamment renouvelable, nous pouvons nous interroger sur cette inertie préjudiciable à la souveraineté énergétique de la France, que nous appelons tous de nos vœux. Allez-vous enfin valider ces autorisations ?
Le deuxième dispositif concerne le versement aux collectivités des redevances relevant du régime des délais glissants pour les concessions à terme échu. À leur grande surprise, les élus locaux ont constaté une baisse drastique de ces redevances cette année. J'ai vérifié : vous avez ponctionné une part importante de leur montant pour financer le bouclier tarifaire, considérant qu'il ne fallait pas habituer les collectivités à percevoir ces revenus, auxquels – je me permets de le rappeler – elles ont pourtant droit.
Pensez-vous vraiment que les collectivités territoriales jouissent d'une marge financière si importante qu'il faille la réduire ?
Que l'on parle de souveraineté énergétique, d'énergies renouvelables ou de moyens financiers pour les collectivités, l'hydroélectricité est la solution. Quelle réponse concrète pouvez-vous apporter sur ces deux points précis ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation.
Merci pour votre question, madame la députée ; je suis heureuse de vous retrouver.
Si ce n'est pas partagé, ce n'est pas grave ! J'ai l'honneur de vous répondre en l'absence de Bruno Le Maire. Le ministre délégué chargé de l'industrie et de l'énergie, Roland Lescure, aurait souhaité vous donner des explications, mais il est en ce moment même au Sénat. Il se tient néanmoins à votre disposition pour échanger avec vous.
Les énergies fossiles constituent une part importante de notre mix énergétique ; elles représentent encore 60 % de notre consommation d'énergie.
Notre dépendance à ces énergies est donc considérable ; nous sommes nombreux à travailler pour la réduire. Cette situation induit une vulnérabilité climatique, du fait des émissions de CO
Monsieur Pradié, j'ai beau être une femme, je sais lire les fiches !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Nous devons porter la part d'électricité dans le mix énergétique de 27 % actuellement à 55 % en 2050. Telle est l'ambition qui nous mobilise. Nous nous inscrivons dans la lignée du discours du Président de la République à Belfort, qui a affirmé les objectifs suivants : une relance de la production nucléaire, la construction de six EPR – réacteurs pressurisés européens – et une étude sur la construction de huit EPR supplémentaires.
M. Aurélien Pradié s'exclame.
Vous n'êtes pas l'auteur de la question, monsieur Pradié, et Mme Battistel aimerait entendre la réponse. S'il vous plaît, taisez-vous !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Protestations sur les bancs du groupe LR.
Ce n'est pas à vous d'en juger. Je vous demande de vous taire et de laisser madame la ministre répondre à Mme Battistel.
Vu l'ambiance plus qu'électrique – mais pas nécessairement hydraulique –, je vous suggère, madame Battistel, que nous échangions ensemble très prochainement sur ce sujet avec Roland Lescure.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je n'en veux pas à Mme la ministre de ne pas pouvoir m'apporter d'éclairage, mais je déplore que certains membres du Gouvernement ici présents – notamment M. le Premier ministre –, n'aient pas souhaité me répondre, alors qu'ils avaient la capacité de le faire. Comme d'habitude, nos questions concernant ces sujets essentiels restent lettre morte.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LR et Écolo – NUPES, ainsi que sur quelques bancs du groupe RN.
Ma question s'adresse à M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques. Permettez-moi tout d'abord de vous féliciter pour le renouvellement de vos fonctions, monsieur le ministre. C'est une marque de confiance, celle que le Président de la République et le Premier ministre placent en vous pour relever un défi majeur : bâtir la fonction publique de demain et redonner l'envie d'embrasser les carrières du service public.
Depuis vingt mois à la tête de votre ministère, vous avez mené des chantiers majeurs concernant la rémunération, la protection des agents, l'égalité professionnelle, la planification écologique de l'État ou encore la reconnaissance des secrétaires de mairie. Pour autant, la perte d'attractivité des métiers du service public doit nous alerter. On compte en effet six candidats pour un poste aux concours de la fonction publique, alors qu'ils étaient deux fois plus nombreux il y a quinze ans.
Pour relever ce défi d'attractivité, nous devons nous appuyer sur des agents publics motivés – motivés par leur fiche de poste, mais aussi par leur fiche de paie. La fonction publique doit attirer et garder les meilleurs – car vouloir les meilleurs pour servir l'État, l'hôpital et les collectivités locales, c'est vouloir le meilleur pour les Français. La fonction publique devrait être un grand édifice doté de portes d'entrée, d'ascenseurs, de passerelles et de portes de sortie. Or elle est trop souvent un couloir qui fige les trajectoires de vie.
Lors de son discours de politique générale, M. le Premier ministre a annoncé une grande loi sur la fonction publique. La performance et la rémunération au mérite seront au cœur de ce projet. En matière de service public, les Français méritent d'en avoir pour leur argent, mais les agents publics méritent d'en avoir pour leur talent ! Votre chantier s'inscrira dans les pas de Maurice Thorez,…
Je sais, c'est du dépassement ! Il s'inscrira dans les pas de Maurice Thorez, donc, lui qui, en 1946 déjà, voulait reconnaître « la valeur réelle et inégale des agents ». Monsieur le ministre, quelle sera votre méthode pour y associer les syndicats, les agents et les employeurs territoriaux, en particulier les maires, qui attendent beaucoup de cette transformation ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
La parole est à M. le ministre de la transformation et de la fonction publiques.
Sourires sur quelques bancs du groupe GDR – NUPES.
Depuis vingt mois, je me suis pleinement engagé pour la fonction publique.
Je vous remercie d'avoir rappelé certaines avancées récentes, dont beaucoup trouvent leur source dans l'action de mes prédécesseurs et de la majorité depuis 2017. Depuis vingt mois, je vais à la rencontre des agents publics sur le terrain, des employeurs, des élus locaux – qui sont aussi des employeurs territoriaux –, des directeurs et des directrices d'hôpital, de celles et ceux qui font la fonction publique. Ce sont eux qui parlent de mérite.
J'entends des maires qui ne comprennent pas pourquoi ils ne peuvent pas promouvoir leurs propres agents à l'aune de leur mérite –…
…car parfois, seule l'ancienneté est prise en considération, et des règles de promotion à l'échelle nationale les en empêchent.
J'entends des chefs de service d'administrations déconcentrées qui ne comprennent pas pourquoi ils ne peuvent pas verser plus facilement des primes à des agents méritants ou récompenser des collectifs de travail qui réussissent.
J'entends des directeurs et des directrices d'hôpitaux qui regrettent de ne pas pouvoir recruter des personnes méritantes, riches d'une expérience acquise avant de rejoindre la fonction publique, parce qu'ils ne sont pas capables de valoriser suffisamment l'ancienneté – je pense par exemple à des infirmiers libéraux ayant dix ou vingt ans d'expérience.
J'entends des secrétaires de mairie qui ne comprennent pas pourquoi elles sont assignées à une catégorie liée à un diplôme qu'elles ont obtenu vingt ans plus tôt, avant leur entrée dans la fonction publique.
J'entends des apprentis méritants, qui ont donné toute satisfaction durant leurs deux ans d'apprentissage, qui veulent rejoindre la fonction publique et qui ne comprennent pas pourquoi ils ne peuvent pas être plus facilement titularisés.
Voilà ce que nous devons changer : il faut introduire du mérite à tous les étages dans la fonction publique. C'est la proposition sur laquelle je propose que nous travaillions ensemble, dans la concertation. Je le ferai en me concertant avec les syndicats – je les ai appelés dans les heures qui ont suivi ma nomination.
Je le ferai avec tous les acteurs de la fonction publique, pour bâtir un projet de loi qui renforce son efficacité.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
J'adresse ma question à Rachida Dati, ministre de la culture et candidate à la mairie de Paris. Je tenterai, ce faisant, d'apaiser l'atmosphère électrique qui règne dans l'hémicycle. Mme Dati nous a annoncé le Printemps de la ruralité : la formule m'a interloqué, car la ruralité, c'est mon cheval de bataille. Si j'ai bien compris, il s'agira d'organiser des rencontres entre des services ministériels et la population. Je connais Mme Dati pour l'avoir rencontrée une fois il y a une quinzaine d'années : elle m'avait expliqué que pour réorganiser efficacement la justice en France, il fallait supprimer les tribunaux ruraux. Tout devait être concentré dans les grandes villes, pour gagner en efficacité, en justice et en rapidité ! En d'autres termes, il s'agissait plutôt de désorganiser que de réorganiser.
Je retrouve Mme Dati au ministère de la culture, de même que je retrouve Mme Belloubet au ministère de la justice – j'espère que ce n'est pas un recyclage ; jamais deux sans trois !
Sourires sur quelques bancs du groupe LR.
J'ai cru comprendre – en tout cas, je l'espère – que Mme Dati avait un programme pour la culture en milieu rural ; rappelons tout de même que les élus locaux, départementaux ou municipaux, ont déjà fait beaucoup pour la culture dans la ruralité. J'ai aussi cru comprendre que Mme Dati promouvait la culture pour tous, pas seulement pour les deux ans à venir, à Paris, mais également en province. J'attends de connaître plus en détail ses propositions. Nous, nous aimons bien la culture classique, traditionnelle – le rap aussi, un peu, mais pas seulement. Mme Dati veut un égal accès à la culture, moi aussi !
Après cette longue explication, j'en viens à ma question : compte tenu de la situation financière de la France, dont la dette dépasse 3 000 milliards, avec quels moyens comptez-vous assurer une bonne diffusion de la culture en milieu rural, à l'égal de Paris ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Une chose est sûre, monsieur le député : si vous voulez être soutenu et subventionné pour devenir humoriste, je suis prête !
Rires sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe HOR.
Il y a de quoi faire, même si je ne vous trouve pas très drôle. L'humour peut avoir sa part d'élégance, mais vous en manquez.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Vous avez évoqué la réforme de la carte judiciaire : en la matière, j'ai simplement appliqué ce que les députés qui vous entourent ont souhaité. Je suis une responsable politique qui tient ses engagements.
Vous appréhendez le Printemps de la ruralité avec mépris et ironie ; pas moi. Les mesures que je souhaite déployer correspondent au programme du groupe Les Républicains – votre groupe, monsieur le député.
Si je suis ministre de la culture et que je m'intéresse à la ruralité, c'est parce que ses 22 millions d'habitants n'ont pas accès à la culture dans les mêmes conditions que les autres.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Que m'ont demandé les maires ruraux, soutenus par Laurent Wauquiez ? Ils souhaitent qu'une ingénierie culturelle leur soit dédiée pour les soutenir : je le ferai.
Tous les habitants des zones rurales ont-ils accès à la culture dans les mêmes conditions que les autres ? Non. Est-il facile de se rendre à un spectacle ou à un concert quand on vit en milieu rural ? Pas davantage. Nous nous heurtons à un problème de mobilité des spectateurs, mais aussi des œuvres.
Les collectivités locales proposent des activités culturelles dans les territoires !
C'est pourquoi j'ai lancé une consultation en ligne, à laquelle je vous invite à répondre très sérieusement – vos électeurs seraient fort intéressés de connaître vos propositions. Les directions régionales des affaires culturelles (Drac) me feront également remonter des préconisations, ce à quoi s'ajoutera une mission parlementaire.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Ma question s'adresse à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités. Lors de son discours de politique générale, le Premier ministre a déclaré que la santé mentale des jeunes devait faire l'objet d'une prise en charge renforcée. Pourtant, l'accompagnement psychologique et psychiatrique des enfants est l'un des parents pauvres de votre politique de santé. Les centres médico-psychologiques de l'enfant et de l'adolescent sont débordés ; il faut attendre plusieurs mois pour y obtenir un rendez-vous.
Dans son dernier baromètre, Santé publique France indique que les jeunes âgés de 18 à 24 ans sont ceux de nos concitoyens qui tentent le plus de mettre fin à leurs jours. Dans cette tranche d'âge, le nombre de tentatives de suicide déclarées a doublé entre 2017 et 2021, et un enfant sur cinq présente des symptômes dépressifs.
À La Réunion, où près d'un tiers de la population a moins de 20 ans, les difficultés qui rongent la jeunesse de l'intérieur sont colossales, qu'il s'agisse des violences intrafamiliales, des addictions ou encore du niveau de chômage élevé. Malgré la bonne volonté et l'implication de tous les acteurs, l'absence de moyens financiers met à mal tout projet de développement d'une offre adaptée. Le taux de tentatives de suicide des jeunes réunionnais est le plus élevé de France, et représente la première cause de mortalité des moins de 24 ans dans ce territoire.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Un même jeune peut faire jusqu'à dix tentatives avant de se voir proposer une première consultation, généralement six mois plus tard.
Le numéro vert, la plateforme Cnaé – Coordination nationale d'accompagnement des étudiantes et des étudiants – et le dispositif Mon soutien psy sont loin d'être suffisants. Après un signalement, les jeunes ont besoin de se sentir écoutés et accompagnés par des professionnels. Ce n'est ni le rôle de l'enseignant, ni celui du conseiller principal d'éducation (CPE).
Face à ce triste constat, quels moyens concrets comptez-vous débloquer pour garantir l'accompagnement complet des jeunes en situation de détresse psychologique ? La jeunesse appelle à l'aide ; écoutez-la ! Parquer des enfants dans des hôtels, abandonner du jour au lendemain les jeunes majeurs issus de l'aide sociale à l'enfance, ou encore laisser prospérer le harcèlement scolaire : tels ne doivent pas être vos uniques faits d'armes.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES ainsi que sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles.
Il n'y a pas de santé sans santé mentale ; il n'y a pas d'enfance, il n'y a pas d'émancipation sans accompagnement des enfants et des jeunes. Le Premier ministre l'a rappelé, cet accompagnement est notre priorité depuis 2017.
Les enjeux sont posés. Sous l'autorité de la ministre Catherine Vautrin et en lien avec le ministre chargé de la santé et de la prévention, nous mobiliserons tous les moyens nécessaires afin de détecter ces situations dès le plus jeune âge, de lutter contre l'addiction aux écrans et d'entendre ce qui est dit à ce propos. Parler de santé mentale, c'est parler de dépression, de perte de chances et, malheureusement, du suicide d'enfants de plus en plus jeunes.
Faire de cette cause une priorité, cela passe par l'installation, dans chaque département, de maisons de l'adolescent ou encore par l'intensification de la prévention et de la détection, grâce au renforcement de la médecine scolaire, au plus près des enfants.
Nous savons aussi reconnaître ce qui n'a pas bien fonctionné et le corriger : c'est ce que nous faisons s'agissant du chèque psy, afin d'apporter des réponses plus rapidement et de faciliter les remboursements.
Mme Sophia Chikirou s'exclame.
Nous devons également nous appuyer sur les professionnels, dans le cadre de la stratégie nationale de prévention du suicide. L'ensemble du Gouvernement, quels que soient le moment et le lieu, sera mobilisé afin de lutter contre ce fléau qui touche autant les parents que les enfants.
Notre méthode est simple : nous portons un regard territoire par territoire. Vous avez évoqué La Réunion et les territoires ultramarins mais les inégalités sont réelles partout en France. C'est grâce à la mobilisation des équipes éducatives, de santé et en accompagnant les parents que nous permettrons à chaque enfant de disposer des mêmes chances. Madame la députée, nous serons à vos côtés.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Vous avez une obligation de résultat : or le nombre de tentatives de suicide déclarées a doublé entre 2017 et 2021.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES et sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Il y a une semaine, devant notre institution, les agriculteurs de la filière bio exprimaient leur désarroi et une profonde demande de reconnaissance. Dans de nombreux départements, ils alertent leurs parlementaires et leurs élus locaux. C'est sur ces femmes et ces hommes, leur situation et leurs inquiétudes que je souhaite, monsieur le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, appeler votre attention. Je le fais en gardant à l'esprit les riches échanges que j'ai eus, hier matin, avec des agriculteurs, dans une exploitation vendéenne.
Une élue de la majorité qui se rend sur le terrain, c'est une nouveauté !
Sans opposer les modèles ni les pratiques, le message exprimé est celui d'une profession qui a besoin d'être entendue et prise en considération. L'agriculture biologique représente 14 % des exploitations agricoles et recouvre 11 % de la surface agricole de notre pays.
Depuis 2021, force est de constater que le marché du bio subit un sérieux recul et qu'il est fragilisé, à l'instar de nombreuses autres filières ; c'est finalement toute la chaîne qui en pâtit. Désormais, des exploitants cèdent à la « décertification » – rappelons que pour chaque hectare qui perd sa certification, ce sont des millions d'euros d'aides publiques qui sont gâchés. À cela s'ajoute la crainte des acteurs de la filière de ne pas pouvoir transmettre leur exploitation et garantir le renouvellement des générations.
Des mesures ont été annoncées : la prolongation du crédit d'impôt bio après 2025, un soutien en matière de communication sur les produits bio ou encore le respect des lois Egalim, en particulier de l'objectif de proposer au moins 20 % de produits biologiques dans la restauration hors domicile.
M. Jimmy Pahun applaudit.
Il s'agit d'un enjeu fort pour que la France atteigne les objectifs qu'elle s'est fixés à l'horizon 2027. C'est également un défi puissant pour l'aménagement de nos territoires, la qualité de nos ressources et le maintien des paysages agricoles.
Vous avez entamé, monsieur le ministre, des discussions avec les représentants de la filière biologique. Pouvez-vous informer la représentation nationale de ces échanges ? Prévoyez-vous un plan de soutien spécifique à la filière, qui serait à même de redonner des perspectives sur le long terme ?
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.
La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Vous avez raison, la filière bio traverse depuis 2021 une crise très grave, liée sans doute à la réorganisation de la consommation durant l'épidémie de covid-19, qui se traduit d'abord par une crise de la demande. Nous devons donc agir sur deux piliers. Premièrement, il faut répondre à l'urgence, pour éviter le phénomène des déconversions que vous avez très justement évoqué : 100 millions d'euros ont été débloqués en 2023 pour accompagner la filière grâce à un fonds d'urgence et 50 millions supplémentaires ont été annoncés par le Premier ministre, il y a une dizaine de jours, pour accompagner les exploitants agricoles.
Ces mesures s'ajoutent à celles engagées en faveur des différentes filières : en effet, ces fonds compléteront ceux destinés à la viticulture ou à l'élevage. C'est donc de l'argent que l'on accorde en plus – il n'y a pas de soustraction – à la filière biologique.
Enfin, nous faisons en sorte de maintenir les outils, notamment fiscaux, qui fonctionnent et qui seront prolongés jusqu'en 2025 – même si je sais que la demande va bien au-delà : ainsi, le crédit d'impôt pour l'agriculture biologique passera de 3 500 à 4 500 euros en 2023, en 2024 et en 2025 – c'est un élément très important.
Deuxième pilier, nous devons agir sur la demande et réorganiser la filière, pour qu'elle soit en mesure de mieux répondre aux besoins du marché.
Mmes Sophia Chikirou et Aurélie Trouvé s'exclament.
Tel est l'objectif du fonds Avenir bio, qui sera doté, en année de croisière et jusqu'en 2027, de 18 millions d'euros. L'Agence bio – Agence française pour le développement et la promotion de l'agriculture biologique – a également été dotée de moyens de communication plus importants : une campagne de communication sera lancée durant le salon de l'agriculture, afin de stimuler la demande.
Enfin, permettez-moi d'évoquer un sujet très important : le respect des lois Egalim (loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, loi du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs et loi du 30 mars 2023 tendant à renforcer l'équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs) – dont la dernière a été adoptée sous l'égide de la Première ministre Élisabeth Borne.
L'État tiendra ses engagements en la matière : plus de 120 millions d'euros seront réinjectés. Mais nous devons travailler avec les collectivités locales – sans leur donner de leçons – afin que les lois Egalim soient respectées.
Et que faites-vous pour sanctionner les collectivités qui ne les respectent pas ?
Si elles étaient respectées, cela permettrait de compenser la perte de consommation de produits biologiques observée dans la sphère privée.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
« Venez me chercher ! » « J'ai tellement peur, s'il vous plaît, venez ! » Voici les derniers mots d'Hind Rajab aux secouristes qu'elle a réussi à appeler. Ce sont les derniers mots d'une fillette de six ans, seule, coincée sous un déluge de feu, au milieu des corps des membres de sa famille, tués par l'armée israélienne.
Quelques jours plus tôt, la Cour internationale de justice disait craindre un risque génocidaire à Gaza. Depuis cette date, Netanyahou devrait avoir reculé et les actions de son gouvernement devraient avoir été sanctionnées. Pourtant, la situation n'a cessé de s'aggraver : un blocus humanitaire renforcé, qui entraîne une pénurie massive de matériel médical et de denrées alimentaires ; une nouvelle opération de nettoyage ethnique à Rafah, où sont pris au piège 1,4 million de Palestiniens.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs des groupes Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Combien de temps resterons-nous encore silencieux, face au drame qui se déroule sous nos yeux ?
Mme Caroline Yadan s'exclame.
La France doit soutenir la Cour internationale de justice, porter une résolution de cessez-le-feu immédiat à l'ONU et interrompre les ventes d'armes à Israël.
Mme Caroline Yadan s'exclame de nouveau.
Au Parlement européen, Manon Aubry, qui représente La France insoumise, a déposé une résolution en ce sens. Monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, soutiendrez-vous cette résolution et rejoindrez-vous l'Espagne, la Belgique, l'Irlande, les Pays-Bas et le Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, qui se sont engagés dans cette voie ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur plusieurs bancs des groupes SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Dans sa chanson « La branche d'olivier », diffusée au début des bombardements, la chanteuse chilo-palestinienne Elyanna emploie ces mots : « Dans la terre de la paix, la paix est morte / Et le monde dort sur un enfant blessé. » Aujourd'hui, le monde dort sur Hind Rajab et plus de 5 000 enfants palestiniens morts à Gaza. Il est temps que le monde se réveille, en particulier la France, en portant haut sa branche d'olivier.
Les députés des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES se lèvent et applaudissent. – Applaudissements également sur plusieurs bancs du groupe GDR – NUPES.
Je vous répondrai de manière très claire :…
…la catastrophe humanitaire…
…qui se déroule à Gaza doit cesser et une offensive israélienne à Rafah créerait une situation intenable, d'une dimension nouvelle totalement injustifiable.
Comme j'ai déjà eu l'occasion de le souligner devant vous, les frappes israéliennes de ces derniers jours à Rafah nous préoccupent vivement : j'ai l'ai d'ailleurs rappelé directement aux responsables politiques israéliens et à Benyamin Netanyahou lorsque je l'ai rencontré – les Israéliens connaissent donc notre position à ce sujet.
Et alors, on fait quoi ? On en reste là ?
Afin d'éviter un désastre, nous réitérons notre appel à un arrêt des combats. Israël doit prendre des mesures concrètes pour protéger la vie des populations civiles à Gaza.
En parallèle, nous nous mobilisons pour évacuer nos ressortissants, ainsi que des personnes qui ont travaillé pour la France. Hier, quarante-deux personnes ont ainsi pu quitter la bande de Gaza. L'avenir de cette région et de ses habitants ne s'inscrira que dans la perspective d'un État palestinien, vivant en paix et en sécurité aux côtés d'Israël.
C'est la position constante de la France et notre détermination est totale : en témoignent les sanctions annoncées ce jour par le Gouvernement français contre vingt-huit colons violents.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Un cessez-le-feu est indispensable non seulement pour permettre la libération des otages mais aussi pour faciliter l'acheminement de l'aide à la population civile. La France sera toujours du côté de ceux qui souffrent. .
Mme Mireille Clapot applaudit
Madame la ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles, les enfants de deux ans passent en moyenne cinquante-six minutes par jour devant les écrans ; une moyenne qui passe à vingt-sept heures par semaine pour les enfants âgés de 7 à 12 ans et à trente-sept heures pour les jeunes de 13 à 19 ans. Ces chiffres dépassent largement les recommandations de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), alors que les effets sur la santé, l'attention, les apprentissages, le langage, le sommeil, l'alimentation ou encore la santé mentale – avec des risques accrus de dépression – sont connus.
Il nous faut agir, car c'est un défi majeur de santé publique. C'est pourquoi, dès 2021, nous avons travaillé, avec Renaissance – mon groupe parlementaire –, sur ce que nous avons qualifié de « mal du siècle ». Notre mobilisation a abouti, le 7 mars 2023, à l'adoption, à l'unanimité, par l'Assemblée nationale, de ma proposition de loi relative à la prévention de l'exposition excessive des enfants aux écrans.
Cette proposition de loi est axée sur deux sujets : d'une part, la sensibilisation des parents, d'autre part, la formation de l'ensemble des professionnels qui sont en contact avec les enfants. Toutefois, elle est en attente d'examen par le Sénat depuis près d'un an. C'est pourquoi je souhaiterais savoir si le Gouvernement entend l'inscrire à l'ordre du jour. J'aimerais également connaître les mesures – vous en avez déjà évoqué certaines – que le Gouvernement prévoit d'engager en la matière.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles.
Permettez-moi de reprendre les chiffres que vous venez de citer, parce qu'ils sont essentiels : cinquante-six minutes d'exposition par jour pour les enfants de moins de deux ans ; une heure vingt pour les enfants âgés de 3 ans, 3 ans et demi ; une heure trente pour les enfants de plus de 5 ans. C'est aujourd'hui, plus que jamais, un sujet primordial. Et la surexposition aux écrans, vous l'avez rappelé, constitue une menace.
Les parents, les professeurs, les professionnels de santé, les chercheurs ont tous tiré la sonnette d'alarme. Cette prise de conscience s'est faite également grâce aux travaux des parlementaires, à qui je veux rendre hommage – je pense en particulier au rapport que vous avez publié au nom de la commission des affaires sociales, ainsi qu'à la proposition de loi de M. Laurent Marcangeli visant à instaurer une majorité numérique à 15 ans ou encore aux travaux de la majorité engagés notamment par le président Bruno Studer. Cette mobilisation nous a permis, conformément au cap fixé par le Premier ministre, de tenter de reprendre le contrôle – la majorité y travaille depuis 2017.
Vous l'avez rappelé, les écrans sont multiples : téléphones, ordinateurs, télévision. Les conséquences de cet excès d'exposition sont dramatiques pour nos enfants. C'est pourquoi le Président de la République a annoncé, le 16 janvier dernier, la création d'une commission, présidée par la neuropsychiatre Servane Mouton et le professeur Amine Benyamina, addictologue, qui devrait rendre ses conclusions dès le mois de mars prochain. Cela nous permettra de dresser un constat relatif à l'impact des écrans sur la santé physique et mentale et de disposer d'évaluations sur l'efficacité des dispositifs, d'élaborer une nouvelle doctrine de régulation en fonction de l'âge et de la nature des contenus et de proposer des outils adaptés.
C'est avec vous, parlementaires, que nous apporterons les réponses nécessaires, parce que ce sujet pose un enjeu d'égalité des chances : la surexposition aux écrans peut entraîner une perte de chances et nous savons bien qu'il existe des écarts en fonction des situations socioprofessionnelles ou territoriales. Nous sommes et nous serons au rendez-vous, parce qu'il s'agit d'une priorité pour nos enfants : prévenir, informer et accompagner.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Monsieur le ministre de l'intérieur et des outre-mer, par la circulaire du 5 février, vous venez d'adresser aux préfets des instructions précises afin d'appliquer le nouvel article L. 435-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda) pour faciliter la régularisation des étrangers en situation irrégulière dans les métiers en tension. Ils pourront désormais déposer en préfecture des demandes d'admission au séjour sans l'assentiment de leur employeur.
On peut retenir trois éléments. Tout d'abord, même si l'étranger fait l'objet d'une OQTF – obligation de quitter le territoire français –, il sera éligible à la régularisation. Si ce tour de passe-passe vise à faire baisser le stock des OQTF, vous êtes sur la bonne voie, mais je ne saurais y souscrire : j'appelle cela de la tromperie.
Ensuite, la circulaire conclut que même si l'étranger ne remplit pas les conditions, le préfet dispose d'un pouvoir discrétionnaire, ce qui ouvre la porte à un nombre pléthorique de régularisations. Les préfets devront rendre compte dans trois mois mais, dès à présent, je ne peux que vous mettre en garde contre une telle pratique.
Enfin, si la circulaire rappelle que les Algériens ne sont pas soumis au Ceseda mais à l'accord franco-algérien de 1968, elle souligne qu'ils pourront tout de même bénéficier d'une régularisation en application du pouvoir discrétionnaire du préfet, ce qui n'est pas acceptable.
Une telle politique, soutenue par votre circulaire, ne manquera pas de provoquer un déferlement de demandes de régularisation au titre des métiers en tension. J'aimerais donc connaître les véritables motifs de cette mobilisation des préfets et de votre empressement à faire appliquer ce dispositif.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Vous ne semblez pas avoir en tête les mesures relatives aux métiers en tension adoptées au moment du vote du projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration. La délivrance d'un titre de séjour destiné à permettre à des étrangers de travailler dans des conditions régulières concernait des filières et des conditions de séjour extrêmement précises, et tout cela était très encadré. Contrairement à ce que vous avancez, le préfet ne dispose pas d'un pouvoir discrétionnaire. Il peut examiner, au vu de la situation de l'étranger, la possibilité de lui retirer ce titre de séjour. L'État exerce donc bien un contrôle sur ces situations, et on ne constate en aucun cas le laisser-aller que vous semblez décrire.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Je suis très heureuse de poser sa première question à Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.
Depuis plusieurs jours, la sphère complotiste s'agite autour du projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires, dont nous débattrons tout à l'heure. Elle fait ce qu'elle sait faire de mieux : désinformer, apeurer et, surtout, dire n'importe quoi.
À l'occasion de l'examen de ce texte, dont je suis la rapporteure, on m'accuse de tous les maux : on m'accuse d'enfreindre la liberté d'expression, de mettre à mal la liberté de conscience et de cadenasser le débat scientifique.
Les choses sont pourtant simples : le projet de loi crée un délit de placement en état de sujétion et un délit de provocation à l'abandon des soins. Il s'en tient là. Ces dispositions sont strictement encadrées et bornées, dans le respect de notre État de droit.
Le projet de loi, dont l'initiative revient à Mme Sonia Backès, lorsqu'elle était membre du Gouvernement, vise à répondre à un phénomène sectaire devenu incontrôlable : les signalements à la Miviludes – mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires –, dont 40 % concernent le domaine de la santé, ont augmenté de 86 % entre 2015 et 2021. Seules quinze condamnations ont été prononcées l'année dernière.
M. Maxime Minot s'exclame.
Il n'est pas question de faire de la police de la pensée ou de créer un délit d'opinion mais, que cela plaise ou non, nous protégerons les victimes en prenant toutes nos responsabilités.
Est-ce que vous accusez le garde des sceaux ? Serait-il laxiste selon vous ?
Mes chers collègues, c'est un enjeu de santé publique qui dépasse largement nos horizons politiques. Cessons d'être naïfs : derrière ces mensonges, se cachent des charlatans qui tuent. Qui est liberticide ? Ceux qui manipulent les citoyens, allant parfois jusqu'à causer leur mort,…
Mme la présidente coupe le micro de l'orateur, dont le temps de parole est écoulé. – Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.
Je profite de votre question pour saluer votre engagement sur ce sujet compliqué et pour condamner les attaques surréalistes et violentes dont vous êtes la cible depuis quelques semaines du fait de votre engagement.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Le nombre de signalements à la Miviludes relatifs à des dérives sectaires dans le domaine de la santé a connu une hausse vertigineuse. Il est passé de 214 en 2015 à 892 en 2021, un quadruplement qui montre que la santé sert de porte d'entrée aux charlatans et aux pratiques sectaires. Les soins non conventionnels, comme on les appelle, peuvent coûter des vies. Pour lutter contre ce phénomène, il est indispensable de garantir au patient une information médicale éclairée qui s'appuie sur des données scientifiques. La sécurité des patients est notre priorité et notre seule boussole dans les débats qui commenceront tout à l'heure. C'est pourquoi dès le mois de juin 2023, le Gouvernement s'était saisi de la question en lançant un comité d'appui à l'encadrement de telles pratiques.
Le projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires, dont l'examen en séance publique à l'Assemblée nationale débutera tout à l'heure, apporte de nouvelles réponses, notamment en réprimant, dans certains cas précis, la provocation à s'abstenir de suivre un traitement.
Je fais confiance aux parlementaires, pour compléter utilement au cours des débats le texte dans le sens que vous avez décrit. Je fais confiance aux professionnels de santé, qui sont nombreux à s'être exprimés et à avoir dit leurs attentes sur le sujet. Enfin, je fais confiance aux scientifiques. Que ce soit clair : vous me trouverez toujours du côté de ceux qui défendent la rationalité scientifique.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Monsieur le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, la presse a révélé une contamination record aux polluants éternels à Salindres, commune de 3 500 habitants dans le Gard. Les niveaux de contamination extraordinairement élevés constitueraient même un record mondial, et les cas de glioblastomes sont trois fois plus nombreux qu'ailleurs. Je rappelle que les personnes atteintes de ce cancer rare du cerveau ont une espérance de vie d'un an.
En France, 900 sites sont contaminés, dont 108 sont des « hotspots de contamination » où la concentration des Pfas – substances polyfluoroalkylées ou perfluoroalkylées – est dangereuse pour la santé. Ces perturbateurs endocriniens provoquent des cancers de la thyroïde et des reins, des maladies cardiovasculaires et ils ont des incidences sur la fertilité.
Les députés LFI d'Occitanie vous ont déjà alerté à la suite des propos de M. Didier Jaffre, directeur de l'ARS – agence régionale de santé – Occitanie, relatifs à la potabilité de l'eau, notamment du fait de la concentration élevée en Pfas, mais votre gouvernement veut attendre pour surveiller leur taux dans l'eau. Or il faut agir maintenant et anticiper la réglementation européenne « Reach » – enregistrement, évaluation, autorisation des substances chimiques et restrictions applicables à ces substances – ,
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Christine Arrighi applaudit également
car elle n'entrera pas en vigueur avant 2028 au mieux. Pourtant, votre majorité défend des amendements pour repousser les normes des rejets en France. Tout cela est irresponsable !
En ce qui concerne les pollutions, votre volonté d'une pause dans l'application du plan Écophyto s'accompagne d'une remise en cause de l'indicateur Nodu – nombre de doses unités –, donc de l'objectif de réduction des usages des pesticides de 50 % d'ici à 2030.
Mme Christine Arrighi s'exclame.
L'enjeu, c'est la santé de nos concitoyens. L'opacité inquiétante dont les pouvoirs publics font preuve concernant la contamination aux Pfas n'est pas rassurante pour la population.
Les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent pour applaudir.
Monsieur le ministre, que comptez-vous mettre en œuvre immédiatement afin de réduire les concentrations de Pfas dans les eaux françaises ? Quelles alternatives à l'eau du robinet l'État s'engage-t-il à mettre en place pour garantir un approvisionnement non toxique aux populations ?
La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Vous m'interrogez sur deux sujets. Je vous répondrai d'abord au sujet des Pfas, mon collègue Christophe Béchu étant retenu ailleurs.
Vous avez raison, c'est un sujet sérieux et grave, dont le Gouvernement s'est saisi.
Dès janvier 2023, il a instauré un plan d'action visant à évaluer les connaissances de ces produits…
M. Cyrille Isaac-Sibille applaudit.
Nous en connaissons certains et d'autres moins – y compris en matière de détection.
Ensuite, le Gouvernement a défendu au niveau européen – vous avez raison – une interdiction très large de ces produits, dans la continuité des travaux de votre collègue Cyrille Isaac-Sibille.
Sans vouloir vous ennuyer, madame la députée, je tente de répondre à la question sérieuse de M. Sala sur le sujet.
Enfin, un plan ministériel a été lancé au mois de janvier et nous déploierons un plan interministériel. En effet, la dépollution et le besoin de connaissances concernent aussi bien l'agriculture que la transition écologique et la santé.
M. Cyrille Isaac-Sibille applaudit.
Nous sommes pleinement mobilisés sur la question et, je vous assure, nous ne voulons pas perdre de temps, mais nous avons besoin de décisions au niveau européen.
J'en viens au plan Écophyto. Le Premier ministre l'a rappelé il y a quelques jours, quand nous parlons de pause, celle-ci n'inclut pas la recherche – je parle sous le contrôle de ma collègue ministre de la recherche.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous ne revenons pas en arrière sur les interdictions décidées au niveau européen comme national. Monsieur Sala, vous devez reconnaître que nous nous interrogeons sur les indicateurs – nous tenions hier un comité Écophyto. Pourquoi ? Parce que, parfois, ils ne prennent pas suffisamment en compte la notion de risque. Je suis sûr que nous pouvons partager la notion de risque. Ensuite, pour instaurer une trajectoire au niveau européen, il est préférable de disposer d'indicateurs comparables entre pays européens. Sans cela, nous mélangeons les choux et les carottes, pardonnez-moi.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Monsieur le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention, au lendemain de la Journée internationale dédiée à l'épilepsie, je veux tout d'abord avoir une pensée pour les 600 000 Français atteints de troubles épileptiques, dont près de 50 % sont âgés de moins de 20 ans.
Il est nécessaire de revenir sur la prise de Dépakine par les femmes enceintes. Sanofi et l'État ont été condamnés pour avoir manqué à leur devoir de vigilance et d'information. Des crédits ont été alloués pour l'indemnisation des victimes, dont l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam) a la charge. Nous constatons un écart important entre les prévisions fondées sur des données épidémiologiques et le nombre de dossiers déposés à l'Oniam. Au milieu de l'année 2022, 850 dossiers avaient été déposés.
Dans son rapport de 2018, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) relevait qu'entre 2 150 et 4 100 enfants souffriraient de malformations, et qu'ils seraient de 16 600 à 30 400 à connaître des troubles neurodéveloppementaux suite à la prise d'un traitement à la Dépakine. Contrairement aux six mois pour le traitement d'un dossier, annoncés par l'Oniam, le délai moyen de la procédure est de trente-deux mois en cas d'acceptation et de trente-quatre mois en cas de rejet. De plus, actuellement, seuls neuf membres du collège d'experts assurent le traitement des dossiers.
Peut-on sincèrement affirmer que l'État consacre les moyens nécessaires pour dédommager et accompagner les victimes et leurs familles ? Manifestement pas. C'est pourquoi, monsieur le ministre, je vous demande de vous emparer de cette question et de revoir la stratégie actuelle. Il est nécessaire d'adapter les moyens, de mieux informer les victimes et de simplifier les démarches. Il y va de la reconnaissance des victimes et de la responsabilité de L'État.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.
Vous avez raison, au lendemain de la journée internationale de l'épilepsie, d'appeler l'attention sur cette maladie qui touche 600 000 de nos concitoyens – vous l'avez rappelé, mais je cite ce nombre à mon tour pour en souligner l'importance –. Rappelons que la moitié d'entre eux sont âgés de moins de 20 ans.
C'est une pathologie complexe dont la forme et le traitement sont différents pour chacun, ce qui rend le diagnostic d'autant plus difficile ; vous en avez parfaitement conscience. C'est pourquoi la Haute Autorité de santé (HAS) a actualisé en 2020 ses recommandations de bonne pratique (RBP) relatives à la prise en charge, afin de renforcer le suivi des patients, de diminuer l'errance diagnostique et d'améliorer le suivi thérapeutique.
Face à cette maladie, l'enjeu consiste aussi à simplifier le parcours des patients et leur vie quotidienne, ainsi que celle de leurs proches et des professionnels qui les prennent en charge. C'est là une des boussoles de mon action. Répondre aux besoins, renforcer la prévention, améliorer la qualité et la pertinence des parcours, accentuer la coopération entre les professionnels, notamment pour le traitement des patients atteints d'une pathologie chronique : tout cela est au cœur de l'action que je souhaite mener.
Je me pencherai sur les nominations à l'Oniam pour m'assurer de l'efficacité du circuit de prise en charge des dossiers. Croyez bien que je ne méconnais pas l'importance de cette pathologie ni la nécessité de continuer à l'affronter à pleins bras, avec la plus grande énergie.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures quarante, sous la présidence de Mme Caroline Fiat.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la ville et de la citoyenneté.
Mesdames et messieurs les députés, je suis malade et je peine à lire mon texte ; j'en appelle à votre…
Oui, à tolérance et à votre compréhension.
Sourires.
La loi du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales, loi dite About-Picard, a créé le régime juridique de la lutte contre les dérives sectaires. Ce texte a instauré le délit d'abus de faiblesse lié à un état de sujétion psychologique ou physique. Il s'agit d'un acquis important que nous devons préserver.
Près de vingt-trois ans plus tard, l'État se doit désormais d'adapter son organisation et sa réponse pénales pour tenir compte des transformations du phénomène des dérives sectaires. C'est un impératif auquel personne ne peut se soustraire.
C'est la raison pour laquelle j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui le projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires. Il faut adapter notre droit et, plus largement, nous battre avec une détermination sans faille pour prévenir les dérives sectaires, pour punir, et pour venir en aide aux victimes des mouvements sectaires. C'est tout le sens de la stratégie nationale pluriannuelle de lutte contre les dérives sectaires, diffusée en novembre 2023 à l'issue d'une concertation interministérielle d'ampleur. Cette stratégie nationale comprend treize objectifs et quarante mesures opérationnelles, parmi lesquelles le présent projet de loi.
Mesdames et messieurs les députés, je veux le dire avec clarté, parce que c'est ma conviction profonde : l'État ne lutte pas contre les croyances, les opinions ou les religions, mais bien contre toutes les formes de dérives sectaires, c'est-à-dire contre des comportements dangereux qui constituent des infractions pénales.
La République garantit la liberté de conscience, comme l'énonce l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi. » Nous y sommes profondément attachés.
En revanche, l'État protège ses citoyens contre le fléau des dérives sectaires qui constitue une menace pour notre cohésion sociale et dont les pratiques dangereuses font des milliers de victimes chaque année. Ce fléau est en constante évolution.
Ainsi, dans son dernier rapport d'activité, la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, la Miviludes, alerte sur les solutions miracles proposées par certains pseudo-thérapeutes contre des pathologies cancéreuses, comme des injections de gui, du jus de citron, ou encore sur des interruptions de soins de médecine conventionnelle qui peuvent être particulièrement dangereuses. Voilà ce à quoi nos compatriotes sont exposés.
Face à des charlatans, dont les méthodes d'embrigadement évoluent sans cesse, nous ne pouvons laisser les victimes et leurs proches seuls ; nous devons les protéger.
Rappelons les grandes tendances qui caractérisent actuellement les dérives sectaires.
Premièrement, ce phénomène ne cesse de prendre de l'ampleur : les signalements à la Miviludes ont doublé depuis 2010. Les difficultés sociales et la crise sanitaire ont accru les vulnérabilités de certains de nos concitoyens. Les signalements ne représentent certainement que la partie émergée de l'iceberg.
Deuxièmement, le phénomène s'est transformé en tirant profit du développement du numérique et des réseaux sociaux. À côté de ceux qui prétendent relever de la religion et continuent de sévir, de plus en de plus de petits groupes et de « gourous 2.0 » fédèrent de véritables communautés d'adeptes en ligne. En outre, la sphère complotiste, dont les thèses prospèrent sur la toile, se développe de manière préoccupante.
Face à ce constat inquiétant, le Gouvernement a mené une large concertation afin de faire émerger des propositions constructives. Je le disais, toutes les parties prenantes ont été réunies en mars dernier au ministère de l'intérieur et des outre-mer.
La stratégie nationale de lutte contre les dérives sectaires 2024-2027 est le fruit de ce travail d'une ampleur inédite. Elle se structure en trois axes : la prévention des risques de dérives sectaires, l'amélioration de l'accompagnement de proximité des victimes, et le renforcement de l'arsenal juridique.
Ce projet de loi, qui constitue la mesure phare de ce troisième axe, comprend bien sûr des dispositions répressives qu'il est nécessaire d'inscrire dans notre droit pénal, mais cela ne signifie nullement que le Gouvernement abandonne la prévention et l'accompagnement des victimes, comme certains l'ont déploré au cours des débats parlementaires. Parmi d'autres exemples, je mentionnerai simplement le doublement des effectifs de la Miviludes ces dernières années, et le soutien constant de l'État aux associations d'accompagnement des victimes, associations dont je tiens à saluer l'engagement.
Mesdames et messieurs les députés, madame la rapporteure, ce projet de loi a pour objectif une réforme majeure de notre dispositif juridique en matière de lutte contre les dérives sectaires. Il aura des effets importants tant sur la répression des auteurs que sur l'indemnisation et l'accompagnement des victimes.
L'ambition du Gouvernement est notamment, vous le savez, de créer deux nouveaux délits. Ainsi, l'article 1er crée un délit consistant dans le fait même de placer ou de maintenir une personne dans un état de sujétion psychologique ou physique, et l'article 4 crée un délit de provocation à l'abandon ou à l'abstention de soins, ou à l'adoption de pratiques dont il est manifeste qu'elles exposent la personne visée à un risque grave pour sa santé.
Nous pouvons nous féliciter collectivement que ces deux articles aient été rétablis par la commission des lois de l'Assemblée nationale.
La santé est devenue un enjeu majeur dans la lutte contre les dérives sectaires : elle fait l'objet de 25 % des signalements à la Miviludes. Il est donc essentiel de répondre, notamment grâce à la disposition prévue à l'article 4, à la prolifération de pratiques dangereuses pour la santé.
Par ailleurs, de manière cohérente avec la création du nouveau délit d'assujettissement psychologique et physique prévu à l'article 1er du projet de loi déposé par le Gouvernement, nous avons proposé, dans ce même texte, qu'une circonstance aggravante soit instaurée pour plusieurs crimes et délits – meurtres, actes de torture et de barbarie, violences, ou encore escroquerie – dès lors qu'ils sont commis dans un environnement sectaire. Rappelons qu'il n'existe pas actuellement de circonstances aggravantes en matière pénale liées à l'emprise sectaire. Je me réjouis également que ces dispositions aient été réintroduites par votre commission des lois, car elles doivent permettre d'adapter la réponse pénale au phénomène sectaire en réprimant les agissements concernés à la hauteur de ces méthodes d'emprise.
En complément, nous souhaitons renforcer l'accompagnement des victimes en donnant à plusieurs associations spécialisées la possibilité de se porter partie civile. Une procédure d'agrément par l'État établira la liste des associations autorisées.
Le projet de loi prévoit également une procédure de transmission obligatoire des condamnations et des décisions de contrôle judiciaire aux ordres des professions de santé, qui facilitera la prise de sanctions disciplinaires à l'encontre de praticiens déviants.
Enfin, l'information des acteurs judiciaires sur les dérives sectaires sera améliorée par une meilleure association des services de l'État, notamment la Miviludes. Les parquets ou les juridictions judiciaires pourront solliciter ces services, afin qu'ils leur fournissent, grâce à leur expertise, des informations utiles pour éclairer leur action.
À présent, je souhaite vous exposer plus en détail les objectifs de la création d'un nouveau délit d'assujettissement psychologique ou physique. Nous voulons agir en amont de l'abus de faiblesse, en sanctionnant le fait même d'assujettir une personne en exerçant des « pressions graves ou réitérées » ou des « techniques propres à altérer le jugement » – ces méthodes de sujétion sont déjà inscrites dans le code pénal.
Ce nouveau délit permettra de cibler la mécanique néfaste de l'embrigadement sectaire : elle détruit des personnalités, coupe les personnes de leur environnement familial et ruine leur santé, car elle ouvre la porte à tous les abus.
Nous cherchons ainsi à atteindre deux objectifs.
Premièrement, nous voulons remédier à l'insuffisance du cadre juridique pour appréhender les nouvelles formes de dérives sectaires que j'ai évoquées. La disproportion entre le faible nombre de procédures judiciaires engagées et la recrudescence des signalements à la Miviludes le montre. Les statistiques judiciaires font état d'une proportion importante d'affaires classées sans suite pour « infractions insuffisamment caractérisées » : c'est le cas de 186 affaires sur 586 entre 2017 et 2022. Nous constatons également un faible nombre de condamnations : sur 361 affaires instruites de 2017 à 2022, 95 se sont conclues par une condamnation. Cette situation n'est pas satisfaisante.
Deuxièmement, nous voulons améliorer l'indemnisation des victimes en reconnaissant mieux le préjudice corporel qui résulte de l'altération de la santé psychologique ou mentale des personnes sous emprise sectaire. En effet, l'assujettissement d'une personne n'est pas forcément suivi d'un abus frauduleux ou d'atteintes sexuelles, cependant cela entraîne fréquemment une altération grave de sa santé physique et surtout mentale.
Les séquelles peuvent se manifester de multiples manières : syndrome post-traumatique, dépression, perte d'autonomie, isolement social ou affectif extrême.
En l'état actuel du droit, la réparation par les tribunaux du préjudice sur la santé est plus qu'aléatoire. Les victimes sont parfois découragées par les difficultés du combat judiciaire. Les victimes doivent être bien mieux protégées et indemnisées – ce qui se fait aujourd'hui n'est pas suffisant. C'est l'ambition de la disposition prévue à l'article 1er du projet de loi.
Madame la rapporteure, je tiens à vous remercier particulièrement pour votre engagement constant pour protéger les victimes des dérives sectaires, notamment en rétablissant ce qui faisait l'essence de ce projet de loi dans sa version initiale. Vous animez depuis plusieurs mois un groupe de travail sur la prévention et la lutte contre les dérives sectaires, qui réunit régulièrement de nombreux députés. Nous vous en sommes extrêmement reconnaissants.
Vous avez également souhaité enrichir le texte de nouvelles dispositions, telles que la consécration de la Miviludes dans la loi.
Vous savez combien je suis attachée à l'importance du travail parlementaire. J'étais moi-même commissaire aux lois jusqu'à l'été dernier et j'ai une pensée particulière pour mes anciens collègues, que je remercie chaleureusement pour leur travail. Je salue ces évolutions qui complètent utilement les propositions du Gouvernement. Je me réjouis qu'elles aillent dans le sens de notre volonté commune de renforcer la lutte contre les dérives sectaires et de mieux protéger les victimes.
Au-delà des parlementaires, j'aimerais également remercier tous ceux qui s'engagent publiquement pour cette noble cause. Je pense bien sûr à l'ancien sénateur Nicolas About et l'ancienne députée Catherine Picard, auteurs de la loi de 2001, ainsi qu'à Georges Fenech, ancien député et ancien président de la Miviludes, qui a été un acteur central de ce combat et dont la voix continue de porter. Je remercie aussi l'ensemble des associations spécialisées qui agissent au quotidien pour venir en aide aux victimes et à leurs familles. Leur action est cruciale. Je vous le dis avec gravité : elles ont besoin de ce texte pour aider les victimes toujours plus nombreuses à se sortir de ces spirales néfastes.
Ce sujet nous rassemble et je m'en félicite. Mesdames et messieurs les députés, madame la rapporteure, grâce à ce projet de loi, le Gouvernement entend renforcer grandement la capacité de l'État à agir efficacement contre les dérives sectaires. Ce texte marque une étape importante du combat contre les dérives sectaires dans notre pays.
Nous devons répondre présent, d'autant que ce fléau nous concerne tous. En effet, chacune et chacun d'entre nous peut en être victime, car nous avons toutes et tous nos faiblesses et nos fragilités, quelle que soit notre histoire personnelle.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.
La parole est à Mme Brigitte Liso, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Il y a plus de vingt ans, le Parlement adoptait la loi dite About-Picard afin d'étoffer l'arsenal législatif de la République pour lutter contre les dérives sectaires ; tous avaient alors en tête le drame du Temple solaire.
Si les grandes organisations semblent moins faire parler d'elles, le phénomène sectaire et ses dérives n'ont, hélas, pas disparu, comme en témoigne la hausse des signalements constatée depuis 2015. Les nouvelles dérives sectaires reposent sur des groupes « mobile[s], changeant[s], impalpable[s] » et constituent un phénomène « à l'état gazeux » pour reprendre les termes de la Miviludes, tandis que les « gourous 2.0 » essaiment en ligne, touchent une audience toujours plus large en s'appuyant sur les craintes nées des crises successives, dont la crise sanitaire.
Cependant il s'agit avant tout de drames humains, qui n'arrivent pas qu'aux autres. Ils peuvent toucher un collègue, un voisin, une sœur, vous-mêmes ou moi-même. En effet, nous connaissons tous des moments de vulnérabilité ; des événements de la vie tels qu'une rupture, la maladie ou la perte d'un proche nous fragilisent.
Ces derniers temps, l'ésotérisme est presque devenu un mot séduisant, qui se pare d'une aura magique et prétend offrir un monde idéal à des Français de bonne foi. Babylone serait à la portée de chacun ; quoi de plus reluisant, quoi de plus tentant ? Pourtant, nombre de ces mains tendues ne sont pas bienveillantes. Derrière elles se cachent parfois des techniques de manipulation très élaborées, le plus souvent, pour ne pas dire toujours, motivées par un intérêt financier. Il n'existe pas de gourous altruistes.
Ces charlatans avancent masqués. Mais ne soyons pas naïfs : ces pratiques sectaires ne sont pas discutables ou seulement peu recommandables, elles sont criminelles.
Depuis trop longtemps, les dérives sectaires brisent des milliers de familles. À cet instant, je pense à tous ces enfants adeptes malgré eux ou aux mains de parents gourous ; nous ne pouvons pas les abandonner.
Je me réjouis donc du volontarisme du Gouvernement sur ce sujet, qui s'est d'abord traduit par l'organisation des assises nationales sur les dérives sectaires, initiées par Sonia Backès, que je veux saluer ici ,
Mme Stéphanie Rist applaudit
qui s'est ensuite concrétisé par la stratégie nationale de lutte contre les dérives sectaires.
Le projet de loi s'inscrit dans cette stratégie nationale, dont il déploie le troisième axe, à savoir le renforcement de l'arsenal juridique. À ceux qui jugeraient qu'il porte insuffisamment sur la prévention, je réponds que d'autres mesures sont prévues.
Le projet de loi comptait à l'origine sept articles. Le Sénat a supprimé ses principales mesures, et nous nous sommes attachés en commission à rétablir l'ambition initiale du texte, tout en conservant les dispositions de bon sens introduites par les sénateurs en effectuant des ajustements nécessaires.
L'article 1er A, introduit par le Sénat, confère à la Miviludes un statut législatif. Je me réjouis de cette mesure. Nous avons renforcé ce dispositif en commission afin de sécuriser le cadre d'action de la Miviludes sur le temps long.
Je profite de cet instant pour saluer l'action de la Miviludes, de son chef, M. Donatien Le Vaillant, ici présent, et de toutes ses équipes pleinement mobilisées, depuis plus de vingt ans, dans le seul objectif de protéger les victimes.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE – M. Arthur Delaporte et M. Benjamin Lucas applaudissent également.
Concernant l'article 1er BA, la commission a approuvé l'extension des compétences des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) à la lutte contre les dérives sectaires. Dans un esprit de dialogue interparlementaire, nous avons enrichi ce dispositif introduit par le Sénat en y adjoignant un volet intercommunal.
J'en viens à l'article 1er , qui contient l'une des deux plus importantes dispositions du texte. En quelques mots, voici son ambition. D'abord, il vise à distinguer formellement l'abus de faiblesse simple – auquel est étendue la circonstance aggravante de commission en bande organisée – de l'abus de faiblesse sectaire reposant sur l'état de sujétion de la victime. Les auditions ont mis en évidence que le fait de tout inclure dans le même article du code pénal était source de confusion.
Ensuite, il vise à créer une nouvelle incrimination afin de réprimer le placement ou le maintien d'une personne dans un état de sujétion susceptible d'altérer gravement sa santé. Les circonstances aggravantes permettront une meilleure sanction, notamment lorsque la victime est mineure ou vulnérable.
À mon initiative et à celle des groupes Renaissance, MODEM, Horizons et Socialistes, la commission a donc décidé de rétablir cet article, tout en l'enrichissant du contenu de l'article 1er B introduit au Sénat, qui a été supprimé par coordination.
De même, nous avons rétabli l'article 2 qui érige – comme je viens de le dire – l'état de sujétion d'une victime en circonstance aggravante pour certaines infractions. Grâce à l'introduction dans le texte de l'article 2 bis A, cette même circonstance aggravante a été étendue, à mon initiative, aux thérapies de conversion dont les liens avec les dérives sectaires ont été mis en évidence par la Miviludes.
Autre mesure très importante, l'article 3 étend le champ dans lequel les associations accompagnant les victimes de dérives sectaires peuvent se constituer partie civile. Nous avons en particulier enrichi cet article afin que les associations puissent plus facilement se constituer partie civile en cas de thérapie de conversion.
Lors de nos travaux en commission, nous avons aussi consolidé les apports du Sénat à l'article 4 A, qui instaure notamment une peine complémentaire de suspension du compte d'accès au service en ligne utilisé pour commettre certaines infractions en lien avec les dérives sectaires. Ce dispositif s'inspire de celui que notre Assemblée a récemment approuvé en votant, en octobre dernier, le projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique, dit SREN ; il l'adapte aux enjeux des dérives thérapeutiques à caractère sectaire commises en ligne.
J'en viens à l'article 4, disposition fondamentale, qui constitue une avancée majeure dans la lutte contre les dérives thérapeutiques à caractère sectaire. Cet article introduit deux nouveaux délits qui visent à interdire la promotion de pratiques dangereuses et l'incitation à abandonner un traitement médical, mettant gravement en péril la santé de la personne.
Je salue le rétablissement par la commission de cet article dans sa rédaction initiale. Comme je m'y étais engagée, nous avons entamé un travail de réécriture, afin de construire un article équilibré pour protéger les libertés publiques et sanctionner véritablement la diffusion de discours sectaires, notamment sur les réseaux sociaux. Au cours de nos débats, il nous appartient de travailler collectivement en ce sens.
Avant de poursuivre, permettez-moi de répondre ici à ceux qui, sur les réseaux sociaux ou au sein de cette assemblée, accusent l'article 4 d'être liberticide et d'attenter aux libertés individuelles.
Où est la liberté individuelle, quand un charlatan prétend guérir un cancer du sein avec un jeûne hydrique ?
Les personnes concernées sont le plus souvent en situation de vulnérabilité, voire sous emprise. Leur libre arbitre est donc déjà altéré.
Deuxième question, où est la liberté individuelle, quand on se livre totalement à un pseudo-praticien ?
La liberté s'arrête toujours là où commence celle des autres ; cela est valable pour toutes les libertés dont nous venons de parler.
Chers collègues, ce texte est destiné aux victimes, à leur famille et à ceux qui ont souffert. Il ne réparera pas leur traumatisme, qui restera gravé à vie dans leur chair, mais il leur permettra d'obtenir une reconnaissance et d'éviter que d'autres tombent aux mains de ces marchands de peurs.
Ce texte est inédit et essentiel ; s'il dérange, je m'en réjouis, parce que cela signifie qu'il est utile. Je salue ici les victimes, dont certaines sont en tribune, et je remercie les associations de terrain. Je défie quiconque aurait entendu ces victimes décrire leur vie sous l'emprise d'un organisme sectaire de ne pas voter ce texte.
Je suis certaine que ce projet de loi constitue le point de départ d'une prise de conscience collective. Nous devons tous nous réveiller, car– comme j'ai pour habitude de le dire –, il n'existe aucun gourou altruiste.
Certes, cette loi ne réglera pas tout. C'est à nous, parlementaires, qu'il revient de donner l'alerter et de créer une dynamique de prévention. À lui seul, ce texte est déjà un outil de sensibilisation. Je forme le vœu que, sur tous nos bancs, quelle que soit notre appartenance politique, nous soyons à la hauteur de ces enjeux afin de mieux protéger les Français.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-François Coulomme.
Nous sommes réunis pour examiner le projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l'accompagnement de ses victimes. Ce nouveau texte prétend enrichir et renforcer la loi About-Picard du 12 juin 2001, qui avait alors le titre et l'objectif plus ambitieux de « loi visant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales ».
Nous étions alors six ans après les meurtres et les suicides collectifs de la secte de l'ordre du Temple solaire, dont les adeptes avaient été convaincus de devoir rejoindre Sirius en aller simple. Un an après la loi About-Picard, succédant à la mission interministérielle de lutte contre les sectes (Mils), était créée la Miviludes, rattachée, depuis 2020, au seul ministère de l'intérieur. Alors, pourquoi légiférer de nouveau en 2024 ?
Entre 2020 et 2021, le nombre de saisines de la Miviludes dans le domaine de la santé a progressé de 25 %, jusqu'à atteindre le record de plus de 4 000 saisines. Selon la Miviludes, cette hausse s'explique par « la crise sanitaire de la covid qui a favorisé l'émergence de nouvelles mouvances et d'individus souhaitant tirer profit des personnes isolées, malades ou en perte de repères ».
À elle seule, la crise sanitaire n'explique pourtant pas la perte de repères généralisée qui est infligée à notre société tout entière, et, en particulier, aux classes modestes : la crise sociale, la crise environnementale et la crise démocratique sont autant de dangereuses dérives qui plongent les plus faibles d'entre nos concitoyens dans un désarroi exploité par des entreprises commerciales dont les pratiques s'apparentent davantage à de l'escroquerie en bande organisée qu'à la volonté de faire de leurs clients des adeptes de telle secte ou de telle religion.
Bien entendu, le groupe La France insoumise est vigilant face aux dérives sectaires, qui ont bien souvent des accointances avec l'extrême droite et les théories complotistes.
Toutefois, légiférer sur les dérives sectaires est un exercice difficile, qui doit nous maintenir sur la ligne de crête ténue entre le respect des libertés et le besoin de sécurité. Le respect absolu de la liberté de conscience et du libre examen de tout individu, comme la liberté de choix des pratiques médicales et thérapeutiques, doivent s'équilibrer avec la nécessaire protection de la santé physique et mentale, la protection des familles et la garantie de l'ordre public.
Ainsi, la sincérité de cette lutte contre les dérives sectaires ne doit pas consister à sanctionner, par la loi, les pratiques de soins complémentaires ou la consommation de produits phytothérapeutiques. Soulignons que, si l'État se voulait réellement protecteur en la matière, il interdirait immédiatement l'alcool et le tabac, et n'aurait pas fourni les autorisations précipitées de mise sur le marché du Mediator, de la Dépakine et de tant d'autres médicaments, qui ont causé de nombreux décès.
Ici encore, nous avons détecté les arrière-pensées clientélistes de votre projet de loi, qui vise à contraindre la société et les individus à renoncer à la libre disposition de leur corps, jusqu'à pénaliser les pratiques thérapeutiques ou de bien-être du choix de chacun, qui contrarieraient les avis et les choix d'experts agréés. Hélas, la médecine – que nous chérissons tous – n'est pas une science exacte ; les bénéfices des interactions humaines pour la santé ne sont plus à démontrer.
Par ailleurs, l'efficacité de la lutte contre les dérives sectaires ne consiste pas davantage à qualifier des croyances ou à les pénaliser ; elle consiste plutôt à combattre leurs dérives, lorsqu'elles ont des conséquences dommageables ou délétères pour soi-même ou pour la société.
Comme toujours avec votre gouvernement, nous pouvons douter de la sincérité de l'objectif affiché de vos lois – ce fut le cas avec votre infâme loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République. Au prétexte de faire respecter la laïcité, cette loi dite séparatisme stigmatisait d'autant plus une religion qu'elle trahissait et pervertissait la vertueuse loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État – alors qu'elle prétendait renforcer ce texte essentiel de la laïcité.
Le texte proposé ici ne répond donc à aucun des enjeux soulevés par toutes ces questions.
Pour La France insoumise, l'efficacité de la lutte contre les dérives sectaires est conditionnée par une véritable prévention, qui doit être dotée des moyens nécessaires. Je pense à la reconnaissance et à la formation des professionnels et des experts qui produisent de l'éducation populaire au quotidien, et au soutien aux associations qui défendent les victimes.
En l'occurrence, le Gouvernement retire aux associations reconnues d'utilité publique le droit de se porter partie civile dans des affaires en justice, au profit d'un agrément discrétionnaire. Quel projet motive ce sectarisme ? Ensuite, le Gouvernement veut agir sans dépenser le moindre euro. Or, quand les moyens de l'éducation, de la recherche, de la santé ou de la justice régressent, les dérives sectaires progressent.
Enfin, dans cette loi – comme dans toutes les lois macronistes sans budget –, nous assistons à une débauche d'aggravation des peines et des sanctions, qui menacent directement nos libertés fondamentales et justifient la construction de toujours plus de places de prison. Cette atteinte disproportionnée aux droits a été soulignée par le Conseil d'État, puis par le Sénat, sans que la minorité présidentielle revoie sa copie.
Aussi, les commissaires aux lois de La France insoumise ont voté contre la réintroduction de l'article 4, dont l'objet, trop vague, menace nos libertés, la liberté d'expression, la liberté de chacun de choisir la thérapie qu'il souhaite, et le droit impérieux de critiquer les dérives pharmaceutiques pour les lanceurs d'alerte.
Cette loi, sans moyens et sans budget, uniquement répressive, sera donc une loi sans résultat.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Selon la Miviludes, une dérive sectaire est « un dévoiement de la liberté de pensée, d'opinion ou de religion qui porte atteinte à l'ordre public, aux lois ou aux règlements, aux droits fondamentaux, à la sécurité ou à l'intégrité des personnes ». Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui, adopté par le Sénat en décembre dernier, vise précisément à renforcer la lutte contre ces phénomènes.
Il aborde l'évolution de ces dérives, notamment dans les domaines de la santé, de l'alimentation, du bien-être, du développement personnel, et de la formation, après qu'elles ont été exacerbées par la crise sanitaire et l'essor du numérique. Il renforce les poursuites pénales et améliore l'accompagnement des victimes, et il vise à protéger la santé publique et à sanctionner les pratiques dangereuses en matière de soins. Les députés du groupe Les Républicains estiment donc que ce texte est le bienvenu face au nombre croissant de dérives et à l'élargissement du champ d'action des nouveaux gourous.
Pour rappel, on constate, d'une part, une hausse de 86 % des signalements à la Miviludes en 2021 par rapport à 2015 et, d'autre part, de nouvelles formes de dérives sectaires. En effet, une multitude de groupes ou d'individus investissent aujourd'hui les champs de la santé et du bien-être. On constate enfin l'usage des réseaux sociaux par des gourous 2.0 qui contestent la véracité scientifique des traitements – ce phénomène s'est amplifié depuis l'épidémie du covid-19. Aussi, les députés du groupe Les Républicains partagent l'inquiétude du Gouvernement quant à l'explosion de ces dérives.
Cet état des lieux établi, je souhaiterais relever les points les plus marquants du texte. D'abord, le projet de loi initial du Gouvernement était essentiellement focalisé sur la réponse pénale, au détriment des actions de prévention et de renforcement des moyens de la justice et des services enquêteurs spécialisés.
Nos collègues sénateurs ont enrichi le texte et ils ont supprimé les mesures inutiles ou portant atteinte aux libertés publiques – mesures que la commission a rétablies, ce que nous déplorons.
Je pense à l'article 1er relatif aux infractions de sujétion psychologique ou physique, qui risque d'entraîner des confusions dommageables dans l'application du droit pénal notamment dans le domaine de la lutte contre les violences faites aux femmes et contre les violences intrafamiliales.
Je pense également à l'article 2, qui vise à faire de l'abus de vulnérabilité une circonstance aggravante pour certaines infractions. Supprimé par le Sénat, il a lui aussi été rétabli par notre commission.
Quant à l'article 4, il tend à créer deux nouveaux délits : celui de promotion de pratiques dangereuses et celui d'incitation coupable à abandonner un traitement médical. Face à un sujet aussi grave, nous nous devons de faire preuve de responsabilité et de vigilance, et de nous placer sur le strict terrain du droit.
S'il nous semble impératif de lutter plus fermement contre les dérives sectaires, il n'est pas souhaitable pour autant de proposer de fausses solutions aux victimes, ou de légiférer en l'absence de nécessité avérée, au risque de fragiliser tout l'arsenal pénal existant. Appliquons les lois en vigueur et donnons aux acteurs les moyens opérationnels pour agir concrètement contre ces dérives. Les députés Les Républicains estiment qu'au-delà de son caractère superfétatoire, l'article 4 pose des difficultés d'ordre juridique et constitutionnel – le Conseil d'État en a d'ailleurs fortement critiqué la rédaction, qui lui a semblé attentatoire aux libertés sans garantir une réelle efficacité. Il nous appartiendra, au cours de nos débats en séance, de trouver les voies et moyens de consolider notre droit en rendant les sanctions existantes plus efficaces.
Pour terminer, la chambre haute a complété le texte, qui souffrait de quelques angles morts. Tout d'abord, la création d'un véritable statut législatif pour la Miviludes assure la reconnaissance de ses missions dans le temps et la protège, ainsi que les personnes effectuant des signalements, contre les procédures abusives. Le Sénat a également renforcé les sanctions de différentes infractions – abus de faiblesse, exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie, ou pratiques commerciales trompeuses – lorsqu'elles sont commises en ligne. Enfin, pour protéger plus efficacement les mineurs victimes de dérives sectaires, il a modifié les délais de prescription de l'action pénale et renforcé les sanctions applicables en cas d'isolement social.
Au-delà de la consolidation et de la sécurisation juridique du statut de la Miviludes, ces ambitions passent aussi par le renforcement de ses moyens, aujourd'hui réduits à 500 000 euros. Les députés du groupe Les Républicains saisissent cette occasion pour saluer l'action de leur ancien collègue, Georges Fenech, qui fit beaucoup pour le développement de la Miviludes…
Désireux que les débats sur ce sujet de société soient empreints de la sagesse de nos collègues sénateurs et débouchent sur des solutions toujours plus efficaces pour lutter contre les dérives que ce projet de loi dénonce à juste titre, les députés du groupe Les Républicains soutiendront ce texte, en s'opposant néanmoins à la réintroduction, par la majorité, des mesures juridiquement fragiles que j'ai évoquées – notamment à celles de l'article 4.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Le 2 novembre 2023, la Miviludes dévoilait un rapport alarmant qui doit toutes et tous nous inquiéter. On y découvre que le pays a connu un accroissement inédit des agissements à caractère sectaire en 2021 : la Miviludes a ainsi reçu 4 020 saisines cette année-là, en augmentation de 33,6 % par rapport à l'année précédente.
Identifiées dans les rapports parlementaires dès les années 1990, les dérives sectaires ne sont pas un phénomène récent, mais les nouveaux moyens de communication ont rendu leur diffusion massive et difficilement contrôlable. Ce projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires est donc la marque d'un regain d'intérêt – nécessaire et attendu – des pouvoirs publics, en matière de lutte contre un phénomène qui se renforce un peu plus chaque jour, et dont les conséquences sur la santé physique et psychique ne sont plus à démontrer.
Néanmoins, cette lutte contre les dérives sectaires ne saurait en aucun cas stigmatiser les pratiques dites non conventionnelles et la recherche du bien-être, et encore moins entraver la liberté d'accepter ou de refuser un traitement médical spécifique, ou de choisir un autre type de traitement. Comme la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) le rappelait dans un arrêt du 10 juin 2010, il s'agit là d'une liberté essentielle à la maîtrise de son propre destin et à l'autonomie personnelle, en l'absence de pressions inappropriées. Il est donc nécessaire de protéger à la fois les victimes des dérives et les praticiens honnêtes, en sanctionnant davantage et plus efficacement les personnes mal intentionnées.
Je tiens également à rappeler l'importance des articles 1er , 2 et 4, sans lesquels le texte, complètement vidé de sa substance, n'aurait plus d'intérêt et laisserait les nombreuses victimes dans le désarroi le plus total.
Sans la création d'une infraction autonome, la lutte contre les dérives sectaires sera vaine. Indépendamment de tout abus éventuel, le simple placement ou maintien dans un état de sujétion psychologique ou physique susceptible d'altérer gravement la santé doit être spécifiquement sanctionné – une volonté partagée par la Miviludes et les associations qui œuvrent sur le terrain. Est-il vraiment nécessaire de rappeler toutes les horreurs survenues sur fond de dérives sectaires – meurtre, viol, torture et autres actes de barbarie – pour insister encore sur la nécessité de maintenir dans le texte la création de circonstances aggravantes dont la gravité justifie précisément des sanctions plus lourdes.
Les nombreuses dérives sectaires portent également atteinte à la santé des victimes, notamment lorsque celles-ci arrêtent des traitements médicaux, en particulier lorsqu'il s'agit de pathologies graves. Si les médecines dites non conventionnelles ne sont pas un problème en soi – au contraire, elles sont même très souvent un complément essentiel au bien-être des personnes –, il incombe à leurs praticiens d'informer les patients de toutes les conséquences possibles sur leur santé, et de s'assurer que ces derniers font un choix libre et éclairé.
C'est pourquoi il est nécessaire de créer un nouveau délit sanctionnant la provocation à l'abandon ou l'abstention de suivre un traitement médical thérapeutique ou prophylactique, alors que cet abandon ou cette abstention est manifestement susceptible, en l'état des connaissances médicales et compte tenu de la pathologie de la personne visée, d'entraîner pour elle des conséquences graves pour sa santé physique ou psychique, ou la provocation à adopter des pratiques présentées comme ayant une finalité thérapeutique ou prophylactique, alors qu'il est manifeste que ces pratiques, en l'état des connaissances médicales, exposent la personne visée à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente.
Je salue donc le rétablissement, par la commission des lois, de ces articles ô combien essentiels, ainsi que le travail de Mme la rapporteure, qui a permis d'aboutir à un texte à la fois protecteur et garant des libertés individuelles.
Un point d'alerte avant de conclure : le Gouvernement doit porter une attention particulière à la situation des enfants victimes des dérives sectaires. La nécessité de protéger les mineurs de l'emprise sectaire est une exigence pour les pouvoirs publics et un devoir pour toutes et tous. Il sera donc nécessaire de renforcer la prévention et la protection des mineurs car leur jeune âge en fait la population la plus fragile face à ces dérives.
Pour toutes les raisons que je viens d'évoquer, le groupe Démocrate votera en faveur de ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe RE.
…ce serait réglé rapido. Bain froid et jeûne pour tout le monde, un petit peu de jus de carottes et vas-y que je t'envoie. » Ces mots sont ceux prononcés en pleine pandémie de covid-19 par Thierry Casasnovas, un gourou qui, bien que n'étant pas un influenceur issu de la téléréalité, est suivi par pas moins de 800 000 abonnés sur Youtube, où le millier de vidéos qu'il a postées portent des titres pour le moins explicites – « Dieu parle-t-il au travers de moi ? », « Soigner naturellement l'arthrose ? + le jus des cartilages » ou encore « Perte de cheveux : comment faire jeûner son cuir chevelu ? ».
Les sectes sont évidemment un phénomène ancien – nous avons tous en tête le stéréotype de gourous reclus dans des villages forcément autogérés. Mais les dérives sont protéiformes : elles inondent nos plateformes numériques, prennent parfois l'aspect de stages de yoga ou d'adhésion à un club de sport. Leur popularité peut même se trouver parfaitement institutionnalisée, comme en témoigne le cas de Thierry Casasnovas, qui publie comme un créateur de contenu classique des vidéos qui vantent pourtant le caractère miraculeux d'un jus de légumes. Le numérique permet un essor de ces dérives : c'est l'une des raisons qui nous amènent à considérer que ce projet de loi est le bienvenu.
Malgré des manques évidents en matière de moyens pour la Miviludes, les enquêteurs et la justice spécialisés, mais aussi en matière de prévention, d'accompagnement éducatif et de protection des victimes – qui nécessiterait une prise en charge automatique et digne de ce nom par l'État –, nous le soutenons, car le renforcement des sanctions contre les gourous et celui de la protection des victimes sont indispensables à la politique de lutte contre les dérives sectaires. Notre assemblée doit envoyer un message clair : les charlatans qui s'enrichissent sur le dos de leurs victimes devront être punis, et ces dernières mieux protégées et mieux indemnisées.
Néanmoins, ce texte repose sur un équilibre précaire, et toute tentative d'amoindrir ce qu'il lui reste de force, sous la pression de celles et ceux qui ont tant intérêt à ce qu'il ne soit pas adopté, serait malvenue, non seulement pour nous, pour l'image de notre assemblée, mais aussi – évidemment et avant tout – pour la protection de la santé et de la vie de nos concitoyens.
Cela étant clair, je souhaite rassurer les nombreuses personnes qui nous ont inondés de mails, ces derniers jours, pour nous alerter sur le caractère prétendument attentatoire à nos libertés du texte. « Ce qui est reproché aux sectes actuelles, c'est de faire de l'individu un pur moyen pour un pouvoir dont il est exclu et pour le bénéfice de quelques-uns voire d'un seul » écrivait Jacques Michel, professeur spécialiste du sujet, ajoutant : « Ces groupes opposent, à l'accusation qui leur est faite d'abuser des personnes et aussi de leurs biens, le principe de la liberté de conscience, se promouvant alors au rang de mouvements moraux, philosophiques ou religieux, empruntant il est vrai souvent et spécialement aux religions des éléments de leurs motifs, de leurs règles ou même de leurs cultes. En bref, se plaçant sous la protection des principes de liberté de conscience et de culte, et plus généralement sous celle des droits de l'homme, ils opposent à leur examen par le droit positif une sorte de fin de non-recevoir, considérant qu'ils ne relèvent pas du jugement profane. Et c'est bien sur ce point que se forme la question sectaire : dans le rapport au droit. »
Ici, chers collègues, nous créons le droit. Ce texte n'est évidemment nullement l'occasion de restreindre une quelconque liberté, pas plus la liberté de croyance que la liberté religieuse ou la liberté d'expression. Nous ne condamnons aucun discours a priori et, faut-il le répéter encore, nous chérissons – les socialistes, en particulier – les droits fondamentaux qui font de notre pays celui du droit. Je saisis cette occasion pour rendre hommage à Robert Badinter, qui a été un grand défenseur de ces droits fondamentaux.
Cependant, que dire de ces phénomènes sur TikTok, comme celui assurant que la communication animale, qui s'effectuerait par télépathie et nécessiterait de se mettre sur la même fréquence que l'animal, mort ou vivant ? Une telle séance de communication animale coûte entre 50 et 300 euros, et évidemment, il est également possible de payer une formation. Que dire encore de la mouvance à tendance mystique, également très présente sur TikTok, du divin féminin qui prône la reconnexion avec les énergies féminines pour rompre avec le patriarcat – c'est, par exemple, le cas du groupe Twin Flames Universe ?
Parce que nous refusons que le marché des sectes se développe, parce que nous sommes aux côtés des victimes, parce que nous avons besoin d'un arsenal législatif renforcé, nous ne pouvons qu'encourager le débat. Ne cédons pas à celles et ceux qui préfèrent l'obscurantisme à la science, à celles et ceux qui prônent la pseudo-science pour alimenter un business juteux : protégeons nos concitoyens, c'est une nécessité.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et LFI – NUPES.
Comme nous le rappelait Voltaire, « toute secte, en quelque genre que ce puisse être, est le ralliement du doute et de l'erreur ».
Les dérives sectaires et la lutte contre ce phénomène sont des enjeux de cohésion sociale, mais aussi de santé et d'ordre publics. Elles constituent un dévoiement de la liberté de pensée, d'opinion ou de croyance qui porte atteinte à l'ordre public, aux droits fondamentaux, à la sécurité ou à l'intégrité des personnes. Si ce dévoiement est parfois difficile à détecter ou à qualifier, car la liberté de pensée et la liberté de conscience sont au cœur de nos valeurs fondamentales, une frontière est systématiquement franchie lorsque l'on parle de dérives sectaires : elles ont, pour les victimes, des conséquences physiques ou psychologiques graves.
En 2001, la loi About-Picard est venue renforcer notre arsenal législatif, réprimant notamment, dans le respect du pluralisme et de la liberté de conscience, l'abus de faiblesse par sujétion psychologique. Plus de vingt ans plus tard, les dérives sectaires ont profondément évolué : aux groupes à prétention religieuse ou spirituelle se sont ajoutées une multitude d'entités qui investissent les champs de la santé, de l'alimentation, du bien-être, du développement personnel, du coaching ou de la formation. Des gourous 2.0 autoproclamés diffusent désormais leur doctrine sur les plateformes numériques, fédérant autour d'eux de véritables communautés. En entraînant une crise de confiance envers la science et la parole médicale, la crise sanitaire a constitué un catalyseur de ces dérives,…
…dont la nature, les modes opérateurs et l'ampleur évoluent. Comme le disait André Frossard, « on va chercher dans les sectes un peu de cette chaleur que produisent les inquiétudes et les désarrois partagés dans un monde gagné par le froid de l'indifférence ».
Suite à l'accroissement préoccupant des saisines de la Miviludes, le Gouvernement s'est emparé de ce phénomène, qui n'épargne personne. Les premières assises nationales de la lutte contre les dérives sectaires, organisées en mars 2023, ont ainsi servi de socle à l'élaboration d'une ambitieuse stratégie nationale pluriannuelle visant à prévenir plus activement les risques de dérives sectaires et à renforcer l'accompagnement des victimes.
Outre la prévention, il semble aujourd'hui indispensable de renforcer notre arsenal législatif, afin de mieux prendre en compte l'évolution des techniques employées dans le cadre des dérives sectaires. Le projet de loi présenté par le Gouvernement contient des dispositifs essentiels pour mieux réprimer les nouvelles formes d'emprise, en particulier en matière de santé, d'accompagnement des victimes dans leurs démarches judiciaires et de répression des praticiens déviants et reconnus comme tels par la justice.
Le groupe Horizons se félicite de la réintégration, en commission des lois, des articles 1er et 2, qui visent à créer un nouveau délit de sujétion et à introduire une circonstance aggravante étendue à plusieurs crimes et délits, afin de mieux tenir compte des particularités et des évolutions des dérives sectaires. En effet, en l'état du droit, celles-ci sont sanctionnées comme des abus de faiblesse, caractérisés à raison de la vulnérabilité de la personne et de la gravité du dommage causé.
Or, il ressort de l'étude d'impact, confirmée par les auditions de notre rapporteure, qu'une certaine confusion s'est établie entre l'abus de faiblesse classique et les abus commis dans un univers sectaire, et cela d'autant plus que les enquêteurs et magistrats ayant à connaître de tels faits peuvent en avoir une expérience limitée. L'autonomisation de l'infraction apparaît donc nécessaire, puisqu'elle permettra de réprimer des comportements qui engendrent par eux-mêmes des dommages graves pour les personnes, sans avoir à constater un abus frauduleux de l'état de la victime. Ce nouveau délit prend ainsi mieux en compte la spécificité de l'emprise sectaire et permettra d'améliorer la reconnaissance du préjudice et l'indemnisation des victimes.
Outre la question de l'opportunité, le Sénat s'inquiétait que la création d'une nouvelle infraction conduise à une fragilisation des dispositifs applicables aux violences intrafamiliales. Là encore, les auditions ont montré que son périmètre couvrirait essentiellement les phénomènes sectaires.
Nous nous réjouissons également de la réintégration de l'article 4. Il vise à répondre à un enjeu de santé publique en créant un nouveau délit réprimant la provocation à l'abandon ou à l'abstention de soins et à l'adoption de pratiques dont il est manifeste qu'elles exposent la personne visée à un risque grave ou immédiat pour sa santé. Les questions de la santé, du bien-être, des soins et de l'alimentation constituent un enjeu majeur dans la lutte contre les dérives sectaires.
En commission, nous nous sommes employés à tenir compte du travail des sénateurs et des remarques du Conseil d'État, afin d'aboutir à une première rédaction équilibrée qui réponde à la fois à des objectifs de préservation des plus vulnérables mais aussi des libertés fondamentales, comme la liberté d'expression.
Néanmoins, l'article 4, tel qu'adopté en commission, n'intègre pas un alinéa qui nous semble essentiel à sa sécurisation juridique. En effet, afin de limiter le risque d'inconstitutionnalité, le Gouvernement avait souhaité préciser, dans l'amendement de réintégration qu'il a présenté au Sénat, que l'infraction de provocation à l'abandon de soins ne serait pas constituée si la personne concernée a pu exprimer une volonté libre et éclairée de remplacer un traitement par un autre, alors même qu'elle était consciente des risques qui pouvaient survenir. Cette disposition est essentielle à la préservation de la liberté de conscience et nous soutiendrons une modification du texte en ce sens lors de nos débats. Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe Horizons et apparentés votera en faveur de ce projet de loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, et sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Il m'est impossible de monter à cette tribune sans saluer la mémoire de Robert Badinter qui fit régner le verbe fort et beau des convictions humanistes. Avec sa disparition, nous perdons un héros de la République et un géant de la justice.
Nous discutons aujourd'hui d'un texte relatif à la lutte contre les dérives sectaires. Il s'agit là, je crois, d'un objectif que nous partageons toutes et tous ici, quelles que soient nos convictions politiques. L'outil le plus précieux dont nous disposons pour faire face à ce phénomène est la Miviludes. Je tiens aujourd'hui à saluer son action essentielle, celle de l'ensemble des personnes qui y travaillent et qui œuvrent quotidiennement au service des Françaises et des Français, malgré une réduction de ses effectifs.
Instituée auprès du Premier ministre en 2002, elle passe dans le giron du seul ministère de l'intérieur le 15 juillet 2020, par un rattachement au secrétaire général du comité interministériel pour la prévention de la délinquance et de la radicalisation (SG-CIPDR). La Miviludes a été considérablement affaiblie par la majorité présidentielle au moment même où, avec la crise du covid, elle voit exploser le nombre de signalements, soit une hausse de 33 % entre 2020 et 2021 et une augmentation de 86 % depuis 2015.
Outre la croissance des signalements, la Miviludes enregistre des demandes aux formes nouvelles, liées notamment à l'usage du numérique et des réseaux sociaux. Je veux saluer ici le travail de mon collègue Arthur Delaporte pour lutter contre les dérives des influenceurs. Compte tenu de la croissance rapide et continue des signalements et des nouvelles formes de dérives observables depuis quelques années, il est utile de légiférer en la matière : c'est une question de santé publique et de sécurité de nos concitoyens.
Toutefois, quand on examine ce texte, force est de constater que le compte n'y est pas. Le rattachement de la Miviludes à la seule place Beauvau est délétère. Le projet de loi se limite à une augmentation des sanctions pénales qui, à elles seules, ne parviendront jamais à endiguer le phénomène. Nous l'affirmons pour tous les sujets et cela vaut aussi pour celui-ci : aucun problème ne peut se réduire à sa seule facette pénale. C'est aborder la question par le petit bout de lorgnette. Avec vous, nous en avons malheureusement pris l'habitude.
Je pense que le Gouvernement n'a pas bien lu le rapport d'activité de la Miviludes de 2021. Alors permettez-moi, chers collègues, d'en citer simplement le titre de la troisième partie : « Prévenir et combattre le phénomène sectaire : la coordination de l'action préventive et répressive des pouvoirs publics ». Dans une période de réarmement tous azimuts, le Gouvernement ne retient que le volet « combattre ». Exit la prévention, dont la nécessité est pourtant rappelée régulièrement depuis la loi About-Picard de 2001.
S'il faut effectivement combattre les dérives sectaires, il faut aussi les prévenir. Or vous avez scindé en deux ces principes qui doivent aller de pair. Il faut une vision globale du phénomène, associer divers partenaires, notamment les acteurs de la santé, puisque la Miviludes alerte de plus en plus sur les dérives relatives aux questions de santé et de bien-être. Mais non : rien ou presque rien ! Pourquoi, dans le cadre des lectures de ce texte au Parlement, une place plus importante n'est-elle pas accordée au ministère de la santé ?
Que dit l'augmentation des signalements des dérives sectaires liées à la santé et au bien-être ? Que les Françaises et les Français sont préoccupés par la protection de leur santé et qu'il existe des manques en la matière. Cela traduit également, après une période de pandémie mondiale, une perte de confiance de nos concitoyens dans la parole scientifique et la médecine. La seule réponse pénale aux abus ne parviendra pas à répondre au problème de fond : c'est traiter uniquement les conséquences d'un phénomène, plutôt que de traiter la cause à la racine.
Prévenir, c'est aussi accorder une part importante à la santé dans le parcours de vie des Françaises et des Français. Il faut accompagner nos concitoyens pour leur éviter de tomber sous l'emprise d'individus non professionnels, qui abusent d'une perte de confiance dans la médecine conventionnelle et d'une offre de soins insuffisante. Prévenir, c'est aussi mettre l'école au cœur de la réflexion sur les dérives sectaires. Pourtant, le Gouvernement n'a engagé aucune réflexion sur la prise en charge des enfants et la prévention des dérives sectaires au sein des établissements scolaires.
Nous regrettons aussi, à la lecture de ce texte, l'absence de dispositions relatives à la formation des professionnels amenés à prendre en charge les victimes de dérives sectaires, je pense notamment aux magistrates et aux magistrats.
Malgré tout, ce texte n'est pas inutile. Il réaffirme l'urgence qu'il y a à légiférer en matière de dérives sectaires pour la protection de nos concitoyens. Il va dans le sens d'une prise en compte des nouvelles évolutions des phénomènes sectaires, avec notamment ce qu'on nomme parfois les gourous 2.0. Enfin, il intègre une réflexion sur la définition de la dérive sectaire avec une précision qui empêche toute confusion avec l'abus de faiblesse.
Ce texte n'est pas complètement satisfaisant, pour de nombreuses raisons. Si le groupe Écologiste souhaite le voter, il faudrait néanmoins que le secret médical soit protégé, que l'article 4 ne soit pas amoindri, par exemple par l'amendement n° 152 de la rapporteure, et enfin, il faudrait ne pas empêcher l'action salutaire des lanceurs d'alerte – ainsi, je vous invite à voter l'amendement n° 41 de M. Delaporte.
Cet amendement est satisfait !
Mme Sandrine Rousseau, M. Mickaël Bouloux et M. Frédéric Mathieu applaudissent.
Les dérives sectaires restent aujourd'hui un phénomène prégnant et préoccupant dans notre pays. Des centaines de milliers de nos concitoyens sont concernés directement ou indirectement par ces problématiques. Si le phénomène n'est pas nouveau – la prise de conscience du danger représenté par les dérives sectaires en France remonte aux années 1970 – la Miviludes constate, depuis une dizaine d'années, un accroissement alarmant du phénomène sectaire.
Dans son rapport annuel 2020-2021, la Miviludes fait état d'une augmentation continue, d'une année sur l'autre, du nombre des saisines : plus de 33 % entre 2020 et 2021, plus de 44 % entre 2018 et 2021 et plus de 86 % entre 2015 et 2021. Ces chiffres ne représentent sûrement que la partie visible de l'iceberg. La crise sanitaire a intensifié ce phénomène qui s'est largement diversifié sur l'ensemble du territoire, y compris en outre-mer, où nous ne sommes pas préservés.
De nouvelles dérives sectaires sont apparues dans le contexte de l'épidémie de covid-19 – théories complotistes, courants apocalyptiques… – en particulier sur les réseaux sociaux. Des manipulateurs, des gourous qui se disent guérisseurs ou coachs de vie, discrets et parfaitement autonomes, ont ainsi propagé leur doctrine sectaire, grâce à internet et aux réseaux sociaux, dans les domaines de la santé, du bien-être ou de l'alimentation. Face à ces évolutions préoccupantes, nous ne pouvons que partager votre volonté d'informer et de sensibiliser davantage aux dangers de ce phénomène qui fait des milliers de victimes chaque année – victimes directes, mais aussi familles et amis entraînés dans ces dérives. Renforcer la lutte contre les dérives sectaires et les violences qu'elles engendrent constitue à la fois un enjeu de cohésion nationale, de santé et d'ordre public.
Si nous soutenons donc pleinement l'objectif de ce projet de loi, nous partageons également le scepticisme des associations face à ce regain d'intérêt du Gouvernement après des années d'inaction. Rappelons tout de même que la Miviludes, créée en 2002, a connu un déclin, voire un abandon progressif des pouvoirs publics. La Cour des comptes notait ainsi en 2017 que « ses ressources budgétaires au demeurant très modestes ont été sensiblement réduites au cours des dix dernières années ». Surtout, on a pu craindre en 2020 sa disparition pure et simple. Cet organisme n'a dû son maintien qu'à l'ampleur des protestations contre sa disparition.
Nous nous réjouissons ainsi du statut législatif conféré à la Miviludes dans ce texte. Cela permettra d'inscrire sa mission dans la durée et de conforter sa vocation interministérielle. Nous nous interrogeons cependant sur la volonté de ne pas mentionner directement dans la loi le nom de cette administration. Nous resterons vigilants sur ce point afin que le principe de la consécration législative de la Miviludes ne soit pas remis en cause.
De même, nous regrettons que la commission des lois ait réintégré les articles 1er , 2 et 4 de la loi. S'agissant de l'article 4, qui réprime la provocation à l'abandon de soins ou à l'adoption de pratiques dont il est manifeste qu'elles exposent la victime à un risque grave ou immédiat pour sa santé, nous ne pouvons souscrire à la formulation retenue en l'état. Certes, il est nécessaire de lutter contre les gourous en ligne qui incitent les jeunes à des régimes dangereux pour la santé ou qui dissuadent les malades du cancer de poursuivre leur chimiothérapie pour préférer quelques pratiques douteuses. En revanche, nous devons aussi protéger les lanceurs d'alerte et la liberté d'expression. On peut se demander, au vu de la rédaction actuelle de l'article 4, si Irène Frachon n'aurait pas été poursuivie pour avoir dénoncé le scandale du Mediator.
Mme Sandrine Rousseau applaudit.
Non !
Cette interrogation est légitime. Nous ne sommes pas les seuls à nous poser cette question. Le Conseil d'État lui-même a souligné que cette nouvelle infraction n'était ni nécessaire ni proportionnée et comportait des risques d'atteintes à la liberté d'expression. De façon générale, il a rendu un avis très critique sur plusieurs dispositions du texte, soulignant l'absence de nécessité de légiférer ou les risques constitutionnels. Nous souscrivons à cette analyse et nous voterons contre l'article 4 dans sa formulation actuelle.
Globalement, nous considérons que notre arsenal pénal pour lutter contre les dérives sectaires est suffisant, mais on ne peut sans doute pas en dire autant de la lutte contre l'installation et le développement des mouvements sectaires. J'en veux pour preuve l'installation à Saint-Denis, en région parisienne, du siège de l'Église de scientologie sur une surface de plus de 7 000 mètres carrés – installation que l'état actuel du droit n'a pu empêcher, pas plus que ce projet de loi, qui est muet en l'espèce, ne le pourrait.
Il est urgent d'octroyer des moyens matériels et humains pour prévenir et lutter contre les dérives sectaires. Pour toutes ces raisons, vous comprendrez que nous ne pourrons pas voter en faveur de ce texte.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et LFI – NUPES.
Il y a une emprise sectaire. Les sectes qui ont prospéré par le passé continuent de se développer. Par l'intermédiaire des réseaux sociaux, de nos téléphones et nos écrans, elles s'immiscent dans la vie quotidienne de certains Français. Tout cela paraît évident.
Nous devons donc faire preuve de vigilance, et le présent projet de loi devra permettre de réprimer les méthodes d'emprise, de sujétion et d'embrigadement élaborées par les sectes.
Dans le cadre de cette lutte contre les dérives sectaires, je tiens à souligner le rôle des associations de victimes et de prévention qui, je le sais, suivent assidûment nos débats. Je salue leur combat, qui a conduit à une réelle prise de conscience et nous amène finalement à légiférer.
Indépendamment des mesures qui seront adoptées, le groupe LIOT tient à mettre en garde quant à la faiblesse des moyens engagés pour éradiquer les sectes. En vingt-deux ans, la Miviludes a démontré toute son utilité, mais elle ne dispose pas de crédits suffisants ; derrière les lois et les déclarations politiques, il faut que les moyens suivent ! Notre groupe soutient donc l'inscription dans la loi de son statut et de ses missions.
Par le passé, les rumeurs de dissolution de la Miviludes puis son rattachement au ministère de l'intérieur avaient suscité de nombreuses inquiétudes. Son inscription dans la loi a le mérite de la clarté, mais nous déplorons un recul : son caractère interministériel a disparu du projet de loi. Ma collègue Béatrice Descamps, très engagée sur le sujet, défendra donc un amendement visant à le rétablir et à renforcer les missions de la Miviludes.
Une autre innovation introduite par le texte a trait au renforcement du rôle des associations : il ouvre à toutes les associations agréées la possibilité de se constituer partie civile. Notre groupe demande un véritable assouplissement des critères d'agrément, afin d'ouvrir la voie aux associations.
J'en viens au volet le plus sensible : le renforcement de la réponse pénale. En dépit des réserves du Sénat, notre groupe comprend la nécessité de l'article 1er , qui permet de cibler spécifiquement l'état de sujétion, indépendamment de tout abus. Ce délit autonome permettra surtout d'assurer une meilleure indemnisation des victimes ; nous y sommes favorables, mais cela ne nous empêche pas de souligner l'imperfection de la rédaction proposée.
Enfin, comme dans chacun des textes que vous nous soumettez, on trouve dans ce projet de loi un article qui fait figure de mouton noir et s'attire toutes les critiques : en l'espèce, il s'agit de l'article 4. Nombre d'entre nous ont été sollicités et alertés par des concitoyens à propos de la création d'une nouvelle infraction réprimant la provocation à l'abstention ou à l'abandon de soins. Entendons-nous bien : l'objectif est louable. Mais en l'état, un tel article est un danger pour notre liberté d'expression, et nous nous y opposerons donc.
Tous ceux qui ont pris le temps de lire son avis pourront reconnaître que le Conseil d'État, qui est habituellement plutôt diplomate, ne l'a pas été en cette occasion.
Il estime que la mesure est non nécessaire, disproportionnée, inconstitutionnelle, inconventionnelle, et qu'elle porte atteinte à l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Il ne pouvait pas faire plus négatif ! Pire, le Conseil d'État indique que le Gouvernement ne lui a pas laissé le temps de proposer une rédaction alternative plus solide. Ce n'est pas un travail sérieux !
En l'état de sa rédaction, le texte, s'il n'est pas modifié, risque donc de susciter des recours auprès du Conseil constitutionnel. Peut-être est-ce une nouvelle mode de légiférer sous l'œil attentif et sévère du Conseil constitutionnel, mais il serait préférable que nous proposions une rédaction susceptible de convenir à tous. Pour les législateurs que nous sommes, ce serait une démarche plus sage ! Faute de pouvoir retirer la mesure du texte, je défendrai un amendement visant à mieux calibrer l'article, afin de cibler uniquement les recommandations et injonctions individuelles et directes conduisant à l'abandon de soins. Une telle limitation permettrait de préserver la liberté d'expression mais aussi de protéger les lanceurs d'alerte.
Sous ces réserves, le groupe LIOT soutiendra le texte qui, si nous voulons être à la hauteur des enjeux, doit indéniablement être retravaillé au cours de nos débats.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – Mme Emmanuelle Ménard applaudit également.
Il ne fait aucun doute que les pratiques sectaires se sont développées et renforcées, comme le montrent les nombreux exemples donnés par nos collègues. Elles sont devenues protéiformes et touchent toutes les catégories sociales, tous les âges, tous les milieux. Elles se sont clairement accentuées à l'occasion des dernières crises sanitaires, qui ont apporté leur lot de complotistes et de gourous pseudo-scientifiques autoproclamés.
Si les fondements religieux de telles dérives existent encore, à ceux-ci s'ajoutent des prétentions nouvelles et plus insidieuses, qui concernent la santé ou l'alimentation et ont un point commun : elles constituent pour ceux qui les utilisent de véritables fonds de commerce. Le développement des réseaux sociaux et de la communication, par voie de presse ou en ligne, a donné une bien plus large audience à ces manœuvres : elles touchent désormais une partie des usagers qui, souvent déjà très fragiles, ne se voient offrir sur la toile aucun repère contradictoire ni aucune approche critique.
Ce phénomène ronge le lien social mais il faut reconnaître qu'il est encore relativement mal connu, souvent difficile à circonscrire et, de toute façon, mal appréhendé par la loi. Certains l'ont dit, les dernières avancées en la matière ont plus de vingt ans. Bien qu'importantes, elles étaient essentiellement centrées sur la répression de l'abus de faiblesse et sur ses conséquences patrimoniales. Malheureusement, le problème est aujourd'hui bien plus vaste.
La lutte contre les dérives sectaires doit donc être actualisée et durcie. C'est l'enjeu du présent texte, qui exprime clairement la volonté politique de protéger les plus vulnérables face aux risques physiques, psychologiques, sanitaires, sociaux et financiers que font courir les sectes. Il est donc essentiel de renforcer les pouvoirs de la Miviludes – qui, malgré des moyens modestes, accomplit un travail remarquable – et de mieux agir en faveur de la prévention, de la formation et de l'information de nos concitoyens.
Il est tout aussi impératif d'adapter notre arsenal répressif, qui est en quelque sorte le dernier rempart à la solitude et à l'abandon dans lesquels se trouvent nombre de victimes. La position du Sénat, qui a rejeté les principales mesures pénales du projet de loi, est sur ce point difficilement compréhensible ; elle ne s'inscrit manifestement pas dans le sens de l'histoire, même si les modifications issues du Sénat ne sont pas toutes négatives. C'est la raison pour laquelle la commission des lois a réintroduit dans le texte les articles 1er , 2 et 4 du projet de loi initial, dont il a déjà beaucoup été question, après qu'ils ont été supprimés par les sénateurs.
Il ne fait aucun doute que les manœuvres sectaires nécessitent sans attendre de considérer la sujétion physique et psychologique comme un délit autonome, de fixer les circonstances aggravantes qui l'accompagnent, et de réprimer clairement la provocation à l'abandon ou à l'abstention de soins, ainsi que l'adoption de pratiques dont il est manifeste qu'elles exposent à un risque grave et immédiat pour la santé.
Cependant, et nous en sommes pleinement conscients, une telle répression ne doit pas s'abattre sans discernement. Comme nous y invite le Conseil d'État, nous devons atteindre un équilibre en protégeant la liberté d'expression et de conscience, fondement de toute démocratie. Il s'agit tout simplement de préserver le droit de contester des pratiques thérapeutiques, la liberté des débats scientifiques et celle des lanceurs d'alerte, ainsi que la liberté de prodiguer des soins non conventionnels ou même de refuser un traitement.
Comme nous nous y étions engagés en commission des lois avec Mme la rapporteure, dont je salue l'engagement et le travail de fond, divers amendements identiques seront proposés par les groupes de la majorité, en particulier à l'article 4 déjà largement évoqué par les orateurs qui m'ont précédé. Leur adoption permettrait de disposer que la répression pénale n'a pas à s'appliquer lorsque la « provocation » s'accompagne d'une information claire et complète des conséquences pour la santé, et qu'elle ne remet pas en cause la volonté libre et éclairée de la personne.
Nous n'avons évidemment pas vocation à museler les groupes de pensée en tant que tels, dès lors qu'ils respectent les principes fondamentaux de notre démocratie et qu'ils n'attentent pas aux libertés publiques ou individuelles. En revanche, nous avons, dans le cadre de notre responsabilité de législateurs, une obligation de protection contre les sectes et leurs dérives, et contre les manœuvres leur permettant de créer ou d'entretenir des états de sujétion néfastes qui ont trop souvent des conséquences particulièrement lourdes et durables.
C'est fort de cette conviction que nous voterons le texte tel qu'il aura été amendé au cours de nos débats.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur les bancs des commissions.
Permettez-moi de débuter mon intervention en citant un témoignage. « J'étais heureuse à l'idée de me dire que j'allais guérir ma vie et me nettoyer du passé. Je me disais que j'allais enfin comprendre pourquoi j'allais si mal dans ma vie. J'étais là, je voulais vivre, je voulais vivre mieux, je voulais faire de ma vie un cadeau pour moi-même et les autres, et je ne savais pas comment. Alors pour moi, cette plante tenait du miracle. Je vivais cela comme un cadeau du ciel, pour moi et pour d'autres. C'est donc sans a priori et sans peur, en toute confiance que je l'ai prise, cette plante magique. »
Voilà le type de témoignage que l'on peut lire sur le site de la Miviludes, où une jeune femme ayant été initiée aux pratiques chamaniques a bien voulu faire part de son expérience.
Cette expérience, des milliers de Français la vivent chaque jour. Le président de la Miviludes le déplorait lui-même en mars dernier : le nombre de signalements a connu une hausse de 86 % en cinq ans. On en compte aujourd'hui 4 000 par an, soit plus de dix par jour.
Les dérives sectaires ne se limitent plus aux mouvements collectifs et spirituels : elles s'étendent désormais à des domaines divers et variés, de la nutrition au bien-être en passant par le yoga et par les réseaux de vente multiniveau. Les gourous, eux, ne sont plus seulement des envoyés d'un quelconque dieu ou des messagers ; ce sont aussi des charlatans, vantant parfois les mérites du crudivorisme ou faisant la promotion de la prise de prétendus médicaments d'origine « naturelle ».
L'avènement du numérique a profondément bouleversé les formes que prennent les dérives sectaires et l'emprise exercée sur nos concitoyens. Alors que Raël écrivait un livre pour raconter sa rencontre avec des extraterrestres, Thierry Casasnovas, lui, publie des vidéos sur YouTube pour vendre des extracteurs de jus supposés guérir le cancer.
Face à ces nouvelles formes de dérives et à leur étendue grandissante, le Gouvernement essaie d'apporter une réponse globale qui se rapproche malheureusement plus de l'affichage que de la véritable réforme législative, comme l'a déploré la rapporteure de la commission des lois du Sénat.
Certaines dispositions recevront tout de même l'approbation du groupe Rassemblement national, car nous votons toujours ce qui va dans le bon sens. Je pense par exemple à la consécration du statut législatif de la Miviludes, introduite par le Sénat face aux craintes relatives à sa possible disparition – certains ont évoqué ce point –, ou encore à l'alourdissement des peines applicables à l'exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie en ligne.
En dépit de ces avancées, notre groupe combattra fermement les dispositions par lesquelles vous vous fourvoyez malheureusement dans une dérive liberticide.
Oh !
Je vous le dis, madame la ministre : en l'état de sa rédaction, l'article 4, qui crée clairement un délit d'opinion, est indigne d'une république respectueuse des libertés et du débat scientifique.
Le Conseil d'État vous a alerté sur ce danger dans son avis, et le Sénat a d'ailleurs procédé, en première lecture, à la suppression de l'article en question. Vous avez pourtant décidé, avec les députés de votre majorité, de persister en réintroduisant sciemment un article dont vous connaissez pourtant le caractère inconstitutionnel.
On l'a réécrit !
C'est la raison pour laquelle le groupe Rassemblement national votera contre le projet de loi si l'article 4 n'est pas supprimé au cours de nos débats. Chers collègues de la majorité, comment pouvez-vous soutenir une disposition qui aurait sûrement fait condamner Irène Frachon, cette pneumologue lanceuse d'alerte qui a sans doute sauvé des milliers de vies en dévoilant, contre vents et marées, le scandale du Mediator ?
Nous nous rejoignons tous, dans cet hémicycle, sur la nécessité de lutter contre ceux qui incitent nos concitoyens atteints de pathologies graves à s'abstenir de suivre leur traitement. Mais, comme le rappelle le Conseil d'État lui-même, les atteintes que nous portons aux libertés doivent être justifiées et proportionnées, et ce n'est évidemment pas le cas ici. De plus – le Conseil d'État le mentionne également –, d'autres incriminations permettent déjà de punir la provocation à l'abandon ou l'abstention de soins – je pense notamment à l'exercice illégal de la médecine ou à la mise en danger de la vie d'autrui. Nous aurons l'occasion d'en débattre dans quelque temps, au moment d'examiner l'article 4.
Je terminerai en ayant un mot pour nos concitoyens qui ont réussi à s'en sortir, comme cette jeune femme que je citais en introduction. Nous regrettons, mes collègues du groupe Rassemblement national et moi-même, que l'accompagnement des victimes de dérives sectaires après qu'elles s'en sont libérées soit le grand oublié du projet de loi. C'est pourquoi l'un de nos amendements vise à inciter le Gouvernement à engager un véritable travail de fond sur cette question.
Pour conclure, le groupe Rassemblement national tiendra une ligne ferme, claire et exigeante lors de nos débats sur ce texte : oui à la lutte contre les dérives sectaires et à l'accompagnement des victimes, mais non à cet article 4 et à toute forme d'atteinte à la liberté d'expression et au bâillonnement du débat scientifique !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Coaching à des tarifs exorbitants, médecines alternatives, théologies de la guérison, néocommunautés, écovillages à l'approche identitaire sont autant de potentielles dérives sectaires quand on y regarde d'un peu plus près. Ce panel non exhaustif laisse entrevoir l'ampleur des sujets que les gourous d'aujourd'hui instrumentalisent pour manipuler des personnes en perte de repères. Loin d'être anecdotique, la tendance sectaire inquiète, d'autant plus que l'on constate ces dernières années une recrudescence de ces pratiques, certes moins spectaculaires que dans les années 1980-1990, marquées par le tristement célèbre Ordre du Temple solaire, mais tout aussi dangereuses.
Créée en 2002, la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires a pour objectif d'observer et d'analyser ces phénomènes, mais aussi d'informer le public des risques qu'ils représentent et de coordonner l'action préventive et répressive des pouvoirs publics à leur encontre.
Cette mission est essentielle : entre 2015 et 2020, le nombre de saisines de la Miviludes a augmenté de 40 %, une vingtaine de condamnations ont été prononcées en 2020 et 150 enquêtes judiciaires sont en cours. Entre 2018 et 2020, la Miviludes a été saisie à plus de 9 000 reprises, faisant émerger de nouvelles pratiques. Les Assises nationales de la lutte contre les dérives sectaires, qui se sont tenues en mars 2023, ont révélé que 37 % des saisines concernaient le pôle sécurité, qui traite les risques immédiats pour l'ordre public ou les questions de sécurité graves pour les personnes, et 25 % le pôle santé. Près de 400 saisines concernent directement ou indirectement des mineurs.
C'est dans ce contexte que nous discutons aujourd'hui de ce projet de loi qui a fait réagir, c'est le moins qu'on puisse dire, le Sénat et le Conseil d'État. Le plus gros point de discorde concerne l'article 4, que le Sénat, suivant l'avis du Conseil d'État, a supprimé, mais que la commission des lois de l'Assemblée nationale a réintroduit.
Cet article prévoit de créer un nouveau délit, celui de provocation à l'abandon ou l'abstention de soins, pouvant entraîner pour les malades des conséquences graves pour leur santé, au point de les exposer à un risque immédiat de mort ou de blessures. Ce serait là un noble objectif, bien sûr, si, dans sa rédaction, l'article ne conduisait pas, ainsi que l'a souligné le Conseil d'État, à ce que le remède soit pire que le mal, alors que « ni la nécessité ni la proportionnalité de ces nouvelles incriminations ne sont avérées ».
Pour le Conseil d'État, les choses sont simples : les mesures imaginées dans cet article ne sont pas nécessaires puisque notre arsenal législatif permet déjà de lutter contre les faits visés. Une personne peut dès à présent être condamnée pour exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie, mais aussi en cas de recours à des pratiques commerciales trompeuses, en cas de refus d'assistance à personne en danger ou encore de mise en danger de la vie d'autrui.
Par ailleurs, le Conseil d'État s'inquiète – et je partage ses craintes – que l'équilibre entre la protection de la santé et la liberté des débats scientifiques ne soit ainsi fragilisé et mis à mal. En l'état actuel de sa rédaction, le risque est jugé trop grand que des soins dits non conventionnels ne puissent plus être promus, ce qui porterait une atteinte disproportionnée à la liberté d'opinion et d'expression.
La Miviludes a tiré une autre sonnette d'alarme : la prolifération des gourous qui s'en donnent à cœur joie sur les réseaux sociaux. Leur développement sur internet est tel qu'ils sont appelés les gourous 2.0. Leur stratégie est simple : isoler. Comme le démontrent divers rapports, les mineurs sont leurs cibles privilégiées puisqu'en les éloignant de la cellule familiale le gourou peut facilement les manipuler.
Afin de mieux les protéger, j'ai proposé plusieurs amendements, malheureusement déclarés irrecevables, pour limiter l'accès des mineurs aux réseaux sociaux comme à certaines plateformes numériques en conditionnant notamment l'accès à ces derniers à la présentation d'une preuve de majorité. Ces dispositifs sont compliqués à instaurer, je vous le concède, mais nous devrons faire preuve d'imagination. C'est d'ailleurs ce que le Gouvernement envisage d'appliquer pour limiter l'accès des mineurs à certains réseaux.
Selon Voltaire, « toute secte, en quelque genre que ce puisse être, est le ralliement du doute et de l'erreur ». C'est possible mais peut-être pas au point de tout mettre sous surveillance policière, au risque de détruire le subtil équilibre, nécessaire et vital à toute démocratie, entre science et liberté d'opinion.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures quinze.
Je voudrais vous apporter quelques précisions. Concernant tout d'abord la Miviludes, ses effectifs ont été doublés depuis son rattachement au ministère de l'intérieur, passant de huit à seize membres. Je ne pense pas qu'on puisse y voir le signe d'une réduction de ses moyens !
Quant à l'article 4, il faut interpréter très simplement la provocation à abandonner ou à s'abstenir de suivre un traitement médical thérapeutique ou prophylactique : sans chercher à prouver ni la réitération des faits ni l'intention de mettre sous sujétion psychologique ou physique une personne, il suffit de montrer qu'on lui a présenté un produit alternatif comme bénéfique pour sa santé. Par exemple, celui qui conseillera à un malade du cancer de remplacer la chimiothérapie par des jus de légumes tombera sous le coup de cette disposition.
Enfin, nous lançons dès la semaine prochaine une vaste campagne de prévention sur les réseaux sociaux car c'est essentiellement par ce canal que les gourous 2.0 opèrent ! C'est l'une des mesures de la stratégie nationale de lutte contre les dérives sectaires, et les moyens que nous déploierons seront inédits.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.
Nous démarrons tranquillement par les points d'accord. Il existe un consensus général sur les missions de la Miviludes, la manière dont elles sont définies ici, les objectifs qui lui sont impartis – à savoir observer, comprendre, lutter contre les différentes dérives sectaires. Nous pouvons consacrer tout ceci dans la loi, comme vous le suggérez, madame la ministre. Il s'agit d'une demande ancienne à laquelle nous sommes favorables. Nous souhaitons même élargir ses missions afin qu'elle intervienne dans le champ de la formation professionnelle et, notamment, des professionnels de santé. Nous ferons des propositions en ce sens.
Vous avez suggéré que cette consécration législative sécuriserait la Miviludes sur le long terme. En théorie, c'est vrai, mais encore faut-il que les effectifs suivent ! Vous avez supprimé huit postes en 2018 avant de les rétablir. Vous regrettez, nous l'entendons et nous nous en réjouissons, mais nous aimerions obtenir l'assurance que l'erreur ne sera pas commise à nouveau.
La Miviludes fonctionnera sur décret du Président de la République, ce qui met, certes, cette administration à l'abri. Néanmoins, le Président de la République serait bien inspiré de ne plus recevoir un scientologue de grade sept – Tom Cruise – à l'Elysée. Cela constituerait un premier pas en matière de prévention auprès du grand public .
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES – M. Benjamin Lucas applaudit également
Cet article a été ajouté par le Sénat. S'il part d'une bonne intention : donner un poids plus important à la Miviludes – il faudra à cet égard que les moyens suivent pour que cet organisme puisse agir – il suscite de nombreuses questions d'ordre légistique, comme d'autres points du texte.
La loi va créer une administration. Or cela n'est pas prévu par l'article 34 de la Constitution. La loi n'est pas faite pour sacraliser le fonctionnement d'un service administratif chargé de réaliser des observations et de contribuer à l'information du public. La loi peut créer un service s'il protège les droits des citoyens ; tel n'est pas le cas en l'espèce. Il y a donc une interrogation sur la constitutionnalité de cette disposition.
Au surplus, la rédaction reste très vague. En commission, il a été précisé que le nom de Miviludes ne figurerait pas dans le texte afin de permettre un changement éventuel d'intitulé. Dont acte. Cependant, il est indiqué que cette administration « a notamment pour mission ». Cet adverbe est problématique. La rédaction est imprécise et trop large. Je tenais à vous en alerter avant la discussion sur les amendements à cet article.
Tout en appréciant cette proposition de loi, je voudrais, en tant que député de Saint-Denis, attirer votre attention à tous sur la scientologie. Sous les projecteurs des Jeux olympiques, le premier bâtiment visible à proximité immédiate du stade de France et du centre aquatique olympique sera le siège européen de la scientologie, inauguré dans quelques semaines !
En 1995, une première mission parlementaire avait classé la scientologie parmi les sectes ; une seconde mission interministérielle a confirmé cette qualification en 1999. Puis, il y a eu le lobbying, la rencontre entre Tom Cruise et Nicolas Sarkozy en 2008…
…et, en 2010, le code civil a été modifié, et la possibilité de dissoudre une secte a été supprimée. Ainsi, lorsqu'en 2013 l'Église de scientologie a été condamnée par les tribunaux français, cette condamnation n'a pu être suivie de sa dissolution.
Les maires successifs de Seine-Saint-Denis ont tout tenté, avant et après 2020, pour empêcher la scientologie de s'installer. Ils n'ont pas été aidés par les services de l'État, qui les ont renvoyés à des procédures dilatoires. La scientologie a usé de toutes les voies de recours, jusqu'à ce que la Cour d'appel tranche et dise l'impossibilité d'empêcher juridiquement la scientologie de s'installer.
J'aurais aimé que, dans une loi qui traite des dérives sectaires, nous revenions à la législation antérieure à 2010, de manière, d'abord, à pouvoir classer la scientologie parmi les sectes et, ensuite, à réintroduire dans notre droit la possibilité de dissoudre une secte pratiquant l'emprise, l'escroquerie ou des dérives telles que celles qui ont été constatées pour la scientologie.
Débuter nos discussions sur un sujet aussi essentiel que la lutte contre les dérives sectaires par l'inscription dans le marbre de la loi de la Miviludes et de ses missions est un signal positif. À ceux qui croiraient que cet article 1er A n'est qu'un symbole, je rappellerai qu'il y a quelques années on évoquait le risque d'une disparition de la Miviludes.
Garantir l'existence d'une administration luttant contre les dérives sectaires est une véritable avancée, qui assurera la pérennité de notre combat. Depuis plus de vingt ans, la Miviludes nous éclaire et nous donne les moyens de mener cette bataille. La mission est un acteur identifié par les administrations, le public et, surtout, par les associations qui écoutent nos débats et en attendent beaucoup.
J'ai cependant une réserve, qui tient à l'éternelle question des moyens, et je souhaite profiter de votre présence, madame la ministre pour alerter le Gouvernement : la mission manque encore de moyens humains et budgétaires pour être à la hauteur des enjeux. Ce texte est important. J'espère que l'État mettra tout en œuvre pour son application et qu'il donnera les moyens d'agir aux associations.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – Mme Emmanuelle Ménard applaudit également.
Nous en venons aux amendements à l'article.
Sur l'amendement n° 24 , je suis saisie par le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement n° 144 .
Il s'agit d'un amendement de cohérence légistique. L'article sur la Miviludes était intégré dans un chapitre de la loi dite About-Picard. Je propose de créer un nouveau chapitre dédié.
Votre proposition apporte une précision utile dans la loi historique ayant donné à la République des outils pour lutter contre les dérives sectaires. Avis favorable.
L'amendement n° 144 est adopté.
La parole est à Mme Béatrice Descamps, pour soutenir l'amendement n° 24 .
Cet amendement vise à consacrer dans la loi l'existence d'une « mission interministérielle » chargée de la lutte contre les dérives sectaires. En commission, il a été décidé de ne pas mentionner explicitement le nom de la Miviludes, qui est pourtant un acteur bien identifié par le public et les associations. Ce choix compréhensible visait à éviter de voir la loi devenir obsolète en cas de changement de nom de la mission. Cependant, en se bornant à mentionner « une administration » on a supprimé du texte le caractère interministériel de la Miviludes. Il est préférable de désigner clairement une « mission interministérielle » pour assurer que la Miviludes conservera son statut particulier et son rôle de coordination entre les différents pouvoirs publics.
Comme je l'avais dit en commission, l'appellation « administration » est générique et ne préjuge pas de la forme que prendra l'entité. En revanche, consacrer dans la loi le caractère interministériel de la Miviludes, qui correspond à la réalité de son fonctionnement, me semble pertinent. Avis favorable. Je vous invite en conséquence à retirer l'amendement n° 25 .
Avis favorable pour les mêmes raisons. La Miviludes exerce une mission interministérielle, le préciser dans la loi me paraît absolument évident.
Il est bon d'acter cette formule. Le nom n'a pas à figurer dans la loi mais il est important d'insister sur le caractère interministériel qui fait la force et la reconnaissance de cet organisme. Nous voterons cet amendement.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 105
Nombre de suffrages exprimés 104
Majorité absolue 53
Pour l'adoption 104
Contre 0
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.
Pour bien comprendre les choses, il faut bien les nommer. Préciser les choses, c'est les restreindre. Tel est le sens de cet amendement qui vise à retirer le mot « prévention » de l'alinéa 2 de l'article 1er A. Il est motivé par un impératif d'homogénéité et de rigueur juridique. La formule consacrée par le projet de loi est de « lutter contre les dérives sectaires ». Le mot lutte englobe les aspects préventif et répressif, il est donc proposé de supprimer une redondance.
La Miviludes doit non seulement lutter contre les dérives sectaires mais aussi les prévenir. C'est essentiel et même prioritaire. Je suis défavorable à ce que nous supprimions cette précision.
Défavorable.
Nous voterons contre cet amendement, dont nous ne partageons pas la philosophie consistant à opérer une superposition entre le fait de lutter contre un phénomène et le fait de le prévenir. On lutte contre une pratique, une action, un comportement que l'on constate. Prévenir consiste à mettre en place les conditions pour qu'un acte n'ait pas lieu, par exemple en proposant une formation pour que des agents publics ou des professionnels privés empêchent, dans leur action quotidienne, que ne survienne ce contre quoi ils se battent. Votre amendement est en adéquation avec la philosophie répressive du texte. Nous souhaitons pour notre part un texte d'élévation de l'esprit critique général de la population. Vous semblez quelque peu « macronisé » – peut-être malgré vous –, ce qui est une raison supplémentaire de voter contre cet amendement.
L'amendement n° 170 n'est pas adopté.
Il s'agit d'un amendement rédactionnel. Ce sont les agissements des mouvements à caractère sectaire qui doivent être observés et analysés et non le « phénomène » en lui-même. L'amendement propose de corriger la rédaction en ce sens.
La notion de phénomène sectaire est employée par la Miviludes. La supprimer rendrait le texte incohérent. La Miviludes doit étudier les phénomènes sectaires et non uniquement les mouvements. Avis défavorable.
Pour moi, cet amendement est déjà satisfait.
Le deuxième alinéa, qui fait l'objet d'un consensus entre le Sénat et la commission des lois de l'Assemblée nationale, prévoit que la Miviludes est chargée d'observer et d'analyser le phénomène des mouvements sectaires ce qui inclut les nouvelles formes qu'ils peuvent prendre. Retrait, à défaut, avis défavorable.
L'amendement n° 122 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Béatrice Descamps, pour soutenir l'amendement n° 34 .
Cet amendement vise à préciser dans la loi que la Miviludes doit veiller à analyser les nouvelles formes que peuvent prendre les mouvements à caractère sectaire. En effet, le phénomène sectaire a beaucoup évolué, tant sur la forme que dans les champs qu'il investit, et il peut encore évoluer dans les prochaines années, du fait, par exemple, du développement rapide des moyens de communication.
Nous avons déjà eu cette discussion en commission. Je partage bien sûr votre objectif. Si la Miviludes s'attelle déjà à cette mission, l'indiquer noir sur blanc dans la loi peut avoir une vertu, ne serait-ce que celle d'envoyer un signal fort. Depuis plusieurs années, nous constatons en effet que les modalités des dérives sectaires évoluent, avec l'émergence de gourous 2.0 sur la toile. Avis favorable.
Selon moi, l'amendement est satisfait. Demande de retrait et, à défaut, avis défavorable.
L'amendement n° 34 est adopté.
Il prévoit de tenir une liste, rendue publique et régulièrement mise à jour, des personnes morales ayant été déclarées responsables pénalement dans les conditions définies à l'article 223-15-5 du code pénal.
Cet amendement vise donc à appliquer le principe du name and shame – en français dans le texte ! – contre les mouvements sectaires reconnus pénalement responsables. Pour mieux sensibiliser le public et informer sur les dangers que représentent les dérives sectaires, il est nécessaire d'alerter sur les mouvements déjà condamnés.
Par cet amendement, nous chargeons donc la Miviludes de tenir à jour une liste des mouvements sectaires, en tant que personnes morales, reconnues responsables dans les conditions prévues actuellement par la loi.
Je ne crois pas qu'il appartienne à la Miviludes de dresser la liste des personnes morales condamnées pour abus de faiblesse ou sujétion.
D'une part, ce sujet relève du ministère de la justice – contrairement à celui-ci, la Miviludes n'a pas nécessairement connaissance de toutes les affaires. D'autre part, les personnes morales que vous visez encourent déjà, au titre de peine complémentaire, la peine d'affichage public de la décision, y compris en ligne.
L'objectif étant satisfait, je vous demande de retirer cet amendement et émettrai, à défaut, un avis défavorable.
Même avis, pour les mêmes raisons.
Nous irons dans le sens de mon collègue Molac. Le premier outil de prévention contre les dérives sectaires est bien l'information. Parmi les dispositifs que nous pouvons mettre en œuvre pour lutter contre de telles dérives, elle arrive en tête de liste.
Si nous n'informons pas, que pouvons-nous faire ? Devons-nous nous contenter de dire aux personnes concernées qu'elles agissent mal et augmenter les sanctions pénales – comme le prévoient d'autres articles de votre projet de loi ? Non. Il vaut mieux prévenir que guérir.
À cet égard, et pour bien informer le public, ce serait la moindre des choses que nous disposions d'une liste, mise à jour, des organismes et autres associations qui se sont rendus coupables de dérives sectaires. Pourquoi naviguerions-nous en eaux troubles et dans le brouillard ?
Cet amendement est excellent.
L'amendement n° 26 n'est pas adopté.
Initialement conçue comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République, la liberté de conscience est désormais rattachée à l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Il convient donc de rappeler dans cet article ce principe auquel les Français sont très attachés.
Vous souhaitez que l'action de coordination qu'exerce la Miviludes en matière de prévention et de lutte contre les dérives sectaires respecte la liberté de conscience. Or c'est déjà le cas et le texte l'indique puisqu'il y est expressément fait mention du respect des libertés publiques.
J'ajoute que votre amendement laisserait penser que la liberté de conscience n'est pas une liberté publique puisqu'il le distingue de cette catégorie. Avis défavorable.
Votre amendement étant déjà satisfait, demande de retrait et, à défaut, avis défavorable.
L'amendement n° 54 n'est pas adopté.
Il vise à prévenir les risques de dérives sectaires auxquels sont confrontés nos enfants. Nous le savons, les adolescents représentent un public particulièrement exposé, en raison de leur fréquentation des réseaux sociaux. Leur vulnérabilité les désigne comme une proie facile pour des mouvements porteurs de dérives sectaires, une réalité qui conduit à des situations intolérables de maltraitance, de privation de soins ou encore de carence éducative. Plusieurs dizaines de milliers de mineurs seraient concernés par ces dérives sectaires, une situation aggravée par l'accès aux outils numériques.
C'est pourquoi cet amendement met en lumière le nécessaire travail de prévention qu'il faut mener à l'école.
Le problème que vous soulevez est, bien sûr, crucial. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle il se trouve au cœur de la stratégie nationale de lutte contre les dérives sectaires, qui prévoit notamment des formations et une action de sensibilisation destinées aux personnels de l'éducation nationale ; une action spécifique pour lutter contre les dérives sectaires en ligne et, en particulier, sur les réseaux sociaux ; des travaux menés dans le cadre d'une stratégie complète de protection des enfants exposés aux dérives sectaires, là encore en prenant spécifiquement en considération la question de l'exposition aux réseaux sociaux. Votre amendement est donc pleinement satisfait.
Par ailleurs, je crains – comme pour d'autres amendements à venir – qu'en mettant en avant dans la loi telle ou telle structure ou population, on crée une hiérarchisation qui ne serait pas souhaitable. Demande de retrait et, à défaut, avis défavorable.
Défavorable. La prévention des dérives sectaires à destination des mineurs qui peuvent être exposés à ces risques, de même que la protection des mineurs qui vivent dans des organisations connaissant des dérives sectaires, constituent, bien sûr, une priorité pour vous comme pour moi et pour le Gouvernement.
La prévention des dérives sectaires, s'agissant des intervenants extérieurs dans les écoles, les collèges et les lycées, représente, vous le savez, un enjeu majeur. J'ai d'ailleurs demandé, et obtenu, en novembre dernier, un poste supplémentaire de conseiller pédagogique pour l'éducation nationale au sein de la Miviludes.
L'action de la Miviludes sur ces questions étant renforcée, votre amendement est pleinement satisfait. Demande de retrait et, à défaut, avis défavorable.
L'amendement n° 62 est retiré.
Comme chacun le sait ici, le nerf de la guerre, pour un mouvement sectaire, c'est l'argent. Cet amendement vise donc à donner à la Miviludes des prérogatives lui permettant d'enquêter sur les modes de financement de certains mouvements qu'elle surveille.
Il se trouve qu'une toute petite communauté religieuse, forte de 150 frères et sœurs, présente dans mon département, est sur le point de construire une basilique pour la modique somme de 17 millions d'euros. Désavouée par Rome, cette communauté, qui n'est pas non plus soutenue par l'évêque local, prétend financer son projet grâce à des dons et à des legs – ceux-ci étant, en outre, défiscalisables, ce qui signifie que l'État participe indirectement à ce type d'opération. En 2001, la Miviludes a fait part d'inquiétudes sérieuses à propos des activités de cette communauté.
Nous devons armer la Miviludes afin qu'elle dispose des moyens nécessaires pour exercer sa mission de lutte contre les dérives sectaires, en lui permettant notamment d'enquêter sur les flux financiers qui alimentent de tels mouvements. Tel est l'objet de cet amendement.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Mme Élisa Martin et M. Stéphane Peu applaudissent également.
Sur le principe, votre amendement me semble satisfait.
Par ailleurs, puisqu'il fera l'objet d'un scrutin public, je prends le temps de faire deux observations. D'une part, les avantages fiscaux au titre des dons ne financent pas les mouvements sectaires. Ce ne sont pas ces derniers qui bénéficient de ces avantages fiscaux mais les personnes qui leur font des dons. Les mouvements sectaires, eux, reçoivent des dons privés – ce qu'on appelle aussi le mécénat. Le champ de la mission que vous proposez d'ajouter me semble donc imprécis.
D'autre part, des amendements – déposés en particulier par les écologistes – dont nous discuterons plus tard visent à exclure de tout avantage fiscal les dons faits à des organismes condamnés pour abus de faiblesse ou délits de sujétion. Si ces amendements, auxquels je serai favorable, sont adoptés, ces dons n'ouvriront plus droit à la réduction d'impôt de 66 % pour les particuliers donateurs ni au mécénat pour les entreprises.
Je vous suggère de retirer votre amendement et émettrai, à défaut, un avis défavorable.
J'estime également que votre amendement est satisfait. Par conséquent je vous demande de le retirer et émettrai, à défaut, un avis défavorable.
Je ne parle pas de dons à des organismes sectaires mais de dons faits, de manière régulière, à des organisations surveillées par la Miviludes.
Si l'on ne permet pas à la Miviludes d'enquêter sur de tels flux financiers, d'une certaine manière, on la maintient dans une forme d'impuissance, ce qui va à l'encontre de l'objet même de ce projet de loi – j'insiste.
Avec cet amendement, nous vous proposons justement d'armer la Miviludes afin qu'elle puisse aller plus loin dans ses investigations. Je suis désolé, madame la ministre et madame la rapporteure, mais, à l'évidence, mon amendement n'est pas satisfait.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC, LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Nous venons en soutien de cet amendement. Au cœur du fonctionnement nécessairement opaque des sectes se trouve la question de leur financement. En effet, une secte sans financement est comparable à un influenceur qui, sur un réseau social, n'aurait pas d'adhérents ou d'adeptes. Il faut donc absolument connaître le circuit de l'argent.
Quand on parle de financement public, cela ne signifie pas forcément qu'il provient d'un ministère – par exemple un ministère chargé du droit des femmes qui déciderait de financer telle ou telle association féministe. Ce financement peut aussi être apporté par les régions, les départements ou les communes. Certaines associations pourraient se prévaloir, à un moment donné, d'être totalement exemptes de comportement sectaire mais, au fil du temps, connaître, elles aussi, ce type de dérive.
Il est donc important de pouvoir retracer la façon dont une secte s'est constituée et de savoir avec quel argent cela a été possible – en particulier lorsqu'il s'agit d'argent public.
Je tiens à préciser à M. Saulignac que ma réponse portait plus particulièrement sur le deuxième paragraphe de l'exposé sommaire de son amendement.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 147
Nombre de suffrages exprimés 143
Majorité absolue 72
Pour l'adoption 79
Contre 64
L'amendement n° 51 est adopté.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Il vise à élargir le champ de la question dont nous discutons ce soir. En effet, jusqu'à présent, les dérives sectaires semblent se réduire, dans une large mesure, aux interactions observées dans le cadre d'une organisation qu'on peut qualifier de propice à ce type de dérive.
Or un secteur échappe en grande partie à la vigilance des pouvoirs publics en la matière : la formation professionnelle, pourtant assez fortement touchée par ce type de phénomène. En effet, on recense près de cent signalements de formations professionnelles auprès de la Miviludes.
Les dernières en date sont des formations de chamanisme. Elles consistent à échanger des énergies de manière holistique avec une personne qui, d'abord, vous explique quels sont les bénéfices à en tirer puis instaure une relation d'emprise puisqu'elle vous parle de phénomènes qui, en réalité, n'existent pas – ce qui est le meilleur moyen d'exercer un contrôle sur quelqu'un. Il faut prévenir ces situations lorsque c'est encore possible et lutter contre de tels schémas lorsqu'ils sont déjà à l'œuvre.
L'objet de notre amendement vise donc à mettre sur la table la question de la formation professionnelle car cette dernière fait partie du périmètre à contrôler par la future administration dédiée, et ce d'autant plus que le taux de chômage augmente malheureusement, ce qui va conduire de plus en plus de gens à devoir passer par la formation professionnelle – mais c'est l'affaire du Gouvernement, conséquence de sa politique. Essayons au moins de les préserver des gourous de la formation et du coaching.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je vous rejoins sur l'intérêt d'évoquer la formation professionnelle. En revanche, je ne pense pas qu'il faille modifier les missions attribuées à la Miviludes parce que celle-ci peut déjà informer et sensibiliser sur les risques de dérives sectaires, quel que soit le domaine concerné. Elle dispose d'ailleurs, vous le notez dans l'exposé sommaire de l'amendement, d'un pôle consacré à la formation professionnelle et assure des formations de qualité, saluées dans un rapport que vous-même citez. Et puis je rappelle que la stratégie nationale de lutte contre les dérives sectaires prévoit expressément des actions de formation et de sensibilisation. Votre amendement étant satisfait, je vous invite à le retirer.
Je vous rejoins évidemment moi aussi, monsieur le député, sur la nécessité de ne pas ignorer le cas de la formation professionnelle, mais le Gouvernement est défavorable à tout amendement qui listerait des professions dont les représentants devraient faire l'objet d'une formation ou d'une sensibilisation par la Miviludes. En effet, d'une part, cela relève de la stratégie nationale de lutte contre les dérives sectaires et, d'autre part, la liste des missions prévues dans cet article est déjà particulièrement détaillée. À défaut d'un retrait, l'avis serait donc défavorable.
Je ne suis pas totalement convaincu par les arguments justifiant la demande de retrait, et ce pour deux raisons. Tout d'abord, vous me dites, madame la secrétaire d'État, que le Gouvernement s'oppose à une liste des professions concernées, mais ce n'est pas le cas ici puisque la formation professionnelle n'est pas un métier mais un secteur d'activité, où l'on retrouve différents métiers et différentes professions. Votre demande est donc satisfaite d'une certaine manière… ce qui du coup devrait permettre d'aboutir sur le fond.
Et puis vous rappelez, madame la rapporteure, que la Miviludes mène déjà des actions de sensibilisation. Vous aviez déjà dit en commission qu'elle l'exerçait auprès d'agents publics, mais, si cela tombe bien pour eux, le secteur de la formation professionnelle est largement privé et emploie donc des personnels de droit privé qui n'entrent donc pas dans le champ des actions menées par la Miviludes.
Adopter cet amendement permettrait de couvrir l'ensemble du secteur, et vos objections, dont je comprends tout à fait, a priori, la pertinence, devraient être levées après notre petit échange.
L'amendement n° 120 n'est pas adopté.
Cet amendement propose de compléter l'alinéa 6 en précisant que la Miviludes participe à la sensibilisation, à l'information et à la formation des professionnels des PMI, les services de protection maternelle et infantile, ainsi que des services de santé scolaire en matière de dérives sectaires. Les infirmières et les médecins des PMI et des établissements scolaires sont en effet des interlocuteurs privilégiés auprès de nombreux jeunes enfants et adolescents, et il convient donc de leur donner les moyens d'agir pour protéger ces derniers.
La parole est à Mme Danielle Brulebois, pour soutenir l'amendement n° 5 .
Mon amendement propose, lui aussi, que la Miviludes participe à la formation des professionnels du service de la protection maternelle et infantile – je rappelle au passage qu'il s'agit d'un service départemental. Les professionnels de santé pédiatrique et, plus généralement, les professionnels de santé de l'enfant ont récemment organisé une table ronde à Marseille ; ils ont pointé la méconnaissance de la situation des enfants victimes de dérives sectaires et mis en cause le comportement familial – comme dans la plupart des maltraitances. Il est donc important de leur donner, à eux qui sont au contact des enfants et des familles fragiles, les moyens de repérer les facteurs de vulnérabilité et la capacité d'identifier les victimes.
Mon avis sur cet amendement vaudra également pour plusieurs amendements qui vont suivre, rédigés dans le même esprit.
Nous avons eu ce débat en commission et j'ai indiqué que je partageais évidemment l'objectif poursuivi, mais je répète que ces amendements sont satisfaits : d'une part, les agents de l'éducation nationale, de la PMI et de la santé scolaire sont en effet déjà inclus dans l'article 1er A ; d'autre part, le volet de prévention et de formation fait l'objet de mesures dédiées dans la stratégie nationale de lutte contre les dérives sectaires, et y sont expressément mentionnés les professionnels de santé, les personnels de l'éducation nationale et les agents des collectivités, notamment ceux des PMI et des centres communaux d'action sociale (CCAS). Tous les publics que vous visez dans vos amendements sont donc déjà inclus dans les missions de la Miviludes.
J'ajouterai qu'inscrire dans la loi telle ou telle catégorie de professionnels affaiblirait en fait le dispositif en produisant une forme de hiérarchisation des priorités. Je vous demande de les retirer.
Exactement pour les mêmes raisons, je vous demande de retirer vos amendements. J'estime moi aussi qu'ils sont satisfaits. Prioriser et hiérarchiser les maux me semblent dangereux en l'espèce. Les dérives sectaires doivent être soumises à une évaluation chaque année par la Miviludes plutôt que de faire l'objet de précisions détaillées dans la loi, ce qui nous empêcherait de nous adapter et nous contraindrait quasiment à refaire une nouvelle loi tous les six mois. À défaut d'un retrait, l'avis serait défavorable.
Contrairement à ce que vous dites, madame la ministre, je pense qu'il faut vraiment mettre le paquet en direction des plus jeunes.
D'où mon amendement, qui ne contredit en rien sur le fond ce que vous venez dire. Beaucoup de mes collègues ont des enfants et ils voient bien l'importance des infirmières scolaires – lorsqu'il y en a bien entendu – dans les collèges et dans les lycées, ainsi que de tous les personnels des PMI, pour la petite enfance. J'insiste sur le fait qu'on doit mettre le paquet en direction des jeunes en les sensibilisant dès leur plus jeune âge sur ces dérives sectaires. Je maintiens donc mon amendement.
J'interviens pour soutenir notre collègue Cordier en ajoutant que non seulement il faut prendre soin des enfants mais que, dans le cadre de cette vigilance particulière que devraient pouvoir exercer la PMI ainsi que les encadrants des écoles maternelles et des centres d'accueil des tout-petits, il faut aussi tenir compte des mères, souvent en proie à une période de faiblesse due au post-partum. Nous avons là affaire à trois publics, qui sont autant de proies faciles pour les organismes qui veulent avoir emprise sur eux. Il est donc tout à fait pertinent de « mettre le paquet », comme il dit, en particulier sur le public et les professionnels de ce secteur.
La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Nous avons adopté tout à l'heure un amendement qui concernait les réseaux de financement, sujet sur lequel la Miviludes a un devoir de vigilance particulier. Je rappelle que Tracfin a la même obligation en vertu des prérogatives que lui a conférées la loi confortant le respect des principes de la République, du 24 août 2021.
Il est ici question de préciser dans la loi qu'un certain type de public, à savoir les personnels qui s'occupent de la petite enfance, serait formé ou ferait l'objet d'une vigilance particulière de la part de la Miviludes. Mais la difficulté que suscite ce genre de disposition, c'est qu'en précisant quelles sont les personnes particulièrement concernées on exclut implicitement toutes celles qui ne seraient pas explicitement visées par le texte de loi et qui, par un raisonnement a contrario, pourraient être considérées comme n'étant pas concernées.
Ce serait une assez mauvaise façon d'écrire la loi puisqu'elle fragiliserait en l'espèce l'édifice que nous construisons et pour lequel des précisions ont déjà été apportées visant à étendre les missions de la Miviludes. C'est donc pourquoi j'invite nos collègues à repousser ces amendements.
Mme la présidente met aux voix l'amendement n° 1 .
Le résultat du vote à main levée étant douteux, nous allons procéder au vote par scrutin public.
Je mets aux voix l'amendement n° 1 .
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 151
Nombre de suffrages exprimés 151
Majorité absolue 76
Pour l'adoption 91
Contre 60
L'amendement n° 121 de M. Jean-François Coulomme est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Le même avis que précédemment puisqu'il est encore proposé de mentionner dans cet article la PMI.
Défavorable.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 151
Nombre de suffrages exprimés 106
Majorité absolue 54
Pour l'adoption 41
Contre 65
L'amendement n° 121 n'est pas adopté.
La Miviludes ne pouvant pas sensibiliser en même temps tous les agents publics, il convient de préciser qu'elle s'attachera à former en priorité les personnels de santé et de l'éducation nationale car ils sont en première ligne pour protéger les personnes les plus jeunes ou les plus vulnérables.
Cet amendement s'inscrit dans la continuité des précédents puisqu'il vise à repérer les trous dans le dispositif de prévention de la Miviludes, afin d'y remédier et de renforcer la lutte contre les dérives sectaires.
À cet égard, il nous semble que le rôle des professionnels de santé auprès de la population justifie qu'ils puissent être formés et sensibilisés à ces dérives. Je rappelle qu'aujourd'hui, aux termes de la loi, la Miviludes forme et informe uniquement des agents publics. Or une bonne partie des professionnels de santé ne relèvent pas de la fonction publique, soit parce qu'ils sont libéraux, soit parce qu'ils travaillent en tant que salariés de droit privé – en clinique par exemple. Il s'agit pourtant d'avoir une vraie politique de santé en la matière et non une politique limitée aux agents publics ; en d'autres termes, nous proposons de rendre efficace ce qui ne l'est pas assez aujourd'hui.
Par ailleurs, l'amendement répond à ce que vous nous proposerez ultérieurement et qui consiste à dénoncer auprès des ordres professionnels à peu près tout le monde, pour à peu près n'importe quoi. Vous voulez faire des ordres des sortes d'antichambre de la délation ; nous proposons, au contraire, qu'ils bénéficient d'une information, à partir de laquelle ils pourront faire de la prévention.
C'est un amendement équilibré et qui permet de renforcer le dispositif. Et, comme l'amendement sur la PMI a été adopté, autant continuer en ce sens.
On en revient toujours au même point, on tourne en rond. Ces amendements proposent d'ajouter telle ou telle catégorie, « en particulier » ou « notamment »… Mais quid des catégories qui ne seraient pas dans la liste ? C'est le risque des listes : elles ne sont jamais totalement exhaustives et donc ne peuvent être considérées comme closes. Car en les fermant, on ferme d'autres secteurs d'activité. Que ferions-nous, par exemple, dans le domaine du sport, particulièrement exposé aux dérives sectaires ?
Ce sera donc la même réponse que tout à l'heure : demande de retrait et pour les mêmes raisons.
Monsieur le député Clouet, pour les raisons que j'ai déjà expliquées, établir des listes et les sanctuariser en les inscrivant dans le marbre de la loi me paraît très dangereux. En effet, le monde change, évolue, et les dérives sectaires avec, et c'est pourquoi nous examinons aujourd'hui ce projet de loi. Avis défavorable.
Je pense qu'on devrait sous-amender cette proposition pour y inclure prioritairement les professeurs des écoles, les professeurs de yoga, les professionnels du sport et de la santé, ainsi que les éducateurs du secteur de la petite enfance, sans oublier ceux du médico-social… Pour moi, les priorités sont partout. À les lister toutes, on en vient à perdre la notion même de priorité. Je fais confiance aux agents de la Miviludes pour savoir ce qu'ils doivent prioriser.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.
Ce n'est pas tous les jours que je suis en désaccord avec Arthur Delaporte, donc j'en profite… Parmi les exemples qu'il donne, une bonne partie concernent des agents publics, donc des personnes incluses dans le périmètre du projet de loi.
En revanche, les professionnels de santé ont une position particulière. Recevoir des gens en tête-à-tête de manière régulière et leur offrir un espace de parole sur des choses intimes, des douleurs, des affections les expose particulièrement à recueillir des propos ayant trait aux dérives sectaires ou le témoignage de victimes de ces dérives. Votre texte en convient puisqu'il contient un article qui confère un devoir spécifique aux professionnels de santé. Vous leur donnez donc des devoirs mais sans l'accès à une sensibilisation systématique. Dans une sorte de coconstruction, nous essayons de faire tenir debout votre texte hémiplégique. Voyez à quel point nous faisons des efforts !
Je ne pense donc pas que les arguments avancés soient valables, car toutes les professions mentionnées ne se valent pas et le rôle des agents de santé publics n'est pas comparable à celui des professeurs de yoga, pour reprendre un exemple cité.
L'amendement n° 3 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 144
Nombre de suffrages exprimés 98
Majorité absolue 50
Pour l'adoption 31
Contre 67
L'amendement n° 99 n'est pas adopté.
Ce projet de loi fait déjà un pas vers les élus locaux avec l'article 1er BA, qui permet de constituer des groupes de travail dédiés aux dérives sectaires dans les CLSPD ou les CISPD – leurs pendants intercommunaux.
L'article 1er A, quant à lui, concerne bien les agents publics – on vient d'en débattre – mais pas les élus locaux. Dans les territoires ruraux, ils sont pourtant souvent les premiers confrontés aux dérives sectaires. Chez moi, dans les communes de moins de 300 habitants du Loiret, on trouve rarement des agents publics. Il y a seulement le maire, les adjoints et les conseillers municipaux pour faire face aux victimes des dérives sectaires ou à leurs proches.
Nous avons compris qu'il ne fallait pas faire de liste à la Prévert ou avoir une vision trop restrictive des personnes concernées par l'article. Toutefois, les élus ne sont pas des agents publics, et nous souhaitons qu'ils puissent également bénéficier d'une formation sur les dérives sectaires, face auxquelles, je le répète, ils sont souvent en première ligne.
M. Jocelyn Dessigny applaudit.
Je ferai la même réponse que précédemment car l'amendement est totalement satisfait. Par ailleurs, l'information et la sensibilisation du public et des élus est le deuxième objectif de la stratégie nationale de lutte contre les dérives sectaires. L'action de la Miviludes en la matière sera menée en concertation avec les organisations d'élus telles que l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF), l'Assemblée des départements de France ou Régions de France. Dans les outre-mer, un réseau de personnes référentes incluant les élus locaux sera mis en place pour élaborer des programmes adaptés. Je demande donc le retrait de l'amendement.
Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée car, dans le cadre de la rénovation de la stratégie de prévention de la délinquance que je lance, j'avais prévu, à leur demande, d'intégrer les élus locaux au travail sur les dérives sectaires. Vous me connaissez : quand je dis blanc, je fais blanc. Puisque j'annoncerai la même chose la semaine prochaine, je veux rester cohérente.
Madame la ministre, je vous remercie. En revanche, madame la rapporteure, ce n'est pas la même chose de prévoir expressément que la Miviludes forme les élus locaux ou d'associer leurs associations à son travail. Vous ne pouvez pas reprendre toujours le même argument selon lequel l'amendement serait satisfait. Là, les élus locaux, qui ne sont pas des agents publics, ne sont pas mentionnés. Je ne comprends donc pas votre réponse mais je laisse l'Assemblée nationale décider.
Les bras m'en tombent de voir la ministre donner un avis de sagesse sur un amendement du RN qui ne sert à rien
Exclamations sur les bancs du groupe RN
puisque l'article 1er BA modifie précisément le code de la sécurité intérieure, pour préciser que le travail sur la prévention et la lutte contre les dérives sectaires font partie des prérogatives des élus locaux. J'espère que cela n'est pas le signe d'un accord caché …
Mêmes mouvements
…ou d'un marché quelconque passé entre la majorité et le Rassemblement national car cela serait très inquiétant quand on parle de dérives sectaires.
Depuis le début des débats, j'entends dire que le budget de la Miviludes est insuffisant. Comment alors former 16 000 élus locaux ou plus ?
L'amendement n° 164 n'est pas adopté.
Cet amendement de Perrine Goulet, présidente de la délégation aux droits des enfants, vise à spécifier la nécessité de former des agents publics de tous niveaux. Les agents des collectivités territoriales constituent la première ligne en contact avec les mineurs. Il est donc impératif pour eux de recevoir une formation de premier ordre pour qu'ils soient en mesure de protéger nos enfants.
M. Pascal Lecamp applaudit.
Sur le fond, chère collègue, je vous rejoins mais, là encore, les agents publics entrent déjà dans le champ d'application du dispositif. La stratégie nationale prévoit expressément des actions de formation pour ces agents et ne mentionner qu'une catégorie d'agents pourrait laisser penser que l'on a moins d'égards pour les autres, ce qui est faux. Cet amendement est totalement satisfait et j'en demande le retrait.
Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée pour la même raison que précédemment : un souci de cohérence, pour tout ce qui concerne la sphère publique, avec la stratégie de lutte contre la radicalisation et de prévention de la délinquance que je lancerai la semaine prochaine.
L'amendement n° 143 est adopté.
Plusieurs de nos collègues ont évoqué l'impérieuse nécessité de protéger les enfants, qui constituent le public le plus vulnérable. Avec cet amendement, nous proposons que la Miviludes participe, avec le ministère de l'éducation nationale et le pôle des programmes, à l'élaboration d'une formation sur les dérives sectaires, destinée aux élèves.
Nous pensons que le meilleur moyen de lutter contre les dérives sectaires passe par la formation des enfants, comme cela existe pour la santé sexuelle. Un programme élaboré par la Miviludes permettrait de protéger les enfants – je pense en particulier au combat contre les thérapies de conversion, que je partage avec la rapporteure. Ici, on ne cherche pas à former un corps de métier ou un pôle de métiers mais bien les élèves eux-mêmes. Inscrire cela dans la loi serait une belle avancée.
Cher collègue, si nous nous retrouvons souvent sur des sujets communs, cela ne sera pas le cas ici, car ce n'est pas à la Miviludes de s'immiscer dans les programmes scolaires du primaire ou du secondaire. En revanche, si votre préoccupation est de former et de sensibiliser les enfants, sachez que c'est déjà le cas puisque la stratégie nationale renforce l'action de protection de l'enfance avec un volet dédié. Donc avis défavorable à cet amendement déjà satisfait.
Je comprends l'esprit de cet amendement déposé par Mme Ségolène Amiot, que je connais bien pour avoir beaucoup travaillé avec elle, notamment sur la santé mentale. Toutefois, la Miviludes n'est pas compétente sur ces sujets-là. J'ai hésité, j'ai consulté : cela relève bien de l'éducation nationale. Je donne donc un avis défavorable, même si je loue le travail important fait par Mme Amiot.
L'amendement n° 123 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Mathilde Desjonquères, pour soutenir l'amendement n° 156 .
Cet amendement, également rédigé par Perrine Goulet, vise à spécifier que les mineurs sont bien inclus dans la lutte contre les dérives sectaires. S'ils n'en sont pas les seules victimes, les mineurs sont des cibles privilégiées pour les nouvelles formes de prédation, en raison de leur vulnérabilité et de leur exposition sur les réseaux sociaux. Dans l'information publique sur les risques des dérives sectaires, il est donc impératif d'apporter un soin particulier à la prévention de ces dangers pour nos enfants.
En matière de protection de l'enfance, nous avons beaucoup de points d'accord. Je veux ici vous rassurer : tous les publics sont informés et formés, y compris les mineurs. D'ailleurs, la stratégie nationale prévoit des mesures spécifiques à l'égard des enfants. Donc cet amendement est satisfait et je vous demande de le retirer.
L'amendement m'a l'air satisfait mais je laisse les parlementaires décider, car il concerne les enfants, qui méritent bien ça. C'est un avis de sagesse.
Si cet amendement était adopté, il établirait une hiérarchisation entre les publics, ce qui n'est pas souhaitable, surtout si l'on pense par exemple aux majeurs protégés ou aux autres personnes vulnérables.
Le vote à main levée n'ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 152
Nombre de suffrages exprimés 109
Majorité absolue 55
Pour l'adoption 47
Contre 62
L'amendement n° 156 n'est pas adopté.
L'article 1er A vise à inscrire dans la loi les missions exercées par la Miviludes, à ce stade prévues par un décret. Toutefois, il mentionne une mission qui ne figure pas dans ce décret, à savoir la coordination de l'action des associations et l'animation du réseau associatif, y compris par l'organisation de formations. Or cet ajout crée une ambiguïté : il laisse penser que la Miviludes exerce une forme de tutelle sur les associations, ce qui, naturellement, n'est pas le cas dans les faits.
Par cet amendement, nous proposons une nouvelle rédaction qui lèverait cette ambiguïté, tout en conservant dans la loi le principe d'un partenariat entre les associations et la Miviludes, conformément à ce que prévoit la stratégie nationale de lutte contre les dérives sectaires.
Comme vous l'avez relevé, la rédaction actuelle pourrait laisser supposer que la Miviludes exerce une forme de tutelle sur les associations, ce qui, bien évidemment, n'est absolument pas le cas. La nouvelle rédaction que vous proposez est équilibrée : elle permettra d'éviter un tel écueil tout en rappelant que la Miviludes et les associations peuvent conclure des partenariats, lesquels sont effectivement encouragés par la stratégie nationale. L'avis est donc favorable.
Votre amendement tend opportunément à améliorer une rédaction qui pourrait faussement donner l'impression que l'administration centrale exerce une tutelle sur les associations, ce qui est, bien entendu, impossible. J'y suis favorable, car il évite cet écueil tout en rappelant que la Miviludes et les associations ont vocation à être des partenaires.
Mme Caroline Abadie et M. Benjamin Haddad applaudissent.
L'amendement n° 145 de Mme la rapporteure est rédactionnel.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.
L'amendement n° 145 est adopté.
Il est complémentaire de l'article 1er BA, qui consacre la possibilité pour les CLSPD et les CISPD de constituer des groupes de travail dédiés aux dérives sectaires. Si nous saluons cette disposition, il nous semble en outre important que les membres de ces comités puissent être accompagnés par la Miviludes et que cet accompagnement soit inscrit dans la loi. En effet, les intéressés ne sont pas nécessairement formés, ni même informés, sur les dérives qu'ils peuvent être amenés à traiter, sur leurs manifestations et les formes qu'elles peuvent prendre, ou encore sur les personnes qu'elles peuvent viser. La Miviludes dispose de moyens qui permettent de bien appréhender les dérives sectaires. Ils pourraient être mis à la disposition des membres des CLSPD et des CISPD.
Je m'attends à ce que vous considériez que l'amendement est satisfait. Quant à vous, monsieur Delaporte, vous êtes un champion dont le nom mériterait de figurer dans le Guinness des records : vous parvenez à faire de la politique politicienne et à attaquer vos opposants sur un sujet aussi consensuel que les dérives sectaires ! Vous allez jusqu'à vous opposer à la formation des élus locaux.
Ce n'est pas ce que nous avons dit ! Et cela existe déjà ! Arrêtez vos balivernes !
Peut-être n'êtes-vous pas conscient des problèmes qui se posent dans les zones rurales ? Du reste, la majorité a oublié, elle aussi, à quoi conduisait sa casse des services publics : dans les zones rurales, il n'y a plus d'agents publics ; au contact des habitants, il ne reste que des élus,…
…qui doivent dès lors être formés pour les défendre face aux dérives sectaires. Sans doute êtes-vous trop souvent à Paris ou en ville pour vous en rendre compte.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs des groupes RE, Dem et SOC.
Je me disais que cette séance était très calme… Je suis sûre que tout le monde va écouter attentivement Mme la rapporteure, à qui je donne la parole pour donner l'avis de la commission.
Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.
Cet avis est tout à fait assumé. Les CLSPD ont trait à la citoyenneté, domaine qui relève de ma compétence. Je précise que le Sénat a déjà souligné l'importance du partage d'information entre la Miviludes et les CLSPD, en inscrivant dans la loi que la Miviludes est informée à sa demande et que les CLSPD peuvent conduire en leur sein, après accord du maire, des travaux relatifs à la lutte contre les dérives sectaires. Selon moi, il est nécessaire de conserver une souplesse d'organisation pour la Miviludes, dans un contexte où elle est très fortement sollicitée.
Si je ne m'en remettais pas à la sagesse de l'Assemblée, ma position entrerait en contradiction avec les annonces que je m'apprête à faire la semaine prochaine.
Nous venons d'avoir une confirmation : les propos du Président de la République et du Premier ministre évoquant une coalition avec l'extrême droite trouvent ici leur traduction parlementaire.
Exclamations sur les bancs des groupes RE, RN et Dem.
Permettez que je m'en émeuve ! Deux fois de suite, la représentante du Gouvernement s'en est remise à la sagesse de l'Assemblée sur un amendement venu de l'extrême droite.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
C'est un précédent et, plus encore, l'expression d'une ligne politique assumée, qui consiste clairement, après l'adoption de la loi immigration, à faire de nouveau cause commune avec l'extrême droite, à former une coalition avec elle.
Exclamations prolongées sur les bancs des groupes RE, RN et Dem.
S'il vous plaît, chers collègues, vous pourrez répondre si vous le souhaitez.
C'est extrêmement dommageable. Tout à l'heure, lors des questions au Gouvernement, la présidente Chatelain a rappelé que des millions de Français lui avaient fait barrage. Madame la ministre, il n'est guère surprenant que vous vous ralliiez ainsi au Rassemblement national, puisque vous aviez affirmé, sur un plateau de télévision, que Jean-Marie Le Pen avait vu juste sur l'immigration.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Je n'ai pas dit ça !
Souffrez néanmoins que nous en soyons émus, nous qui sommes attachés à la digue républicaine et à la lutte contre l'extrême droite.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES. – M. Inaki Echaniz applaudit également. – Exclamations sur les bancs des groupes RE, RN et Dem.
Monsieur Lucas, vos propos sont passablement comiques. Sur cet amendement, Mme la rapporteure a donné un avis défavorable et Mme la ministre s'en est remise à la sagesse de l'Assemblée. Or je vous signale que, pour le moment, les seuls amendements de la NUPES qui ont été adoptés l'ont été avec les voix du Rassemblement national. Un peu de modestie !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs des groupes RE et Dem.
J'ai été mis en cause par un collègue du Rassemblement national, qui a affirmé que mon nom devrait être inscrit dans le Guinness des records en fait de politique politicienne. Je lui demande des excuses …
Exclamations et rires sur les bancs du groupe RN
…car je n'ai fait que dénoncer un fait objectif, à savoir que le Gouvernement s'en est remis à la sagesse de l'Assemblée sur des amendements du Rassemblement national, alors même qu'il nous indique lui-même que les alinéas en question sont redondants et dépourvus d'effet concret. Je ne comprends donc pas la position de Mme la ministre.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à dix-neuf heures trente.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 154
Nombre de suffrages exprimés 152
Majorité absolue 77
Pour l'adoption 54
Contre 98
L'amendement n° 165 n'est pas adopté.
M. Didier Le Gac applaudit.
La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir l'amendement n° 100 .
Par cet amendement très simple, nous exprimons notre souhait de voir le rapport annuel de la Miviludes présenté devant la représentation nationale, comme le sont les rapports de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté ou de la Défenseure des droits, même si ces différentes instances n'ont pas le même statut. Nous aimerions pouvoir poser des questions au président de la mission de façon à avoir un avis éclairé sur les phénomènes sectaires. Cela nous paraît d'autant plus indispensable que, dans les mois à venir, votre minorité présidentielle sera amenée à gouverner ce pays à coups de décrets, qui reviendront à mettre de côté le Parlement.
Seule une présentation du rapport de la Miviludes devant une commission serait envisageable car le cadre de la séance publique est réservé au rapport de la Cour des comptes. J'ajoute que le rapport de la mission étant public, chacun y a librement accès.
Par ailleurs, votre amendement pose un problème de constitutionnalité : la loi ordinaire ne peut imposer un quelconque ordre du jour au Parlement. Avis défavorable.
Les commissions ont coutume de recevoir des représentants des autorités indépendantes, comme la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté ou la Défenseure des droits, notamment pour la présentation de leurs rapports d'activité. La Miviludes n'a pas ce statut ; on peut certes le contester mais cela implique qu'elle ne saurait présenter son rapport dans ce cadre.
Les commissions ont aussi pour habitude de convoquer certains services de l'État, des inspections générales notamment. J'ai d'ailleurs émis le souhait que l'inspection générale de la police nationale (IGPN) et l'inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) soient auditionnées tous les ans par la commission des lois.
Mon avis sera défavorable.
La Constitution confère à l'Assemblée nationale une mission d'évaluation et de contrôle du Gouvernement – je ne vous l'apprends pas. Il n'est donc pas utile d'inscrire dans la loi l'obligation pour la Miviludes de présenter son rapport annuel devant le Parlement. Vous pourrez demander à auditionner ses représentants. La mission est à votre disposition pour vous fournir toutes les analyses et évaluations nécessaires.
Je vais continuer à défendre mon amendement. Rendre obligatoire la présentation du rapport annuel de la Miviludes devant le Parlement ne retire de droits à personne. Les autorités administratives indépendantes procèdent à la présentation de leur rapport devant les commissions, et je ne vois pas pourquoi, sur un sujet dont l'importance est telle qu'un projet de loi lui est consacré, nous ne pourrions pas disposer de tous les éléments nécessaires pour savoir, d'une année sur l'autre, de quels moyens doter cet organisme et de quelle manière évaluer la surenchère pénale que l'on observe en matière de lutte contre le phénomène sectaire.
L'amendement n° 100 n'est pas adopté.
Le Sénat a voulu exclure du champ des informations qui peuvent faire l'objet d'une communication de la part de la Miviludes celles qui n'émanent pas des victimes de dérives sectaires elles-mêmes. Or la majeure partie des informations portées à sa connaissance proviennent non pas des victimes, qui sont souvent encore en état de sujétion et qui n'ont pas conscience de leur état, mais de témoignages de proches ou de personnes tierces. Cette disposition risquerait d'entraver son action pourtant essentielle. Je vous propose donc de la supprimer.
La parole est à Mme Mathilde Desjonquères, pour soutenir l'amendement n° 151 .
Le texte issu du Sénat n'est pas en cohérence avec la réalité du travail que mène la Miviludes. La majeure partie des informations et témoignages portés à sa connaissance provient en effet de proches ou de personnes tierces.
Sur l'article 1er A, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Mathilde Desjonquères, pour soutenir l'amendement n° 154 .
Cet amendement de Perrine Goulet, présidente de la délégation aux droits des enfants, prévoit que la Miviludes offre une prise en charge doublée d'un accompagnement concret aux victimes des dérives sectaires. Il est essentiel que celles-ci bénéficient d'un parcours d'aide tant elles peuvent se sentir marginalisées. Il faut à tout prix éviter toute récidive.
Je partage bien évidemment votre préoccupation mais votre amendement est satisfait. La Miviludes a déjà noué avec les associations des liens que la stratégie nationale de lutte contre les dérives sectaires entend renforcer. Il s'agit notamment de développer des conventions d'objectifs pour former, faire remonter les signalements et assurer une meilleure coordination entre les différents acteurs mais également de conclure des partenariats coordonnés pour améliorer l'assistance aux victimes, en particulier en cas d'urgence.
Je soulignerai que, dans la plupart des cas, les victimes ne s'adressent pas directement à la Miviludes. Ce sont les associations qui lui transmettent informations et témoignages.
Pour toutes ces raisons, je vous demanderai donc de bien vouloir retirer votre amendement.
Je partage votre volonté d'établir un continuum dans la prise en charge des victimes de dérives sectaires. Toutefois, votre amendement manque de précision : la formulation que vous employez – « les personnes concernées » – peut viser aussi bien les victimes que des témoins ou des personnes tierces.
En outre, il n'est pas utile de faire figurer l'accompagnement des victimes parmi les missions de la Miviludes : d'une part, celle-ci s'en charge déjà ; d'autre part, cela ne relève pas du niveau législatif. Ces mesures d'orientation et d'accompagnement sont, par ailleurs, inscrites dans la stratégie nationale de lutte contre les dérives sectaires.
Avis défavorable.
L'amendement n° 154 est retiré.
Cet amendement vise à faciliter la coordination des actions de la Miviludes et des agences régionales de santé (ARS). Ce n'est pas une orientation que nous aurions inventée au cours des débats, une telle collaboration existe déjà. C'est ainsi que l'ARS d'Île-de-France a signé en 2013 une convention de partenariat avec la Miviludes, ayant notamment pour objet de conduire une réflexion commune sur le phénomène sectaire. Il a été convenu dans ce cadre de désigner des interlocuteurs privilégiés, de permettre à des représentants de la Miviludes d'assister à des réunions internes de l'ARS, de développer des formations communes et des participations croisées aux groupes de travail. Avec dix ans de recul, nous savons que ce partenariat a fait ses preuves : il a été profitable au plus grand nombre.
Nous souhaitons donc généraliser les conventions de partenariat avec la Miviludes à toutes les ARS. Cela se justifie d'autant plus qu'une majorité des saisines qui lui sont adressées – 744 selon le dernier rapport – reposent sur des motifs liés à la santé.
Et puis, l'on peut se demander si ce type de proposition ne serait pas une manière d'adresser au plus haut sommet de l'État une invitation bienfaisante à la réflexion et à l'esprit critique. Rappelons qu'Emmanuel Macron comptait dans son équipe de campagne le président de l'agence des médecines complémentaires et alternatives (A-MCA), qui a réussi à être épinglée à la fois par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et la Miviludes.
Comme vous l'avez vous-même indiqué, une ARS a déjà noué un partenariat avec la Miviludes, et ce que peut faire une ARS, une autre peut le faire. Votre amendement est satisfait. Avis défavorable.
Avis défavorable également. Votre amendement est en effet satisfait. Je m'engage à intervenir auprès de la Miviludes et du ministère de la santé afin qu'ils incitent les ARS – il ne me semble pas possible de les y obliger – à amplifier leur collaboration avec la mission. J'en discuterai avec votre collègue Ségolène Amiot, qui a déposé cet amendement.
Je prends bonne note de l'engagement que vous venez de formuler, madame la ministre : c'est un premier pas. En adoptant cet amendement, la représentation nationale marquerait, de manière transpartisane, sa volonté d'aller dans ce sens.
Mme la rapporteure soulignait que ce qu'une ARS fait, une autre peut le faire. Certes, mais la meilleure manière que les autres ARS le fassent, c'est de voter en faveur de cet amendement. Ce n'est pas tous les jours qu'en vous ralliant à une proposition de La France insoumise, vous permettez que vos souhaits deviennent réalité. Voilà autant de temps de gagné pour vous et pour les services du ministère.
L'amendement n° 101 n'est pas adopté.
L'amendement n° 147 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 181
Nombre de suffrages exprimés 180
Majorité absolue 91
Pour l'adoption 180
Contre 0
L'article 1er A, amendé, est adopté.
Sur l'amendement n° 108 , je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 86 , portant article additionnel après l'article 1er A.
Cela fait près de trois heures que nous discutons des dérives sectaires mais le projet de loi n'en donne aucune définition. Je vous propose donc d'inscrire dans la loi la définition élaborée par la Miviludes. Cet amendement très simple permettrait de clarifier l'objet de ce texte.
La définition des mouvements sectaires est donnée dans le code pénal et renvoie à l'état de sujétion. Les termes qui figurent dans notre droit sont suffisamment clairs et précis. Avis défavorable.
L'amendement n° 86 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Notre amendement vise à donner une portée opérationnelle aux différents engagements que nous avons pris aujourd'hui. Il prévoit que le ministre de la santé, avec la Miviludes, organise tous les ans une campagne de sensibilisation aux dérives sectaires en matière de santé. Nous n'avons pas choisi ce thème au hasard. Comme je l'ai déjà indiqué, la santé constitue le premier motif des saisines reçues par la Miviludes, soit 744 contre un peu moins de 300 pour les groupes de croyance organisés.
Cette campagne nous donnerait l'occasion de voir si les dispositions que nous avons votées sont bel et bien mises en œuvre. Elle aurait en outre l'avantage de respecter la liberté de conscience, le droit fondamental de toute personne à croire en ce en quoi elle a envie de croire. Fondée sur une approche transversale des dérives sectaires, elle ne ciblerait en effet ni un type de croyance ni un groupe organisé. La puissance publique se conformerait ainsi à son obligation de protéger toute personne contre les effets néfastes, nocifs ou nuisibles de telle ou telle croyance, pratique ou conviction.
Pour toutes ces raisons, je ne doute pas que cet amendement suscitera l'enthousiasme de la rapporteure et de la secrétaire d'État.
Vous proposez donc que le ministre chargé de la santé et la Miviludes organisent chaque année une campagne de prévention des dérives sectaires. D'une part, la santé n'est pas le seul domaine concerné : il y a aussi l'intérieur, l'éducation nationale, le numérique. D'autre part, la prévention et la sensibilisation du public font partie des missions de la Miviludes et se trouvent au cœur de la stratégie nationale de lutte contre les dérives sectaires pour la période 2024-2027, laquelle prévoit une campagne nationale de sensibilisation et d'information, notamment sur les réseaux sociaux. Cet amendement est entièrement satisfait, comme vous le saviez déjà, du reste. Je vous suggère de le retirer ; à défaut, avis défavorable.
L'amendement vise à inscrire dans la loi l'une des mesures associées à l'objectif n° 2 de la stratégie nationale de lutte contre les dérives sectaires : « Mettre en œuvre une campagne nationale de sensibilisation et d'information du grand public sur les risques des dérives sectaires, via internet et les réseaux sociaux. » Pour les raisons évoquées par la rapporteure, avis défavorable, bien que je vous rejoigne entièrement s'agissant des objectifs à atteindre.
Je constate que les avis de sagesse ne sont pas répartis de manière tout à fait équitable, mais ce n'est pas grave.
Il y avait dans vos réponses deux éléments intéressants : la campagne sur les réseaux sociaux n'est pas annuelle, il s'agirait donc de la rendre telle ; l'intérêt qu'elle figure dans un texte législatif plutôt que dans une stratégie ministérielle ou interministérielle apparaît si l'on considère que personne ici n'est éternel, et que la mesure survivrait ainsi aux majorités futures. Somme toute, c'est presque rendre hommage à vos idées…
…que d'empêcher qu'elles ne disparaissent au premier coup de vent ; ce serait permettre à vos principes de subsister !
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 179
Nombre de suffrages exprimés 136
Majorité absolue 69
Pour l'adoption 31
Contre 105
L'amendement n° 108 n'est pas adopté.
L'amendement n° 166 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir l'amendement n° 109 .
Ce n'est pas un amendement très ambitieux, mais il n'en a pas moins son importance : il s'agit de substituer le mot « dérives » au mot « phénomènes », lequel suggère quelque chose de flou, de mal identifié, aux paramètres inconnus, une observation dont on ne peut tirer aucune conclusion, alors qu'une dérive est caractérisable et possède une connotation négative. Nous souhaitons donc revenir à la version initiale du texte.
Sur l'article 1er BA, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission ?
Ma réponse sera en substance celle que j'ai faite tout à l'heure à M. Cordier : la notion de phénomène sectaire est suffisamment claire et englobante. Au demeurant, la Miviludes l'utilise dans ses rapports annuels. Il n'y a là aucune ambiguïté ou contradiction : avis défavorable.
L'amendement n° 109 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Chers collègues, êtes-vous d'accord pour estimer que nous pouvons considérer comme écoulées les cinq minutes qui doivent séparer l'annonce et la tenue d'un scrutin public ? En l'occurrence, ce sont les cinq minutes Fiat !
Sourires et approbation.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 165
Nombre de suffrages exprimés 165
Majorité absolue 83
Pour l'adoption 165
Contre 0
L'article 1er BA est adopté.
La parole est à M. Mathieu Lefèvre, pour soutenir l'amendement n° 124 , portant article additionnel après l'article 1er BA.
Il a trait à une situation que nous avons tous vécue : celle où des membres d'un mouvement sectaire font du prosélytisme, soit porte-à-porte, soit dans la rue, parfois à proximité des écoles. Sachant qu'ils n'ont rien à faire là, je propose que nous sanctionnions cette démarche avec la plus grande fermeté, en nous inspirant du dispositif pénal en matière de racolage. Peut-être la rapporteure fera-t-elle valoir les limites de la rédaction de l'amendement, dont j'ai bien conscience, mais il importe que le prosélytisme sectaire soit interdit dans l'espace public.
« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe RE.
En effet, monsieur Lefèvre, je vous demanderai de retirer l'amendement, à défaut de quoi j'émettrai un avis défavorable. Même si je vous comprends tout à fait, car il est exact que chacun a pu assister à ces scènes délétères, les notions de propagande et de prosélytisme sectaire demeurent imprécises et ne répondent sans doute pas aux exigences constitutionnelles. En outre, l'amendement vise l'exercice de ce prosélytisme « par tout moyen, y compris par une attitude passive » : le port d'un tee-shirt sur lequel est imprimé un slogan à caractère potentiellement sectaire tomberait donc sous le coup de la loi ? Enfin, la sanction encourue serait la même pour le gourou qui se livre à un prêche public et pour l'adepte qui colle une affiche ou propose un tract, alors que l'intensité n'est pas la même. Le dispositif que vous prévoyez reste donc, je le répète, trop large, trop peu précis.
Pour les mêmes raisons, je demande également le retrait ; à défaut, avis défavorable. Outre les défauts que présente sa rédaction, l'amendement est d'ailleurs satisfait par le dispositif de dissolution des groupes sectaires que prévoit la loi du 12 juin 2001, dite loi About-Picard.
Je retire l'amendement, afin de le retravailler, dans le cadre de la navette parlementaire, suivant les observations de Mme la rapporteure et de Mme la ministre.
Mme Caroline Abadie applaudit.
L'amendement n° 124 est retiré.
Je suis saisie de quatre amendements identiques, n° 18 , 65 , 88 et 126 , tendant à supprimer l'article 1er .
Sur ces amendements, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
L'amendement n° 18 de M. Xavier Breton est défendu.
La parole est à Mme Emeline K/Bidi, pour soutenir l'amendement n° 65 .
Il s'agit effectivement d'un amendement de suppression, car l'arsenal législatif permet de réprimer suffisamment les faits énoncés dans cet article. Nous sommes très régulièrement en contact avec des magistrats, des procureurs,…
…qui nous disent qu'ils n'en peuvent plus des évolutions législatives purement sémantiques, visant à créer, sans autre motif que la passion du moment, des infractions en fait déjà prévues. Alors qu'ils sont à la peine en raison du manque de moyens humains et financiers, il leur faut chaque fois se replonger dans les codes. Nous espérons donc voir adopter cet amendement.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 88 .
En effet, les infractions que l'article vise à créer existent déjà au sein du code pénal : je pourrais par exemple citer l'article 222-33-2-2, dont la rédaction actuelle, issue de la loi du 2 mars 2022, vise de manière exhaustive les comportements mêmes que vous entendez sanctionner.
De plus, contrairement à ce qu'évoque le Gouvernement dans sa présentation du texte, celui-ci outrepasserait largement les cas de sujétion de nature sectaire, conduisant à sanctionner d'autres types d'emprise – religieuse, idéologique, conjugale, familiale – de façon parfois moins sévère que ne le prévoient les dispositions en vigueur. Pour citer la rapporteure du texte au Sénat, dont la commission avait adopté l'amendement visant à supprimer cet article, cela pose particulièrement problème « s'agissant de la répression des violences contre les femmes et des violences intrafamiliales ».
Qui a écrit : « La volonté de rendre plus visible la politique contre les dérives sectaires en créant une nouvelle infraction aux côtés de celle déjà créée en 2001 correspond à une facilité malheureusement courante des politiques pénales et de sécurité, ayant pour objectif d'afficher une action qui ne produit néanmoins généralement aucun effet pratique sur la répression des infractions » ? Ce sont les sénateurs du groupe Les Républicains, dans le rapport consacré à ce texte par leur commission des lois !
Nous-mêmes dénonçons régulièrement, sous les cris d'orfraie du Gouvernement et de la majorité, l'inefficacité de ces redites permanentes, l'inflation pénale donnant lieu à des situations ubuesques. Comme cela vient d'être dit, l'adoption de l'article 1er n'aboutirait qu'à rendre plus difficile la lutte contre les violences conjugales et intrafamiliales. Vous prenez souvent de tels risques, chers collègues !
Qui plus est, ce n'est pas avec les 500 000 euros de la Miviludes que nous réussirons à lutter concrètement contre les dérives sectaires. Ce texte a besoin de moyens, non d'artifices, d'où notre proposition de supprimer l'article ; je regrette d'ailleurs que ceux de nos collègues Les Républicains qui avaient déposé des amendements en ce sens ne soient plus là pour les défendre.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
L'article 1er , l'un des deux plus importants du texte, a été validé par le Conseil d'État ; il est attendu de tous les acteurs que j'ai pu rencontrer lors des auditions, juridiquement robuste, essentiel à une lutte efficace contre les dérives sectaires. Je me contenterai de vous citer deux chiffres : on compte chaque année 4 000 signalements auprès de la Miviludes et 15 sanctions pénales. Si l'arsenal juridique était suffisant, nous aurions de meilleurs résultats ! Avis défavorable.
Je ne peux qu'être défavorable aux amendements de suppression de l'article 1er , lequel préserve les acquis de la loi dite About-Picard votée en 2001, en maintenant le délit d'abus de faiblesse causé par un état de sujétion psychologique ou physique.
Le nouveau délit créé par l'article 1er intervient en amont de cet abus de faiblesse, afin de sanctionner le fait de placer ou de maintenir une personne dans un état de sujétion psychologique ou physique. En effet, le cadre juridique actuel est insuffisant pour appréhender le placement dans un état de sujétion et les nouvelles formes prises par les dérives sectaires. C'est pourquoi ce nouveau délit représente une avancée décisive dans la lutte contre les dérives sectaires, en ce qu'il permet, tout d'abord, de mieux tenir compte des spécificités de l'emprise sectaire. La disproportion entre le faible nombre de procédures judiciaires engagées et la recrudescence des signalements à la Miviludes n'est pas satisfaisante – je l'ai rappelé dans la discussion générale. Ensuite, il permet d'améliorer l'indemnisation des victimes. Tel est l'objet de l'article 1er . Avis défavorable.
L'article 1er constitue le cœur du texte. En réalité, nous ne nous opposons pas sur les objectifs – nous voulons tous lutter contre les dérives sectaires – mais sur la méthode pour y parvenir. Contrairement à ce qui a été très largement exprimé, les dispositions actuelles du code pénal ne sont pas suffisantes, notamment parce qu'elles ne couvrent que des éléments frauduleux graves ou réitérés, conduisant une personne à un acte ou à une abstention qui lui sont préjudiciables. Nous souhaitons maintenir les dispositions actuelles et en ajouter de nouvelles, qui seront bien plus importantes et qui nous permettront de réprimer le placement ou le maintien dans un état de sujétion, en faisant valoir des éléments de dégradation de la santé, sur le plan physique ou psychologique, et de prévenir l'abstention – actuellement, le code de procédure pénale ne prévoit que l'action. Comme l'a très bien indiqué madame la rapporteure, il s'agit d'un article central, demandé par tous nos interlocuteurs,…
…qu'il s'agisse des représentants de l'autorité judiciaire, des associations ou des personnes que nous avons auditionnées. Ne pas adopter cet article serait catastrophique ; c'est pourquoi je vous invite à le voter.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Je m'inscris en faux par rapport à ce qui vient d'être exposé. Avec l'article 1er , vous créez une infraction autonome. Or j'ai cité tout à l'heure l'article 222-33-2-2 du code pénal, modifié par la loi du 2 mars 2022, visant à combattre le harcèlement scolaire – ce n'est pas si vieux puisque cela fait moins de deux ans. Ledit article dispose que « Le fait de harceler une personne par des propos […] ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale est puni […] » – je vous fais grâce du reste.
Cet article du code pénal, qui comporte plusieurs alinéas, évoque spécifiquement les faits commis « sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience […] est apparente ou connue de leur auteur ». Il est ici question de harcèlement, mais les cas d'emprise pourraient tout à fait relever de cet article, puisqu'ils peuvent être assimilés à du harcèlement.
C'est la raison pour laquelle je vous mets en garde sur le fait de créer une nouvelle infraction, alors qu'il serait tout à fait possible d'utiliser le code pénal existant et les dispositions en vigueur, sans en ajouter de nouvelles. Je vous rappelle que, depuis quelques semaines, les Français expriment dans la rue leur ras-le-bol des normes et de l'inflation législative,…
…leur ras-le-bol du toujours plus. Or c'est exactement ce que nous sommes en train de faire !
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 169
Nombre de suffrages exprimés 163
Majorité absolue 82
Pour l'adoption 62
Contre 101
Mes chers collègues, à la suite de la démission de Mme Marie Guévenoux de ses fonctions de questeure, le président du groupe Renaissance a fait savoir à la présidente de l'Assemblée nationale que Mme Brigitte Klinkert était désignée en qualité de questeure de l'Assemblée nationale.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l'accompagnement des victimes ;
Discussion de la proposition de loi visant à faciliter la mise à disposition aux régions du réseau routier national non concédé.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures cinq.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra