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Intervention de Didier Paris

Séance en hémicycle du mardi 13 février 2024 à 15h00
Lutte contre les dérives sectaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDidier Paris :

Il ne fait aucun doute que les pratiques sectaires se sont développées et renforcées, comme le montrent les nombreux exemples donnés par nos collègues. Elles sont devenues protéiformes et touchent toutes les catégories sociales, tous les âges, tous les milieux. Elles se sont clairement accentuées à l'occasion des dernières crises sanitaires, qui ont apporté leur lot de complotistes et de gourous pseudo-scientifiques autoproclamés.

Si les fondements religieux de telles dérives existent encore, à ceux-ci s'ajoutent des prétentions nouvelles et plus insidieuses, qui concernent la santé ou l'alimentation et ont un point commun : elles constituent pour ceux qui les utilisent de véritables fonds de commerce. Le développement des réseaux sociaux et de la communication, par voie de presse ou en ligne, a donné une bien plus large audience à ces manœuvres : elles touchent désormais une partie des usagers qui, souvent déjà très fragiles, ne se voient offrir sur la toile aucun repère contradictoire ni aucune approche critique.

Ce phénomène ronge le lien social mais il faut reconnaître qu'il est encore relativement mal connu, souvent difficile à circonscrire et, de toute façon, mal appréhendé par la loi. Certains l'ont dit, les dernières avancées en la matière ont plus de vingt ans. Bien qu'importantes, elles étaient essentiellement centrées sur la répression de l'abus de faiblesse et sur ses conséquences patrimoniales. Malheureusement, le problème est aujourd'hui bien plus vaste.

La lutte contre les dérives sectaires doit donc être actualisée et durcie. C'est l'enjeu du présent texte, qui exprime clairement la volonté politique de protéger les plus vulnérables face aux risques physiques, psychologiques, sanitaires, sociaux et financiers que font courir les sectes. Il est donc essentiel de renforcer les pouvoirs de la Miviludes – qui, malgré des moyens modestes, accomplit un travail remarquable – et de mieux agir en faveur de la prévention, de la formation et de l'information de nos concitoyens.

Il est tout aussi impératif d'adapter notre arsenal répressif, qui est en quelque sorte le dernier rempart à la solitude et à l'abandon dans lesquels se trouvent nombre de victimes. La position du Sénat, qui a rejeté les principales mesures pénales du projet de loi, est sur ce point difficilement compréhensible ; elle ne s'inscrit manifestement pas dans le sens de l'histoire, même si les modifications issues du Sénat ne sont pas toutes négatives. C'est la raison pour laquelle la commission des lois a réintroduit dans le texte les articles 1er , 2 et 4 du projet de loi initial, dont il a déjà beaucoup été question, après qu'ils ont été supprimés par les sénateurs.

Il ne fait aucun doute que les manœuvres sectaires nécessitent sans attendre de considérer la sujétion physique et psychologique comme un délit autonome, de fixer les circonstances aggravantes qui l'accompagnent, et de réprimer clairement la provocation à l'abandon ou à l'abstention de soins, ainsi que l'adoption de pratiques dont il est manifeste qu'elles exposent à un risque grave et immédiat pour la santé.

Cependant, et nous en sommes pleinement conscients, une telle répression ne doit pas s'abattre sans discernement. Comme nous y invite le Conseil d'État, nous devons atteindre un équilibre en protégeant la liberté d'expression et de conscience, fondement de toute démocratie. Il s'agit tout simplement de préserver le droit de contester des pratiques thérapeutiques, la liberté des débats scientifiques et celle des lanceurs d'alerte, ainsi que la liberté de prodiguer des soins non conventionnels ou même de refuser un traitement.

Comme nous nous y étions engagés en commission des lois avec Mme la rapporteure, dont je salue l'engagement et le travail de fond, divers amendements identiques seront proposés par les groupes de la majorité, en particulier à l'article 4 déjà largement évoqué par les orateurs qui m'ont précédé. Leur adoption permettrait de disposer que la répression pénale n'a pas à s'appliquer lorsque la « provocation » s'accompagne d'une information claire et complète des conséquences pour la santé, et qu'elle ne remet pas en cause la volonté libre et éclairée de la personne.

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