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Intervention de Mathilde Desjonquères

Séance en hémicycle du mardi 13 février 2024 à 15h00
Lutte contre les dérives sectaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMathilde Desjonquères :

Le 2 novembre 2023, la Miviludes dévoilait un rapport alarmant qui doit toutes et tous nous inquiéter. On y découvre que le pays a connu un accroissement inédit des agissements à caractère sectaire en 2021 : la Miviludes a ainsi reçu 4 020 saisines cette année-là, en augmentation de 33,6 % par rapport à l'année précédente.

Identifiées dans les rapports parlementaires dès les années 1990, les dérives sectaires ne sont pas un phénomène récent, mais les nouveaux moyens de communication ont rendu leur diffusion massive et difficilement contrôlable. Ce projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires est donc la marque d'un regain d'intérêt – nécessaire et attendu – des pouvoirs publics, en matière de lutte contre un phénomène qui se renforce un peu plus chaque jour, et dont les conséquences sur la santé physique et psychique ne sont plus à démontrer.

Néanmoins, cette lutte contre les dérives sectaires ne saurait en aucun cas stigmatiser les pratiques dites non conventionnelles et la recherche du bien-être, et encore moins entraver la liberté d'accepter ou de refuser un traitement médical spécifique, ou de choisir un autre type de traitement. Comme la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) le rappelait dans un arrêt du 10 juin 2010, il s'agit là d'une liberté essentielle à la maîtrise de son propre destin et à l'autonomie personnelle, en l'absence de pressions inappropriées. Il est donc nécessaire de protéger à la fois les victimes des dérives et les praticiens honnêtes, en sanctionnant davantage et plus efficacement les personnes mal intentionnées.

Je tiens également à rappeler l'importance des articles 1er , 2 et 4, sans lesquels le texte, complètement vidé de sa substance, n'aurait plus d'intérêt et laisserait les nombreuses victimes dans le désarroi le plus total.

Sans la création d'une infraction autonome, la lutte contre les dérives sectaires sera vaine. Indépendamment de tout abus éventuel, le simple placement ou maintien dans un état de sujétion psychologique ou physique susceptible d'altérer gravement la santé doit être spécifiquement sanctionné – une volonté partagée par la Miviludes et les associations qui œuvrent sur le terrain. Est-il vraiment nécessaire de rappeler toutes les horreurs survenues sur fond de dérives sectaires – meurtre, viol, torture et autres actes de barbarie – pour insister encore sur la nécessité de maintenir dans le texte la création de circonstances aggravantes dont la gravité justifie précisément des sanctions plus lourdes.

Les nombreuses dérives sectaires portent également atteinte à la santé des victimes, notamment lorsque celles-ci arrêtent des traitements médicaux, en particulier lorsqu'il s'agit de pathologies graves. Si les médecines dites non conventionnelles ne sont pas un problème en soi – au contraire, elles sont même très souvent un complément essentiel au bien-être des personnes –, il incombe à leurs praticiens d'informer les patients de toutes les conséquences possibles sur leur santé, et de s'assurer que ces derniers font un choix libre et éclairé.

C'est pourquoi il est nécessaire de créer un nouveau délit sanctionnant la provocation à l'abandon ou l'abstention de suivre un traitement médical thérapeutique ou prophylactique, alors que cet abandon ou cette abstention est manifestement susceptible, en l'état des connaissances médicales et compte tenu de la pathologie de la personne visée, d'entraîner pour elle des conséquences graves pour sa santé physique ou psychique, ou la provocation à adopter des pratiques présentées comme ayant une finalité thérapeutique ou prophylactique, alors qu'il est manifeste que ces pratiques, en l'état des connaissances médicales, exposent la personne visée à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente.

Je salue donc le rétablissement, par la commission des lois, de ces articles ô combien essentiels, ainsi que le travail de Mme la rapporteure, qui a permis d'aboutir à un texte à la fois protecteur et garant des libertés individuelles.

Un point d'alerte avant de conclure : le Gouvernement doit porter une attention particulière à la situation des enfants victimes des dérives sectaires. La nécessité de protéger les mineurs de l'emprise sectaire est une exigence pour les pouvoirs publics et un devoir pour toutes et tous. Il sera donc nécessaire de renforcer la prévention et la protection des mineurs car leur jeune âge en fait la population la plus fragile face à ces dérives.

Pour toutes les raisons que je viens d'évoquer, le groupe Démocrate votera en faveur de ce texte.

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