France Insoumise (NUPES)
PCF & ultramarins (NUPES) PS et divers gauche (NUPES) EELV (NUPES)
Radicaux, centristes, régionalistes... LREM et proches (Majorité gouv.)
MoDem et indépendants (Majorité gouv.) Horizons (Majorité gouv.) LR et UDI
RN et patriotes
Non-Inscrits (divers gauche à droite sans groupe)
La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Suite de la discussion d'un projet de loi
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles, s'arrêtant aux amendements portant article additionnel après l'article 1er .
Je suis saisie de quatre amendements identiques, n° 388 rectifié , 391 rectifié , 392 rectifié et 393 rectifié , lesquels font l'objet du sous-amendement n° 401 .
La parole est à M. Dominique Da Silva, pour soutenir l'amendement n° 388 rectifié .
Tendre vers le plein emploi suppose que nous soyons à cheval sur le respect des droits et des devoirs, principe qui doit s'appliquer à tous et auquel notre majorité et moi-même sommes très attachés. C'est tout l'objet de cet amendement, qui vise à clarifier et à apporter une réponse à un phénomène bien connu des employeurs qui le subissent : l'abandon de poste du salarié.
En effet, le départ volontaire d'un salarié qui n'exprime pas sa volonté de démissionner pose problème car, dans le droit actuel, il n'est pas considéré comme démissionnaire. Cette situation anormale désorganise les entreprises, surtout les plus petites auxquelles je m'intéresse depuis longtemps – j'en ai visité de nombreuses. Cette situation les oblige à licencier le salarié concerné, généralement en CDI, sans raison.
Nous souhaitons une disposition claire et juste : l'instauration d'une présomption simple de démission du salarié lorsqu'il quitte volontairement son poste. Une telle présomption resterait bien évidemment conditionnée à une mise en demeure préalable de l'employeur invitant son salarié à reprendre son poste de travail. De cette manière, le salarié contestant la rupture de son contrat de travail aurait la possibilité de saisir le conseil de prud'hommes, lequel devant alors statuer au fond dans un délai très court d'un mois.
La pratique de l'abandon de poste, qui permet d'être indemnisé par l'assurance chômage alors qu'il s'agit là d'une faute grave, est inacceptable. Nous souhaitons y mettre un terme sans priver le salarié de ses justes droits.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Sur les amendements identiques n° 388 rectifié , 391 rectifié , 392 rectifié et 393 rectifié , je suis saisie par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l'amendement n° 391 rectifié .
Il est identique à celui de notre collègue Da Silva, et il a également été repris par nos collègues des groupes Horizons et apparentés et Les Républicains. Il porte sur un sujet récurrent de nos auditions des partenaires sociaux. Comme l'a très bien expliqué Dominique Da Silva, il ne s'agit pas de faire n'importe quoi, bien au contraire.
Il convient notamment de s'appuyer sur la jurisprudence, que nous connaissons et qui nous permet de définir ce qui relève effectivement de la démission, de sorte d'éviter tout effet d'aubaine et toute dérive dans l'application du projet de loi.
De nombreuses entreprises ne peuvent actuellement que constater l'absence d'un de leurs salariés, sans avoir été préalablement prévenues, ce qui a pour conséquence – chacun le comprend – une profonde désorganisation de leur fonctionnement. Ces amendements visent ainsi à la fois à conserver un filet de sécurité pour les salariés – le groupe Démocrate (MODEM et indépendants) avait appelé l'attention du ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion sur ce point dès les premières auditions sur ce texte – et à protéger les chefs d'entreprise susceptibles de se retrouver dans une situation intenable.
J'insiste sur le fait que ces amendements sont largement transpartisans, sachant que le sous-amendement que notre collègue Delaporte présentera dans un instant n'est pas très éloigné des nôtres.
M. Arthur Delaporte proteste.
Aussi la communauté du bon sens l'emportera-t-elle peut-être afin d'assurer la responsabilisation aussi bien des chefs d'entreprise que des salariés. Ne laissons pas la réglementation telle qu'elle est, c'est-à-dire sans offrir aux employeurs de solution en cas d'abandon de poste.
La parole est à M. François Gernigon, pour soutenir l'amendement n° 392 rectifié .
L'abandon de poste consiste à quitter volontairement son poste de travail ou sa fonction sans préavis ni explications. Aucune raison ne peut justifier cet acte, puisqu'en cas de souci de santé, la médecine du travail existe et qu'un arrêt de travail est toujours possible. En cas de désaccord avec l'employeur, la rupture conventionnelle entre les parties est prévue et, dans ce cas, la rupture du contrat de travail permet de percevoir le revenu de remplacement prévu par l'assurance chômage.
Nous savons tous que l'abandon de poste est utilisé pour contourner les effets de la démission et percevoir les indemnités de chômage. Il est donc ici proposé de limiter cette pratique, sachant qu'il ne s'agit évidemment pas de faire obstruction au droit de retrait en cas de risque avéré pour la santé ou la vie du salarié.
La parole est à M. Jean-Louis Thiériot, pour soutenir l'amendement n° 393 rectifié .
Tout a déjà été très bien dit par les précédents orateurs. Ces amendements sont effectivement transpartisans – nous avons été plusieurs à y travailler – et sont le fruit de rencontres, après que j'en ai pris l'initiative en commission des affaires sociales, avec toutes les activités du territoire.
Je rappellerai d'abord deux principes. Le premier est que l'assurance chômage est exclusivement limitée aux cas de privation involontaire d'emploi. Or l'abandon de poste n'en relève pas. Deuxièmement, à ceux qui s'opposeraient à cet amendement et qui ont toujours à la bouche le mot « assurance », je tiens à rappeler que le principe de l'assurance est l'imprévisibilité de l'accident. Il n'existe pas de clause potestative dans l'assurance, aussi plutôt que de citer Le Petit Livre rouge, il vaudrait mieux lire le code des assurances.
Dans toutes les PME de nos territoires – je pense à la restauration, au bâtiment, aux travaux publics, au travail agricole ou, plus particulièrement, au transport scolaire –, il est impératif de mettre un terme à l'abandon de poste du jour au lendemain, car cela aboutit à laisser des enfants sur le bord des routes, comme dans ma circonscription, en Seine-et-Marne.
Exclamations sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Il s'agit à la fois d'une mesure de justice et d'équité.
Enfin, je précise que ces amendements ne priveront les salariés d'aucun droit, dans la mesure où ces derniers pourront toujours former un recours s'ils considèrent que leur abandon de poste est une démission forcée.
Oui, ces amendements sont conformes à l'esprit dans lequel nous devons travailler dans cette assemblée où, au nom de dans l'intérêt général, il convient d'agir de manière transpartisane. Dans le cas contraire, cela signifie que l'on fait le choix du droit à la paresse, qui ne doit pas revenir à vivre aux crochets de ceux qui se lèvent tôt le matin.
Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES – Applaudissements sur quelques bancs des groupes LR, Dem et HOR.
La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir le sous-amendement n° 401 .
Contrairement à ce que disait notre collègue Vigier, le groupe Socialistes et apparentés ne soutient absolument pas ce que vous souhaitez instaurer par ces amendements. Nous cherchons plutôt à pointer l'absurdité de votre démarche et à introduire les garanties minimales qui s'imposent. Ainsi, avant de légiférer, je nous invite collectivement à mesurer ce que vous êtes en train de faire et qui est contraire aux principes fondamentaux du droit du travail – je dis bien principes fondamentaux.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Vous parlez de présomption de démission voire de prédémission, mais je vous mets au défi d'introduire ces dispositions dans la loi et de passer ne serait-ce que l'épreuve du Conseil constitutionnel.
Mêmes mouvements.
Je vous mets également au défi de démontrer la compatibilité de la mesure avec les normes internationales de l'OIT – Organisation internationale du travail – et avec le droit de l'Union européenne auquel vous dites adhérer, tout comme nous, ou encore de passer l'obstacle des juges de la chambre sociale de la Cour de cassation, qui n'accepteront jamais un tel motif de rupture de contrat.
Enfin, je vous mets au défi d'évaluer le nombre d'abandons de poste que vous qualifiez d'injustifiés. Le plus souvent, un abandon de poste n'est pas volontaire.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LR, Dem et HOR.
Ceux qui affirment le contraire n'ont pas croisé de chefs d'entreprise, car l'abandon de poste, à l'instar des retards ou des négligences, est bien utilisé pour justifier un licenciement, tout en apportant une sécurité juridique aux salariés. Je le répète, le licenciement pour faute grave existe et l'employeur peut toujours invoquer ce motif en cas de problème. Il faut arrêter de faire d'un phénomène minoritaire, que vous ne parvenez pas même à évaluer, un phénomène de société nécessitant de prendre une mesure pénalisant l'ensemble des chômeurs. Revenons à la raison, s'il vous plaît !
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
La parole est à M. Marc Ferracci, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour donner l'avis de la commission sur ce sous-amendement et ces amendements identiques.
L'avis de la commission est favorable sur l'ensemble des amendements. Le phénomène des abandons de poste est un sujet ancien. Je me souviens qu'il avait déjà été évoqué lors de l'examen de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, et je tiens à cet égard à saluer notre collègue Dominique Da Silva, qui s'était exprimé sur ce point à l'époque.
La question des abandons de poste s'est donc également reposée au cours de nos travaux en commission sur le présent texte, au travers du témoignage de terrain de certains parlementaires, ainsi que lors des auditions que nous avons menées. Ce phénomène peut causer de lourds problèmes, particulièrement aux petites entreprises, qui font face à une incertitude juridique s'agissant de la vacance des postes. Nous le savons, dans le contexte actuel, une telle situation peut très vite s'avérer dramatique pour leur activité économique.
Les amendements ont fait l'objet d'améliorations depuis leur examen en commission, afin d'instaurer un dispositif équilibré qui garantisse aux salariés dont la démission aura été prononcée par leur employeur à la suite d'un abandon de poste de pouvoir obtenir l'examen de leur situation par le conseil de prud'hommes. Ces garanties procédurales sont très importantes, car il est vrai que certains – je dis bien certains – abandons de poste sont motivés par des raisons légitimes telles que la santé et la sécurité du salarié. Cela étant, j'insiste sur le fait que ces motifs légitimes ne font pas obstacle à ce que le phénomène important des abandons de poste, qui nous est remonté du terrain, fasse l'objet d'une réponse législative.
En ce qui concerne le sous-amendement proposé par notre collègue Delaporte, il nous semble que les garanties apportées par l'amendement dans sa version originelle sont suffisantes. En revanche, les formalités supplémentaires que vous introduisez à l'alinéa 2 de cet amendement, c'est-à-dire après que l'abandon de poste a été notifié par l'employeur, aboutirait à ralentir cette procédure et pourrait pénaliser de manière assez paradoxale les salariés susceptibles d'être considérés comme démissionnaires pour de mauvaises raisons. Votre sous-amendement va donc à l'encontre du but que vous poursuivez, qui est de protéger les salariés.
C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable sur ce sous-amendement et favorable sur les amendements.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels, pour donner l'avis du Gouvernement.
Après avoir salué le travail conjoint des groupes Démocrate, Renaissance, Horizons et Les Républicains sur ces amendements, je voudrais insister sur le fait que la présomption de démission en cas d'abandon de poste par un salarié répond aux demandes des entreprises, dans lesquelles ces abandons de poste sont en augmentation constante et posent divers problèmes. Outre que cela désorganise le collectif de travail et oblige l'employeur à licencier son salarié, ce dernier, lorsqu'il a des raisons légitimes d'être absent – notamment des motifs de santé – risque d'être injustement stigmatisé.
Ce dispositif nous paraît enfin bénéfique pour les finances de l'assurance chômage dans la mesure où, ces salariés qui renoncent volontairement à travailler sont pourtant considérés comme involontairement privés d'emploi, et ont donc droit à des indemnités chômage.
Le Gouvernement est donc favorable à ces amendements qui établissent, en cas d'abandon de poste par un salarié, une présomption simple de démission assortie d'une mise en demeure préalable par l'employeur, de manière à ce que l'abandon de poste ne soit déclaré que si le salarié ne répond pas ou qu'il ne se justifie pas.
Compte tenu du nombre de demandes de prise de parole, chaque groupe aura la liberté de s'exprimer sur ces amendements.
La parole est à M. Hadrien Clouet.
Nous avons d'abord cru à une blague ! Le phénomène dont vous parlez n'a pas été évalué ; vos arguments consistent surtout à citer la tante de la belle-mère des uns ou des autres qui aurait constaté un abandon de poste.
C'est ce que vous faites tout le temps ! Ce sont les remontées du terrain !
Il me semble que nous méritons des informations un petit peu plus solides pour nous prononcer sur une réforme.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Ce qui est extrêmement sérieux, en revanche, c'est le fond de votre proposition. Vous nous demandez d'acter le fait que des salariés humiliés, sous-payés et maltraités soient maintenus en poste de gré ou de force, parce que vous leur supprimez toute porte de sortie. Notamment, lorsque des personnes porteront plainte, elles seront blacklistées pour des années et ne retrouveront pas de travail dans les secteurs où les employeurs se parlent entre eux. Bref, vous êtes en train de condamner au chômage durable des personnes au nom de l'accès au travail,…
Vous établissez une forme de triple peine pour des salariés qui non seulement occupent des postes intenables, dans des conditions inacceptables, non seulement vont être sanctionnés voire licenciés, grâce à toute une volée de motifs, mais qui, après avoir subi tout ça, se verront retirer leurs allocations chômage. Cette triple peine est non seulement injuste et inefficace, elle est inacceptable !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Pour autant, vous refusez de vous pencher sur les conditions d'emploi. Au lieu de considérer qu'un emploi peut être problématique, mal conçu et mal adapté à la personne qui l'occupe et qu'il faut donc en revoir les conditions, vous estimez que c'est l'employé qui pose problème et vous le forcez à accepter n'importe quoi et à s'y tenir.
Enfin, si c'est avec des amendements aussi sommaires et aussi outranciers que vous envisagez de traiter la multitude de situations concernées, c'est bien qu'il existe sur vos bancs un droit à la paresse parlementaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Votre lecture du droit social n'est pas vraiment compatible avec la nôtre si vous prétendez que, parce qu'il y a subordination il y a aliénation. Vous semblez considérer que les salariés ne peuvent pas se protéger eux-mêmes, et qu'il faut donc les protéger…
…par la loi, par la réglementation et par l'action syndicale. Vous n'avez pas confiance dans le fait que ce sont des personnes qui sont parfaitement capables de faire valoir leurs droits.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
S'il vous plaît, je ne suis pas dans l'invective et je ne vous juge pas ; je fais simplement valoir une autre position, qui consiste à penser que les gens sont capables de se défendre eux-mêmes, grâce à la loi.
Contrairement à ce que vous venez de déclarer, nous ne sommes pas outranciers puisque nous faisons intervenir un tiers, le conseil des prud'hommes, dans un délai raisonnable. En effet, s'il y a des cas où l'abandon de poste est justifié, vous ne pouvez pas nier qu'il y a des abus. Pourquoi a-t-on fait des conventions de rupture ? Parce que certains salariés démissionnaires voulaient toucher le chômage et demandaient donc à être licenciés ; d'où les licenciements bidon, les contestations, les transactions et les conventions de rupture.
Il est donc grand temps que la loi empêche raisonnablement ces abus, en misant notamment sur le fait que les gens sont capables de se protéger et de se défendre tout seuls.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Je ne crois absolument pas que cette mesure soit de nature, comme vous vous en targuez, à résoudre les tensions sur le marché du travail ; cela va même être l'inverse, parce que vous ne vous posez pas la question fondamentale : quelle est la cause de tous ces abandons de postes ? Vous ne cherchez absolument pas à comprendre ce qui se cache derrière ni à trouver des solutions. Ce n'est pas votre problème ; et vous êtes en dehors des clous que vous avez vous-mêmes posés.
En réalité, nous disposons déjà d'outils dans le code du travail, et la disposition que vous voulez y intégrer va fragiliser la démission, telle qu'elle est actuellement codifiée. Selon les termes du code du travail, la démission doit être claire et non équivoque. Or, de manière irréfléchie, vous venez interférer avec les dispositions préexistantes quitte à créer des zones de non droit.
S'il n'existe aucune documentation sur les raisons qui poussent à un abandon de poste, j'en connais au moins une : dans les déserts médicaux, il est très difficile d'obtenir un rendez-vous médical et, si vous êtes malade ou victime d'un accident sans pouvoir consulter dans des délais raisonnables, vous serez donc jugé pour abandon de poste et licencié sans indemnités.
Exclamations et protestations sur les bancs des groupes RE et Dem.
Je vous encourage donc à réfléchir avant de prendre des décisions comme celle-là. Il faut documenter les phénomènes dont vous parlez, qui relèvent surtout d'une posture idéologique défendue par le Medef, même si son nom n'a pas été beaucoup cité jusqu'à présent. C'est une bataille que mène le Medef depuis très longtemps, et vous êtes en train d'accéder à sa demande.
À cause d'un phénomène marginal, vous affaiblissez la protection des salariés et, quand on aura empilé toutes les mesures antisociales, de casse du droit du travail et d'affaiblissement de la protection des salariés que vous avez mises en place depuis que vous êtes au pouvoir, ça fera une belle pièce montée, digne de figurer dans le Guinness des records.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et LFI – NUPES.
Cher collègue, vous nous expliquez que ce n'est pas ainsi que nous réglerons les tensions sur le marché du travail mais, pardonnez-moi car c'est rare venant de vous, vous vous êtes trompé : la jurisprudence constante de la Cour de cassation établit qu'en cas de problème de santé ou de sécurité, ceux-ci sont exclus du champ d'application de la mesure, ce que nous avons inscrit dans le texte. Votre argument ne tient donc pas une seconde.
Ensuite, l'absence d'un salarié engendre des tensions pour les autres salariés, qui doivent absorber sa charge de travail ; or vous n'en parlez jamais.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE.
Enfin, j'ai bien entendu notre jeune collègue nous dire qu'il existait dans notre assemblée un droit à la paresse mais, n'étant jamais parmi les derniers députés en termes de présence, notamment en commission, je suis très à l'aise avec le sujet et je lui réponds que nous verrons à la fin du film.
Pour conclure, il est prévu qu'un décret en Conseil d'État sécurise les modalités juridiques du dispositif, et vous devriez donc arrêter votre surenchère qui est un mauvais service rendu aux salariés que vous prétendez défendre. Quant au Medef, il ne gère ni les artisans, ni les petites et moyennes entreprises (PME), ni les petites et moyennes industries (PMI), ni les entreprises de taille intermédiaire (ETI).
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE.
Il était évident que, sur les questions de d'abandon de poste, de refus d'un CDI après un CDD ou d'offre d'emploi raisonnable, nous aurions des positions politiques – des postures idéologiques, pour reprendre l'expression de Pierre Dharréville –, antagonistes. Face à vous, nous avons également le droit de défendre notre conception de l'entreprise, où l'employeur doit pouvoir compter, autant que nécessaire, sur des compétences humaines, solides et disponibles, dans le cadre protecteur du droit du travail.
Selon vous, les abandons de postes sont un phénomène marginal ; ma lecture est tout autre. Pour être, comme vous, en contact avec de nombreux employeurs, je peux témoigner qu'ils constatent, notamment depuis la crise sanitaire, que les salariés sont de plus en plus nombreux à quitter leur emploi, peut-être attirés par une autre manière de vivre, et à abandonner l'entreprise, sur une décision unilatérale, ce qui est problématique.
L'article 1er de ce projet de loi nous donne l'occasion de sécuriser juridiquement le parcours de ces salariés, et les amendements proposés me semblent préserver les droits de chacun, y compris du salarié. D'où le fait que vos accusations de posture idéologique détachée de la réalité des entreprises me paraissent infondées. C'est donc sans état d'âme que je voterai pour ces amendements et contre le sous-amendement.
C'est un mauvais procès de considérer que, dans le cadre de nos fonctions, nous n'assurerions pas la protection des travailleurs.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et DEM.
La question est moins de savoir dans quelle mesure ces cas existent que de considérer ce que cette disposition apporte ou retire aux travailleurs comme aux chefs d'entreprise. Concernant la mesure du phénomène, lorsque j'entends le rapporteur nous parler de motifs parfois légitimes parfois illégitimes, j'ai le sentiment d'un gros flottement. Une fois de plus, là où nous aurions besoin, sur un sujet sérieux, que la représentation nationale soit éclairée, on ne nous sert que ce qu'aurait vu quelqu'un qui connaît quelqu'un…
Protestations sur les bancs des groupes RE et Dem.
Tout ceci doit être documenté. Parmi les motifs de licenciement pour faute, il peut y avoir l'abandon de poste. Je remarque par ailleurs que, si le tribunal a un mois pour statuer, il n'est pas précisé quel doit être le délai de la mise en demeure. La précision est renvoyée à un décret en Conseil d'État, et vous me pardonnerez de ne pas être tout à fait serein, quand je sais de quel gouvernement émanera ce décret. Il peut être parfaitement léonin et insécuriser le principe réglementé de la démission comme le licenciement pour faute. Il peut remettre en question l'efficacité de la réforme de l'assurance chômage, que vous avez conduite il y a cinq ans et en vertu de laquelle les démissionnaires devaient être couverts – on voit qu'il s'agissait en réalité d'une promesse assez largement mensongère.
J'ai peur que cette disposition n'apporte rien, ni aux salariés ni aux chefs d'entreprise qui peuvent se retrouver face à des situations difficiles. Vous risquez, par une forme de précipitation législative, de précariser tout le monde.
Le Gouvernement ne sait rien des effets de la loi qu'il nous soumet. À la lecture des treize pages consacrées à l'étude d'impact de l'article 1er , on arrive à la conclusion que cet article ne changera pas grand-chose.
Soyons sérieux et travaillons convenablement à sécuriser les travailleurs !
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
J'apporte mon soutien, au nom du groupe Horizons, à ces amendements qui visent à limiter le recours des salariés à l'abandon de poste.
Monsieur Vallaud, nous n'avons pas besoin d'étude d'impact. Celles et ceux d'entre nous qui sont au contact du terrain, et ils sont nombreux, savent que les situations d'abandon de poste existent et qu'elles concernent non pas les entreprises de plusieurs centaines de salariés, mais les artisans, les commerçants, les indépendants et les petites entreprises de quelques salariés.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et Dem et sur plusieurs bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Imaginez les difficultés d'une crêperie en Bretagne qui compte trois salariés quand, du jour au lendemain, un des compagnons abandonne les autres.
Le code du travail prévoit la rupture conventionnelle, la démission et, malheureusement, le licenciement. Il faut définir un cadre juridique aux situations d'abandon de poste.
Ce besoin nous est exposé depuis de nombreuses années dans nos circonscriptions. Saisissons donc l'occasion de la discussion de ce projet de loi pour y répondre et régler le problème.
Lors de nos débats hier soir, un député de La France insoumise nous expliquait que l'assurance chômage était une forme de salaire différé, mais l'assurance chômage, c'est comme l'assurance habitation, l'assurance automobile ou l'assurance tous risques : ce sont des systèmes avec des cotisants et des bénéficiaires.
Le système de l'assurance chômage a pour fonction de venir au secours de celles et ceux des travailleurs qui, à la suite d'un accident de la vie, se retrouvent au chômage.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et Dem et sur plusieurs bancs du groupe RE.
Tous les groupes ayant demandé la parole ont pu s'exprimer, je mets donc aux voix le sous-amendement n° 401 .
Le sous-amendement n° 401 n'est pas adopté.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 388 rectifié , 391 rectifié , 392 rectifié et 393 rectifié .
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 290
Nombre de suffrages exprimés 287
Majorité absolue 144
Pour l'adoption 219
Contre 68
Les amendements identiques n° 388 rectifié , 391 rectifié , 392 rectifié et 393 rectifié sont adoptés.
Vives exclamations sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Sur l'amendement n° 192 rectifié , je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de plusieurs amendements, n° 192 rectifié , 359 et 205 , qui fait l'objet d'un sous-amendement n° 405 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Marine Le Pen, pour soutenir l'amendement n° 192 rectifié .
Monsieur le rapporteur, madame la ministre, je suis en total désaccord avec votre philosophie de l'indemnisation du chômage.
Cette philosophie, je la connais : elle consiste à dire que si les gens sont au chômage, c'est de leur faute. Je vous comprends, car si ce n'est pas de leur faute, c'est de la vôtre. C'est bien souvent le cas puisque, par définition, c'est vous qui pouvez agir pour la création d'emploi, mais vous ne le faites pas.
Les 5,4 millions de demandeurs d'emploi en France ne le sont pas par leur propre volonté, mais il existe un pourcentage minime de gens qui ont tendance à abuser du système, comme partout.
Nous avons été saisis par de nombreux chefs d'entreprise qui voient des gens refuser un CDI à l'issue d'un CDD. C'est inadmissible. Mes chers collègues de La France insoumise, on ne peut pas à la fois lutter contre les CDD en voulant davantage de CDI et admettre le refus d'un CDI à l'issue d'un CDD.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement proposé est simple et juste. Il vise à considérer comme démissionnaire, et donc sans droit à l'ouverture des allocations chômage, toute personne refusant un CDI à l'issue d'un CDD.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
C'est un exercice difficile de suivre sa pensée avec ces hurlements, mais je vais y arriver !
Pour les modalités pratiques, il suffira d'ajouter à la liste des pièces remises au salarié à la fin d'un CDD une attestation stipulant qu'aucun CDI n'a été proposé.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. François Gernigon, pour soutenir l'amendement n° 359 .
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, les contrats à durée déterminée sont des emplois considérés, à juste titre, comme précaires. Le monde économique et les prestataires de services peinent actuellement à trouver des salariés alors que l'ensemble des métiers sont en tension.
À l'issue d'un CDD, bon nombre de salariés refusent la proposition d'un CDI même si celui-ci reprend au minimum les mêmes fonctions, la même qualification, les mêmes horaires, le même lieu de travail et la même rémunération.
L'amendement prévoit que le refus d'un CDI soit inscrit sur l'attestation à destination de l'Assedic et que, en cas de refus d'un CDI à trois reprises au cours d'une période de douze mois, le versement du revenu de remplacement soit suspendu.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l'amendement n° 205 .
La multiplication des contrats courts est un sujet qui anime cette maison depuis longtemps.
M. le rapporteur l'a rappelé hier, la taxation sur les CDD et le système de bonus-malus, qui ont coûté énormément d'argent aux entreprises, on a parlé d'une somme de 9 milliards, ont très bien marché.
Protestations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous ne pouvez pas dire le contraire : c'est nous qui l'avons mis en place, vous n'étiez pas là !
Les CDI proposés en remplacement de CDD, avec les mêmes conditions salariales et prenant en compte la qualification et le parcours antérieur, permettent d'éviter la précarité que connaissent tellement de salariés qui enchaînent les CDD les uns après les autres. Il existe toutefois des situations, notre collègue M. Gernigon vient de le rappeler, où des salariés refusent un CDI proposé à l'issue d'un CDD.
Je me tourne vers vous, chers collègues
M. Philippe Vigier se tourne vers la gauche de l'hémicycle
pour vous proposer une nouvelle voie afin de sortir de cette impasse, tout en sécurisant la situation du salarié par la garantie que l'offre est réelle, sincère et argumentée et qu'elle se traduira, car c'est une question qui se pose, par le versement de la rémunération attendue.
Vous nous avez accusés de ne pas beaucoup voir les entreprises. Nous les voyons autant que vous.
Je ne dis pas que nous les voyons plus, chacun fait son boulot. Ne nous dites pas que nous ne voyons ni les entreprises, ni les salariés, ni les chômeurs : nous les voyons tout autant que vous.
Essayons de pratiquer l'intelligence collective pour mettre fin à la précarité que nous observons tous et sécuriser les parcours professionnels tout en prenant garde aux difficultés juridiques que nous n'aurions pas cernées. C'est le but de cet amendement du groupe Démocrate.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir le sous-amendement n° 405 .
J'étais professeur dans une ancienne vie : la pédagogie de la répétition, c'est essentiel.
Nous légiférons à l'aveugle…
… sans savoir quelles seront les conséquences et sans pouvoir prendre en compte les cas, monsieur Vigier, où les refus de CDI sont justifiés. Avec vos réformes, le risque est de pénaliser tous les refus. Elles menacent tout le monde.
Mon impression est qu'un deal a été passé avec la majorité. Le sous-amendement vise à protéger les salariés dans le cadre des mesures que vous envisagez de voter, et que nous réprouvons. Il prévoit que l'employeur devra démontrer son absence de faute, au sens du code du travail, après une procédure contradictoire entre l'employeur, le salarié et le conseil de prud'hommes.
Considérer le salarié ayant refusé trois propositions de CDI comme démissionnaire revient à lui refuser le droit à indemnisation du chômage, contredisant ainsi la parole présidentielle, puisque le président Macron s'était exprimé en 2017 en faveur de l'indemnisation du chômage après démission.
Vos propositions ne contiennent pas de garde-fou permettant de vérifier que le refus par le salarié d'une proposition de CDI soit justifié car il aurait été victime de burn-out, de harcèlement ou de mauvaises conditions de travail.
Nous vous demandons de protéger les salariés de la mauvaise réforme que vous voulez mener.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Sur le sous-amendement n° 405 , je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés, membre de l'intergroupe NUPES, d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission ?
La question du refus d'une offre de CDI à l'issue d'un CDD a été largement discutée à l'occasion de nos travaux en commission et notamment lors des auditions des parties prenantes, en particulier les organisations patronales. Il existe un consensus sur la réalité du phénomène tel qu'il remonte du terrain.
Les amendements proposés, qui visent à suspendre le bénéfice de l'indemnisation en cas de refus d'un CDI, actent ce diagnostic et répondent à une réalité. Néanmoins, la question de savoir comment rendre un tel dispositif opérationnel se pose fortement. Cela a été rappelé en commission, notamment lors des auditions de la direction générale de Pôle emploi, ainsi que par le ministre.
Pour que les amendements n
La question du refus de CDI a été soulevée par plusieurs collègues de la commission des affaires sociales. Avec sa présidente, nous avons donc annoncé, lors de l'examen du texte en commission, la mise en place d'un groupe de travail sur cette question dont la mission sera de suivre les travaux du Gouvernement sur la mise en œuvre opérationnelle de solutions à ce problème. C'est important, car il revient à notre assemblée d'opérer ce suivi.
C'est pour éviter de dire que vous êtes d'accord avec le Rassemblement national !
La commission demande donc le retrait des amendements n° 192 rectifié , 359 et 205 . En cohérence, l'avis est défavorable pour le sous-amendement n° 405 .
Je salue le travail des parlementaires qui ont souhaité répondre à l'interpellation des acteurs économiques. C'est une réalité : les salariés n'acceptent pas toujours la transformation de leur CDD en CDI. Néanmoins, à ce stade, nous n'avons pas pu dégager une voie juridique permettant de priver les salariés visés de leur allocation chômage.
Nous entendons la voix du MODEM, notamment, qui souhaite travailler sur ce sujet. Toutefois, je signale qu'un dispositif permettant d'inciter le salarié à accepter un CDI existe déjà. En cas de refus du CDI proposé, l'employeur peut en effet refuser le versement de la prime de précarité, dont le montant s'élève à 10 % de la rémunération brute totale perçue pendant le contrat de travail. La discussion est ouverte, pour trouver des modalités plus précises permettant de traiter différemment la diversité des cas de refus d'un CDI suite à un CDD.
J'appelle au retrait des amendements, afin de les travailler de nouveau avec vous. En l'état, ils sont juridiquement trop fragiles. En outre, des dispositions existent déjà et votre proposition s'appliquerait à des réalités très disparates. À défaut de retrait, l'avis sera défavorable.
Là encore, j'accepterai de donner la parole à chaque groupe qui en fera la demande, mais pour les amendements suivants, nous en reviendrons à la règle habituelle : un orateur pour, un orateur contre.
La parole est à Mme Raquel Garrido.
En 1972 comme en 2022, on voit bien de quel côté du manche l'extrême droite se trouve : toujours contre les travailleurs !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES ainsi que sur plusieurs bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES.
Quelle cohérence éclatante ! Vous êtes tous d'accord sur les bancs de la droite pour dire que le problème, c'est toujours les salauds de pauvres, les salauds de travailleurs, les salauds de chômeurs.
Vives exclamations sur les bancs des groupes RE, RN, LR, Dem, HOR et LIOT.
Vous êtes toujours du côté de l'oppression des travailleurs. Eh oui, cela vous gêne, mais vous en apportez la preuve arithmétique.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Vives exclamations sur les bancs des groupes RE, RN, LR, Dem, HOR et LIOT.
Madame la députée, je vous remercie de ne pas abuser des excès de langage, qui ne sont pas autorisés dans cette assemblée.
Applaudissements et exclamations sur les bancs des groupes RE, RN, LR, Dem, HOR et LIOT.
Exclamations continues sur les bancs des groupes RE, RN, LR, et Dem.
La droite et l'extrême droite usent avec constance d'arguments du même ordre.
Vous souhaitez avoir le droit de virer les travailleurs quand vous le voulez. En revanche, quand ceux-ci souhaitent partir, vous le leur refusez !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Il a donc fallu forger des règles pour vous empêcher de les virer à tout bout de champ et des normes….
Exclamations sur quelques bancs des groupes RE, RN, LR et Dem.
C'est vrai qu'avec 5 000 euros par mois, c'est une travailleuse pauvre !
Il existe également des normes internationales – je pense à la convention 29 sur le travail forcé de l'OIT.
« Non ! » sur les bancs du RN.
Exclamations continues sur les bancs RE, RN, LR et Dem.
Les violences faites aux femmes ne vous intéressent pas ? Pourtant, cela fait deux semaines que vous en traitez en boucle !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Exclamations sur les bancs RE, RN, LR et Dem.
Madame Garrido, si vous n'étiez pas aveuglée par votre idéologie, vous vous étonneriez des pudeurs de vierge du Gouvernement face à ces amendements. Les arguments qu'il développe – « Ce serait infaisable ! », « Comment fera Pôle emploi ? » – ne tiennent pas une seconde la route. En effet, il suffit de demander aux anciens bénéficiaires d'un CDD souhaitant bénéficier d'une indemnisation chômage d'attester qu'un CDI ne leur a pas été proposé. Alors que cette mesure est simplissime, Mme la ministre déléguée la présente comme très compliquée ,
Applaudissements sur les bancs du groupe RN
inapplicable et redondante par rapport aux dispositions existantes. Mais non ! La suppression de la prime de 10 % de la rémunération versée à la fin du CDD n'est pas la solution au problème.
Le type de fraude visé existe bien. Encore une fois, comme je l'ai dit à Mme Borne, les chômeurs heureux de leur situation ne représentent ni 100 %, ni 90 %, ni 80 %, ni 60 %, ni 50 % ni même 40 % de l'ensemble. Cela étant, certains fraudent, en choisissant de ne travailler que quelques mois en CDD, avant d'arrêter pour quelques mois – c'est tellement sympa !
D'ailleurs bien souvent, ce ne sont pas les ouvriers qui fraudent ainsi, en refusant les CDI. C'est peut-être pour cela que vous êtes aussi gênés ! Certains s'amusent à alterner travail et chômage ;
Applaudissements sur les bancs du groupe RN
ils semblent plus proches de votre électorat que de celui de La France insoumise, qui n'a rien compris au problème.
Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Nous luttons contre la fraude, car frauder, c'est mal, que l'on soit un employeur…
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Madame Garrido, nous ne souhaitons pas virer les gens, au contraire. Nous essayons de sécuriser leur parcours !
Votre incohérence est au rendez-vous de notre cohérence.
J'ai été sensible aux propos de Marc Ferracci. Comme mon collègue du groupe Horizons et apparentés, j'ai tenu à ce que ce débat ait lieu dans l'hémicycle, où toutes les sensibilités politiques sont représentées, plutôt que seulement en commission, où nous n'étions pas très nombreux.
Nous devons garder en tête un deuxième fait, qui m'a interloqué : parmi les 12 millions d'offres à Pôle emploi, 600 000 se révèlent non valables. Madame la ministre déléguée, pour résoudre ce problème, vous avez repris la proposition de votre collègue Olivier Dussopt. Il vous faut engager vraiment les parlementaires, Pôle emploi et le Gouvernement dans cette démarche, et ce rapidement, pas dans cinq ans – vous me connaissez, je suis tenace sur ce sujet. Si c'est le cas, nous vous suivrons. Je retire l'amendement, mais il faut trouver une solution à ce problème.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.
« Oh ! » sur les bancs du groupe RN
du droit du travail, de l'esprit du code du travail. Si celui-ci prévoit des mesures en faveur des salariés, c'est parce que le rapport de forces est déséquilibré. Or toutes vos propositions reposent sur l'idée qu'il s'est inversé. Les salariés auraient pris le pouvoir dans les entreprises ; ils seraient des fraudeurs fainéants, qui abandonnent leur poste pour être licenciés et percevoir l'allocation chômage.
Vous confondez abandon de poste et fin de mission ! On voit le niveau !
Ils refuseraient la transformation de leur CDD en CDI, pour bénéficier des mêmes allocations.
Vous inversez l'esprit du code du travail, vous faites perdre leurs droits aux salariés, pour les contraindre dans leur emploi, à n'importe quelle condition, sous n'importe quel prétexte, pourvu que les employeurs en ressortent gagnants.
Dans le monde du travail, les employeurs ne sont pas forcément vertueux, ni les salariés fainéants ; l'inverse n'est pas vrai non plus. Toutefois, un rapport de force s'y exerce en défaveur des salariés.
Il faut le comprendre, pour assainir le débat sur l'application même des mesures proposées. Les fraudeurs, s'ils existent, sont très peu nombreux.
Et ce ne sont pas eux que vous allez embêter, mais plutôt les nombreux salariés contraints dans l'emploi, que vous forcerez encore davantage à subir des conditions de travail inacceptables.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et Écolo – NUPES.
En face des droits du travail, il faut inscrire les devoirs du travail.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Tous ceux qui, dans leur circonscription, rencontrent les acteurs du monde économique savent que les deux sujets évoqués aujourd'hui sont d'actualité.
Parlons également des collectivités. Dans ma circonscription, un agent titulaire de son poste, salarié d'une collectivité de 2 500 habitants, a démissionné, quittant la fonction territoriale – c'est son droit. Il a ensuite signé un CDD de six mois, mais, à l'issue de ce délai, a refusé le CDI proposé par son employeur. La collectivité étant son propre assureur, elle risque de devoir le rémunérer pendant deux ans, tout en étant obligée de le remplacer. C'est une double charge, alors que les finances des collectivités sont déjà grevées.
Cependant, je retire l'amendement, à la condition de participer, au nom du groupe Horizons et apparentés, au groupe de travail consacré à ce sujet.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.
L'amendement n° 359 est retiré.
Quand j'entends nos débats sur cette disposition contraignant les salariés à accepter un CDI après un CDD, je me dis, chers collègues, que vous êtes déconnectés non seulement du droit en vigueur, mais également de la vie de millions de travailleurs précaires.
Mme Bénédicte Taurine applaudit.
Contrairement à ce que vous pensez, de très nombreux Français ont accepté leur job – après avoir « traversé la rue » – parce qu'ils n'ont pas d'autre choix pour nourrir leur famille ; celui-ci est parfois très éloigné de leurs aspirations et de leur parcours.
Je croyais pourtant que sur les bancs de cet hémicycle, le fait de choisir son métier, de s'émanciper par le travail – puisque vous n'avez que ce mot à la bouche – constituait encore un objectif souhaitable.
Certains, malgré un bac + 5, sont obligés d'accepter un CDD de six mois dans la vente, ou n'importe quel autre secteur ; ils seront choqués que les allocations chômage leur soient coupées si jamais ils refusent la transformation de ce contrat en CDI.
C'est du délire ! Dans ma circonscription, des jeunes m'expliquent que, malgré leurs études, ils sont obligés de travailler dans un abattoir.
M. Arthur Delaporte applaudit.
Ils éviscèrent des volailles toute la journée, jour après jour. Le soir, ils rentrent chez eux, avec l'odeur du sang et de la mort sur eux.
Exclamations sur les bancs des groupes LR et RN.
Rendez-vous au moins une fois dans les usines, pour la constater, car visiblement vous ne les fréquentez plus depuis longtemps !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SCO et Écolo – NUPES.
Après un tel CDD de six mois, je comprends que l'on ait besoin d'une période de chômage, pour se reconvertir et trouver un autre projet professionnel.
Exclamations sur les bancs des groupes LR et RN.
Je défends ces travailleurs. Manifestement, pour vous, ils représentent de la chair à canon, alors que ces femmes et ces hommes peuvent souffrir au travail.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES.
L'avis de Mme la ministre déléguée est empreint de sagesse ; j'aurais aimé que la même attitude soit adoptée à propos de la série d'amendements précédente.
M. Taché soulève un problème majeur. Beaucoup d'étudiants enchaînent les CDD. Prenons le cas de Pauline.
Exclamations sur les bancs des groupes RE, RN, LR et Dem.
Vous la connaissez bien, madame la ministre déléguée. Pauline a 22 ans. Elle est étudiante en master à l'université de Caen, et elle a enchaîné trois CDD chez McDo'. McDo' embauche beaucoup d'étudiants – parfois en CDI, me direz-vous. On lui propose un CDI. Doit-elle l'accepter ? Si elle refuse, le dispositif que vous défendez aura pour conséquence de lui faire perdre le droit à l'indemnité chômage.
Pour toutes les Pauline, réfléchissons bien avant d'agir et de voter la loi.
Ne précarisons pas davantage encore les étudiants : ils le sont suffisamment. Ne précarisons pas davantage toutes celles et ceux qui enchaînent les petits contrats, ne leur refusons pas le droit au chômage !
Vous insistez sur le fait que les droits doivent s'accompagner de devoirs. Vous avez raison. Toutefois, je souligne que le droit du travail, que la loi définit, comporte bien des devoirs, qui sont traduits dans le contrat de travail. Le contrat impose des obligations en même temps qu'il reconnaît des droits. S'il vous plaît, pas de leçons sur ce point.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LFI – NUPES.
Il faut se féliciter de la création d'un groupe de travail sur ce sujet.
En effet, une investigation est nécessaire. Nous souhaitons nous assurer que les gens qui ont recours à l'assurance chômage y ont pleinement droit, qu'ils ne choisissent pas d'organiser leur activité en cumulant des CDD avant de faire autre chose.
Vous citez l'exemple de Pauline, mais vous précisez qu'elle est étudiante : selon vous, elle cumule des CDD et peut prétendre à l'assurance chômage.
Or, a priori, on ne perçoit pas d'allocations chômage lorsqu'on est étudiant.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Arthur Delaporte proteste.
Les entreprises sont réellement confrontées à ce problème ; soyons satisfaits que la commission des affaires sociales, avec l'appui de la ministre déléguée, crée un groupe de travail.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Je rappelle qu'il faut s'adresser à la présidence, au rapporteur ou à Mme la ministre déléguée. On ne s'interpelle pas dans l'hémicycle.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 311
Nombre de suffrages exprimés 308
Majorité absolue 155
Pour l'adoption 100
Contre 208
L'amendement n° 192 rectifié n'est pas adopté.
À partir de maintenant, et comme je l'ai déjà annoncé, je donnerai la parole à un orateur pour et à un contre dans les discussions sur les amendements.
La parole est à Mme Véronique Besse, pour soutenir l'amendement n° 124 .
Il vise à remplacer, dans l'article L. 5411-6 du code du travail, « [Le demandeur d'emploi] est tenu » par « Il lui est obligatoire », afin d'exprimer plus fermement à la personne au chômage l'injonction de tout mettre en œuvre pour retrouver un emploi, notamment lors de ses entretiens avec Pôle emploi.
Une étude de 2018 de Pôle emploi montre que 8 % des chômeurs indemnisés ne cherchent pas activement un emploi. Il faut les y contraindre davantage.
En contrepartie, l'inscription du mot « obligatoire » renforce le droit des personnes au chômage de bénéficier d'un suivi personnalisé. Il est difficile de savoir si c'est toujours le cas – les chiffres montrent aussi que beaucoup de personnes ne perçoivent pas d'allocations.
La nuance entre « être tenu » et « être obligé » est ténue.
En réalité, les demandeurs d'emploi ne se soustraient pas à la discussion concernant le projet personnalisé d'accès à l'emploi : la plupart du temps, ils l'attendent, car elle constitue la porte d'entrée dans un parcours d'accompagnement qui leur est généralement utile.
L'amendement n'est pas opportun. Avis défavorable.
Même avis.
Cet amendement est aussi aberrant que nombre des propos tenus depuis dix minutes environ. Or vous ne relevez jamais cet aspect ! Je suis choqué que vous vous indigniez des propos de Mme Garrido, mais pas de ceux de Mme Le Pen, quand elle dit qu'un chômeur resterait au chômage quelques mois parce que ce serait « sympa ».
Mme Marie Pochon applaudit.
Je suis choqué que nous discutions des 8 % de chômeurs qui ne chercheraient pas activement un emploi, sans jamais citer cet autre chiffre : il y a dix-sept fois plus de chômeurs que d'emplois disponibles !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Ce point est au fondement de nos débats. On n'est pas au chômage par plaisir. La plupart des chômeurs vivent sous le seuil de pauvreté.
Nous sommes en train de débattre de l'opportunité de changer un mot dans un texte que personne ne lira. Mme Panosyan-Bouvet affirme que Pauline ne toucherait pas le chômage, alors qu'elle le toucherait !
Connectez-vous enfin un peu à la réalité, enfin ! Ce sont les propos de ce genre qui culpabilisent les gens au chômage. Relevez le niveau en distinguant vos discours de ceux d'un Rassemblement national qui culpabilise les chômeurs, qui parle d'assistanat et qui vote vos projets.
Protestations sur les bancs du groupe RN.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
M. Delaporte a dit tout à l'heure que la répétition devrait porter ses fruits : je répète, et j'espère ne pas avoir besoin de recommencer, qu'on s'adresse à la présidence, au rapporteur ou à la ministre déléguée, afin d'éviter qu'un brouhaha ne s'installe dans l'hémicycle.
Merci, madame la présidente !
Et, chers collègues, arrêtez de crier ! Ça suffit, ces mises en cause personnelles. Il faut être attentif au travail des autres, avant de critiquer.
L'amendement n° 124 n'est pas adopté.
Il concerne l'offre raisonnable d'emploi, qui a été définie par la loi de 2008 relative aux droits et aux devoirs des demandeurs d'emploi. Nous n'avons pas forcément tous le même avis en la matière : je considère que parfois, je dis bien parfois, des entreprises subissent un abus, lorsque certains refusent d'apporter leurs compétences, alors qu'ils seraient disponibles. Refuser à plusieurs reprises, sans aucun motif légitime, des offres d'emploi compatibles avec sa formation, sa qualification, son expérience professionnelle, cela pose problème. En tout cas, c'est contraire à l'esprit du marché du travail, et ça concourt à augmenter le taux de chômage.
Le présent amendement vise donc à empêcher les demandeurs d'emploi de déroger à l'obligation d'accepter les offres d'emploi qui leur correspondent.
Vous revenez sur la notion d'offre raisonnable d'emploi – et j'insiste sur le mot « raisonnable ». Il existe des critères selon lesquels un demandeur d'emploi peut légitimement refuser une offre. La loi les énumère, ils concernent notamment le salaire et l'éloignement géographique. Pour chacun, ils sont affinés dans le cadre du dialogue avec les conseillers de Pôle emploi, et sont introduits dans le projet personnalisé d'accès à l'emploi, depuis la loi de 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
L'amendement que vous défendez tend à obliger les demandeurs d'emploi à accepter toute offre, quelle qu'elle soit. Cela me paraît excessif et aboutirait à faire accepter des postes qui ne correspondent aucunement aux aspirations des demandeurs d'emploi, ni à leurs contraintes salariales et géographiques. Avis défavorable.
Même avis.
L'amendement n° 94 n'est pas adopté.
Sur l'amendement n° 40 , je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés (membre de l'intergroupe NUPES) d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir les amendements n° 40 et 350 , qui peuvent faire l'objet d'une présentation groupée.
Ils ont en effet un objectif commun ; de plus, mon intention n'est pas de ralentir les débats.
Notre droit comporte une définition de l'assurance maladie. Nous parlons beaucoup de l'assurance chômage, mais il n'en existe pas de définition juridique. Or un fondement commun nous permettrait de nous accorder sur sa nature.
Aussi proposons-nous d'inscrire dans le code du travail, en amont des articles consacrés à l'assurance chômage, un article qui le définit en ces termes : « Le régime d'assurance chômage est fondé sur le principe de solidarité face au risque de privation d'emploi. Il assure la continuité du salaire d'activité et garantit un niveau de vie satisfaisant aux travailleurs privés d'emploi. »
Il s'agit de dire ce qu'est concrètement l'assurance chômage ; sa vocation assurantielle se traduit par le maintien d'un revenu lié au salaire, dans une forme stable et lisible par tous.
Lors de l'examen en commission, M. le rapporteur a souligné l'aspect contradictoire de l'inscription du mot « salaire ». Nous conservons le dispositif de l'amendement que nous avions alors défendu, parce qu'il s'agit bien d'un revenu de substitution au salaire et que cela nous paraît important, du point de vue philosophique.
Cependant, nous proposons également une version légèrement modifiée du même texte dans l'amendement n° 350 . Celui-ci est plus consensuel – peut-être, monsieur le rapporteur, pourrez-vous lui donner un avis favorable. « [Le régime d'assurance chômage] verse un revenu de remplacement du salaire et garantit un niveau de vie satisfaisant aux travailleurs privés d'emploi. »
J'espère que vous adopterez l'amendement n° 40 , qui est plus cohérent, mais, à défaut, votez le n° 350.
L'amendement n° 40 prévoit que l'assurance chômage « assure la continuité du salaire d'activité ». Je trouve la formulation très ambiguë : elle suggère que le revenu de remplacement que constitue l'indemnité chômage doit être égal au salaire d'activité. Je vous l'ai dit en commission. Or cela est évidemment exclu, ce ne serait pas du tout incitatif.
L'amendement n° 350 substitue à cette notion celle de revenu de remplacement. Il est déjà satisfait. Le taux moyen de remplacement, c'est-à-dire le rapport entre le montant de l'allocation chômage et celui du dernier salaire, est de l'ordre de 70 %, ce qui se situe dans la moyenne des pays de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). Ainsi, un niveau de vie décent et susceptible de permettre la recherche d'emploi est assuré.
Avis défavorable sur les deux amendements.
Il est également défavorable sur les deux amendements. Le nouveau mode de calcul vise à assurer une équité entre les salariés qui occupent un emploi discontinu et ceux qui ont un emploi continu, par exemple à temps partiel. Il s'agit d'être plus conformes à une logique assurantielle.
Je soutiens ces deux amendements, qui sont de nature presque philosophique.
C'est aussi le but de cette discussion : quelle philosophie défendons-nous ? Celle d'une assurance en faveur des salariés qui perdent leur emploi. Certains d'entre vous, dans la majorité et à l'extrême droite, ont une approche différente, et c'est ce qui a pu susciter une certaine passion. Selon eux, c'est en ayant le moins de droits possible, en occupant une position défavorable dans le rapport de force avec leur employeur qu'ils seront motivés pour travailler.
Cette philosophie revient selon nous à considérer les gens comme paresseux et à faire de cette paresse une explication du chômage.
Protestations sur les bancs du groupe RE.
Oui, c'est une vision du monde : l'employeur est confronté une difficulté, la fainéantise de ses salariés. Un collègue insistait sur les devoirs des salariés : mais dans une entreprise, le salarié n'a que des devoirs vis-à-vis de son employeur ! Il est dans un rapport de subordination. Il ne faut vraiment pas connaître le monde de l'entreprise pour croire qu'elle est un lieu de liberté où le salarié fait ce qu'il veut !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
Il a des devoirs et s'il ne les respecte pas, il est blâmé, voire licencié. Nous devons donc, par la loi et par le code du travail, parvenir à rééquilibrer la relation entre les salariés et les employeurs. En ce sens, les deux amendements de M. Delaporte dessinent le cadre philosophique dans lequel nous voulons nous inscrire.
Monsieur le rapporteur, vous avez eu ce mot terrible : l'adoption des amendements serait « désincitative ». Vous partez, vous aussi, d'un présupposé philosophique et idéologique : si l'assurance chômage est trop favorable, un travailleur ne sera pas incité à chercher du boulot. En conséquence, pour qu'un chômeur retrouve rapidement un emploi, il faut qu'il bénéficie de droits aussi faibles que possible. Nous sommes en désaccord avec cette idée.
J'ai du mal à comprendre les avis qui ont été donnés. Selon le rapporteur, les amendements seraient satisfaits – mais je ne vois pas comment, en l'absence d'une définition juridique de l'assurance chômage dans le projet de loi. Quant à la ministre déléguée, elle les juge en contradiction avec la vocation assurantielle de l'assurance chômage ; or le lien que nous faisons entre salaire et revenu de remplacement permet justement de mieux affirmer cette vocation.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 220
Nombre de suffrages exprimés 216
Majorité absolue 109
Pour l'adoption 54
Contre 162
L'amendement n° 40 n'est pas adopté.
L'amendement n° 350 n'est pas adopté.
« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES
dont le titre de séjour est suspendu à un emploi. L'amendement vise à limiter leurs droits au chômage à l'équivalent d'une année pleine, afin de réorienter la solidarité vers les citoyens français.
Les travailleurs étrangers ne cotiseraient donc pas comme les Français ?
Précisons à nouveau que le principe de solidarité participe du contrat social et qu'il a été la garantie d'un droit solide et protecteur depuis soixante ans ; il est dénaturé par une libéralisation progressive du marché du travail.
L'immigration de travail, mal contrôlée, n'a eu pour effet que de tirer les salaires vers le bas ou de les maintenir à un niveau anormalement bas. Afin de corriger cette erreur politique qui a conduit à la fabrication de travailleurs précaires, souvent au bénéfice de multinationales prédatrices ou d'entreprises peu scrupuleuses, je vous propose d'adopter cet amendement qui tend à protéger les travailleurs français.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Sur les amendements n° 227 et 242 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
De même, sur les amendements n° 271 et 304 , je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 227 ?
Avis défavorable. On retrouve ici la vision politique – philosophique même – de l'extrême droite.
Protestations sur les bancs du groupe RN.
Votre proposition entraînerait une rupture d'égalité entre des salariés qui ont cotisé identiquement et, de ce fait, remettrait en cause le caractère assurantiel de l'assurance chômage, qui est fondé sur le principe du lien entre les cotisations et les droits acquis.
Même avis.
Cet amendement me rappelle ceux que vous avez déposés en commission, qui tendaient par exemple à limiter l'accès aux élections professionnelles aux seuls salariés maîtrisant la langue française.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Sous vos beaux costumes et derrière la prétendue dédiabolisation, rien n'a changé ! Vous remettez en question les droits des travailleurs : ils ont en effet tous les mêmes droits, parce qu'ils ont tous cotisé de la même façon.
M. le rapporteur le rappelait fort justement : un droit ouvre des droits. Non seulement vous défendez des propositions anticonstitutionnelles, mais vous êtes indignes !
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES et Écolo – NUPES ainsi que sur quelques bancs du groupe RE.
Chassez le naturel, il revient au galop ! Pendant des semaines, des mois, vous avez voulu nous faire oublier qui vous étiez réellement.
Protestations sur les bancs du groupe RN.
Mais vos beaux mots et vos cravates ne nous ont jamais trompés : vous étiez, vous êtes et vous resterez un mouvement d'extrême droite, cet amendement le prouve à nouveau !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Vous brandissez la préférence nationale, bannissant toutes celles et ceux qui ne vous ressemblent pas !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Vous dites vouloir protéger la Constitution par vos amendements, mais vous la détricotez. Vous dites défendre les valeurs de la France, mais vous voulez, par cet amendement, légaliser la discrimination !
Mêmes mouvements.
Entendez bien : cinquante ans après, vos cravates ne cacheront jamais votre flamme ! Jamais !
Mêmes mouvements. – Plusieurs députés des groupes RE et Dem se lèvent pour applaudir.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 220
Nombre de suffrages exprimés 217
Majorité absolue 109
Pour l'adoption 53
Contre 164
L'amendement n° 227 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Fatiha Keloua Hachi, pour soutenir l'amendement n° 27 .
Il vise à informer le futur demandeur d'emploi de ses droits à indemnisation dès que survient le fait générateur de sa future recherche d'emploi – plan social, licenciement pour faute, etc.
Le principal reproche à adresser à l'indemnisation du chômage est l'ampleur du non-recours : seulement 36 % des demandeurs d'emploi sont indemnisés, selon les chiffres de la Dares, la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques. Il convient donc de notifier rapidement ses droits au travailleur. Les Urssaf disposent des données nécessaires : il suffit de les transmettre à Pôle emploi afin que soient contactés les travailleurs concernés.
L'adoption de l'amendement supposerait beaucoup d'efforts de la part de Pôle emploi, qui a déjà développé des outils tels qu'un simulateur de droits permettant aux demandeurs d'emploi, dès qu'un changement de situation intervient, de connaître l'évolution de leur éligibilité, du montant et de la durée de leur indemnisation. Dans la situation actuelle de fortes tensions sur le marché du travail, il me semble nécessaire que Pôle emploi se recentre sur l'accompagnement des demandeurs d'emploi et des entreprises, afin d'aider ces dernières à recruter. Imposer une charge supplémentaire alors que des outils existent déjà ne me semble pas opportun. Avis défavorable.
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, pour donner l'avis du Gouvernement.
Avis défavorable, pour les mêmes raisons que celles évoquées par M. le rapporteur.
C'est un peu simple, comme réponse. Monsieur le ministre, vous devriez, comme M. le rapporteur, ouvrir le rapport du médiateur de Pôle emploi, qui juge que « les changements incessants de la réglementation de l'assurance chômage » sont en partie responsables du non-recours aux droits. Le rapport de la Dares, qui a été communiqué lundi dernier, le montre bien également.
Monsieur le ministre, peut-être m'écouterez-vous quand vous aurez fini de discuter avec votre collègue ?
Protestations sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
L'amendement n° 27 n'est pas adopté.
Lorsqu'une personne perd son emploi, l'allocation lui est versée sept jours plus tard. L'amendement vise à supprimer ce délai de carence, afin que les personnes perdant leur emploi perçoivent leur allocation dès le lendemain de la fin du contrat de travail.
Dans un contexte économique compliqué pour beaucoup de Français, avec une inflation qui s'accentue, nous voulons favoriser le pouvoir d'achat. La pratique actuelle revient à retirer à des Français un quart de l'allocation qu'ils pourraient percevoir sur un mois. J'appelle donc la NUPES, qui défend le pouvoir d'achat depuis le début de l'examen du projet de loi, à voter pour cet amendement de bon sens.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Votre amendement témoigne de votre ignorance des contraintes qu'impose la gestion administrative d'un organisme tel que Pôle emploi.
Protestations sur les bancs du groupe RN.
Ce délai d'attente est une nécessité administrative imposée à l'opérateur de longue date pour permettre le suivi et l'ouverture des droits.
De plus, dans l'hypothèse où des personnes enchaîneraient de manière rapide des contrats courts, ce délai évite d'ouvrir des droits à quelqu'un qui reprend aussitôt un emploi. Avis défavorable.
Protestations sur les bancs du groupe RN.
Même avis.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 195
Nombre de suffrages exprimés 191
Majorité absolue 96
Pour l'adoption 55
Contre 136
L'amendement n° 242 n'est pas adopté.
L'amendement n° 271 de M. Jean-Hugues Ratenon, pour lequel la demande de scrutin public a été retirée, est défendu.
L'amendement n° 271 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Antoine Léaument, pour soutenir l'amendement n° 304 .
Le présent amendement vise à interdire la régionalisation du régime de l'assurance chômage – tel était également l'objet de certains amendements examinés hier. Pour celles et ceux qui nous écoutent, la régionalisation qui pourrait être appliquée consiste à accorder plus de droits dans les régions où il y a plus de chômeurs et moins de droits dans celles où il y en a moins.
Hier, je vous ai présenté des arguments républicains. Je vous ai rappelé l'article 1er de la Constitution : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens […]. » Je vous ai dit alors que la régionalisation était contraire au principe selon lequel la République était indivisible, démocratique et sociale. Je vais ici plus loin en ajoutant un argument : vous diviserez le peuple. C'est grave.
En effet, non seulement vous créez une division entre les individus, puisque lorsqu'on a un travail on a plus intérêt à ce que son voisin soit au chômage, mais vous divisez la France en créant une distinction entre les régions. Les habitants d'une région donnée pourront se demander pour quelle raison ceux d'une région qui connaît un fort taux de chômage se voient accorder davantage de droits.
Vous mettez par conséquent en cause un des principes fondamentaux de la République. Je cite la rubrique du site internet de l'Élysée consacrée aux principes de la République, rubrique avec laquelle vous ne devriez a priori pas être en désaccord : « Le principe d'unité et d'indivisibilité garantit l'homogénéité des lois, des droits et des devoirs sur l'ensemble du territoire métropolitain et ultramarin. » La mesure que vous envisagez pose donc un gros problème.
Or c'est une vieille question qui s'est posée dès la naissance de la République – je porte ma cocarde pour l'occasion. Le 25 septembre 1792 se tenait un débat à la Convention relatif à l'unité et à l'indivisibilité de la République. .
Mme Sophia Chikirou applaudit
Protestations sur de nombreux bancs des groupes RE, RN et Dem
prenait la parole pour déclarer : « Déclarons que la République française formera un État unique, soumis à des lois constitutionnelles, uniformes. Il n'y a que la certitude de l'union la plus forte entre toutes les parties de la France qui puisse fournir les moyens de repousser ses ennemis avec autant d'énergie que de succès. »
C'est une vieille question. À l'époque, les ennemis étaient les monarchies coalisées contre nous. Aujourd'hui, c'est le chômage et, pour le vaincre, il faut l'unité du peuple et non sa division.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Hier, nous avons discuté de la régionalisation de l'assurance chômage. Étant donné qu'il s'agit du même débat, je vous oppose les mêmes arguments et j'émets également un avis défavorable.
Même avis.
Le présent amendement exclut toute logique de modulation régionale. Or hier nous avons adopté un amendement de notre collègue Serva visant à tenir compte de la situation particulière de l'outre-mer. Je souhaite donc que M. le ministre confirme que les territoires ultramarins pourront adapter les dispositions prévues. C'est en tout cas mon interprétation, celle qui mériterait peut-être d'être défendue devant le Conseil constitutionnel.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR – NUPES.
M. Dharréville revient sur l'amendement qui précise que le décret pourra – formulation qui évite l'injonction – permettre une application différenciée des règles en outre-mer. Tel est notre objectif. Nous sommes absolument convaincus que les règles applicables aux territoires ultramarins doivent être différenciées.
En ce qui concerne la territorialisation, certains parlent de régionalisation ou de départementalisation des règles. Il ressort de tous les échanges de vues que j'ai eus sur ce sujet, y compris avec les partenaires sociaux, que les avis sont assez partagés, souvent au sein d'une même organisation ou chez une même personne. Je m'explique en un mot : une personne peut avoir spontanément envie que la territorialisation s'applique à un territoire très industriel connaissant des difficultés car il pourrait bénéficier de règles moins incitatives ou moins sévères qu'un territoire qui va très bien. Puis, cette même personne prend immédiatement conscience des difficultés techniques qui se posent.
C'est pourquoi nous ne voulons pas que ce débat soit clos : nous souhaitons que la concertation permette d'avancer. J'ai ainsi demandé aux services du ministère du travail, du plein emploi et de l'insertion, dans le cadre de la préparation des documents de support de la concertation, que soit examinée l'intégralité des points concernant la territorialisation, qu'il s'agisse de ses difficultés ou de ses avantages. La question sera donc tranchée. Personne n'ignore la grande difficulté à appliquer la territorialisation, qui pourrait entraîner des effets indésirables ou d'aubaine d'un territoire à l'autre. Malgré les nombreux problèmes qui se posent, je souhaite que les partenaires sociaux soient saisis et qu'ils travaillent de manière très éclairée.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 249
Nombre de suffrages exprimés 247
Majorité absolue 124
Pour l'adoption 120
Contre 127
L'amendement n° 304 n'est pas adopté.
Nous venons d'évoquer à l'instant les partenaires sociaux. L'amendement vise à leur redonner un rôle de négociation en supprimant le document de cadrage que leur adresse le Premier ministre – document caractérisé par son hypocrisie dès sa création en 2019.
Le Gouvernement fixe en effet des objectifs qu'il est impossible de réaliser, si bien que, les partenaires sociaux ne pouvant logiquement les atteindre, il peut reprendre la main et mener la réforme comme il l'entend. Nous proposons donc de supprimer ce contournement du dialogue social.
La parole est à M. Jean-Victor Castor, pour soutenir l'amendement n° 82 .
La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel de 2018 a institué un document de cadrage que le Premier ministre remet aux organisations patronales et syndicales en amont de leurs négociations sur le régime d'assurance chômage. Ce document restreint le périmètre des négociations en fixant l'orientation et les résultats attendus. Cette lettre de cadrage a largement contribué à faire échouer les dernières négociations, ce qui vous a permis de réformer par décret l'assurance chômage en 2019.
Vous soutenez aujourd'hui que ce sont des organisations syndicales et patronales qui vous ont demandé de reprendre la main sur l'assurance chômage. Mais la vérité est différente : certaines ont refusé de négocier, avant même qu'elles ne se mettent autour de la table, en raison des conditions initiales que vous proposiez et des objectifs que vous fixiez. .
Mme Sophia Chikirou applaudit
Elles n'ont donc pas renoncé à leur droit de négocier, elles ont refusé votre méthode de cadrage et un nouveau durcissement des règles de l'assurance chômage, la fameuse contracyclicité.
L'instauration de la lettre de cadrage réduit gravement le dialogue social, contribuant au processus d'étatisation du régime d'assurance chômage, que vous mettez également en œuvre s'agissant d'Action logement ou de l'Agirc-Arrco. Les décisions relatives à Action logement et à l'Agirc-Arrco s'inscrivent dans la même logique que celles relatives à l'assurance chômage prises en 2018. En supprimant les cotisations sociales d'assurance chômage au profit de la contribution sociale généralisée – CSG –, vous avez privé les partenaires sociaux du pouvoir de décider du taux des cotisations et de la trajectoire financière du régime.
Face à votre volonté de passer en force en niant la gouvernance paritaire du régime, nous souhaitons, à l'inverse, rétablir la dynamique bénéfique du dialogue social. C'est pourquoi nous proposons la suppression de la lettre de cadrage.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Ces amendements, qui visent à supprimer le document de cadrage, auraient pour conséquence d'abroger le cadre de gouvernance prévu par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel de 2018.
Je rappelle ce que nous avons dit hier ici même : les partenaires sociaux ont exprimé le souhait d'engager une réflexion sur la gouvernance de l'assurance chômage, lequel sera exaucé d'ici à quelques jours. En effet, le ministre entamera des concertations sur la gouvernance, qui se prolongeront par une négociation interprofessionnelle. Voter ces amendements reviendrait à « préempter » le résultat de cette négociation et, au fond, à aller à l'encontre du souhait des partenaires sociaux. J'émets un avis défavorable.
M. le rapporteur a dit l'essentiel. Au-delà du débat relatif à l'assurance chômage qui nous réunit et de la concertation sur la modulation des règles qui nous occupera dans les semaines qui viennent, nous avons la volonté d'ouvrir une négociation interprofessionnelle sur la gouvernance au premier semestre de l'année 2023. Un document de cadrage, fixant des hypothèses de travail et les objectifs que le Gouvernement souhaite atteindre, sera transmis préalablement à l'ouverture des négociations, conformément à la loi de 2018.
Hier soir, j'ai indiqué que parmi tous les scénarios évoqués en matière de gouvernance d'assurance chômage, le seul que nous n'approuvions pas était celui qui prévoyait la « tout-étatisation ». Nous restons toutefois très ouverts aux trois autres. Il est ainsi démontré que la lettre de cadrage peut également être un document qui ouvre un espace de discussion et permet d'avancer.
Nous ne devons pas supprimer de manière définitive la lettre de cadrage. Il est logique de disposer d'un document suffisamment ouvert mais solide pour tracer des perspectives ; il donne la possibilité à la puissance publique de prendre part à la discussion. J'émets un avis défavorable sur ces amendements.
Nous nous interrogeons sur la lettre de cadrage, car vous fermez les négociations : en n'envoyant pas la lettre de cadrage le 1er juillet, vous avez choisi de mettre un verrou. Vous demandez que la puissance publique prenne part à la décision alors que nous remettons précisément en question le fait que le Gouvernement, en tant que puissance publique, dispose d'une telle marge de manœuvre.
C'est une grande erreur de croire que si le système était plus incitatif, il y aurait moins de personnes au chômage. Mais des informations essentielles, fournies par la Dares elle-même, vous manquent. Un tiers des emplois ne sont pas pourvus en raison d'un problème de formation et non parce que le système ne serait pas assez incitatif. Un quart des emplois ne sont pas pourvus parce que ce sont des emplois pénibles. J'aimerais beaucoup voir certaines et certains d'entre vous se lever à une heure du matin, passer une heure et demie dans les transports pour aller nettoyer des bureaux à mi-temps, ce qui ne permet pas de vivre.
Protestations sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
J'aimerais aussi vous entendre parler du fait qu'il y a dix-sept fois plus de chômeurs que d'emplois disponibles. Ce n'est pas une question d'incitation mais d'accès au travail. Il s'agit également d'en vivre.
C'est pourquoi nous pensons que seuls les partenaires sociaux doivent prendre part aux négociations et pourquoi nous remettons en question le fait que vous, Gouvernement, en tant que puissance publique, puissiez mettre un verrou ainsi que vous l'avez fait depuis le 1er juillet.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Permettez-moi de lire l'exposé sommaire de l'amendement n° 82 : « Cet amendement vise à supprimer la lettre de cadrage adressée par le Gouvernement aux organisations syndicales et patronales en amont de leurs négociations. Il s'agit par-là de redonner toute sa place au dialogue social sans contraindre au préalable sa direction et ses conclusions. » C'est incroyable !
Nous sommes tous d'accord au contraire sur la nécessité de l'organisation de discussions, de négociations, sur la nécessité de la fixation d'un cadre, d'objectifs. Or vous, ce que vous proposez va exactement à l'encontre de ce que nous disons tous depuis des heures. Il semble par conséquent logique que vous retiriez ces amendements. Au fond, votre objectif est-il de mettre à bas le dialogue social ? Nous ne comprenons pas l'objet de ces amendements. Nous demandons donc, j'y insiste, à nos collègues Erodi, Delaporte et Dharréville de retirer chacun leur amendement et de laisser toute sa place au dialogue social dans les semaines qui viennent.
Une lettre de cadrage sera établie, conformément à notre organisation politique et syndicale. Encore une fois, retirez ces amendements.
Protestations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
L'amendement n° 326 n'est pas adopté.
Sur les amendements identiques n° 70 et 327 d'une part, et sur l'amendement n° 41 , d'autre part, je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés (membre de l'intergroupe NUPES) d'une demande de scrutins publics.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de deux amendements identiques, n° 7 et 49 .
L'amendement n° 7 de M. Thibault Bazin est défendu.
La parole est à M. Stéphane Lenormand, pour soutenir l'amendement n° 49 .
Afin de favoriser le dialogue social, cet amendement d'équilibre vise à assouplir l'encadrement strict des négociations par l'État, instauré par la loi de 2018. Concrètement, nous proposons de remplacer le document de cadrage par un document d'orientation – un terme déjà utilisé dans le code du travail concernant le dialogue social. Il est en effet important de retrouver un dialogue social de qualité et apaisé.
Nous avons déjà eu cette discussion : substituer aux termes « document de cadrage » ceux de « document d'orientation » revient à changer le cap de gouvernance en remettant en question les dispositions de la loi de 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui prévoit un document de cadrage, en lui substituant le cadre prévu par l'article L. 1 du code du travail, qui, lui, fait référence à un document d'orientation. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, ceci reviendrait à « préempter » les discussions et la négociation interprofessionnelle entre les partenaires sociaux. Avis défavorable.
Même avis.
Nous souhaitons mettre un terme à l'obligation de faire des économies sur l'assurance chômage si la situation financière ne convient pas au Gouvernement. Un tel mécanisme est absurde car la santé financière dépend naturellement du dynamisme de l'emploi, qui n'est pas prévisible à long terme. Surtout, les ressources du régime sont rognées pour créer des déficits artificiels. L'Unedic doit ainsi contribuer au financement de Pôle emploi à hauteur de 11 % de ses recettes : une contribution qui dépasse désormais largement celle de l'État. Dans le même temps, le Gouvernement Philippe a également supprimé les cotisations chômage des salariés pour y substituer une fraction de la CSG, appauvrissant ainsi l'Unedic. Le présent amendement vise donc à abroger ce mécanisme de rationnement budgétaire.
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l'amendement n° 327 .
Par cet amendement, nous souhaitons mettre un terme à l'obligation de prendre des mesures d'économies sur l'assurance chômage si la situation financière déplaît au Gouvernement. Chaque année, si le rapport remis par le Gouvernement pointe un écart significatif entre la trajectoire financière du régime d'assurance chômage et celle prévue par l'accord en cours de validité, les partenaires sociaux doivent négocier des mesures d'économies. S'ils échouent, le Gouvernement, par décret, reprend la main sur les règles.
Un tel mécanisme est absurde car la santé financière dépend naturellement du dynamisme de l'emploi, qui n'est pas prévisible à long terme, ce d'autant que les ressources du régime sont rognées pour créer des déficits artificiels. L'Unedic doit ainsi contribuer au financement de Pôle emploi à hauteur de 11 % de ses recettes : sa contribution dépasse désormais largement celle de l'État. Le Gouvernement a également supprimé les cotisations chômage pour y substituer une fraction de la CSG. Nous proposons donc de supprimer ce mécanisme de chantage permanent, qui permet au Gouvernement d'imposer, dans tous les cas, des mesures antisociales.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Ces amendements remettent en question le mécanisme par lequel le Gouvernement peut demander aux partenaires sociaux de prendre des mesures correctrices dans l'hypothèse où la trajectoire financière de l'assurance chômage s'écarterait de celle prévue par le document de cadrage envoyé en amont de la négociation, ce qui revient à remettre en question l'ensemble du dispositif de gouvernance issu de la loi de 2018. Les arguments que j'ai évoqués précédemment restent valables. Avis défavorable.
Même avis.
Je reviens sur l'amendement n° 70 de M. Delaporte car il touche un point sensible : les crédits et le budget de Pôle emploi. Vous avez, monsieur le rapporteur, relevé à plusieurs reprises les difficultés rencontrées par Pôle emploi pour répondre à certaines demandes. Or, ces cinq dernières années, vous n'avez cessé de baisser les crédits accordés à Pôle emploi : le budget comportait, l'année dernière, 500 postes équivalent temps plein travaillé (ETPT) en moins.
M. Arthur Delaporte applaudit.
Certes, vous avez essayé de combler cette baisse de moyens structurels en mettant en place des moyens conjoncturels comme l'embauche de personnes sous contrats précaires. Il faut bien évidemment aider Pôle emploi, pour qu'à son tour il soutienne davantage les demandeurs et les demandeuses d'emploi, mais ce n'est pas ce que vous faites. Il s'agit d'un des problèmes majeurs de votre politique : vous n'avez eu de cesse que de fragiliser l'opérateur, ce que nous regrettons.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Cet amendement soulève un vrai problème de fond. Vous nous dites qu'il faut faire des économies : tel est votre postulat. La vraie question est : pourquoi faut-il faire des économies ? Parce qu'il y a un déficit. Pourquoi y a-t-il un déficit ? Sur ce point, je suis désolée de vous dire que je partage totalement l'avis selon lequel l'État charge la barque de manière profondément injuste et fait peser sur le régime d'indemnisation du chômage des charges qui devraient incomber à l'État.
Par ailleurs, ces amendements n'abordent pas la question du chômage partiel. Lors de la crise du covid, vous avez pris la décision de fermer l'ensemble des commerces et des entreprises, et vous avez fait assumer la prise en charge du chômage qui en a découlé par le régime d'indemnisation du chômage : c'est anormal. En effet, cela revient au même qu'une loi ou un décret qui obligerait des propriétaires à détruire leur maison et les assurances à en assumer la charge. Non, ce n'est pas normal. Il s'agit d'un processus injuste qui dure depuis des années. Le Gouvernement fait peser des charges indues sur le régime d'indemnisation du chômage : il est fondamental de l'en soulager.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Non, madame la députée Taillé-Polian, nous n'avons pas fragilisé Pôle emploi.
Au cours des cinq dernières années, 2 500 postes y ont été créés. Vous le savez, la part des recettes versées par l'Unedic à Pôle emploi s'élève à 11 %. Nous avons créé un 1,5 million d'emplois, ce qui représente des cotisations supplémentaires, sachant que 11 % d'une masse très dynamique constituent à leur tour une ressource dynamique.
Dans le seul projet de loi de finances pour 2023, la subvention de l'État passe de 1,18 milliard d'euros à 1,25 milliard d'euros par an : nous confortons Pôle emploi – son directeur général peut en témoigner – en lui accordant davantage de moyens. Des crédits budgétaires ont permis de renforcer les effectifs de Pôle emploi pour faire face à la crise ; or ils sont maintenus puisque ces effectifs demeurent au même niveau, comme vous pouvez le constater dans le document pour 2023.
Par ailleurs, madame Le Pen, en matière de prise en charge de l'activité partielle, il faut être précis ou du moins lire les différents documents. Vous avez indiqué que nous avons décidé de faire payer l'activité partielle par l'Unedic : cette assertion comporte deux erreurs, témoignant d'une forme d'incompétence en matière de financement social.
« Oh !» sur les bancs du groupe RN.
Au vu de l'état dans lequel vous avez laissé le pays, vous savez de quoi vous parlez en matière d'incompétence !
Depuis de nombreuses années, l'Unedic finance 30 % de l'activité partielle – et non 100 % ! De plus, nous n'avons pas inventé ce mécanisme avec le covid : il est antérieur et résulte de toutes les conventions signées. Soyez précise, plutôt que de faire peur aux gens !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 268
Nombre de suffrages exprimés 268
Majorité absolue 135
Pour l'adoption 118
Contre 150
Je préfère le défendre seul car il s'agit d'un amendement important, que j'ai pris le soin de travailler
« Ah ! » et sourires sur les bancs des groupes RE et Dem
avec des juristes spécialistes de la question des droits de recours des chômeurs. Il n'est donc ni léger ni philosophique, mais vise à ouvrir des possibilités pour les chômeurs, en matière d'accès à leurs droits, et à leur donner des garanties procédurales. C'est la raison pour laquelle je ne ferai pas de présentation groupée des deux amendements.
Le présent amendement vise à permettre que des voies de recours existent. Je rappelle qu'il s'agit d'une obligation : sans possibilité de recours, on risquerait une condamnation par la Cour européenne des droits de l'homme. Reste que des simplifications s'imposent. Actuellement, en effet, le parcours des demandeurs d'emploi qui veulent faire un recours est complexe et sinueux parce que le contentieux est éclaté entre les juridictions judiciaire et administrative. Peut-être ne le saviez-vous pas… L'accès à la justice s'en trouve donc forcément entravé. Il n'est pas rare qu'une demande soit mal dirigée vers le tribunal administratif, alors qu'elle relevait du tribunal judiciaire – et inversement –, quand elle n'est pas tout simplement abandonnée. Le faible nombre de recours montre à lui seul la gravité du problème.
Mais il y a d'autres enjeux, comme la question du contradictoire. Il s'agit d'un principe fondamental du droit : une procédure garantit – au minimum – le respect du contradictoire. En 2018, une procédure préalable à toute décision de radiation ou de suppression des allocations a été instaurée : le délai est cependant très court et les garanties sont insuffisantes. Pour le constater, il suffit de les comparer à celles qui existent pour la protection de l'employeur dans le cadre d'un redressement par l'Urssaf : s'il oublie une garantie procédurale, cela conduit systématiquement à un redressement, ce qui n'est pas le cas pour les chômeurs.
Nous avons déjà eu cette discussion en commission. Je rappellerai que, s'agissant des voies de recours des demandeurs d'emploi, des garanties existent et elles sont solides. La première est la médiation : le principe d'une médiation préalable obligatoire a été expérimenté dans trois régions avec succès et va être étendu ; le médiateur de Pôle emploi a lui-même salué cette avancée. Cette notion est importante car résoudre les problèmes en amont d'une procédure juridictionnelle profite toujours aux demandeurs d'emploi. Il peut, certes, y avoir des recours administratifs. À cet égard, je souligne que votre amendement – qui vise à rendre suspensifs la plupart des recours – pourrait en réalité – je sais que tel n'est pas son objet – pénaliser très lourdement les demandeurs d'emploi. Pourquoi ? La suspension des recours peut générer, au terme des procédures, un grand nombre de trop-perçus, soit des sommes à rembourser par les demandeurs d'emploi, qui peuvent très lourdement grever le budget de ménages fragiles. Avis défavorable.
Même avis pour les mêmes raisons.
C'est dommage car le rapport du médiateur montre bien qu'il y a un problème. Par ailleurs, je signale que la possibilité de saisir le juge et le médiateur n'est pas contradictoire avec le principe même de la médiation puisque, depuis quinze ans désormais, la médiation est possible en parallèle d'un recours contentieux : elle a d'ailleurs été encouragée par Pôle emploi, avant le décret du 25 mars 2022. Si la médiation aboutit, cela met fin à l'action en justice, ce qui est un cercle vertueux, encouragé par ailleurs par votre collègue garde des sceaux. Je ne comprends donc pas votre refus de la médiation.
Deuxième élément : vous dites que rendre les recours suspensifs pourrait pénaliser les demandeurs d'emploi en engendrant des trop-perçus. Mais je vous rappelle précisément qu'en matière de récupération des trop-perçus, une procédure suspensive existe dans le code du travail : Pôle emploi n'a pas le droit d'appliquer une décision de récupération si elle est contestée par le demandeur d'emploi. Or, en pratique, Pôle emploi ignore allègrement ce droit – il suffit de lire le rapport du médiateur sur ce point.
À l'évidence, le caractère suspensif du recours est une mesure de protection du demandeur d'emploi. Si ces amendements rappellent à Pôle emploi ses obligations en matière de récupération des trop-perçus, et visent à étendre le caractère suspensif à toutes les décisions, c'est, contrairement à ce que vous avancez, pour mieux protéger le demandeur d'emploi.
Enfin, vous dites craindre les trop-perçus, mais le chômeur est déjà très exposé à ce risque, du fait de l'incohérence et de la complexité des règles et des systèmes d'information de l'institution. Lisez le rapport du médiateur et faites confiance aux chômeurs eux-mêmes !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et LFI – NUPES.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 258
Nombre de suffrages exprimés 211
Majorité absolue 106
Pour l'adoption 69
Contre 142
L'amendement n° 41 n'est pas adopté.
La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir l'amendement n° 44 .
Peut-être M. le rapporteur pourra-t-il cette fois me répondre plus précisément… Cet amendement tient compte de la remarque qui semblait justifier le refus d'améliorer les garanties procédurales : le risque d'engendrer des trop-perçus. À cette fin, il supprime le caractère suspensif du recours. Mais il accorde aux chômeurs les mêmes garanties procédurales que le précédent. Par exemple, ils doivent savoir vers quel tribunal ils doivent se tourner.
Je vous en conjure, adoptez cet amendement qui améliorerait vraiment l'accès des chômeurs à leurs droits. Chers collègues de la majorité, lisez-le, il ne fait vraiment rien de mal : il cherche seulement à rendre effectif le droit au recours, en imposant le respect de principes qui existent déjà.
Monsieur le ministre, au lieu de votre habituel « même avis », j'aimerais entendre votre avis sur la nécessité d'améliorer les garanties procédurales pour les demandeurs d'emploi.
Je prends acte de la différence entre les deux amendements mais mes arguments concernant les garanties procédurales, tant sur la médiation que sur les recours, demeurent valables. Avis défavorable.
Même avis.
J'interviens pour soutenir l'excellent amendement d'Arthur Delaporte : il ne s'agit finalement de rien de moins que de réconcilier l'institution avec elle-même, en permettant l'application par Pôle emploi notamment des préconisations émises par des agents de Pôle emploi et de l'assurance chômage.
Il ne s'agit pas de créer des droits nouveaux – ce qui serait par ailleurs tout à fait légitime – mais de garantir l'application de droits déjà formellement reconnus : éviter, par exemple, des différés d'indemnisation pour un changement de papiers ; éviter l'inégale application du statut spécifique des travailleuses et travailleurs handicapés par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) et la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) ; éviter d'exiger le remboursement des trop-perçus par des personnes qui vivent dans l'indigence.
Bref, pour résoudre ces dizaines de milliers de problèmes bien réels, M. Delaporte propose d'installer des garde-fous. Cela me paraît de bon sens, et surtout de nature à répondre à une urgence sociale.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 44 n'est pas adopté.
Cet amendement vise à prendre acte de divergences entre nous qui pourraient paraître insurmontables : le groupe Rassemblement national a déposé des amendements visant à retirer les allocations chômage à des salariés précaires ; le groupe Les Républicains – en tout cas les quelques membres de ce groupe encore présents ici – a déposé des amendements visant à aider le patronat à licencier. Du côté de la minorité présidentielle, on a déposé des amendements visant à raccourcir la durée des allocations chômage selon on ne sait encore trop quels paramètres de la conjoncture – croissance, taux de chômage, météo… Bref, l'incertitude est totale.
Cet amendement propose donc de mettre de côté ces désaccords de fond en restituant le droit de décider aux premières et aux premiers concernés : les assurés. Il établit pour cela un contrôle, par voie élective, des assurés sur le bureau de l'Unedic, afin que les demandeuses et demandeurs d'emploi, ainsi que l'ensemble de la population qui contribue, puissent s'exprimer sur les grandes décisions prises, et ainsi soient à l'origine de la prochaine convention d'assurance chômage.
Nous reprenons nos discussions sur la gouvernance de l'assurance chômage…
Cet amendement préempte, à nouveau, les discussions qui vont avoir lieu. Je note que vous contestez ici, au moins implicitement, la représentativité des organisations syndicales actuelles.
L'amendement n° 283 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement porte sur le malus appliqué à la cotisation employeur pour les contrats à durée déterminée.
Nous trouvons surprenant qu'il existe un bonus : on récompense des entreprises qui se comportent correctement, ce qui devrait simplement être la règle. Par ailleurs, nous regrettons que l'étude d'impact n'évoque jamais les conséquences pour les travailleurs du recours excessif aux contrats courts, en matière d'évolution salariale, de risque de rupture de parcours, donc de niveau de vie, etc.
Reprenant des propositions déjà faites par les organisations syndicales, nous proposons donc un vrai malus, qui évoluerait en fonction de la durée du contrat, ce qui est cohérent avec le poids financier que représentent les contrats courts pour l'Unedic : 12,4 % pour les contrats de moins d'un mois ; 10,4 % pour les contrats d'une durée comprise entre un et deux mois ; 8,4 % pour les contrats d'une durée comprise entre deux et six mois.
Cet amendement et le dispositif de bonus-malus existants se superposeraient. En outre, vous proposez des taux très importants, mais ceux-ci n'auraient pas nécessairement la même efficacité que les règles actuelles. En effet, l'assiette n'est pas la même : ici, c'est la masse salariale relative à ces seuls contrats courts, alors que le bonus-malus en vigueur s'applique à la masse salariale de la totalité de l'entreprise, y compris donc aux emplois stables.
Le dispositif que vous proposez ne serait donc pas forcément plus incitatif que l'existant. Avis défavorable.
L'amendement n° 81 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement vise à renforcer les cotisations patronales sur les contrats de moins de six mois.
En 2021, un rapport de la Dares rappelle l'explosion du recours aux contrats à durée déterminée au cours des vingt dernières années, passés « de 76 % en 2000 à 87 % en 2019 dans les établissements de cinquante salariés ou plus du secteur privé ».
En la matière, le Gouvernement joue un double jeu, en réduisant la fiscalité sur les contrats courts. Jusqu'en avril 2019, le taux de la cotisation patronale d'assurance chômage était majoré de 0,5 point pour les CDD d'usage, dits aussi « extra ». Cette surcotisation a été supprimée, sauf pour les intermittents du spectacle et les dockers. Un forfait de 10 euros par CDD d'usage avait été mis en place début 2020 : il a été supprimé sept mois plus tard.
Il est temps de responsabiliser les employeurs en renforçant leur contribution sur les contrats de moins de six mois.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Même discussion et mêmes arguments que pour l'amendement précédent. Avis défavorable.
L'amendement n° 273 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Danielle Simonnet, pour soutenir l'amendement n° 279 .
La précarité, je n'y suis pas toujours opposée ; nous, par exemple, nous avons un mandat d'élu : c'est un statut précaire, et je suis pour ! Nous souhaiterions même le rendre plus précaire en instaurant un référendum révocatoire.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Sourires.
Quand le Président de la République a menacé les députés d'une dissolution, je sais que certains se sont mis à avoir peur.
Eh oui, imaginez que votre mandat ne dure que trois mois ! Évidemment, notre monarque pourrait décider de dissoudre la représentation nationale, ce qui est juste un abus de pouvoir hallucinant.
Mais réfléchissez bien à l'angoisse créée par cette menace, lorsque vous vous êtes dit que peut-être, après trois mois, vous devriez revenir devant les électeurs pour demander leur suffrage. Réfléchissez-y !
Car en matière de droit du travail, les contrats précaires, comme l'a dit Rachel Keke, c'est une catastrophe, subie majoritairement par des femmes : cela empêche de se projeter dans quelque avenir que ce soit. Et c'est une arme pour le patronat, qui s'en sert pour augmenter ses profits en réduisant le coût du travail ! On ne peut pas trouver de sens à son travail dans de telles conditions : pourquoi s'investir, alors qu'on subit un tel mépris ?
Cet amendement vise donc à responsabiliser les employeurs en renforçant les cotisations patronales sur les CDD de moins de trois mois. Car un CDD de moins de trois mois, cela veut dire qu'on aura nécessairement une période de chômage avant de trouver un autre emploi. Le patronat doit rembourser l'argent qu'il se fait sur le dos des salariés !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Même discussion, mêmes arguments, même avis que pour les amendements précédents.
Même avis.
Écoutez, c'est ahurissant ! Je m'étonne de voir qu'il n'y a aucune discussion avec M. le ministre comme avec M. le rapporteur, et, chers collègues de la majorité, je m'interroge : vous êtes apparemment favorables à donner carte blanche au Gouvernement pour prendre des dispositions dont on ne sait pas comment elles seront appliquées. Vous n'intervenez pas. J'en vois au moins trois qui ont carrément des écouteurs, hier ils étaient six.
Protestations sur les bancs des groupes RE et Dem.
Sincèrement, alors que vous vous êtes engagés dans un mandat d'élu, comment pouvez-vous envisager de voter des règles dont vous ne savez rien ? Comment pouvez-vous ne jamais intervenir ? Demandez-vous un peu quelle est votre utilité politique dans ce parlement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Protestations sur les bancs des groupes RE et Dem.
La répétition est un art : je répète donc qu'il n'est pas d'usage d'interpeller les collègues dans cet hémicycle, et que l'on s'adresse à la présidente, au rapporteur ou au ministre. Cela évite beaucoup d'ennuis par la suite…
En surveillant général, notre collègue regarde combien d'entre nous ont leurs écouteurs. Je n'aurai pas l'outrecuidance de lui dire combien de ses collègues sont sur leur portable !
Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Plus sérieusement, s'agissant des CDD, j'aurais aimé vous entendre tout à l'heure, monsieur Boyard, lorsque nous avons discuté de l'amendement proposé par notre groupe au sujet des salariés à qui un CDI est proposé à l'issue d'un CDD et qui peuvent ainsi sortir de la précarité. Vous ne vous êtes pas exprimé et n'avez pas pris part au vote : vous ne nous avez pas suivis sur ce chemin…
Mais vous ne vous êtes pas exprimés, ce que je regrette beaucoup. Au nom de cette incohérence, je suis obligé de vous dire
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES
que ce que vous proposez ne va pas dans le bon sens. Je rappelle enfin que les CDD de court terme sont lourdement taxés, comme chacun le sait, et que cette taxation a permis d'économiser 9 milliards d'euros.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.
Pour la bonne information de tous, je rappelle que l'on ne s'interpelle pas dans l'hémicycle.
Exclamations sur les bancs des groupes RE et Dem.
Sur le fondement de l'article 40, alinéa 3, ce rappel au règlement vise des faits d'invective personnelle.
Rires sur les bancs des groupes RE et Dem.
Que vous disiez que je n'étais pas là alors que j'étais présent, pardon mais ça ne passe pas ! Je crois que vous avez mal compris ce que je voulais dire : je questionne l'utilité politique des députés de la majorité qui votent un texte dont ils ne savent rien et qui n'interviennent jamais, le rapporteur et le ministre ne participant d'ailleurs pas non plus au débat !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES. – Protestations sur les bancs du groupe RE.
La parole est à M. Christophe Blanchet, lui aussi pour un rappel au règlement.
L'article 40, alinéa 3, sur lequel vous avez fondé votre rappel au règlement, cher collègue, dispose : « En dehors des sessions, les commissions peuvent être convoquées, soit par le Président de l'Assemblée, soit par leur président après accord du bureau de la commission. Toutefois, la réunion est annulée ou reportée (…). » Bref, quand on fait un rappel au règlement, on respecte ses collègues en le faisant bien !
Applaudissements et exclamations sur les bancs des groupes Dem, RE, RN, LR et HOR.
Il ne faut pas qu'on dissolve trop tôt, il n'aurait pas le temps d'apprendre !
L'amendement n° 279 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Ségolène Amiot, pour soutenir l'amendement n° 280 .
Nous parlions à l'instant des contrats courts ; parlons des contrats ultracourts de moins d'un mois et de la précarité qu'ils entraînent. Soyons honnêtes, entre nous : le fait qu'elles acceptent une offre d'emploi d'une durée d'un mois montre à quel point les personnes actuellement privées d'emploi sont aux abois. Accepter un contrat de moins d'un mois c'est rester, quoi qu'il arrive, dans la précarité. Continuons d'être honnêtes : le fait que certains employeurs puissent proposer un tel contrat démontre qu'ils ne font pas vraiment d'efforts en faveur de l'emploi. Ils maintiennent au contraire les salariés dans la précarité. Par le présent amendement, chers collègues, nous vous proposons de favoriser simultanément l'emploi et la solidarité en taxant davantage les employeurs qui proposent des contrats de moins d'un mois. Ils contribueront ainsi à la solidarité, grâce aux sommes versées, et seront incités à proposer des contrats plus longs.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Je souscris volontiers à votre propos, madame la présidente, selon lequel la répétition est un art : même discussion, mêmes arguments, même avis défavorable que précédemment.
L'amendement n° 280 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je vous écoute attentivement depuis lundi soir, monsieur le ministre et monsieur le rapporteur. Il y a un biais idéologique dans votre stratégie de lutte contre le chômage et un non-dit dans les débats ; je tiens à y revenir avant de présenter l'amendement.
Commençons par votre biais cognitif. Comme vous parlez du marché du travail de façon abstraite, vous croyez que les salariés sont des marchandises comme les autres, que nous pourrions déplacer à volonté d'un emploi à un autre, d'une région à l'autre. Or, dans la vraie vie, ça ne marche pas comme ça. Les salariés exercent des métiers dont souvent ils sont fiers. Ils habitent des villages et des quartiers où ils ont leurs amis et leur famille ; on ne les déplace pas comme ça. L'offre et la demande de travailleurs, ce n'est pas l'offre et la demande de tomates. Ne comprenant pas que votre modèle du marché de l'emploi ne correspond pas à la réalité, vous êtes aveuglés sur les freins réels au retour à l'emploi, pourtant bien documentés par les études empiriques de la Dares. Je ne vous ferai pas l'insulte de revenir sur ces études mais je rappelle que les faibles rémunérations et les conditions de travail sont les vrais freins à l'emploi. Votre aveuglement idéologique ne vous permet pas de comprendre pourquoi les allocations ne sont pas un obstacle mais permettent souvent au contraire le retour à l'emploi, en favorisant la mobilité.
J'en viens au non-dit. Évidemment, si l'on réduit drastiquement les droits des chômeurs, les salariés peuvent être conduits à accepter n'importe quel emploi. Mais nous connaissons le résultat de ces politiques. Personne ne l'a souligné mais un faible taux de chômage peut s'accompagner, comme aux États-Unis et au Royaume-Uni, d'une explosion de la grande pauvreté, certains travailleurs pauvres étant contraints de cumuler plusieurs emplois pour survivre.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
Un américain sur quatre a deux emplois et a des difficultés pour vivre ! Est-ce le modèle que nous souhaitons en France ? Si vous ne goûtez pas la prose de mon excellent ami Hadrien Clouet, je vous conseille de lire les livres de Jonathan Coe et de revoir le film de Ken Loach, Moi, Daniel Blake, qui a obtenu la palme d'or au festival de Cannes. Ces œuvres montrent la façon dont ce modèle de société a fracturé le tissu social anglais.
Venons-en à l'amendement.
« Ah ! » sur les bancs des groupes RE et Dem.
Au cours des vingt dernières années, le nombre de CDD de moins d'un mois a été multiplié par 2,5 : nous allons bien vers cette société du précariat. Le présent amendement de repli propose simplement d'augmenter les cotisations patronales à 16,4 % pour tous les contrats de moins d'une semaine.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamins Lucas applaudit également.
Même discussion, mêmes arguments et même avis défavorable que précédemment.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Même avis.
Nous allons rejouer la même musique : nous proposons d'aborder des sujets de fond et à chaque fois vous répondez la même chose.
Personne ne s'exprime au sein de la majorité, monsieur le rapporteur, vous répétez la même chose et M. le ministre ne dit rien. Nous allons donc continuer et nous répéter : il y a dix-sept fois plus de chômeurs que d'emplois disponibles.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
C'est le fond du débat. Pourquoi ne vous exprimez-vous jamais à ce sujet ? La Dares explique qu'un tiers des emplois ne sont pas pourvus en raison de problèmes de formation, mais vous dites quant à vous que c'est parce qu'il est confortable de rester au chômage – vous n'avez pas repris Mme Le Pen lorsqu'elle l'affirmait. Nous parlons de pénibilité et vous dites qu'il faut être incitatif. Pardon, mais s'il faut être incitatif, pourquoi ne le serait-on pas également vis-à-vis des employeurs ? C'est sur ce sujet que nous proposons d'avoir un débat, mais, encore une fois, vous refusez de vous exprimer ! Êtes-vous capables de sortir de votre doxa et d'aller sur le terrain des arguments que nous avançons ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
L'amendement n° 293 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Raquel Garrido, pour soutenir l'amendement n° 294 .
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je souhaite que vous nous apportiez une réponse, cette fois. Je ne peux pas comprendre que vous n'ayez pas d'opinion sur les contrats d'une journée, qui sont l'objet du présent amendement. Que vous n'ayez pas répondu lorsque nous vous avons proposé une surcotisation pour les contrats de dix mois, d'accord. Pour ceux de trois mois, d'accord. Pour ceux d'un mois, d'accord. Mais quand notre collègue Hendrik Davi vous a parlé de contrats d'une semaine, cela ne vous fait pas trembler ?
Je vous parle maintenant des gens à qui l'on propose des contrats d'un jour, et vous nous opposez le silence ? Je dis que c'est indigne : je requiers une réponse à notre proposition !
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
Vous ne pouvez pas nous dire que votre procédé de bonus-malus répondra efficacement au fléau des contrats d'un jour car, comme nous vous l'avons déjà dit, vous travaillez à enveloppe constante : le malus est limité par l'enveloppe du bonus qui ne concerne que ceux qui se donnent simplement la peine de respecter la loi ! Ça ne marche pas ! Il faut absolument adopter une logique de quasi-interdiction de ce nouvel esclavagisme ! Car c'est bien cela dont il s'agit : d'esclavagisme !
Mêmes mouvements.
Je pointais tout à l'heure les biais de la droite. Avec vous, c'est toujours pareil : vous voulez soit des travailleurs « Kleenex », que l'on peut virer n'importe quand, soit des travailleurs esclaves, qui doivent absolument répondre présents et n'ont même pas le droit, par exemple, de renoncer à un CDI ou à un emploi lorsqu'ils s'y trouvent en situation de danger. Comment se fait-il que vous ne parveniez pas à sortir de cette dichotomie, « Kleenex » ou esclave ? Où est la place de la loi ? Où est la place de l'intervention publique ? J'aimerais avoir une réponse !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
Tous les amendements dont nous discutons en ce moment sont fondés sur le même principe et présentent une rédaction similaire. Seuls varient la durée des contrats et le montant des taux de contribution. C'est la raison pour laquelle je répète systématiquement que la discussion et les arguments sont les mêmes, tout comme l'avis : il est défavorable.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Même avis.
Vous dites depuis tout à l'heure, chers collègues, que nous serions déconnectés des réalités.
« Oui ! » sur plusieurs sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je perçois pourtant dans vos propos une négation totale soit de la saisonnalité de certains métiers, soit de l'existence de missions spécifiques dans les entreprises. S'agissant des contrats d'un mois, qu'en est-il des centres de loisirs, des colonies de vacances, des vendanges ? En ce qui concerne les missions d'une journée, avez-vous pensé aux gardes d'enfants ? La conclusion que j'en tire, c'est que vos propositions mettraient en difficulté non pas les entreprises, mais les salariés. .
Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES
Elles aboutiraient en effet à une baisse de leurs salaires. C'est pourquoi nous sommes défavorables à l'ensemble de ces amendements.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem.
Il ne faut pas nier la réalité, mes chers collègues : la part de contrats à durée déterminée d'un jour seulement est passée de 8 % au début du millénaire à 30 % aujourd'hui.
On constate une véritable explosion de ce phénomène. Pour le résoudre vraiment, et protéger les personnes qui exercent des activités donnant lieu habituellement à des contrats très courts, il faudrait créer un régime d'assurance chômage spécifique. Les guides conférenciers et guides conférencières, par exemple, étaient dans la rue en 2019 et en 2020 lorsque la réforme de l'assurance chômage dont nous débattons de la prolongation a été mise en œuvre ; ils réclament un statut particulier car ils ont des employeurs multiples. Mais, en réalité, vous les avez affaiblis avec votre réforme, comme vous affaiblissez l'ensemble des salariés.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
L'amendement n° 294 n'est pas adopté.
Cinq heures, c'est un temps qui peut sembler très long lorsqu'on vous entend disserter mais qui peut aussi sembler très court lorsque c'est la durée du contrat sur lequel on joue sa vie. Vous nous dites à l'instant que ces contrats sont des exceptions ou bien que les pauvres employeurs qui embauchent des gens pour une demi-journée, voire un tiers ou un quart de journée, seraient réduits à verser des larmes de sang parce qu'ils cotiseraient… Excusez-nous de ne pas adhérer à ce discours dramatique, voire de le penser légèrement intéressé et sans doute décalé par rapport à la réalité. Rien que sur le site de Pôle emploi, que je viens de consulter – je vous invite à faire de même, vous avez le wifi –, il y a à l'instant 11 000 offres d'emploi concernant des contrats de moins de 5 heures par mois. Vous pouvez par exemple être employé de libre-service en CDD, à raison d'une heure et demie par semaine. Au cas où l'on m'opposerait la réalité, il me semble qu'il y a des employés de libre-service qui travaillent à temps plein : c'est donc possible ! Peut-être le recours à un tel contrat est-il donc un choix politique, lié à votre laxisme en la matière.
Je trouve sur le même site un emploi d'agent d'entretien de la propreté des locaux : il s'agit d'un CDI de trois heures par semaine, payé au Smic, mais les durées de trajet sont telles que cela revient à travailler gratuitement, sans rémunération aucune – on ignorait que l'exploitation à plus de 100 % existait mais ils l'ont fait !
Autre exemple, à Valence cette fois : un emploi de femme de chambre en CDD pour deux mois, à raison de trois heures hebdomadaires. Bref, nous parlons d'une réalité qui touche des milliers de personnes – 11 000 offres sont actuellement publiées mais celles qui vont trouver preneur seront remplacées et d'autres seront mises en ligne. Or il n'est pas acceptable qu'un employeur ou une employeuse qui embauche à la demi-journée, voire moins encore, comme au XIX
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur de nombreux bancs du groupe SOC.
Cet amendement s'inscrit dans la continuité de tous les autres : mêmes arguments, même avis défavorable.
Même avis.
Toutes nos tentatives de vous sensibiliser, de susciter chez vous un peu d'empathie à l'égard de gens qui souffrent – mais trop nombreux, sans doute, sont celles et ceux parmi vous qui n'ont jamais connu le chômage…
Protestations sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Quoi qu'il en soit, je répète ce que j'ai dit hier : non seulement les projets de loi que vous vous apprêtez à voter sont injustes mais, en plus, ils sont imbéciles. Un précédent intervenant le faisait remarquer : il faut en effet tenir compte des emplois saisonniers, alors que vous avez déjà désespéré ceux qui les occupent en adoptant sous le précédent quinquennat des lois sur le chômage qui avaient tant durci l'accès aux droits suite à une période de travail qu'on a – ou plutôt que vous avez – désormais beaucoup de mal à recruter dans les stations de ski et dans celles du littoral.
Et voilà que vous vous apprêtez à asseoir le paiement des indemnités sur des périodes de plus en plus longues. Ce faisant, vous n'obtiendrez que de renforcer ce que vous prétendez combattre, c'est-à-dire désespérer les gens de travailler. Du fait de l'inflation des prix des carburants et des difficultés à se rendre au travail qui en résultent, les gens n'ont plus intérêt à travailler pour des salaires aussi bas que ceux que vous proposez. Encore une fois, vous désespérez les gens de travailler et les conditions du chômage que vous leur réservez ne les motiveront pas davantage !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 296 n'est pas adopté.
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l'amendement n° 32 .
J'ai l'honneur d'être peut-être le premier à défendre un amendement venant de la gauche dont je suis certain que la majorité l'adoptera ,
Mme Sophia Chikirou applaudit
tant il va dans le sens des déclarations que la Première ministre a faites en faveur d'un dialogue apaisé et fondé sur des éléments scientifiques. Nous proposons en effet la création d'un conseil d'orientation de l'assurance chômage qui, à l'instar du Conseil d'orientation des retraites (COR), serait un lieu de projection, de médiation, de temporisation, et qui nous permettrait de définir ensemble, avec toutes les parties prenantes, les orientations de société et les leviers économiques liés à l'assurance chômage.
Si le principe de la création de ce nouvel instrument démocratique vous déplaisait, nous accepterions une proposition alternative consistant à englober l'assurance chômage dans les compétences du COR. J'avoue cependant que notre préférence, tant le sujet est sensible, va à la création d'un instrument démocratique spécifique. Je me réjouis par avance de l'accueil qui sera réservé à cette proposition apaisante et conciliante !
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Lorsque nous avons eu cette discussion en commission, j'ai dit que l'idée de dresser un diagnostic partagé sur la situation de l'assurance chômage et sur les incidences qu'avaient ses règles avait du sens. Mais elle s'inscrit dans une réflexion plus large sur la gouvernance de l'assurance chômage. J'espère qu'elle figurera à la table des négociations entre partenaires sociaux ; en attendant, j'émets un avis défavorable.
Même avis : cette proposition relève strictement de la gouvernance. L'idée est séduisante car une telle instance permettrait de fournir des données objectives, une trajectoire et des projections financières partagées. Cependant, nous avons annoncé à plusieurs reprises que nous ouvrirons une négociation sur la gouvernance au premier semestre 2023 ;…
…je ne souhaite pas qu'on préjuge dès maintenant de ses résultats.
À quoi servons-nous, sinon à donner un chèque en blanc au Gouvernement ?
L'idée pourra être intégrée aux propositions figurant dans le document préalable à la négociation.
Il est proposé de créer un conseil d'orientation de l'assurance chômage sur le modèle du COR – ce même COR qui nous a révélé que le système des retraites était excédentaire de 900 millions d'euros en 2021 et que cet excédent dépasserait 3 milliards en 2022. Autrement dit, le COR nous a bien montré que la réforme des retraites que vous allez conduire est inutile.
La création d'un conseil d'orientation de l'assurance chômage nous semble donc être une bonne idée et nous soutiendrons cet amendement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Permettez-moi, madame la présidente, de revenir sur les amendements précédents, car vous n'avez pas pu me donner la parole plus tôt. C'est notre majorité…
…qui, depuis six ans, se bat pour que des contrats courts soient offerts aux salariés qui le souhaitent, car ce que nous voulons, c'est le plein emploi, et c'est faire en sorte que les salariés soient en position de force pour décider de leurs propres conditions de travail ! C'est nous qui défendons cet objectif depuis six ans, avec un résultat concret : la baisse du chômage.
Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes RE et Dem.
J'attendais qu'au terme de cette série d'amendements de la NUPES, nos collègues socialistes défendent une mesure comme celle qu'ils proposent pour leur dire ceci : regardez, ici même, ce que fait la mairie de Paris concernant les emplois de quelques heures par jour.
Qui, le matin, avant que nous n'arrivions à l'Assemblée, fait traverser nos enfants ? Ces personnes ont un contrat d'une heure le matin et d'une heure le soir. Mais ça ne vous gêne pas ! Je trouve ça scandaleux, au contraire !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem ; exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Faisons donc tous un peu de ménage et disons ceci : les contrats courts, ce sont aussi les socialistes qui les défendent, ici même, à Paris !
Mêmes mouvements.
L'amendement n° 32 n'est pas adopté.
N'étant membre ni de la majorité ni de la NUPES, ni non plus du RN, permettez-moi, madame la présidente, de vous demander s'il vous est possible de regarder parfois dans ma direction et de me donner la parole sur les amendements lorsque je vous la demande.
J'en viens à l'article 1er bis : force est de constater une avancée depuis les travaux en commission où a été évoquée la question de l'absence d'un rapport sur le non-recours aux droits en matière d'assurance chômage. Peut-être l'amendement créant cet article a-t-il fait office de détonateur, toujours est-il que la donne est différente puisque nous disposons désormais du rapport en question – et qu'il nous interpelle.
Et pour cause : le fait que 42 % des femmes et des hommes privés d'emploi ne fassent pas usage de la possibilité qu'ils ont de percevoir un revenu de remplacement pendant leur période de chômage ne saurait nous laisser de marbre. J'encourage le Gouvernement à se saisir de cette question pour déterminer ce qu'il en est et, peut-être, pour élargir le débat aux radiations. La gestion du fichier de Pôle emploi s'assortit en effet de plusieurs mécanismes de radiation – dans un sens comme dans l'autre – dont il faut à mon sens tenir compte dans l'estimation du non-recours aux droits.
Pour votre information, monsieur le député, voici plusieurs heures que nous sommes convenus qu'à chaque amendement, deux orateurs prendraient la parole : un pour et un contre. J'ai donc donné la parole aux premiers inscrits, conformément à la règle que nous nous sommes donnée.
La parole est à M. Arthur Delaporte.
Non, pour nous interpeller tous. La loi du 5 septembre 2018 prévoit qu'un rapport sur les conséquences du non-recours aux droits est remis dans les deux ans suivant sa promulgation. Nous voici quatre ans plus tard ; or nous avons reçu ce rapport lundi – et encore avons-nous découvert son existence dans la presse, et il a fallu envoyer un courriel pour le récupérer ! Est-ce donc cela, le respect du Parlement ?
Je constate que depuis le début des débats, le ministre ne m'écoute pas quand je parle et poursuit ses conversations, comme il le fait en ce moment. Nous parlons dans le vide !
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RE.
C'est terriblement frustrant pour un parlementaire de l'opposition qui essaie de faire son travail. Je remercie le rapporteur de nous répondre, mais j'aurais aimé entendre le ministre du travail car les conséquences de la réforme sont réelles !
Dois-je citer le cas d'Annonay ? Quelque 6 000 baisses d'indemnisation, 19 000 retards et 1 500 jeunes concernés ! À Annonay comme partout en France, on subit les effets de la réforme de l'assurance chômage. On lit dans le rapport qui nous a été remis tardivement lundi que 53 % des jeunes remplissant les conditions requises pour bénéficier de l'assurance chômage n'y ont pas recours, que les seniors non plus n'y ont pas recours ; c'est un problème ! J'espère donc, monsieur le ministre, qu'à l'avenir vous serez à notre écoute et que vous pourrez nous répondre car il s'agit là d'un enjeu à Annonay comme partout en France !
L'article 1er bis n'existe que grâce à l'amendement que notre collègue Dharréville a déposé en commission. Or, le rapport ayant été remis en début de semaine, l'article est désormais sans objet. On apprend dans ce rapport qu'entre 25 % et 42 % des salariés pouvant en bénéficier n'ont pas recours aux droits à l'assurance chômage. Pourtant, le projet de loi omet presque complètement la question du non-recours. Vous persistez dans la logique consistant à contraindre plutôt qu'à accompagner. Si nous avions eu le rapport plus tôt, nos débats auraient été différents, comme l'aurait été ce texte, car nous aurions examiné la question du non-recours de manière beaucoup plus approfondie. Le Parlement ne sert pas qu'à voter la loi ; c'est aussi un lieu où l'on parle, et cela doit pouvoir se faire dans de bonnes conditions. Je vous alerte de nouveau sur la méthode : nous devons disposer des informations en amont pour travailler correctement. C'est une leçon à tirer pour le texte en cours d'examen : si nous disposions de données plus nombreuses sur la réforme de 2019, nos débats seraient mieux éclairés.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES.
Lors de l'examen en 2018 du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, j'avais déposé un amendement visant à ce que le Gouvernement remette au Parlement, dans les deux ans, un rapport sur le non-recours aux droits. L'amendement avait été adopté – c'était, hier comme aujourd'hui, assez difficile d'y parvenir…
…pour que je m'en souvienne. Depuis, loin de l'oublier, nous avons réclamé ce rapport à de nombreuses reprises. Il semble qu'il ait été rédigé il y a déjà un certain temps mais qu'il ait été abandonné dans un tiroir.
Je ne suis pas venu vous remercier de nous l'avoir remis deux ans plus tard ; c'est bien normal. Nous avons mis de la pression dans le tuyau en déposant un amendement pour que le rapport nous soit remis sous un mois. En clair, le seul de nos amendements qui ait été adopté dans le présent texte perd tout objet puisque le rapport a été remis et qu'il n'y a donc plus de raison de maintenir cet article dans le projet de loi. Je rappelle néanmoins les faits qui donnent une idée de la nature des débats que nous avons et de ce qui en résulte. Au fond, nous avons un vrai-faux débat sur un vrai-faux projet de loi, qui ouvre très peu de possibilités de discussion.
Le rapport qui nous a été remis doit nous inciter à changer notre vision du chômage. En moyenne, 30 % des personnes pouvant bénéficier de droits n'y ont pas recours. C'est considérable ! Il est très difficile, en France, de faire valoir ses droits, qu'il s'agisse de l'assurance chômage ou d'autres droits. Le non-recours concernerait 540 000 personnes. Nous devons nous emparer de ce problème, même si ce projet de loi ne nous le permet pas, afin que chacune et chacun puisse avoir recours à ses droits – des droits acquis par le travail.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES et SOC.
Je reviens à mon tour sur l'intervention de M. Viry : les données que contient ce rapport sur le non-recours aux droits à l'assurance chômage doivent nous inciter à changer totalement de regard sur le projet de loi et sur les perspectives qu'il ouvre – tant qu'il en est encore temps puisque nous avons entamé nos travaux avant de recevoir ce document, avec quatre années de retard seulement.
Comme on l'a déjà souligné, ce rapport estime que le taux de non-recours se situe entre 25 % et 42 %. Autrement dit, 25 % à 42 % des personnes ne sont pas indemnisées alors même que leur situation leur donne le droit de l'être. Nous devons toutefois faire preuve de prudence. Ces pourcentages paraissent fortement minorés puisqu'ils renvoient au non-recours global alors que des millions de gens sont concernés par le non-recours partiel, je veux parler de tous ceux qui reçoivent des allocations de retour à l'emploi mais qui auraient pu bénéficier d'un montant plus élevé s'ils s'étaient inscrits dans de bonnes conditions, avec les bons interlocuteurs et les bons documents. Aux 40 % de personnes éligibles ne demandant pas d'indemnisation, il faut donc ajouter toutes celles qui touchent moins que ce à quoi elles auraient droit, parce qu'elles ont vu leur seuil d'éligibilité mal calculé, parce qu'elles n'ont pas apporté tous les documents nécessaires pour obtenir la durée maximale d'indemnisation ou recevoir le montant maximal auquel elles pourraient prétendre.
Tout cela conduit à se demander pourquoi autant de personnes ne recourent pas à l'indemnisation. Oui, pourquoi, dans la tête de millions de nos concitoyens, ne pas se tourner vers l'assurance chômage alors même qu'on y a droit semble normal ? Une des réponses – et nous en avons eu une illustration aujourd'hui même dans cet hémicycle – réside dans tous les discours de stigmatisation acharnée et répétée à l'encontre des demandeuses et des demandeurs d'emploi.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Ces discours, nous les entendons depuis des années : « Les chômeurs qui partent en vacances aux Bahamas » – comme si des gens touchant l'allocation chômage d'aide au retour à l'emploi (ARE) pouvaient s'offrir un billet d'avion pour les Caraïbes – ou le fameux : « Il suffit de traverser la rue pour trouver du travail ». Mais il n'y a que pour vous que les Bahamas sont de l'autre côté de la rue ! Ce n'est le cas pour personne d'autre dans ce pays.
La situation actuelle, la voici : alors que tout le monde cotise, plus de la moitié des gens ne perçoivent pas ce dont ils auraient dû bénéficier.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Arthur Delaporte applaudit également.
Ne confondons pas non-recours et non-indemnisation. S'agissant du non-recours aux prestations sociales, nous sommes tous d'accord pour dire qu'il est anormal que des millions de Français passent à côté de leurs droits.
C'est bien pour cela que nous, majorité présidentielle, avons mis en avant, avec le Président de la République, le versement automatique des droits sociaux. Il fera l'objet d'une expérimentation dès l'année 2023.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.
Ce versement des prestations sociales à la source sera bientôt une réalité.
Il faut que les Français soient mieux informés au sujet de leurs droits, je vous rejoins sur ce point.
La non-indemnisation, elle, renvoie à un autre enjeu. Certains demandeurs d'emploi ne sont pas indemnisés tout simplement parce qu'ils ne remplissent pas les critères nécessaires pour percevoir l'allocation chômage ;…
…d'autres parce qu'ils ne sont pas disponibles dans les quinze jours pour occuper un nouvel emploi ou parce qu'ils ne sont pas en recherche active d'emploi.
Je le répète, ne confondons pas non-indemnisation, qui implique que certains critères ne sont pas remplis, et le non-recours contre lequel nous nous mobilisons pleinement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Sur l'article 2, je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés (membre de l'intergroupe NUPES) d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. le ministre.
Je m'adresserai principalement à M. Dharréville puisqu'il est à l'initiative de l'amendement adopté en commission qui a donné lieu à cet article.
Pour ce qui concerne le rapport, je précise que mon cabinet l'a reçu mercredi dernier dans l'après-midi. Nous en avons pris connaissance et il a été adressé dans l'après-midi de vendredi aux services de l'Assemblée puis chaque groupe ou chaque député – je ne saurais le dire précisément quelles ont été les modalités de sa distribution – en a été destinataire.
Ce rapport était-il prêt depuis longtemps ? La réponse est non. Pour être plus précis, je dirai qu'au début de l'année 2022, une première version a été remise à Élisabeth Borne, mon prédécesseur comme ministre du travail, version de qualité déjà puisqu'elle fournissait les mêmes données quantitatives que celles qui figurent dans la version finale. Toutefois, le cabinet de Mme Borne avait demandé que le rapport soit complété car il n'abordait pas les causes du non-recours – et vous avez pu constater à sa lecture qu'elles n'étaient pas simples à déterminer. Cela explique le retard avec lequel il vous a été remis.
Deuxièmement, que faisons-nous de ce rapport ? La réponse est dans la question que vous avez posée. Il faut examiner toutes les causes du non-recours. Sur certaines, dont je ne saurais évaluer l'ampleur, nous ne pourrons pas agir : elles relèvent de choix personnels.
Nous savons bien – et cela ne représente pas la majorité des cas – que lorsque seulement quelques semaines séparent deux contrats, certaines personnes peuvent considérer qu'il n'y a pas lieu de faire valoir leurs droits.
Se pose donc bien sûr la question de la connaissance du droit et de l'accès au droit. Nous devons donc systématiquement, dans le cadre que nous connaissons, renforcer l'accès au droit et lutter contre le non-recours. Cela fait partie des priorités de la mission de préfiguration relative à France Travail, autre chantier de modernisation du service public de l'emploi que j'ai lancé et dont nous aurons l'occasion de reparler. Elle se penchera notamment sur la manière dont nous pouvons rendre effectifs les droits Unedic comme tous les droits sociaux.
Tout a été dit par M. Dharréville et M. le ministre. Cet amendement prend acte du fait que le rapport a été transmis : l'article n'ayant plus de raison d'être, nous demandons sa suppression.
Le bonus-malus, sur lequel porte l'article 2, constitue l'un des leviers pour atteindre le plein emploi, objectif à l'encontre duquel va la multiplication des contrats courts. Ceux-ci, en effet, peuvent être détournés de leur raison d'être et contribuent à la pénurie de main-d'œuvre. Les personnes concernées travaillent en pointillé alors même que de nombreuses offres d'emploi restent non pourvues.
Pour bien comprendre les mécanismes de détournement du système, il faut les illustrer avec un exemple. Je prendrai un cas qui m'a été rapporté lors d'une de mes visites la semaine dernière à Pôle emploi – oui, chers collègues, vous n'êtes pas les seuls à vous y rendre. Il s'agit d'un salarié qui enchaîne volontairement les contrats de travail à la semaine, du lundi au vendredi, et qui choisit ses périodes de chômage. Sa stratégie lui permet d'augmenter son revenu en cumulant la prime de précarité et l'indemnisation au titre du chômage. Les nouvelles règles diminuent, c'est vrai, ces prestations puisque l'indemnité chômage sera réduite à proportion des jours hors contrat de travail. Dans le cas que j'ai cité, cela reviendra à une réduction de 30 %. Selon les témoignages des conseillers de Pôle emploi, ce salarié, après avoir été informé de ces modifications, a dit vouloir désormais se tourner vers les CDI.
On peut comprendre que chacun cherche à tirer parti de la loi pour améliorer ses revenus mais notre rôle est de veiller à l'intérêt général. La collectivité ou la loi n'ont vocation ni à soutenir la permittence quand nombre d'emplois ne sont pas pourvus ni à améliorer les revenus des plus agiles avec les cotisations de tous.
Bien sûr, il existe de grandes différences de situation en matière de contrats courts. Aussi serait-il utile que, dans cet hémicycle, nous apportions un peu de nuances, loin des caricatures trop souvent mises en avant, afin de nous permettre de prendre en compte les abus comme les situations subies.
Ce dispositif bonus-malus traite les abus et nécessite d'être prolongé pour produire de réels effets.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Le bonus-malus est-il un dispositif qui correspond à l'intérêt général ? On pourrait le penser en partant du principe que l'encouragement donné aux entreprises à ne pas recourir trop massivement aux contrats courts et aux temps partiels imposés aux salariés contribue à lutter contre la précarité. En réalité, c'est du faux bon sens.
Qu'observe-t-on en effet dans la mise en œuvre du bonus-malus ? Les seuils retenus pour le recours aux contrats courts montrent qu'on en est venu à considérer la situation actuelle comme normale. Les entreprises qui se situent un petit peu en deçà sont donc aidées. C'est ainsi que les cotisations de 63 % des entreprises baissent alors même que la précarité a explosé. Autrement dit, ce dispositif, loin d'aider les salariés à sortir de la précarité, a été une machine à aider encore plus les entreprises. Cela n'a rien d'étonnant puisque la politique mise en place par ce gouvernement et ses prédécesseurs depuis tant d'années a pour objectif assumé de faire augmenter la précarité et la flexibilité.
Ce qui aurait pu être une bonne idée se retourne contre les salariés. C'est pourquoi nous remettons fortement en cause ce dispositif, véritable machine à cash au bénéfice d'entreprises qui ne se montrent pas plus vertueuses qu'avant.
Nous pensons que le bonus-malus n'est pas une bonne solution. Tout d'abord, le mécanisme de malus n'est pas dissuasif. Le recours aux contrats courts a ainsi continué d'augmenter lors du dernier trimestre – on attend d'ailleurs toujours l'évaluation de la Dares qui, à ma connaissance, n'a pas été publiée. Quant au mécanisme du bonus, il revient à faire des cadeaux aux entreprises. Or il ne vous aura pas échappé que c'est d'une augmentation générale des cotisations que nous avons besoin pour financer l'hôpital et bien d'autres services. Dans nos amendements précédents, nous proposions des dispositifs beaucoup moins gazeux visant à taxer plus fortement les entreprises ayant recours à des CDD d'un mois ou deux.
Ce qui est grave dans l'article 2, c'est qu'il autorise la transmission aux patrons de données personnelles concernant les salariés. Cela nous paraît particulièrement dangereux car de telles données peuvent être utilisées contre eux. Tous ceux qui, comme moi, ont été syndicalistes savent que la répression syndicale existe. Donner des informations sur le passé des salariés est problématique. S'il s'agit de faire un usage statistique de ces données à destination de l'Urssaf, il est tout à fait possible de les anonymiser. Point n'est besoin de les transmettre aux employeurs.
Le rapport de force entre employeurs et salariés est toujours asymétrique, chose que vous ne voulez pas entendre. Notre rôle, en tant que législateur, est d'assurer aux travailleurs le respect de leurs droits.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
On le sait, le Gouvernement a fait beaucoup de tapage publicitaire autour du bonus-malus et la première chose à dire ici est que les contrats courts ont été encouragés par la majorité en 2017 au moment des lois « travail », qui ont singulièrement accru les possibilités de recours aux formes précaires.
Si nous nous sommes toujours montrés favorables au malus, nous ne comprenons pas qu'il existe un bonus. À partir du moment où une entreprise se montre vertueuse en respectant les règles, il n'y a pas de raison de la faire bénéficier d'exonérations supplémentaires alors que ces dernières sont déjà massives. Elles se sont tant multipliées qu'en quarante ans, la part de cotisations sociales dans le financement de la protection sociale est passée de 90 % à 38 %, selon le premier président de la Cour des comptes, auditionné ce matin devant la commission des affaires sociales. Pourquoi ajouter une nouvelle exonération pour les entreprises qui se contentent de respecter les règles alors que nous avons tant de besoins auxquels il faudrait répondre par davantage de cotisations ?
La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir l'amendement n° 208 .
Il ne produit pas d'effets bénéfiques et pénalise tout le monde parce qu'il contribue à rendre les choses illisibles. Je mets au défi quiconque ici de nous expliquer comment fonctionne ce mécanisme, en dehors bien sûr de M. Ferracci qui l'a conçu.
Cet amendement vise à supprimer l'article 2. L'autorisation de communiquer aux employeurs des données personnelles relatives aux salariés produira bien évidemment des effets pervers, comme cela a été le cas aux États-Unis lors de la mise en place du bonus-malus. Si les employeurs ont accès aux données personnelles relatives aux fins de contrats générant le paiement d'un malus, ils pourraient être tentés de demander aux salariés concernés de ne pas s'inscrire à Pôle emploi en leur promettant une réembauche afin de réduire le montant du malus.
Comprenez-vous ce que je veux dire ?
Si l'employeur sait à l'avance quel salarié lui fera perdre de l'argent, il lui demandera simplement de ne pas s'inscrire à Pôle emploi.
Il y a donc un risque de contournement de l'objectif initial que, par ailleurs, nous réfutons.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
Cet amendement nous donne l'occasion d'évoquer de nouveau le dispositif du bonus-malus, dont nous avons longuement débattu en commission. L'exemple présenté par notre collègue Alauzet est très juste et n'est certainement pas un cas isolé. En 2019, lorsque la précédente réforme de l'assurance chômage a été lancée, 70 % des embauches reposaient sur des contrats de moins d'un mois et, surtout, 75 % de ceux-ci correspondaient à des réembauches chez le même employeur. Ces chiffres illustrent des relations identiques à celle décrite par notre collègue, d'emplois durables fondés sur la précarité, la multiplication de contrats très courts et de périodes de chômage indemnisées. C'est ce qui coûte très cher à l'assurance chômage.
L'article 2 vise précisément à communiquer aux employeurs l'information concernant l'inscription à Pôle emploi des salariés qui multiplient les contrats de façon ainsi hachée. Il s'agit d'une information que les organisations patronales estiment nécessaire aux employeurs pour leur faciliter l'appropriation du dispositif, information dont le Conseil d'État a considéré, dans son avis sur le projet de loi, qu'elle était proportionnée et adéquate, et qu'elle ne remettait pas en cause le principe de la protection des données privées. C'est pourquoi nous souhaitons l'adoption de l'article 2. Avis défavorable.
Je partage les arguments de M. le rapporteur. Vous craignez, monsieur Delaporte, un phénomène de désinscription à Pôle emploi, comme si cette mesure relative au taux de séparation venait d'être créée. Or la loi en vigueur permet déjà le calcul du bonus-malus et donc du taux de séparation, à partir de l'ensemble des éléments qui sont transmis après l'inscription à Pôle emploi. L'objet de l'article 2 est de permettre aux entreprises d'accéder aux données, pour qu'elles puissent mieux comprendre le calcul de leur propre taux et engager – c'est, du moins, notre souhait – des actions visant à réduire le recours aux contrats courts. Ce n'est donc pas une nouveauté et il n'y a pas lieu de craindre la désinscription que vous évoquez. Avis défavorable.
Chers collègues, monsieur Alauzet, j'ai décidé d'adopter un nouveau style…
« Ah ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem et sur quelques bancs des groupes RE et HOR.
« Oh ! » sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.
C'est difficile lorsqu'on entend que les gens s'inscriraient à Pôle emploi pour s'installer dans une précarité volontaire, avec de petits contrats d'intérim qui leur accorderaient des primes de précarité, comme dans une sorte de club Méditerranée.
Reprenons son intervention qui est à mon sens scandaleuse. Voyez, je me contiens encore. Qu'est-ce qui se passe ? Ça fait quarante ans qu'on a installé en France, de façon massive, la précarité au sein des classes populaires et que cette situation entraîne une souffrance que je rencontre toutes les semaines : celle du gars employé chez Amazon, recruté pour la période de Noël et qui se demande s'il sera repris en janvier, mais dont le contrat n'est pas reconduit et qui ne sait pas comment il fera bouffer sa famille ; celle du cariste qu'on embauche six mois, encore et encore, et à qui on demande ensuite de rester six mois à la maison avant de le réembaucher dix-huit mois, puis de lui dire que tout est terminé.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
Ce sont les patrons qui ont massivement favorisé ce système. Je l'ai illustré au moyen de petites histoires, mais je peux citer les chiffres : 1 million d'intérimaires en plus depuis vingt ans. Ce sont dans ma ville, par exemple, des boîtes d'intérim qui ont fleuri tous azimuts, des jeunes qui doivent se taper la tournée de ces boîtes tous les matins, soit physiquement soit par téléphone, pour finalement se prendre vent sur vent. Cette situation est ressentie comme une violence. Ce sont des CDD dont la durée moyenne a été divisée par quatre en vingt ans, passant d'une durée médiane de vingt jours à cinq jours. Ce ne sont pas les salariés qui en décident mais bien les patrons qui l'imposent – et cela ne vous pose aucun problème !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe SOC.
Monsieur le ministre, vous n'avez pas répondu au fait que la transmission des données, comme le montre l'exemple américain, risque de nuire au salarié – quand bien même nous accepterions le principe général du dispositif.
L'amendement n° 208 n'est pas adopté.
Il s'agit d'un amendement que vous devriez pouvoir accepter, monsieur le ministre, et que les collègues de la majorité devraient pouvoir voter. Il vise simplement à anonymiser les données. La logique que vous souhaitez instaurer serait conservée – l'entreprise saurait qu'elle est pénalisée parce qu'elle a x salariés concernés par des contrats courts – mais nous introduisons un garde-fou afin de ne pas communiquer aux employeurs des données personnelles qui pourraient être le prétexte à des mesures de rétorsion. Nous voulons empêcher tout contournement et j'espère que nos collègues de la majorité auront à cœur d'améliorer ainsi le projet de loi.
La parole est à Mme Laure Lavalette, pour soutenir l'amendement n° 262 .
…et nous verrons bien si le groupe LFI – NUPES vote comme nous pour une fois. La communication des données relatives aux personnes concernées par les fins de contrat inscrites sur la liste des demandeurs d'emploi n'apporte, comme vous le disiez, aucun élément pertinent aux entreprises concernées par le calcul du bonus-malus. En effet, la constitution du tableau de bord interne sur les statistiques des CDD de l'entreprise ayant malheureusement débouché sur une inscription des salariés sur la liste des demandeurs d'emploi, n'emporte nullement la nécessité de disposer de données personnelles.
Au-delà de l'inutilité de la transmission de telles informations aux entreprises, il y va du respect de la vie privée qui impose l'anonymisation des statistiques transmises aux entreprises.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Ces amendements identiques reviennent en substance à supprimer l'article 2 qui prévoit, précisément, la transmission des données relatives à l'inscription à Pôle emploi des salariés qui quittent l'entreprise. Vous proposez de ne communiquer à l'entreprise qu'une information relative au salarié qui la quitte, mais elle en dispose déjà dans la mesure où l'employeur remplit la déclaration sociale nominative. Ce que vous proposez revenant donc concrètement, j'y insiste, à supprimer l'article, j'émets un avis défavorable.
Nous souhaitons que le nombre des fins de contrats prises en compte dans le calcul du taux de séparation soit décorrélé du nombre de personnes s'inscrivant sur la liste des demandeurs d'emploi. En effet, eu égard notamment au taux de non-recours aux droits en matière d'assurance chômage, le nombre de fins de contrat dans une entreprise ne peut être assimilé strictement à celui des inscriptions sur la liste des demandeurs d'emploi.
Si l'objectif est d'inciter les entreprises à ne pas recourir de façon excessive aux contrats courts, qui sont moins protecteurs et précarisent la vie des salariés, la question de savoir si le travailleur s'inscrit ou non à l'issue de sa fin de contrat sur la liste des demandeurs d'emploi est secondaire. Elle l'est d'autant plus que le non-recours aux droits à l'assurance chômage concerne prioritairement les travailleurs en contrat précaire, soit parce que leur dernière période de travail ne leur ouvre pas de droits à l'allocation – ils sont de plus en plus nombreux dans ce cas depuis la réforme par décret de 2019 –, soit parce qu'ils enchaînent des contrats courts, voire très courts, comprenant des périodes d'interruption très brèves entre chaque contrat – c'est notamment le cas de nombreux intérimaires.
Pour toutes ces raisons, afin de mesurer le plus exactement possible le recours aux contrats courts dans les entreprises, nous proposons de supprimer la référence à la liste des demandeurs d'emploi.
Votre amendement s'écarte du sujet de l'assurance chômage : vous souhaitez construire le taux de séparation sur la base de l'ensemble des fins de contrats et non pas sur les seules fins de contrats donnant lieu à une inscription à Pôle emploi. Mais un salarié peut quitter une entreprise pour rejoindre directement une autre entreprise où il aura trouvé un emploi lui convenant mieux. Il serait alors injuste de pénaliser l'employeur en lui imputant la séparation dans le cadre du calcul du bonus-malus. C'est pourquoi je donne un avis défavorable.
Même avis.
Nous avons accepté en commission l'instauration du bonus-malus afin d'éviter que les entreprises ne recourent de façon excessive à des contrats courts et je m'en félicite. En revanche, ce dispositif ne doit pas pénaliser le travail saisonnier. L'essence même des activités saisonnières, on pense au secteur du tourisme, interdit qu'on propose des CDI, même annualisés. C'est pourquoi les entreprises concernées obtiennent un taux de séparation forcément plus élevé et se voient par conséquent pénalisées.
Prenons l'exemple des remontées mécaniques dans les domaines skiables : étant référencées dans la catégorie du coût des transports, elles sont comparées à des entreprises comme la SNCF ou Air France. J'ai déposé un amendement à ce sujet, discuté en commission mais déclaré irrecevable dans la perspective de l'examen du texte en séance. À l'heure où le Gouvernement souhaite accompagner l'ensemble des très petites entreprises (TPE) – il a prévu de le faire pour le secteur de l'énergie –, il faut veiller à ce que le dispositif du bonus-malus ne pénalise pas ces entreprises très particulières que sont les remontées mécaniques qui sont, en outre, généralement vertueuses car elles proposent des contrats d'une durée relativement longue, supérieure à quatre mois, et qui ont, du fait de leur convention collective, l'obligation de réembaucher les saisonniers.
Je suis surpris de la réponse de M. le rapporteur. Le principe du malus n'est pas tant de se pencher sur le devenir du salarié à la fin du contrat court que de sanctionner le recours à des contrats courts. Le problème n'est pas que le salarié ait, à l'issue, un autre contrat mais bien que les entreprises qui multiplient les contrats courts soient sanctionnées.
L'amendement n° 199 n'est pas adopté.
Cet amendement de notre collègue Laurent Jacobelli, qui va dans le même sens que celui de Mme Ménard, vise à clarifier la rédaction de l'alinéa 2 de l'article 2 et à le mettre en cohérence avec l'exposé des motifs. Il est clair qu'il faudra transmettre aux entreprises les données et les modalités de calcul du bonus-malus.
C'est pourquoi nous proposons de mentionner que les données « doivent » être communiquées dans un délai raisonnable, bien entendu. Dans la situation économique actuelle, les entreprises ont besoin de visibilité, pour savoir à quelle sauce elles vont être mangées. Ne laissons pas la porte ouverte à une possible non-communication de ces informations essentielles aux entreprises dans le pilotage de leur activité. Nous devrions tous pouvoir nous mettre d'accord sur cette proposition de réécriture.
M. Pierre Meurin applaudit.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 120 .
Comme vient de l'exposer notre collègue très justement, cet amendement devrait couler de source dans la mesure où il vise à mettre en conformité la rédaction du projet de loi avec l'exposé des motifs. Il s'agit de préciser que les données nécessaires pour fixer le nombre de fins de contrats de travail imputées à l'employeur dans le calcul de son taux de contribution modulé doivent lui être communiquées par les organismes chargés du recouvrement, l'Urssaf notamment, dans les conditions qui seront fixées par le décret que vous prendrez.
Si je peux me permettre, je voudrais revenir sur la remise au Parlement du rapport sur la réalité et les conséquences du non-recours aux droits en matière d'assurance chômage. En effet, je n'ai pas pu défendre tout à l'heure mon amendement à l'article 1er bis , tombé du fait de l'adoption d'un amendement de suppression du rapporteur. Vous avez dit, monsieur le ministre, que le rapport avait été envoyé à tous les présidents de groupe et aux députés personnellement : une fois encore – je l'ai dit pendant cinq ans, je le répète en ce début de législature – les députés non-inscrits n'en ont pas été destinataires. J'ai eu d'ailleurs du mal à le trouver. Je viens enfin de le recevoir par courriel après l'avoir demandé à vos services et je vous en remercie. Toutefois, lorsqu'on passe trois jours à obtenir un document qui est censé être remis au Parlement, il est compliqué de préparer les débats de façon sereine et sérieuse.
Je peine à saisir la cohérence de la ligne politique du groupe Front national concernant cet article.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Tout à l'heure, Mme Lavalette a voulu supprimer la possibilité de transmettre les données nominatives relatives aux inscriptions à Pôle emploi. Or, dans l'amendement qu'il vient de présenter, M. Ménagé demande au contraire que ces données soient transmises. Expliquez-nous si blanc vaut noir et si noir vaut blanc ! Mon avis est évidemment défavorable.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 207
Nombre de suffrages exprimés 165
Majorité absolue 83
Pour l'adoption 110
Contre 55
L'article 2 est adopté.
Il vise à supprimer la partie bonus du dispositif de bonus-malus et à ne conserver que la partie malus, pour dissuader les entreprises de recourir aux contrats courts.
Le juste recours aux contrats courts relève du comportement normal et attendu des entreprises, et n'a donc pas lieu d'entraîner une minoration de leurs cotisations – d'autant que cela allégerait encore les recettes de la sécurité sociale.
Il s'agit d'encadrer le recours aux contrats courts – ou plus précisément, et conformément aux recommandations de l'étude d'impact, d'inciter les employeurs à allonger la durée des contrats de travail. Nous sommes évidemment favorables à un encadrement plus strict du recours aux contrats courts, lesquels contribuent à la précarisation des salariés. Pour y parvenir, l'application d'un malus véritablement dissuasif est nécessaire.
En revanche – je rejoins en cela Gérard Leseul –, la création d'un bonus nous paraît totalement déplacée : pourquoi un employeur devrait-il être récompensé, en espèces sonnantes et trébuchantes, au simple motif qu'il assume sa responsabilité sociale envers ses salariés ? Rappelons que le CDI reste la norme sur le marché du travail. De plus, une telle minoration des cotisations sociales entamerait une nouvelle fois le régime de financement de l'assurance chômage, ce que nous jugeons inacceptable.
La parole est à Mme Marie-Charlotte Garin, pour soutenir l'amendement n° 169 .
Il n'y a pas lieu de féliciter une entreprise qui n'abuse pas des contrats courts : ce n'est qu'un comportement normal de sa part. Aussi proposons-nous de supprimer le bonus prévu par l'article 2. À titre de comparaison, les députés qui siègent dans l'hémicycle ne perçoivent pas un bonus parce qu'ils font leur travail ! En revanche, ils subissent un malus quand ils ne le font pas. Dès lors qu'une contribution a été établie de façon juste pour les entreprises et pour l'État, elle n'a pas lieu d'être assortie d'un bonus. Cela représenterait d'ailleurs un manque à gagner pour la sécurité sociale : or cet argent pourrait être utilisé très intelligemment.
Votre système de bonus-malus renvoie à une discussion philosophique – je sais que vous en êtes friands. Le principe serait de récompenser les employeurs qui se donnent la peine de respecter le code du travail, c'est-à-dire qui recourent au CDI comme forme normale d'emploi. Quelle sera l'étape suivante ? Faudra-t-il rémunérer les employeurs qui disent bonjour, ou leur décerner des médailles ? Cette logique est pour le moins étonnante : dans une république, on ne finance pas les comportements vertueux, même si on peut applaudir et féliciter leurs auteurs.
En appliquant ce régime de bonus-malus, vous voulez accréditer l'idée que vous régulez le marché de l'emploi en diminuant le nombre d'emplois précaires. Malheureusement, c'est faux : la Dares a indiqué, il y a quelques jours, que la proportion d'emplois en CDD était passée de 11,7 % à 13,1 %. Si la preuve du pudding, c'est qu'on le mange, la preuve du bonus-malus, c'est qu'il ne marche pas ! Les chiffres de la Dares sont clairs.
Par ailleurs, vous prétendez mieux couvrir les demandeuses et les demandeurs d'emploi – cela, à argent constant. En d'autres termes, vous créez une taxe qui ne rapportera rien. Quelle invention extraordinaire que de taxer pour ne rien prélever ! D'autant que, si cette taxe n'induit aucun bénéfice pour les demandeurs et les demandeuses d'emploi, elle constitue une redistribution entre les employeurs : ceux qui proposent des postes précaires surcotisent au profit de ceux qui respectent des formes normales d'embauche. En définitive, les employeurs qui recourent au CDI gagneront au tirage et au grattage, tandis que les demandeuses et les demandeurs d'emploi perdront des droits.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
Nous avons eu ce débat en commission et en séance : la suppression de la partie bonus entraînerait une augmentation mécanique des taux de prélèvements obligatoires, puisque le dispositif actuel est équilibré entre les malus et les bonus. Or la majorité a pris l'engagement politique de ne pas relever les prélèvements obligatoires. Tel est mon argument fondamental.
J'ajoute que, lorsque M. Clouet évoque l'inefficacité du bonus-malus, en citant des chiffres qui ne sont pas exacts…
Disons plutôt que vous les interprétez mal : vous établissez une relation de cause à effet surprenante entre un dispositif dont la première modulation est intervenue en septembre, et des chiffres antérieurs.
Il faut donner le temps au dispositif de produire ses effets. La Dares en diligentera une évaluation, dont j'espère qu'elle permettra d'y voir clair et de décider, le cas échéant, d'élargir ce dispositif. Avis défavorable.
Considérons que le dispositif est efficace, puisque M. le rapporteur le prétend. Le problème est qu'il est désavantageux, puisqu'il provoquera des pertes plutôt que de nouvelles recettes. Pourtant, il visait initialement à dissuader les entreprises de recourir aux contrats courts, en leur imposant un malus censé entraîner des rentrées supplémentaires. Nous proposons d'encadrer le bonus par un principe simple : les recettes générées par le dispositif devront dépasser d'au moins 50 % les dépenses qu'il occasionne.
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l'amendement n° 270 .
Il vise à garantir que les recettes produites par le dispositif de bonus-malus ne soient pas inférieures au manque à gagner qu'il engendre. Le dispositif vise théoriquement à décourager le recours aux contrats courts mais, dans les faits, il ne touche qu'une poignée d'entreprises circonscrites à sept secteurs d'activité. La partie bonus récompensera les employeurs qui se contenteront d'être proches de la moyenne de leur secteur, sans qu'ils changent véritablement de comportement. On estime que 63 % des entreprises en sortiront gagnantes la première année, et 37 % perdantes. Bien qu'il se veuille neutre financièrement, le dispositif pourrait in fine coûter de l'argent à l'assurance chômage. Par notre amendement, nous voulons garantir que le bonus-malus ne sera pas un panier percé pour l'assurance chômage.
Mme Raquel Garrido applaudit.
Ils diffèrent quelque peu l'un de l'autre. L'amendement n° 270 , que vient de défendre M. Ratenon, vise à garantir que le dispositif sera équilibré, et que le manque à gagner lié au bonus ne sera pas supérieur aux recettes liées au malus. Or la nature même du dispositif est d'assurer un équilibre entre les bonus et les malus au sein de chaque secteur. Cet amendement est donc satisfait.
Pour ce qui est de l'amendement n° 29 défendu par M. Leseul, je réitère l'explication que j'ai donnée plus tôt : si les recettes générées par le dispositif sont supérieures aux dépenses, le taux des prélèvements obligatoires augmentera mécaniquement. Tel n'est pas l'objectif de la majorité. J'y suis donc défavorable.
Défavorable, pour les mêmes raisons. Le système de bonus-malus semble bien fonctionner, puisque les résultats qui nous sont parvenus sont positifs. Ce dispositif s'avère effectivement incitatif : au premier semestre 2022, plus de la moitié des embauches ont été réalisées en CDI, ce qui n'était pas arrivé de très longue date. Cela témoigne d'un changement de comportement des recruteurs, sous l'effet de la loi et de la situation du marché du travail. Le Gouvernement n'est donc pas favorable à la modification du système.
J'avoue ne pas bien comprendre la prétendue règle d'or voulant que le dispositif soit maintenu à l'équilibre, ni le dogme interdisant de relever les « prélèvements obligatoires », pour reprendre vos termes – il s'agit en fait de cotisations. Je ne saisis pas le sens de ce choix. Cela étant, certaines personnes préfèrent marcher sur les traits du trottoir : elles existent.
En soi, les entreprises qui ne toucheraient pas le bonus ne seraient pas lésées ; elles continueraient simplement à s'acquitter de leur contribution, comme il se doit. Nous avons besoin de ressources. Or, depuis cinq ans, vous n'avez cessé d'assécher les sources de financement de la protection sociale, notamment de la sécurité sociale. Il n'y a aucune raison de les en priver ! La moindre des choses est que votre dispositif ne diminue pas les recettes de la sécurité sociale. S'il peut au contraire lui procurer des rentrées supplémentaires, nous avons tout à y gagner. Une fois encore, je ne comprends pas votre philosophie – ou plutôt, j'y vois une philosophie strictement libérale.
M. Benjamin Lucas applaudit.
Il vise à conditionner le bonus-malus à des critères de responsabilité sociale et environnementale. Cette tendance va croissant ; elle est inéluctable. Nous l'avons abordée à l'occasion de la loi « climat et résilience », des lois relatives aux entreprises, notamment la loi Pacte – relative à la croissance et à la transformation des entreprises : à chaque fois, de nombreux membres de la majorité et d'anciens ministres ont reconnu qu'ils avaient manqué d'audace sur le moment, mais que ce mouvement était irréversible. Ce soir, la chance nous est donnée d'adopter de simples critères de RSE, qui pourraient être soumis à l'avis du futur comité d'orientation de l'assurance chômage, dont nous venons de définir les contours avec quelques alliés de la majorité. Parmi ces critères pourraient figurer l'égalité entre les hommes et les femmes, la contribution à la trajectoire climatique définie par le Haut Conseil pour le climat (HCC), le partage de la valeur ou encore l'impact global social et environnemental.
Cette idée est parfaitement réaliste. Elle est déjà appliquée par des métropoles et des régions et défendue par des acteurs très divers, comme l'économie sociale ou encore le Centre des jeunes dirigeants d'entreprise (CJDE). La vraie révolution portée par l'entreprise doit passer par la conditionnalité : non seulement celle du plan de relance ou des bonus-malus que nous évoquons, mais également, demain, celle de l'impôt sur les sociétés, car ce serait là un levier extraordinaire d'accélération de la transition sociale et écologique.
Par l'amendement n° 167 , nous proposons d'utiliser un système de malus – car nous ne sommes pas favorables aux bonus – appliqué aux multinationales, c'est-à-dire les entreprises ayant le plus de moyens, pour que soient prises en compte les questions de la transition écologique, de l'égalité salariale entre les femmes et les hommes et de la délocalisation.
L'amendement n° 168 est, quant à lui, un amendement de repli : si on n'accepte pas les exigences que je viens d'évoquer, qu'on accepte au moins un système de malus relatif à la délocalisation, puisqu'il s'agit d'une cause notable du chômage en France.
M. Benjamin Lucas applaudit.
Nous partageons les objectifs qui viennent d'être évoqués : accompagner la transition écologique ou favoriser l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. La question consiste à identifier les bons outils pour y parvenir. Il nous semble qu'utiliser le système du bonus-malus, un outil destiné à un objectif précis – lutter contre la multiplication des contrats courts –, pour viser concomitamment plusieurs objectifs, serait inefficace, car cela provoquerait de la confusion. C'est pourquoi nous préférons nous référer aux autres actions menées par le Gouvernement en matière de lutte contre les délocalisations, de transition écologique et d'égalité professionnelle. L'avis de la commission sur ces trois amendements est donc défavorable.
Même avis.
L'amendement n° 69 est excellent. Il faut inciter les entreprises à s'engager sur des critères sociaux et environnementaux et tirer vers le haut les plus exemplaires d'entre elles.
Nous avions déposé un amendement visant à demander au Gouvernement d'inviter les partenaires sociaux à une conférence sociale sur le partage de la valeur ajoutée : cette question se pose fortement dans notre pays ! Répondre à la question de la recherche d'emploi par une diminution des droits des chômeurs, c'est réducteur, ce n'est pas sérieux. C'est même inacceptable, car cela encourage l'idée que, s'il y a des chômeurs, c'est parce qu'ils sont fainéants, que si les entreprises ne parviennent pas à recruter, c'est parce qu'elles se trouvent en face de gens qui ne veulent pas bosser ! C'est une vaste farce.
M. François Ruffin applaudit.
Je connais des entreprises appartenant au même secteur, dans ma circonscription : l'une se plaint qu'il est scandaleux que les chômeurs ne veulent pas travailler, tandis que l'autre n'a aucun problème de recrutement. Il est vrai qu'elle paie mieux ses salariés, qu'elle prend en charge leur formation ou la question du transport. Élevons le débat politique dans notre pays en incitant les entreprises à développer leur responsabilité sociale et environnementale. Beaucoup d'entre elles le font : il s'agit d'une réelle question d'actualité, que je remercie Dominique Potier d'avoir posée.
Revenons sur un élément important du débat : M. le rapporteur a prétendu, tout à l'heure que, puisque le bonus-malus n'est pas en application, il n'a pas d'effet. Je suis stupéfait de devoir rappeler à un économiste le principe d'anticipation. D'ailleurs, c'est le précédent gouvernement qui, il y a quelques mois, attendait des effets du bonus-malus avant son entrée en vigueur, prévoyant que les employeurs, dotés d'un véritable sens pratique, réfléchiraient aux conséquences de leur comportement en matière de recrutement plusieurs mois à l'avance. Or il se plaignait l'hiver dernier qu'il n'y en avait pas. Lorsqu'on annonce à l'avance une modification des règles, le comportement des acteurs s'adapte généralement avant la modification. Tout changement de comportement prend du temps – pas seulement chez les patrons, mais chez vous aussi, comme en témoigne le débat actuel.
Je suis ravie de voir que les écologistes se convertissent enfin au patriotisme économique et au localisme ,
Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe RN
qui constitue évidemment une réponse cruciale au chômage, à la relance de l'économie, à nos problèmes énergétiques ou à la taxe carbone. Merci à eux.
Je souhaite revenir rapidement sur ces trois amendements : les amendements identiques n° 69 et 167 concernant la conditionnalité du bonus et le n° 168 traitant de la délocalisation. En ce qui concerne la conditionnalité, ce débat est récurrent ici, et j'ai eu l'occasion d'y participer lorsque j'étais ministre délégué chargé des comptes publics. Vous connaissez la position du Gouvernement et de la majorité, qui consiste à proposer les dispositifs les plus simples possibles, quand bien même cette simplicité est parfois plus difficile à atteindre que nous le souhaiterions.
Rappelons que le dispositif du bonus-malus est récent et que la période d'observation, qui a été décalée – nous vous proposons de la prolonger jusqu'en 2024 –, lui a permis d'entrer en vigueur au 1er septembre. Depuis cette date, 12 000 entreprises bénéficient d'un bonus, 6 000 entreprises subissent un malus et le dispositif est à l'équilibre. Cet équilibre financier peut paraître surprenant étant donné les proportions de bonus et de malus : il s'explique notamment par le fait que les entreprises subissant un malus sont généralement plus grandes et que leur masse salariale est donc supérieure.
Faut-il introduire une notion de conditionnalité dans un dispositif de bonus-malus que nous proposons de prolonger jusqu'en 2024 ? La réponse du Gouvernement est négative. Nous considérons – je rejoins M. Clouet sur ce point – que le dispositif est vertueux, car il sanctionne les entreprises ayant trop largement recours aux contrats courts et incite à l'évolution des comportements. Nous avons constaté cette évolution pendant la période d'observation, avant que le dispositif ne soit appliqué sous forme de malus – car oui, la présente application du bonus-malus s'appuie bel et bien sur des faits observés pendant cette période.
Nous considérons donc que la conditionnalité n'est pas nécessaire à ce dispositif de bonus-malus.
En ce qui concerne l'amendement n° 168 traitant des délocalisations, nous n'y sommes pas favorables. En effet, nous considérons, d'une part, qu'il complexifierait le dispositif, d'autre part que, puisque le calcul du bonus-malus porte sur des effectifs existants, il serait très difficile de déterminer, dans le cas d'un établissement appartenant à un ensemble plus large – une entreprise, un groupe – ayant pratiqué des délocalisations, s'il faut considérer l'établissement comme passible du malus. Autrement dit, l'amendement semble trop difficile à mettre en œuvre pour être efficace.
Je ne gagne pas de temps, j'essaie de vous convaincre que vous êtes dans l'erreur. Mais puisque la pédagogie est affaire de répétition, je peux reprendre l'explication depuis le début.
Sourires et applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
On sait que le mépris est une qualité chez les macronistes, mais n'en abusez pas !
Je peux répéter que le bonus-malus tel qu'il a été décidé en 2019 s'applique sur une période d'observation de trois ans. Depuis le 1er septembre, 12 000 entreprises bénéficient d'un bonus et 6 000 entreprises subissent un malus.
Je peux aussi vous réexpliquer, madame Le Pen, que l'équilibre financier est atteint car des entreprises de taille importante subissent un malus et que d'autres plus petites bénéficient d'un bonus.
Protestations continues sur les bancs du groupe RN.
Vous devriez vous féliciter, madame Le Pen, que de petites entreprises soient ainsi accompagnées par une baisse des cotisations. Vous m'accusez de gagner du temps, je ne crois pas que cela soit le propos : il est important d'éclairer le débat et d'y apporter des compléments. Je ne désespère pas, au risque de parler un quart d'heure de plus, de vous convaincre du bien-fondé de ma position.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Ayez conscience que, plus vous m'interrompez, plus je serai long !
Sourires et applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Protestations sur les bancs du groupe RN.
J'éprouve certes une forme de plaisir à voir l'intérêt que suscite mon propos, mais si vous m'interrompez à chaque fois, je ne pourrai pas finir l'argumentation.
Il n'y a pas de caricature qui tienne, monsieur Dessigny. J'essaie, malgré le brouhaha et vos invectives, d'exposer les éléments qui sauront vous convaincre. Si je voulais gagner du temps, cela serait assez facile, je demanderais une suspension de séance ! Mais puisque je n'arrive pas à me faire entendre du groupe Front national ,
« Rassemblement national ! » sur les bancs du groupe RN
je rappellerai simplement l'avis défavorable du Gouvernement.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Pour la bonne information de tous, je rappelle que le temps de parole de monsieur le ministre n'est pas limité : inutile donc de m'invectiver, je ne l'interromprai pas.
Applaudissements et « bravo » sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
On notera les pirouettes du ministre pour éviter de répondre sur le fond !
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 226
Nombre de suffrages exprimés 225
Majorité absolue 113
Pour l'adoption 98
Contre 127
L'amendement n° 168 n'est pas adopté.
La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement n° 287 .
« Entre 2009 et 2014, ils m'ont pris pendant cinq ans en intérim. Je faisais dix-huit mois de mission, six mois de tiers-temps – ils appelaient comme ça une coupure –, et puis ils me reprenaient pour dix-huit mois. C'est comme ça pour à peu près tout le monde ici », témoigne David, cariste. Que se passe-t-il ? Eh bien, depuis vingt ans, le travail avec sa dignité a été transformé en bouts de boulot ! C'est le retour de la place de Grève où les ouvriers venaient chercher leurs petits contrats ! Le nombre de CDD de moins d'un mois a été multiplié par 2,5 en vingt ans. On a 1 million d'intérimaires en plus. L'État a accompagné ce mouvement avec la création de nouveaux statuts : après le CDD et l'intérim, on a inventé le CDI intérimaire, et maintenant l'autoentrepreneuriat.
L'État – il y va de sa responsabilité – devrait interdire ce fonctionnement où, tous les six mois, parce qu'on n'a pas le droit de refaire un contrat pour la même mission, l'entreprise en réinvente une, qui est faussement nouvelle. Plutôt que d'engager des inspecteurs du travail pour contrôler ces pratiques qui sont une réelle douleur pour les gens, vous proposez d'accorder un bonus aux employeurs qui ne procéderaient pas à cette rotation. De plus, par une inversion qui relève de l'indécence, vous affirmez que ce fonctionnement, qui s'est institutionnalisé dans les entreprises et dans la société, serait massivement non pas de la responsabilité des employeurs mais de celle des salariés.
La perversité est permanente. Lorsque j'ai commencé à travailler comme journaliste, l'intérimaire qui venait décharger un camion recevait un salaire pour la journée entière, puis il n'a plus été payé qu'une demi-journée et, désormais, s'il travaille une heure, il est payé une heure…
Monsieur Ruffin, vous proposez de majorer, dans le cadre du bonus-malus, le taux de la contribution patronale à l'assurance chômage lorsque le taux de chômage dépasse un certain seuil, vous inspirant en cela de la modulation des règles de l'indemnisation qui entrera en vigueur dans quelques semaines. Ce faisant, non seulement vous préemptez les discussions qui doivent avoir lieu, mais, surtout, vous évoquez un enjeu qui n'entre pas dans le cadre de la concertation qui aura lieu avec les partenaires sociaux, à savoir les contributions patronales à l'assurance chômage.
De surcroît, votre amendement aboutirait à augmenter le taux des prélèvements obligatoires ; or, nous l'avons dit, nous y sommes défavorables. Avis défavorable.
Défavorable.
Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, j'aimerais vous entendre sur le fond, c'est-à-dire la montée de la précarité dans les classes populaires depuis vingt-cinq ans. De fait, ces contrats sont devenus une norme, en particulier pour les jeunes, qui vivent comme une souffrance le fait de ne pas savoir s'ils seront repris ou non lorsqu'arrive le vendredi. Que comptez-vous faire pour lutter contre cela ? Que faites-vous pour les jeunes qui enchaînent les contrats de bric et de broc, à La Poste, chez Amazon ou chez Leroy-Merlin, et espèrent décrocher un CDI comme le Graal ?
Dans ce projet de loi relatif au « marché du travail » – d'ailleurs, considérer le travail, comme vous le faites, sous l'angle du seul marché, c'est-à-dire le réduire à une marchandise, ce n'est pas le respecter –, dans ce projet de loi, rien n'est prévu pour réguler les pratiques des employeurs. Que comptez-vous faire pour chasser la précarité, qui suscite un ressentiment profond chez les personnes appartenant aux classes populaires, qui ne peuvent pas s'installer et se demandent comment elles pourront avoir une maison, fonder une famille ?
Vous riez, monsieur le ministre ? C'est à vous que je parle !
Exclamations sur les bancs du groupe RE.
Je veux que vous répondiez à ma question sur la précarité installée dans la société.
Et nous, on ne la voit pas, peut-être, la précarité ?
Monsieur Ruffin, ce ne serait pas la première fois que vous prendriez prétexte d'un échange avec mes conseillers pour diffuser des vidéos visant à faire accroire que je n'ai pas d'intérêt pour vos propos.
Je vais vous dire une chose, que je vous ai déjà dite mais que vous n'avez peut-être pas comprise : vous donnez des leçons sur la précarité mais, le jour où vous l'aurez vécue comme je l'ai vécue, dans ma chair, vous m'en reparlerez !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Ce sont des précaires, comme vous dites, qui m'ont aidé et je sais que, ce qu'ils veulent, c'est travailler.
Même mouvement.
L'amendement n° 287 n'est pas adopté.
La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement n° 289 .
Monsieur le ministre, de même que, sur le terrain partisan, vous avez choisi de retourner votre veste et de passer du côté du pouvoir ,
« Oh ! » sur les bancs du groupe RE
de même vous avez choisi de servir certains et de desservir d'autres. Ce n'est pas parce qu'on est originaire d'une classe sociale qu'on lui reste fidèle dans ses choix quotidiens, très loin de là !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
L'État a la responsabilité de faire respecter le code du travail, ce qu'il ne fait pas actuellement puisque les intérims se succèdent tous azimuts dans les entreprises. Il a également une responsabilité en tant qu'employeur direct. Or, que se passe-t-il dans les services de l'État ? Prenons le cas d'une aide-soignante qui a travaillé dans le privé et qui, à l'hôpital public, a enchaîné des CDD de un, deux, trois ou six mois, pendant six ans, sans limite ! Elle s'appelle Florie – elle existe – et elle travaillait en Moselle. À la fin, sa vocation était usée ; elle était lasse de ne pas pouvoir s'installer dans l'existence.
Il en va de même dans l'éducation nationale, qui emploie des contractuels tous azimuts, pour les accompagnantes d'élèves en situation de handicap, à qui l'on fait un contrat de trois ans puis un autre contrat de trois ans : six années de précarité installée ! Non seulement ce mode de fonctionnement de l'État employeur a des conséquences sur les individus, notamment sur leur santé mentale, mais il contribue à la crise des vocations et au chaos que celle-ci installe dans la société.
Pourquoi l'hôpital, pilier de l'État social, et l'éducation nationale, pilier de l'État républicain, sont-ils actuellement plus que fragilisés ? Parce qu'à force de traiter les salariés comme une variable d'ajustement, on provoque une crise des vocations. Il faut éliminer cette précarité, par souci des individus comme de la collectivité, pour en finir avec le chaos dans la société.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement ayant le même objet que le précédent, j'y suis défavorable pour les mêmes raisons que précédemment.
Même avis que le rapporteur.
Monsieur Ruffin, je suis d'accord : les CDD sont un facteur de précarité. Nous en sommes conscients et nous l'avons prouvé : le système de bonus-malus permettra de lutter contre cette précarité. Mais j'aurais souhaité – car, à force de vous opposer à tout, vous finissez par vous contredire – que vous défendiez avec la même verve les précaires à la retraite lorsque nous avons discuté de la retraite par points. De cette réforme, vous ne vouliez pas alors qu'elle aurait permis à Olivier, par exemple – moi aussi, je peux citer des prénoms –, employé chez Leclerc, de ne pas perdre les trois années durant lesquelles il a cumulé les petits boulots sans pouvoir valider aucun trimestre !
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, RE et HOR.
Mes chers collègues, je vous rappelle, car cela fait un moment que je ne vous l'ai pas dit, qu'il serait souhaitable qu'on ne s'interpelle pas dans l'hémicycle.
Il me semble que la discussion de cet amendement dérive un peu, notamment à cause des collègues siégeant sur les bancs qui me font face.
Dans toute société – nous serons, je crois, d'accord sur ce point –, il existe des besoins fondamentaux : tous les êtres humains doivent avoir accès à l'éducation, à la santé et à la culture. Dès lors, la question est celle de savoir, non pas quel est le niveau des prélèvements obligatoires, mais qui paie à la fin.
La santé, par exemple, ne se négocie pas : les gens font tout leur possible pour se soigner et faire soigner leurs proches. Mais doivent-ils payer les soins de leur poche ou instaure-t-on des cotisations pour le leur éviter ? Le prix est le même, ce sont ceux qui s'en acquittent qui changent : dans un cas, ce sont les personnes privées ; dans l'autre, ce sont TotalEnergies, LVMH ou Amazon.
C'est pourquoi nous proposons d'instaurer une modulation – vous ne parlez que de cela depuis quelques jours –, non pas de l'indemnisation des chômeurs, qui ne doivent pas être la variable d'ajustement, mais de la contribution des employeurs. Ainsi, lorsque cela va bien pour ces derniers, lorsqu'ils embauchent, une partie de leurs profits est provisionnée pour couvrir les gens lorsque la conjoncture, la situation économique – toujours aussi impalpable lorsque l'on discute avec vous – se retournera.
Encore une fois, la question fondamentale est celle de savoir, non pas quel est le niveau des prélèvements obligatoires, mais qui paie à la fin !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 289 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Raquel Garrido, pour soutenir l'amendement n° 308 .
Par cet amendement de repli, nous proposons que, si surcotisation il y a, elle ne puisse être inférieure à deux points.
Néanmoins, nous pensons fondamentalement que votre usine à gaz ne fonctionne pas, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, écoutez ce que l'on vous dit dans vos propres rangs : je pense, par exemple, aux employeurs de saisonniers. À cause des règles définies en 2019, le saisonnier employé l'été pendant quatre mois n'aura plus droit au chômage à l'issue de son contrat, puisque vous le lui avez ôté. Ainsi, vous culpabilisez l'employeur qui lui a fait signer un contrat de quatre mois, pour des raisons qui tiennent uniquement à la météo, alors qu'en réalité, le coût ne sera pas imputé sur les comptes de l'Unedic. Peut-être devriez-vous écouter les patrons, de temps en temps…
Ensuite, le malus, c'est-à-dire les surcotisations, n'entre pas dans votre logique : vous les appelez d'ailleurs « prélèvements obligatoires » alors qu'il s'agit d'une mesure disciplinaire, incitative, punitive – pour utiliser des gros mots. Au fond, c'est comme si vous estimiez que le nombre des amendes liées aux infractions routières devait être limité pour ne pas trop accroître le Trésor public et que leur produit devait, en tout état de cause, aller à ceux des automobilistes qui respectent le code de la route. Vous le voyez bien, c'est absurde !
C'est pourtant précisément ce que vous faites avec votre système de bonus-malus. Au demeurant, celui-ci n'a rien de vertueux car l'argent qui sera versé aux bénéficiaires du bonus, d'où vient-il ? De l'Unedic. En fait, vous créez un prélèvement obligatoire sur les comptes de l'Unedic ! Ainsi vous obligez tout le monde, notamment les chômeurs, à payer pour une situation à laquelle ils ne peuvent rien.
Exclamations sur les bancs du groupe RE
mais je conclus, madame la présidente. Au fond, vous faites semblant de lutter contre la précarité. Vous êtes contents…
Avis défavorable, pour les mêmes raisons que celles exposées précédemment. En l'état, le système est équilibré. Votre amendement aboutirait à créer un déséquilibre entre bonus et malus en augmentant le taux des prélèvements obligatoires.
Même avis que le rapporteur.
Monsieur le ministre, je fais des allers-retours entre la séance publique et la commission des finances, mais j'ai entendu que l'on vous avait demandé à plusieurs reprises ce que vous faites pour lutter contre la précarité. Vous n'avez pas donné de réponse, et vous ne le pouvez pas : la précarité, c'est votre politique !
M. François Ruffin applaudit.
Et vous, c'est votre gagne-pain !
Il y a cinq ans, les ordonnances Macron affichaient très clairement cette politique de précarité, de flexibilisation du marché du travail. En définitive, et c'est assez paradoxal, ce projet de loi sur l'assurance chômage a pour objet non de donner des droits aux chômeurs mais de leur en enlever, en favorisant, là encore, la flexibilité et en tirant les salaires vers le bas.
En réalité, votre système de bonus-malus est une espèce de petit dérivatif : il s'agit de faire semblant.
Mais, les premiers éléments d'évaluation le montrent bien, la grande majorité des entreprises y gagnent, alors que, on le sait, la précarité a explosé. Si vous étiez de bonne foi, vous changeriez de dispositif ! Mais vous n'en faites rien, car vous avez un accord avec le patronat. Et, surtout, la précarité, c'est votre mantra.
L'amendement n° 308 n'est pas adopté.
Il tend à réintroduire l'expérimentation qui permettait aux entreprises de conclure un seul contrat à durée déterminée pour remplacer plusieurs salariés absents. Cette expérimentation a été introduite par la loi du 5 septembre 2018 dans onze secteurs, notamment dans le secteur sanitaire et social, dans celui des services à la personne, ainsi que dans les industries alimentaires. Le CDD de remplacement est incontestablement une voie d'entrée dans l'emploi. À l'inverse de la multiplication des contrats courts, ce dispositif augmente la durée d'emploi ainsi que le temps de travail contractuel et, par conséquent, le pouvoir d'achat des salariés. Il facilite également le fonctionnement des petites entreprises dans les secteurs concernés.
La crise sanitaire est intervenue quelques mois après le lancement de cette expérimentation, de sorte que celle-ci n'a pas eu lieu dans de bonnes conditions. C'est pourquoi nous proposons, par cet amendement, de réintroduire jusqu'au 31 décembre 2024 cette expérimentation qui donnera lieu à une évaluation, laquelle pourrait éventuellement conduire à étendre ce dispositif.
Sans revenir sur les arguments avancés par mon collègue, j'insiste sur l'intérêt de ce type de contrats, tant pour le salarié qui signe un contrat plus long que pour l'employeur qui peut mieux prévoir le remplacement des salariés absents. Chacun y trouve donc son compte. En outre, ce CDD peut déboucher sur un CDI.
Il est donc tout à fait pertinent de reprendre cette expérimentation, avant de pérenniser éventuellement ce dispositif.
Je souscris aux arguments avancés par M. Valletoux et par Mme Vidal. Ce dispositif présente l'intérêt de proposer aux salariés des contrats plus longs au lieu d'une multitude de contrats individuels destinés à remplacer les salariés absents. Il s'inscrit donc dans la logique que nous promouvons depuis le début du premier quinquennat : inciter les employeurs à opter pour des solutions qui offrent davantage de sécurité aux salariés grâce à des contrats plus longs, même s'il ne s'agit pas nécessairement de CDI. Pour les employeurs, comme cela a été dit, ce dispositif permet de réduire le taux de séparation de leur entreprise qui influe sur le bonus-malus auquel elle est soumise, dès lors qu'on agrège plusieurs contrats en un seul.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis favorable sur ces amendements identiques.
Le Gouvernement émet également un avis favorable sur ces deux amendements pour des raisons identiques à celles qu'a énoncées M. le rapporteur. Du reste, ce dispositif permet une simplification pour l'employeur et pour les services de l'État qui n'ont qu'un contrat à contrôler.
Depuis le début de cette caricature de négociation législative, le grand absent de vos dispositions antisociales contre les acteurs du monde du travail, c'est le monde syndical, celui des travailleurs constitués en interlocuteurs légitimes des partenaires sociaux et du Gouvernement.
Comment pouvez-vous décider du sort de millions de travailleurs et de demandeurs d'emploi sans concertation avec les principaux concernés ? Où, dans votre monde de salons feutrés et de « CAC quarentiers », sont permises la contradiction et la négociation ? Comment pouvez-vous nier à ce point les vertus de la coconstruction du droit du travail que vous convertissez d'autorité en droit du Medef ?
Exclamations sur les bancs du groupe RE.
Vous feignez de vouloir faire le bonheur des travailleurs, tout en agissant contre leur volonté. La NUPES invite tous les salariés, les demandeurs d'emploi et les syndicats à rejoindre la grande marche du 16 octobre à Paris contre la vie chère…
… et à exprimer haut et fort leurs revendications afin de les faire entendre jusqu'au trône présidentiel !
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 201
Nombre de suffrages exprimés 199
Majorité absolue 100
Pour l'adoption 163
Contre 36
Les Français attendent beaucoup de nous et de cette réforme. Cet article vise à clarifier les dispositions du code du travail relatives à l'électorat et à l'éligibilité aux élections des représentants des salariés dans les entreprises. L'objectif est de permettre aux salariés représentant le chef d'entreprise ou disposant d'une délégation d'autorité écrite par celui-ci de voter lors des élections du comité social et économique (CSE) conformément à la volonté exprimée par le Conseil constitutionnel en septembre dernier. Le cadre juridique actuel nous donne la possibilité de conforter cette disposition du code du travail uniquement jusqu'au 31 octobre 2022. Il est donc temps de nous en emparer.
Je tiens à saluer le travail du Gouvernement et du rapporteur dans la rédaction de cet article qui permet, d'une part, de reconnaître de manière juste l'implication des salariés dans le dialogue social et, d'autre part, d'instaurer un cadre juridique sûr. Lors de nos travaux en commission, nous avions adopté cet article assez simplement, le sujet faisant l'objet d'un consensus : aucun amendement n'avait été déposé.
En séance publique, nous voyons arriver les amendements de l'extrême droite qui cherche à appeler l'attention de manière purement populiste.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
À présent, il faudrait être un « bon salarié » pour voter aux élections du CSE, entendez un « bon salarié » français ou du moins européen, à en croire les amendements que vous proposez. Encore une fois, vous cherchez à introduire de la division là où il n'y en a pas, car un travailleur qui s'implique a le droit de s'exprimer. Voilà ce que nous prônons.
Le groupe Renaissance et avec lui l'ensemble de la majorité soutient la reconnaissance de l'engagement de chaque salarié au sein de son entreprise et les droits sociaux que cela induit. Il est normal que les instances électives soient le reflet de cet engagement. Ainsi, le groupe Renaissance votera évidemment l'article 3 dans sa rédaction actuelle. Cela ne vous surprendra pas : nous ne voterons en aucun cas les amendements proposés par l'extrême droite.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
L'article 3 redéfinissant les conditions pour être électeur ou élu aux élections professionnelles omet certains aspects essentiels à nos yeux. C'est pourquoi nous avons déposé plusieurs amendements. Comme vous le savez, les entreprises sont des acteurs structurants du corps social et elles incarnent des enjeux fondamentaux, non seulement pour les affaires économiques mais, de manière générale, pour l'ensemble du tissu économique national. Les entreprises doivent en effet demeurer dans le giron de la souveraineté nationale.
C'est pourquoi le groupe Rassemblement national estime indispensable que seules les personnes disposant de la nationalité française puissent voter dans les instances de représentation ,…
Protestations sur les bancs des groupes RE et SOC
… afin d'éviter toute tentative d'ingérence étrangère ou de revendications communautaristes – et il y en a – par la voie d'une représentation étrangère au sein de ces instances.
Rappelons qu'il en va de même de la plupart des élections nationales, qui sont réservées aux citoyens français. C'est tout simplement la réalité.
Nous souhaitons également conditionner à la détention de la nationalité française l'éligibilité à ces élections, sans que cela empêche les travailleurs étrangers de faire entendre leur voix pour faire valoir leurs droits.
Nous défendons également l'exigence que les représentants du personnel maîtrisent la langue française. Cela relève du bon sens, mais malheureusement ce n'est pas toujours le cas.
Il nous semble également important d'augmenter l'ancienneté pour être électeur au sein des entreprises.
Enfin, le renouvellement du dialogue social est indispensable à notre pays. C'est pourquoi notre groupe propose de rendre les candidatures libres et non réservées aux syndicats, dès le premier tour des élections professionnelles.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Les syndicats ont souvent toutes les peines du monde à constituer des listes – j'en sais quelque chose. Seuls 7 % des salariés sont actuellement syndiqués en France : ce faible taux de syndicalisation dans nos entreprises montre bien qu'il y a un problème. Nous souhaitons donc libéraliser la représentation en oxygénant le dialogue social.
Mêmes mouvements.
Cet article aurait dû être un article banal sur lequel nous aurions pu tous nous accorder, puisqu'il était accepté par l'ensemble des organisations professionnelles. Pour une fois, contrairement à d'autres questions soulevées depuis le début de l'examen de ce texte, aucune des organisations représentatives n'avait d'objection forte sur cet article.
Malheureusement, le Rassemblement national, qui avait pourtant tenu des propos favorables au paritarisme et au dialogue social, montre une fois encore son hypocrisie.
En effet, il tente de revenir cinquante ans en arrière, avant 1972. Faut-il rappeler ce qui s'est passé cette année-là ? La France a pris conscience des crimes racistes et elle a tiré les conséquences de cette prise de conscience. En effet, en 1970 et en 1971, des crimes racistes odieux ont été commis en France.
Ils ont donné lieu à une prise de conscience du législateur de la nécessité d'abroger les dispositions racistes dans notre droit.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES, ainsi que sur quelques bancs du groupe RE.
Que faites-vous ? Vous souhaitez les réintroduire ; vous souhaitez revenir à la période où les crimes racistes émaillaient l'actualité.
Protestations sur les bancs du groupe RN.
Fort heureusement, aujourd'hui, nous avons évolué. Nous condamnons encore et toujours ces crimes qui continuent d'exister, mais nous avons fait évoluer le droit.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Vous n'êtes que de dangereux réactionnaires, comme le montrent vos interventions ainsi que vos amendements
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC – Vives protestations sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. Benjamin Lucas qui – j'en suis certaine –, s'adressera au rapporteur, au ministre ou à moi-même, au sujet de cet article, au lieu d'interpeller les autres députés.
Bien sûr, madame la présidente. Je m'adresse donc à vous pour affirmer que l'examen de cet article est pour l'extrême droite l'occasion de ressortir, telle une obsession compulsive, sa fameuse et funeste préférence nationale. Le Front national, ou Rassemblement national,…
Les amendements que vous présentez sur cet article visent à discriminer, à stigmatiser, à humilier les travailleurs étrangers.
Vives protestations sur les bancs du groupe RN.
Votre masque tombe.
Depuis le début de l'examen de ce texte, vous avez voulu faire croire que vous étiez du côté des plus faibles : c'est raté !
Vous allez célébrer votre anniversaire, et vous avez raison : il faut rappeler qui vous êtes et quelle est votre histoire.
Dans les années 1980, quand Marine Le Pen adhérait au Front national, celui-ci considérait les chômeurs comme des « parasites ».
Protestations continues sur les bancs du groupe RN.
Voilà quels sont les auspices sous lesquels Marine Le Pen a commencé son engagement.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES.
Mais comme nous ne sommes pas sectaires, nous vous reconnaissons une expertise sur les sujets liés à la fraude à Pôle emploi. En effet, le trésorier du microparti personnel de Mme Le Pen a été condamné en 2012 à six mois de prison avec sursis pour escroquerie au préjudice de Pôle emploi à hauteur de 100 000 euros. Voilà qui vous êtes ! Ici, partout, maintenant, toujours, nous vous combattrons !
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES.
Qui se fonde sur l'article 70, alinéa 3, qui proscrit la mise en cause personnelle d'un député. Je vous défends de parler de notre parti comme cela. Nous ne sommes pas d'extrême droite, vous le savez.
Rires sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES, et GDR – NUPES, ainsi que sur quelques bancs du groupe RE.
Exclamations.
Non, nous ne sommes pas d'extrême droite. Les Français ont la chance d'avoir enfin une Assemblée nationale qui leur ressemble, puisque le Rassemblement national y a fait son entrée.
Les députés du groupe RN se lèvent et applaudissent.
J'imagine bien que vous, puisque vous défendez la démocratie, êtes ravis que nous soyons ici ! En effet, Marine Le Pen était au second tour de l'élection présidentielle et 13 millions de Français ont voté pour nous, pour que nous les défendions avant le reste du monde.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Protestations sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR, ainsi que les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES, et GDR – NUPES.
Je vous invite à cesser d'interpeller les autres députés afin que nous nous concentrions sur l'examen du texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Il me semble qu'il y a une confusion, dans l'hémicycle, entre code du travail et charte du travail. Celle-ci est hors-jeu depuis quelques décennies maintenant, même si certaines et certains tentent de la réhabiliter.
Pourquoi tentez-vous de diviser le monde du travail selon le critère de la nationalité ? En premier lieu, pour empêcher toute organisation du monde du travail, pour supprimer une partie de celles et ceux qui luttent, la fraction qui est parfois la plus combative – c'est celle qui vous dérange le plus, et qui vous a d'ailleurs toujours dérangés.
« Mais non ! » sur les bancs du groupe RN.
Par ailleurs, pourquoi s'en prendre aux salariés de nationalité étrangère ? Parce que ce sont ceux qui exercent les emplois les moins qualifiés, dans l'industrie, là où l'exploitation est la plus violente. Or, c'est là que vous voulez accroître la pression au maximum.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe RN.
Calmez-vous ! Je n'en ai plus que pour quelques secondes.
Si vous voulez diviser, c'est également pour une raison simple : les naturalisations ayant lieu à 18 ans, vous comptez créer un ensemble d'entreprises – saisonnières, notamment – dans lesquelles aucun salarié n'aura jamais aucun droit et le patronat absolument tous les pouvoirs : telle est la conséquence immédiate de votre proposition.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Enfin, je trouve toujours étonnants les amendements qui imposent de maîtriser la langue française pour obtenir des droits…
…dans lesquels figurent des fautes d'orthographe. Commencez donc par vous appliquer vos propres principes !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 254 vise à protéger les entreprises françaises de toute ingérence étrangère ou revendications communautaristes.
Les entreprises sont des acteurs structurants du corps social au sein desquelles se jouent des enjeux fondamentaux, notamment au travers des instances de représentation des salariés. Pourtant, aujourd'hui, la majorité défend une vision de l'entreprise totalement technocratique et déconnectée des réalités. En effet, vous considérez que les entreprises sont de simples unités de production et, partant, vous méconnaissez leur rôle fondamentalement politique. Prétendre que les instances de représentation des entreprises sont des organes purement techniques est un leurre. Croire que les entreprises ne sont pas un lieu de déploiement de revendications politiques montre une méconnaissance totale de la sociologie des organisations.
Les comités sociaux et économiques ont en effet des prérogatives importantes. Par exemple, ils sont systématiquement informés et consultés sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise, comme c'est le cas des mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs de l'entreprise, modifiant son organisation économique ou juridique, introduisant de nouvelles technologies ou portant sur des aménagements importants relatifs aux conditions de travail. Comprenez bien qu'il s'agit non pas d'exclure les travailleurs étrangers du droit du travail ou de leur dénier le droit de revendication,…
…mais simplement de réserver les prérogatives de représentation et d'orientation collective aux travailleurs français.
À longueur de discours, vous ne cessez de vanter les mérites de la souveraineté économique : voilà un amendement qui les défend concrètement.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Il propose d'aligner les règles concernant le droit de vote et l'éligibilité aux élections professionnelles sur celles valant pour les élections municipales, c'est-à-dire de réserver l'éligibilité dans les instances de représentation aux nationaux et aux ressortissants de l'Union européenne.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Avec ces amendements, vous essayez, au fond, de réconcilier le travail et la patrie. J'imagine que, dans votre esprit, la famille n'est pas très loin.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Ces amendements sont évidemment d'inspiration xénophobe, au sens premier du terme.
Protestations sur les bancs du groupe RN.
J'ajoute que ce que vous dites est faux. Les amendements n'auraient pas pour seule conséquence de réserver aux personnes de nationalité française ou européenne le bénéfice de l'éligibilité : en effet, il leur réserverait aussi la capacité d'être électeurs. Il n'est pas nécessaire de discourir très longtemps pour donner un avis défavorable.
L'avis que je vais donner vaudra pour tous les amendements à l'article 3 et après l'article 3, qui tendent à restreindre les conditions d'éligibilité aux élections professionnelles, d'enlever des droits en fonction de la nationalité, de l'origine ou de les restreindre en fonction de l'ancienneté dans l'entreprise – il s'agit donc de priver les titulaires des contrats les plus courts, qui disposent aujourd'hui du droit de vote, de la possibilité de participer aux décisions qui concernent la vie de leur entreprise.
J'ai entendu à l'instant : « Nous sommes en France. » C'est assez révélateur du climat et de votre nature profonde.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
Et si cela vous fait plaisir, je peux dire que je partage en tout point les mots de M. le rapporteur.
Au-delà de ce constat, et puisque nous sommes en France, comme vous dites, parlons des textes français. Je vous invite à lire l'article 8 du préambule de la Constitution de 1946, qui est inscrit dans le bloc de constitutionnalité. Il prévoit la participation des travailleurs aux décisions et à la définition des conditions de leur emploi, sans jamais faire des travailleurs un objet qu'on identifierait par leur particularité ou leur identité, mais simplement par leur statut de travailleurs.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES.
Nous étions convenus de prendre une demande de parole pour et une contre les amendements proposés. Comme de nombreux amendements se ressemblent, je propose que nous continuions ainsi.
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Vives protestations sur les bancs du groupe RN
…puisqu'ils considèrent que, dans une entreprise, les patrons et les salariés doivent travailler ensemble pour la patrie.
Or, comme vous le savez, il existe entre le patron et les salariés un lien de subordination : leurs intérêts sont opposés, et c'est la raison pour laquelle les salariés, quelle que soit leur origine, doivent pouvoir, tous ensemble, défendre leurs droits, réclamer, revendiquer.
Le collègue qui présentait l'amendement dressait un parallèle avec les élections municipales. Nous l'assumons : notre analyse, notre souhait, notre projet sont à l'opposé de cette proposition…
…qui s'inscrit dans l'histoire du Rassemblement national, c'est-à-dire de la collaboration et du pétainisme.
« Et Mitterrand ! » sur plusieurs bancs du groupe RN.
Dites-le en dehors de l'hémicycle, que l'on puisse vous faire condamner !
Nous l'assumons : nous voulons que, dans les entreprises, les salariés puissent se défendre et revendiquer tous ensemble, et que les instances de revendication et de consultation du personnel soient ouvertes à toutes et tous.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Il se fonde sur l'article 70, alinéa 3.
On demande des excuses publiques pour ces insinuations dégueulasses ! Il y en a marre ! Restez avec vos fantasmes…
Madame la députée, la correction du vocabulaire vaut pour tous les rangs.
Je demande simplement à M. le rapporteur et aux autres députés qui pensent la même chose d'avoir le courage de s'exprimer en dehors de l'hémicycle, afin que nous puissions les faire condamner.
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Vous avez désormais la parole pour vous exprimer sur l'amendement, madame Lavalette.
S'agissant des amendements, vous me faites rire : votre peur de l'ingérence étrangère est à géométrie variable ! Quand on dépose un amendement qui a pour objectif d'éviter toute tentative d'ingérence étrangère ou des revendications communautaristes, vous criez au loup. Or ce risque doit être d'autant moins éludé que le contexte actuel est marqué de vives tensions géopolitiques.
L'article 70, alinéa 3, concerne la mise en cause personnelle. Or qualifier un amendement de pétainiste est un simple constat sur la nature de l'amendement, et aucunement une mise en cause des collègues.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Il se trouve que les décrets-lois Marchandeau de 1939, qui avaient pour objectif de lutter contre le racisme, ont été abolis par le régime de Vichy. Ce n'est qu'en 1972 qu'a été votée la loi Pleven relative à la lutte contre le racisme.
La parole est à M. Matthieu Marchio, pour soutenir l'amendement n° 351 .
Préciser que les personnes se présentant à l'élection dans les instances de représentation doivent, à tout le moins, maîtriser la langue française, semble de bon sens. Les instances représentatives des entreprises sont amenées à négocier avec les pouvoirs publics d'une part, les salariés d'autre part : leur bon fonctionnement dépendant de la bonne compréhension de chacun, le Rassemblement national considère qu'il est important que les élections professionnelles soient au moins réservées aux personnes maîtrisant la langue française. Cet amendement devrait tous nous rassembler, car il s'agit bien moins d'une mesure politique que d'une mesure pragmatique,…
…tendant à permettre aux instances professionnelles de jouer pleinement leur rôle de vecteur des revendications salariales.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Cet amendement va encore plus loin que le précédent, puisqu'il tend à exclure, non pas uniquement de l'éligibilité mais, je le répète, du vote aux élections professionnelles, près de 1,2 million de salariés qui sont en situation d'illettrisme en France.
Tous ne sont évidemment pas de nationalité étrangère. L'amendement n'a pas de sens : avis défavorable.
Défavorable.
Évidemment, nous voterons contre cet amendement.
Je voudrais revenir un instant sur l'amendement précédent. Chers collègues du Rassemblement national, qui fait le ménage, ici ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Pour beaucoup, ce sont des personnes d'origine cap-verdienne, mauritanienne, malienne, congolaise…
…et se tapent une heure et demie de transports pour venir ici travailler trois heures à 10 euros de l'heure, et se faire entre 600 et 800 euros à la fin du mois.
Et sous couvert de vos gros mots de souveraineté économique, d'ingérence étrangère, de revendications communautaires, vous voulez les empêcher de se défendre, de se battre pour leurs salaires, leurs horaires, leur sécurité aussi ! À l'Assemblée même, il y a eu un mort, une personne qui n'était pas formée comme il le fallait. Passer par de la sous-traitance, c'est de la maltraitance.
Vous voudriez que les personnes qui font le ménage ici, dans vos chambres et dans vos douches, n'aient pas la possibilité d'être élues, de se défendre à travers les syndicats, le seul outil à leur disposition ?
Lors de la crise du covid-19, quand la plupart d'entre nous étions planqués chez nous ou dans nos résidences secondaires,
Protestations sur les bancs du groupe RN
De qui Emmanuel Macron parlait-il quand il évoquait celles et ceux qui tiennent le pays debout ?
Pour beaucoup, ils venaient de la troisième banlieue parisienne. Chez les caristes, les auxiliaires de vie, les aides-soignantes, les femmes de ménage, il y avait beaucoup de personnes d'origine étrangère. Le minimum, c'est bien qu'elles puissent se défendre, être élues, être syndiquées à l'égal des travailleurs français.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC, ainsi que sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
L'amendement n° 351 n'est pas adopté.
Sur les amendements identiques n° 219 , 255 rectifié et 352 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Marie-Charlotte Garin, pour un rappel au règlement.
Il est fondé sur l'article 70, alinéa 3 de notre règlement. Le groupe écologiste a été mis en cause par Mme Lavalette. Or, si nous ne sommes pas favorables à la préférence nationale, nous promouvons la régulation économique. Je le répète, contrairement à vous, nous ne sommes pas obsédés par la préférence nationale au point de souhaiter retirer des droits aux travailleurs qui ne parlent pas couramment la langue française. Votre objectif n'est pas d'obtenir de nouveaux droits ; vous ne défendez pas les Français,…
Merci, madame la députée. Chers collègues, si chaque rappel au règlement met nommément en cause quelqu'un d'entre nous, qui se trouve alors en droit de faire lui-même un rappel au règlement, cela peut durer longtemps ! Pour le bon déroulement de ce débat, je vous invite à vous abstenir de vous invectiver et à poursuivre sereinement l'examen du texte.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
La parole est à M. Kévin Pfeffer, pour soutenir les amendements identiques n° 219 , 255 rectifié et 352 , qui sont identiques.
Les élections professionnelles constituent un enjeu majeur pour la vie des entreprises, car les instances représentatives du personnel disposent de prérogatives importantes en matière de définition des règles individuelles et collectives. Le droit de vote à ces élections devrait donc être réservé aux employés ayant une expérience significative du fonctionnement de l'entreprise. Comparé à la durée de certaines périodes d'essai, le délai de trois mois d'ancienneté prévu par l'article est trop court : ces amendements visent à le porter à six mois.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Protestations sur les bancs du groupe RN
…veut exclure des élections professionnelles ceux qui ont intégré l'entreprise depuis peu – les jeunes et les précaires. Bien évidemment, avis défavorable.
Même avis.
Chers collègues du Rassemblement national, vous hurlez au loup lorsque quelqu'un ose prononcer le nom du Front national, mais vous êtes le Front national ! Ses idées rances se retrouvent dans vos inadmissibles amendements ! Non seulement ceux-ci ne correspondent pas aux valeurs de la France, mais ils sont ineptes : avez-vous réfléchi…
Monsieur le député, s'il vous plaît ! Sans doute n'ai-je pas été suffisamment claire.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN et Dem.
Je vous remercie d'avance de mettre un terme à ces interpellations, sans quoi nous ne nous en sortirons pas !
Mêmes mouvements.
Concernant ces amendements, je souhaitais poser la question des entreprises transfrontalières : elles sont nombreuses dans ma circonscription. Que faites-vous des Espagnols, par exemple, qui viennent y travailler à titre ponctuel ou pour une longue durée ? Pourquoi n'auraient-ils pas le droit de prendre part aux élections professionnelles ? C'est du dogmatisme !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et LFI – NUPES.
Avant de nous interpeller, monsieur Echaniz, vous feriez mieux de suivre le débat : nous en sommes à l'ancienneté nécessaire pour pouvoir voter lors des élections professionnelles. Les amendements dont vous parlez ont déjà été mis aux voix. Lâchez donc votre téléphone portable lorsque vous siégez dans l'hémicycle !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 219 , 255 rectifié et 352 .
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 177
Nombre de suffrages exprimés 176
Majorité absolue 89
Pour l'adoption 49
Contre 127
Les amendements identiques n° 219 , 255 rectifié et 352 ne sont pas adoptés.
La parole est à M. Victor Catteau, pour soutenir l'amendement n° 363 rectifié .
Monsieur le ministre, vous nous parliez tout à l'heure de simplification pour l'employeur et de stabilité pour l'entreprise. Précisément, la rédaction du code du travail, en vertu duquel les candidats aux élections professionnelles doivent avoir un an d'ancienneté, entraîne des complications à la fois pour les entreprises, pour les instances représentatives du personnel et pour ceux qui souhaitent présenter une liste : elle autorise en effet la candidature de certains titulaires de contrats à durée déterminée, alors que la durée de ces contrats ne peut excéder dix-huit mois et qu'à leur terme, il faut donc organiser des élections partielles. C'est pourquoi cet amendement vise à porter à dix-huit mois l'ancienneté minimale des candidats aux élections professionnelles.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Monsieur le député, aux élections professionnelles est attaché un principe assez simple : la liberté de choix. Si les salariés d'une entreprise souhaitent élire un collègue en CDD, ils sont et doivent rester libres de le faire. Le fait de contraindre leur choix n'entrerait pas dans les principes de la démocratie sociale. Avis défavorable.
Même avis.
Depuis un moment, nous débattons d'amendements qui n'ont qu'un objectif : priver de leurs droits un nombre toujours plus grand de salariés. Avez-vous donc peur d'eux ? Pour les représenter, pour parler en leur nom, il faudrait maîtriser parfaitement le français…
Pour défendre ses droits, il vaut tout de même mieux connaître la langue !
Vous excluez ainsi toute une partie de la population qui travaille sur notre sol, qui fait la richesse de notre pays, à l'Assemblée nationale, dans les métiers du soin ou dans les entreprises. Craignez-vous la liberté de parole, la liberté de représentation ? Je le répète, pourquoi exclure encore et toujours ?
Il est question non pas d'exclure, mais de réserver certains droits aux salariés français !
C'est le seul point commun à tous vos amendements : la volonté de mettre en dehors du droit les personnes les plus précaires, les plus jeunes et les femmes, puisque celles-ci représentent 70 % des travailleurs intérimaires.
Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.
Il n'y a pas 70 % des intérimaires qui soient des femmes, c'est un mensonge ! J'aimerais savoir où vous trouvez ces statistiques !
L'adoption de ces amendements aurait des effets concrets sur les salariés en intérim ou en CDD, auxquels vous déniez le droit de représenter leurs collègues. C'est très grave, car, je le répète, le travail précaire concerne essentiellement les jeunes et les femmes !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Quelles bêtises ! Soutenir de telles absurdités dans l'hémicycle, c'est grave !
L'amendement n° 363 rectifié n'est pas adopté.
La parole est à M. Matthieu Marchio, pour soutenir l'amendement n° 353 rectifié .
L'article 3 du texte a trait à l'encadrement des élections professionnelles, ce qui implique que les critères d'éligibilité au sein des instances représentatives supposent une véritable connaissance de l'entreprise, de son fonctionnement, de ses intérêts et de ses collaborateurs. Une seule année d'expérience professionnelle ne suffit pas pour être en mesure de remplir correctement ces fonctions : c'est pourquoi nous en proposons deux.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Cet amendement s'inscrit dans le prolongement de ceux qui l'ont précédé. Mon avis sera donc le même : défavorable.
Même avis.
Je voudrais remercier le Rassemblement national d'avoir déposé ces amendements en conclusion de cette séquence. Ils sont puants et dégueulasses – je n'ai pas d'autres mots !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et SOC. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Prenez garde à votre vocabulaire, monsieur le député ! La règle est la même pour tout le monde et je la rappelle depuis le début de la séance !
Excusez-moi, madame la présidente. Je retire mes propos et je remercie sincèrement nos collègues de ce qu'après l'avoir dissimulée lors des dernières campagnes électorales, ils laissent ressortir leur vraie nature : celle d'un parti xénophobe et hostile aux travailleurs.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem, RE, LFI – NUPES et SOC.
L'amendement n° 353 rectifié n'est pas adopté.
L'article 3 est adopté.
Ils concernent les élections professionnelles au sein des entreprises de travail temporaire pour le premier, de portage salarial pour le second : il y faudrait désormais six mois d'ancienneté, au lieu de trois mois, pour être électeur et un an, au lieu de six mois, pour être éligible.
Ils tendent à appliquer à des catégories particulières d'entreprises des mesures qui figuraient déjà dans les amendements précédents : avis défavorable.
La parole est à M. Matthieu Marchio, pour soutenir l'amendement n° 356 .
Depuis une dizaine d'années, le monde du travail connaît de profondes évolutions : les carrières sont beaucoup plus courtes qu'auparavant, le marché du travail beaucoup plus incertain, la probabilité de passer toute sa vie active dans la même entreprise, quasiment nulle. Dès lors, comment faire en sorte que seuls les employés les plus expérimentés puissent peser sur la destinée de l'entreprise en devenant électeurs et éligibles aux élections professionnelles ? L'inspecteur du travail dispose de la prérogative d'assouplir les conditions de vote et d'éligibilité lorsque deux tiers seulement des salariés y répondent : nous proposons d'abaisser ce seuil à la moitié, toujours afin de crédibiliser ces élections. Cet amendement prend donc en considération l'évolution des entreprises.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Par cet amendement, vous essayez d'introduire une dérogation aux règles d'ancienneté que vous souhaitiez vous-mêmes instaurer précédemment : c'est reconnaître qu'elles étaient absurdes. Avis défavorable.
L'amendement n° 356 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Vous nous accusiez tout à l'heure de vouloir restreindre les droits des salariés, mais vous vous opposez à nos tentatives en vue de les élargir ! Au premier tour des élections professionnelles, toute candidature doit s'inscrire au sein d'une liste syndicale ; nous proposons d'autoriser les candidatures libres, ce qui permettrait à un plus grand nombre de collaborateurs de se présenter à ces élections et de représenter leurs collègues.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Les candidatures libres sont déjà autorisées dès lors que les conditions ne sont pas réunies en matière de quorum.
Nous sommes attachés de manière générale au principe de représentation syndicale : l'avis de la commission est défavorable.
Défavorable.
Autant les amendements précédents ont été clairement caractérisés sur ces bancs, autant celui-ci mérite certainement un commentaire quelque peu différent. Tout d'abord, vous aurez remarqué dans les propos de M. Catteau ce langage typique du patronat.
Exclamations et sourires sur les bancs du groupe RN.
Il parle de « collaborateurs de l'entreprise », langue policée propre au patronat ou au Medef.
Il n'est d'ailleurs peut-être pas neutre que cet amendement…
Si vous pouviez faire en sorte que je puisse m'exprimer, madame la présidente.
Rires sur les bancs du groupe RN.
Peut-être allez-vous finir par donner des amendes, madame la présidente ?
Je vous remercie de cette suggestion, monsieur Wulfranc, mais c'est à moi de présider nos débats.
Je disais donc qu'il n'était peut-être pas neutre que cet amendement ait été déposé par Mme Le Pen…
…dans les usines et dans les services publics vise à s'attaquer frontalement aux organisations syndicales, quitte à constituer lui-même les troupes…
…à l'appui des troubles en cas de mouvement social. Il y a donc véritablement…
Sourires sur les bancs du groupe RN.
L'amendement n° 194 n'est pas adopté.
Parce que le plein emploi passe par le renforcement de l'employabilité de tous et souvent par l'acquisition d'une certification, l'article 4 porte la volonté de réformer profondément un dispositif qui a vocation à soutenir les parcours d'évolution et de reconversion : je parle de la VAE – validation des acquis de l'expérience. En effet, alors qu'elle devrait constituer naturellement la troisième voie d'accès à la qualification aux côtés des formations initiale et continue, la VAE ne tient pas ses promesses. Seuls 10 % des 50 000 dossiers annuels obtiennent une certification totale, ce qui est trop peu.
Pourquoi ? Prenons Dramane, commercial, Anna, auxiliaire de puériculture, ou encore notre fameuse Pauline, salariée d'un Ehpad, dont nous avons évoqué le cas en commission : aucun d'entre eux ne se doutait, en se lançant, qu'il leur faudrait cheminer en moyenne dix-huit mois. Chacune des cinq étapes du dispositif est source de découragement. Notre proposition est de lever collectivement les freins qui entravent un accès réussi à la VAE. Notre objectif est d'atteindre 100 000 parcours par an : pour cela nous faisons le pari de la modernisation, de la simplification et de la sécurisation des parcours de VAE.
Comment ? D'abord en intégrant les compétences acquises dans le cadre des périodes de mise en situation professionnelle, en l'ouvrant aux proches aidants, et en communiquant auprès des cibles susceptibles d'en bénéficier le plus, comme les bénévoles ; ensuite en créant un espace numérique dédié, qui constituerait un point d'entrée unique pour informer, promouvoir et conseiller. Enfin, parce que la VAE est un sujet transpartisan pouvant faire l'objet d'un consensus, nous avons soutenu en commission les amendements relatifs à l'allégement du cadre juridique, au doublement du congé VAE, à la passation de la VAE sous la forme de blocs de compétence, ainsi qu'à la simplification des règles relatives à l'organisation et à la composition des jurys.
Parce que cet article concourt à changer les trajectoires professionnelles en vue d'atteindre le plein emploi, nous comptons sur vous pour le voter.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Je tiens à rendre hommage aux 8 à 11 millions de Français qui accomplissent en toute discrétion une charge considérable, en consacrant une grande partie de leur quotidien à aider un proche dépendant. Comme Marine Le Pen le dit depuis des années, nous devons tout faire pour aider les aidants. En ce qu'ils sont un maillon essentiel de notre système de santé, ils doivent enfin bénéficier de toute la reconnaissance qu'ils méritent. À ce titre, mobiliser la VAE pour faciliter leur insertion ou leur reconversion professionnelle est une idée louable, dans la mesure où elle permet de reconnaître le travail formidable, mais souvent contraint, qu'ils accomplissent.
Cependant, vous passez à côté de l'enjeu majeur. Comme l'a justement souligné notre candidate à l'élection présidentielle, la priorité des aidants non professionnels n'est pas de se reconvertir dans les métiers qu'ils exercent de fait pour leur proche, métiers qui sont, pour beaucoup d'entre eux, difficiles et chronophages, car leur situation est telle qu'ils ne peuvent tout simplement pas se le permettre. En effet, au-delà de la fatigue physique et morale, leur principale difficulté est de se maintenir dans l'emploi ou de conserver des revenus équivalents. Or, jusqu'ici, les réponses apportées par les pouvoirs publics sont très faibles.
C'est pourquoi Marine Le Pen avait proposé de généraliser à douze mois le congé du proche aidant pour l'ensemble de sa carrière et d'indexer l'indemnisation sur les revenus de la personne aidante, avec une couverture à 100 % des pertes salariales lorsqu'elle est rémunérée jusqu'au niveau du Smic, à 80 % jusqu'au revenu médian et à 50 % au-delà. Marine Le Pen avait en outre proposé de créer une aide spécifique de 300 euros mensuels pour toute personne emménageant chez un proche dépendant ou l'accueillant chez elle pour se consacrer pleinement à son accompagnement.
Il est grand temps que le Gouvernement prenne la mesure des difficultés des proches aidants et y réponde. N'ajoutez pas de l'injustice sociale à leur détresse !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Sachez tout d'abord que le groupe La France insoumise – NUPES n'est pas opposé par principe à la validation des acquis de l'expérience. Des milliers de salariés y ont recours et, dans nombre de cas, cela peut être un bon dispositif. Je précise toutefois que nous n'y sommes pas opposés pourvu qu'il permette de déboucher sur une qualification ou un diplôme d'État, et non sur une fraction de diplôme ou des compétences individuelles, qui n'ouvrent aucun droit collectif.
Or de quoi s'agit-il dans le cas présent ? Cela a été évoqué, l'article 4 élargit notamment l'accès à la certification aux proches aidants et aux aidants familiaux. L'exposé des motifs du projet de loi indique également que cette mesure contribuerait à répondre au problème de recrutement dans le secteur sanitaire et social. Qu'il y ait un problème de recrutement dans ce domaine, c'est certain, mais peut-être faudrait-il tout simplement arrêter de détruire l'hôpital et augmenter les salaires. Mais nous l'avons bien compris, augmenter les salaires, quelle horreur ! À la place, vous déréglementez toujours plus.
Je rappelle qu'un aide-soignant est titulaire d'un diplôme d'État et non d'une certification, et qu'il doit en rester ainsi. Ce métier nécessite une qualification : il suppose la réalisation de gestes professionnels qui la requièrent car, mal effectués, ils peuvent être dangereux. Mais cela ne vous pose visiblement aucun problème.
Au fond, c'est très logique. Observons la situation dans l'éducation nationale. Il n'y a pas assez de profs ? Pas de problème, on recrute des contractuels au terme de trente minutes d'entretien et on leur dispense une prétendue formation de quatre jours. Ce que vous proposez s'agissant de la VAE est donc parfaitement cohérent avec l'ensemble de votre politique mais, de grâce, ne maquillez pas la réalité de votre action. Vous menez une politique de déqualification et de baisse du coût du travail en vous cachant derrière des prétextes vertueux et des discours grandiloquents !
En ce qui nous concerne, vous l'avez compris, nous ne voterons pas cet article. Toutefois, parce que nous savons que des milliers de salariés sont concernés par ce dispositif – j'en ai parlé au début de mon propos –, nous nous abstiendrons.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
La validation des acquis de l'expérience est une belle avancée, un bel outil, un beau droit pour les salariés dans notre pays. Je regrette profondément que vous ayez choisi de procéder à une réforme d'ensemble de la VAE au travers d'amendements, à la va-vite et, de nouveau, sans faire le nécessaire pour produire des études, des analyses, ou organiser des discussions, des échanges, voire des négociations, qui auraient permis une construction collective, efficace, et s'inscrivant dans une bonne appréhension du réel. Franchement, ce n'est pas à la hauteur de l'enjeu que de procéder de la sorte.
L'article 4 ne portait initialement que sur la VAE pour les proches aidants mais, par l'intermédiaire d'un amendement gouvernemental, madame la ministre déléguée, vous choisissez de conduire une réforme d'ensemble, en invoquant le désir de certains députés d'agir en ce sens. Je suis, en ce qui me concerne, favorable à ce que nous discutions de cette question et à ce que vous l'inscriviez à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, mais cette manière de procéder est tout à fait inacceptable. Les organisations syndicales elles-mêmes sont ainsi placées hors jeu, tout comme les parlementaires.
Pas du tout !
J'avais en effet déposé plusieurs sous-amendements à l'amendement n° 374 rectifié que vous présenterez tout à l'heure, afin d'aménager et de préciser votre dispositif, étant entendu que je n'ai pas la possibilité de le contredire avec des sous-amendements. La plupart ont été déclarés irrecevables et la discussion n'aura donc pas lieu. Votre amendement va emporter tout le débat et la réforme ne sera ni faite ni à faire : elle aura été produite à la va-vite.
Votre manière de procéder pose donc un véritable problème démocratique, ainsi que de nombreuses questions sur ce que devrait être la VAE. Celle-ci devrait être liée à la qualification plutôt qu'à des logiques de compétences et de formation à la tâche, qui aboutissent à une dégradation des métiers que vous avez encouragée ces dernières années, notamment en 2018 lors de l'élaboration de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
Créée en 2002, la validation des acquis de l'expérience permet d'obtenir une certification professionnelle grâce à la reconnaissance de son expérience, laquelle peut bien sûr être bénévole.
En l'espèce, le Gouvernement s'est rendu compte que sa rédaction initiale du projet de loi, qui comprenait déjà une réforme de la VAE, n'allait pas assez loin. Aussi proposez-vous une réécriture de l'article 4 par l'intermédiaire de l'amendement n° 374 rectifié , dont l'adoption ferait tomber de nombreux autres amendements déposés.
Cette volonté d'aller plus loin est plutôt une bonne chose, dans la mesure où il s'agit de mieux prendre en considération le travail des proches aidants. L'objectif est de faciliter la reconnaissance des compétences acquises par ces personnes qui aident une personne âgée, malade, handicapée ou en situation de perte d'autonomie. C'est une démarche absolument indispensable pour le secteur du grand âge, qui est l'un de ceux où les besoins en recrutement sont massifs. Il existe en effet des personnes expérimentées parmi les aidants familiaux qui pourraient tout à fait répondre rapidement à la pénurie de main-d'œuvre dans certains métiers du secteur médico-social.
J'ajoute qu'aller plus loin est également judicieux, car les démarches pour accéder à la VAE étaient bien trop complexes et l'accompagnement n'était pas continu : c'est ce qui ressort d'un rapport remis au Gouvernement en 2021.
L'on peut effectivement regretter que cet amendement ait été déposé à la dernière minute et ne nous permette pas d'avoir un vrai débat sur la VAE mais, pour être objectif, si c'est pour que la réforme aille dans le bon sens et que les proches aidants puissent bénéficier de la VAE de façon simplifiée, je pense que nous pourrons nous entendre.
Si l'article 4 procède d'une excellente intention de la part du Gouvernement consistant à intégrer les proches aidants dans le dispositif de la VAE, le groupe Socialistes et apparentés s'abstiendra en raison de la méthode employée.
L'amendement que le Gouvernement nous proposera aurait pu être discuté en commission et faire l'objet d'une étude d'impact. Il ne suffit pas en effet que le Gouvernement dise aux députés qu'il a entendu leur volonté pour s'autoriser ensuite à légiférer à la hâte. Vous auriez pu anticiper davantage car les parlementaires avaient déjà exprimé leur volonté en amont – j'ai moi-même eu l'occasion d'avoir des échanges avec votre cabinet, monsieur le ministre. En outre, le Conseil d'État aurait pu être consulté.
Il ne faudrait pas, enfin, que la VAE se substitue aux carences de la formation. Aujourd'hui les métiers du soin connaissent de fortes tensions, et assurer leur qualité comme la qualité de la formation exigera un énorme chantier, au moins équivalent à celui de la VAE.
Ce qui devait principalement être un article portant sur les proches aidants se transforme, une fois encore, en réforme précipitée. Nous contestons cette méthode depuis le début de l'examen de ce texte, et c'est la raison pour laquelle le groupe Écologiste – NUPES s'abstiendra sur cet article.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de l'examen du projet de loi portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché de travail en vue du plein emploi
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra