Votre système de bonus-malus renvoie à une discussion philosophique – je sais que vous en êtes friands. Le principe serait de récompenser les employeurs qui se donnent la peine de respecter le code du travail, c'est-à-dire qui recourent au CDI comme forme normale d'emploi. Quelle sera l'étape suivante ? Faudra-t-il rémunérer les employeurs qui disent bonjour, ou leur décerner des médailles ? Cette logique est pour le moins étonnante : dans une république, on ne finance pas les comportements vertueux, même si on peut applaudir et féliciter leurs auteurs.
En appliquant ce régime de bonus-malus, vous voulez accréditer l'idée que vous régulez le marché de l'emploi en diminuant le nombre d'emplois précaires. Malheureusement, c'est faux : la Dares a indiqué, il y a quelques jours, que la proportion d'emplois en CDD était passée de 11,7 % à 13,1 %. Si la preuve du pudding, c'est qu'on le mange, la preuve du bonus-malus, c'est qu'il ne marche pas ! Les chiffres de la Dares sont clairs.
Par ailleurs, vous prétendez mieux couvrir les demandeuses et les demandeurs d'emploi – cela, à argent constant. En d'autres termes, vous créez une taxe qui ne rapportera rien. Quelle invention extraordinaire que de taxer pour ne rien prélever ! D'autant que, si cette taxe n'induit aucun bénéfice pour les demandeurs et les demandeuses d'emploi, elle constitue une redistribution entre les employeurs : ceux qui proposent des postes précaires surcotisent au profit de ceux qui respectent des formes normales d'embauche. En définitive, les employeurs qui recourent au CDI gagneront au tirage et au grattage, tandis que les demandeuses et les demandeurs d'emploi perdront des droits.