Je vous écoute attentivement depuis lundi soir, monsieur le ministre et monsieur le rapporteur. Il y a un biais idéologique dans votre stratégie de lutte contre le chômage et un non-dit dans les débats ; je tiens à y revenir avant de présenter l'amendement.
Commençons par votre biais cognitif. Comme vous parlez du marché du travail de façon abstraite, vous croyez que les salariés sont des marchandises comme les autres, que nous pourrions déplacer à volonté d'un emploi à un autre, d'une région à l'autre. Or, dans la vraie vie, ça ne marche pas comme ça. Les salariés exercent des métiers dont souvent ils sont fiers. Ils habitent des villages et des quartiers où ils ont leurs amis et leur famille ; on ne les déplace pas comme ça. L'offre et la demande de travailleurs, ce n'est pas l'offre et la demande de tomates. Ne comprenant pas que votre modèle du marché de l'emploi ne correspond pas à la réalité, vous êtes aveuglés sur les freins réels au retour à l'emploi, pourtant bien documentés par les études empiriques de la Dares. Je ne vous ferai pas l'insulte de revenir sur ces études mais je rappelle que les faibles rémunérations et les conditions de travail sont les vrais freins à l'emploi. Votre aveuglement idéologique ne vous permet pas de comprendre pourquoi les allocations ne sont pas un obstacle mais permettent souvent au contraire le retour à l'emploi, en favorisant la mobilité.
J'en viens au non-dit. Évidemment, si l'on réduit drastiquement les droits des chômeurs, les salariés peuvent être conduits à accepter n'importe quel emploi. Mais nous connaissons le résultat de ces politiques. Personne ne l'a souligné mais un faible taux de chômage peut s'accompagner, comme aux États-Unis et au Royaume-Uni, d'une explosion de la grande pauvreté, certains travailleurs pauvres étant contraints de cumuler plusieurs emplois pour survivre.