La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
Je note la tenue de certains d'entre vous.
Mme la présidente se tourne successivement vers les députés des groupes LFI – NUPES, GDR – NUPES et Écolo – NUPES, habillés aux couleurs du drapeau palestinien, et vers les députés du groupe LR, ceints de leur écharpe tricolore, comme M. François Cormier-Bouligeon.
Je crois qu'il est nécessaire de rappeler que nous sommes dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale.
Les députés des groupes RE, RN, LR, Dem, HOR et LIOT se lèvent et applaudissent longuement, aussitôt suivis de ceux des groupes LFI – NUPES, SOC, GDR – NUPES et Écolo – NUPES.
L'expression des parlementaires s'effectue exclusivement à l'oral. La séance des questions au Gouvernement est un moment important de notre vie démocratique puisqu'elle traduit la responsabilité de ce dernier devant le Parlement. Nous célébrons cette année le cinquantième anniversaire de cet exercice.
Monsieur le Premier ministre, malgré l'ordonnance de la Cour internationale de justice, qui a intimé l'ordre à Israël d'arrêter son offensive à Rafah, les massacres de civils se poursuivent dans la bande de Gaza et les enfants palestiniens continuent de se faire déchiqueter, brûler, amputer, affamer, sans la moindre réaction sérieuse de votre gouvernement. Je crois qu'il est utile de rappeler, dans cette assemblée, le bilan officiel du génocide en cours à Gaza,…
…bilan que tant de gens ici n'ont cessé de contester et de minimiser, englués dans leur soutien inconditionnel au gouvernement criminel israélien.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
À Gaza, depuis octobre, 45 000 personnes ont été tuées ou sont portées disparues ,
M. François Cormier-Bouligeon s'exclame
parmi lesquelles 15 000 enfants. Plus de 80 000 personnes ont par ailleurs été blessées. Ce bilan représente quarante fois le bilan des atrocités du 7 octobre.
Exclamations sur les bancs des groupes RN et LR.
Gaza, depuis huit mois, c'est la douleur permanente, celle des membres coupés à vif, celle des plaies béantes, celle des enfants devenus orphelins, celle des parents qui enterrent un fils, une fille ou plusieurs.
Mme Anne-Laurence Petel s'exclame.
C'est la douleur des blessés qu'on ne peut pas soigner, ni même soulager,…
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Gaza est un ghetto où l'armée israélienne extermine un peuple que la France a abandonné !
Je sais ce que vous allez répondre, monsieur Attal : « Mais bien sûr que si, la France agit ! La France réclame un cessez-le-feu, elle vote des résolutions à l'ONU et affirme même parfois son désaccord. » Mais les mots vides d'efficacité ne suffisent plus ! La non-réponse de votre gouvernement aux atrocités que subissent les Palestiniens est une complicité qui fait de notre pays la honte de l'Europe.
Mêmes mouvements.
L'un des moyens d'agir, c'est de reconnaître l'État palestinien, mais le Président de la République dit que c'est encore trop tôt, qu'il ne faut pas se laisser dominer par l'émotion.
Exclamations sur les bancs du groupe RE. – M. Meyer Habib s'exclame aussi.
Qu'attendez-vous exactement ? Qu'il n'y ait plus de Palestiniens vivants qui puissent habiter cet État ?
Les députés du groupe LFI – NUPES, ainsi que quelques députés du groupe Écolo – NUPES, se lèvent et applaudissent.
Deux cent quarante et un jours et vous ne parvenez toujours pas à saluer la mémoire de nos quarante-trois compatriotes français sauvagement assassinés le 7 octobre !
Les députés des groupes RE, RN, LR, Dem, HOR et LIOT se lèvent et applaudissent longuement, bientôt suivis par ceux des groupes LFI – NUPES, SOC, GDR – NUPES et Écolo – NUPES, hués par les membres du groupe RN.
Deux cent quarante et un jours et vous ne parvenez pas à adresser le moindre mot de soutien à nos deux compatriotes retenus dans des tunnels à Gaza :…
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, RN et Dem, dont plusieurs députés se lèvent. – Protestations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES
…Ohad Yahalomi et Ofer Kalderon, deux pères de famille de 49 et 53 ans. La moindre des choses, lorsque l'on est républicain et que l'on a des compatriotes retenus en otage à l'étranger,…
…c'est de savoir prononcer leurs noms dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe RN. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Le Président de la République, le Premier ministre et le ministre de l'Europe et des affaires étrangères l'ont dit : nous soutenons la proposition de paix du président américain. La diplomatie française est mobilisée pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés : un cessez-le-feu durable, la libération des otages…
…et l'acheminement de l'aide humanitaire. Mais ne laissons pas croire qu'Israël est la seule partie dans ce conflit.
Le Hamas porte une responsabilité très lourde.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE, sur de nombreux bancs du groupe RN et sur plusieurs bancs du groupe LR. – Vives exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Alors, rejoignez les efforts de la diplomatie française et condamnez sans appel le comportement du Hamas depuis le 7 octobre !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Conflit israélo-palestinien
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Loin de la politique spectacle et dans le seul but de concourir à la construction d'un chemin de paix, je m'adresse à vous au nom du groupe LIOT. Jeudi soir, à la télévision française, le Premier ministre israélien a fait un parallèle honteux entre le débarquement des forces alliées en Normandie et l'entrée des chars dans Rafah ,
Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT, LFI – NUPES, GDR – NUPES et Écolo – NUPES, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC
tentant de légitimer l'injustifiable, l'inacceptable.
Le groupe LIOT est clair depuis le premier jour. Nous avons condamné avec force les attentats terroristes commis par le Hamas le 7 octobre. Nous avons reconnu le droit d'Israël à se défendre, mais toujours dans le cadre du droit international.
Nous avons appelé à l'ouverture de couloirs humanitaires, répété à maintes reprises notre souhait de voir les otages libérés, en particulier les otages français ,
Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT, LFI – NUPES, GDR – NUPES et Écolo – NUPES, ainsi que sur quelques bancs des groupes Dem et SOC
et demandé un cessez-le-feu. Pourtant, tous les jours depuis des semaines, nous assistons à la violation du droit international. Nous sommes dans une impasse diplomatique. La réponse disproportionnée du gouvernement israélien confine davantage à la vengeance qu'à une action de paix.
Le groupe LIOT, vous le savez, est favorable à la reconnaissance immédiate de l'État de Palestine.
Mêmes mouvements.
Le Gouvernement s'y dit également favorable, à un « moment utile ». Mais quand ce moment viendra-t-il si le Premier ministre israélien est incapable de dialoguer et d'entendre les rappels à l'ordre de la communauté internationale ? Comment le gouvernement français entend-il favoriser le dialogue entre les parties ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT, ainsi que sur ceux des groupes LFI – NUPES, GDR – NUPES et Écolo – NUPES, dont plusieurs députés se lèvent.
Je vous prie d'excuser l'absence de Stéphane Séjourné, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Je vous remercie pour l'équilibre de votre question.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
La position du groupe LIOT rejoint, à bien des égards, celle, que vous connaissez, du gouvernement français : nous avons défendu de manière constante la solution à deux États…
…et cet objectif est au cœur de notre action diplomatique. Nous souhaitons qu'un État israélien et un État palestinien vivent côte à côte, en paix et en sécurité, et nous avons soutenu ce principe par deux fois devant les Nations unies.
Cette position ne revient pas à penser que les actes terroristes et barbares du 7 octobre puissent être récompensés …
Protestations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES
…par la création d'un État palestinien, mais à affirmer, au contraire, qu'un État palestinien doit être en mesure d'apporter des garanties de sécurité suffisantes à son voisin. C'est à cette seule condition qu'il pourra être créé.
S'agissant de la reconnaissance bilatérale de l'État de Palestine, la position de la France est tout aussi claire et a été rappelée par le Président de la République. Le sujet n'est pas tabou, mais cette reconnaissance doit être utile. Le Premier ministre l'a souligné la semaine dernière : les reconnaissances officielles de l'État de Palestine par plusieurs pays, ces dernières semaines, n'ont pas apporté de solution au conflit. Celle de la France aura une portée considérable et doit permettre une avancée décisive sur le plan politique.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Elle doit donc intervenir au bon moment, pour qu'il y ait un avant et un après. Ce n'est pas un simple enjeu symbolique ou de positionnement politique. Reconnaître l'État palestinien pour de tels motifs ne serait pas dans l'intérêt des Palestiniens ,
Mêmes mouvements
qui réclament des avancées concrètes. Nous y travaillons aux Nations unies et avec nos partenaires arabes, réunis à Paris vendredi dernier. Loin des outrances, la France continue de porter la voix de la paix.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Pour le groupe LIOT, les choses sont claires : nous aimons le peuple israélien, nous aimons les Gazaouis, nous voulons la paix partout et nous demandons que la France porte une voix claire pour permettre à sa diplomatie de peser. Reconnaître l'État de Palestine aujourd'hui, c'est accepter de peser sur le conflit.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES, dont certains députés se lèvent. – Mme Rachel Keke se lève et brandit un drapeau palestinien. – Très vives protestations et huées sur les bancs des groupes RN et LR. – Les députés du groupe RN ceignent à leur tour leur échappe tricolore.
Madame Keke, je prononce un rappel à l'ordre avec inscription au procès-verbal. Le bureau se prononcera sur la nécessité d'une sanction plus sévère. Je pensais que les choses étaient claires et que vous aviez lu notre règlement !
Les députés des groupes RN et LR se lèvent et scandent « Dehors ! »
Chers collègues, la sanction vient d'être prononcée et le bureau sera convoqué.
Clameur et huées sur les bancs des groupes RN et LR à l'adresse des députés du groupe LFI – NUPES. – M. Marc Le Fur demande par geste à Mme la présidente de suspendre la séance.
Dans ces conditions, je suspends la séance cinq minutes. Je veux voir immédiatement les présidents de groupe.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à quinze heures quinze, est reprise à quinze heures vingt.
La séance est reprise.
Juste avant la suspension, j'ai prononcé un rappel à l'ordre avec inscription au procès-verbal à l'encontre de la députée qui a contrevenu à nos règles. Je viens de réunir les présidents de groupe. Nous sommes convenus que nous allions reprendre la séance des questions au Gouvernement et qu'une réunion du bureau serait convoquée ultérieurement pour décider collectivement s'il y a lieu ou non d'aggraver la sanction qui vient d'être prononcée sur le siège.
Ce dimanche se décidera une part du destin de l'Europe. Je veux le dire devant notre assemblée : notre Europe est menacée, notre Europe est mortelle.
Elle est menacée de l'intérieur par les nationalistes du Rassemblement national, qui porte un projet de Frexit à peine caché
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. Laurent Croizier applaudit également
qui mettrait en danger notre économie, nos retraités, nos agriculteurs, nos entreprises. C'est ce même Rassemblement national qui joue avec les piliers de notre République pour faire campagne en détournant l'image de ceux qui protègent les Français, les policiers et les gendarmes.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE
un homme qui a mis trente ans de sa vie au service des Français, de la France et du drapeau tricolore. C'est une honte !
La menace, c'est aussi la France insoumise et ses alliés de la NUPES, qui attisent la haine et la division, qui abîment l'Assemblée nationale, comme ils viennent encore une fois de le faire. Le RN déteste l'Europe ; la NUPES déteste la France : voilà la réalité de cet hémicycle.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. Laurent Croizier applaudit également.
Notre Europe est confrontée à des défis immenses. Elle est notamment menacée par les ingérences étrangères qui se multiplient. Ce sont les mains rouges peintes sur les murs du Mémorial de la Shoah. Ce sont aussi ces cercueils, installés sous la tour Eiffel, censés représenter des soldats français qui seraient tombés en Ukraine.
Dans ce contexte, voilà les questions qui se posent aux Français. Veulent-ils une Europe sûre et indépendante ou une France isolée ? Veulent-ils une Europe souveraine ou une Europe à la merci des puissances étrangères ? Notre choix est clair. Nous soutenons avec le Président de la République le projet d'une Europe puissante, souveraine, qui pèse dans le monde…
…et qui s'oppose au projet de division, de rétrécissement de la France et de démantèlement de l'Europe.
Aussi, monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous dire, d'une part, quels sont pour vous les enjeux majeurs auxquels sont confrontés l'Union européenne et notre continent et, d'autre part, quel discours votre gouvernement tiendra auprès de ses partenaires européens après le 9 juin ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Il y a eu ces étoiles de David taguées dans plusieurs communes d'Île-de-France. Il y a eu ces mains rouges honteusement peintes sur le Mémorial de la Shoah et, il y a quelques jours, ces faux cercueils déposés sous la tour Eiffel et porteurs de l'inscription « soldats français de l'Ukraine ». Trois outrances parmi bien d'autres, trois infamies qui visent à nous manipuler et qui, même si les enquêtes sont en cours, portent la marque de l'ingérence.
Notre pays et notre continent font l'objet d'ingérences étrangères et de tentatives de déstabilisation. Ces derniers mois, nous avons constaté une hausse du nombre de ces phénomènes, qui prennent les formes que je viens d'évoquer ou passent par des attaques cyber ou de désinformation relayée sur les réseaux sociaux.
Quand cette hausse coïncide avec un moment où, comme dans quelques jours, les Européens, dont les Français, sont amenés à déterminer l'avenir de l'Europe, on comprend que le but des puissances qui essaient de nous déstabiliser est que nous ne construisions plus l'Europe, que nous ne soyons plus capables de nous unir pour nous défendre.
S'il en fallait un, je vois là un argument supplémentaire et éclatant pour nous défendre à vingt-sept, pour continuer à nous construire à vingt-sept. Il s'agit d'un argument supplémentaire pour poursuivre la construction d'une défense européenne, qui passe par des capacités cyber, par une boussole stratégique commune – que nous sommes enfin parvenus à adopter –, par de la recherche et développement en commun, par des capacités de partage d'informations sur ces ingérences et ces tentatives de déstabilisation, qui sont des attaques contre nos démocraties.
Ce qui se jouera dimanche et dans les années à venir, c'est bel et bien la capacité de la France à se défendre, en étant plus unie avec ses partenaires européens face à ces ingérences. Leurs auteurs veulent nous désunir, nous isoler, pour mettre en œuvre leur funeste projet, celui que nous voyons se déployer en Ukraine. Assumons notre responsabilité, soyons collectivement au rendez-vous !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.
Nous y voilà : après une hausse des prix de 18 % l'an dernier, la Commission de régulation de l'énergie vient de valider une nouvelle augmentation des tarifs du gaz au 1er juillet qui portera la hausse pour 2024 à plus de 12 %. C'est un nouveau coup porté au pouvoir d'achat de nos concitoyens, dont les factures d'énergie ont explosé de plus de 45 % ces deux dernières années.
Trop, c'est trop ! Les salaires stagnent tandis que les factures s'envolent. Ces augmentations sont insupportables mais ni Bruxelles ni votre gouvernement n'en a cure. Avec sa nouvelle réforme du marché européen de l'électricité, la Commission persiste et signe dans son obstination à considérer ce bien commun comme une marchandise ordinaire, soumise à la libre concurrence et aux aléas du marché.
Le scrutin de dimanche vient d'être évoqué. Mon propos, je ne le sors pas de « ma pouque », comme on dit en bon Normand, à la veille des européennes. Cela fait des mois que nous vous demandons de changer radicalement de paradigme afin de garantir un véritable droit à l'énergie pour toutes et tous, qu'il s'agisse des ménages, des entreprises ou des collectivités locales. Seul le retour à un service public unifié de l'énergie et à des tarifs réglementés, calculés à partir des coûts de production, permettra d'en finir avec cette course folle aux augmentations de prix.
En dehors du gaz, notre pays dispose d'atouts considérables pour réduire sa dépendance énergétique et maîtriser les coûts, en permettant aux consommateurs de bénéficier de tarifs justes et stables. Êtes-vous prêts à porter une voix française singulière sur le plan européen pour faire reconnaître l'énergie comme un bien commun et à rebâtir une filière publique de l'énergie allant de la production à la distribution en passant par la commercialisation ?
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES.
La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Notre majorité a renationalisé EDF, entreprise qui est désormais à 100 % publique. Nous sommes donc les premiers à reconnaître le caractère stratégique de l'énergie, dont nous avons repris le contrôle. Vous nous interrogez aussi sur le pouvoir d'achat qui est la première préoccupation des Français.
Vous seriez plus crédible sur le pouvoir d'achat si vous aviez voté le bouclier tarifaire sur le gaz et celui sur l'électricité, qui a permis de réduire de 200 euros la facture annuelle des ménages français.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Vous seriez plus crédible sur le pouvoir d'achat si, il y a quelques mois, vous aviez voté l'indemnité carburant, qui permet d'aider tous ceux qui prennent leur véhicule pour aller travailler, mais vous avez voté contre. Vous seriez plus crédible sur le pouvoir d'achat si vous aviez accepté de soutenir tout ce que nous avons fait pour aider ceux qui travaillent, comme l'augmentation de la prime d'activité ou la défiscalisation des heures supplémentaires.
Pour que nos compatriotes en aient bien conscience, je rappelle que votre groupe politique propose de refiscaliser les heures supplémentaires et de supprimer la prime Macron, qui représente en moyenne 500 euros de pouvoir d'achat supplémentaire pour nos compatriotes.
Mêmes mouvements.
Par ailleurs, nous avons réussi à ramener l'inflation à 2 % et, désormais, les salaires augmentent plus vite que les prix. Nous allons dans la bonne direction.
Plutôt que de vouloir faire des économies sur l'énergie, soutenez-nous dans nos efforts pour récompenser ceux qui travaillent, augmenter leurs salaires et soutenir leur activité.
Mêmes mouvements.
Monsieur le Premier ministre, hier, vous avez humilié votre candidate aux européennes en lui chipant son temps de parole sur France Info. Apparemment, vous êtes fébrile. Vous êtes devenu, comment dirais-je…
Sourires.
…son ventriloque. Vous voulez parler d'Europe. Vous nous avez vendu l'Union européenne comme facteur de paix, de prospérité et de sécurité. C'est une Europe fantasmée, qui n'existe que dans vos cerveaux dogmatiques. Les Français vivent une autre réalité : 380 000 migrants clandestins ont violé l'espace européen en 2023, entraînant partout en France l'explosion de l'insécurité et du fondamentalisme islamiste. La réalité, c'est aussi un chômage endémique dû au déclassement industriel de notre continent. Aux États-Unis, en vingt ans, le PIB par habitant a doublé ; dans l'Union européenne, il a péniblement stagné. Merci la mondialisation !
La réalité, c'est la chute du pouvoir d'achat des Français à cause des règles absurdes du marché européen de l'électricité, qui ont fait bondir leurs factures de 45 % en deux ans.
La réalité, enfin, c'est ce président de la République qui trépigne à l'idée de faire entrer notre continent dans la troisième guerre mondiale.
La voilà, votre Union européenne !
Pire encore, si l'on ne vous met pas de limite claire, vous réaliserez votre agenda caché : la signature du traité avec le Mercosur, qui ruinera nos paysans ; le saccage de l'assurance chômage ; l'obligation d'acheter des voitures électriques hors de prix dès 2035 ; ou encore la répartition contrainte de milliers de migrants sur l'ensemble du territoire – et je ne parle pas du futur impôt européen.
Monsieur le Premier ministre, si le peuple vous inflige une rouste électorale monumentale le 9 juin, en tirerez-vous les conclusions et arrêterez-vous de sacrifier la France et les Français sur l'autel de l'européisme ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Quand on a un candidat aux élections européennes qui s'est battu contre l'inscription du droit à l'interruption volontaire de grossesse dans l'Union européenne, qui a voté contre l'égalité entre les femmes et les hommes…
C'est vrai !
…et qui invisibilise sa deuxième de liste, on ne donne pas de leçons de morale au Gouvernement !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem. – Protestations sur les bancs du groupe RN.
La vérité, c'est que jamais la France n'a été aussi influente en Europe que durant ces cinq dernières années.
De nombreux députés du groupe RN s'esclaffent. – M. Jean-Louis Bourlanges applaudit.
Où était M. Bardella pendant ce temps ?
Où était-il lorsque l'Europe sociale a avancé grâce à la régulation du travail détaché et au salaire minimum ?
Où était-il lorsque l'Europe de l'industrie a avancé grâce à de nouveaux moyens pour investir dans les secteurs stratégiques ?
Où était-il lorsque l'Europe du contrôle des migrations a avancé grâce au nouveau pacte sur la migration et l'asile ?
Où était-il lorsque l'Europe du numérique a avancé grâce aux nouvelles règles encadrant les grandes plateformes et les réseaux sociaux ? Il n'était nulle part ! Il n'a voté aucune de ces avancées décisives.
Vous me répondrez qu'il n'était pas tout à fait d'accord avec ces dispositions. Dans ce cas, que ne s'y est-il pas opposé !
Il n'a rien fait ! Zéro rapport déposé !
Vingt et un amendements déposés en cinq ans ! Le taux de présence en séance plénière le plus faible de tous les candidats à cette élection européenne !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Ce n'est pas sur le fondement de ce bilan lamentable que vous pouvez nous donner des leçons !
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
En matière de bilan lamentable, vous y connaissez un rayon ! Vous échouez dans tous les domaines !
Si nous vous avions écoutés, que se serait-il passé ? L'épargne des Français se serait évaporée avec la sortie de l'euro. Nous aurions tous le covid, faute d'un vaccin européen
Rires et exclamations sur les bancs du groupe RN.
L'armée de Vladimir Poutine serait aux portes de la Pologne et des pays baltes. Et la France ne serait plus la France, elle serait un satellite de la Russie !
« Eh oui ! » et vifs applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem, dont de nombreux députés se lèvent. – Huées sur les bancs du groupe RN.
Face au mensonge et au mépris, quand le peuple vote, le peuple gagne. Rendez-vous le 9 juin à vingt heures !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Le 10 octobre, je prenais la parole ici même pour dire notre émotion et condamner les crimes du Hamas ainsi que le kidnapping des otages. Rien ne justifie ni n'excuse jamais le terrorisme. Aucune cause ne le justifie, aucun contexte ne l'excuse.
J'ajoutais cependant que cela ne pouvait justifier une punition collective des Gazaouis. Si notre soutien à l'existence d'Israël est constant, il ne peut conduire à un soutien inconditionnel. Le droit international doit être respecté.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES. – Mme Soumya Bourouaha applaudit également.
Je disais le 10 octobre craindre le scénario du pire si un cessez-le-feu n'intervenait pas. Huit mois après, nous y sommes.
Malgré les alertes très claires de l'ONU, de la Cour pénale internationale et de la Cour internationale de justice qui évoque « un risque plausible de génocide », le gouvernement d'extrême droite de Benjamin Netanyahou n'a pas interrompu les combats. L'offensive menée ces jours-ci à Rafah a repoussé plus loin les limites de l'horreur. Cela suffit !
Le Premier ministre israélien, très contesté, y compris par sa propre opinion publique, ne tient que grâce à la guerre et il n'y renoncera que si la communauté internationale met tout son poids dans la balance. L'Espagne, l'Irlande, la Norvège ont ouvert la voie au niveau européen en reconnaissant l'État palestinien.
Mêmes mouvements.
Face à l'impasse, nous devons inverser l'ordre des choses. La reconnaissance d'un État palestinien doit être la base d'un nouveau processus conduisant à une paix durable entre un État d'Israël dont il faut garantir la sécurité et un État palestinien auquel il faut accorder une pleine souveraineté.
Mêmes mouvements.
La France peut aujourd'hui être le premier pays du G7 à reconnaître l'État palestinien. Êtes-vous prêts à le faire ? Demain, il sera trop tard.
Mmes et MM. les députés du groupe SOC se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Merci d'avoir su qualifier le Hamas pour ce qu'il est : non pas un mouvement de résistance, mais une organisation terroriste. De même, il convient toujours de qualifier l'attentat du 7 octobre pour ce qu'il est, c'est-à-dire le pire massacre antisémite du XXI
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Depuis cet attentat, la France, par l'intermédiaire du Président de la République et du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, Stéphane Séjourné, défend une position très claire : elle appelle à une trêve humanitaire conduisant à un cessez-le-feu durable, à la libération inconditionnelle des otages, à l'acheminement sans entrave de l'aide humanitaire et au cheminement vers une solution à deux États.
Dans cette optique, la France n'a pas hésité, lorsque la situation l'a exigé, à prendre à l'encontre des colons extrémistes et violents des sanctions à l'échelon national et à inciter ses partenaires européens à le faire à l'échelon européen. La reconnaissance de l'État de Palestine est l'un des instruments dont elle dispose pour faire aboutir cette solution durable, seule susceptible d'installer la paix, qu'est la solution à deux États.
« Quand ? » sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Ces derniers jours, on a observé une ouverture importante, avec le plan de paix proposé par le président Biden, que nous allons soutenir dans toutes les instances dans lesquelles nous dialoguons, que ce soit avec nos partenaires européens, avec la communauté internationale dans le cadre de l'ONU ou avec nos partenaires des pays arabes – nous l'avons fait vendredi dernier. Cette reconnaissance n'est pas un tabou. Elle doit être mise au service de la paix.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer et concerne la mobilisation d'ampleur intitulée « Roue libre ! », coorganisée par les Soulèvements de la Terre et envisagée ce week-end contre le chantier de l'autoroute entre Castres et Toulouse.
Je rappelle que l'A69 a été déclarée d'intérêt national à la suite d'un long processus démocratique de plus de trente ans, qui a conduit le département du Tarn, la communauté d'agglomération de Castres-Mazamet, la communauté de communes Sor et Agout et la région Occitanie à plébisciter un projet de désenclavement d'un bassin de vie de plus de 80 000 habitants, le sud du Tarn ; 75 % de ses habitants attendent la réalisation de cette infrastructure, qui doit être ouverte à la circulation à la fin de l'année 2025.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Si une certaine opposition, minoritaire, s'exprime dans le cadre légal de recours formés devant les juridictions administratives – ils ont pour l'instant tous échoué –, une opposition composée d'écologistes radicalisés, soutenus et relayés notamment par le mouvement Les Soulèvements de la Terre aux niveaux national et international, commet des exactions quotidiennes, qui sont devenues intolérables pour les habitants du Tarn.
Mêmes mouvements.
Le bilan est lourd : destruction de seize engins par incendie, trente-huit actes violents d'opposition, découverte de trois engins explosifs factices, blocage pendant plusieurs semaines de la voie ferrée entre Toulouse et Mazamet.
Mêmes mouvements.
Dans ce contexte, la nouvelle manifestation non encore déclarée et coorganisée par les Soulèvements de la Terre ce week-end a pour objectif affirmé de bloquer les chantiers de l'A69 et de reprendre les terres « accaparées » par le concessionnaire Atosca/NGE.
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Les violences programmées par ce mouvement sont intolérables. Je rappelle que toutes les manifestations organisées par les Soulèvements de la Terre se sont traduites par des dégradations, des débordements et des atteintes aux personnes.
Monsieur le ministre, au nom du respect et de la préservation de l'ordre public, et dans l'intérêt des Tarnaises et des Tarnais qui nous écoutent, allez-vous demander l'interdiction de cette manifestation ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Alors que la présidente de la région Occitanie – qui, comme vous le savez, n'est pas du bord du Gouvernement –,…
…les élus régionaux et départementaux et les puissances économiques et sociales attendent tous cette autoroute depuis très longtemps et que tous les recours judiciaires ou administratifs ont été rejetés, voici en effet qu'une nouvelle manifestation, qui s'annonce extrêmement violente, est déclarée entre vendredi et dimanche dans votre département.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Jusqu'à 5 000 personnes sont attendues, parmi lesquelles 600 black blocs ou personnes extrêmement violentes qui veulent en découdre avec les forces de l'ordre, s'en prendre aux biens ou attaquer des personnes. Lors des dernières manifestations, de nombreux policiers ou gendarmes avaient été blessés et des interpellations avaient eu lieu ; on avait saisi des fumigènes, des fusées d'alarme, des carabines à plomb, des boules de pétanque, des haches, des couteaux, des pelles, des marteaux, des masques de ski…
Avouez que tout cela n'a rien à voir avec une balade champêtre contestataire !
Comme ces manifestations, qui avaient été autorisées, ont malheureusement tourné à la violence contre les biens et contre les forces de l'ordre, j'ai demandé au préfet du Tarn d'interdire celle à venir.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs des groupes LR et Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je lui ai également demandé d'assurer la protection des biens et des personnes. Au moment où nous parlons, des agriculteurs et des élus locaux sont menacés et intimidés par les Soulèvements de la Terre et leurs amis.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Douze unités de forces mobiles sont en route vers votre département. Des contrôles de zone ont commencé. Depuis hier, des couteaux, des marteaux, des haches sont saisis dans les véhicules.
Il est évident que la violence n'a rien à voir avec l'écologie. Nous devrions tous ici la condamner. Le soutien du Gouvernement au Tarn et à ses élus est complet.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem ainsi que sur quelques bancs du groupe LR.
Chaque jour qui passe nous révèle l'ampleur des failles qui ont abouti à l'évasion de Mohamed Amra et au tragique assassinat de Fabrice Moello et Arnaud Garcia. Je tiens, avant tout, à rendre hommage au courage de l'ensemble des agents pénitentiaires qui font un travail remarquable dans un contexte éminemment difficile.
Applaudissements sur de nombreux bancs.
En revanche, je déplore qu'ils ne soient pas suffisamment équipés et protégés face à la violence extrême à laquelle ils sont exposés. J'en veux pour preuve la gravité des manquements relatés par la presse dans cette affaire ; ils sont profondément choquants.
Nous apprenons en effet que Mohamed Amra avait transformé sa cellule en un véritable bureau depuis lequel il pouvait commanditer des enlèvements, se faire livrer de la drogue, des repas et des téléphones portables ; il possédait même une chicha, dissimulée derrière le lavabo.
Nous apprenons que Mohamed Amra a pu entretenir des relations sexuelles avec une complice qui usurpait l'identité de sa sœur pour accéder au parloir.
Enfin et surtout, nous apprenons que les services pénitentiaires n'ont visiblement pas été informés de la très grande dangerosité de Mohamed Amra, ce qui ne leur a pas permis d'adapter la sécurité du convoi, avec les conséquences tragiques que l'on connaît.
Le garde des sceaux a tenté de se dédouaner en déclarant qu'il avait découvert ces révélations dans la presse. On croit rêver ! Le propre d'un ministre n'est-il pas de tenir son administration ? Ce n'est pas la commande d'un nouveau rapport à l'inspection générale qui changera les choses : nous n'en sommes plus là.
Monsieur le Premier ministre, comment comptez-vous reprendre la main pour renforcer la sécurité carcérale, mieux protéger les fonctionnaires pénitentiaires et mettre fin à l'impunité inacceptable dont profitent un trop grand nombre de prisonniers dangereux ?
« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La séparation des pouvoirs fait que le garde des sceaux n'est jamais informé des procès-verbaux. Il n'en reçoit pas. Je vous invite à vous renseigner auprès des services.
Que se serait-il passé si j'avais reçu une fiche d'action publique relatant ce que dit la presse ? Elle aurait été mise dans la boucle. Il y a au sein de mon cabinet un conseiller chargé de la politique pénitentiaire et je vous assure que, dans la seconde, l'administration pénitentiaire aurait été informée de ce que Le Parisien et BFM ont révélé. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé une inspection pour savoir ce qui a été transmis, ainsi que comment et quand cela l'a été. C'est la stricte réalité.
Pour le reste, j'ai pris d'emblée des mesures qui m'ont été proposées par l'intersyndicale et qui vont entrer en vigueur immédiatement. Elles concernent l'armement, la formation, le véhicule, qui sera défloqué pour ne pas qu'on puisse l'identifier comme un véhicule de l'administration pénitentiaire, ainsi que les fouilles, qui, depuis 2009, ne sont plus possibles quand elles sont systématiques. On recourra davantage à la visioconférence – nous avons déjà fait l'économie de plusieurs transfèrements.
À cela s'ajoute une nouvelle politique de transfèrements, consistant à cibler les détenus du haut du spectre pour les conduire là où nous disposons de brouilleurs. À ce titre, je voudrais vous rappeler qu'en 2017 il n'y en avait strictement aucun ; nous en avons doublé le nombre. Il n'y avait aucun système…
Exclamations sur les bancs des groupes RN et LR. – Mme la présidente coupe le micro de M. le garde des sceaux, dont le temps de parole est écoulé qui, resté debout, poursuit son propos devenu inaudible.
Les prisons sont de vraies passoires, il est temps d'y remédier. Votre réponse est en décalage complet avec la réalité vécue par nos agents pénitentiaires – notamment ceux de la prison de Liancourt au cœur de ma circonscription. N'oubliez pas que le laxisme et l'impunité dont bénéficient de tels criminels dans le milieu carcéral contribuent à l'extension de l'empire de la drogue dans notre pays.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Pas un droit n'a été acquis sous votre gouvernement ou sous le précédent. Retraite à 64 ans, casse de l'assurance chômage, attaque contre l'assurance maladie : vous braquez l'argent que les travailleuses et les travailleurs cotisent à la sécurité sociale.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous le braquez pour offrir aux plus riches des milliards en réductions d'impôts. Vous le braquez pour imposer l'austérité voulue par l'Europe.
Encore une fois, vous allez taper sur les chômeurs – c'est ignoble ! Encore une fois, vous augmentez le reste à charge sur les médicaments en doublant la franchise – c'est inacceptable !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Encore une fois, à vos yeux, les Français sont des profiteurs. Faites le lien avec l'immigration et vous avez le programme du RN…
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES. – Rires sur quelques bancs du groupe RN.
Pierre Moscovici, ancien ministre de l'économie de Hollande – comme Emmanuel Macron –, propose dans un rapport de la Cour des comptes de ne plus indemniser les arrêts maladies de moins de huit jours.
Bruno Le Maire a juré que la mesure ne faisait pas partie des options du Gouvernement pour 2024. Mais que vaut la parole d'un ministre tirant des plans sur la comète à deux ans quand il s'est montré incapable de prédire un budget à trois mois ? Bien sûr, vous ne ferez rien avant les élections européennes. Mais après ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Quand on s'arrête moins de huit jours, c'est que l'on a une grippe ou mal au dos. Le Conseil d'État l'a affirmé : le burn-out est une maladie du travail. Qui pense qu'arrêter d'indemniser les arrêts maladie fera une population en bonne santé ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
En vérité, un tiers des Français viennent déjà travailler malades.
Monsieur le Premier ministre, prenez-vous l'engagement solennel, face à la nation, que ni en 2024, ni en 2025, ni jamais vous ne chercherez « à limiter les dépenses de l'assurance maladie, en réduisant l'indemnisation des arrêts de travail » ?
Mmes et MM. les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent.
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.
Je ferai d'abord un rappel touchant le fonctionnement de nos institutions : la Cour des comptes est une institution judiciaire autonome : elle se saisit des sujets dont elle souhaite se saisir et émet ses avis en toute indépendance, le Gouvernement demeurant libre d'en tenir compte ou non. N'amalgamez pas les conclusions de la première à d'hypothétiques projets secrets du second.
La maîtrise de nos finances publiques est un problème – oui, monsieur le député ; celle des comptes de la sécurité sociale aussi – oui, monsieur le député. Ce gouvernement a déjà agi en la matière : le déficit de la sécurité sociale a diminué de 9 milliards entre 2022 et 2023. Cela ne suffit pas : les dépenses de sécurité sociale devront encore participer à l'effort de maîtrise des finances publiques. Aucun débat n'est tabou à nos yeux– cela fait, je crois, la force de la présente majorité. Il convient, cela dit, de nous juger sur nos décisions, non sur les idées simplement débattues.
Tel était mon premier point ; le second portera sur le véritable salmigondis dont vous nous avez régalés, monsieur le député, mélangeant selon votre habitude des sujets de toutes sortes. Vous n'étiez pas là pour voter l'augmentation de l'Ondam ;…
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, LR et Écolo – NUPES. – Plusieurs députés s'exclament : « 49.3 ! »
…ni lorsque cette majorité a voté une hausse de plus de 60 milliards d'euros du budget pour faire face à l'augmentation des dépenses de santé ; ni pour assurer la protection des Français à l'aide des boucliers tarifaires et des mesures exceptionnelles qui ont non seulement permis de passer la crise du covid, mais de renforcer les moyens des hôpitaux. Alors, gardez vos leçons sur la casse des droits sociaux !
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Pour revenir à votre question, aucun projet en cours ne concerne les indemnités journalières, mais nous examinerons toutes les dépenses de l'assurance maladie, qui concourent aux 254 milliards de l'Ondam en vue d'accroître l'efficience du système de santé.
L'objectif – je l'ai dit il y a deux jours à propos d'une proposition de loi du groupe communiste – est de sauver la sécurité sociale. Pour cela, il faut lui redonner du muscle en traquant les abus.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Rires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Au sujet du déficit de 2023, qui s'est révélé abyssal, le Président de la République avait affirmé qu'il n'y avait « pas de problème de dépenses, mais seulement un problème de moindres recettes ». Depuis lors, en avril 2024, le déficit a atteint un nouveau record, mais vous l'avez dit à plusieurs reprises : vous ne cachez pas de plan d'austérité à mettre en œuvre après l'élection européenne du 9 juin – promis, juré.
Est-ce bien vrai, monsieur le Premier ministre ? Nous avons pourtant pris connaissance d'une lettre de mission datée du 9 novembre 2023 et signée par Mme Borne, alors Première ministre. Cette lettre de mission, que vous n'avez pas annulée, demande aux inspections générales d'étudier les conséquences budgétaires de la désindexation de nombreuses prestations sociales, notamment du RSA ; des allocations familiales ; de l'allocation adulte handicapé (AAH) ; et celle des pensions de retraite.
Cette lettre de mission vise à « évaluer la pertinence des différentes règles d'indexation des prestations » et à « permettre de mettre en avant des économies chiffrées, mobilisables pour les textes financiers pour 2025 ».
Or la désindexation c'est la baisse du pouvoir d'achat des Français les plus fragiles.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Je me tourne vers nos collègues Les Républicains, dont le candidat brandissait la menace d'une motion de censure si le Gouvernement songeait à désindexer les pensions de retraite pour 2025.
Chers collègues LR, une telle volonté est à présent démontrée, mais comme d'habitude votre groupe ne fera rien. Hier encore, monsieur le Premier ministre ils ont été votre béquille, votre bouée de sauvetage politique en ne soutenant aucune motion de censure contre votre gouvernement ; nul ne doute qu'ils manqueront toujours autant de courage demain.
J'ai trois questions. Ce rapport de saignée budgétaire devait être rendu au plus tard le 15 mars ; l'a-t-il été ? Dans quels délais envisagez-vous de le transmettre aux parlementaires ? Allez-vous avouer aux Français que vous comptez une fois de plus leur faire les fonds de poche pour réparer vos erreurs politiques, fruit de votre incompétence budgétaire ?
La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
« Le sauveur ! » sur plusieurs bancs des groupes RN et LR.
Vous auriez pu rappeler que pour l'année 2024 nous avons intégralement maintenu l'indexation des retraites, l'indexation des minima sociaux, l'indexation du Smic.
Par conséquent, cette majorité a mieux protégé le pouvoir d'achat de nos compatriotes que ne l'aurait fait le Rassemblement national ou toute autre formation politique présente sur les bancs de cette assemblée.
Je me réjouis de voir le Rassemblement national se soucier enfin des déficits publics.
Mme Marine Le Pen s'esclaffe.
Mais, si tel est vraiment le cas, il faudrait que vous acceptiez de changer votre programme économique, qu'une dizaine d'économistes a récemment qualifié « d'irréaliste », « d'inefficace » et de « fallacieux ».
Exclamations et « Non, c'est le vôtre ! » sur les bancs du groupe RN.
Je rappelle que votre programme est le plus marxiste qui ait été défendu en France depuis une quarantaine d'années :…
…vous proposez la nationalisation des autoroutes – 50 milliards d'euros de dépenses supplémentaires ; la suppression de l'impôt sur le revenu pour les moins de 30 ans – 10 milliards d'euros de dépenses supplémentaires ; des baisses de TVA – 20 milliards d'euros de dépenses supplémentaires.
Comment comptez-vous financer les 150 milliards d'euros de dépenses supplémentaires que vous proposez dans votre programme ?
Les exclamations se font de plus en plus vives sur les bancs du groupe RN jusqu'à la fin de la réponse de M. le ministre.
Quant à la dette,…
Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe RN.
…qui sollicite tellement l'attention du Rassemblement national, j'aimerais savoir qui vous n'auriez pas soutenu pendant la crise du covid ? Qui, des restaurateurs, des hôteliers ou des salariés, auriez-vous laissé tomber ? Aurait-ce été Renault ou Air France ?
Mêmes mouvements.
Il y a plus de dette en France aujourd'hui, parce que nous avons collectivement sauvé l'économie française pendant la crise. Vous, madame Le Pen et vos députés, vous l'auriez abandonnée. Si l'économie française est debout, si elle est en croissance, si nous créons 2 millions d'emplois, c'est grâce à nos décisions – et nous en sommes fiers !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Vives exclamations sur les bancs du groupe RN.
S'il vous plaît, un peu de silence.
La parole est à Mme Chantal Bouloux.
Ma question s'adresse à monsieur le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Monsieur le ministre, il y a quelques semaines les laboratoires Servier faisaient connaître leur volonté de céder leur filiale Biogaran, leader français du marché des médicaments génériques. Biogaran, c'est plus de 900 médicaments référencés, soit 32 % des médicaments génériques commercialisés en France. Biogaran, c'est en outre 8 600 emplois directs et indirects à travers ses 39 sous-traitants. Biogaran est donc, en tant que fabricant de médicaments génériques, un actif stratégique, nécessaire à la souveraineté industrielle et sanitaire de notre pays.
La crise du covid-19 nous a montré l'importance capitale que revêt la fabrication de médicaments en quantité suffisante et à un prix abordable pour la santé de nos concitoyens. Le Premier ministre l'a rappelé en ces lieux mercredi dernier : ces raisons font que la vente de Biogaran intéresse la nation tout entière et que, de la part de l'État, la plus grande vigilance est de mise quant à une éventuelle reprise par un acteur économique étranger, alors que la France est devenue la nation la plus attractive d'Europe grâce à la politique menée par notre majorité depuis 2017.
Monsieur le ministre, à l'heure où la préservation de la souveraineté française et européenne fait figure de priorité absolue du Gouvernement depuis plusieurs années ,
M. Jean-Philippe Tanguy s'exclame
– quoi qu'en disent des oppositions toujours plus promptes à tenir des propos d'estrade qu'à adopter un discours de responsabilité – que comptez-vous faire afin que la vente de Biogaran n'affecte ni la souveraineté sanitaire, ni l'emploi ?
Applaudissements et « Excellent ! » sur les bancs du groupe RE.
La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Je partage votre appréciation de la situation de l'entreprise Biogaran et je regrette la décision prise par l'entreprise Servier.
Permettez-moi de rappeler, à mon tour, que Biogaran, c'est un générique sur trois en France. C'est donc…
…une sécurité d'approvisionnement. Biogaran, c'est 30 usines, soit 8 600 emplois, indispensable à la souveraineté de la France en matière de médicaments. Je veux donc dire les choses avec beaucoup de clarté et de fermeté.
Mme Marine Le Pen mime un joueur de pipeau.
Nous examinons toutes offres de reprises. Nous n'accepterons pas de repreneur qui ne garantisse la sécurité d'approvisionnement en médicaments génériques, le maintien des sites de production et les 8 600 emplois correspondant.
J'opposerai mon veto à toute offre de reprise qui ne s'accompagnerait pas de telles garanties. Voilà les positions que nous défendons pour la souveraineté industrielle et la souveraineté pharmacologique en France.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
La semaine dernière, le Conseil constitutionnel a accordé l'aide juridictionnelle aux étrangers en situation irrégulière.
Désormais, il revient donc à la solidarité nationale de financer la défense de ceux qui sont entrés illégalement sur notre territoire.
S'il n'appartient pas à l'exécutif de commenter la pertinence juridique des décisions du juge constitutionnel, il ne peut toutefois s'exempter d'en anticiper les conséquences politiques.
Monsieur le Premier ministre, alors que nos finances publiques sont au plus mal et que notre pays fait face à une pression migratoire que votre gouvernement n'arrive plus à juguler,…
…ma question sera simple : quelle est votre appréciation politique de cette décision qui aura des conséquences importantes, tant sur les flux migratoires que nous connaîtrons que sur nos finances publiques ?
On se rattrape comme on peut, madame la présidente ! J'étais à peine assis que le Premier ministre, toujours vigilant, m'a rappelé que zéro multiplié par deux est égal à zéro.
Applaudissements et exclamations sur les bancs du groupe RN.
Ce que j'ai voulu dire, c'est qu'il n'y avait aucun brouilleur – zéro – à une époque ; depuis, nous en avons installé beaucoup et nous allons doubler leur nombre.
Pour être tout à fait sérieux, si vous me posiez cette question dans la rue, je vous répondrais que le garde des sceaux ne peut pas faire l'analyse politique d'une décision du Conseil constitutionnel,…
…et que s'il le faisait, ce serait la fin des haricots. Ici, à l'Assemblée nationale, où il faut être sérieux en permanence,…
…je vous réponds que ce serait la fin de l'État de droit. Pour le reste, je tiens quand même à apporter une précision essentielle,…
…puisque la décision a été commentée : l'aide juridictionnelle existe déjà pour les étrangers en situation irrégulière en matière de contentieux pénal,…
…et le Conseil constitutionnel l'a étendue au contentieux civil qui est, en ce qui concerne ces étrangers, tout à fait résiduel.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
La portée de cette décision est donc finalement minime,…
…et c'est au nom, monsieur Marleix, du principe d'égalité devant la justice que le Conseil constitutionnel l'a prise. Je le répète : je suis respectueux, comme vous, des institutions,…
…et je ne peux pas la commenter. Voilà tout ce que je peux vous répondre.
Vous pouvez ne pas être satisfait par ma réponse, mais le garde des sceaux ne va pas se mettre à commenter les décisions du Conseil constitutionnel ; ce serait lunaire.
Changez la Constitution !
Les hommes sont égaux en droits mais pas devant la loi. D'ailleurs, si la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen reconnaît que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits », l'article 1
Ce qui les distingue, c'est la citoyenneté, seule garante de la solidarité nationale ,
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et RN
qui a permis d'octroyer l'aide juridictionnelle aux citoyens mais pas aux étrangers en situation irrégulière !
En abrogeant cette distinction, le Conseil constitutionnel a rendu une décision politique qui interpelle …
Applaudissements sur les bancs du groupe LR
…par son interprétation plus philosophique que juridique de nos textes fondamentaux, et par ses conséquences sur nos flux migratoires et sur nos finances publiques.
« C'est exact ! » sur les bancs du groupe LR.
Vous le savez, monsieur le garde des sceaux, il n'y a dans mon propos aucune forme de jugement. Je ne fais que dresser des constats, témoins d'une réalité qui dure et qui coûte aux Français ; nous devons réagir !
Les sages ont-ils perdu leur boussole en se mettant à faire de la politique ?
Mme Emmanuelle Anthoine applaudit.
Est-ce vraiment aux Français de payer les frais d'avocat des irréguliers qui enfreignent nos lois ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe RN.
Je ne pense pas qu'un étranger traverse la Méditerranée pour bénéficier de l'aide juridictionnelle et, je l'ai dit, le contentieux civil est tout à fait résiduel.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Voilà ma réponse, mais si vous souhaitez changer la Constitution sur ce point, proposez-le ! En tout état de cause, respectons le Conseil constitutionnel.
Tout d'abord, permettez-moi de déplorer ce matin l'annonce de la mort de quatre nouveaux otages, portant à quarante-trois le nombre d'otages morts dans la bande de Gaza ; nous souhaitons leur rendre hommage.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES.
Ayons une pensée pour ceux qui sont encore retenus ; deux d'entre eux sont des compatriotes français.
Jusqu'où ira la stratégie du massacre et de la riposte aveugle, la stratégie de la terre brûlée de celui que notre président appelle « cher ami Bibi » – Netanyahou – et de son gouvernement d'extrême droite ? Ce « cher Bibi », avec lequel M. Séjourné posait fièrement…
…juste avant que le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) ne réclame contre lui un mandat d'arrêt pour crimes contre l'humanité ! Je crains que la postérité ne soit pas tendre avec vous ni avec tous les aveugles au massacre.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et SOC et sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
C'est ce « cher ami » qui, pas plus tard que la semaine dernière, déclarait dans une interview à la télévision française que personne n'obligerait les 700 000 colons israéliens à quitter les colonies de Cisjordanie. Au lieu de le sanctionner, que faites-vous ? Votre gouvernement reçoit son ministre des affaires étrangères avec les honneurs. Que M. Séjourné souhaite se déshonorer de la sorte, c'est son problème, mais il n'a pas le droit de déshonorer la France !
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
Alors, à quand les visites en grande pompe du criminel Lavrov ou d'un ministre iranien, puisque votre diplomatie donne du « Bibi » à un mis en cause pour actes de génocide et décore le président égyptien Sissi,…
…dont le bilan est le plus effroyable du Proche-Orient ? Vous avez relégué la diplomatie française au rang de spectatrice ; vous avez avili la position de la France
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES
au point d'apparaître de par le monde comme un soutien du génocide. Pour quel résultat ?
Si M. Séjourné était ministre des affaires étrangères au lieu d'être ministre étranger aux affaires ,…
Exclamations sur quelques bancs du groupe RE
…je lui poserais plusieurs questions. Quand allez-vous interdire les produits issus des colonies ? Quand allez-vous dénoncer l'accord d'association entre l'Union européenne et Israël ? Quand allez-vous reconnaître l'État de Palestine ? Quand, enfin, allez-vous honorer la voix singulière de la France ?
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES.
Par conséquent, je pose la question au ministre Barrot et je prends à témoin les Français : comme d'habitude, vous ne répondrez pas et vous lirez vos fiches.
Mêmes mouvements.
Vous savez comme nous, je pense, que tous les membres de cette assemblée sont profondément choqués et attristés par le sort des civils, en particulier les enfants, dans la bande de Gaza. Nous ne faisons pas de différence entre les vies humaines, de part et d'autre de la frontière, et nous sommes entièrement attachés…
…à faire cesser cette situation. Si vous l'êtes aussi la meilleure des choses à faire, ce n'est pas de violer les usages de cette assemblée, en brandissant un drapeau ou en s'accoutrant d'une manière qui contrevient à son honneur.
Exclamations sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Ce qu'il faut faire, c'est plutôt tenir un discours clair, comme la France le fait depuis le 7 octobre dernier, qui dénonce les comportements du Hamas pour ce qu'ils sont tout en mettant une pression maximale sur le gouvernement israélien. Je l'ai dit tout à l'heure, nous avons, au niveau national et au niveau européen, prononcé des sanctions à l'encontre des colons extrémistes et violents ;…
Un colon qui ne l'est pas, ça n'existe pas ! La colonisation est toujours extrémiste et violente !
…nous avons été l'un des premiers pays à défendre l'indépendance du procureur de la Cour pénale internationale, lorsqu'il a émis des réquisitions à la fois contre le Hamas et contre Benyamin Netanyahou, sans que cela n'entraîne d'équivalence entre les deux. Bien sûr que Stéphane Séjourné reçoit les représentants de la diplomatie israélienne !
Sinon, il serait coupable de ne pas le faire – si la France veut jouer son rôle dans la région, elle doit le faire. Enfin, comme nous l'avons dit, nous avons pour objectif, le moment venu, d'aboutir à la reconnaissance de l'État de Palestine ,
« Quand ? » sur les bancs du groupe Écolo – NUPES
car notre objectif est la paix durable dans la région, qui passe par une solution à deux États.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
…loin du fantasme isolationniste de certains. Depuis hier, des barrages sont réapparus à la frontière franco-espagnole, à l'initiative d'agriculteurs qui protestent notamment contre des concurrences déloyales et les prix de l'énergie. À quelques jours des élections européennes, ces blocages sont autant de messages envoyés au Parlement européen et à la future Commission pour qu'ils poursuivent leur action protectrice de notre agriculture.
Monsieur le ministre de l'agriculture, par votre action et celle conduite depuis 2017, le Gouvernement a toujours mis l'agriculture au premier plan des préoccupations françaises dans les négociations européennes.
Cela a permis le maintien du budget de la PAC et des avancées concrètes, lors de la présidence française du Conseil de l'Union européenne en 2022, sur la réciprocité des normes et les clauses miroirs, mais aussi l'harmonisation des exigences à l'échelle européenne.
Le 13 mai dernier, les États membres de l'Union européenne ont approuvé le règlement de simplification des règles de la PAC, adopté par le Parlement européen à l'issue d'une procédure d'urgence. Ce texte, poussé par la France, constitue le pendant européen des soixante-sept engagements pris par le Gouvernement au début de l'année, dont les deux tiers sont d'ores et déjà tenus – par exemple, l'abandon de la hausse du GNR. Il démontre que l'Union sait prendre des décisions rapides et concrètes pour nos territoires.
Cependant, beaucoup de travail reste encore à accomplir pour protéger nos agriculteurs et leur garantir une juste rémunération. Quelles sont les positions que vous soutiendrez à l'échelle européenne, monsieur le ministre, en matière agricole, et quelles sont les marges de manœuvre dont vous disposez pour la prochaine révision du plan stratégique national ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
La politique agricole commune, c'est l'un des fondements de la construction européenne ; depuis plus de soixante ans, elle s'emploie à relever le défi de la souveraineté alimentaire et agricole. Qu'avons-nous fait depuis 2017 ? La PAC est d'abord un budget, que nous avons réussi à préserver quand le Brexit le menaçait fortement. C'est le premier point : nous avons maintenu et préservé le budget de la PAC.
Deuxièmement, nous avons fait en sorte que les accords commerciaux en cours ou à venir comportent des clauses miroirs, en vertu du principe de réciprocité. C'est d'ailleurs le cas s'agissant du Ceta et c'est ce qui a justifié la position française concernant le Mercosur : nous n'acceptons pas un accord qui ne respecte pas certaines clauses de réciprocité, en particulier sur la question climatique.
Troisièmement, à la demande des mouvements d'agriculteurs qui se sont développés dans toute l'Europe, nous avons pris des mesures de simplification, notamment en matière de conditionnalité : nous avons fait en sorte que les règles introduites puissent accompagner la transition environnementale sans entraver le potentiel de production agricole.
Que nous reste-t-il alors à faire ? Nous devons d'abord aller plus loin s'agissant des mesures de réciprocité et veiller à ce que chaque accord intègre la question des conditions de production, pour éviter d'exposer nos agriculteurs à une concurrence trop déloyale.
Ensuite, nous avons besoin d'approfondir la simplification, à la fois dans le PSN en cours et dans les PSN à venir, à partir de 2027. Nous travaillons en outre sur deux sujets : la règle de minimis agricole, qui plafonne les aides que l'on peut apporter – or on sait combien les crises nécessitent d'octroyer des aides nombreuses aux agriculteurs ; et ce que l'on appelle la moyenne olympique de rendement, à partir de laquelle est calculée l'indemnisation de l'assurance récolte. Ce dernier travail est en cours ; nous avons obtenu un accord au niveau européen mais nous devons avancer sur la question.
Enfin, en vue de la future PAC, celle qui commencera en 2027, nous devons promouvoir des mesures qui permettent d'accompagner la résilience climatique, géopolitique et économique. Il faut dès à présent s'y préparer.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Ma question s'adresse à M. le ministre des armées, qui est malheureusement absent.
Le 27 mai dernier, le chef d'état-major ukrainien a annoncé que des instructeurs militaires français se rendront « prochainement » en Ukraine. « J'ai signé les documents qui permettent aux premiers instructeurs français de se rendre bientôt dans nos centres de formation et de se familiariser avec nos infrastructures », a-t-il ajouté.
Nous nous sommes depuis longtemps prononcés pour que l'aide de la France à l'Ukraine face à l'invasion russe – invasion condamnable et condamnée – prenne notamment la forme d'actions de formation des troupes ukrainiennes, et nous soutenons celles qui se déroulent actuellement en France ou en Pologne. Nous saluons l'engagement des armées françaises dans ces missions.
En revanche, cette annonce unilatérale interroge les députés que nous sommes, comme d'ailleurs des millions de nos compatriotes. L'envoi de militaires français, sous uniforme français, dans un pays en guerre, marquerait évidemment un pas supplémentaire dans l'implication de la France dans ce conflit. Le Président de la République avait déjà dit que cette possibilité ne devait pas être exclue ; manifestement, elle est en passe de devenir réalité. Certes, pour l'instant, les Ukrainiens n'ont évoqué que la formation mais bien évidemment, du fait du « brouillard de la guerre » dont parlait Clausewitz, il apparaît que l'envoi de troupes françaises dans un pays en guerre implique un risque fort de cobelligérance.
Nous nous étonnons de voir cette information nous parvenir par l'intermédiaire du chef d'état-major ukrainien. Pouvez-vous nous confirmer ces annonces ? Dans ce cas, quel volume de troupe serait concerné ? Pouvez-vous aussi confirmer qu'il ne s'agirait que d'actions de formation ? Quelles règles d'engagement régiraient l'emploi de nos soldats ? Enfin, comment comptez-vous prévenir tout risque de cobelligérance ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Vous l'avez dit, la formation de soldats ukrainiens n'a rien de nouveau. Depuis le début de la guerre, la France apporte son soutien à l'Ukraine en formant des soldats ukrainiens sur le sol français. Plus de 10 000 ont d'ores et déjà été formés par la France.
Par ailleurs, les vingt-sept chefs d'État et de gouvernement que le Président de la République a réunis le 26 février ont décidé de réfléchir à la manière dont ils pourraient former des soldats ukrainiens, le moment venu, sur le sol ukrainien et dont ils pourraient participer ensemble à des opérations de déminage ou encore à la production de munitions sur le sol ukrainien. Toutefois, à ce stade, aucune formation n'est assurée par des soldats français directement sur le sol ukrainien. Nous continuons à en discuter avec nos partenaires européens et avec l'Ukraine.
Je suis un peu surpris : je vous entends condamner la guerre d'agression russe en Ukraine, alors qu'au Parlement européen, Jordan Bardella n'a voté ni pour les sanctions européennes contre la Russie ,
Exclamations prolongées sur les bancs du groupe RN
ni pour la dénonciation de la détention et de l'assassinat politique d'Alexeï Navalny, ni pour le soutien aux réfugiés ukrainiens et à leurs enfants, ni pour le soutien civil et militaire à l'Ukraine. C'est à se demander dans quel camp vous êtes : celui de la résistance ou celui de Vladimir Poutine ? Celui de la démocratie ou celui de la dictature ?
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Ce n'est pas comme ça que vous allez récupérer des voix dimanche, monsieur le ministre !
Monsieur le Premier ministre, à l'automne dernier, le Gouvernement avait présenté et fait adopter une réforme des ZRR. L'Assemblée nationale n'ayant pu en débattre, c'est le Sénat qui avait adopté un texte, sur les effets duquel j'avais immédiatement donné l'alerte : il faisait sortir du dispositif de très nombreuses communes réellement rurales, tout en y incluant des agglomérations ; c'était une confusion malheureuse entre ruralité et province, qui font pourtant face à des enjeux bien différents.
Depuis, j'ai travaillé avec Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, et vous-même pour améliorer la réforme proposée et en corriger les inégalités, voire les absurdités. Je tiens à saluer tous ceux qui, dans mon département, le Cher, ont mené la bataille à mes côtés, en particulier Pierre Grosjean, conseiller départemental, et Sophie Gogué, présidente d'une communauté de communes, ainsi que les maires de toutes les communes de ma circonscription concernées par une possible sortie. Je veux également saluer l'attention que vous accordez à nos petites communes rurales, qui font le cœur de notre pays.
La ruralité a besoin de politiques publiques ciblées qui accompagnent son développement. Face aux enjeux du développement économique et, peut-être plus encore, de la lutte contre la désertification médicale et pour l'égal accès aux soins partout sur le territoire français, nos communes rurales ont besoin d'outils. Les ZRR sont l'un d'eux, notamment parce qu'elles offrent des leviers de défiscalisation. Dans certaines communes qui devaient sortir du dispositif au cours des semaines qui viennent, les perspectives d'installation de professionnels médicaux ou paramédicaux étaient déjà remises en cause, alors même que nous en avons cruellement besoin.
Conscient que vous avez déjà entendu bon nombre de ces arguments, je vous pose une question simple : comment comptez-vous corriger la réforme ? Que pouvez-vous dire à Baugy, à Saint-Germain-des-Bois, à Raymond, à toutes ces petites communes rurales qui étaient censées quitter le dispositif ?
Nous partageons très largement ici une volonté commune : accompagner la France des villages et de la ruralité, la France de tous les territoires ; faire en sorte qu'elle se développe, que les commerces y restent ou y reviennent ; faire en sorte que les jeunes de la France rurale aient les mêmes chances que les jeunes des centres-villes ; répondre aux grandes questions qui se posent, notamment l'accès aux soins dans ces territoires.
Depuis 2017, nous avons engagé beaucoup de choses. Nous avons lancé les programmes Petites Villes de demain et Villages d'avenir. Dans chacune de vos circonscriptions, des communes ont reçu ce label et bénéficient des mesures qui lui sont associées. Nous avons investi massivement pour redynamiser les centres-bourgs grâce au plan Action cœur de ville, qui est un succès.
Nous avons doublé les crédits dédiés à la dotation pour la protection de la biodiversité et la valorisation des aménités rurales. Dans quelques jours, les communes qui verront leur dotation augmenter et celles qui en bénéficieront désormais en seront informées. Nous avons créé 2 700 espaces France Services.
Nous poursuivons cet effort : conformément à ce qu'a annoncé le Président de la République, il y en aura 3 000 en 2027. Nous soutenons tout ce qui permet de faciliter l'accès aux soins, notamment les projets de maisons de santé et les médicobus.
Depuis 2018, nous avons doublé le budget consacré aux ZRR. Nous accompagnons les petites communes dans leurs projets et les habitants dans leur vie quotidienne, notamment grâce au plan France ruralités.
Au cœur de France ruralités, il y a la réforme des ZRR. Je vais être très transparent avec vous : j'ai découvert cette réforme au moment où j'ai été nommé Premier ministre. Elle avait été conduite par le précédent gouvernement – dans lequel j'étais ministre de l'éducation nationale – à l'automne 2023, dans le cadre de l'examen du budget pour 2024. Dominique Faure avait beaucoup consulté à l'époque. Je rappelle que cette réforme avait été adoptée à l'unanimité par le Sénat, tous les groupes politiques du Sénat ayant voté en sa faveur.
Après cette réforme, près de 18 000 communes, soit 2 000 de plus qu'auparavant, bénéficieront du dispositif. Cela veut dire qu'elles recevront davantage de moyens en faveur de l'attractivité et de l'emploi, que des médecins et des commerçants bénéficieront d'exonérations fiscales et sociales.
Le zonage et les critères de l'ancien dispositif faisaient l'objet de critiques régulières. De nombreux élus plaidaient pour une évolution de ces critères afin de faire entrer dans le dispositif telle ou telle commune qui devait, selon eux, bénéficier d'une ZRR. C'est pourquoi le gouvernement précédent a mené cette réforme, qui a permis de faire entrer 2 000 communes dans le dispositif. Le problème est qu'en application des nouveaux critères, quelque 2 000 autres communes devaient en sortir.
Je l'ai dit, j'ai découvert le problème au moment de ma prise de fonctions. J'ai été interpellé par de nombreux parlementaires : vous-même, monsieur Kervran, mais aussi d'autres députés de la majorité présidentielle, notamment Mme Brulebois, M. Rebeyrotte, M. Dirx.
J'ai aussi été sollicité au Sénat par le groupe RDPI. Mme Rachida Dati, qui n'est pas élue d'un territoire rural mais qui fait beaucoup pour la culture dans les territoires ruraux, notamment dans le cadre du Printemps de la ruralité, s'est fait l'écho de parlementaires et d'élus ruraux à ce sujet.
Le 15 mai, le député Jérôme Nury
« Ah ! » sur les bancs du groupe LR
m'a interrogé sur la réforme des ZRR lors des questions au Premier ministre. J'ai alors pris deux engagements : d'une part, la commune de Briouze, située dans sa circonscription, continuerait à bénéficier d'une ZRR ; d'autre part, j'annoncerais rapidement ma décision.
Dans ma déclaration de politique générale, j'avais annoncé quelle serait ma méthode : examiner lucidement ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas ; reconnaître – ce qui est plutôt sain – que nous pouvons parfois prendre des décisions erronées ou mener des réformes qui ne fonctionnent pas ; lorsque tel est le cas, en tirer les conséquences en revenant en arrière.
Conformément à cette méthode, après plusieurs semaines d'échanges et de travaux, je vous annonce que j'ai décidé de maintenir dans le dispositif des ZRR les 2 200 communes qui devaient en sortir en application de la réforme.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LR.
Ces 2 200 communes continueront donc à bénéficier des exonérations fiscales et sociales dont elles bénéficient actuellement. Cela vaut pour les commerces déjà en place comme pour les commerces qui s'installeront à l'avenir. Ces 2 200 communes s'ajouteront aux 18 000 communes bénéficiaires. Autrement dit, grâce à cette décision, le dispositif concernera 2 200 communes de plus qu'avant la réforme. Il n'y aura aucune commune perdante ; il n'y aura que des communes gagnantes.
Il n'y aura pas non plus de rupture dans le temps : aucune commune, aucun commerce, aucun professionnel ne cessera de bénéficier des exonérations au 1er juillet – contrairement à ce que prévoyait la réforme adoptée dans le cadre du dernier budget.
Ma décision de maintenir ces 2 200 communes dans le zonage s'applique dès à présent et sera traduite dans les prochains textes financiers. J'espère que vous les soutiendrez, puisque vous soutenez cette mesure importante pour notre ruralité.
Cette décision est juste et utile. Elle est essentielle pour l'attractivité de nos communes rurales. Aucune commune ne sera laissée sur le bord de la route. Telle est ma méthode : écouter ; être lucide, y compris quand des choses ne fonctionnent pas ; quand des choix que nous avons faits doivent être remis en cause, en tirer les conséquences, au bénéfice de nos concitoyens.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem ainsi que sur quelques bancs du groupe LR.
Madame la ministre du travail, je me suis rendue ce matin à la gendarmerie de Folschviller, en Moselle, où était convoqué le syndicaliste CGT Christian Porta. L'intéressé est victime d'une répression syndicale totalement délirante de la part de la direction du groupe InVivo. Et pour cause : il est l'homme à abattre, en tant que représentant syndical qui a permis des luttes victorieuses dans l'entreprise, débouchant sur des embauches en CDI et une réduction du temps de travail.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Le patron est prêt à tout pour le faire tomber : mise à pied, licenciement. Or le licenciement dont il a fait l'objet est illégal, ce qui a été acté par l'inspection du travail, par le conseil de prud'hommes et par le tribunal judiciaire. Pourtant, l'entreprise persiste ; nous avons là un patronat radicalisé, un patron voyou qui se croit au-dessus des lois.
Mêmes mouvements.
Récemment, trois autres salariés ont été mis à pied et Christian Porta a été convoqué pour une garde à vue. En prêtant le concours de la force publique, l'État se rend complice de la répression syndicale. La situation est désormais ubuesque et inédite : la présidente du tribunal judiciaire a saisi le procureur de la République, sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale, pour entraves graves au droit syndical.
Cette répression n'est pas le fruit du hasard, car les luttes sociales sont nombreuses et font trembler le patronat. Celui-ci affiche alors du mépris, comme à Biogroup Lorraine, où aucune négociation n'est ouverte malgré des jours de grève ,
Mêmes mouvements
ou pratique des intimidations qui vont jusqu'au piétinement du droit, comme dans l'affaire Porta.
Quand des salariés entrent en lutte, ils le font non seulement pour défendre leurs droits, mais aussi pour sauver des emplois et des entreprises. À ce titre, ils sont en première ligne du combat que vous devriez mener. Ascometal, MetEx, MA France… L'État ferait mieux de s'inspirer des travailleurs qui cherchent à sauver leur boîte. Ce sont les salariés qui luttent pour la réindustrialisation de la France, pas le Gouvernement !
Mêmes mouvements.
Qu'allez-vous faire pour défendre Christian Porta ? Qu'allez-vous faire pour défendre les droits syndicaux ? Qu'allez-vous faire pour obliger les patrons voyous à respecter la loi ?
Mmes et MM. les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent.
La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Merci pour votre question.
La semaine dernière, vous m'aviez interrogée à la sortie de l'hémicycle sur la situation de l'entreprise Biogroup. J'ai immédiatement saisi la direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités afin que l'on examine les difficultés sur lesquelles achoppent les négociations annuelles dans cette entreprise. Vous l'avez relevé, il y a un sujet, qui peut être ramené tout simplement à une question de partage de la valeur. Pendant la période du covid-19, nous le savons tous, les laboratoires ont déployé une activité considérable, qui a été à l'origine de retours financiers élevés. Quand de la valeur est créée, il importe qu'elle puisse être partagée. Voilà quelle a été ma démarche à la suite de notre entretien.
J'en viens au représentant du personnel que vous venez d'évoquer. Je ne connais pas le dossier ; vous m'apprenez ce qu'il vient de se passer. Vous comprendrez que je ne me prononce pas sur un cas particulier que je ne connais pas. En revanche, je peux vous dire que le droit syndical est, dans notre pays, un droit acquis et qu'il doit être respecté. J'ai bien noté qu'une procédure avait été engagée sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale. Il ne m'appartient évidemment pas de me prononcer sur une telle affaire. Il n'en reste pas moins vrai qu'en ma qualité de ministre du travail, je suis là pour rappeler que chaque délégué élu par le personnel doit pouvoir exercer la mission qui est la sienne dans l'entreprise.
Vous avez un rôle à jouer dans cette affaire. Il faut agir immédiatement, car ce salarié et ses collègues sont en danger. Le patron est en train de piétiner le droit du travail ; il faut lui rappeler le droit !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Madame la ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles, hier, la commission d'enquête sur le modèle économique des crèches et la qualité d'accueil des jeunes enfants au sein de leurs établissements a rendu public le rapport, comportant soixante-treize recommandations, que je lui ai remis.
Le constat est sans appel : la dégradation de la qualité d'accueil tire ses origines d'un modèle défaillant. En raison du sous-dimensionnement de la prestation de service unique – dont la complexité kafkaïenne pousse au remplissage des crèches – et d'un mécanisme de réservation de berceaux qui ont fait émerger des pratiques commerciales d'autant plus inacceptables qu'elles sont financées par de l'argent public, l'égalité d'accès et la qualité d'accueil promises par un service public ne sont plus assurées.
En lançant une mission de contrôle des groupes privés exploitant des crèches et, surtout, en décidant de revaloriser les salaires des professionnels, vous avez manifesté, madame la ministre, votre engagement pour un sursaut qualitatif dans l'accueil du jeune enfant.
Je tiens particulièrement à saluer cette seconde mesure. La qualité d'accueil des enfants dépend en effet principalement des professionnels présents, en pratique majoritairement des femmes. Améliorer leurs conditions de travail et revaloriser leurs salaires est déterminant pour garantir que nos enfants s'épanouissent et réalisent toutes leurs potentialités.
Les conclusions de la commission d'enquête appellent à poursuivre la construction du service public de la petite enfance. Pour ce faire, la réforme profonde du modèle économique actuel – qui doit permettre un juste financement –, la hausse du taux d'encadrement dans les crèches – pour atteindre un adulte pour cinq enfants – et la mobilisation générale des départements pour renforcer les contrôles dont ils ont la charge, apparaissent indispensables.
Les scientifiques sont unanimes : les 1 000 premiers jours de l'enfant constituent une période charnière pour la construction de l'adulte de demain. Un euro investi dans la petite enfance, c'est plusieurs euros économisés plus tard.
Comment envisagez-vous de mettre en pratique les recommandations du rapport de la commission d'enquête pour garantir la qualité d'accueil de nos jeunes enfants, aussi bien à court terme que dans le cadre de la prochaine convention d'objectifs et de gestion en 2027 ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles.
Je tiens d'abord à vous féliciter, madame la députée, pour la qualité du rapport que vous avez écrit avec le député Thibault Bazin ; d'excellente facture, il contient des recommandations très concrètes.
Dès nos prises de fonctions, Catherine Vautrin et moi-même avons engagé la revalorisation des salaires des professionnels de la petite enfance, à hauteur de 150 euros net mensuels en moyenne. En effet, comme vous, nous considérons que la qualité d'accueil des enfants dépend des conditions de travail des salariés du secteur.
Dans le cadre des dispositions de la loi pour le plein emploi, nous avons aussi mené des contrôles massifs des groupes, quel que soit leur statut, privé, public ou associatif – statut ne fait pas vertu –, exploitant des crèches. Nous n'avons rien de plus précieux que nos enfants !
À moyen terme, pour faire suite aux alertes émises par l'Inspection générale des affaires sociales, nous prendrons des décrets de suppression du statut dérogatoire dont bénéficient les microcrèches. Nous démultiplierons les travaux de contrôle menés par la protection maternelle et infantile et les caisses d'allocations familiales et nous améliorerons leur coordination. Nous travaillons sur un référentiel commun : il convient de changer le regard des PMI et de les aider à passer d'un contrôle exclusivement sanitaire à un rôle d'accompagnement et de soutien humain.
Vous nous avez alertés par ailleurs sur l'existence de certificats d'aptitude professionnelle petite enfance dont les enseignements sont entièrement donnés à distance. Nous serons vigilants sur ce point.
Nous souhaitons aussi améliorer le crédit d'impôt famille et nous poursuivons la politique de création de places en crèches.
Enfin, nous nous appuyons sur le comité de filière petite enfance afin de mener une grande campagne de promotion des métiers du lien. Plus que jamais, nous avons besoin d'attirer dans ce secteur.
Voilà les actions déjà engagées, qui sont menées dans un souci constant de qualité et qui bénéficient de moyens financiers : 6 milliards d'euros dans le cadre de la convention d'objectifs et de gestion 2023-2027.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures quarante-cinq.
Suite de la discussion d'un projet de loi
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'article 5. Deux orateurs par groupe ont pu exprimer des opinions différentes.
Par cet article 5, vous voulez légaliser le suicide assisté et l'euthanasie en les introduisant dans le code de la santé publique. Cela semble en totale contradiction avec les autres dispositions dudit code et ses principes fondateurs qui font sens pour le métier des soignants, orientés vers le soin, le secours, la protection, sans acharnement thérapeutique et sans provoquer la mort.
Avant d'exercer, ces soignants ont prêté serment : « Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais la mort délibérément. »
En venant bouleverser la nature du lien soignant-soigné, ne risque-t-on pas de susciter une crise des vocations pour ces métiers du soin ? Dans quelle mesure cette légalisation ne menace-t-elle pas le développement des soins palliatifs qui ont stagné, voire régressé, dans les pays au sein desquels l'euthanasie ou le suicide assisté ont été légalisés ? L'inquiétude est légitime.
Par l'alinéa 7, vous voulez dépénaliser l'euthanasie en prévoyant que les actes envisagés seront autorisés au sens de l'article 122-4 du code pénal. Vous prévoyez donc une irresponsabilité pénale.
Au-delà des incidences juridiques, mesure-t-on les conséquences humaines et sociales de la négation du principe fondateur selon lequel on ne donne pas la mort ? Devons-nous renoncer au principe d'inviolabilité de la vie humaine ? Je ne le crois pas.
Je suis surtout inquiet pour les personnes qui n'auront pas accès aux soins palliatifs. Si ce projet de loi entre en vigueur d'ici à trois ans, cet accès ne sera alors pas garanti pour tous ceux qui en auront besoin. Peut-on accepter de leur laisser pour seul choix celui de demander le suicide assisté ou l'euthanasie ? Ce serait une fausse liberté qui pénaliserait davantage les plus vulnérables.
Allons-nous obliger chaque personne malade à s'interroger sur la valeur de la vie, à penser qu'elle pourrait représenter un poids ? Cette question ne se posait pas jusqu'à présent mais elle surgira, indubitablement, si le suicide assisté et l'euthanasie étaient autorisés, comme le prévoient l'article 5 et les suivants – encore plus inquiétants. Quelles seraient alors les conséquences d'un tel glissement pour les personnes fragiles, vulnérables et en situation de handicap ? Évitons d'en arriver là.
Avec ces amendements, nous en arrivons au cœur du titre II. L'article 5 pose en effet la question de la rupture majeure que constituerait le fait d'autoriser à donner la mort.
Madame la ministre, vous souhaitez, par cet article, dépénaliser et, par voie de conséquence, légaliser le suicide assisté et l'euthanasie.
Nous nous interrogeons d'autant plus sur cette perspective que, nous le savons – c'est même l'une des questions cruciales qui animent nos débats –, certains de nos concitoyens, 400 à 500 par jour semble-t-il, n'ont pas accès aux soins palliatifs en raison de la structuration de l'offre de soins.
Par conséquent, si le titre II du projet de loi entre en application, le risque est que certaines personnes en viennent à faire le choix du suicide assisté ou de l'euthanasie parce qu'elles n'ont pas accès aux soins palliatifs. Ce point crucial rappelle que des mesures devraient être en prises en amont d'une telle décision.
D'ailleurs, comme l'a rappelé M. Guedj, la question de la dépendance, pourtant très importante à mes yeux, n'a absolument pas été traitée. Dès lors, le choix du Gouvernement de nous soumettre un tel projet de loi suscite, j'y insiste, une profonde interrogation et nous aurions aimé obtenir, au préalable, certaines garanties.
Pour toutes ces raisons, il nous semble sage de procéder à une suppression pure et simple de cet article.
La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l'amendement n° 388 .
Nous demandons la suppression de cet article clé – comme d'ailleurs de l'ensemble du titre II – qui définit, sans les nommer, le suicide assisté et, par exception, en cas d'impossibilité physique, l'euthanasie. Il prévoit que les soignants jouent un rôle d'accompagnement ou d'assistance dans les situations de mort provoquée et qu'une personne majeure soit associée à la démarche, certes sans rémunération ni gratification. D'ailleurs, cette gratuité pourrait s'appliquer aux soignants eux-mêmes, comme l'avait suggéré notre collègue Philippe Juvin.
Tout pose problème dans cet article, à commencer par l'implication du corps médical que la perspective de cette loi traumatise. La clause de conscience ne résout évidemment pas tout car le franchissement éthique que représente la mort provoquée a une incidence sur l'ensemble du corps médical, la logique même du soin s'en trouvant profondément modifiée, surtout lorsque, au sein d'un même service, coexistent les soins palliatifs et la mort provoquée – puisque vous ne voulez pas d'une clause de conscience d'établissement.
Deuxièmement, la personne chargée d'administrer le produit létal pourra être un membre de la famille. Au passage, je note une nouvelle fois que l'article 5 entre en contradiction avec l'article 11, qui laisse le choix entre suicide assisté et euthanasie.
Au franchissement éthique s'ajoute l'affranchissement pénal, comme l'indique l'alinéa 7. Ce n'est pas la moindre des dispositions de cet article. Elle interpelle d'autant plus qu'elle concerne les plus fragiles d'entre nous : les malades et les personnes âgées.
Le titre II est d'autant moins acceptable que la France, nous le savons – nous l'avons dit lors de l'examen du titre Ier – est très en retard en matière de couverture du territoire en soins palliatifs. En outre, les personnes que rien ne peut soulager sont en réalité extrêmement peu nombreuses. Comme je l'ai déjà dit, nous préparons en quelque sorte une loi d'exception.
Pour toutes ces raisons, je souhaite, comme d'autres collègues, la suppression de l'article 5.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 563 .
Dans l'article 5, vous refusez de nommer le réel tel qu'il est, comme si l'aide à mourir pouvait effacer la réalité de l'euthanasie et du suicide assisté que vous souhaitez légaliser. Certains, ici, tentent d'ailleurs de bannir ces mots de nos bouches, tantôt en invoquant le III
La vérité, c'est que ni l'histoire ni Platon n'ont le pouvoir de changer les réalités que vous convoquez dans l'hémicycle et dont vous portez la responsabilité. La première, celle du suicide assisté, consiste bien à autoriser – en l'accompagnant – une personne qui en a exprimé la demande à recourir à une substance létale afin qu'elle se l'administre pour se donner la mort. La seconde, celle de l'euthanasie, suppose que la personne qui souhaite mourir demande à un tiers de lui administrer la dose létale.
Ces deux réalités représentent les deux facettes d'un même refus : celui de ne pas vouloir tout mettre en œuvre pour – je le redis et continuerai de le marteler – supprimer la souffrance et non la personne qui souffre. Ce refus coupable se sert de la peur de souffrir, ô combien légitime et compréhensible, pour rendre acceptable l'inacceptable : faire de la mort une solution individuelle et collective.
C'est grave parce que cela témoigne d'un abandon, comme si notre société tout entière se lavait les mains des souffrances endurées par le malade au lieu de se saisir du problème et de se battre et, plus encore, de tout mettre en œuvre pour que la personne en fin de vie soit persuadée, et même sûre, qu'elle a du prix à nos yeux. Une telle certitude disparaît avec l'article 5, c'est pourquoi je m'y opposerai.
Nous reviendrons longuement au cours du débat sur la légalisation du suicide assisté et de l'euthanasie. Nous nous interrogerons ainsi sur la liberté et ses limites, sur le caractère fluctuant de la demande de mort qui masque parfois des besoins qui ne sont pas formulés ou encore sur les enjeux liés à la procédure.
Au cours des débats d'hier, plusieurs orateurs ont confondu le suicide assisté, tel qu'il est prévu par ce projet de loi, avec le dispositif prévu par la loi Claeys-Leonetti, en considérant que ce nouveau texte n'était qu'une variation autour de la loi de 2016.
J'insisterai sur les caractéristiques qui différencient la sédation profonde, prévue par la loi Claeys-Leonetti, de l'euthanasie, rendue possible par ce texte. Tout d'abord, les intentions ne sont pas identiques puisque la première vise à soulager une souffrance réfractaire alors que la seconde vise à répondre à une demande de mort.
Ensuite, les moyens ne sont pas les mêmes. Dans le premier cas, on altère profondément la conscience tandis que, dans le deuxième, on provoque la mort.
De même, s'agissant de la procédure, la loi de 2016 prévoit l'emploi d'un médicament sédatif alors que votre mesure repose sur l'utilisation d'un médicament à dose létale.
Les deux modèles diffèrent également sur le plan du résultat : le processus défini par la loi Claeys-Leonetti se poursuit jusqu'au décès dû à l'évolution naturelle de la maladie alors que vous nous demandez de provoquer la mort immédiate du patient.
Les dispositifs se distinguent enfin du point de vue de leur durée : dans celui de 2016, la mort survient dans un délai qu'on ne peut prévoir alors que, dans celui dont nous discutons, elle est provoquée rapidement par un produit létal.
Il existe donc de vraies différences entre les dispositions que vous proposez et celles qui avaient été introduites par la loi Claeys-Leonetti. Je tiens à ce que chaque député, quel que soit son choix au moment du vote, en soit bien conscient.
Je vous annonce d'emblée que je retire cet amendement parce que, même si je ne suis pas favorable à cet article, je souhaite que le débat se poursuive.
J'exprime à présent mes réserves. Premièrement, comme on l'a dit, la loi Claeys-Leonetti n'est pas pleinement appliquée puisque 400 000 personnes ont besoin de soins palliatifs alors que seuls 200 000 y ont accès. Si je salue bien sûr le plan quinquennal que vous avez évoqué, à mes yeux, il n'est pas possible de parler de l'aide à mourir tant que tout le monde n'aura pas réellement accès aux soins palliatifs.
Deuxièmement, si l'on écoute les soignants, on se rend compte qu'ils sont très réticents, en particulier ceux qui travaillent dans les services de soins palliatifs – même si on trouvera bien sûr toujours des contre-exemples –, cela parce qu'ils se trouvent au cœur du dispositif et auront la responsabilité de valider ou de déclencher l'aide à mourir. C'est une charge mentale qui s'ajoutera pour eux.
La troisième raison tient aux principes. L'éthique commence là où s'arrête le droit. Le pas en avant que vous proposez ne changera pas grand-chose en pratique parce que ce nouveau droit est très encadré – je sais que l'intention du Gouvernement est de prolonger le dispositif de la sédation profonde et continue. En revanche, il ouvre une brèche qui conduira immanquablement – nous l'avons d'ailleurs déjà constaté lors de la discussion de certains amendements en commission spéciale – à envisager, à l'avenir, d'autres évolutions que je n'approuve pas.
Mme Maud Gatel applaudit.
L'amendement n° 962 est retiré.
La parole est à Mme Justine Gruet, pour soutenir l'amendement n° 1191 .
La loi Claeys-Leonetti répond très bien aux besoins des personnes pour lesquelles le pronostic vital est engagé à court terme. Les professionnels n'osent pas toujours s'en saisir, par manque de connaissances ou de formation.
Le titre II du présent projet de loi vise à répondre au souhait des personnes qui veulent mourir, en se plaçant du côté de l'individu qui peut disposer librement de son corps. Cela peut s'entendre mais le vrai désaccord de fond réside dans l'intentionnalité.
Le débat se situe bien sur le plan éthique, ce qui me conduit à interpeller la représentation nationale. Si une tierce personne doit intervenir lorsque quelqu'un demande à bénéficier de l'aide à mourir sans que son pronostic vital soit engagé, cela crée une vraie rupture anthropologique. Si la personne procède à une auto-administration d'une substance létale, cela signifie que l'on installe un nouveau référentiel pour les soignants comme pour les patients.
Avec ce changement de paradigme, on choisit la facilité puisqu'on préfère ouvrir un nouveau droit plutôt que de relever le défi que constitue l'accompagnement des personnes les plus vulnérables sur l'ensemble du territoire. C'est pourquoi, en tant que législateur, nous devrions nous atteler à protéger plus qu'à libérer. Tel est le sens de cette demande de suppression d'article.
La parole est à Mme Sandrine Dogor-Such, pour soutenir l'amendement n° 1327 .
Ni l'euthanasie ni le suicide assisté ne relèvent du soin. M. Martin nous l'a dit la semaine dernière, lorsque nous discutions des soins d'accompagnement à l'occasion de l'examen du titre Ier . Dès lors, pourquoi voulez-vous introduire ces notions dans le titre II et surtout dans le code de la santé publique ?
Nous souhaitons supprimer cet article car il méconnaît le code de la santé publique, lequel interdit aux médecins et aux infirmiers de provoquer délibérément la mort.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
La parole est à Mme Christine Loir, pour soutenir l'amendement n° 1927 .
Au-delà de la seule manipulation des mots que nous avons déjà eu l'occasion de condamner depuis le début de l'examen du texte, l'autorisation de l'euthanasie et du suicide assisté pourrait ouvrir la porte à des abus et des dérives. Cette crainte, légitime, est partagée par les soignants.
Chez nos voisins qui ont fait le choix de la légalisation, on constate malheureusement que celle-ci s'accompagne toujours de l'extension du champ d'application : en Belgique, la mesure a été étendue aux mineurs et, au Canada, aux personnes atteintes de maladie mentale. J'ajoute qu'au mois de mai, aux Pays-Bas, une jeune femme de 28 ans a programmé sa mort parce qu'elle était dépressive.
En écartant une telle pratique, nous réduirons le risque d'exploitation de ces personnes fragiles et vulnérables. Il nous faut améliorer l'accès aux soins palliatifs : là est la vraie urgence.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à Mme Lisette Pollet, pour soutenir l'amendement n° 2395 .
L'article 5 définit l'aide à mourir, une expression qui sonne comme un euphémisme mais ne peut masquer le contenu réel de ce projet : l'autorisation du suicide assisté et de l'euthanasie.
Il est essentiel de bien nommer les choses pour bien comprendre ce texte. Il ne faut pas créer de confusion ni atténuer la réalité des actes qui en découleront s'il est voté. Rappelons que les lois belge, espagnole, hollandaise et luxembourgeoise emploient les termes d'euthanasie et de suicide assisté.
Autoriser l'euthanasie, c'est rompre le lien de confiance qui unit patients et soignants, c'est transgresser l'interdit fondateur de notre civilisation, qui proscrit le fait de provoquer la mort. Il faut donner la priorité au développement des soins palliatifs sur tout le territoire.
La parole est à Mme Soumya Bourouaha, pour soutenir l'amendement n° 2931 .
Par cet amendement, j'affirme mon opposition aux dispositions prévues par ce projet de loi, qui vise à légaliser le suicide assisté et l'euthanasie. En effet, le texte ne répond pas aux enjeux sociétaux qui se présentent à nous. Chaque patient qui en a besoin devrait avoir accès aux soins palliatifs mais ce n'est toujours pas le cas, et les promesses de ce texte n'engagent que celles et ceux qui y croient.
Chaque patient en fin de vie devrait pouvoir bénéficier des dispositions de la loi Claeys-Leonetti, qui formule une réponse équilibrée et sensible aux questions que posent la grande majorité des cas. Là encore, tous n'en bénéficient pas.
Nous avons encore des progrès à faire pour soulager la douleur des patients souffrant de maladies dégénératives ou incurables. Ce projet de loi ne le permet pas.
Nous avons besoin de dessiner les contours d'une société plus solidaire, d'une société attachée aux soins, à leur développement et à leur accessibilité, d'une société qui cherche à accompagner dignement la fin de vie, non par le suicide assisté ou l'euthanasie, mais en se dotant des importants moyens financiers et humains nécessaires pour soulager la douleur et soutenir la dignité des personnes touchées par une perte d'autonomie.
Dans une société où l'État, PLFSS après PLFSS – projet de loi de financement de la sécurité sociale –, ose se satisfaire des défaillances de notre système de soins sans y apporter de réponses adaptées et ambitieuses, je m'interroge. Les choix que nous faisons, face aux enjeux structurants et définitionnels qui se présentent à nous, sont loin de construire une société bienveillante, où la santé serait totalement déconnectée de logiques néolibérales. En dehors d'un tel cadre, le débat sur la fin de vie doit avoir lieu, mais il présente un grand décalage par rapport aux besoins des Français et aux préoccupations des soignants.
Je m'interroge enfin sur notre capacité à assurer à chacun et à chacune une vie digne et en bonne santé. Nous ne pouvons pas écarter de ce débat les aspects économiques et sociaux qui influencent nos choix de vie et déterminent également notre mort. Je regrette qu'ils ne soient pas au cœur de nos discussions.
L'aide à mourir remet profondément en cause la manière dont notre société conçoit la vie et la mort. Il n'est pas concevable de permettre aux équipes médicales d'administrer une substance létale lorsque celui qui demande l'aide à mourir ne peut le faire lui-même, et nombreux sont ceux, dans le milieu médical, qui le refusent. J'en ai notamment fait le constat dans un centre de soins palliatifs de ma commune.
Le choix éclairé d'un demandeur de l'aide à mourir ne résistera pas, dans de nombreux cas, aux pressions de son entourage ou au sentiment de devenir un poids pour notre société. Cela, nous ne pouvons l'accepter.
Il faut développer largement les soins palliatifs, conformément aux annonces de la ministre, mais nous devons aussi défendre une société dans laquelle le plus fort protège le plus faible. Telle est la vraie fraternité.
Mme Maud Gatel applaudit.
La parole est à M. Christophe Bentz, pour soutenir l'amendement n° 3387 .
Ce que j'ai à dire ne vous plaira pas : de même que nous avons parlé de l'aide à mourir, du suicide assisté et de l'euthanasie tout au long de l'examen du titre Ier relatif aux soins d'accompagnement et aux soins palliatifs, de même nous parlerons des soins palliatifs tout au long de l'examen du titre II relatif à l'aide à mourir.
En effet, nous ne sommes pas dupes : c'est vous qui mélangez ces deux sujets sans jamais l'avouer. Il est évident qu'aucune frontière étanche ne les sépare : je citerai par exemple l'article 2, qui concerne les maisons d'accompagnement, où l'aide à mourir sera bel et bien proposée ; mais aussi la tentative par nos collègues macronistes de faire voter des amendements à la fin de l'examen de l'article 3 ; ou encore le fait qu'un seul et même texte traite de ces deux questions, alors que, à l'instar de beaucoup d'autres, y compris le ministre Valletoux, nous avions demandé qu'il soit scindé en deux.
Trouvons-nous collectivement acceptable que près de 200 000 personnes en grande souffrance meurent chaque année sans avoir eu accès aux soins palliatifs ? Nous ne saurions nous satisfaire d'une alternative dont les deux termes seraient la mort provoquée par l'administration d'une substance létale, ou bien la souffrance.
Lorsqu'une personne souffre trop, c'est la douleur qui doit cesser, non la vie. Lorsqu'un patient souffre trop, c'est la souffrance qui doit disparaître, non le souffrant. C'est l'une des très nombreuses raisons qui nous ont poussés à déposer plusieurs amendements de suppression.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. Hervé de Lépinau, pour soutenir l'amendement n° 3419 .
Je pense tout particulièrement aux médecins et aux soignants qui se trouveront malgré eux embarqués dans l'aventure du suicide assisté et de l'euthanasie. Nous savons en effet qu'une grande majorité des soignants s'opposent à votre projet, puisqu'il contrevient au serment d'Hippocrate, auquel ils sont très attachés.
Il est vrai qu'au sein de l'Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD) – promotrice de ce texte et qui a donné une sorte de mandat impératif à certains de nos collègues –, on trouve quelques médecins. Mais leur nombre est infinitésimal et la grande majorité des soignants ne veulent pas se voir impliqués dans cette démarche qui fera d'eux les complices actifs d'une mort qu'ils ne souhaitent pas donner, puisque leur vocation est de prodiguer des soins. C'est pourquoi il est très important de supprimer cet article.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l'amendement n° 2694 .
Personne ici ne méprise les situations d'extrême souffrance qui conduisent certains de nos concitoyens à vouloir mettre fin à leurs jours. C'est ce combat pour leur liberté qu'entend mener le présent projet de loi, en particulier son article 5.
Le risque existe cependant que survienne une demande de mort du fait d'un manque de sollicitude ou de soins palliatifs, d'un manque, en somme, de fraternité.
Dès lors, il est essentiel de nous demander si l'autorisation de l'euthanasie n'est rien d'autre que l'instauration d'une liberté individuelle et si la conquête infinie de libertés individuelles toujours plus nombreuses constitue un horizon démocratique souhaitable.
Ma conviction profonde est qu'il est impossible de dissocier la liberté de l'ensemble du triptyque républicain, qu'on ne peut la considérer sans prendre en compte son lien indéfectible avec les deux autres principes universels que sont l'égalité et la fraternité.
Parce que tout est lié et que le fait de conférer le droit dont nous parlons aurait inéluctablement des conséquences sur d'autres vies que la mienne, notre débat doit porter sur ce qui constitue notre éthique commune s'agissant de la vie, et sur notre volonté et notre capacité de refaire société, en prenant pour point de départ notre vulnérabilité.
M. Vincent Bru applaudit.
La parole est à Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure de la commission spéciale pour les articles 4 quater à 6, pour donner l'avis de la commission.
Après avoir, pendant de nombreuses heures, examiné des amendements par lesquels vous exigiez tous que la loi soit claire – c'est votre droit le plus strict –, s'agissant en particulier de la notion d'aide à mourir, il est paradoxal que, alors que nous en venons à son examen, vous demandiez la suppression de l'article 5, qui définit précisément cette notion.
Je crains que notre débat ne soit dans l'impasse. Mon avis sur ces amendements de suppression est évidemment très défavorable. L'article 5, loin de se borner à légaliser l'aide à mourir, lui confère un cadre et une définition – ainsi qu'un modèle français que nous nous honorerons, je l'espère, de voter.
Je relis cette définition, très claire en dépit des critiques que vous avez émises avant même de commencer l'examen de l'article : « L'aide à mourir consiste à autoriser et à accompagner une personne qui en a exprimé la demande à recourir à une substance létale, dans les conditions » définies par le code de la santé publique et plus tard par la loi, lorsque le présent texte aura été voté, « afin qu'elle se l'administre ou, lorsqu'elle n'est pas en mesure physiquement d'y procéder, se la fasse administrer par un médecin, un infirmier ou une personne majeure qu'elle désigne et qui se manifeste pour le faire. Cette dernière ne saurait percevoir aucune rémunération ou gratification à quelque titre que ce soit en contrepartie de sa désignation. Elle est accompagnée et assistée par le médecin et l'infirmier ». Quant à l'alinéa 7 de l'article, il légalise l'aide à mourir, ou du moins protège les personnes amenées à accompagner un malade.
L'article 5 s'applique aux malades atteints d'une affection grave et incurable, à un stade avancé ou terminal, et dont les souffrances sont devenues si insupportables que même les traitements ne parviennent plus à les apaiser. Tout au long de la procédure que le texte créera, ces personnes doivent être aptes à manifester leur choix libre, éclairé et conscient.
Quoi que vous disiez de la vulnérabilité des personnes malades, il est un fait qu'on ne les empêchera pas de décider ou non, en conscience, de mettre fin à leurs jours dans un cadre bienveillant, avec l'appui et l'accompagnement du personnel médical, suivant une procédure exigeante au cours de laquelle ils devront réitérer plusieurs fois leur demande. Cette procédure fraternelle les soutiendra dans des moments extrêmement difficiles.
Les personnes concernées sont malades et savent qu'elles vont mourir dans un délai de quelques semaines ou de quelques mois. Nous leur devons compassion et écoute, sans négliger d'écouter le personnel médical qui leur prête assistance.
Cet article constitue le cœur du texte. Je ne rappellerai ni les travaux de la mission d'évaluation de la loi Claeys-Leonetti ; ni l'avis 139 du Comité consultatif national d'éthique (CCNE), selon lequel « il existe une voie pour une application éthique de l'aide active à mourir » dans certaines conditions très précises ; ni l'avis rendu l'an dernier par le Conseil économique, social et environnemental (Cese) sur la fin de vie ; ni les travaux de la Convention citoyenne sur la fin de vie, dont les 184 membres ont très clairement pris position en faveur de l'aide active à mourir, bien qu'ils continuent de se poser des questions.
Ce projet de loi répond aux besoins des patients, des malades, et à la nécessité de les écouter. Il répond à une demande sociétale, à la volonté qu'ont nos concitoyens de choisir le moment de leur mort, lorsque la vie n'en est plus une. C'est un droit que nous proposons de leur offrir, sans en ôter aucun à qui que ce soit d'autre.
La parole est à M. Olivier Falorni, rapporteur général de la commission spéciale.
J'ai entendu parler d'une « loi d'exception ». Ce texte concerne un nombre très restreint de malades dont les cas sont en effet exceptionnels. Nous devons cependant faire preuve de la plus grande humilité et éviter de nous montrer présomptueux car nous pourrions toutes et tous le voir s'appliquer à nous. Qui peut prédire ce qu'il souhaitera faire, le moment venu ?
Qui, dans cet hémicycle, peut prétendre affirmer avec certitude ce que serait sa décision à un tel moment ?
Je ne le peux pas davantage que vous, madame. Je vous le dis sincèrement : si je milite en faveur de ce droit, c'est que je ne suis pas sûr de la décision que je prendrais si j'avais à le faire – j'espère que cela n'arrivera jamais ! Je ne suis pas sûr de demander un jour de recourir à une aide à mourir si ma situation le justifiait. Je crois que personne ne peut avoir de certitude à ce sujet.
Si l'on parle d'une loi d'exception, ce doit être avec d'autant plus de prudence que les dispositions de la loi Claeys-Leonetti ne s'appliquent pas comme elles le devraient à un certain nombre de malades, ainsi que tout le monde en convient. Ce sont d'ailleurs les conclusions et de la mission d'évaluation de la loi Claeys-Leonetti, et de l'avis 139 du Comité consultatif national d'éthique rédigé par Régis Aubry et Alain Claeys. Tout le monde convient par conséquent qu'il y a des malades, certes au nombre réduit, qui ne sont pas pris en charge par la législation actuelle.
Dès lors que faire ? Fermer les yeux, faire l'autruche ? Jeter un voile pudique sur ces situations, quitte à s'en remettre à des actes accomplis dans la clandestinité ? Bien sûr que non.
J'en reviens à l'argument de la loi d'exception : outre le fait que la loi sur l'interruption volontaire de grossesse, la loi sur la procréation médicalement assistée ou encore celle sur le « mariage pour tous » pourraient être considérées comme des lois d'exception puisqu'elles ne concernent qu'un nombre assez limité de nos compatriotes,…
…le présent texte n'aboutira pas à une loi d'exception puisqu'il s'adresse à nous toutes et à nous tous potentiellement.
Mme Anne-Laurence Petel applaudit.
Et, de toute façon, je préférerai toujours une loi d'exception à une loi d'exclusion. Je ne veux pas, ni aujourd'hui ni demain, qu'on exclue certains de nos compatriotes, fussent-ils en nombre très réduit, alors qu'ils souffrent. J'entends beaucoup évoquer la bienveillance, la fraternité et l'écoute… Ils les méritent tout autant.
Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes RE et Dem. – Mme Frédérique Meunier applaudit également.
La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités, pour donner l'avis du Gouvernement.
Je ne reviendrai pas sur le débat sémantique, je pense que chacun s'est largement exprimé sur le sujet. Évidemment que les réserves des uns et des autres, quelle que soit l'opinion émise sur ce texte, s'entendent. Personne n'a de certitude sur un sujet aussi difficile que celui-ci.
Je crois aussi qu'il est important de rappeler que dans cet hémicycle, personne n'est le porte-parole de quelque association que ce soit…
…et que chacun est là uniquement parce qu'il a travaillé sur le sujet et qu'à ce titre il fait valoir des arguments dans le débat.
Je rappellerai brièvement, à ce stade de nos débats, quel est l'esprit du texte. Le projet de loi propose cinq conditions cumulatives, que nous aurons l'occasion d'examiner à l'article 6, pour que les dispositions prévues au titre II soient applicables. Le point de départ, c'est l'état de santé d'un patient qui souffre de douleurs réfractaires. C'est un élément essentiel parce que, je le répète, ce n'est pas une question d'âge, mais de pathologie causant une souffrance telle qu'il en est conduit à demander à bénéficier du recours à l'aide à mourir.
Cette demande doit être formulée de manière libre et éclairée, et c'est la raison pour laquelle il doit disposer de tout son discernement. C'est donc un acte volontaire, et le patient est particulièrement accompagné puisque s'il formule cette demande, la première réponse qui lui sera faite consistera à lui proposer de bénéficier de soins palliatifs s'il le souhaite. Ainsi, il n'y a pas, d'un côté, le patient qui demanderait l'aide à mourir faute d'être accompagné, et, de l'autre, le patient qui pourrait bénéficier des soins palliatifs et qui de ce fait ne ferait pas la même demande. Est ici concernée la personne gravement malade qui souffre et qui demande à recourir à un procédé qui l'aide à mourir.
Certains d'entre vous évoquent le fait que peu de personnes seraient concernées, mais parce qu'elles seraient peu nombreuses, ne devrions-nous pas les entendre ? Ne serait-ce pas une forme d'abandon que de se dire : « Il n'y en a pas assez pour qu'on les écoute » ? C'est tout de même une vraie question !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Est-ce que nous ne sommes pas là pour écouter toutes celles et tous ceux qui souffrent ? N'est-ce pas notre lecture commune de la fraternité que celle d'essayer d'écouter toutes celles et tous ceux qui souffrent et de leur répondre en fonction de leurs convictions profondes ? C'est bien la raison pour laquelle on est dans une logique de volontariat et qu'en aucun cas un patient ne permettra cet acte autrement que de manière volontaire. Personne, j'insiste sur ce point très important, ne sera condamné à demander l'aide à mourir. Je crois que celles et ceux qui invoquent l'accompagnement ne peuvent pas refuser d'entendre la demande réitérée de mort.
J'entends la comparaison qui a été faite entre la loi Claeys-Leonetti et l'aide à mourir, cela pour mieux en souligner les différences. Après les avoir longuement entendus, mon constat est qu'aujourd'hui, l'un des auteurs de la loi ne souhaite pas aller plus loin, mais l'autre si. Voilà aussi qui conduit à réfléchir car cela montre que tout n'est pas définitivement réglé.
Ensuite, il est important de rappeler qu'aucun médecin n'interviendrait malgré lui. L'article 16 prévoit une clause de conscience qui permet à chaque membre du personnel soignant et pas uniquement au médecin, j'insiste sur ce point, d'intervenir exclusivement de manière volontaire – sinon, il met en avant la clause de conscience.
Enfin, l'interdiction pour le médecin de donner la mort figurant en effet dans les dispositions réglementaires du code de déontologie, celui-ci sera bien évidemment modifié après l'adoption du projet de loi pour tenir compte de la légalisation de l'aide à mourir, c'est-à-dire la possibilité pour une personne qui le souhaite, et qui remplit les conditions que j'ai rappelées, d'être accompagnée par des professionnels de santé pour recourir à l'aide à mourir.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est opposé aux amendements de suppression de l'article 5.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Sur les amendements n° 50 et identiques, je suis saisie par le groupe Les Républicains et par le groupe Écologiste – NUPES d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je ne donnerai suite qu'à deux demandes de parole par groupe avant de passer au vote.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel.
Nous sommes au cœur de ce texte en abordant le titre II et cet article. Ouvrir l'accès à l'aide à mourir, c'est laisser la liberté de choisir, jusqu'au bout de son parcours, la fin à laquelle chacune et chacun aspire selon ses convictions et selon ses souffrances. Et on sait que c'est aussi une manière de rassurer les patients qui, confrontés à une échéance difficile, douloureuse, sauront qu'ils peuvent bénéficier d'une aide à mourir et en seront, pour la plupart, apaisés et ne la demanderont pas forcément – en tout cas, c'est ce que l'on constate dans les établissements qui la proposent. Mais il existera toujours des situations humaines insupportables et que la loi actuelle, malgré tous ses bienfaits, ne couvre pas. Certains nous disent qu'elles sont et demeureront peu nombreuses, et on ne peut que l'espérer. Mais elles sont pour nous insupportables, inacceptables.
La dignité, n'est-ce pas de parvenir à soulager les patients dont les douleurs sont réfractaires, de les accompagner de manière fraternelle dans leur volonté de mettre fin à leur existence quand leur souffrance et l'évolution de leur maladie ne leur permettent plus de vivre dans la dignité et de leur permettre de ne pas être condamné à l'agonie ? Nous devons leur assurer cette dignité en répondant à leur volonté. Pourquoi et à quel titre nous arrogerions-nous le droit de parler et de penser à leur place ? Chacun peut être confronté un jour à une situation semblable et je pense que personne ici, chers collègues, ne sait alors la décision qu'il prendrait. Les patients sont les premiers concernés et doivent à ce titre être au cœur de ce projet de loi : nous devons leur permettre de choisir.
Et puisque certains d'entre vous souhaitent parler à nouveau du titre Ier alors que nous en sommes au titre II, affirmant même que 500 personnes par jour n'ont pas accès aux soins palliatifs, je leur réponds que cela nous semble totalement faux, en tout cas sans fondement puisqu'on ne dispose pas de données à ce sujet. C'est bien pourquoi nous avons demandé par amendement plus d'information.
Rappelons aussi que les services de soins palliatifs ne sont pas seulement prodigués dans les unités de soins palliatifs mais aussi à domicile et dans les…
Mme la présidente coupe le micro de l'oratrice, dont le temps de parole est écoulé. – Mme Christine Pires Beaune applaudit.
Madame la rapporteure, votre langue a peut-être fourché, mais vous avez utilisé l'expression suivante : « Quand la vie n'en est plus une. » Cela m'a choqué, et sans doute d'autres aussi. Vos propos, comme ceux de M. le rapporteur général, trahissent, masquée par le paravent de la liberté, une carence profonde en termes de liberté et de fraternité. Nous ne sommes pas ici pour témoigner d'expériences personnelles ni pour nous projeter dans le moment décisif où nous aurons à prendre une décision de cette nature, mais pour faire le droit en tant que législateur. Car c'est bien du sort commun que nous devons décider, et dès lors que vous dites que la vie pourrait ne plus en être une, vous entrez dans une logique comptable. Il me semble que la République a hérité des préceptes de grande sagesse de l'humanité, parmi lesquels l'interdit de donner la mort, y compris pour celui qui a commis le pire des crimes, causé la pire des souffrances, comme pour celui qui subit la pire des souffrances. C'est un acquis de l'humanité.
J'appelle une bascule ce que vous proposez car cela nous ferait adopter une nouvelle norme sociale selon laquelle chacun serait sommé de se prononcer sur l'évaluation de sa vie comme s'il était dans une liberté absolue face à lui-même, alors qu'il vit dans une société et donc en interdépendance avec celle-ci. Et sa décision entraîne toute la société. Votre quête de la liberté crée de fait une norme qui est contraire aux principes d'égalité et de fraternité.
Mme Maud Gatel et M. Benoit Mournet applaudissent.
Je tiens avant tout à saluer, avec beaucoup de reconnaissance et d'affection, Alain Claeys, auteur aux côtés de Jean Leonetti de la loi de 2016, et qui suit nos débats. Après ce qui est arrivé au texte de notre collègue Olivier Falorni à la fin de la législature précédente, après l'avis 139 du Comité national consultatif d'éthique qui indiquait qu'il y avait un chemin éthique pour une aide à mourir, après la convention citoyenne sur la fin de vie, après la mission d'évaluation confiée à nos collègues Caroline Fiat et Didier Martin sur la loi Claeys-Leonetti, de quoi aurions-nous l'air si nous disions : « Il n'y a pas de débat, passez muscade. » Quel message enverrions-nous alors s'agissant de la dignité de notre hémicycle
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE
et des réponses que nous pourrions apporter en tant que législateur aux souffrances de centaines de personnes probablement, voire de milliers peut-être ?
À ceux qui s'opposent à ce texte et qui souhaiteraient ne pas en débattre, je dis qu'ils nous invitent à accueillir le doute en nous, nous qui soutenons ce texte… Mais je les invite à accueillir un peu le doute en eux.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, LFI – NUPES et SOC. – Mme Frédérique Meunier applaudit également.
Interrogez-vous, chers collègues, sur la parole que vous prétendez porter au nom des soignants : sont-ils tous vraiment derrière vous ? Interrogez-vous sur la parole que vous prétendez porter au nom des plus vulnérables : en êtes-vous vraiment les défenseurs ? Je ne le crois pas et tout nous invite donc à avoir ce débat. Les Français l'attendent et ils ne comprendraient pas que nous nous y refusions.
Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes RE et SOC.
Je crois qu'il faut s'opposer à la suppression de cet article parce que nous nous devons d'avoir dans cet hémicycle le débat auquel les Français et les Françaises tiennent pour aboutir à une législation de progrès, une législation qui fasse avancer la société au gré des nouvelles possibilités qui s'ouvrent.
Cela étant, vous me permettrez une petite nuance par rapport à ce que vient d'exprimer notre collègue David Valence.
Je suis, comme tout le monde, empreint de doute et d'humilité. Nous cheminons ensemble, conscients des interrogations suscitées par le texte chez les uns et les autres. Je sens une volonté, partagée par une grande partie de la population, de disposer d'une liberté de choisir. L'idée que chacun puisse choisir lui-même de poursuivre sa vie ou non, dans des conditions définies à l'article 6, me semble aussi largement partagée, même si j'entends les réticences qui s'expriment à droite de l'hémicycle.
À titre personnel, je ne vous cache pas que je suis dubitatif quant au fait de recourir à un tiers pour être accompagné sur le chemin de la mort. Je ne suis pas pour autant favorable à la suppression de l'article.
Notre mission de parlementaire consiste à confronter les différentes approches, à tenter de convaincre ,
Mme Astrid Panosyan-Bouvet applaudit
afin d'aboutir à un texte qui soit à la hauteur des attentes exprimées par une grande majorité de Français. Aussi suis-je opposé à la suppression de cet article central, majeur.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Je peux concevoir qu'on soit opposé à la création d'une aide à mourir. L'importance de ce sujet de société est telle que nous devons en débattre. Tous ces amendements de suppression m'amènent à m'interroger car s'ils étaient adoptés, nous ne pourrions même pas débattre du contenu de l'article.
À titre tout à fait personnel, je suis favorable au projet de loi et, plus encore, à son article 5 ; il ne faut pas le supprimer, parce qu'il entoure la demande d'aide à mourir de précaution, dans une rédaction limpide : il s'agirait d'une possibilité, d'un choix, d'un droit, et non d'une suggestion, comme certains le laissent entendre.
Alors que nous avons débattu du titre du texte durant des heures, en nous demandant s'il fallait redéfinir la fin de vie, nous ne devrions pas débattre de ce qui se trouve en son cœur ? Je vous invite à ne pas voter les amendements de suppression. Le débat doit se tenir ; il aura lieu.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et SOC. – Mme Frédérique Meunier applaudit également.
Monsieur Falorni, vous avez parlé tout à l'heure d'une loi d'exception. Une loi ne peut pas être une exception ; une loi est une norme. Si vous aviez conçu un texte abordant uniquement l'euthanasie et le suicide assisté, la discussion aurait été plus simple. Pour justifier l'aide à mourir, vous avez insisté sur la crainte de souffrir. Une demande sociétale s'est transformée en revendication idéologique. Le respect du libre arbitre, le droit de disposer de soi-même jusque dans la mort, tout cela importe. Les lois votées entre 1999 et 2016 répondent aux angoisses de nos concitoyens.
Je m'inquiète car le plan de financement que vous avez annoncé ne suffira pas, madame la ministre, alors que des unités de soins palliatifs ferment, que le nombre de lits diminue dans les hôpitaux, que les Français ont du mal à obtenir un rendez-vous chez le médecin, avec un spécialiste. Les Français ne peuvent pas se soigner, pouvez-vous l'imaginer ? Pardonnez-moi de vous le dire, c'est la responsabilité de l'État !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
J'ai entendu les arguments des uns et des autres. Selon moi, « suicide assisté » et « euthanasie » ne posent aucune difficulté juridique et auraient pu être inscrits dans le projet de loi, comme ils l'ont été dans d'autres textes sans que cela nous émeuve, sans que cela traduise un jugement de valeur. Néanmoins, l'expression « aide à mourir » est suffisamment simple pour être comprise par l'ensemble des Français. Elle singularise le dispositif que nous concevons, sans rien enlever à la loi et sans être connotée négativement.
« Suicide » renvoie à la mort violente d'une personne qui n'est ni malade ni âgée mais qui ne peut plus supporter la vie. Le nouveau droit que nous voulons instaurer serait celui de personnes en fin de vie, malades, ne pouvant plus supporter la souffrance. En répétant à l'envi « suicide assisté » et « euthanasie », qui sont négativement connotés, ce que vous savez pertinemment, vous nous donnez raison d'avoir choisi d'autres termes.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
L'argument du manque de clarté ne convainc pas non plus. Vous nous faites le grief d'utiliser des mots trop flous, tout en nous reprochant de chercher à codifier. Or codifier, c'est faire œuvre de clarté et de transparence.
Enfin, vous opposez l'aide à mourir et les soins palliatifs, comme si la première était le prolongement des seconds, alors qu'il ne faudra pas nécessairement avoir eu recours à des soins palliatifs pour demander une aide à mourir. Les deux ne sont pas liés, de même que nous n'avons pas attendu que la totalité des Françaises aient accès à la contraception pour inscrire dans la loi, et même dans la Constitution, la liberté de recourir à une IVG.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR – NUPES et Écolo – NUPES.
Les personnes concernées par la loi ne seront pas aussi rares que vous le prétendez. D'autre part, vous postulez une liberté absolue qui relève de la fiction car nul ne peut s'extraire des rapports sociaux.
Le droit concourt à édicter la norme, j'en conviens. Que faire des demandes de mort, des appels au secours ? Faut-il prendre acte du découragement, du renoncement, auxquels nous pouvons tous céder ?
« Bien sûr, écrit le philosophe Jacques Ricot, chacun peut "demander" à en finir, peut dire sa détresse et cette plainte doit être impérativement accueillie, sans jugement. Mais conforter autrui dans son autodépréciation, voire l'admirer dans son choix, n'est-ce pas le témoignage d'une impuissance […] ? » Il écrit également : « La question redoutable qui est alors posée est la suivante : le suicide, loin d'être seulement ce que les juristes appellent une liberté individuelle, loin d'être un geste que la société ne condamne pas, finit par devenir un acte que la société "approuve" au regard de conditions qu'elle pose. Autrement dit, elle s'arroge le pouvoir extraordinaire de décider quelle demande est recevable, et quelle demande ne l'est pas, quelle vie doit être poursuivie et quelle vie ne doit pas l'être. Le suicide passe alors du statut d'un droit-liberté à celui d'un droit-créance. »
Nous nous situons ainsi, poursuit Ricot, « dans une logique d'approbation et non de neutralité ».
« Mais non ! » sur quelques bancs du groupe RE.
Telles sont quelques-unes des questions importantes posées par le projet de loi. La société qui veut encadrer l'aide à mourir change de posture, et le message de la République à l'égard de toute personne humaine se modifie également, ce qui ne sera pas sans affecter le travail quotidien et l'éthique du soin du personnel soignant.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR – NUPES et SOC. – Mme Blandine Brocard et M. Benoit Mournet applaudissent également.
Nous voterons évidemment contre les amendements de suppression car nous sommes sur le point de voter l'ultime liberté, consistant à être maître de soi-même jusqu'à ses derniers instants, en choisissant le moment d'éteindre la lumière. Il s'agit d'une demande de la société : 90 % des Français se disent favorables au fait d'autoriser les médecins à prodiguer l'aide à mourir. La Convention citoyenne sur la fin de vie l'a aussi demandé : 76 % de ses membres ont réclamé l'ouverture d'un droit à l'aide à mourir.
Le CCNE reconnaît également la possibilité d'une application éthique d'une forme d'aide à mourir. L'ouverture de ce droit serait l'aboutissement d'un processus qui a permis, au cours des vingt dernières années, de mieux reconnaître les droits des patients, de renforcer le respect de leur choix et de leur dignité. Ces derniers mois, nous avons été confrontés aux témoignages de personnes en fin de vie, à ceux de leurs proches ou de leurs soignants. Nous avons entendu leurs aspirations, leurs craintes. Il serait profondément regrettable, au moment où l'Assemblée s'apprête à débattre de demandes émanant de la société, d'y couper court – supprimer l'article n'y suffirait pas, ne nous voilons pas la face.
Nos concitoyens veulent pouvoir mourir dignement. Ceux qui en ont les moyens continueront à se rendre chez nos voisins, pour y mourir au prix fort. Les autres seront voués aux euthanasies clandestines, craindront d'être poursuivis dès lors qu'ils auront entamé leurs démarches en ce sens, ou bien continueront de souffrir. Ouvrons le débat : parlons de l'aide à mourir, des critères d'accès, de l'encadrement de la procédure ; protégeons les droits des patients, de même que les conditions de travail et la liberté de conscience des soignants ; regardons nos concitoyens en face, écoutons leurs demandes et répondons-y.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
J'ai peu exercé en tant qu'aide-soignante : en dix ans, bien que j'aie accompagné de nombreuses personnes jusqu'à la fin, on ne m'a sollicitée que trois fois pour une aide à mourir. C'est peu. Depuis tout à l'heure, j'entends certains s'inquiéter pour les soignants et leur éthique. N'oubliez pas la douleur des soignants qui n'ont pas de réponse à apporter aux demandes d'aide à mourir – elles sont rares, mais elles existent : il arrive que des patients supplient les soignants qui se présentent dans leur chambre, matin, midi et soir, de leur venir en aide.
Monsieur Potier, vous disiez avoir été heurté d'entendre parler de ces vies qui ne valent plus d'être vécues. Mais que répondez-vous quand ce sont les patients qui s'expriment de la sorte : « Ma vie ne vaut plus le coup d'être vécue, je veux partir » ? Qu'on ne peut pas faire plus ? Que devraient faire les soignants qui ont tout mis en œuvre pour soulager les douleurs, en apportant des soins de confort, en demandant aux familles de venir, en entourant les patients d'objets personnels pour qu'ils se sentent au mieux ?
Au cours de ma carrière, mon plus gros échec correspond au moment où j'ai vu partir un de mes patients en ambulance, vers la Belgique, parce qu'il avait les moyens de le faire. Je n'ai pas su répondre à son besoin : il a dû quitter notre service, où il était depuis des mois. Il n'était pas avec nous au moment de mourir. Que vous soyez pour ou contre ce projet de loi, mesurez la douleur des soignants incapables de répondre à la demande ultime de leur patient. Ceux qui choisissent ce métier veulent prodiguer des soins.
Certes, les demandes d'aide à mourir seront rares. Quelqu'un disait : « On n'écrit pas la loi pour une personne ». Peut-être l'écrivons-nous pour très peu de monde, mais nous l'écrivons aussi pour aider les soignants qui sont actuellement démunis face à ces patients qui n'en peuvent plus de vivre, et auxquels ils ont déjà apporté tout ce qu'ils pouvaient pour que leur fin de vie soit la plus paisible possible.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mmes Cyrielle Chatelain et Stella Dupont applaudissent également.
Nous sommes désormais confrontés à un vrai questionnement. Ce texte étant de nature sociale, il induira deux effets bien connus : tout d'abord, un effet cliquet – une fois qu'une disposition a été adoptée, il est impossible de revenir en arrière ; ensuite, un effet domino – la disposition en entraînera d'autres.
« Si nous voulons, un jour prochain, pouvoir bénéficier d'une loi qui permette à chacun de choisir librement les conditions de sa propre fin de vie, nous devons être astucieux et ne pas sembler excessifs, écrivait l'ADMD à ses adhérents. Nous devrons accepter des concessions qui ne seront que temporaires, transitoires. Car dès lors que le principe même de l'aide active aura été voté, le front des anti-choix aura été brisé, et nous pourrons enfin avancer rapidement et faire évoluer la loi vers ce que nous souhaitons tous : une loi du libre choix qui ne comporte aucune obligation pour quiconque. »
Nous sommes très inquiets : considérez-vous l'article 5 comme temporaire, transitoire, madame la ministre ?
M. Benoit Mournet applaudit.
Cet article prend en compte la voix de personnes malades – il faut bien entendre ce dernier terme – qui souffrent d'une façon intolérable, sans qu'aucun traitement ni aucun soin – qu'il soit palliatif ou d'accompagnement – puisse les soulager. Tel est le cadre de l'article 5. L'aide à mourir comme la sédation sont des possibilités offertes à ces personnes qui n'en peuvent plus. Dès lors, si vous êtes contre l'aide à mourir, pourquoi n'êtes-vous pas contre la sédation ? Le principe est exactement le même !
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et SOC. – M. Pierrick Berteloot applaudit également.
Eh oui !
L'aide à mourir et la sédation conduisent toutes deux à la mort, afin de libérer le patient de ses souffrances. Vous manquez de logique si vous acceptez la seconde et refusez la première. Que dirai-je aux patients qui souffrent, confrontés à une situation inextricable ? Leur répondrai-je : « Mes amis, restez comme vous êtes et advienne que pourra, la mort finira bien par vous emporter » ? Dans quel état et après quelles souffrances ? Pour ma part, j'éprouve de l'empathie pour ces personnes, je me mets à leur place et je ne peux demeurer insensible. Je préfère qu'elles meurent le sourire aux lèvres, plutôt que dans l'indifférence et dans la souffrance parce que certains auront décidé qu'on ne devait pas leur laisser le choix. Au fond de moi, j'en suis persuadée : ce choix est primordial et nous devons le laisser aux gens qui souffrent. Nous devons nous mettre à leur place ; nous ne pouvons rester indifférents et tenir les propos que j'ai entendus.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe RE ainsi que sur quelques bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES.
Nous parvenons à un moment crucial, et très attendu, de l'examen du texte. Nous partageons le constat concernant le déploiement insuffisant des soins palliatifs et je me félicite que nous ayons renforcé la première partie du texte qui leur est consacrée.
C'était une étape indispensable à la poursuite de la discussion. Lors des auditions en commission, M. Claeys a été clair : la loi Claeys-Leonetti dont il fut le rapporteur n'est pas appliquée partout et n'a pas été intégrée par l'ensemble des soignants. Cependant, a-t-il ajouté, quand bien même elle le serait, toutes les situations n'y trouveraient pas de réponse ; c'est précisément ce manque que vient combler l'article 5.
Certains évoquent les vulnérabilités causées par une situation de handicap. Or il n'est absolument pas question de permettre l'accès à l'aide à mourir en raison d'une vulnérabilité, d'un handicap ou d'une situation sociale dégradée.
M. Gilles Le Gendre applaudit.
Plusieurs orateurs, de part et d'autre de l'hémicycle, ont évoqué la dignité. C'est se tromper d'approche, parce que chacun pourra se référer à une situation dans laquelle la dignité n'était pas préservée. Au cours des siècles, nous avons acquis l'idée que chacun a droit à la dignité, mais nous pouvons convenir que notre société, du fait de certaines décisions politiques, ne garantit pas la dignité à toutes et à tous. J'espère que ceux qui défendent aujourd'hui cette dernière le feront avec la même vigueur lors de l'examen des projets de loi de finance (PLF) et des projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).
Ce texte tient compte de deux limites : celle de la médecine et de la science, lorsqu'elles se révèlent impuissantes à soulager des douleurs que l'on qualifie pour cette raison de réfractaires ; celle de la personne qui demande l'aide à mourir. Ce n'est pas un renoncement que d'offrir une réponse à la première. L'aide à mourir concernera environ 4 000 personnes et ne s'opposera pas aux soins palliatifs. La dignité est sans doute préservée lorsqu'on ne subit pas la situation, et qu'un choix est possible – c'est ce que permet l'article 5.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur quelques bancs du groupe RE.
Je reprendrai les propos du rapporteur général qui a très justement déclaré que personne ne peut savoir quel choix sera le sien lorsque, parvenu au terme de sa vie, il se trouvera confronté à des souffrances insupportables. Bien que fervent catholique, l'ancien Premier ministre des Pays-Bas Dries van Agt s'est finalement fait euthanasier avec son épouse, le 5 février dernier. Leurs situations respectives avaient été évaluées par des médecins indépendants, conformément aux conditions strictes fixées par la législation néerlandaise. Ainsi ont-ils pu choisir de mourir main dans la main, alors que la maladie les avait condamnés et ne leur permettait plus de vivre comme ils l'entendaient. Pourtant, leur conviction initiale aurait dû les conduire à refuser la fin de vie qu'ils ont finalement choisie. Ce choix sera le fruit de la liberté de chacun et, contrairement à ceux qui affirment que cette loi constituerait une norme, personne n'obligera quiconque à recourir à l'aide à mourir. Il s'agit seulement d'offrir la liberté, à celles et ceux qui en ont besoin, de pouvoir y recourir.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES. – M. Joël Giraud applaudit également.
L'article 5 établit que « l'aide à mourir consiste à autoriser et à accompagner une personne qui en a exprimé la demande à recourir à une substance létale ». Le droit en vigueur n'interdit pas le recours à une telle substance, si bien que son administration n'est actuellement ni interdite, ni autorisée – c'est pourquoi cet article marque une avancée, puisqu'il autorise explicitement l'administration d'une substance létale, sous certaines conditions énumérées par le code de la santé publique. J'ai déposé l'amendement n° 2334 visant à inscrire cette autorisation dans le code civil plutôt que dans le code de la santé publique. Soit dit en passant, je suis surpris de voir nos collègues de la NUPES faire état de convictions religieuses dans cet hémicycle.
Je remercie le rapporteur général, qui a engagé tous les députés à réfléchir à leurs derniers jours. Cette loi n'obligera personne mais, de la même manière, elle engagera l'ensemble des Français à se demander ce que seront leurs derniers jours.
Elle ne concernera donc pas quelques cas seulement, mais l'ensemble de nos concitoyens. Cette loi, n'obligeant personne, engagera tout le monde.
Nous touchons à un moment important de la discussion, après plus d'une semaine passée à débattre des soins palliatifs. C'est le rôle du législateur que d'aborder une question aussi difficile que celle de l'aide à mourir. Cela requiert une grande retenue et j'ai été très gêné en lisant, dans l'exposé sommaire de l'amendement de suppression n° 50 déposé par Thibault Bazin, un paragraphe indiquant que l'institution de l'aide à mourir menacerait le développement des soins palliatifs. Les discussions de la semaine passée ont répondu à cette objection : elle est fausse.
Protestations sur plusieurs bancs des groupes RN et LR.
Elle abîme le formidable effort collectif consenti en faveur des soins palliatifs, à la suite de la stratégie décennale annoncée par la ministre.
Par ailleurs, l'aide à mourir ne crée pas un droit supplémentaire qui empiéterait sur le droit d'autrui. Je me reconnais parfaitement dans le propos de Frédérique Meunier : chacun doit pouvoir choisir lorsque son pronostic vital est engagé, que les douleurs sont réfractaires aux traitements et que sa dignité – si souvent évoquée – n'est plus assurée. À Dominique Potier, je réponds que je ne suis pas moins fraternel que lui en proposant à cette personne qui n'en peut plus et à qui la vie n'ouvre plus aucun chemin, de partir dignement, comme elle le souhaite. Le titre II vise à offrir cette possibilité, en instituant un droit à mourir qui n'est une obligation ni pour les médecins, ni pour les autres soignants, ni pour l'entourage du patient, ni pour sa famille. Il y va du respect de la personne humaine qui, dans de telles conditions, doit être assuré par la loi – or celle-ci s'écrit à l'Assemblée nationale et au Sénat.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et SOC.
Monsieur le rapporteur général, vous avez présenté ce texte comme une loi d'exception, en la rapprochant de la loi Veil de 1975 relative à l'IVG, des lois de bioéthique et de la loi de 2013 ouvrant le mariage aux couples de même sexe. Or une femme sur trois aura, dans sa vie, recours à l'IVG – on dénombre 232 000 actes en 2022. Vous constatez avec ces chiffres qu'une loi d'exception peut très bien se généraliser – je ne voudrais pas que l'euthanasie connaisse le même sort.
Vous affirmez également vouloir n'exclure personne. Si tel est le cas, pourquoi conserver les cinq conditions d'accès à ce nouveau droit à mourir que vous entendez créer ?
Cependant, je vous retrouve sur un point : il faut faire preuve d'humilité. Dès lors, lancer le concours de qui sera le plus fraternel de l'hémicycle n'a aucun sens, et il convient de prendre en compte le caractère insidieux de cette loi qui, lorsque son application se généralisera, laissera une pensée s'insinuer dans l'esprit des personnes les plus fragiles – que nous sommes tous susceptibles de devenir –, en premier lieu des personnes âgées : « Je ne sers plus à rien, pourquoi continuerai-je à vivre ? Je ne veux surtout pas devenir un fardeau pour mes proches. » L'extrême fragilité des personnes en fin de vie les expose tout particulièrement à ce sentiment d'inutilité et les rend vulnérable au regard d'autrui. On l'a plusieurs fois rappelé : 46 % des patients qui ont recours au suicide assisté dans l'État de l'Oregon le font par peur de devenir un fardeau pour leur entourage. Et de cette philosophie, habillée d'une prétendue liberté…
Mme la présidente coupe le micro de l'oratrice, dont le temps de parole est écoulé.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 235
Nombre de suffrages exprimés 223
Majorité absolue 112
Pour l'adoption 63
Contre 160
Les amendements de suppression n° 50, 134, 388, 563, 646, 1191, 1327, 1927, 2395, 2931, 3020, 3387, 3419 et 2694 ne sont pas adoptés.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures cinq.
Ces amendements de repli visent à faire figurer dans l'article 5 une définition de l'euthanasie, afin que les choses soient claires.
Les définitions que je propose dans chacun d'entre eux ont le mérite d'appeler l'euthanasie par son nom, et précisent qu'il ne s'agit pas d'un acte médical mais d'une procédure. Elles indiquent également que, dans une telle procédure, la mort est donnée intentionnellement, par une intervention humaine, par contraste avec le développement naturel d'une maladie pouvant conduire à la mort. La rupture avec les soins palliatifs, dont il est question dans le titre Ier , se trouve ainsi marquée.
Ce sujet est trop grave pour que la loi ne détaille pas et n'explique pas suffisamment les choses. Nous devons la clarté aux Français.
Il tend à ce que l'article 5 soit rédigé comme suit : « L'assistance au suicide est l'acte accompli dans l'intention de permettre à une personne capable de discernement de mettre fin à ses jours, après la prescription de médicaments par un médecin à des fins de suicide. »
Cette rédaction s'inspire de la définition de l'assistance au suicide de l'Académie suisse des sciences médicales. Elle apporte au sujet dont nous débattons une intelligibilité qui nous sera notamment utile quand nous aurons à discuter ultérieurement de l'articulation entre le suicide assisté et l'euthanasie. Je le redis : nous avons été surpris par la suppression, en commission spéciale, de la notion d'exception d'euthanasie.
Je ne reviendrai pas sur ces questions dont nous avons longuement débattu hier : on ne peut pas réduire l'aide à mourir au suicide assisté ou à l'euthanasie.
Nous n'avons pas supprimé, monsieur Hetzel, l'exception d'euthanasie.
La définition de l'aide à mourir figurant dans l'article 5 – le cœur du texte –, indique bien que, lorsque la personne « n'est pas en mesure physiquement d'y procéder », elle peut faire appel à un médecin, un infirmier ou une personne de son choix. Nos débats exigent de la clarté sur ce qui figure dans le projet de loi.
Avis défavorable.
Voici que nous débattons encore une fois du lexique et du vocabulaire, questions que je croyais tranchées par les votes d'hier soir.
Mais permettez-moi de saisir cette occasion pour revenir sur certains propos qui ont été tenus à ce moment-là – notamment sur l'affirmation, que j'ai entendue à plusieurs reprises, que cette loi allait tuer.
J'ai d'abord une pensée pour le jeune Rémy Salvat qui, à 23 ans, et alors qu'il était atteint d'une pathologie dégénérative, avait écrit au président Sarkozy, en 2008, les mots suivants : « Monsieur le Président, je sais qu'un jour, je vais perdre mes moyens. […] Je ne veux pas que l'on m'oblige à vivre en s'acharnant sur mon corps si j'en suis prisonnier. » Confronté à une réponse négative, il s'est suicidé le 10 août 2008.
Ce qui tue, aujourd'hui, ce n'est pas la loi dont nous discutons, mais l'absence de loi.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et LFI – NUPES.
Les douleurs réfractaires, ensuite, sont une réalité – on a tendance à l'oublier.
Leur existence est reconnue par la Société française d'étude et de traitement de la douleur, l'Académie nationale de médecine, le CCNE, le Cese, la commission parlementaire sur l'évaluation de la loi Claeys-Leonetti. Il faut prendre ces douleurs en considération et apporter une réponse à celles et ceux qui en souffrent.
Reconnaissons pour terminer que la fin de vie, aujourd'hui, diffère en fonction du médecin qui l'accompagne. Certains médecins le disent : ils n'hésitent pas – je reprends leur expression – à pousser la seringue.
D'autres, au contraire – peur du double effet ou de provoquer la mort –, se refusent à prendre les décisions qui permettraient d'apaiser les douleurs d'un malade en fin de vie.
Ce projet de loi vise donc à corriger une profonde inégalité.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Nous voterons contre ces amendements. Vous cherchez à organiser la confusion, en faisant croire que nous encouragerions au suicide.
Les personnes atteintes des maladies les plus graves, face aux souffrances, face à un corps qui se dégrade, face à la perte de leurs capacités, sont souvent poussées vers une terrible dépression. De là l'importance du titre Ier de ce texte, qui garantit un accompagnement par des soins de confort, des soins contre la douleur et un soutien psychologique permettant de vivre avec la maladie.
Mais arrive un moment où ce n'est plus possible, quand l'infection, grave et incurable, est accompagnée de souffrances physiques et psychologiques réfractaires à tout traitement – autrement dit quand elle entre en phase avancée ou terminale et que la médecine est impuissante. Quand ce ne sont pas des causes sociales qui la poussent à souhaiter que les lumières s'éteignent, mais parce qu'elle pense être arrivée au bout du chemin, alors la personne malade doit se voir garantir cette liberté de choix.
Voici ce qu'écrit M. André, dans une lettre qu'il m'a adressée : « J'ai 90 ans. Je joue le jeu de la vie. Je fais les choses correctement : je mange, je bouge, je prends mes médicaments, je dors correctement. Je sais que je vais mourir : c'est inéluctable, je n'en ai pas peur. Ce dont j'ai peur, c'est de commencer une maladie, avec des souffrances qu'à un certain moment je me maîtriserai plus. Je ne veux pas vivre ce qu'a vécu mon épouse. Je veux pouvoir décider de la fin de ma vie en toute conscience, en dignité. Malade, on perd un beau jour sa volonté et sa conscience – sans en avoir conscience. Je ne veux pas attendre ce moment impossible à connaître pour décider de ma fin de vie. »
Je suis persuadée que vous avez aussi reçu de nombreux courriers. Vous voyez bien que ce ne sont que dans des situations bien particulières que nous souhaitons, dans les termes de ce projet de loi, accorder le droit à une aide à mourir. N'existe aujourd'hui que le droit de laisser mourir, avec les grandes souffrances qui peuvent l'accompagner.
Alors, oui, accordons ce droit de choisir sa mort.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
L'intensité des douleurs réfractaires varie selon les personnes : de dix sur dix pour une personne, à cinq sur dix pour une autre. Une souffrance morale peut souvent rendre ces douleurs plus intenses.
Puis, depuis la loi Claeys-Leonetti de 2016, dans les rares cas où des patients souffrent de douleurs réfractaires, il est possible de recourir à la sédation profonde et continue. J'ai entendu dire qu'au cours de celle-ci, les patients ne sont plus nourris ni hydratés. Sachez que les malades atteints d'une maladie grave qui sont en fin de vie ressentent moins la faim et la soif. La sédation profonde et continue est une solution de confort qui permet avant tout d'apaiser la douleur. Dans certaines unités de soins palliatifs, on pratique également la sédation partielle pour soulager la douleur des malades.
Surtout, n'oubliez pas que le décès n'est pas la conséquence de la sédation profonde et continue mais de l'évolution naturelle de la maladie – c'est important. Je ne l'invente pas, ce sont des médecins en soins palliatifs qui me l'ont dit.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN. – Mmes Cécile Rilhac et Monique Iborra s'exclament.
Je souhaite revenir sur les propos de Mme Simonnet, qui nous a donné l'exemple d'un monsieur de 90 ans, qui va très bien mais s'inquiète pour la fin de sa vie. Il me semblait avoir compris que le projet de loi ne s'appliquerait qu'à des personnes malades.
Oui !
Depuis le début de l'examen du texte, nous essayons précisément de vous expliquer que le suicide assisté ou l'euthanasie ne sont pas des solutions pour vaincre la peur de la fin de vie, de la solitude, de la douleur et de la maladie.
Exclamations sur les bancs du groupe RE.
Apaisons cette peur grâce à des arguments et des éléments factuels. Alors que vous ne cessez de nous répéter que seuls les malades dans un état très grave et souffrant de douleurs réfractaires pourront recourir au suicide assisté et à l'euthanasie, vous dites à présent que les personnes âgées et anxieuses pour la fin de leur vie pourront le solliciter. Pardonnez-moi mais je voudrais un peu de clarté dans ce débat.
Il s'agit de la troisième semaine d'examen de ce texte. Maintes et maintes fois, nous avons parlé de l'article 6 que nous étudierons dans quelques jours – ou quelques semaines –, qui prévoit cinq critères cumulatifs pour accéder à l'aide à mourir. L'un des critères est l'état pathologique du patient : seul le respect de cette condition ouvre au patient le droit à demander l'aide à mourir.
Mme Emmanuelle Ménard s'exclame.
En aucun cas – j'y insiste –, un patient ne peut demander l'aide à mourir en raison de son âge ; il peut le faire du fait de sa pathologie. L'article 8 prévoit que cette condition soit vérifiée par une équipe médicale – nous aurons l'occasion d'en reparler.
Mesdames et messieurs les députés, il est important que chacun d'entre vous s'appuie sur le texte issu des travaux de la commission – cela vous évitera de vous en prendre ainsi au texte du Gouvernement.
Mme Emmanuelle Ménard s'exclame.
En tout état de cause, même le texte de la commission, en son article 6, fixe cinq critères précis. Seul un malade dans un état très grave, qui souffre, peut demander l'aide à mourir.
Sur les amendements identiques n° 194 , 1126 et 1725 , je suis saisie par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de trois amendements identiques, n° 194 , 1126 et 1725 .
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement n° 194 .
Il vise à supprimer les cinq premiers alinéas de l'article 5, par lesquels il est prévu de légaliser le suicide assisté et l'euthanasie et de les codifier au sein du code de la santé publique, ce qui acterait une rupture anthropologique majeure.
Une question fondamentale nous est ainsi posée : devons-nous renoncer, dans certains cas, au principe d'inviolabilité de la vie humaine ? Je ne le crois pas. Cela reviendrait à admettre que la vie de certaines personnes n'est pas ou plus inviolable. Cette pente est dangereuse, ne l'empruntons pas.
Madame la rapporteure, vous nous avez indiqué qu'il fallait arrêter de parler des titres Ier et II car ils seraient étanches.
En réalité, si l'objectif affiché par le titre Ier , à savoir la garantie des soins palliatifs, n'est pas atteint, il existe un risque éthique que des personnes isolées soient privées de soins et n'aient pour seul choix que de demander l'accès aux produits létaux pour provoquer leur mort. N'est-ce pas, finalement, une fausse liberté ?
Une telle évolution enverrait aux personnes malades, fragiles ou handicapées le message selon lequel certaines vies ne mériteraient plus d'être vécues. Certains membres du CCNE ont même posé comme préalable éthique à la légalisation du suicide assisté la garantie effective d'accès aux soins palliatifs, sans cela, en effet, le risque est grand que des personnes, particulièrement les plus pauvres, se tournent vers le suicide assisté faute d'avoir pu bénéficier d'un accompagnement de qualité.
Madame la ministre, vous essayez de nous rassurer en nous disant que le suicide assisté ne concernera que les patients qui souffrent mais l'article 6, celui-là même dont vous vous êtes servie pour essayer de nous convaincre, a été modifié en commission : le fait que le pronostic vital soit engagé n'est plus l'une des conditions d'accès à l'aide à mourir. Si les personnes qui souffrent n'ont pas accès aux soins susceptibles de les soulager, elles pourraient être tentées de demander le suicide assisté ! C'est un risque qu'il faut regarder en face car cela engage la responsabilité de notre société.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l'amendement n° 1126 .
L'article 5 pose plusieurs problèmes, en particulier la codification dans le code de la santé publique lequel, rappelons-le, est censé rassembler les dispositions qui permettent de poser un diagnostic, de prévenir, d'informer, de guérir ou de soigner.
Or nous nous apprêtons à franchir un pas d'une tout autre nature. La codification reviendrait à considérer que l'acte létal pourrait être un soin, ce que nous refusons. Notre devoir d'humanité envers la société, s'il nous enjoint à assumer nos responsabilités à l'égard de la personne qui souffre ou qui va mourir, doit précisément nous interdire de lui proposer comme seule réponse de fraternité celle d'abréger son existence : c'est bien de cela dont il s'agirait.
Lutter contre la souffrance est une chose, mettre fin à la vie en est une autre. Nous avons répété notre plaidoyer en faveur des soins palliatifs lors de l'examen du titre Ier . Il faut agir contre la souffrance ; abréger la vie relève d'une autre dimension.
L'amendement n° 1725 de Mme Emmanuelle Ménard est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Nous vous avons déjà expliqué, hier, que nous avions prévu de codifier ces dispositions dans le code de la santé publique pour suivre les recommandations du Conseil d'État afin de faciliter l'accessibilité et l'intelligibilité des règles de droit. Le rapporteur Didier Martin l'a rappelé, les dispositions du code de la santé publique ne concernent pas exclusivement les soins : elles peuvent également se rapporter aux actes médicaux. J'émets donc un défavorable.
J'émets un avis défavorable. Je vous ai lu hier le point 49 de l'avis du Conseil d'État. On ne peut pas convoquer le Conseil d'État lorsque ses avis nous arrangent et s'en abstenir quand ils contrarient la démonstration.
Bien que le Conseil d'État n'ait pas été en mesure d'examiner les dispositions relatives à la codification en raison du délai qui lui a été imparti, il a insisté sur l'importance que revêtait cette codification et a lui-même recommandé, je le rappelle pour les puristes, qu'elle intervienne à la section 2 du chapitre 1
Lorsqu'on cite un avis du Conseil d'État, il faut prendre en considération tous ses points. À ce titre, vous savez ce qu'il a indiqué sur la dénomination des actes faisant l'objet de ce projet de loi, l'euthanasie et le suicide assisté.
Il n'a pas émis d'objection !
Certes, mais il a invité à dénommer ces actes – j'y reviendrai.
L'aide à mourir rompt le soin. Notre collègue David Valence nous invitait à douter : avez-vous seulement été traversés par le doute lorsque vous avez élaboré ce texte ?
Exclamations sur les bancs du groupe RE.
On attend que le doute habite ceux qui proposent le texte plutôt que ceux qui le combattent. J'ai plutôt l'impression que c'est l'inverse qui se produit. Ceux qui combattent ont des doutes bien sûr, mais ils ont aussi des convictions, qu'ils affirment.
Vous avez évoqué la question de la souffrance sur laquelle je me suis longuement exprimée. Personne ne souhaite souffrir plus que de nécessaire et aucune personne qui combat ce texte n'est indifférente à la souffrance. La question de la douleur est insuffisamment prise en charge et en compte dans notre pays.
Tout démontre que lorsque la souffrance est correctement prise en charge, la demande de mort diminue voire disparaît. Il faut donc concentrer nos efforts sur cette question.
Monsieur le rapporteur général, j'ai beaucoup aimé la manière dont vous avez exprimé votre doute lorsque vous vous êtes demandé qui pourra dire ce qu'il fera au moment fatal. Je vous ai alors répondu que pas même vous ne le saviez. Vous en avez convenu.
Peut-être hésiterez-vous, le jour venu, à franchir ce pas que le projet de loi ambitionne de faire franchir à tous.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
J'entends les collègues dire que cette question est importante, que soigner c'est soulager la souffrance. Parlons-en. Imaginez que vous ayez en face de vous quelqu'un qui vomit, qui ne supporte pas les médicaments, qui se lève la nuit pour courir aux toilettes, qui souffre le martyre et l'enfer. Lui direz-vous qu'il lui reste six mois à vivre et que, par conséquent, il doit patienter ? Est-ce humain ? S'il vous demande de l'aider à mettre fin à ses jours, refuserez-vous, en le regardant en face, au prétexte qu'il lui reste six mois de vie et que se suicider, ce n'est pas bien ? C'est précisément ce que vous êtes en train de dire. Alors, cessez de blablater et de perdre du temps, et regardez les choses en face !
Exclamations sur les bancs des groupes RN et LR.
Monsieur le député, je vous remercie de bien vouloir tenir des propos dignes, c'est important pour la qualité de nos débats. Chacun doit être respecté dans ses convictions et ses expressions.
Rappelons l'exemple de certains autres pays. Le collège des médecins du Québec considère que l'aide à mourir est un soin, qu'il nomme même « le soin ultime ». En France, les soins palliatifs sont considérés comme un accompagnement de la fin de vie. Les médecins prolongent bel et bien la vie des personnes, au point même de nous obliger à leur rappeler, par la loi Claeys-Leonetti, que l'obstination pouvait être déraisonnable et qu'ils devraient faire évoluer leur point de vue sur cette question. La médecine aide beaucoup de patients à mourir, c'est vrai, mais pas toujours dans les meilleures conditions.
Beaucoup de personnes ont été citées ; je me permets donc à mon tour de vous rappeler les propos d'une philosophe que vous connaissez peut-être, Marta Spranzi : « N'ayons pas peur : l'injection létale ne sera jamais la seule façon d'aider les patients à mourir, ni le moyen que tous les patients auront à la fois le désir et la force de demander. Laissons aux médecins qui le voudront bien la liberté, la responsabilité et le privilège de faire au mieux ce qu'ils font déjà : accompagner les patients dans une mort qui soit véritablement la leur, tout en en modulant, si tel est leur souhait, les modalités et la temporalité cruelle. »
Mme Nicole Dubré-Chirat applaudit.
Comment peut-on penser que la question sociale, si structurante, s'évanouirait au moment où l'on est le plus fragile et le plus vulnérable ? Quand on a vécu une vie de travail, parfois pénible et mal rémunéré, et traversé des périodes de chômage, comment peut-on penser qu'une telle vie ne pèse en rien sur les derniers instants ? Nous pouvons toutes et tous être frappés par une maladie grave, mais nous sommes inégaux devant les maladies professionnelles et environnementales. Quand on vit dans un appartement inadapté au quatrième étage sans ascenseur, ou quand on n'a pas accès à tous les soins possibles en raison du reste à charge, comment considérer que les conditions matérielles d'existence sont quantité négligeable dans les décisions prises en fin de vie ?
Dans les villes comme dans les campagnes, l'isolement est un défi posé à notre société. La solidarité populaire et familiale a beau être formidable, la question sociale s'invite jusqu'au bout – et ne s'inviterait-elle que pour une seule personne, il serait éthiquement inacceptable de l'ignorer. La loi pourra-t-elle empêcher que les conditions de vie suscitent des demandes d'aide à mourir ? On ne pourra pas faire le tri des considérations menant à une telle requête. La prise en charge des souffrances, couplée à un accompagnement humain adéquat, peut au contraire changer la donne.
L'existence de cette loi conduira chacun à se demander s'il ne devrait pas se dérober aux regards avant la fin – elle engage tout le corps social. Je sais que mon discours est difficile à entendre. S'il y a matière à débat pour tous, quel sera l'impact d'une telle loi sur les plus vulnérables, les plus isolés, les plus découragés ? L'absolue liberté qu'on nous promet est une fiction.
Ceux qui s'opposent à cette loi craignent que l'ouverture d'un droit à mourir crée un appel d'air et génère de très nombreuses demandes. Nous pourrions pourtant envisager l'hypothèse inverse, que je crois valide : la reconnaissance de ce droit permettra peut-être à certaines personnes très angoissées à l'idée de leurs derniers jours et de leur mort de vivre leur vie jour après jour jusqu'à la fin, précisément parce que la possibilité d'appuyer sur le bouton arrêt les aura rassurées. Plutôt que de fantasmer sur un afflux de demandeurs, envisageons que la reconnaissance même de ce droit permette de ne pas l'exercer !
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Quand l'on discute de tels sujets, il faut prendre garde à ne pas parler à la place des patients. Depuis vingt ans, le législateur a introduit dans la loi, par touches successives, des dispositions sur les droits des patients – participer à la décision médicale, consentir aux soins ou refuser un traitement. La question n'est pas de savoir si le patient fait le bon choix ou non, mais de respecter son autonomie et ses décisions. Dans le cas de l'aide à mourir, il faut respecter le choix du patient – se soigner ou non, accepter ou non les soins palliatifs – et accepter ce qui lui semble sensé. On ne peut pas savoir à sa place ce qui est bon pour lui.
Mme Sophie Mette et M. Sébastien Peytavie applaudissent.
La question centrale n'est ni celle de la dignité, ni celle de la souffrance – je n'adhère pas du tout aux arguments de ceux qui prétendent que l'inconfort pousserait à vouloir disparaître.
Il y a un mot que nous ne prononçons pas alors que ce qu'il désigne joue un rôle essentiel depuis le début de nos civilisations : l'agonie. Personnellement, il me pousse à réfléchir positivement à la fin de vie, contrairement aux mots de souffrance, de dignité, de vie, qui recouvrent nos préférences intellectuelles, idéologiques, sentimentales, spirituelles.
La question de la fin de vie est celle de l'agonie et elle est vieille comme le monde. Au Moyen Âge,…
…l'honneur de la civilisation exigeait de ne jamais laisser personne agoniser. Sur le champ de bataille, l'honneur d'un soldat lui dicte de ne jamais laisser agoniser un compagnon qui s'apprête visiblement à mourir. L'honneur d'une civilisation consiste certes à préserver la vie – je pense que personne ici ne néglige le caractère précieux, pour ne pas dire sacré, de la vie. Mais lorsqu'il s'agit d'agonie, peut-on encore parler de vie ? Grâce aux progrès de la médecine, l'agonie d'aujourd'hui n'est plus celle du Moyen Âge ; l'agonisant du Moyen Âge, ou celui du champ de bataille, éloigné de tout secours médical, n'est pas comparable à celui qui fait l'objet d'une sédation profonde. Pourtant, il est toujours question d'agonie. C'est ce moment que nous devons encadrer avec une extrême minutie : il faut se limiter à l'agonie, à ces instants qui ne sont plus la vie.
Ce débat important et passionnant est parti de trois amendements, qui ont permis à leurs auteurs d'évoquer la rupture dans la notion de soin. Le rôle des médecins et plus généralement des soignants est d'apaiser et de soigner, que ce soit les patients en début de maladie ou en fin de vie. L'aide à mourir constitue donc bien une rupture – ce n'est pas un soin. Je souhaiterais que nous nous mettions d'accord sur ce point ; cela permettra de faire adhérer la communauté médicale à cette loi. Je proposerai des amendements pour garantir le volontariat des soignants, ce qui devrait clore le débat.
Il faut distinguer les soins qui se prodiguent jusqu'à la fin de la vie, les soins palliatifs, d'un acte d'une nature différente, qui répond à une demande importante de la société, et qui est lié à une volonté du patient. Il pourra être administré par des soignants, mais ceux-ci devront être volontaires.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 158
Nombre de suffrages exprimés 149
Majorité absolue 75
Pour l'adoption 52
Contre 97
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille, pour soutenir l'amendement n° 2334 .
Je vais dans le sens de Mmes la rapporteure et la ministre, puisque je propose de codifier. Codifier, c'est important, mais dans quel code inscrire ces dispositions ?
Je rejoins ma collègue Geneviève Darrieussecq sur un point : l'aide à mourir n'est pas un soin. Par conséquent, elle n'a pas sa place dans le code de la santé publique. Je propose donc d'inscrire cette disposition dans le code civil.
En effet, la demande d'aide à mourir émane d'un citoyen – qui est certes un patient, mais pas un médecin. Même si l'on peut trouver des raisons d'inscrire l'aide à mourir dans le code de la santé publique, comme il ne s'agit pas d'un soin, il n'y a pas sa place – cette loi est sociétale. Nous, législateurs, devons assumer nos responsabilités et ne pas tout faire reposer sur les médecins en inscrivant ces dispositions dans le code de la santé publique.
Nous avons déjà eu ce débat : le code de la santé publique ne contient pas exclusivement des dispositions relatives aux soins.
Défavorable.
L'aide active à mourir n'est pas un soin. Mme Rilhac a rapporté que le collège des médecins du Québec parlait de l'aide à mourir comme du « soin ultime ». Cette institution s'est prononcée pour l'élargissement de l'aide médicale à mourir aux personnes atteintes de troubles mentaux et aux enfants : nous ne pouvons reprendre cette expression de « soin ultime ».
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LR et RN.
Comme l'a dit M. le député Dharréville, il n'existe pas de liberté absolue, ni de droit de créance en matière de fin de vie ; il existe seulement une possibilité. Le citoyen dont nous parlons, monsieur Isaac-Sibille, n'est pas n'importe quelle personne qui déciderait de mettre fin à sa vie, mais quelqu'un en fin de vie dont on n'arrive pas à soulager les souffrances. M. le député Pradié a raison de parler d'agonie, bien que ce mot soit tabou.
Dans quelques jours, nous commémorerons le débarquement de Normandie. Vous avez peut-être entendu comme moi les témoignages d'anciens du commando Kieffer : les camarades qui débarquaient avaient tous dans la poche des ampoules de morphine, et elles ont toutes servi – il a bien fallu le faire.
L'aide à mourir correspond à une situation clinique spécifique – un patient pour qui on ne dispose plus de possibilités thérapeutiques et qui souffre. Il faut établir un diagnostic, discuter entre soignants et prendre une décision quant à la demande. C'est donc bien dans le code de la santé publique qu'il faut inscrire cette disposition.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
L'amendement n° 2334 n'est pas adopté.
Sur les amendements n° 136 , 1330 et 52 , je suis saisie par le groupe Les Républicains de plusieurs demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de plusieurs amendements, n° 897 , 2407 , 1393 , 2810 , 714 , 136 , 1926 , 3157 , 1330 , 1506 , 3158 , 3159 et 52 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 1393 et 2810 , d'une part, 136 et 1926, d'autre part, et 1330 et 1506, sont identiques.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement n° 897 .
Il vise à modifier l'intitulé de la section 2 bis que nous avons créée en commission, en remplaçant « Aide à mourir » par « Assistance au suicide avec exception d'euthanasie ». Nous en avons discuté ces derniers jours, l'aide à mourir est une formule vague. La nôtre est précise et exprime la volonté du Gouvernement d'encadrer cette proposition qui n'est rien d'autre, en effet, qu'une assistance au suicide avec exception d'euthanasie.
C'est important car, durant les derniers jours de réunion de la commission spéciale, plusieurs amendements sont partis à la dérive, au point d'entrer en contradiction avec d'autres, votés en première partie. Il faut donc bien préciser la notion d'aide à mourir.
La parole est à M. Stéphane Lenormand, pour soutenir l'amendement n° 2407 .
Sans refaire le débat sémantique autour de la fin de vie, je proposerai la formule plus appropriée d'« interruption volontaire de l'énergie vitale ». D'abord, parce que le texte dispose que quiconque voudrait recourir à ce processus exceptionnel doit manifester sa volonté de façon libre et éclairée. Ensuite, parce que nous avons toutes et tous été confrontés à des hommes et des femmes atteints de maladies incurables. J'ai rarement entendu les gens dirent qu'ils voulaient « mourir » mais plutôt qu'ils n'avaient plus l'énergie de vivre, l'énergie vitale d'affronter la maladie, la souffrance, les traitements et, souvent, la dégradation de leur état physique. La formule que nous proposons serait aussi moins douloureuse à entendre.
La parole est à Mme Marie-France Lorho, pour soutenir l'amendement n° 1393 .
La définition des termes du projet de loi est essentielle à la compréhension du texte. En l'occurrence, « aide à mourir » n'est pas une formule concrète, contrairement à celle de « suicide assisté », qui consiste à se faire donner la mort par un tiers. Il convient d'employer ce terme.
L'aide à mourir recouvre en effet une multitude de réalités ; elle pourrait même désigner un appui prodigué par les équipes des unités de soins palliatifs, les USP, pour permettre aux personnes de vivre jusqu'à ce que la mort vienne naturellement les chercher.
La clarté des débats exige de choisir les bons mots et de cesser les approximations.
La parole est à M. Frédéric Cabrolier, pour soutenir l'amendement n° 2810 .
La formule « aide à mourir » est vague et entretient délibérément la confusion. Je reprendrai Camus, souvent cité, pour dire que mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur des malades.
Protestations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Le geste létal serait réalisé par le patient, un proche, un infirmier ou un médecin. Il me semble que demander à un tiers d'être acteur ou complice n'irait pas sans conséquences psychologiques pour les proches. Pour les médecins, il s'agit d'une vraie révolution, un changement d'éthique et une rupture de la confiance qui les lie au soigné. Ils sont confrontés à la maladie et à la souffrance, qu'ils cherchent à soulager pour aider à vivre – en aucun cas à donner la mort.
Je fais partie des députés dont la position sur le texte a évolué. Au départ, j'étais plutôt pour, car je place la liberté, valeur cardinale, au-dessus de tout.
J'ai suivi les conseils de Mme Pires Beaune et j'ai consulté. J'ai changé d'avis après avoir reçu un collectif de médecins qui m'ont enjoint à ne pas les mettre en porte-à-faux, à ne pas les confronter à ce changement de paradigme.
Ensuite, j'ai la chance d'appartenir au groupe d'amitié France-Québec. L'euthanasie a été légalisée en 2016 au Canada et nous avons pu échanger à ce propos l'année dernière. Les dérives que l'on y observe, telles que l'autorisation en 2021 de l'euthanasie de personnes handicapées, m'inquiètent.
Je ne prendrai pas souvent la parole, mais je tenais à expliquer mon changement de position : si j'avais d'abord été pour, car considérant que cette nouvelle liberté accordée aux uns n'entravait pas celle des autres, j'ai constaté que ce n'était pas le cas, ne serait-ce que pour les médecins.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RN et LR.
La parole est à Mme Sandrine Dogor-Such, pour soutenir l'amendement n° 714 .
L'article 5 prévoit que le patient, lorsqu'il n'est pas en mesure physiquement de s'injecter la substance létale, peut se la faire administrer par un tiers – un médecin, un infirmier ou une personne volontaire désignée.
Sur le plan médical, le centre national de ressources textuelles et lexicales définit l'euthanasie comme étant une mort douce, de laquelle la souffrance est absente, soit naturellement, soit par l'effet d'une thérapeutique dans un sommeil provoqué.
Les soins palliatifs peuvent déjà être considérés comme une aide à mourir dans la dignité, notamment grâce à la sédation profonde et continue jusqu'au décès, autorisée par la loi Claeys-Leonetti.
Le CCNE, dans son avis 139, qui a fortement inspiré la rédaction du projet de loi, utilise près de cent fois le terme « euthanasie ».
Par honnêteté intellectuelle, et afin d'aborder correctement le fond du sujet, il est nécessaire, tout au long de cet examen, d'adopter la sémantique adéquate.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Il a pour objectif de clarifier les choses et nous pouvons, pour ce faire, consulter quelques contributions récentes, telles que la tribune parue samedi dans Libération, cosignée par d'anciens ministres de la santé – François Braun, Claude Évin et Élisabeth Hubert –, Jean Leonetti, Jean-Marc Sauvé ou l'ancien président du CCNE, Didier Sicard. Que nous disent-ils ? « Ce projet de loi propose des pratiques de l'aide active au suicide assisté et à l'euthanasie, sans les nommer. En l'état actuel du texte, la France sera considérée comme l'exception (et non comme le modèle) validant une loi permissive qui bouleversera profondément le sens des pratiques médicales, les relations entre la personne malade ou en situation de dépendance et celui qui la soigne ou l'accompagne, mais également ses proches. » Une telle tribune, signée par des personnes qui réfléchissent depuis longtemps aux enjeux de l'éthique médicale, doit nous interroger.
Vous nous demandiez plus tôt si nous doutions : la réponse est oui. En lisant les arguments développés, nous pouvons nous demander s'il s'agit d'une fraternité authentique ou si, par un travestissement des mots et une euphémisation, nous ne serions tout simplement pas en train de nier la réalité.
La parole est à Mme Christine Loir, pour soutenir l'amendement n° 1926 .
Dans un souci de cohérence, je reviendrai sur un point de sémantique. La définition donnée correspond bel et bien au suicide assisté et à l'euthanasie. La formule « aide à mourir » n'a, ici, pas de sens. Je vous demande à nouveau de bien vouloir vous accorder sur les termes afin de mener un débat serein.
La parole est à M. Jordan Guitton, pour soutenir l'amendement n° 3157 .
Nous avons été nombreux à écouter nos électeurs dans nos circonscriptions, et en particulier les personnels de santé. Je ne suis député que depuis deux ans mais je suis régulièrement sollicité sur ces sujets, bien avant que le débat sur ce texte ne s'engage, par les médecins, les aides-soignants, les infirmiers, des hôpitaux ou des d'Ehpad que je visite. Cela m'a marqué et je me rends compte que ce ne sont pas les bons termes que vous employez aujourd'hui.
Tous les personnels de santé que j'ai rencontrés insistent sur l'importance d'utiliser les bons mots, pour que chacun puisse voter pour ou contre ce projet en connaissance de cause. « Euthanasie » ou « suicide assisté » sont des termes forts, qu'il est important de reconnaître. De nombreux pays l'ont fait et je ne comprends pas pourquoi nous ne pourrions pas introduire ces termes dans le texte. Compte tenu de l'importance du sujet que nous traitons, cela me semblerait essentiel de le faire. Chacun voterait alors librement, en sa conscience. Pour ma part, après avoir entendu les arguments des personnels de santé, je voterai contre le texte.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
La parole est à Mme Nathalie Serre, pour soutenir l'amendement n° 1330 .
Un collègue a précédemment affirmé que la formule « interruption volontaire de l'énergie vitale » serait moins douloureuse à entendre. Je reviendrai donc à la tribune évoquée par M. Patrick Hetzel. Il y est écrit : « Les soins palliatifs ont pour vocation d'accompagner la personne dans sa vie jusqu'à sa mort, de faire disparaître la souffrance, pas le souffrant. Les soins d'accompagnement promus par le texte ne sont pas assimilables ou complémentaires de l'aide active à mourir, évoquée comme une alternative ou un aboutissement de l'accompagnement dans le projet de loi. Elle est d'une autre nature, que ce texte s'obstine à ne pas reconnaître. Cette confusion fragilise la démarche palliative et brouille dans un contexte de crise de notre système de santé le sens des valeurs soignantes […]. » L'amendement tend, précisément, à clarifier le titre de la section 2 bis .
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement n° 1506 .
L'amendement de nos collègues du groupe Démocrate m'a semblé intéressant en ce qu'il aurait permis d'acter que l'aide à mourir, en la sortant du code de la santé publique, ne constituait pas un soin.
Notre amendement tend à clarifier la rédaction de l'alinéa 3, qui me semble entrer en contradiction avec l'article L. 1110-5 du code de la santé publique, lequel se rapporte à la fin de vie et codifie, d'une certaine façon, l'aide à mourir. Pourtant, on viendrait y ajouter un autre article, dont l'intitulé ne s'appuierait pas sur la même définition. Comment coexisteront ces articles aux intentions différentes, d'autant plus que les articles L. 1110-5-1 et L. 1110-5-2 prévoient des dispositions pour éviter l'acharnement thérapeutique et autorisent la sédation profonde et continue selon des critères très précis, notamment à condition que le pronostic vital soit engagé à court terme ? Or ce dernier a été supprimé de l'article 6. Comment concilierez-vous ces mesures contradictoires dans l'accompagnement des personnes ?
La parole est à Mme Laure Lavalette, pour soutenir l'amendement n° 3158 .
L'amendement vise à introduire les formules « suicide assisté » et « euthanasie », malgré une obstination sémantique qui nous étonne et nous inquiète. Je crains qu'elle ne révèle une minimisation des effets du texte.
Vous nous vendez une loi d'exception pour les grandes souffrances. Il en allait de même lors de la discussion, au Canada, du texte relatif à l'aide médicale à mourir. Je regrette que Mme Caroline Fiat soit partie, car elle avait affirmé n'avoir été confrontée qu'à trois cas dans sa carrière. Au Canada, il était question d'une soixantaine d'euthanasies par an ; ils en sont à 6 000.
La loi que nous sommes en train d'examiner est à peu près équivalente à la loi canadienne, peut-être même plus permissive, puisque les proches pourront administrer l'injection létale. Si l'on transpose la situation canadienne à la France, nous pourrions atteindre 45 000 euthanasies par an,…
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RE.
…soit une toutes les dix minutes, 365 jours par an, jour et nuit.
La philosophie de l'exception ne résiste pas à la réalité. Minimiser les termes revient à minimiser les effets.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. Christophe Bentz, pour soutenir l'amendement n° 3159 .
J'ai déposé de nombreux amendements sémantiques ; je ne les défendrai peut-être pas tous mais nous sommes obligés d'aller au bout de ce débat. Parce que nous souhaitons un débat transparent pour les Français qui nous regardent et nous écoutent, nous ne pouvons pas céder sur ce point.
Cet amendement rédactionnel vise à intégrer à l'alinéa 3 les termes « suicide assisté ou délégué ». Avec ce dernier adjectif, j'ai d'ailleurs fait un pas dans votre direction. Quelle est la différence entre les deux qualificatifs ? La main qui administre la substance létale : le patient lui-même ou une personne tierce – soignante ou volontaire.
En définitive, vous ne pouvez continuer à maintenir un mensonge sémantique dans ce texte. Votre définition correspond effectivement à celle du suicide assisté, de l'euthanasie ou du suicide délégué. Administrer une substance létale à un corps vivant, qui sera décédé après sa prise, comment appelez-vous cela ? C'est un suicide assisté, une euthanasie ou un suicide délégué.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Il s'agit d'un amendement rédactionnel de repli – je préfère l'amendement n° 1506 de M. Marc Le Fur. Ce n'est pas qu'un débat sémantique : suivant la définition qui figurera dans le texte, la portée du dispositif proposé et le nombre de patients concernés différeront. M. le rapporteur général a indiqué que les cas seront exceptionnels. Cependant, si l'on reprend les différents critères, notamment ceux qui ont été supprimés en commission spéciale, des questions se posent quant au nombre de malades concernés.
En Belgique, ce nombre est passé de 235 en 2003 à 3 423 en 2023, soit 3,1 % des décès. Au Canada, il est passé de 1 018 en 2016 à 13 241 en 2022, sachant que le dispositif était réservé jusqu'en 2021 aux malades dont le pronostic vital était engagé. Lorsque ce critère a été supprimé, l'évolution a été très nette. Au Québec, le recours à ce dispositif s'emballe, au point qu'une étude a été lancée pour en comprendre les raisons ; il représente 7,1 % des décès en 2023.
Il est très important que nous sachions ce que nous votons : le critère du pronostic vital engagé sera-t-il retenu ? La collégialité de l'avis médical sera-t-elle garantie ? Si nous définissons mal le dispositif, le risque existe de viser des patients qui ne l'étaient pas à l'origine et qui auraient droit à des soins ; cela reviendrait à leur octroyer une fausse liberté. L'enjeu de la définition a un impact sur la portée de l'article 5.
Même avis.
Ce débat nous impose humilité et respect a priori de toutes les positions. Il nous oblige aussi à nous poser des questions et à y apporter des réponses ; je crois profondément qu'il n'y a pas de bonne ou de mauvaise réponse. Tout à l'heure, il a été dit que personne ne savait ce qu'il ferait dans une telle situation. J'y ai réfléchi et je pense que je souhaiterais pouvoir bénéficier de l'aide à mourir.
Cependant, en tant que législateurs, la question qui nous est posée n'est pas celle-ci, parce que la société n'est pas la somme des individus ; elle est plus que cela. L'enjeu n'est donc pas la somme des possibilités de recourir à l'aide à mourir, mais l'impact de celle-ci sur la société.
Les questions que nous devons nous poser sont les suivantes : quel message adressons-nous à ces personnes, rares mais bien réelles, dont les souffrances intolérables ne peuvent être soulagées, même par des soins palliatifs ? Dans le même temps, quel message adressons-nous aux plus fragiles et aux plus vulnérables ? Les exemples à l'étranger nous le montrent : le plus souvent, les critères finissent par s'élargir.
Ces questions sont fondamentales. Celle de la sémantique est importante ; il était nécessaire d'y répondre, mais nous avons eu ce débat hier soir. J'aimerais à présent que nous avancions dans l'examen du texte, au-delà de la sémantique.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et RE. – M. Charles de Courson applaudit également.
J'aimerais ajouter une précision lexicale et revenir sur le témoignage de la personne de 90 ans, rapporté par Mme Danielle Simonnet. À mes yeux, la tentative de suicide est un appel à l'aide, pour soulager les souffrances, alors que le suicide est une tentative ratée.
Les différentes interventions de nos collègues ont fait état des souffrances des patients : il nous faut donc remettre le patient au centre du soin et améliorer la gestion de la douleur. Avant tout, nous devons investir largement dans les services de soins palliatifs déjà existants et dans la gestion de la douleur. Le plan d'investissement annoncé, d'un montant de 1,1 milliard sur dix ans, sera insuffisant ; il correspond à une augmentation de 1,5 euro par personne et par an. Cette somme, déconnectée de la réalité, n'est qu'un rattrapage de l'inflation ; il nous faut investir beaucoup plus largement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Puisque nous pratiquons une obstination déraisonnable sémantique depuis dix jours, permettez-moi de revenir sur la notion de soin. La formation médicale enseigne que soigner n'est pas guérir ; les médecins ont une obligation de moyens, pas de résultat. S'occuper d'un patient malade, c'est prévenir, soigner et accompagner, de la naissance à la mort. Pour certains, la prévention ne serait donc pas un soin. Il me semble indispensable d'accompagner un patient jusqu'à l'aide à mourir, si tel est son souhait et si le médecin l'accepte.
Par ailleurs, je voudrais revenir sur les propos de M. Aurélien Pradié concernant l'agonie. Pendant ma carrière, j'ai eu l'occasion d'accompagner des patients en fin de vie. Lorsqu'elle est mal maîtrisée, la sédation, partielle ou profonde, ressemble à une agonie.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Avec ces nombreux amendements à l'article 5, nous arrivons au cœur du débat, notamment aux problèmes que pose cette notion floue d'aide à mourir. Elle pose des problèmes de forme, tout d'abord, puisque vous refusez de nommer l'euthanasie et le suicide assisté. Or la loi doit être claire – nous sommes nombreux à plaider en ce sens. Pourquoi refusez-vous de nommer précisément les choses et pourquoi souhaitez-vous les codifier ainsi ?
Cette notion floue pose également des problèmes de fond : comme le disait Victor Hugo, la forme, c'est le fond qui remonte à la surface. Malheureusement, la forme est floue parce que le fond soulève des questions abyssales qui ne sont pas véritablement traitées ici.
Ainsi, l'article 5 prévoit de confier à un proche la possibilité de procéder au geste létal. Il s'agit là d'une bombe à retardement familiale, qui plongera de nombreuses familles dans des situations compliquées et qui risque d'en déchirer beaucoup. Ce n'est pas à un proche non soignant de procéder à un geste létal, mais uniquement à des professionnels du soin.
Nous avons déjà eu cette discussion, très originale, sur les différents intitulés du dispositif – environ 200 fois. Pas moins de 300 amendements portent sur le sujet, ce qui nous aura permis d'avoir un débat assez fouillé. Pourquoi ne pas continuer, après tout : toute discussion est légitime ! La répétition forgeant la notion, celle-ci sera très bien forgée.
Le groupe LFI – NUPES est favorable au maintien de l'expression « aide à mourir », qui a pour vertu de mettre l'accent sur le caractère compassionnel de l'acte ; le sujet est bien « l'aide à » et non la résultante de l'acte lui-même. On peut être d'accord ou non, mais tel est le débat aujourd'hui. C'est pourquoi nous voterons contre l'intégralité de ces amendements de réécriture, qui proposent différentes variantes.
Ainsi, M. Stéphane Lenormand propose d'employer les termes « énergie vitale » ; j'ignore s'il s'agit d'un clin d'œil à des pseudo-sciences, mais en matière de diagnostic, il vaut mieux éviter d'introduire du vocabulaire en décalage avec celui des soignantes et des soignants. Il est préférable de parler leur langue plutôt que de parler de naturopathie, de l'orgone de Wilhelm Reich ou de je ne sais quoi d'autre.
Par ailleurs, M. Christophe Bentz a peut-être établi un record en matière d'amendements rédactionnels successifs, avec les amendements « Bentz, Bentz, Bentz », qui ne tendent qu'à reformuler.
Protestations sur plusieurs bancs du groupe RN.
Nous espérons aborder enfin le sujet de fond : avec qui, comment et quand les patients ont-ils le droit de bénéficier de cette aide à mourir ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous n'avez pas fait la même chose pour la réforme des retraites peut-être ?
…en regorgeant d'inventivité dans les termes proposés – l'énergie vitale faisant partie des innovations particulièrement claires pour codifier les textes de loi !
Le Gouvernement et les différents rapporteurs vous ont répondu. Un équilibre a été trouvé et le choix s'est arrêté sur des termes clairs, intelligibles et définis dans l'article 5 : « aide à mourir ». Tout le monde comprend de quoi il s'agit.
Vous pouvez déposer des amendements sémantiques et répéter vos ritournelles pour faire peur, puisque c'est votre seul argument contre ce texte.
Toutefois, affirmer qu'une dérive ou un glissement sont inéluctables, comme dans les autres pays ayant adopté une législation similaire, c'est mentir !
Protestations sur plusieurs bancs des groupes RN et LR. – Mme Astrid Panosyan-Bouvet fait un signe de dénégation.
Les propos de Mme Laure Lavalette, citant des chiffres exponentiels et prétendant que les patients seront incités à recourir à ce dispositif, sont excessifs.
Il nous faut revenir à la raison : le texte est clair, la définition est intelligible et s'accompagne de restrictions et d'un encadrement précis. Débattons du fond et arrêtez d'agiter des chiffons uniquement pour faire peur !
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
L'amendement n° 714 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 152
Nombre de suffrages exprimés 143
Majorité absolue 72
Pour l'adoption 54
Contre 89
L'amendement n° 3157 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 149
Nombre de suffrages exprimés 142
Majorité absolue 72
Pour l'adoption 50
Contre 92
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 149
Nombre de suffrages exprimés 142
Majorité absolue 72
Pour l'adoption 51
Contre 91
L'amendement n° 52 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emeline K/Bidi, pour soutenir l'amendement n° 2927 .
La parole est à Mme Emeline K/Bidi, pour soutenir l'amendement n° 2927 .
Nous avons longuement débattu de la question, dont nous mesurons la difficulté, de savoir si l'aide à mourir est un soin. La position contraire justifiait pour beaucoup le refus de l'inscrire dans le code de la santé publique.
Certains parlent parfois d'un droit à l'aide à mourir, parfois non, ce qui crée de la confusion. Nous pensons qu'il faut mettre un terme définitif à ce débat en osant inscrire dans la loi qu'il s'agit d'un droit. Cela ne créerait aucune obligation et n'enlèverait rien à ceux qui ne souhaitent pas y recourir, mais cela permettrait à ceux qui le souhaitent de solliciter l'aide à mourir.
Avis défavorable.
Nous en avons déjà débattu ; il s'agit d'une liberté et non d'un droit inconditionnel. Rappelons en outre qu'il ne s'agit pas d'un droit qui serait opposable aux professionnels de santé. Ils pourront accompagner un malade dans cette démarche, s'ils le souhaitent, sinon ils pourront faire valoir la clause de conscience.
Avis défavorable.
La modification que vous proposez pourrait être source d'ambiguïté. Ce texte ne vise pas à faire de l'aide à mourir un droit absolu ouvert à tous. Elle est strictement encadrée par les conditions fixées dans le projet de loi. Or votre proposition pourrait affecter la clarté de l'article et être une source d'interprétation. Le Gouvernement y est donc vraiment défavorable.
Nous cheminons lentement mais sûrement dans l'examen du projet de loi, même si j'ai parfois l'impression que nous ne sommes plus à l'Assemblée nationale mais à l'Académie française, bien que nous ne soyons pas très nombreux à pouvoir prétendre y siéger.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Protestations sur quelques bancs du groupe LR.
Je suis, à titre personnel, opposé à l'idée de reconnaître un droit à l'aide à mourir : c'est une liberté, éventuellement un choix, une possibilité, ou une faculté, mais je ne pense pas qu'il soit souhaitable de l'inscrire comme un droit. En outre, Mme la rapporteure l'a dit et nous en avons déjà délibéré, nous ne voulons pas en faire un droit opposable.
Je voudrais vous faire part de mon expérience. Il y a dans mon territoire un institut de lutte contre le cancer, où j'ai été amené à procéder, en tant que maire, à des mariages ante mortem, c'est-à-dire juste avant la mort. J'arrivais alors dans une chambre, face à une personne exsangue, au bout de sa vie, percluse de douleur, afin d'acter un mariage décidé préalablement. Il est vrai que, en des circonstances comme celles-ci, il est légitime de se demander si le législateur qui examine un tel projet de loi ne devrait pas laisser le choix aux personnes qui sont dans une telle situation d'être accompagnées pour cheminer vers leur mort. Cela correspond à 99 % des cas où j'ai été amené à célébrer des mariages ante mortem. Mais il m'est aussi arrivé de célébrer un mariage ante mortem entre deux personnes dont l'une était, pour le corps scientifique, sur le point de mourir. Toutefois, un an après, j'ai reçu une carte de ce couple qui fêtait ses noces de coton. Devons-nous légiférer pour cette personne ?
Mme la présidente coupe le micro de l'orateur, dont le temps de parole est écoulé.
Je donne la parole à de nombreux orateurs, et je vous remercierais de limiter vos interventions au temps imparti.
La parole est à Mme Annie Genevard.
Mme K/Bidi souhaite donner à l'aide à mourir la qualification de droit. Cela ne me paraît absolument pas souhaitable, car cela implique qu'il s'agit de l'expression d'une liberté individuelle. Au fond, beaucoup d'entre vous considèrent qu'il s'agit d'une liberté individuelle qui doit être prise en considération. C'est ce que disait M. le rapporteur général en soutenant que cette loi ne doit pas être une loi d'exclusion. Il faudrait alors prendre en considération tous les cas particuliers, ce qui revient à satisfaire des demandes individuelles.
Cependant je crois, comme cela a été dit par Dominique Potier et par Pierre Dharréville, que ce projet de loi touche évidemment à la question du commun et engage le corps social tout entier ; il ne vise donc pas seulement à satisfaire des demandes individuelles. À mon sens, il s'agit d'un point capital.
Dans l'un des multiples articles publiés dans la presse sur ce projet de loi, que vous lisez probablement, Claire Fourcade, la présidente de la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs (Sfap) a fait cette déclaration qui me paraît tout à fait juste : « Avec cette loi, nous perdons la liberté de ne pas nous demander si ce serait mieux pour nous, pour les autres, pour la société. Devoir se poser cette question lorsque l'on est fragile ou vulnérable, c'est déjà être soumis à une pression pour y répondre. »
Je ne suis donc pas du tout favorable à l'amendement n° 2927 .
Je ne souhaite absolument pas faire inscrire un droit à mourir, car nous y viendrons tous, mais un droit à l'aide à mourir.
L'inscrire ainsi dans la loi n'en fait pas un droit absolu, madame la ministre. Nous avons inscrit dans la Constitution le droit à l'IVG, pour autant il ne s'agit pas d'un droit absolu : il s'exerce dans un cadre précis, avec des conditions contraignantes. De même, inscrire l'aide à mourir dans la loi n'en fait pas pour autant un droit absolu.
En revanche, cela permettrait que chacun, quels que soient ses revenus ou le lieu où il habite, puisse y avoir accès. Il me paraît très important de clarifier cette question. Il ne s'agit pas de sémantique mais des dispositions que nous voulons inscrire dans la loi, pour toutes les personnes pour lesquelles nous légiférons.
Mme Sandra Regol applaudit.
Je soutiens l'amendement présenté par Mme K/Bidi. Comme elle l'a dit à l'instant, il ne s'agit pas du droit à mourir. Écartons le sujet : le droit à mourir existe et le suicide est dépénalisé dans notre pays depuis le code pénal révolutionnaire de 1791.
L'objet de l'amendement n° 2927 est de reconnaître un droit à demander une aide à mourir. Il me semble qu'il faut le voter pour deux raisons différentes. Négativement, dès lors qu'on reconnaît qu'il s'agit d'un droit, cela exclut que ce soit un devoir. Ainsi est-ce accroître la liberté que d'inscrire dans la loi qu'il s'agit d'un droit : il est optionnel, et nul ne saurait être contraint de l'exercer. Positivement, en faire un droit montre qu'il s'agit d'une pratique nouvelle dont l'usage est reconnu aux individus.
De la même manière, l'interruption volontaire de grossesse existait avant la loi du 17 janvier 1975, mais elle était illégale et clandestine, comme l'objet du projet de loi que nous examinons. La loi Veil n'a pas reconnu l'interruption volontaire de grossesse, mais le droit à l'interruption volontaire de grossesse, c'est-à-dire à une assistance pour que les femmes puissent avoir l'usage de leur corps et faire de soi ce qu'elles estiment bon, juste et digne.
Pour ces deux raisons, je vous invite donc à adopter l'amendement n° 2927 .
Je soutiens l'amendement n° 2927 , semblable à l'amendement n° 2191 que je défendrai par la suite, sauf si le premier était adopté, car alors l'amendement n° 2191 tomberait. Je rappelle que dans la préconisation n° 11 du rapport intitulé « Fin de vie : faire évoluer la loi ? », le Cese recommande, au nom du principe de liberté individuelle, « de garantir solidairement […] le droit pour les personnes atteintes de maladies graves et incurables, en état de souffrance physique ou psychique insupportable et inapaisable, de demander l'aide active à mourir […] ». L'amendement n° 2927 va dans le sens de cette recommandation, aussi le soutiendrons-nous.
Mme Christine Pires Beaune applaudit.
Je ne conteste pas les motivations de l'amendement n° 2927 , mais j'appelle à la plus grande prudence. De même que je considère que les innombrables amendements déposés par des députés siégeant du côté droit de l'hémicycle, que nous avons discutés ou que nous examinerons par la suite, se concentrent sur des questions sémantiques, de même je pense que l'amendement n° 2927 porte également sur une question sémantique. Par définition, si nous adoptons ce projet de loi, le droit d'accéder à l'aide à mourir sera reconnu.
Il me paraît donc superfétatoire d'inscrire le terme de « droit » dans la loi, alors même que, comme vous le savez, je suis favorable à ce projet de loi et à ce droit.
Par ailleurs, si nous souhaitons l'adoption de cette loi, gardons-nous d'y ajouter des considérations qui rendraient plus difficile pour ceux qui sont encore hésitants son adoption. Ceux qui y sont comme moi favorables ont la responsabilité du vote final de ce projet de loi. Réfléchissons-y à deux fois avant d'ajouter des dispositions. Je suis donc défavorable à cet amendement, même si je partage la motivation qui a présidé à sa rédaction.
Mme Natalia Pouzyreff applaudit.
Nous entendons des termes très importants – d'aucuns considèrent qu'il s'agit de questions sémantiques, mais ce n'est pas mon cas. Il est ici question de droit – on parle du droit de choisir sa mort – et de liberté. On nous dit, comme si cela permettait de trancher de manière définitive, d'écouter les demandes de nos concitoyens. Mais que veulent-ils ? Veulent-ils mourir ou ne plus souffrir ?
Nous, législateurs, qui essayons de défendre une société à laquelle nous croyons, et de promouvoir une vision, qui est celle de la fraternité, terme que nous entendons aussi beaucoup, devons-nous proposer comme une solution d'en finir ? Vous répondez que le titre I
Certes, mais comment peut-on honnêtement penser que personne ne sera tenté, plus tard, d'assouplir ce droit à choisir ? Qu'au nom de l'égalité – un terme que nous entendons beaucoup aussi – une personne souffrant d'une autre pathologie ne demandera pas aussi cette aide active à mourir ? Aux Pays-Bas, après de multiples ouvertures, le critère de polypathologie, qui recouvre l'arthrose et même la surdité, représente 16 % des euthanasies.
Vous répétez : que faisons-nous pour ceux dont nous ne parvenons pas à soulager les douleurs insoutenables ? Ils sont peu nombreux ; que faisons-nous ? Personne ici ne peut accepter ces souffrances. Mais les quelques-uns qui ne seraient pas soulagés, ni par les soins palliatifs, ni par une sédation profonde et continue, deviendront par la suite de plus en plus nombreux. Observons la situation dans les pays qui ont légalisé l'euthanasie et le suicide assisté. Je donnerai quelques exemples. En Belgique, en 2002, 24 euthanasies ont été pratiquées ; en 2022, 2 966 ont été réalisées. Au Canada, on est passé de 1 018 en 2016 à 10 064 en 2021. Aux Pays-Bas, en 2002, 1 882 euthanasies ont été réalisées ; en 2021, il y en a eu 7 866. Avons-nous l'outrecuidance de penser que le modèle à la française ne dérivera pas de cette manière ?
Je citerai enfin le rapport de la commission de réflexion sur la fin de vie en France : « La pratique euthanasique développe en effet sa propre dynamique résistant à tout contrôle efficace, et tend nécessairement à s'élargir, avec un curseur qualitatif sans cesse mouvant qui ne revient jamais en arrière. »
Applaudissements sur les bancs des groupes RN et LR. – Mme Astrid Panosyan-Bouvet applaudit également.
L'amendement a le mérite de poser la question du fameux effet cliquet de ce type de loi. Le fait justificatif permettra de déroger à ce qui est, en l'état du droit, formellement interdit par le code pénal – qu'il s'agisse d'homicide, de provocation au suicide ou de non-assistance à personne en danger.
Mais si vous déplacez le curseur sur la notion de droit, le fait justificatif, et ses critères très stricts avec, s'effacera petit à petit, ce qui élargira d'autant le périmètre du droit à mourir. Vous avez beau essayer aujourd'hui de fixer un cadre contraignant, demain on pourra sortir de ce carcan pour euthanasier des personnes dépressives ou des enfants. Ce n'est pas un fantasme puisque des amendements avaient été déposés en ce sens dans le cadre des travaux de la commission spéciale.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Protestations sur plusieurs bancs des groupes LR et RN.
Il y a des drapeaux dont on est fiers quand des civils sont en train de se faire massacrer !
Applaudissements sur quelques bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES. – Protestations sur plusieurs bancs des groupes LR et RN.
Vous agitez la menace d'une ouverture, dangereuse. Mais les conditions de recours à l'interruption volontaire de grossesse ont-elles été radicalement modifiées après la loi Veil ?
Non ! Même depuis que ce droit est inscrit dans la Constitution, il est toujours encadré par des délais et soumis à des conditions.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES.
Nous n'avons pas basculé vers une ouverture universelle de ce droit à toutes les femmes enceintes de huit mois.
Vous ne faites qu'agiter des peurs dans la société. Le projet de loi dont nous débattons prévoit des garde-fous extrêmement clairs pour recourir à l'aide à mourir. Il ne faut donc pas craindre une ouverture non maîtrisée. Au contraire, le texte fixe des limites et dessine des lignes rouges ; c'est toute sa force !
L'amendement n° 2927 n'est pas adopté.
Il s'agit d'un rappel au règlement sur l'organisation de nos débats. Nous venons de recevoir un communiqué nous informant que, vendredi matin, nous devrons suspendre nos travaux pour écouter le président Zelensky qui sera accueilli dans notre assemblée. Cela modifie l'ordre du jour de l'Assemblée puisque la conférence des présidents ne l'avait pas prévu.
Il est regrettable qu'à quarante-huit heures d'un scrutin européen et alors que, déjà, la veille, le Président de la République se sera invité sur toutes les chaînes de télévision pour tenir un discours de politique générale, nous parler d'Europe et parasiter le débat européen ,
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et SOC, sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES et sur quelques bancs du groupe RN
notre assemblée participe à cette confusion en recevant le président Zelensky.
Cela n'enlève évidemment rien à notre soutien aux Ukrainiens. Mais notre assemblée aurait dû se tenir en dehors…
L'Assemblée n'aurait pas dû participer à ce mouvement ; à quarante-huit heures d'un scrutin, il est déplacé d'inviter le président Zelensky à s'exprimer ici.
Cela fait plusieurs jours que nous sommes en contact avec le président Zelensky. Il sera en France à l'occasion des commémorations liées au 80
Nous n'avons pas choisi cette date, pas plus que celle du scrutin européen, trois jours plus tard – vous savez bien que le scrutin a lieu le même jour dans tous les pays d'Europe.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Mmes Stella Dupond et Sandra Marsaud et M. Didier Martin se lèvent pour applaudir.
Je suis très heureuse que l'Assemblée nationale accueille le président Zelensky.
Mêmes mouvements.
Malheureusement, la guerre ne connaît pas d'interruption et elle continuera les 6, 7, 8, 9 juin et les jours d'après.
Mêmes mouvements.
En tant que présidente de l'Assemblée nationale, je suis fière de lui permettre de s'exprimer devant la représentation nationale.
Vous le savez, nous avons noué des liens très étroits avec l'Ukraine : le président de la Rada s'est exprimé dans l'hémicycle et je me suis récemment exprimée devant la Rada. Nous devons continuer à entretenir cette relation étroite avec les Ukrainiens et les assurer de notre soutien.
J'espère que vous serez très nombreux dans l'hémicycle le 9 juin au matin. Je me suis organisée pour que l'interruption de nos travaux sur la fin de vie soit la plus courte possible.
Protestations sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Le président Zelensky interviendra à neuf heures quarante-cinq, de telle sorte que les débats ne soient interrompus que très brièvement.
Je vous remercie de ce rappel au règlement qui m'a permis d'expliquer la situation, et cette invitation. Nous allons reprendre nos travaux puisque vous ne souhaitez pas qu'ils soient interrompus trop longtemps.
Je suis saisie de deux amendements, n° 2992 et 1964 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement n° 2992 .
Sur l'amendement n° 2992 , je suis saisie par le groupe Gauche démocrate et républicaine – NUPES d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La période que nous vivons appelle à prendre ce type de décision avec beaucoup de soin, et collectivement. Vous avez annoncé que la guerre se poursuivrait peut-être – sans doute –, et je le regrette. Même si ce n'était pas le sens de votre propos, elle pourrait aussi s'arrêter – ce serait une bonne nouvelle.
Cet amendement de repli, issu de propositions formulées par France Assos Santé, vise à préciser que l'aide à mourir est une aide médicale, c'est-à-dire qu'elle s'inscrit dans un parcours encadré par des professionnels de santé, de la demande formulée par la personne malade jusqu'à l'administration de la substance létale. Même si j'estime que ce n'est pas le rôle des soignants d'administrer cette substance, vous noterez que j'essaie malgré tout de contribuer à nos débats.
En outre, l'amendement tend également à supprimer la mention selon laquelle la substance létale peut être administrée par une personne volontaire. France Assos Santé souligne à juste titre qu'une telle possibilité constituerait une disposition juridique inédite. Aucun autre pays au monde ne le prévoit. L'association alerte sur l'impact d'un tel geste pour la personne qui le commettrait, mais également sur les incidences de ce geste au niveau des relations intrafamiliales, ou avec l'entourage, les conséquences pouvant s'inscrire dans la durée.
L'entourage doit être là uniquement pour accompagner la personne malade, aussi pour des raisons de sécurité. En effet, les risques de complications sont réels, que le geste soit technique ou non. Ils le sont d'autant plus chez les personnes affaiblies par leur pathologie. Il ne s'agit pas simplement d'appuyer sur un bouton – le geste est beaucoup plus complexe que cela.
La parole est à Mme Sophie Panonacle, pour soutenir l'amendement n° 1964 .
L'aide à mourir bénéficie de l'accompagnement de professionnels de santé tout au long du processus, de l'évaluation du dossier à l'administration de la substance létale – qu'elle soit assurée par une tierce personne ou par le malade lui-même.
Le corps médical doit être systématiquement présent pour prévenir tout incident physique ou psychologique. Introduire le qualificatif « médical » permet de garantir cette obligation.
En défendant cet amendement rédigé en collaboration avec l'Association pour la recherche sur la sclérose latérale amyotrophique, je pense aux personnes atteintes de la maladie de Charcot, pour laquelle aucun traitement curatif n'existe. Elles veulent avoir le droit de vivre dignement, d'évaluer leurs propres souffrances et leurs limites. Elles veulent être accompagnées au mieux, jusqu'à la fin de leur vie, par des professionnels formés.
Vous souhaitez remplacer les mots « aide à mourir » par « aide médicale à mourir », plaidant pour que la procédure d'aide à mourir soit encadrée par le corps médical.
Cela présente l'inconvénient de laisser penser que seuls les professionnels de santé – médecins ou infirmiers – peuvent apporter leur assistance à la personne. Or le projet de loi vise à permettre aux personnes qui le souhaitent d'être accompagnées par un tiers – proches, mais aussi professionnels non médicaux. Vos amendements reviennent à éliminer la possibilité pour ces proches ou ces professionnels non médicaux d'intervenir. Il est préférable de s'en tenir à la rédaction actuelle. Avis défavorable.
Même avis.
Je salue la démarche de notre collègue Pierre Dharréville. Nous connaissons sa position – il est opposé à l'aide à mourir – mais il tient à apporter des précisions sur les modalités de ce dispositif.
À l'inverse, avec d'autres, je suis favorable à l'aide à mourir et je souhaite que nous légiférions conformément aux conclusions de la Convention citoyenne et aux souhaits de l'écrasante majorité de nos concitoyens. Mais je fais partie de ceux qui s'interrogent sur la novation que vous avez introduite – la possibilité pour une tierce personne désignée par la personne malade d'accomplir le geste létal. Je défendrai d'ailleurs un amendement un peu plus tard.
Nous abordons un débat important, que l'on soit, ou non, favorable au principe de l'aide à mourir. Je vous le dis avec solennité : cette disposition me fait douter du résultat final. J'espère que l'intelligence collective dont nous ferons preuve dans les minutes et les heures qui viennent nous permettra de revenir sur cette disposition, qui est une innovation mondiale. En outre, la Convention citoyenne a exclu cette possibilité, et nous sommes plusieurs à nous appuyer en permanence sur ses travaux, de qualité, et ses conclusions. Enfin, une telle possibilité ouvre des questions sans limites.
Si je suis prêt à admettre que l'aide à mourir fait partie du soin, ce dernier est un colloque singulier entre le patient et son soignant. En introduisant une tierce personne, vous perturbez – vous polluez – ce colloque. Je développerai d'autres arguments ultérieurement, mais j'espère que nous pourrons nous accorder dès à présent.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet applaudit.
Je soutiens l'amendement de Pierre Dharréville pour plusieurs raisons et je rejoins l'analyse de M. Guedj. Si l'aide à mourir n'est pas un soin, mais un droit – il a été inscrit comme tel dans le code de la santé publique –, ce droit résulte d'une décision médicale, et implique un acte d'une certaine technicité. Il est donc opportun de préciser qu'il s'agit bien d'une aide médicale à mourir.
En outre, l'amendement interdit le recours à un tiers non soignant. Je le répète, c'est un geste d'une certaine technicité – il peut s'agir d'une injection – et, à ce titre, il doit être réalisé par un personnel soignant.
Nous voterons contre cet amendement. L'aide à mourir n'est pas un soin.
En outre, madame Laernoes, vous avez déclaré que c'était un mensonge d'affirmer qu'il y avait un risque de dérives. Pour votre information, le collège des médecins du Québec, que Mme Rilhac a cité en exemple, s'est prononcé pour l'élargissement de l'aide à mourir aux personnes atteintes de troubles mentaux et aux enfants.
Enfin, certains propos entretiennent la confusion sur la situation dans nos hôpitaux. Certains ont décrit des patients à l'agonie, qu'on abandonnerait à leurs douleurs. Ne savez-vous pas que l'on soigne les douleurs et que l'on s'occupe des gens à l'hôpital ? La lutte contre la douleur est même un critère de qualité et de certification de nos hôpitaux ! Il est donc déraisonnable et faux d'affirmer qu'on laisse les malades à l'agonie ! Je crois même que M. Pilato a comparé les malades sur leur lit d'hôpital aux soldats déchiquetés sur le champ de bataille.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
C'est M. Pradié qui a fait cette comparaison !
Monsieur Juvin, ce n'est pas M. Pilato qui a fait cette comparaison.
À propos des amendements en discussion, j'entends l'argument selon lequel l'administration de l'aide à mourir par un tiers non membre de l'équipe médicale n'existe pas dans les autres pays. Mais ils n'ont pas la même traçabilité que nous ! En France, quand un soignant donne un verre d'eau, il faut le noter, quand un soignant dit un mot à un patient, il faut le noter. Il faut tout noter, tout écrire.
J'étais opposée à la suppression de l'auto-administration car elle permet de raréfier les cas qui nécessitent l'intervention d'une autre personne que le malade. Seuls demeurent les cas où le patient n'est pas physiquement en mesure de prendre seul le produit létal.
Mais que faire des cas très rares d'une personne qui dirait : « Ma mère ne peut pas prendre le produit. Moi qui suis aide-soignante, je sais faire le geste. Et c'est quelque chose qu'on s'était promis entre mère et fille » ? Dans une telle situation, l'infirmier ou le médecin présent sera obligé de tout noter.
C'est pour protéger le personnel soignant présent qu'il faut inscrire dans la loi que le produit peut être administré par une tierce personne. Il faut imaginer toutes les situations pour toujours protéger les soignants, dans tous les cas qu'ils vont rencontrer, aussi rares soient-ils.
M. René Pilato applaudit.
En réponse à M. Juvin, je vais parler du cas que je connais le mieux, celui des Pays-Bas.
Dans ce pays, en 2023, on a compté 9 068 cas d'aide à mourir. Parmi ceux-là, 5 105 cas étaient dus à un cancer et 3 148 à d'autres affections lourdes et graves. Seuls 138 cas étaient liés à des affections psychiatriques – le recours à l'aide à mourir dans ces cas-là est autorisé aux Pays-Bas mais n'est pas prévu dans le texte dont nous débattons.
De cinq à dix cas par an concernent des mineurs ou des enfants. J'avais déposé un amendement sur ce sujet en commission, je l'ai redéposé pour la séance. Il sera débattu. J'aurai donc l'occasion d'exposer mes arguments et l'avis des médecins confrontés à ces situations. C'est le plus horrible qui puisse arriver à un parent, mais il est aussi horrible de voir souffrir son enfant en sachant qu'aucune issue favorable n'est possible.
Vous parlez d'explosion des chiffres, de dérives, d'ouverture des critères. En réalité, dans les pays où l'aide à mourir est autorisée depuis des années, on observe que les gens qui y ont recours ont des pathologies mortelles, comme des cancers, ou une pluralité d'affections, ou bien sont en phase terminale. Les dérives dont vous parlez sont très peu nombreuses.
L'augmentation des cas n'est due qu'au vieillissement de la population et à la multiplication des cancers. Si de plus en plus de personnes veulent avoir recours à l'aide à mourir, c'est parce qu'il y a de plus en plus de personnes atteintes d'une maladie mortelle. C'est l'effet de la pyramide des âges, qui est la même en France que dans d'autres pays européens.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 122
Nombre de suffrages exprimés 91
Majorité absolue 46
Pour l'adoption 15
Contre 76
L'amendement n° 2992 n'est pas adopté.
L'amendement n° 1964 n'est pas adopté.
Je vous propose qu'on lève la séance. Mais j'aimerais m'entretenir avec les orateurs les plus impliqués des différents groupes pour évoquer avec eux la façon dont nous allons organiser la suite de nos débats.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi relatif à l'accompagnement des malades et de la fin de vie.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra