Après avoir, pendant de nombreuses heures, examiné des amendements par lesquels vous exigiez tous que la loi soit claire – c'est votre droit le plus strict –, s'agissant en particulier de la notion d'aide à mourir, il est paradoxal que, alors que nous en venons à son examen, vous demandiez la suppression de l'article 5, qui définit précisément cette notion.
Je crains que notre débat ne soit dans l'impasse. Mon avis sur ces amendements de suppression est évidemment très défavorable. L'article 5, loin de se borner à légaliser l'aide à mourir, lui confère un cadre et une définition – ainsi qu'un modèle français que nous nous honorerons, je l'espère, de voter.
Je relis cette définition, très claire en dépit des critiques que vous avez émises avant même de commencer l'examen de l'article : « L'aide à mourir consiste à autoriser et à accompagner une personne qui en a exprimé la demande à recourir à une substance létale, dans les conditions » définies par le code de la santé publique et plus tard par la loi, lorsque le présent texte aura été voté, « afin qu'elle se l'administre ou, lorsqu'elle n'est pas en mesure physiquement d'y procéder, se la fasse administrer par un médecin, un infirmier ou une personne majeure qu'elle désigne et qui se manifeste pour le faire. Cette dernière ne saurait percevoir aucune rémunération ou gratification à quelque titre que ce soit en contrepartie de sa désignation. Elle est accompagnée et assistée par le médecin et l'infirmier ». Quant à l'alinéa 7 de l'article, il légalise l'aide à mourir, ou du moins protège les personnes amenées à accompagner un malade.
L'article 5 s'applique aux malades atteints d'une affection grave et incurable, à un stade avancé ou terminal, et dont les souffrances sont devenues si insupportables que même les traitements ne parviennent plus à les apaiser. Tout au long de la procédure que le texte créera, ces personnes doivent être aptes à manifester leur choix libre, éclairé et conscient.
Quoi que vous disiez de la vulnérabilité des personnes malades, il est un fait qu'on ne les empêchera pas de décider ou non, en conscience, de mettre fin à leurs jours dans un cadre bienveillant, avec l'appui et l'accompagnement du personnel médical, suivant une procédure exigeante au cours de laquelle ils devront réitérer plusieurs fois leur demande. Cette procédure fraternelle les soutiendra dans des moments extrêmement difficiles.
Les personnes concernées sont malades et savent qu'elles vont mourir dans un délai de quelques semaines ou de quelques mois. Nous leur devons compassion et écoute, sans négliger d'écouter le personnel médical qui leur prête assistance.
Cet article constitue le cœur du texte. Je ne rappellerai ni les travaux de la mission d'évaluation de la loi Claeys-Leonetti ; ni l'avis 139 du Comité consultatif national d'éthique (CCNE), selon lequel « il existe une voie pour une application éthique de l'aide active à mourir » dans certaines conditions très précises ; ni l'avis rendu l'an dernier par le Conseil économique, social et environnemental (Cese) sur la fin de vie ; ni les travaux de la Convention citoyenne sur la fin de vie, dont les 184 membres ont très clairement pris position en faveur de l'aide active à mourir, bien qu'ils continuent de se poser des questions.
Ce projet de loi répond aux besoins des patients, des malades, et à la nécessité de les écouter. Il répond à une demande sociétale, à la volonté qu'ont nos concitoyens de choisir le moment de leur mort, lorsque la vie n'en est plus une. C'est un droit que nous proposons de leur offrir, sans en ôter aucun à qui que ce soit d'autre.