Intervention de Caroline Fiat

Séance en hémicycle du mardi 4 juin 2024 à 15h00
Accompagnement des malades et de la fin de vie — Article 5

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCaroline Fiat :

J'ai peu exercé en tant qu'aide-soignante : en dix ans, bien que j'aie accompagné de nombreuses personnes jusqu'à la fin, on ne m'a sollicitée que trois fois pour une aide à mourir. C'est peu. Depuis tout à l'heure, j'entends certains s'inquiéter pour les soignants et leur éthique. N'oubliez pas la douleur des soignants qui n'ont pas de réponse à apporter aux demandes d'aide à mourir – elles sont rares, mais elles existent : il arrive que des patients supplient les soignants qui se présentent dans leur chambre, matin, midi et soir, de leur venir en aide.

Monsieur Potier, vous disiez avoir été heurté d'entendre parler de ces vies qui ne valent plus d'être vécues. Mais que répondez-vous quand ce sont les patients qui s'expriment de la sorte : « Ma vie ne vaut plus le coup d'être vécue, je veux partir » ? Qu'on ne peut pas faire plus ? Que devraient faire les soignants qui ont tout mis en œuvre pour soulager les douleurs, en apportant des soins de confort, en demandant aux familles de venir, en entourant les patients d'objets personnels pour qu'ils se sentent au mieux ?

Au cours de ma carrière, mon plus gros échec correspond au moment où j'ai vu partir un de mes patients en ambulance, vers la Belgique, parce qu'il avait les moyens de le faire. Je n'ai pas su répondre à son besoin : il a dû quitter notre service, où il était depuis des mois. Il n'était pas avec nous au moment de mourir. Que vous soyez pour ou contre ce projet de loi, mesurez la douleur des soignants incapables de répondre à la demande ultime de leur patient. Ceux qui choisissent ce métier veulent prodiguer des soins.

Certes, les demandes d'aide à mourir seront rares. Quelqu'un disait : « On n'écrit pas la loi pour une personne ». Peut-être l'écrivons-nous pour très peu de monde, mais nous l'écrivons aussi pour aider les soignants qui sont actuellement démunis face à ces patients qui n'en peuvent plus de vivre, et auxquels ils ont déjà apporté tout ce qu'ils pouvaient pour que leur fin de vie soit la plus paisible possible.

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