Les personnes concernées par la loi ne seront pas aussi rares que vous le prétendez. D'autre part, vous postulez une liberté absolue qui relève de la fiction car nul ne peut s'extraire des rapports sociaux.
Le droit concourt à édicter la norme, j'en conviens. Que faire des demandes de mort, des appels au secours ? Faut-il prendre acte du découragement, du renoncement, auxquels nous pouvons tous céder ?
« Bien sûr, écrit le philosophe Jacques Ricot, chacun peut "demander" à en finir, peut dire sa détresse et cette plainte doit être impérativement accueillie, sans jugement. Mais conforter autrui dans son autodépréciation, voire l'admirer dans son choix, n'est-ce pas le témoignage d'une impuissance […] ? » Il écrit également : « La question redoutable qui est alors posée est la suivante : le suicide, loin d'être seulement ce que les juristes appellent une liberté individuelle, loin d'être un geste que la société ne condamne pas, finit par devenir un acte que la société "approuve" au regard de conditions qu'elle pose. Autrement dit, elle s'arroge le pouvoir extraordinaire de décider quelle demande est recevable, et quelle demande ne l'est pas, quelle vie doit être poursuivie et quelle vie ne doit pas l'être. Le suicide passe alors du statut d'un droit-liberté à celui d'un droit-créance. »
Nous nous situons ainsi, poursuit Ricot, « dans une logique d'approbation et non de neutralité ».