France Insoumise (NUPES)
PCF & ultramarins (NUPES) PS et divers gauche (NUPES) EELV (NUPES)
Radicaux, centristes, régionalistes... LREM et proches (Majorité gouv.)
MoDem et indépendants (Majorité gouv.) Horizons (Majorité gouv.) LR et UDI
RN et patriotes
Non-Inscrits (divers gauche à droite sans groupe)
La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Rappel au règlement
L'article 80-1 de notre règlement sur lequel je me fonde, madame la présidente, précise que les « députés exercent leur mandat au profit du seul intérêt général ». Or, madame Moutchou, vous avez déclaré ce matin, juste avant que la séance ne soit levée : « J'étais moins prête aux coups tordus, j'étais moins prête aux manœuvres. Nous étions attendus sur ce sujet mais certains d'entre vous ont voulu en faire une affaire personnelle. ». Pourriez-vous nous indiquer qui vous mettiez en cause ? Il est important que notre assemblée et le peuple français soient éclairés à ce sujet.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Le retrait de cette proposition de loi a mis fin à sa discussion, monsieur Léaument.
La parole est à M. Laurent Marcangeli, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l'éducation.
Je suis très heureux de vous présenter cette proposition de loi adoptée à l'unanimité, le 15 février dernier, lors de son examen devant la commission des affaires culturelles. Je remercie sa présidente, Isabelle Rauch, et ses membres pour la qualité de nos échanges, qui ont permis de l'améliorer et de l'enrichir dans un esprit de consensus. Cela démontre, s'il en était besoin, que sur certaines questions essentielles comme la protection des mineurs, notre assemblée est capable de travailler de façon efficace et transpartisane. Je m'en félicite et j'espère que cet esprit constructif prévaudra également aujourd'hui.
Dès mon élection en juin 2022, j'ai considéré qu'il était primordial de me pencher sur les relations entre les jeunes et les réseaux sociaux, sujet devenu incontournable et même préoccupant, ces dernières années. L'enjeu est d'importance et ma proposition de loi vise à s'en saisir avec humilité, certes, mais non sans ambition. J'ai donc choisi que ce texte, sur lequel je travaille avec mon équipe depuis plusieurs mois, soit inscrit à l'ordre du jour de la première journée d'initiative parlementaire du groupe Horizons et apparentés que j'ai l'honneur de présider.
Par cette initiative législative, il me semblait nécessaire de lancer un débat sur ces questions et d'inviter chaque parent – moi compris – à s'interroger sur les usages numériques de son ou ses enfants. Je suis bien conscient qu'un véhicule législatif aussi modeste ne permet pas d'embrasser l'ensemble des problématiques soulevées par les réseaux sociaux. Néanmoins, j'espère bien, avec votre concours, apporter une pierre non négligeable à la construction d'un écosystème global pour la protection de l'enfance en ligne.
Avec ce texte ciblant les réseaux sociaux, rendu plus opérationnel par les apports des auditions et consultations que j'ai menées ainsi que par ceux de nos discussions en commission, je pense que l'objectif peut être atteint. Nous ressentons tous l'urgence qu'il y a à légiférer en ce domaine.
Le premier smartphone est possédé en moyenne avant 10 ans en France. Il ne s'agit ici ni de le déplorer, ni de tenir un discours moralisateur, ni de condamner des usages de plus en plus répandus parmi les jeunes. Ce serait là une position dépassée et, pire encore, inefficace. Nous devons cependant prendre conscience de la précocité croissante de cette puberté numérique et de la puissance des outils mis à disposition de nos jeunes, au lieu de nous contenter d'en observer les potentiels dommages. Nous devons agir pour poser les garde-fous indispensables à leur protection.
Nos sociétés sont désormais confrontées à un double défi de santé publique et de protection de l'enfance. Le constat posé par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) en 2021 est sans appel : nous assistons à une massification et une autonomisation des pratiques numériques chez les jeunes publics. Ainsi, 82 % des enfants de 10 à 14 ans se rendent régulièrement sur internet sans leurs parents et plus de 50 % d'entre eux sont présents sur les réseaux sociaux, sur lesquels ils s'inscrivent en moyenne vers 8 ans et demi.
Pourtant, les parents sous-estiment de façon structurelle les activités numériques de leurs enfants. L'Observatoire de la parentalité et de l'éducation numérique (Open) et l'Union nationale des associations familiales (Unaf), deux associations dont j'ai rencontré les représentants, soulignent que les jeunes sont massivement présents sur les réseaux sociaux, et de plus en plus tôt.
Les réseaux sociaux, s'ils peuvent être un espace qui offre de nouvelles possibilités aux jeunes utilisateurs, sont aussi le lieu de convergence de risques multiples. Qui peut raisonnablement affirmer qu'il est normal que de jeunes enfants naviguent librement, avec leur propre compte, sur un réseau social ? Qu'ils soient invités, par défi, à se brûler un doigt ou à s'entailler la joue pour y laisser une cicatrice permanente ? Qu'ils soient assaillis par des contenus à la fiabilité douteuse, des fake news ou des propos complotistes viraux, alors que leur esprit critique n'est pas encore pleinement forgé ? Qu'ils soient exposés plusieurs heures par jour à des standards de beauté inatteignables, à moins de recourir à la chirurgie esthétique ?
Mes chers collègues, vous l'aurez compris, ces risques sont d'abord psycho-sociaux, car les réseaux sociaux donnent accès à des contenus problématiques, voire dangereux : il en va ainsi des contenus pornographiques qui ne sont pas seulement diffusés sur des sites spécialisés. Il ne faut pas négliger l'impact psychologique de contenus apparemment plus anodins mais qui creusent leur sillon et affectent l'estime de soi des adolescents et des adolescentes. Nous assistons à une explosion des demandes d'opérations de chirurgie esthétique visant à se rapprocher des images façonnées par les filtres des réseaux sociaux. Il faut bien sûr aussi mentionner les cas d'adolescents conduits au suicide par des algorithmes les enfermant dans des spirales de contenus délétères, comme la jeune Molly Russell, dont la mort a fait grand bruit au Royaume-Uni.
La nature addictive des réseaux sociaux, inscrite dans leur modèle économique même, doit nous pousser, nous, adultes, à mieux protéger les mineurs, particulièrement les moins de 15 ans encore plus vulnérables, des potentiels effets néfastes évoqués ici et qui ne sauraient résumer, évidemment, l'expérience vécue sur ces espaces. Il s'agit pour chacun – parents, entreprises, jeunes – de prendre ses responsabilités et, pour cela, il importe de poser clairement les limites, de les rappeler, et de sanctionner plus fermement leur dépassement : c'est le sens de cette proposition de loi.
L'article 1
Un nouvel article, l'article 1er bis, introduit en commission à l'initiative de la présidente de la délégation aux droits des femmes, Mme Véronique Riotton, permettra de faciliter le signalement de certains délits commis en ligne et contribuera ainsi à créer un environnement numérique plus sûr pour les mineurs, mais pas seulement.
L'article 2 renforce les obligations incombant aux réseaux sociaux en matière de vérification des conditions d'âge et d'autorisation parentale pour les mineurs de 15 ans. Ils devront appliquer des solutions techniques de vérification conformes aux exigences du référentiel élaboré par l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), après consultation de la Cnil, qui garantira que les moyens mis en œuvre respectent les meilleures règles de l'art en la matière.
Cette obligation est assortie d'un mécanisme de contrôle exercé par l'Arcom et d'une sanction importante afin de renforcer son effectivité. Cet article constitue le cœur de ma proposition : il vise à mettre un terme aux inscriptions de mineurs de 15 ans effectuées sur les réseaux sociaux sans qu'une autorisation expresse n'ait été donnée par un détenteur de l'autorité parentale et sérieusement contrôlée par les réseaux.
L'article 3 entend donner de meilleures armes aux enquêteurs, et donc à la justice, pour lutter contre l'impunité de ceux qui tiennent des discours de haine en ligne. Pour la première fois, des délais de réponse aux réquisitions judiciaires seront définis dans la loi. En outre, en cas de non-réponse, est prévue une sanction, en conformité avec les récentes évolutions du droit de l'Union. Cela nous conduira même à en anticiper la mise en œuvre.
L'article 4 demande un rapport au Gouvernement sur les conséquences de l'utilisation des réseaux sociaux sur la santé physique et mentale des jeunes car la littérature scientifique sur les dangers des réseaux sociaux est insuffisante. Si un rapport produit par le Gouvernement ne saurait se substituer à un travail universitaire, j'estime qu'il s'agit là d'un appel solennel à ce qu'un état des lieux des connaissances disponibles soit dressé avec tout le sérieux nécessaire.
Quant au dernier article, il demande au Gouvernement d'étudier, dans un rapport, la pertinence d'une fusion des deux services d'assistance déployés pour lutter respectivement contre le harcèlement scolaire et contre le cyberharcèlement dans la perspective d'un renforcement de la cohérence et de la continuité de leur action.
Il s'agit pour moi non pas d'envisager les réseaux sociaux sous le seul angle répressif mais d'entamer une réflexion globale sur les effets que leur fréquentation a sur notre jeunesse et de préserver celle-ci des risques les plus patents en posant, et en faisant appliquer, de justes garde-fous.
Mes chers collègues, cette proposition de loi est susceptible de constituer une réelle avancée vers une protection améliorée des jeunes dans leurs usages des réseaux sociaux. Elle permettra de mettre chacun face à ses obligations et à ses responsabilités. Je suis convaincu que cet enjeu peut nous rassembler de façon très large et je vous remercie d'ores et déjà pour les nombreuses propositions d'amélioration du texte apportées dans vos amendements.
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications.
« Il est si beau, l'enfant, avec son doux sourire, / Sa douce bonne foi, sa voix qui veut tout dire, / Ses pleurs vite apaisés, / Laissant errer sa vue étonnée et ravie, / Offrant de toutes parts sa jeune âme à la vie. » C'est ainsi que Victor Hugo décrivait l'insouciance, insouciance que nous devons à nos enfants. C'est dans ce cocon que nos enfants façonnent leur âme d'hommes et de femmes libres, de citoyens éclairés, de personnes capables d'humanité, d'émancipation, de spiritualité et de relations apaisées aux autres et à eux-mêmes. C'est cette insouciance que nous devons préserver par tous les moyens dans la société numérique car, si ses outils ouvrent à nos enfants des possibilités formidables d'échanges, d'apprentissage et de communication, ils sont aussi victimes en ligne d'atteintes brutales à leur innocence et à leur intimité. Qu'il s'agisse de l'exposition aux contenus pornographiques, du cyberharcèlement ou de l'addiction aux réseaux sociaux, tous les enfants de France sont désormais concernés.
Je pourrais citer des chiffres, ils sont éloquents. Je pourrais rappeler que les preuves scientifiques portant sur le lien de causalité entre utilisation débridée des réseaux sociaux et atteintes à la santé mentale des enfants et adolescents s'accumulent mais je crois qu'il est plus édifiant encore d'écouter les enfants eux-mêmes : nos enfants qui témoignent, lorsque vous, madame la secrétaire d'État chargée de l'enfance, les conviez au conseil des ministres des enfants, lorsqu'ils participent aux réunions du Conseil national de la refondation (CNR) ; nos enfants qui témoignent de leur sentiment d'avoir été précipités trop tôt dans la jungle des réseaux sociaux comme si on les avait poussés dans le grand bain sans leur avoir préalablement et patiemment appris à nager ; nos enfants qui témoignent de leur colère à l'encontre de grandes plateformes usant de tous les moyens pour capter leur attention au risque de les enfermer dans des prisons algorithmiques, de les plonger dans des abîmes de tristesse et de mal-être ; nos enfants qui témoignent, mesdames et messieurs les députés, et qui nous appellent à l'action.
Cet appel, nous ne pouvons y rester sourds. Nous ne pouvons accepter le sacrifice d'une génération sur l'autel des géants du numérique. Nous avons d'ores et déjà commencé à agir.
Grâce aux travaux menés par Bruno Studer, la France sera bientôt le premier pays du monde à généraliser le contrôle parental par défaut sur tous les appareils vendus sur son territoire, des smartphones aux consoles de jeux vidéo en passant par les tablettes.
Le contrôle parental restreindra l'accès aux sites réservés aux adultes, fera respecter les limites d'âge des réseaux sociaux et permettra aux parents de contrôler le temps passé sur l'écran.
À cause du déferlement massif de contenus pornographiques en libre accès sur internet, 2 millions d'enfants y sont exposés chaque mois. C'est un scandale révoltant, qui s'explique par le fait que les sites concernés ne vérifient pas sérieusement l'âge des utilisateurs. Pourtant, une loi a été adoptée en 2020 visant à les contraindre à exercer ce contrôle, sous peine de voir leur diffusion bloquée par le juge. Nous exigeons qu'ils s'y conforment désormais.
Mais les violences faites aux enfants en ligne ne s'arrêtent pas à la pornographie. Un million d'élèves sont victimes de cyberharcèlement chaque année en France. Nous agissons également sur ce plan. Avec le ministre Pap Ndiaye, nous avons lancé cette année l'expérimentation du passeport internet qui sera généralisé à la rentrée prochaine. Désormais, tous les élèves de sixième bénéficieront d'un module de sensibilisation aux risques et aux attitudes à adopter lorsque l'on est victime ou témoin de cyberharcèlement. Je veux en particulier saluer l'action du numéro d'urgence 3018, dont nous avons annoncé récemment, avec Charlotte Caubel, le renforcement des effectifs et l'extension des heures d'écoute.
Toutefois, face à cette vague d'insécurité numérique, la meilleure des digues reste la protection parentale. C'est la raison pour laquelle nous avons lancé, il y a quelques semaines, une vaste campagne de communication sur le site jeprotegemonenfant.gouv.fr, qui contient toutes les informations utiles et tous les outils pour les parents.
Nous avons commencé à agir au niveau français comme je viens de le rappeler ; nous avons également agi au niveau européen. Sous l'impulsion du Président de la République, lors de la présidence française de l'Union européenne, l'Europe a fait un pas historique dans la direction d'une meilleure régulation des plateformes au profit des mineurs, grâce au règlement sur les services numériques, le DSA – Digital Services Act. Avec ce règlement, les plateformes de réseaux sociaux entrent, enfin, dans l'ère de la responsabilité. Elles devront satisfaire à nos exigences de modération des contenus et devront faire la transparence sur leurs algorithmes et leurs données.
De nouvelles obligations s'imposeront à elles pour la protection des mineurs : proposer des conditions générales d'utilisation (CGU) facilement compréhensibles des enfants ; prendre toutes les mesures pour assurer le plus haut niveau de protection de la vie privée, de la sécurité et de la sûreté des mineurs – ces mesures peuvent inclure en particulier des interfaces adaptées et l'adoption à leurs services de normes de protection des mineurs ; enfin, elles auront l'interdiction de faire de la publicité ciblée sur les mineurs.
Vous le voyez, mesdames et messieurs les députés, nous avons commencé à agir, mais nous devons continuer. C'est la raison pour laquelle je salue la proposition de loi déposée par le président Marcangeli et le groupe Horizons et apparentés. Elle s'attaque en particulier à l'une des dimensions du problème : l'absence de vérification de l'âge lors de l'inscription sur les réseaux sociaux et l'absence de recueil du consentement parental pour les enfants de moins de 15 ans. Grâce à ce texte, les grandes plateformes de réseaux sociaux seront tenues de faire respecter les limites d'âge qu'elles se sont elles-mêmes fixées et il ne sera tout simplement plus possible pour un réseau social d'inscrire un mineur de moins de 15 ans sans le consentement de ses parents.
Au cours de nos débats sur la présente proposition de loi, tout à fait bienvenue, il nous faudra trouver le bon équilibre. L'équilibre entre la protection des enfants, qui est une priorité absolue, et le renforcement de l'autorité parentale. Si nous exigeons des plateformes le plus haut niveau de sécurité pour nos enfants, si nous exigeons d'elles qu'elles vérifient l'âge des utilisateurs, nous devons préférer à l'interdiction pure et simple d'accès aux réseaux sociaux un renforcement de la capacité des parents à contrôler cet accès et à accompagner leur enfant dans le dialogue. C'est cet équilibre entre les règles fixées par la loi et l'accompagnement dans le cadre familial que je souhaite que nous puissions trouver ensemble. Pour protéger nos enfants et pour leur garantir le droit à l'insouciance.
Mme Isabelle Rauch, présidente de la commission des affaires culturelles et de l'éducation et M. le rapporteur applaudissent.
Un enfant a besoin de communiquer, de jouer, de toucher, d'observer, de découvrir, de sentir, parfois même de s'ennuyer. Il a besoin de sécurité, de stabilité et de sérénité. Surtout, un enfant a besoin d'être protégé. Ses droits doivent être respectés.
Depuis ma prise de fonction, avec l'ensemble des ministres – Jean-Noël Barrot, bien sûr, ministre délégué chargé de la transition numérique, mais aussi les ministres de l'éducation, de la santé, de la famille, de la justice et de l'intérieur –, avec les parlementaires – notamment les membres de la délégation aux droits des enfants –, avec les associations qui œuvrent aux côtés des familles et des jeunes, nous prenons tous les jours un peu plus la mesure des risques que représentent les écrans, internet et les réseaux sociaux pour les enfants.
Nous nous sommes accordés pour repérer cinq risques majeurs. Premièrement, l'utilisation excessive des écrans, dès le plus jeune âge, qui génère des difficultés d'acquisition du langage pour les plus jeunes, des comportements addictifs pour tous, des troubles de l'attention, du sommeil, de la vision pour certains. Deuxièmement, l'accès à des contenus légaux mais inadaptés à l'âge des enfants et à leur maturité. Je pense, bien sûr, aux images violentes et à la pornographie qui portent atteinte à l'équilibre affectif, à la santé physique et mentale ou au développement des enfants qui y ont accès de plus en plus jeunes. Troisièmement, les actes de délinquance dont les mineurs sont souvent victimes à travers le numérique : cyberharcèlement, revenge porn, grooming ou pédopiégeage, escroqueries, avec le sujet bien sûr très particulier de la pédocriminalité en ligne. Quatrièmement, la protection de l'image des enfants, de leurs données, de leur vie privée, laissées à disposition de tous sur le net. Enfin, cinquièmement, nul ne peut minimiser l'invasion, la perturbation quotidienne que constituent le petit smartphone et les comportements qu'il génère dans les familles, dans les relations sociales et affectives des enfants.
Le numérique, vous l'avez rappelé, offre des opportunités exceptionnelles d'ouverture au monde et aux autres pour nos enfants. Mais, hélas, j'en suis convaincue, il représente aujourd'hui pour eux l'un des plus grands risques. Nous devons donc les protéger. Telle est l'ambition du Président de la République qui, après la lutte contre les contenus haineux et terroristes, soutient personnellement ce projet. Il est l'une des cinq priorités que la Première ministre a fixées au Gouvernement, à l'occasion du comité interministériel de l'enfance le 21 novembre dernier.
Quels sont nos leviers d'action ? Il faut d'abord sensibiliser, informer, éduquer les enfants. Jean-Noël Barrot l'a évoqué, la généralisation du passeport internet est une avancée majeure. Pour savoir conduire, il faut déjà apprendre le code de la route. Il est donc essentiel, dès la sixième, d'apprendre, de comprendre et de mieux maîtriser les outils numériques. Avec la campagne d'information et le renforcement des moyens du numéro d'urgence pour les victimes de violences numériques, le 3018, nous avons envoyé un message clair aux enfants et aux jeunes : vous n'êtes pas seuls et nous pouvons vous aider !
Il faut aussi accompagner les parents et les réinvestir, les investir parfois, dans leurs responsabilités, en créant des outils pratiques pour les soutenir au quotidien. Seuls 12 % d'entre eux se déclarent sereins quant à la consommation d'écran de leurs enfants et plus de la moitié ignorent complètement leur vie en ligne. En février dernier, Jean-Noël Barrot l'a rappelé, nous avons lancé une campagne nationale sur la parentalité numérique pour redonner confiance aux parents dans leur rôle et leur rappeler une règle simple : vous apprenez à vos enfants à nager, apprenez-leur à surfer sur le net. Avec les associations partenaires – l'Unaf, Open, e-Enfance – nous renforçons la formation des parents et les temps d'échanges dédiés aux bonnes pratiques, avec le déploiement des ateliers « parents, parlons numérique » partout sur le territoire.
Mais, au-delà des enfants et des parents, nous devons évidemment encadrer et responsabiliser les acteurs du numérique eux-mêmes. Car ce sont bien eux qui définissent les règles techniques, les pratiques, les relations contractuelles, les règles algorithmiques sur leurs appareils, leurs sites, leurs plateformes. Ils participent donc largement à définir les actions, les interactions conscientes ou inconscientes des utilisateurs. Certes, les réseaux sociaux permettent de se connecter au monde, sans limite et sans frontière. Mais lorsqu'il s'agit d'enfants, il faut être prudent dans la vie réelle comme dans la vie en ligne.
Encadrement du travail des enfants influenceurs, contrôle parental par défaut, travaux du Laboratoire pour la protection de l'enfance en ligne. Avec l'impulsion du Président de la République, les fortes contributions de votre assemblée, les travaux des autorités et des administrations publiques, la France est devenue pionnière en matière de protection de l'enfance en ligne.
En 2023, le Gouvernement et la majorité présidentielle continuent d'avancer activement sur ces sujets. Pas moins de trois propositions de loi seront examinées dans votre hémicycle, en quelques jours : celle visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants, dont le rapporteur est Bruno Studer, très engagé sur cette thématique, et celle relative à la prévention de l'exposition excessive des enfants aux écrans, de la députée Caroline Janvier, dont nous débattrons lundi 6 mars prochain ; enfin, la proposition de loi visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne, du président Laurent Marcangeli, qui nous réunit aujourd'hui.
La présente proposition de loi, adoptée à l'unanimité par la commission des affaires culturelles, démontre qu'au moins un sujet nous rassemble tous dans cet hémicycle : nos enfants. Et je m'en réjouis !
Vous ne débattiez pas du même thème ce matin. Deux semaines après l'adoption de la proposition de loi d'Isabelle Santiago visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales, vous démontrez, une nouvelle fois, l'engagement de tous les députés en faveur de la protection de l'enfance et je vous en remercie.
Pour résumer notre soutien à cette proposition de loi, je dirai les choses très simplement : s'inscrire sur un réseau social n'est pas anodin.
Lorsqu'un jeune sur six utilisant TikTok croit que la Terre est plate, s'inscrire sur un réseau social n'est pas un acte anodin. Lorsque 1 million d'enfants sont victimes de cyberharcèlement chaque année, s'inscrire sur un réseau social n'est pas un acte anodin. Lorsque des milliers de jeunes gens sont victimes de revenge porn, s'inscrire sur un réseau social n'est pas un acte anodin. Désinformation, harcèlement, incitation au suicide, violence, addiction sont autant de risques auxquels ils sont exposés. Comme l'a rappelé Jean-Noël Barrot, les jeunes eux-mêmes nous ont alertés, à l'occasion du Conseil des ministres des enfants protégés présidé par la Première ministre en novembre et du Conseil national de la refondation numérique que Jean-Noël Barrot et moi-même avons animé en février, sur la nécessité de protéger les plus jeunes, en dessous de l'âge de 15 ans.
Loin de moi l'idée de diaboliser le numérique, les réseaux sociaux et les grandes plateformes. Mais, en tant que secrétaire d'État chargée de l'enfance, vous comprendrez que je me dois d'agir contre ces risques et dérives graves qui abîment les plus jeunes. Comme je l'ai souligné, l'un des leviers d'action est de redonner aux parents le cadre nécessaire pour mieux contrôler les usages de leurs enfants. S'inscrire sur un réseau social, c'est conclure un contrat. Dans la vie réelle, les parents doivent être présents, donner leur accord et orienter leurs enfants.
Pourquoi en serait-il autrement de la vie en ligne ? Pourquoi faire autrement alors que l'inscription sur un réseau vaut autorisation de transferts massifs de données à travers le monde ? Pourquoi faire autrement alors que les dirigeants des Gafam – Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft – reconnaissent dans les médias interdire à leurs propres enfants de fréquenter les réseaux ? Peut-être parce que nous, adultes, avons baissé la garde, par imprudence et, surtout, par méconnaissance et incompréhension. Peut-être aussi parce que la loi, qui prévoit déjà des garde-fous, n'est pas assez claire pour tous.
En cela, inscrire dans la loi une majorité numérique qui détermine à quel âge il est possible, de façon autonome, de s'inscrire sur un réseau social, est une réponse concrète, lisible et simple. Ainsi, vous proposez, monsieur le rapporteur, d'instaurer un seuil fixé à l'âge de 15 ans, âge en dessous duquel l'inscription sur un réseau social ne sera possible qu'avec un accord parental. Autrement dit, vous considérez que ce n'est qu'à compter de 15 ans qu'un enfant est à même d'exercer un usage raisonnable des réseaux sociaux. Pour autant, vous n'entravez pas sa liberté ni celle de ses parents, puisqu'un enfant de 13 ans, jugé assez mature par ses parents, pourra tout à fait s'inscrire sur un réseau social avec leur accord.
En définitive, vous donnez aux parents un argument, un outil concret et pertinent pour les impliquer davantage dans l'éducation numérique de leurs enfants, pour exercer entièrement leur autorité, leurs responsabilités de parents dans cet univers réel et virtuel qui a envahi le quotidien des familles. Cela me paraît raisonnable et cohérent.
Pour toutes les raisons que j'ai évoquées, je soutiens avec beaucoup d'enthousiasme et de conviction cette proposition de loi. Grâce à vous, monsieur le rapporteur, et grâce à vos collègues Bruno Studer et Caroline Janvier, la protection des mineurs en ligne, priorité du quinquennat, prend toute sa place dans le débat public et suscite une prise de conscience générale nécessaire. En France, nous voulons, nous devons plus que jamais protéger les droits des enfants à la santé, à la sécurité, au développement personnel, à la vie privée, dans la vie réelle comme dans la vie en ligne.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR, sur plusieurs bancs du groupe RE, ainsi que sur les bancs des commissions. Mme Maud Petit applaudit également.
Lorsqu'un parent ou un proche offre un smartphone à un enfant, le plus souvent de moins de 10 ans, il ne mesure guère les dangers auxquels il l'expose. Je pense en particulier aux dangers des réseaux sociaux : la Cnil constate que la première inscription à ces plateformes intervient en moyenne vers 8 ans et demi, et que plus de la moitié des 10-14 ans y sont déjà inscrits. Ces canaux, dits de divertissement et de création de liens, ne sont pas inoffensifs : ils sont responsables de nombreux troubles, dont les conséquences peuvent être dramatiques.
L'addiction constitue l'un des principaux dangers qui guettent les enfants en cas de surexposition – ce qui survient rapidement. En découvrant les réseaux sociaux, l'enfant risque d'accéder à des contenus inappropriés pour son âge, mais aussi mensongers, trompeurs voire complotistes. Seul devant son écran, il visionne des images possiblement violentes ou pornographiques, faisant la promotion de drogues ou exposant d'autres dérives de notre société. Malgré la prétendue politique des réseaux sociaux visant à protéger la sensibilité de leurs utilisateurs, l'exposition des enfants à des contenus parfaitement inadaptés à leur âge est réelle et permanente. L'algorithme de recommandation peut les entraîner d'un match de football à un match de boxe, puis à un match de rue, à des bagarres, à des accidents de rue et à des violences urbaines, voire à des meurtres.
Sur les réseaux sociaux, les enfants peuvent également entrer en contact avec des individus malveillants, véritables prédateurs qui recourent à des stratégies variées, dont l'usurpation d'identité, pour rester dans l'anonymat et solliciter des mineurs. Les conséquences de ces rencontres peuvent virer au cauchemar.
Les réseaux sociaux sont aussi, hélas, une porte d'entrée pour le cyberharcèlement, qui prend la forme de moqueries, d'insultes ou de menaces. Une chanson de Calogero l'illustre parfaitement : « La rumeur est lâchée, prête à lyncher ; / Et plus certains démentent, et plus ça l'alimente ; / La rumeur est lâchée, ton nom taché. / Elle balance et elle crache, ce sont des vies qu'elle gâche. » Il en résulte des blessures indélébiles qui mènent parfois à des drames.
Les jeunes manquent souvent de connaissances sur les arborescences des réseaux, et en ont une compréhension insuffisante. Ils ne mesurent pas l'aspect intemporel de leurs publications, qui reviendront tôt ou tard les hanter comme des boomerangs. La notion de temporalité dans leur vie amicale et affective leur échappe : ils pensent communiquer en vase clos avec leurs amis, mais nous, adultes, savons que les amis d'aujourd'hui peuvent devenir les ennemis de demain.
Les photos partagées, les nudes par exemple, ces clichés dénudés, iront bien au-delà de leurs intentions, et bien au-delà de nos frontières. Les pièges se referment sur les jeunes et les entraînent dans la spirale infernale du manque de confiance en soi et d'atteinte à l'estime de soi. À un âge où la notion de vie privée et d'intimité reste floue, la diffusion de ces publications a des conséquences incalculables.
L'addiction aux réseaux sociaux met également en péril la santé physique des jeunes : ils font moins de sport, en partie en raison du temps qu'ils passent sur les écrans. Elle met aussi en danger leur santé mentale : certains voient leurs résultats scolaires se dégrader ; ils peuvent s'isoler et vivre dans un monde virtuel qui détériore leur état psychique et leur rapport aux autres. Il en résulte des risques accrus de développer des troubles psycho-sociaux, notamment des troubles de l'humeur et de l'anxiété, ou d'entrer dans de véritables spirales dépressives.
Enfin, les jeunes adeptes des réseaux sociaux sont influencés dans leur mode de vie : le recours grandissant des adolescents à la chirurgie esthétique en est le parfait exemple – et encore, nous n'en sommes qu'au début et n'en mesurons pas toutes les conséquences. Ce phénomène s'amplifie à grande vitesse. En effet, comment atteindre les standards de beauté dictés par les réseaux sans recourir de plus en plus tôt à la chirurgie esthétique – ces atteintes à des jeunes corps ou à des visages étant parfois le fait de non-professionnels ?
Les parents méconnaissent l'étendue des méfaits des réseaux sociaux. Eux-mêmes publient trop souvent des photos et des vidéos de leurs propres enfants, prenant le risque que ces images soient récupérées par des individus malveillants – quand ils n'agissent pas dans un but lucratif en tant qu'influenceurs. Le contrôle parental est la pierre angulaire, mais les parents ne sont pas toujours conscients des dangers. L'enfant, quant à lui, n'a pas la maturité et le discernement nécessaires. C'est souvent en grandissant que l'adolescent se sent en insécurité et demande de l'aide. Ses parents se trouvent alors démunis face à des usages numériques qui ont évolué trop rapidement pour qu'ils s'y soient adaptés ou pour qu'ils en comprennent les enjeux et les conséquences.
Il est donc urgent de revoir l'âge d'accès aux réseaux sociaux. En France, la majorité numérique à l'égard de ces réseaux est de 13 ans. C'est également l'âge fixé en théorie par des plateformes comme TikTok et Snapchat pour s'inscrire. Or cette règle n'est que symbolique, puisqu'en 2022, 62 % des moins de 13 ans possédaient un compte sur au moins un de ces réseaux. La loi « informatique et libertés » a déjà rehaussé la majorité numérique à 15 ans. La proposition de loi que défend le groupe Horizons et apparentés prévoit d'étendre cette mesure aux réseaux sociaux, afin de limiter leur utilisation aux plus de 15 ans, âge d'une forme de puberté numérique et, surtout, d'une plus grande maturité.
Le législateur doit désormais intervenir pour prévenir les risques primaires liés à l'utilisation de réseaux sociaux conçus pour retenir l'attention, mais aussi pour prévenir les risques secondaires, induits par des interactions avec d'autres utilisateurs : citons le cyberharcèlement, mais aussi le revenge porn, ou pornodivulgation, qui a pour seul but de partager publiquement, sans consentement, un contenu sexuellement explicite afin de se venger.
La proposition de loi va plus loin, et s'inscrit dans une dynamique de responsabilisation des plateformes. Elle renvoie la mise en œuvre du seuil d'âge et ses modalités d'application à un décret en Conseil d'État. Un amendement voté en commission confie à l'Arcom le soin de certifier les solutions techniques de vérification de l'âge et du consentement des titulaires de l'autorité parentale appliquées par les réseaux sociaux – étant entendu que ces derniers seront tenus d'utiliser lesdites solutions. De plus, la proposition de loi prévoit des obligations et des sanctions fortes à l'encontre des fournisseurs de réseaux sociaux en cas de manquement aux vérifications d'âge, ce à quoi s'ajoute l'instauration d'un délai de réponse aux réquisitions judiciaires. Les opérateurs de plateformes en ligne seront ainsi tenus de répondre aux réquisitions judiciaires, dans le cadre d'une enquête préliminaire ou d'une enquête de flagrance, dans un délai de quarante-huit heures. En l'absence de réponse, ils s'exposent à une amende ne pouvant excéder 1 % de leur chiffre d'affaires. La commission a amendé le texte en instaurant la possibilité, pour les parents, de demander la suppression du compte de leur enfant jusqu'à sa majorité civile.
Enfin, la proposition de loi est l'occasion de demander au Gouvernement un rapport présentant les conséquences des réseaux sociaux sur le bien-être et la santé mentale des jeunes, car les données restent encore très insuffisantes en la matière. La commission a également voté un amendement visant à solliciter auprès du Gouvernement la remise d'un rapport, dans un délai de six mois, concernant l'opportunité de fusionner les numéros nationaux 3020 et 3018, respectivement consacrés au harcèlement scolaire et au harcèlement en ligne, afin de gagner en visibilité – cela reste à étudier.
Pour le groupe Horizons et apparentés, l'enfant doit être au centre de ce combat, et doit être la seule boussole. C'est un enjeu primordial pour l'avenir de la jeunesse. Notre proposition de loi s'inscrit pleinement dans une politique de protection de l'enfance ambitieuse, indispensable pour que les jeunes grandissent dans de bonnes conditions. Il est donc urgent de s'emparer de ce problème à bras-le-corps. Je remercie donc le président Laurent Marcangeli d'avoir rédigé cette proposition de loi, que l'ensemble des députés du groupe Horizons et apparentés soutiennent, et qui a été votée à l'unanimité en commission.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur plusieurs bancs des groupes LR et Dem.
Des jeunes enfants sont laissés seuls face aux risques du numérique – je parle même ici de très jeunes enfants, puisque la première inscription sur un réseau social intervient en moyenne à 8 ans et demi. Des élèves qui sont encore à l'école élémentaire peuvent donc être confrontés au quotidien à des contenus choquants, violents ou à caractère sexuel. Peut-être nous est-il difficile d'appréhender cette réalité, sachant que nombre d'entre nous n'ont jamais été exposés, dans leur jeunesse, aux dangers qui guettent les enfants d'aujourd'hui. Il est certain qu'avec une moyenne d'âge de 48 ans, nombre de députés sont nés avant l'ère des réseaux sociaux et d'internet ! La jeunesse s'expose sans cesse sur internet, tandis que le droit à l'oubli numérique, bien que précieux, reste méconnu. Pire, il est presque impossible de le faire appliquer lorsqu'on a semé des informations personnelles aux quatre coins de la toile.
Quel est le juste niveau de protection des mineurs face aux réseaux sociaux ? Comment l'État doit-il agir pour réguler les plateformes et faire respecter le droit ? À ces questions essentielles, la proposition de loi apporte une réponse satisfaisante, mais incomplète, du point de vue des députés du groupe Écologiste – NUPES. Il paraît effectivement indispensable de vérifier que les parents ont autorisé leur enfant à s'inscrire sur les réseaux sociaux. En légiférant dans le sens d'une meilleure protection des enfants de moins de 15 ans, nous réaffirmons positivement dans notre droit la notion de majorité numérique, et emboîtons le pas à l'Union européenne, qui a elle aussi prévu un meilleur encadrement des réseaux sociaux. Le rôle de l'Arcom sera crucial dans l'application de la loi. Néanmoins, en ce qui concerne les solutions de vérification de l'âge et du consentement parental, il nous semble préférable que l'Arcom n'agisse pas en qualité d'organisme certificateur, mais plutôt en éditant des lignes directrices.
Les réseaux sociaux sont la propriété d'entreprises dont les chiffres d'affaires atteignent des montants faramineux. Si nous voulons nous assurer qu'elles respectent la loi, nous devons prévoir des sanctions en adéquation avec leur taille. C'est pourquoi nous proposons de rehausser les sanctions en cas de manquement.
Si nous partageons la volonté de protéger les enfants, il nous semble peu pertinent d'en rester à la seule coercition envers les plateformes. Notre priorité doit aussi être d'éduquer les plus jeunes à utiliser convenablement les réseaux, à connaître leurs droits, les limites à ne pas enfreindre et les dangers auxquels ils sont exposés. L'école doit s'adapter aux évolutions numériques, mais doit surtout adapter la prévention qu'elle développe en la matière. Les politiques éducatives sont encore bien trop peu ambitieuses à ce sujet. Même s'il existe des dispositifs tels que le permis internet et le passeport numérique, ils ne suffisent pas à aborder en profondeur les nouveaux usages.
La mesure de contrôle relative aux moins de 15 ans est légitime, mais elle ne suffira pas à faire acquérir aux élèves les bons usages d'internet. Il est donc indispensable d'élaborer des mesures visant à renforcer l'apprentissage des bonnes pratiques numériques dès le plus jeune âge.
S'il nous semble essentiel que l'école s'investisse dans ce sujet, nous n'oublions pas qu'elle ne peut, à elle seule, résoudre tous les maux de la société. Les enseignements scolaires doivent intégrer la prévention aux dangers des réseaux sociaux, mais l'État doit avant tout garantir une cohérence entre tous ces apprentissages.
Une telle mesure est nécessaire, mais elle ne doit pas constituer une charge supplémentaire pour les enseignants ; elle doit être appliquée de manière uniforme sur tout le territoire, sans disparité.
En définitive, nous soutiendrons cette proposition de loi. Comme vous, nous souhaitons progresser vers une meilleure protection des mineurs sur internet. Toutefois, restons lucides, chers collègues : cela ne peut qu'aller de pair avec un renforcement des apprentissages sur ces questions.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES et GDR – NUPES.
En inscrivant cette proposition de loi dans sa niche parlementaire, le groupe Horizons et apparentés pointe un sujet majeur, sur lequel il est temps d'avancer : l'usage par les mineurs d'internet et des réseaux sociaux. Nous sommes tous et toutes conscients des conséquences sur les enfants et de la nécessité de mieux encadrer les plateformes, d'accompagner les parents et de lutter contre le fléau du cyberharcèlement.
Comme l'ont souligné M. le rapporteur et plusieurs groupes en commission, la nécessité de légiférer en la matière se heurte à plusieurs limites ; toutefois, cela ne doit pas servir de prétexte à l'inaction et à la procrastination. Qui ne veut rien faire trouve des excuses, qui veut faire trouve des moyens : c'est dans cet état d'esprit que le groupe Gauche démocrate et républicaine – NUPES aborde la proposition de loi.
La situation de ces milliers d'enfants à travers la France hexagonale et les outre-mer nous oblige : cela commence par un message, puis se transforme progressivement en un mouvement de masse, jusqu'à ce que l'enfant, ne sachant vers qui se tourner, craque définitivement. « N'ayez plus peur de parler ! » : tel est le message de la maman de Lucas, qui, à seulement 13 ans, a décidé de mettre fin à ses jours. Nous avons ici une pensée émue pour toutes celles et tous ceux qui n'ont pu surmonter cette horde de messages haineux et insultants, pour toutes ces vies confisquées, ces enfances et ces adolescences brisées.
S'agissant du respect des obligations réglementaires de ces plateformes, les chiffres illustrent l'ampleur du décalage entre la théorie et la pratique. Malgré l'existence d'un âge minimum requis pour s'y inscrire, 60 % des enfants de moins de 13 ans possèdent un compte sur un réseau social. La prématurité croissante de l'accès aux smartphones expose de plus en plus tôt les enfants aux dérives de l'utilisation constante des nouvelles technologies.
Il n'est pas question de blâmer une quelconque méthode d'éducation ou d'interférer dans l'intimité des foyers. Nous devons au contraire continuer d'accompagner autant que possible les familles dans leur mission. C'est pourquoi les outils de prévention à destination des parents et des tuteurs doivent constituer une priorité de notre action politique. En effet, les parents ignorent souvent le contenu de la vie numérique de leurs enfants et supervisent rarement leur activité. Ainsi, à peine plus de 50 % d'entre eux décident du moment et de la durée de connexion de leurs enfants, et 80 % déclarent ne pas savoir exactement ce que leurs enfants font sur internet ou sur les réseaux sociaux. Si ce manque de visibilité par les parents peut faciliter l'apprentissage de l'autonomie, il peut aussi, malheureusement, favoriser certains phénomènes qui font souvent l'objet d'une triste actualité, comme le cyberharcèlement ou l'exposition à des images inappropriées. S'y ajoutent les nombreuses autres conséquences qu'entraîne pour un jeune public la fréquentation des réseaux sociaux – les premières études des spécialistes laissent présager de leur ampleur.
Que se passe-t-il dans la tête des plus jeunes lorsqu'ils « scrollent » ? Lorsque les réseaux sociaux sont utilisés à bon escient, ils permettent indéniablement d'acquérir des connaissances. Mais ces plateformes, qui devraient pourtant constituer un outil d'affirmation et d'acceptation de soi, mènent au contraire à l'intériorisation des stéréotypes. C'est ainsi qu'on y voit défiler des femmes et des hommes au physique parfait, à qui il faut ressembler, ce qui discrédite automatiquement le naturel des corps adolescents. Convenons-en, l'adolescence est une période difficile pendant laquelle les psychés sont fragiles. Certains adolescents déclarent d'ailleurs ne supporter de se voir en photo qu'avec les filtres que permettent d'appliquer les réseaux sociaux. Les visages naturels apparaissent alors à ces jeunes comme enlaidis, pleins de défauts insupportables.
L'instauration d'une majorité numérique, objet de cette proposition de loi, s'inscrit dans la lignée de la loi du 20 juin 2018 relative à la protection des données personnelles, qui a modifié la loi du 6 janvier 1978, dite loi informatique et libertés. Nous sommes favorables au choix de l'âge de 15 ans, conforme à la législation européenne et aux préconisations de la Cnil. L'obligation faite aux plateformes de contrôler de manière effective l'âge des utilisateurs est également bienvenue, même si elle se heurte une nouvelle fois à l'écueil technologique de la protection des données. Ce texte prévoit également que les entreprises de réseaux sociaux fournissent sur réquisition judiciaire, dans un délai de dix jours, réduit à huit heures dans les cas les plus urgents, toute information jugée utile dans le cadre d'une enquête. Nous considérons cette disposition comme une avancée, même si nous aurions préféré un délai de quarante-huit heures, étant donné les graves conséquences que peut engendrer la lenteur des procédures. Enfin, le groupe Gauche démocrate et républicaine – NUPES souscrit aux deux demandes de rapport, en particulier à celle prévue à l'article 4, qui permettra de parfaire nos connaissances quant aux conséquences de l'utilisation des plateformes et des réseaux sociaux chez les jeunes.
Nous voterons donc pour ce texte, première pierre d'un édifice plus large qu'il nous revient de construire ensemble.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES, ainsi que sur quelques bancs des groupes RE et HOR.
L'utilisation des réseaux sociaux est très répandue et comporte de multiples dangers, comme cela a été rappelé. Ce texte du groupe Horizons a l'avantage d'aborder ce domaine, qui, en raison de sa complexité technique et de sa dimension sociale, est imparfaitement encadré par la loi.
Je salue le travail accompli par la commission des affaires culturelles. Il a permis des avancées : ainsi, nous avons perfectionné la rédaction du texte en y inscrivant des sanctions financières et avons su trouver des compromis relatifs à l'âge de la majorité ou encore au montant de l'amende encourue. Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires souhaite poursuivre ce travail en proposant des amendements de précision, concernant notamment les deux premiers articles.
J'aimerais néanmoins profiter de cette intervention pour poursuivre le débat amorcé en commission ; comme l'a dit M. le rapporteur Marcangeli, le texte constitue la première pierre d'un édifice plus ambitieux, et il convient de prévoir les prochaines étapes.
La première d'entre elles consiste à faire comprendre au plus grand nombre que les dangers des plateformes ne sont pas circonscrits à Facebook ou à TikTok ; ces dernières sont certes les plus fréquentées, mais le champ de la proposition de loi inclut également d'autres plateformes tout aussi dangereuses pour un jeune public, quoique moins connues. Ainsi, les forums de discussion contiennent un nombre inimaginable de messages haineux et diffamatoires, que les modérateurs peinent à encadrer. De même, les plateformes de communication comme Discord, privilégiées par les amateurs de jeux vidéo, ont permis la création de véritables communautés qui, sans être cachées, ne sont pas forcément accessibles au grand public. Enfin, les plateformes de streaming, comme Twitch, contiennent des contenus sensibles pour les mineurs, notamment lors des transmissions en direct. Chers collègues, cette énumération n'a pas vocation à nous préparer à une chasse aux sorcières, mais à nous rappeler qu'il existe une vaste galaxie d'acteurs peu sûrs, méconnus de nous, mais présents auprès des jeunes.
Par ailleurs, il est insuffisant de contrôler l'inscription sur les réseaux sociaux : il faut également contrôler leur utilisation. Les contenus inadaptés aux mineurs doivent être bannis ou faire l'objet d'une restriction d'accès. D'ailleurs, certains acteurs du secteur ont entamé des démarches en ce sens.
De même, s'il est souhaitable d'établir une majorité numérique à 15 ans, cela n'est pas suffisant. Il paraît en effet nécessaire de bloquer purement et simplement l'accès des mineurs de moins de 13 ans aux réseaux sociaux, pour deux raisons. D'une part, c'est la seule manière d'empêcher la collecte de données personnelles qui ne soit pas conforme au règlement général sur la protection des données (RGPD). D'autre part, cela permettrait d'inscrire dans la loi une règle que les réseaux se prévalent de respecter mais sans avoir encore aucune incitation à le faire.
La deuxième étape consiste à faire évoluer la législation européenne. La proposition de loi que nous examinons permettra des avancées, mais ne commettons pas l'erreur de croire qu'elle réglera les comportements problématiques : pour se soustraire à la législation française, il suffit aux jeunes, dont la plupart maîtrisent bien mieux que nous ces outils, de se connecter à l'aide d'une adresse IP étrangère. Ce constat doit nous faire prendre conscience qu'à terme, l'échelon européen est le plus approprié pour encadrer les réseaux sociaux et harmoniser les règles visant à protéger les mineurs.
Enfin, la troisième étape concerne la lutte contre le harcèlement. Les dispositifs existants se bornent le plus souvent à supprimer les contenus et à fournir un soutien psychologique aux victimes ; le harcèlement, omniprésent sur internet, reste très peu sanctionné. Pour changer l'état d'esprit qui règne sur internet, il faudra dédier davantage de moyens à l'éducation électronique des jeunes et des parents. L'État, l'école et les associations ont tous un rôle à jouer. Il conviendra également de renforcer les sanctions pénales à l'encontre des personnes qui se rendent coupables de harcèlement.
Voilà quelques chantiers qu'il nous reste à entreprendre. En attendant, le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires votera la proposition de loi et se mobilisera pour défendre les différentes mesures que je viens d'aborder, car on ne saurait sous-estimer les dangers que présente internet pour les jeunes. En cela, la demande de rapport que contient l'article 4 est positive et constructive ; j'en remercie M. le rapporteur.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et des commissions.
Je tiens à remercier Laurent Marcangeli, rapporteur du texte, de s'être emparé de la question de la protection des jeunes sur les réseaux sociaux. En effet, le constat est sans appel : 82 % des enfants de 10 à 14 ans vont régulièrement sur internet sans leurs parents et 63 % des moins de 13 ans possèdent au moins un compte sur un réseau social – cela est interdit, mais les enfants trichent sur leur âge. Ils sont donc exposés de plus en plus précocement aux écrans et par conséquent à des contenus parfois inappropriés.
Face aux dangers du numérique, la majorité a mis en place, depuis la précédente législature, plusieurs dispositifs de protection des jeunes. La loi du 3 août 2018, relative à l'encadrement de l'utilisation du téléphone portable dans les établissements d'enseignement scolaire, en est un exemple. Plus récemment, nous avons voté la loi du 2 mars 2022 visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d'accès à internet, qui, pour faciliter et encourager l'accompagnement par les parents, dispose l'installation par défaut du contrôle parental sur tous les équipements connectés vendus. Nous avons également contribué à instaurer dans les écoles, les collèges et les lycées divers enseignements numériques visant à mieux éduquer et informer les jeunes, aboutissant à des certifications comme le permis internet ou encore l'outil PIX, destiné à l'évaluation en ligne des compétences numériques. Enfin, le Gouvernement propose un site internet, jeprotegemonenfant.gouv.fr, afin d'informer et d'accompagner les parents quant à l'usage que leurs enfants font d'internet.
Je souhaite également insister sur l'excellent travail réalisé par des associations telles que e-Enfance, l'Open, l'Unaf ou encore les associations de parents d'élèves présentes dans les écoles.
L'année dernière, Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de la protection de l'enfance, a lancé les campus de la parentalité numérique ; je l'en remercie. Nous ne saurions suffisamment insister sur le rôle crucial des parents dans l'accompagnement de leurs enfants sur internet. Cependant, selon l'étude publiée par e-Enfance en 2021, 83 % des parents ne savent pas vraiment ce que font leurs enfants sur internet, et 57 % d'entre eux déclarent ne pas recourir à un dispositif de contrôle parental.
Il nous semble important d'améliorer encore la protection des mineurs sur internet et surtout sur les réseaux sociaux, qui contribuent parfois à la circulation de fausses informations ou de contenus pornographiques et qui favorisent le cyberharcèlement. Aussi soutiendrons-nous ce texte proposé par notre collègue Laurent Marcangeli.
Certains réseaux sociaux font déjà l'effort d'exiger une autorisation parentale pour la création d'un compte par un jeune de moins de 15 ans, mais cela reste trop rare. Les réseaux sociaux qui ciblent les plus jeunes n'exercent aucun contrôle et se satisfont d'une simple déclaration de date de naissance, souvent fausse, car ils ne se sentent pas contraints par la loi. Bien qu'il n'existe pas encore d'outils technologiques unanimement reconnus pour contrôler l'âge des utilisateurs en préservant leur anonymat, des solutions s'appuyant sur l'intelligence artificielle et permettant d'estimer l'âge en fonction du visage semblent émerger ; elles seront certainement disponibles dans un avenir proche. D'autre part, M. le ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications a annoncé dernièrement l'aboutissement de solutions tierces permettant une vérification efficace de la majorité pour l'accès aux sites pornographiques tout en garantissant le double anonymat.
Nous remercions M. le rapporteur pour les différentes auditions réalisées, qui nous ont permis d'améliorer la version initiale du texte. Grâce à l'article 1er , la définition des réseaux sociaux sera inscrite dans la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, ce qui fera de l'Arcom l'autorité régulatrice compétente. La commission a complété ce premier article par un article 1er bis, qui étend le champ des contenus illicites en allongeant la liste des délits formalisés dans le code pénal dont les réseaux sociaux devront obligatoirement permettre le signalement.
L'article 2, réécrit par M. le rapporteur et adopté par la commission, permet de préciser les obligations de contrôle liées à l'âge d'accès aux réseaux sociaux ; nous reviendrons certainement sur cette question.
M. le rapporteur a également proposé une nouvelle rédaction de l'article 3, afin de le rendre plus réaliste et plus cohérent avec les projets de régulation européenne et de permettre le respect des délais en fonction des priorités. Il s'agit en effet d'instaurer un délai de réponse maximum aux réquisitions judiciaires, dont le non-respect entraînera de lourdes sanctions pour les opérateurs.
Enfin, les deux derniers articles adoptés par la commission consistent en deux demandes de rapports gouvernementaux. Le premier rapport évaluera l'impact des réseaux sociaux sur la santé des enfants ; le second évaluera l'opportunité d'une fusion des numéros nationaux 3020 et 3018, souvent évoquée lors des auditions.
En conclusion, la proposition de loi défendue par le groupe Horizons vise à réguler les réseaux sociaux afin de protéger le public fragile que constituent nos enfants. Le groupe Renaissance votera donc ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.
Depuis une vingtaine d'années, les réseaux sociaux ont envahi nos vies et conquis notre quotidien, quelquefois pour le meilleur, il est vrai – l'accès illimité à l'information, la communication facile pour tous ou encore l'ouverture au monde –, et quelquefois pour le pire – la haine et la violence.
Cette haine et cette violence sont le quotidien de certains jeunes, parfois très jeunes, qui la subissent de plein fouet et y sont confrontés de plus en plus tôt. Il ne s'agit pas de donner des leçons de morale ni de vouloir un monde qui n'existe pas, mais plutôt de souligner un certain manque de discernement des parents qui n'évaluent pas à sa juste mesure, hélas, l'importance de l'éducation au numérique au regard des risques potentiels que représentent ces outils.
Il n'y a pas de liberté sans limites. Hier, les dirigeants de TikTok eux-mêmes ont annoncé vouloir limiter son utilisation pour les mineurs, sous la forme d'une alerte sur l'application au bout d'une heure d'utilisation. Les parents doivent impérativement éduquer, surveiller et informer leurs enfants sur les inconvénients et les dangers majeurs auxquels ils sont exposés : contenus pornographiques, défis stupides mais surtout dangereux comme l'automutilation, addiction. Le témoignage d'un lycéen de 14 ans, Eden, qui assure passer près de quatorze heures par jour sur TikTok, est alarmant.
Il faut en être bien conscients : le risque d'isolement et d'enfermement est réel. À travers l'utilisation addictive des réseaux sociaux, de nombreux adolescents s'enferment peu à peu dans une bulle virtuelle et nocive. Cet univers illusoire occulte d'innombrables externalités négatives qui bouleversent leur quotidien : dans certains cas, les jeunes voient leurs résultats scolaires chuter ; ils ne lisent plus, ne pratiquent plus de sport, ne voient plus leurs amis ni leur famille, développent des troubles psychologiques et des complexes physiques et vont jusqu'à se couper radicalement du monde.
Les réseaux ont une autre conséquence non négligeable sur la vie des jeunes. Vous le rappelez très justement, monsieur le rapporteur, dans l'exposé des motifs de cette proposition de loi : près de 30 % des parents déclarent que leur enfant a déjà pensé au suicide ; la majorité de ces enfants sont victimes de cyberharcèlement et confrontés à la haine en ligne. Chaque seconde, des millions d'images et de vidéos publiées sur TikTok, Instagram ou Snapchat sont à la portée d'enfants et d'adolescents en pleine construction intellectuelle. Permettez-moi aujourd'hui d'avoir une pensée pour Lucas, 13 ans, qui s'est donné la mort au début de mois de janvier parce qu'il était harcelé par ses camarades, à l'école et en ligne.
Aucun enfant n'est préparé à subir la violence, surtout quand elle est gratuite et en ligne, facilitée par d'innombrables faux profils dont les utilisateurs tirent une satisfaction malsaine à harceler des jeunes en raison de leur physique, de leur handicap, de leur tenue vestimentaire ou de leur liberté d'expression. Nous avons tous en mémoire le calvaire qu'a subi la jeune Mila, qui avait 16 ans à l'époque, pour avoir critiqué l'islam sur son compte Instagram : elle s'est retrouvée dans une spirale infernale de menaces de mort, de viol, et d'insultes à l'encontre de son orientation sexuelle.
L'association e-Enfance, qui gère la ligne téléphonique 3018 pour les jeunes victimes de cyberharcèlement, alerte sur la hausse du nombre de victimes : de janvier à septembre 2022, ce sont près de 25 000 cas qui ont été traités, contre 19 000 dans l'ensemble de l'année 2021. Quatre appels sur dix sont liés à la sexualité : du chantage à la webcam au revenge porn, les filles sont plus exposées au cyberharcèlement que les garçons. Je tiens à saluer le travail remarquable de cette association qui œuvre sans relâche pour accompagner les victimes et qui empêche parfois le pire.
Nous le savons tous, la route est encore longue pour protéger les jeunes des réseaux sociaux. Je tiens à saluer l'humilité dont a fait preuve le rapporteur lors de la présentation de son texte devant la commission. Le défi est en effet immense pour mettre fin à la haine en ligne. Néanmoins, cette proposition de loi constitue une avancée indéniable pour la protection des mineurs qui doit tous nous rassembler. C'est pourquoi les députés du Rassemblement national la voteront.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. M. Frantz Gumbs applaudit également.
Je fais partie de la dernière génération à avoir connu la vie sans internet. En une vingtaine d'années, cette connexion entre les gens a pris une place immense dans nos vies. Chaque jour voit naître son lot d'innovations et de nouveautés pour le meilleur et parfois pour le pire.
La vitesse à laquelle va et se développe la vie numérique est telle que nous sommes vite dépassés, en tant qu'individus, en tant que parents, mais aussi en tant que législateurs. Fini le temps où le carré blanc sur l'unique écran de la maison suffisait à signaler qu'il était temps pour les plus jeunes d'aller au lit. Actuellement, les supports se multiplient et 80 % des parents admettent ignorer ce que leurs enfants voient ou font sur internet.
Nous sommes donc probablement toutes et tous d'accord sur les constats établis dans l'exposé des motifs de cette proposition de loi. Les grands groupes numériques ont créé des monstres qu'ils ne contrôlent plus : cyberharcèlement, racisme, haine en ligne, pédocriminalité, contenus ultraviolents, LGBTQIAphobies, sexisme, fake news, revenge porn, et certainement bien d'autres que j'ignore.
Mais si ces actes ont un impact d'une violence extrême sur les adultes, combien celui-ci doit-il être important sur les jeunes esprits de nos enfants et nos adolescents ? Ces actes posent effectivement un problème de santé publique et aboutissent parfois à l'irréparable.
Alors, comme nous l'avons fait il y a quelques jours pour protéger les enfants des violences intrafamiliales, nous devons légiférer : poser un véritable cadre opérationnel et contraindre ces entreprises à le respecter afin de protéger les mineurs dans les espaces numériques.
Nos enfants doivent être vus en tant que tels et non comme des consommateurs cibles à rendre accro. Je parle bien de contraindre ces entreprises car elles ne s'assurent pas du respect de leurs propres règles d'utilisation.
Par exemple, il est interdit de posséder un compte sur la plupart des réseaux sociaux avant l'âge de 13 ans, d'après leurs règles d'utilisation. Pourtant, selon une enquête de septembre 2022 menée par Born Social auprès de plus de 10 000 enfants, les 11-12 ans sont en moyenne 87 % à avoir déjà un compte.
Vous me direz que cela relève de la responsabilité des parents. En réalité, cette responsabilité est partagée : s'il faut tout un village pour élever un enfant, les plateformes qui accaparent volontairement son temps de cerveau disponible doivent aussi prendre leur part. Il n'est évidemment pas question d'interdire l'accès aux réseaux aux mineurs mais d'en faire une action volontaire, réfléchie et accompagnée. À cet égard, nous, élus de La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale, jugeons cette proposition de loi trop légère, car elle offre une vision trop étroite de la protection des mineurs face aux dangers d'internet.
Nous devons aller plus loin en trouvant les systèmes qui respectent la vie privée des mineurs et qui empêchent la diffusion et la vente des données sensibles et personnelles qui les concernent.
Cette proposition de loi est sans véritable solution opérationnelle, car vous proposez de laisser les plateformes instaurer leurs propres solutions et expérimenter sous l'œil de l'Arcom en dépit de l'urgence que vous soulignez, alors même qu'elles ne respectent pas leurs propres règles.
Il est illusoire de croire que, sans réelle contrainte, c'est-à-dire sans des sanctions hautement persuasives et à la hauteur des moyens de ces géants numériques, ces derniers auront autant à cœur de protéger nos enfants.
Il l'est tout autant de penser que la technique ou l'interdiction peuvent remplacer une véritable éducation des enfants et des parents aux usages du numérique. Cette proposition de loi doit impérativement inclure un volet destiné à l'information des familles. Il est fort dommage d'avoir considéré qu'il s'agissait d'un cavalier.
Cela dit, je vous enjoins, chers collègues, à prendre en compte, quand vous prendrez part aux votes des différents amendements proposés, l'intérêt supérieur de nos enfants, avant les intérêts mercantiles des plateformes numériques et des réseaux sociaux.
Pour notre part, nous essaierons, avec vous, d'enrichir cette proposition de loi. Nous la voterons mais nous gardons à l'esprit qu'il ne peut s'agir que d'un début d'éducation aux contenus numériques et de protection contre leurs effets néfastes.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
L'émergence des réseaux sociaux depuis plusieurs années a fortement transformé les relations humaines, notamment chez les adolescents. Nous ne pouvons freiner cette évolution numérique même si cette perte de contrôle inquiète nombre d'entre nous, à commencer par les parents.
La crise sanitaire et les nombreux confinements qui se sont succédé n'ont fait que renforcer le pouvoir des réseaux sociaux. C'est le cas plus particulièrement chez les jeunes, qui ont fait de leur besoin d'être vus et reconnus une obsession, au point malheureusement de modifier leur comportement et de subir les conséquences d'une société numérique basée principalement sur le paraître.
Il faut désormais se demander si cette omniprésence numérique dans la vie des adolescents est dangereuse et si ces habitudes sont la cause des problèmes qu'ils rencontrent. En réponse à cette interrogation, les constats sur lesquels repose cette proposition de loi sont formels : mauvaise santé mentale, manque de confiance en soi, troubles de la personnalité, dépression, les maux les plus présents au sein de notre société et notamment chez les adolescents n'ont fait que s'intensifier depuis l'apparition des réseaux sociaux.
Ce problème n'est pas nouveau ; de nombreuses voix s'en sont déjà fait l'écho. Pourtant, les responsables politiques ont longtemps fait la sourde oreille et nous sommes désormais confrontés à une situation que nous ne sommes que trop peu en mesure de contrôler.
Plusieurs spécialistes, dont le philosophe et essayiste français Gaspard Koenig, ont éclairé ce problème en comparant l'addiction aux réseaux sociaux à celle à l'alcool. En effet, explique-t-il, les adolescents se comportent sur les plateformes numériques comme des personnes en proie à l'ivresse alcoolique : désinhibition, agressivité gratuite, insultes, facilité à la déprime, sentiment de cohésion sociale ou, à l'inverse, d'isolement, d'euphorie, image dégradée ou surestimée de soi.
L'État doit jouer pleinement son rôle : il doit contribuer, avec les prérogatives qui sont les siennes, à l'épanouissement intellectuel et social des adolescents. Cela passe par l'imposition de règles et de contrôles, à commencer par l'instauration d'une majorité numérique pour accéder aux réseaux sociaux.
En commission des affaires culturelles et de l'éducation, chaque groupe politique a pris la mesure de cet enjeu de société et de l'urgence à agir. Nous avons soutenu à l'unanimité cette proposition de loi, preuve que, lorsqu'il s'agit de la sécurité et de la santé de nos enfants, nous pouvons travailler tous ensemble.
À ce titre, l'ajout, au sein de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, de la protection de la vie privée, de la sécurité des personnes et de la lutte contre toutes les formes de chantage et de harcèlement parmi les motifs obligeant les fournisseurs des réseaux sociaux à concourir à leur respect et à agir est une avancée importante.
Le groupe Les Républicains souhaitait étendre cette majorité numérique à 16 ans au lieu de 15 ans afin de s'aligner sur le niveau européen, mais nous sommes satisfaits des évolutions apportées en commission.
En effet, nous nous interrogions grandement sur la responsabilité des plateformes. La première rédaction de la proposition de loi ne mentionnait nullement les modalités de vérification de l'âge ni la nature des pénalités permettant de sanctionner le manque d'implication en la matière des fournisseurs. Nous le constatons : sur les sites existants accessibles uniquement aux personnes majeures, il est aisé, notamment pour une génération maîtrisant parfaitement l'outil numérique, de déjouer les règles. Il est donc primordial de responsabiliser les fournisseurs des réseaux sociaux et de leur imposer une autorégulation.
La rédaction actuelle du texte crée la possibilité de mettre en demeure ces fournisseurs dès lors qu'ils ne présentent pas une solution technique certifiée de vérification de l'âge. De même, il sera possible au président de l'Arcom de saisir le président du tribunal administratif. Enfin, des sanctions financières sont désormais prévues en cas de non-respect de ces obligations.
Toutes ces avancées représentent l'essence même de la responsabilité du législateur : être à la fois un lanceur d'alerte, un créateur de cadre juridique et un garde-fou de l'application de celui-ci.
Bien évidemment, nous avons conscience que cette proposition de loi à elle seule ne changera pas du jour au lendemain l'usage des réseaux sociaux par les adolescents. Elle ne réglera évidemment pas tous les problèmes d'un coup. Cependant, une avancée reste une avancée qui amènera l'État et l'Union européenne à intervenir.
C'est pourquoi le groupe Les Républicains salue non seulement la démarche mais aussi l'esprit de solidarité dont nous avons su faire preuve en commission pour porter collectivement ce sujet. Nous espérons que la représentation nationale en fera autant afin de concourir à la lutte contre la diffusion des infractions.
Le groupe Les Républicains votera donc en faveur de ce texte.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et HOR.
Un mal mortifère frappe notre jeunesse : se faufilant sur les réseaux sociaux, il l'expose à un monde virtuel trafiqué et « photoshoppé », à un risque accru de harcèlement et à l'autodépréciation. Face à ce défi de santé publique, la proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui soumet à la représentation nationale un remède que le groupe Démocrate pense être le bon.
En évitant de faire des réseaux sociaux un mouton noir, vous démontrez, monsieur le rapporteur, tout l'équilibre de votre texte. En effet, les réseaux sociaux sont une source d'information, d'échanges et de découvertes, et l'occasion, pour des jeunes mal dans leur peau ou évoluant dans un climat familial difficile, de créer de nouveaux liens, de se rendre compte qu'ils ne sont pas seuls et que d'autres leur ressemblent. Mais Instagram, TikTok et Twitter présentent de grands risques pour une personne qui n'a pas encore atteint la maturité suffisante. Mon groupe se réjouit donc que vous nous proposiez des outils reposant sur des bases équilibrées, pour redonner aux parents une forme de contrôle sur les activités de leurs enfants, sans oublier qu'à partir de 15 ans, les adolescents deviennent plus autonomes.
Il s'en félicite d'autant plus que votre texte ne se résume pas à des promesses incantatoires, toujours si jolies sur le papier mais tellement inefficaces dans la réalité. En effet, le texte ne se contente pas de fixer l'obligation, pour les réseaux sociaux, de contrôler que les parents ont effectivement donné leur autorisation à l'inscription de leur enfant de moins de 15 ans : il propose également un dispositif concret pour y parvenir, grâce à une méthode certifiée par l'Arcom après concertation avec la Cnil. Ce faisant, vous vous assurez de la nécessaire conciliation entre la protection des données personnelles et l'effectivité du contrôle.
Les annonces du ministre délégué M. Jean-Noël Barrot et de la secrétaire d'État Mme Charlotte Caubel sont la preuve qu'il est possible de trouver rapidement des solutions. L'expérimentation prochaine de la nouvelle méthode de contrôle devrait ainsi permettre son déploiement à très court terme.
Nous souscrivons à l'article 3, qui anticipe la transposition d'un futur règlement européen en prévoyant que les plateformes doivent répondre sous dix jours aux demandes d'information, délai ramené à huit heures en cas de danger grave. Cette disposition répond à une attente forte de la justice française, fatiguée d'attendre des réponses – souvent aléatoires – à des questions généralement impératives et urgentes. Nous savons que les géants du numérique sont capables de répondre dans des délais très courts, nous devons donc les y contraindre.
Afin de parfaire ce texte, notamment son volet préventif, le groupe Démocrate défendra plusieurs amendements tendant à renforcer la lutte contre le harcèlement en ligne. En effet, si notre amendement prévoyant que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l'opportunité d'une fusion des différents numéros de lutte contre le harcèlement a été adopté en commission, nous souhaitons désormais aller plus loin.
Car la situation est grave : 20 % des jeunes ont déjà fait face au cyberharcèlement. Ce sont autant de vies fragilisées et de blessures à vie, qui minent réussite scolaire, confiance en soi et capacités de socialisation. Ce phénomène aboutit parfois à des destins brisés et, dans les pires cas, des vies écourtées. Il place les familles non pas devant un mur, mais devant plusieurs : celui de l'enfant qui, par honte, refuse de parler ; celui des plateformes, derrière lesquelles l'anonymité libère la cruauté ; celui d'un État qui court derrière de nouvelles pratiques toujours plus addictives.
Pour les jeunes, les réseaux sociaux ne représentent plus que la haine des autres et de soi alimentée par des personnes qui voient le cyberharcèlement comme un simple jeu, sans en saisir toutes les conséquences. C'est pourquoi nous proposerons de donner une meilleure visibilité aux plateformes d'accompagnement des victimes de harcèlement, en particulier lorsqu'elles effectuent un signalement sur un réseau social.
Personnellement, je suis très attaché à la lutte contre la haine en ligne, et je sais que nous pourrons travailler à nouveau sur ce sujet à l'occasion de la transposition des nouvelles règles européennes, qui fixent désormais un cadre juridique parmi les plus protecteurs au monde.
Monsieur le ministre délégué, monsieur le rapporteur, nous serons à vos côtés pour continuer à renforcer ce cadre, dans la droite ligne de ce texte. Nous soutiendrons pleinement cette proposition de loi et espérons que nos débats permettront d'avancer plus loin encore dans la protection de nos enfants.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et RE.
Le CE2, c'est l'âge du plein développement cognitif et langagier. C'est l'âge auquel la lecture devient plus fluide. C'est l'âge, aussi, des premiers copains et des amitiés solides. Mais 8 ans et demi, c'est également, en France, l'âge moyen de la première inscription à un réseau social. Instagram, Facebook, Snapchat, TikTok : 63 % des moins de 13 ans ont au moins un compte sur un réseau social. Ce chiffre est encore plus inquiétant lorsque l'on connaît les conséquences de la présence démesurée d'un enfant devant un écran et sur les réseaux sociaux : fatigue excessive, rythmes désajustés, troubles et retraits relationnels. La santé – y compris mentale – et les relations sociales des jeunes étant durement affectées par le temps passé sur ces plateformes, il est important de fixer des règles, et nous saluons donc cette proposition de loi tendant à instaurer une majorité numérique.
En commission, mon collègue Inaki Echaniz avait souligné deux manques dans le texte initial : d'une part, l'absence de dispositif de vérification de l'âge de l'enfant et du consentement du parent, qui rendait votre texte peu opérationnel, d'autre part, l'absence de sanction, qui le rendait peu contraignant. Force est de constater que vous avez su faire évoluer votre texte, monsieur le rapporteur : il prévoit désormais que les fournisseurs de services de réseaux sociaux doivent déployer une solution technique de vérification de l'âge des utilisateurs finaux et du consentement des titulaires de l'autorité parentale. Cette méthode a été certifiée par l'Arcom après avis de la Cnil. En outre, le manquement à cette obligation est maintenant sanctionné par une amende pouvant aller jusqu'à 1 % du chiffre d'affaires mondial. La majorité numérique devient ainsi opérationnelle.
Par ailleurs, la Cnil recommandait que les parents disposent d'une voie de recours pour demander la suppression du compte de leur enfant. Nous soutenons donc les avancées du texte en ce sens.
Toutefois, n'oublions pas que la Cnil recommande également des garanties spécifiques pour protéger l'intérêt de l'enfant, ou encore le renforcement de l'information du mineur, selon des modalités claires et adaptées, sur les conditions d'utilisation de ses données, ainsi que sur ses droits informatiques et ses libertés, afin qu'il puisse comprendre le sens et la portée de son engagement. Des recommandations qui, pour l'instant, ne figurent pas dans le texte. Nous vous alertons donc sur le fait que l'instauration d'une majorité numérique ne saurait aller sans l'information des mineurs sur leurs droits, l'encadrement de leur pratique, l'assurance que les sites sont adaptés aux publics mineurs qu'ils accueillent, ou encore l'accompagnement des parents dans l'éducation au numérique.
Nous soutenons les articles tendant à faire contribuer les plateformes à la lutte contre les cyberdélits : l'article 3, qui les contraint à répondre aux réquisitions judiciaires dans le cadre de plaintes déposées, et le nouvel article 1er bis, qui définit de nouveaux contenus illicites pour lesquels les plateformes doivent instaurer un dispositif de signalement. Alors que le harcèlement sur les réseaux sociaux est de plus en plus présent et violent, notamment chez les jeunes publics, cette responsabilisation des plateformes dans la lutte contre la haine en ligne est la bienvenue.
Nous soutiendrons donc, monsieur le rapporteur, votre proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES et Écolo – NUPES, ainsi que sur quelques bancs du groupe Dem.
Le constat dressé par le rapporteur est accablant : en quelques années seulement, l'apparition des réseaux sociaux et la généralisation de leur usage ont profondément bouleversé nos vies et, plus singulièrement, celles de nos enfants et des jeunes générations.
Les chiffres sont sans appel : 82 % des enfants de 10 à 14 ans se rendent régulièrement sur internet sans que leurs parents n'en sachent rien, un chiffre qui atteint 95 % pour les jeunes de 15 à 17 ans. Ainsi, 70 % des enfants de tous âges regardent seuls des vidéos sur internet. En moyenne, les enfants entre 7 et 12 ans passent neuf heures par semaine sur le web, un chiffre qui grimpe à près de dix-huit heures pour les adolescents entre 13 et 19 ans. En outre, la Cnil constate que la première inscription sur les réseaux sociaux a lieu, en moyenne, à 8 ans et demi, et que plus de la moitié des enfants de 10 à 14 ans y sont présents. Enfin, doit-on encore rappeler que les enfants de 7 à 10 ans utilisent en moyenne deux réseaux sociaux, contre trois pour ceux de 11 à 14 ans.
S'il est évident que les réseaux sociaux peuvent constituer une porte ouverte sur le monde et être une source d'apprentissage quand ils sont utilisés avec modération, ils sont pourtant devenus pour beaucoup de jeunes un enfer, une véritable drogue entraînant isolement, troubles de la concentration, troubles du sommeil, surpoids, dépression, harcèlement, chute des résultats scolaires, conduites addictives, et même suicide. Les chiffres font frémir : l'association e-Enfance, qui gère la ligne téléphonique 3018 pour les jeunes victimes de cyberharcèlement, fait état d'un nombre très important et toujours croissant de victimes. De janvier à septembre 2022, environ 25 000 cas y ont été traités, soit 6 000 de plus que pour l'ensemble de l'année 2021. Un dernier chiffre : si plus de 82 % des mineurs ont déjà été exposés à du contenu pornographique, cela concernerait, selon le site gouvernemental jeprotegemonenfant.gouv.fr, près d'un enfant sur trois à l'âge de 12 ans.
Instaurer une majorité numérique va donc dans le bon sens, même s'il aurait été préférable de la fixer à 16 ans au lieu de 15, afin de s'aligner sur les règles européennes et de revenir à la position défendue par la France dans le cadre des échanges autour de la création du règlement général sur la protection des données.
Par ailleurs, il est plus que temps que l'interdiction de l'inscription sur les réseaux sociaux avant 13 ans ne soit plus symbolique, mais effective. À cette fin, il serait bon de nous interroger sur le rôle des plateformes dans la protection de leurs utilisateurs : en effet, c'est aussi à elles de définir une éthique en matière de protection et de développer les outils de sa concrétisation.
En outre, la définition des réseaux sociaux doit pouvoir être facilement modifiée, tant sont rapides les évolutions technologiques : à nous, législateurs, d'y veiller.
Mais au-delà de la majorité numérique, c'est le rôle des parents que nous devons interroger. Le contrôle parental est la pierre angulaire de la protection des enfants et des adolescents. Or, trop souvent, les parents ne sont pas conscients des dangers qui menacent leurs enfants, ou manquent d'outils pour les accompagner. Pas moins de 80 % d'entre eux affirment ne pas savoir ce que font leurs enfants sur internet : c'est énorme, et nous ne devons pas cesser de les sensibiliser, d'autant qu'au bout du compte, la décision de l'inscription de leur enfant sur les réseaux sociaux leur revient. Si l'État peut – et doit – avoir un rôle, les parents restent, et doivent rester, les premiers éducateurs de leurs enfants. C'est bien à eux qu'il revient en priorité de contrôler les contenus consultés et le temps passé sur les réseaux sociaux par ceux dont ils doivent assurer l'intégrité morale et physique. Comment les y aider ? C'est à cette question qu'il faudra répondre.
Vous l'aurez compris, je salue donc ce texte et les efforts du rapporteur. Je regrette néanmoins que la proposition de loi visant à garantir le respect du droit de l'image des enfants et la proposition de loi relative à la prévention de l'exposition excessive des enfants aux écrans, qui seront toutes deux discutées lundi prochain, ne soient pas examinées avec celle dont nous débattons aujourd'hui. Je regrette également que, malgré ses annonces, le Gouvernement tarde à trouver des solutions pour que les sites pornographiques soient enfin véritablement et réellement interdits aux mineurs : quand allons-nous développer des moyens techniques pour mettre fin à la violence morale et physique qu'ils font subir aux plus jeunes ? Là encore, nos débats auraient mérité d'être intégrés à une réflexion globale et transpartisane : ils n'en auraient été que plus cohérents et plus efficaces. La santé de nos enfants le vaut bien.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
La parole est à M. Stéphane Lenormand, pour soutenir l'amendement n° 34 .
On a coutume de dire que le diable se cache dans les détails. Les technologies dites de voix sur IP, qui foisonnent sur de nombreuses plateformes, permettent d'y diffuser des messages extrêmement haineux. Nous ne voudrions pas que ceux-ci échappent au contrôle que nous souhaitons instaurer, et proposons donc par cet amendement de préciser que les messages vocaux sont concernés par les dispositions du texte.
Vous soulignez à juste titre la diversité des réseaux sociaux, qui n'ont pas tous le même objet, la même finalité, le même degré de publicité, et ainsi de suite ; d'où l'opportunité de retenir dans cette proposition de loi une définition large, empruntée au DMA. Cette définition me satisfaisant, j'ai décidé de la transcrire telle quelle : il ne serait pas judicieux de la modifier. Avis défavorable.
Nous comprenons bien votre intention, monsieur le député, mais j'abonderai néanmoins dans le sens du rapporteur. D'une part, étant donné le cadre de nos discussions, chacun doit garder à l'esprit le DMA et le DSA. Tous deux adoptés durant la présidence française du Conseil de l'Union européenne, ils visent à introduire dans le droit des États membres, sans exception, des règles qui s'imposeront aux géants du numérique et, s'agissant du DSA, aux réseaux sociaux. Par conséquent, nous devons veiller à ne pas adopter de dispositions susceptibles de créer des incohérences, d'autant que le DSA est d'application directe, c'est-à-dire ne nécessite pas de transposition au sein du droit national. Il nous faut également nous caler sur les grands principes que la France a fait admettre de haute lutte lors de l'examen de ces deux règlements. C'est pourquoi, lors de la rédaction de son texte, le rapporteur a reproduit mot pour mot, à l'article 1er , la définition des réseaux sociaux sur laquelle se sont accordés les membres de l'Union européenne – et qui tient compte du problème que vous évoquez, puisqu'elle mentionne les « conversations en ligne ». Votre amendement étant satisfait, je vous demande de le retirer ; à défaut, avis défavorable.
L'amendement n° 34 est retiré.
L'article 1er est adopté à l'unanimité.
« Bravo ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à Mme Fabienne Colboc, pour soutenir l'amendement n° 84 .
La complexité des conditions générales d'utilisation des réseaux sociaux est telle que les jeunes en ignorent souvent la teneur, voire l'existence. Cet amendement vise donc à ce que ces services soient tenus d'en présenter une seconde version, dont le vocabulaire ait été adapté à un public mineur, afin d'informer celui-ci de ses droits sur le réseau social, de ce qui y est prohibé et de l'usage qui sera fait de ses données personnelles. Les jeunes de moins de 15 ans pourront ainsi prendre pleinement conscience de ces enjeux. Il s'agit à la fois d'une mesure de prévention – expliciter le caractère autorisé ou interdit des pratiques sur les réseaux sociaux –, d'une démarche éducative – lutter contre la haine en ligne – et d'un renforcement de la responsabilité des entreprises en matière de respect de leurs CGU, qui ne se limitera plus à la validation d'un contrat d'adhésion.
Madame la vice-présidente de la commission, chère collègue, j'approuve les objectifs de cet amendement, mais il n'en est pas moins satisfait en l'état du droit. Le 3
Même avis. Le DSA, qui entrera en vigueur entre juin 2023 et le début de l'année 2024 en fonction de la taille des plateformes – les plus grandes, celles dont nous avons les noms en tête et qui ont été évoquées à la tribune, étant les premières concernées –, énonce de façon précise cette obligation de rendre les CGU intelligibles aux mineurs, non seulement afin de les informer lors de leur inscription sur un réseau social, mais dans un but de prévention : là réside tout l'intérêt de l'article 14.
Il s'agissait effectivement d'insister sur l'aspect préventif des CGU ; étant donné les explications fournies, je retire l'amendement.
L'amendement n° 84 est retiré.
La parole est à Mme Cécile Rilhac, pour soutenir l'amendement n° 5 , qui tend à supprimer l'article 1er bis .
Le présent amendement dû à Raphaël Gérard vise en effet, sans nier le caractère répréhensible des contenus visés, à supprimer les dispositions introduites en commission, afin de tenir compte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) en matière d'application de la LCEN. Il est souvent compliqué de distinguer ce qui est licite de ce qui ne l'est pas ; or l'engagement de la responsabilité pénale d'un hébergeur pour un contenu dont le caractère illicite n'a rien d'évident peut avoir un effet dissuasif et restreindre la liberté d'expression sur internet. Pour cette raison, la jurisprudence évoquée limite les cas dans lesquels cette responsabilité peut être mise en cause, excluant des délits tels que la diffamation à caractère discriminatoire et le revenge porn, dont l'appréciation relève essentiellement du juge. J'aimerais entendre confirmer par M. le ministre délégué que l'article 1er bis ne la contredit pas.
Je comprends les réserves que vous exprimez, chère collègue, et j'ai conscience de la difficulté d'apprécier, en vue de leur qualification, certains délits. Toutefois, cet article, introduit dans le texte par la commission, répond à un besoin indéniable : celui d'outils permettant de mettre en évidence certains délits sur les réseaux sociaux et de faire ainsi cesser l'impunité de leurs auteurs. L'extension de la liste de délits figurant au troisième alinéa du 7 du I de l'article 6 de la LCEN, lequel impose aux plateformes un dispositif de signalement de ces faits, ne vise pas à les substituer au juge, l'action publique continuant de dépendre des autorités, mais à les obliger à informer celles-ci, rendant possible une réponse judiciaire et prenant ainsi part, comme il se doit, à la lutte contre la diffusion d'infractions. Les délits ajoutés par l'article 1er bis à la liste de la LCEN sont ceux dont les utilisateurs mineurs peuvent se trouver directement ou indirectement victimes : il concourt donc à la protection des mineurs et à la lutte contre la haine en ligne, ce qui fonde sa légitimité. Il favorisera le travail de la justice. Je m'oppose à sa suppression : avis défavorable.
Le rapporteur a fort bien parlé, et cet article a été introduit dans le texte par l'adoption d'un amendement émanant de la délégation parlementaire aux droits des femmes. Je demande le retrait de l'amendement ; à défaut, avis défavorable.
Merci, monsieur le rapporteur, de nous avoir éclairés au sujet du cadre légal de l'article. Nous voilà rassurés : nous retirons l'amendement.
L'amendement n° 5 est retiré.
L'amendement n° 6 est retiré.
L'amendement n° 83 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 1er bis, amendé, est adopté à l'unanimité.
La parole est à M. Laurent Esquenet-Goxes, pour soutenir l'amendement n° 27 .
Il vise à imposer aux réseaux sociaux de renforcer la sensibilisation au harcèlement grâce à la publication de messages de prévention destinés aux utilisateurs, en particulier aux jeunes. En outre, lorsqu'un utilisateur signale à la plateforme être la cible de manifestations de haine en ligne, elle devra lui indiquer les outils nationaux à sa disposition afin de l'accompagner – je pense bien sûr au 3018, le numéro gratuit créé à l'intention des victimes de violences numériques. La plateforme correspondante est accessible aussi bien par téléphone que par courriel, par une application, par une messagerie Facebook, et constitue un instrument indispensable aux mineurs, parents et professionnels désireux non seulement d'être écoutés, mais d'obtenir des solutions, notamment en vue de faire retirer au plus vite le contenu offensant. Néanmoins, ce numéro reste trop peu connu des intéressés, qui peuvent par ailleurs ne pas pouvoir, ou vouloir, s'en enquérir auprès de proches adultes : les dispositions proposées permettraient d'en rendre l'accès plus fluide en informant les jeunes là même où ils sont acteurs – et victimes.
J'ajouterai que cet amendement avait fait, lors de l'examen du texte en commission, l'objet d'un large consensus transpartisan avant d'être retiré en vue d'une relecture technique. Avec M. le rapporteur, que je remercie, nous nous sommes livrés à un travail de fond : techniquement et philosophiquement, l'amendement est désormais prêt à être adopté par la représentation nationale.
Je vais jouer les gardiens du temple qu'est le DSA : comme j'aurai certainement l'occasion de le redire, celui-ci ne régit pas les conditions d'accès et d'inscription à un réseau social, mais détermine en revanche les modalités d'adaptation aux mineurs des fonctionnalités de ces réseaux. Par respect pour ces dispositions, je demanderai le retrait de l'amendement ; à défaut, l'avis du Gouvernement sera défavorable.
Mme la secrétaire d'État et moi-même avons du reste œuvré à faire connaître le 3018 dans les établissements scolaires, où ont été affichées des informations concernant les dispositifs d'aide aux victimes de harcèlement ; le passeport internet qui sera désormais délivré à tous les élèves de sixième fournit l'occasion d'une sensibilisation, et certains réseaux sociaux diffusent déjà des informations relatives au cyberharcèlement, entre autres ce numéro. Enfin, monsieur Esquenet-Goxes, votre amendement AC33, adopté en commission, et qui a donné lieu à l'article 5 du texte, portait également sur le 3018 – du moins avez-vous le mérite de mettre ainsi en lumière la qualité du travail réalisé par l'association qui gère cette ligne.
Compte tenu, encore une fois, de la besogne accomplie de concert avec le rapporteur, je maintiens l'amendement.
L'amendement n° 27 est adopté.
L'addiction de nos enfants aux réseaux sociaux est aujourd'hui un problème de société ; les chiffres des différentes études sont clairs. Il est de bonne politique que la représentation nationale se saisisse de ce problème avant qu'il ne devienne un sujet de santé publique, si ce n'est déjà le cas. Les réseaux sociaux présentent pour les plus jeunes un danger d'addiction et de déconnexion du monde réel, et d'exposition à des contenus choquants, sectaires, violents voire pornographiques. Le renforcement de la loi « informatique et libertés » va donc dans le bon sens. Taper au portefeuille – si je puis dire –, vite et fort, est un moyen efficace de contraindre une entreprise à respecter la loi. L'amende prévue par la proposition de loi, dont le montant pourra s'élever à un maximum de 1 % du chiffre d'affaires de l'exercice précédent, est à cet égard fortement dissuasive.
Des réserves doivent cependant être apportées à l'article 2. Notre souci louable et sain de fabriquer une bulle de sécurité autour de nos enfants se heurte à l'essence même du principe de réseau social, qui est par définition transnational et techniquement impossible à circonscrire dans un périmètre franco-français. La loi française ne sait pas contraindre à l'extérieur de ses propres frontières. Il ne faut en général pas plus de deux ou trois minutes aux adolescents pour nous démontrer les mille et une manières de contourner un dispositif.
J'en viens à l'école. Nos enfants ont majoritairement, à partir de la sixième, des adresses de courrier électronique et, partant, des comptes Google : c'est la clé pour accéder aux systèmes d'échange qui régissent leur vie scolaire. Le confinement a d'ailleurs considérablement amplifié ce mode de fonctionnement. Le rôle des parents est crucial dans cet apprentissage technique – que je qualifierais aussi de social – du monde et des usages du numérique ; il relève de leur devoir d'éducation.
Le groupe Rassemblement national votera ce texte qui est intelligent et qui va dans le bon sens. Mais restons lucides et vigilants : l'outil législatif ne fait pas tout. De même que pour les règles de circulation dans la rue, le rôle des familles est plus que jamais primordial dans l'apprentissage des réseaux sociaux.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Déposé par mon collègue Alexandre Portier, il propose de fixer l'âge de la majorité numérique à 16 ans et non à 15 ans comme le prévoit la proposition de loi, pour plusieurs raisons : il s'agit d'aligner la disposition avec l'âge fixé au niveau européen, avec les dispositions du RGPD ainsi qu'avec l'âge auquel devient possible l'émancipation du mineur.
Nous avons eu cette discussion en commission, cher collègue. Il est vrai qu'au moment de rédiger cette proposition de loi, je me suis posé la question. Il est toujours difficile de fixer un curseur. En France, on a choisi par exemple l'âge de 16 ans pour la conduite accompagnée mais on a fait un choix différent – 15 ans –, pour des applications découlant du RGPD notamment.
Au niveau européen, la majorité peut être fixée entre 13 et 16 ans, et la France a choisi de la fixer à 15 ans. Notre pays a fait un autre choix juridique important, celui de fixer la majorité sexuelle à 15 ans également. En effet, cet âge correspond habituellement au passage du collège au lycée ; c'est un âge auquel il se passe des choses pour le jeune, qui évolue.
Par ailleurs, certains d'entre vous ont sans doute eu, comme moi, la chance d'exercer des fonctions d'officier d'état civil, notamment de célébrer des mariages. Je vous rappelle à ce propos qu'une phrase très importante du code civil dispose que les parents associent l'enfant aux décisions qui le concernent selon son âge et son degré de maturité. J'ai souhaité tenir compte de ce degré de maturité et, avec le Gouvernement, nous avons considéré que l'âge de 15 ans était un âge pivot. Je sais que les débats sont parfois très polémiques au sein de notre assemblée mais j'espère que cette proposition recueillera votre assentiment.
J'émets donc un avis défavorable à l'amendement.
Même avis. Nous comprenons l'intention mais il est vrai qu'en 2018, lors de la transposition du RGPD, la France a décidé de fixer à 15 ans le seuil en deçà duquel le consentement des parents est requis pour l'enregistrement des données personnelles d'un mineur. Comme l'a dit le rapporteur, le choix devait s'effectuer au sein d'une fourchette allant de 13 à 16 ans. La Belgique, par exemple, a retenu l'âge de 13 ans. Pour cette première raison – le souci de conformité avec la transposition du RGPD par la France en 2018 – comme pour la seconde raison évoquée par le rapporteur, liée à la maturité, il nous semble que l'âge de 15 ans constitue un bon équilibre.
L'amendement n° 65 n'est pas adopté.
Il est essentiel d'avoir une réflexion sur l'accès des jeunes au numérique. L'amendement a pour but de démontrer que le problème ne vient pas seulement des réseaux sociaux, comme indiqué dans le texte, mais peut avoir plusieurs sources. Les contenus pornographiques et violents sont omniprésents dans les forums de discussion. Il en va de même pour le cyberharcèlement, qui prend une ampleur monstrueuse sur ce type de plateformes. Le dispositif proposé par le texte laissera toujours subsister des failles, et les jeunes conserveront la possibilité d'accéder à des contenus dangereux. L'ajout des forums de discussion au champ de la proposition de loi permettrait de renforcer leur protection.
L'inquiétude dont témoigne cet amendement est parfaitement légitime, chère collègue, mais les forums de discussion en ligne, qui sont très nombreux, entrent dans le cadre de la définition des réseaux sociaux à l'article 1er du texte, que je vous invite à lire : « une plateforme permettant aux utilisateurs de se connecter et de communiquer entre eux, de partager des contenus et de découvrir d'autres utilisateurs et d'autres contenus […] en particulier au moyen de conversations en ligne ». Il me semble que votre amendement, qui a le mérite de tenter d'élargir le spectre, est déjà satisfait par l'article 1er . Je vous demande donc de le retirer et j'émettrai, à défaut, un avis défavorable.
Même avis.
L'amendement n° 20 n'est pas adopté.
À l'issue de nombreux entretiens, il me semble important de souligner la gravité des dangers auxquels sont confrontés les jeunes à cause des réseaux sociaux. Ces dangers, les enfants parfois très jeunes ne les perçoivent pas jusqu'au moment où, après avoir vu des images violentes ou pornographiques ou après avoir été harcelés, ils se retrouvent traumatisés voire en arrivent à des atrocités. Les parents, quant à eux, sont totalement perdus face à l'ampleur que prennent les choses. Comment voulez-vous prévenir les jeunes quand vous ne savez pas vous-même utiliser ces outils ?
La présente proposition de loi, imparfaite et particulièrement complexe du point de vue de l'application, aborde néanmoins le sujet primordial de l'utilisation des réseaux par les jeunes. Nous ne pouvons faire reposer sur le dos des parents, non informés sur les questions de responsabilité, le choix d'accorder une dérogation à leur enfant pour l'utilisation des réseaux sociaux. Le sujet de la prévention reviendra dans un autre texte ; une fois que la société sera formée et que des outils seront mis à disposition des parents pour qu'ils puissent éduquer leurs enfants à ces réseaux, nous pourrons leur laisser le choix. Pour l'instant, protégeons nos enfants des dangers du numérique !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Vous abordez, chère collègue, un enjeu important puisque vous proposez, en réalité, la possibilité d'une interdiction pure et simple. C'est justement la direction que je n'ai pas souhaité prendre lors de la rédaction du texte. Je considère en effet que les modes de communication que constituent les réseaux sociaux ne sont pas tous à jeter aux orties. On y trouve aussi du bon : ils peuvent être une porte ouverte sur le monde et permettre à nos enfants de découvrir des idées, de connaître des gens intéressants, de s'épanouir. Ce sont les mésusages de ces réseaux, qui existent aussi, qui nous conduisent aujourd'hui à en discuter. J'ai fait le choix, au travers de la présente proposition de loi, de ne pas les interdire purement et simplement mais de faire preuve de la souplesse que j'ai défendue lors de la discussion générale. Il me semble que ce choix a été bien accueilli lorsque nous avons enrichi le texte en commission mais aussi lorsque nous y avons travaillé avec les membres du Gouvernement. Une interdiction ne serait pas du tout conforme à l'état d'esprit ayant présidé à la rédaction du texte ; j'émets donc un avis défavorable à l'amendement.
Le débat que nous abordons porte sur l'idée d'interdire purement et simplement l'accès de nos enfants aux réseaux sociaux en deçà d'un certain âge. Comme le rapporteur, le Gouvernement émettra sur cette proposition un avis défavorable, que je vais m'efforcer de vous expliquer.
D'abord, comme l'a dit le rapporteur, la présente proposition de loi a pour ambition de mieux accompagner les enfants. Je rappelle que les réseaux sociaux sont définis à l'article 1er comme toute « plateforme en ligne permettant aux utilisateurs finaux de se connecter ainsi que de communiquer entre eux, de partager des contenus et de découvrir d'autres utilisateurs et d'autres contenus, sur plusieurs appareils et, en particulier, au moyen de conversations en ligne, de publications, de vidéos et de recommandations. » Nous ne rejetons pas ces réseaux, ainsi définis, dans leur nature. Nous considérons, comme l'a noté le rapporteur, qu'ils peuvent, sous certaines conditions, être vecteurs d'échanges, de communication et de découverte du monde pour certains enfants. Notre vision – qui est aussi celle du règlement DSA, relatif aux services numériques – consiste à considérer que les réseaux sociaux doivent adapter leurs services aux mineurs et en particulier, comme le précise le règlement, proposer des interfaces adéquates et des paramètres adaptés, différents de ceux destinés aux majeurs.
Cette approche me semble équilibrée. En effet, si des plateformes telles que celles évoquées précédemment, du fait de leur modèle d'affaires, déploient aujourd'hui, avant l'application du DSA, des moyens très importants pour capter l'attention des mineurs au point de mettre parfois leur santé en danger, ce n'est pas le cas de tous les réseaux sociaux. On peut très bien imaginer des réseaux – il en existe – n'ayant pas pour modèle d'affaires l'attraction d'un maximum de publicité et n'ayant donc pas, au cœur de leur activité, l'objectif de capter le plus possible l'attention des enfants. À ce titre, ils ne méritent pas d'être interdits d'accès aux mineurs. Nous devons garder à l'esprit que nous dénonçons certaines pratiques des réseaux sociaux qui sont par ailleurs visées directement par le règlement européen, mais que nous ne visons pas – avec cette proposition de loi, en tout cas – la possibilité même pour les jeunes, grâce à des échanges passant par l'intermédiaire du numérique, de s'ouvrir sur les autres et sur le monde.
La seconde raison, c'est que nous avons foi dans l'autorité parentale. Choisir d'interdire aux mineurs de 15 ans l'accès aux réseaux sociaux – même momentanément, en attendant que les plateformes s'ajustent –, ce serait renoncer à l'idée que l'autorité parentale peut s'exercer dans ce domaine, que nous pouvons prendre nos enfants par la main pour les accompagner patiemment dans la découverte du numérique.
Je dirai donc que, d'une part, cette proposition de loi ne cible pas les réseaux sociaux mais vise à préserver les enfants de pratiques qui leur sont nuisibles et que, d'autre part, nous sommes confiants dans la capacité des parents à surmonter ces difficultés et à protéger leur enfant dans son cheminement dans l'espace numérique.
Nous voulons que les mineurs aient toujours la possibilité d'accéder à ces réseaux, sous réserve que leurs parents y consentent et que leur consentement exprès soit recueilli par les plateformes concernées.
Les réseaux sociaux évoluent et changent parfois de nature : Facebook était à l'origine un réseau étudiant, il est désormais celui dont les usagers ont la moyenne d'âge la plus élevée ; TikTok a été conçu pour les collégiens, qui ne sont plus les seuls à l'utiliser aujourd'hui.
Les choses vont très vite et la question que pose cet amendement, c'est comment protéger techniquement ou juridiquement les enfants de contenus réservés aux adultes, quand ils peuvent y accéder grâce à un compte créé avec l'accord des parents. Je n'ai pas l'impression qu'il soit possible de faire la différence selon le profil et l'âge de l'utilisateur quand, d'un clic, on peut passer d'une vidéo sportive à une vidéo de combats, d'une vidéo de combats à une vidéo de violences, d'une vidéo de violences à une vidéo montrant des exactions. Comment donc permettre aux enfants de naviguer sur ces réseaux tout en les protégeant des contenus les plus violents, à même de perturber leur développement ?
L'amendement n° 24 n'est pas adopté.
L'amendement n° 113 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Sarah Tanzilli, pour soutenir l'amendement n° 106 .
Il vise à préciser que, lorsque l'autorité parentale est exercée conjointement, le consentement des deux parents est nécessaire. Dans l'espace numérique, les menaces qui pèsent sur les enfants sont nombreuses ; l'inscription sur un réseau social est donc tout sauf un acte anodin. Il me semble qu'à partir du moment où l'on considère que le principe est l'interdiction de l'inscription pour les moins de 15 ans, il est légitime de considérer que l'inscription est bien un acte non usuel, qui relève de l'accord des cotitulaires de l'autorité parentale.
De façon plus pragmatique, cet amendement permettrait d'éviter des conflits éventuels dans l'exercice de l'autorité parentale. Dans la mesure où les titulaires pourront revenir sur leur accord et demander la suppression du compte d'un mineur de 15 ans, que se passera-t-il si l'un des parents donne son accord et que l'autre exige des fournisseurs sa suppression ? Quelle réponse les plateformes devront-elles donner à des injonctions contradictoires ? Ne faut-il pas éviter de créer des situations où le mineur serait pris en étau, ses parents utilisant ce levier à d'autres fins ? Peut-on prendre le risque que ce sujet éminemment sensible pour les enfants constitue un nouveau champ de conflits entre des parents qui se déchireraient ?
S'il prévoit un accord conjoint des titulaires de l'autorité parentale, le texte sera cohérent avec la jurisprudence qui définit les actes non usuels et permettra d'éviter des conflits ingérables pour les plateformes et préjudiciables aux mineurs concernés.
Nous entrons dans un débat de spécialistes de droit civil. La Cnil a considéré que le consentement des parents au traitement des données personnelles régies par le RGPD relevait d'un acte usuel de l'autorité parentale. J'estime que nous pouvons transposer cette décision et considérer que l'inscription à un réseau social relève elle aussi d'un acte usuel. Or un acte usuel ne nécessite l'accord exprès que d'un des parents puisque le code civil indique que « chacun des parents est réputé agir avec l'accord de l'autre, quand il fait seul un acte usuel de l'autorité parentale relativement à la personne de l'enfant. »
En outre, dans l'hypothèse d'une séparation ou d'un conflit entre les parents, l'un d'entre eux pourra toujours saisir le juge aux affaires familiales et lui demander de trancher.
Je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement, faute de quoi l'avis sera défavorable.
Même avis. Si nous devions considérer l'inscription sur les réseaux sociaux comme un acte non usuel, la proposition de loi n'aurait plus grand intérêt. Nous considérons, avec ce texte, que l'inscription sur les réseaux sociaux est un acte usuel mais qu'il convient de distinguer les mineurs de plus de 15 ans, qui sont soumis au droit commun, et les mineurs de moins de 15 ans, pour lesquels le consentement d'un titulaire de l'autorité parentale est requis.
Nous voterons contre cet amendement afin de préserver, pour le parent, la possibilité de réagir vite et de demander la suppression du compte, sans se trouver entravé par l'obligation de demander son consentement à l'autre parent dont il est séparé. À moins de sous-amender votre amendement et de prévoir la possibilité de suspendre le compte dans l'attente de l'accord du cotitulaire de l'autorité parentale, il nous semble important que les parents puissent agir vite – c'est l'intérêt de l'enfant qui prime.
L'amendement n° 106 n'est pas adopté.
Cela a été dit, l'espace numérique en général, les réseaux sociaux en particulier renferment des menaces graves pour les enfants. La responsabilité du législateur est de fixer des garde-fous qui puissent les protéger efficacement.
Avec cet amendement, je vous propose d'aller plus loin que ce que prévoit le texte : il s'agit de fixer un âge plancher, 13 ans, en dessous duquel toute inscription sur un réseau social sera prohibée.
Chers collègues, soyons cohérents. Si la menace est si forte pour l'intégrité, la dignité, le développement des enfants, si ceux-ci ne sont pas en mesure d'y faire face, devons-nous laisser aux parents l'entière responsabilité de dire non ? Nous aussi, nous devons prendre nos responsabilités et avoir le courage de dire qu'un enfant de moins de 13 ans n'a rien à faire sur un réseau social ! D'ailleurs, les plateformes elles-mêmes appliquent cette restriction sur l'âge, qui correspond à la législation américaine.
Cependant, des plateformes dédiées aux plus jeunes commencent à voir le jour et elles présentent un intérêt réel sur le plan éducatif et culturel. L'amendement prévoit donc une dérogation. Seule l'inscription sur des plateformes dûment labellisées sera autorisée, sous réserve du consentement des titulaires de l'autorité parentale. Le dispositif de labellisation permettra en outre d'accompagner les parents dans l'univers numérique en leur permettant d'identifier les espaces bénéfiques pour leurs enfants.
Interdire strictement les réseaux sociaux aux moins de 13 ans tout en permettant aux parents d'identifier certains espaces numériques qui leur sont bénéfiques, voilà la double prise de responsabilité que propose l'amendement.
La parole est à Mme Béatrice Piron, pour soutenir le sous-amendement n° 114 .
Le sujet a été longuement débattu en commission. J'ai déposé un amendement dont l'objet est semblable mais je me rallie à la solution proposée par Mme Tanzilli, qui consiste à fixer l'âge plancher à 13 ans, tout en prévoyant des dérogations pour les services en ligne vertueux de portée éducative.
Je propose cependant de sous-amender l'amendement n° 110 afin de viser les « services de réseaux sociaux en ligne », plutôt que les « plateformes », en cohérence avec le reste du texte.
Le rôle des parents est au cœur de cette proposition de loi. Vous proposez ici de créer une labellisation, mais la procédure, par sa rigidité, me laisse quelque peu circonspect et je ne suis pas certain que cette labellisation soit du ressort du législateur ou du Gouvernement.
Pour l'heure, l'interdiction de ce qui est un acte usuel ne me semble pas pertinente. Certains parents manquent à leurs obligations et sont défaillants, mais la majorité d'entre eux assument leur rôle ; j'estime qu'il faut leur faire confiance. C'est la raison pour laquelle je vous demande de retirer l'amendement et le sous-amendement ; à défaut, l'avis sera défavorable.
Même avis. Nous partageons pleinement l'objectif de l'amendement, puisque, comme nous l'avons dit avec la secrétaire d'État, le règlement sur les services numériques impose aux plateformes de mettre en œuvre des modifications susceptibles de mieux protéger les mineurs.
Vous empruntez le même cheminement que celui par lequel le législateur européen est parvenu au DSA : plutôt que d'interdire l'accès aux mineurs en dessous d'un certain âge, il vaut mieux pousser ou contraindre les réseaux sociaux à proposer des interfaces compatibles avec le degré de maturité de nos enfants. Comme l'intention est la même que pour le DSA dont je suis le gardien du temple, je vous demande de retirer l'amendement. Cela ne nous empêche pas de continuer à travailler dans le cadre de la navette afin de nous assurer que la labellisation sur le fondement de certains paramètres, idée que vous défendez dans votre amendement, est effectivement prévue dans le DSA.
Nous allons soutenir l'amendement, pour une raison déjà invoquée par Ségolène Amiot : de nombreux parents n'ont pas connu l'évolution technologique et les usages que nous ciblons dans ce texte. Nous pensons qu'il faut fixer des règles, de la même façon que pour les cigarettes, l'alcool ou certains comportements qui impliquent des addictions ou des déviances, afin d'éviter les injonctions éducatives contradictoires des parents envers les enfants. Rappelons-le, ce n'est pas aux enfants d'éduquer les parents, mais le contraire. Placer les enfants dans le rôle de prescripteur est une forme d'injonction contradictoire et crée des conflits de loyauté dans l'acte éducatif.
Si nous prenons l'alcool, nous n'avons pas le droit de faire boire les enfants jusqu'à l'ébriété. C'est ce que dit la loi. Depuis la période du covid-19, l'usage excessif d'internet a créé des addictions et même des comportements violents d'enfants d'âge scolaire envers leurs parents, qui se trouvent démunis parce qu'ils ne veulent pas retirer la tablette, le téléphone ou l'ordinateur aux enfants. C'est bien le sujet de l'amendement. Il est bon que la puissance publique fixe des règles claires pour que les parents puissent opposer à leurs enfants, du point de vue éducatif, que la loi est la loi, et que jusqu'à un certain âge, non c'est non.
Nous avons bien entendu le point de vue du rapporteur et du ministre délégué. Nous sommes d'accord pour faire confiance aux parents et nous proposons qu'ils puissent autoriser leurs enfants de moins de 15 ans à aller sur les réseaux sociaux. Soyons néanmoins conscients de la réalité : tous les sondages montrent que 83 % des parents ne savent pas ce que font leurs enfants sur internet et n'ont pas toujours conscience des dangers auxquels ceux-ci y sont exposés. Même si les parents sont incités à activer le contrôle parental sur les tablettes et les téléphones, plus de la moitié d'entre eux n'ont pas encore reçu l'information ni installé ces outils de contrôle.
Pour le moment, il nous paraît donc important de fixer un âge minimum comme il en existe pour d'autres sujets comme la pornographie ou le permis de conduire. Ce ne sont pas les parents qui déterminent à quel âge leurs enfants sont suffisamment matures pour regarder un film pornographique ou apprendre à conduire, même si certains d'entre eux pourraient imaginer que leur enfant de 15 ans est suffisamment grand, costaud et lucide pour cela. Dans la situation actuelle, je ne pense pas que l'on puisse se passer d'âge plancher pour le sujet qui nous occupe.
Attention aux comparaisons entre l'alcool ou le tabac, par exemple, et les réseaux sociaux. Qu'est-ce qui a conduit les rédacteurs de cet amendement à le calibrer de cette manière, et les législateurs du DSA à ne pas interdire l'accès des réseaux sociaux aux mineurs mais à imposer des restrictions ? Quel que soit leur mode de consommation, l'alcool et le tabac sont nocifs pour la santé des enfants. En revanche, certaines expériences – les réseaux sociaux ou la plage évoquée par Mme la secrétaire d'État – peuvent causer des préjudices aux enfants, selon la manière dont ceux-ci sont ou non accompagnés.
Si nous voulons légiférer efficacement, il nous faut tenir compte de cette subtilité. Il n'est pas interdit de se promener sur la plage ou sur le trottoir sans tenir la main de son enfant. Pourtant, conscients du risque auquel il est exposé, nous veillons tous à lui tenir la main le plus possible dans ces circonstances. En revanche, dès lors qu'il est établi qu'une substance comme l'alcool ou le tabac est mauvaise pour la santé, quelle que soit la manière dont elle est administrée, nous fixons une règle qui s'impose quelle que soit la vision qu'en ont les parents.
Certaines pratiques de réseaux sociaux aux modèles d'affaires bien identifiés, qui reposent notamment sur la publicité, peuvent être interdites aux mineurs. C'est ainsi que le DSA interdit la publicité ciblée sur les mineurs. Il s'attaque à la dimension des réseaux sociaux qui peut porter préjudice aux mineurs, sans considérer pour autant qu'un espace de communication et de partage est en lui-même nuisible pour les enfants.
Comme j'ai plusieurs demandes de prise de parole, je vais refaire un tour, si je puis dire.
La parole est à M. Erwan Balanant.
Pour appuyer les propos de M. le ministre délégué, j'aimerais aborder un angle mort de nos débats : la parentalité. Les parents participent à l'éducation des enfants. Nous répétons souvent qu'il faut veiller à protéger nos enfants, mais nous devons aussi contrôler ce qu'ils font sur les réseaux sociaux. Comme vous le savez, j'ai beaucoup travaillé sur la question du harcèlement scolaire, les réseaux sociaux jouant un rôle préoccupant en la matière. J'entends toujours les parents demander que l'on protège leurs enfants, mais ils ont aussi la responsabilité de regarder ce que font leurs enfants.
À la faveur de ces échanges sur les autorisations, je veux rappeler que lorsqu'on est parent, on reste le responsable de ses enfants.
On reste civilement responsable de ses enfants jusqu'à ce qu'ils aient atteint l'âge de 18 ans. Il faut donc insister sur la parentalité et le devoir d'accompagnement parce que certains parents ne connaissent pas ces sujets, comme l'a indiqué le rapporteur. Il ne faut pas s'en tenir à la protection des enfants, il me semble important de s'intéresser aussi à leur éducation.
Comme mon collègue Balanant, je tenais à abonder dans le sens de M. le ministre délégué et de M. le rapporteur. Nous sommes largement d'accord sur la nécessité de renforcer la protection de nos enfants face à certains contenus, mais j'en reviens à l'amendement qui, tel qu'il est rédigé, propose la labellisation de plateformes. Or, comme l'a fait observer notre collègue Di Filippo, les plateformes actuelles sont généralistes et s'adressent à un public très large, même si certaines ciblent des populations plus âgées. Au gré de leurs usages, elles accompagnent les générations qui évoluent.
Labelliser les plateformes est un exercice complexe auquel le cabinet du ministre, chargé de la régulation, est confronté chaque jour. On peut certes renvoyer à un décret dont le Conseil d'État fera son affaire. Labelliser les plateformes, la belle affaire ! L'exemple du tabac montre d'ailleurs que le vrai sujet n'est pas tant la plateforme que le contenu. L'amendement présente donc quelques fragilités sur le plan opérationnel.
Monsieur le ministre délégué, nous sommes visiblement d'accord sur l'essentiel. Je suis convaincue que les parents sont parfois assez démunis en ce domaine. Or l'amendement ne se contente pas de créer une peine plancher ou de poser un interdit strict ; en identifiant des plateformes, des services de réseaux sociaux qui seront bénéfiques aux enfants, il tend à accompagner l'exercice de la parentalité dans l'espace numérique.
Il est vrai que les propositions actuelles sont de nature généraliste, mais si nous ouvrons la possibilité de labelliser des services de réseaux sociaux à destination des moins de 13 ans, nous allons peut-être créer une offre numérique éducative et culturelle spécifiquement dédiée aux enfants. Des initiatives de ce type sont en train de naître et elles ont été mentionnées lors de nos débats en commission pour avancer que nous ne pouvions pas établir un âge plancher en dessous duquel les réseaux sociaux seraient strictement interdits. Comment peut-on, en séance, nous expliquer que ces dispositifs n'existent pas ?
La labellisation est intéressante, mais doit-elle s'accompagner d'une interdiction posée par la loi ? À mon sens, il faut garder la philosophie du texte, conçu comme un levier pour la responsabilisation des parents auxquels il appartiendra d'apprécier l'adéquation entre le contenu d'une plateforme et la maturité de leur enfant.
L'âge a été fixé à 13 ans, mais certains enfants qui ont un ou deux ans d'avance pourront avoir accès à des réseaux sociaux ou à des plateformes qui auront développé des contenus adaptés à leurs compétences psycho-sociales. Il me semble donc dangereux de prendre des mesures radicales comme la création de planchers. Quant à la labellisation, nous pourrons l'envisager dans bien d'autres cadres qu'une loi munie de mécanismes d'interdiction. Personnellement, je suis défavorable à cet amendement et pourtant très favorable à la protection de nos enfants.
Le sous-amendement n° 114 est adopté.
L'amendement n° 110 , sous-amendé, est adopté.
MM. Rodrigo Arenas et Sylvain Carrière applaudissent.
Les conditions générales d'utilisation de la plupart des plateformes ciblées par ce texte interdisent déjà aux moins de 13 ans de créer un compte. Cependant, ne soyons pas naïfs : il est tout à fait possible qu'un enfant ait déjà créé un compte en renseignant de mauvaises informations, puisqu'elles ne sont pas réellement contrôlées. Le présent amendement tend donc à étendre le dispositif de la proposition de loi aux comptes existants et à interdire l'usage des réseaux sociaux aux mineurs de moins de 13 ans.
Quant à l'amendement n° 43 , que j'ai rédigé au sortir de la commission, il visait, comme celui présenté par Mme Tanzilli, à labelliser ou à agréer certaines plateformes, notamment celles qui sont utilisées par l'éducation nationale et qui s'adressent à des enfants de moins de 13 ans. J'y proposais une labellisation par l'Arcom, mais je me rallie à l'idée de décret et je retire mon amendement.
L'amendement n° 43 est retiré.
Je reste sur une position simple : le refus de l'interdiction. Par souci de cohérence avec les propos que je tiens depuis le début de nos échanges sur ce point, j'émets donc un avis défavorable.
Je rappelle, pour que chacun en ait bien conscience, que l'amendement qui vient d'être adopté prévoit que, si le texte est voté en l'état par les deux chambres du Parlement, les enfants âgés de moins de 13 ans ne pourront accéder qu'aux réseaux sociaux qui auront été labellisés. Autrement dit, avant 13 ans, seuls les réseaux sociaux labellisés selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État seront accessibles ; entre 13 et 15 ans, le consentement des parents sera nécessaire pour accéder aux autres réseaux ; au-delà de 15 ans, une liberté plus grande sera accordée.
Il ne me semble vraiment pas nécessaire d'aller plus loin. Le Gouvernement estime en effet que le texte, dans sa rédaction actuelle, empiète déjà sur le DSA – ce que, comme je l'expliquais précédemment, nous voulions précisément éviter –, au moins dans sa philosophie. Le Gouvernement estime que la solution retenue n'est pas pleinement satisfaisante sur le plan juridique, même s'il comprend la volonté qui la sous-tend.
J'invite en tout cas les députés dont les amendements visant à instaurer un âge plancher n'ont pas encore été examinés à se rallier à l'amendement que l'Assemblée nationale vient d'adopter, en retirant les leurs. J'émets donc un avis défavorable, assorti d'une demande de retrait général.
L'amendement n° 36 n'est pas adopté.
La parole est à M. Stéphane Lenormand, pour soutenir l'amendement n° 35 , qui fait l'objet de plusieurs sous-amendements.
Si ma tablette fonctionne correctement, je devrais cette fois pouvoir défendre le bon amendement.
Il ne suffit pas de contrôler la création des nouveaux comptes : les garanties instaurées par l'article 2 doivent également s'appliquer aux comptes déjà existants. L'amendement vise donc à étendre la nouvelle obligation incombant aux réseaux sociaux ainsi que la mission de contrôle confiée à l'Arcom aux comptes des mineurs de moins de 15 ans, et ce dès l'entrée en vigueur des dispositions de la proposition de loi.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir le sous-amendement n° 119 rectifié .
Je suis favorable, sur le principe, à l'amendement qui vient d'être défendu par notre collègue, à condition que soit adopté le sous-amendement tendant à préciser que, si nous souhaitons que les réseaux sociaux traitent le stock de comptes déjà créés, il importe de leur accorder un délai de deux ans à compter de la promulgation de la loi. Je crains en effet qu'il leur soit techniquement difficile de le faire, de manière automatique, dès l'entrée en vigueur du texte.
Il vise à limiter la portée de l'amendement aux comptes détenus par des mineurs de moins de 15 ans. Il s'agit d'étendre le dispositif prévu dans la proposition de loi aux comptes déjà existants, afin d'accroître sa portée tout en garantissant son applicabilité.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement et les sous-amendements ?
Favorable à l'amendement ainsi qu'aux trois sous-amendements, qui ne sont pas mutuellement exclusifs.
Il est favorable également. Je rappelle que l'amendement vise à ce que les nouvelles règles s'imposant aux réseaux sociaux en vertu du présent texte concernent non seulement les nouveaux utilisateurs, mais aussi l'ensemble des utilisateurs déjà inscrits sur ces plateformes.
S'ils ont moins de 15 ans !
Bien entendu. L'adoption de l'amendement et des sous-amendements permettrait à la fois de clarifier l'intention du législateur et d'étendre considérablement le champ d'application du texte, qui inclurait l'ensemble des comptes détenus par des utilisateurs de moins de 15 ans.
Le sous-amendement n° 119 rectifié est adopté.
L'amendement n° 35 , sous-amendé, est adopté à l'unanimité.
Il vise à protéger les mineurs des contenus, en particulier diffusés en direct, présentant un caractère violent ou sexuel. Ce risque bien réel concerne tous les mineurs, y compris ceux qui sont âgés de 15 à 18 ans. Il importe de bloquer l'accès des enfants aux contenus les plus sensibles, comme le fait déjà, par exemple, la plateforme YouTube. Contrôler l'âge de l'utilisateur lors de son inscription sur un réseau social ne suffit pas. L'amendement vise donc à imposer aux réseaux sociaux de contrôler que leurs utilisateurs sont bien majeurs lorsque la nature des contenus diffusés le justifie. Cette obligation aurait vocation à compléter le dispositif prévu dans la présente proposition de loi, sans s'y substituer.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 99 .
Il vise à insérer, après l'alinéa 3 de l'article 2, la phrase suivante : « Les fournisseurs de services de réseaux sociaux sont également tenus de faire obstacle à l'inscription de tous les mineurs de 13 ans dès lors que leurs réseaux peuvent comporter des contenus à caractère pornographique. »
À l'heure actuelle, seul le signalement d'un compte détenu par un mineur de moins de 13 ans permet sa suppression. Même si les réseaux sociaux prévoient, dans leur grande majorité, des règles permettant de bloquer l'inscription d'enfants de moins de 13 ans, aucune disposition légale n'interdit réellement de créer un compte avant cet âge : les règles actuellement appliquées résultent de la loi américaine Coppa – Children's Online Privacy Protection Act –, qui fixe cette limite aux États-Unis.
Un vide demeure concernant cette tranche d'âge. Si l'on peut comprendre l'intérêt de certains réseaux sociaux diffusant des contenus pédagogiques, il nous semble important de fixer une limite. Inscrire cette interdiction dans le texte permettrait d'éviter d'avoir à légiférer de nouveau dans le futur, d'autant que la technologie facilitera peut-être alors la vérification de l'âge réel.
Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de légiférer, en réalité, puisque des dispositions du code pénal couvrent déjà les cas que vous évoquez à travers ces amendements. La diffusion de contenus à caractère pornographique à des mineurs est déjà punie, tout comme la diffusion de scènes de violence. Il ne me semble donc pas indispensable de légiférer, ni que ce texte soit une bonne occasion de le faire. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Il est identique à celui du rapporteur. J'ajoute que l'Assemblée nationale vient d'adopter un amendement en vertu duquel les réseaux sociaux sont désormais inaccessibles aux enfants de moins de 13 ans, à moins d'avoir été labellisés dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État.
Vos demandes – notamment celle de Mme Ménard – sont donc doublement satisfaites, par le code pénal et par l'amendement n° 110 de Mme Tanzilli, que vous avez adopté il y a quelques minutes.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-sept heures cinquante.
La séance est reprise.
La parole est à Mme Sophie Blanc, pour soutenir l'amendement n° 31 .
Comme je l'ai exposé lors de mon intervention sur l'article, le rôle des parents est fondamental dans cette lutte. Le monde d'internet est fait pour être fluide. L'ergonomie des systèmes, telle que ses concepteurs l'ont imaginée, est pensée pour se connecter, naviguer et discuter de manière simple et conviviale. Cette facilité d'utilisation pour les adultes peut cependant constituer un danger pour les enfants.
L'apprentissage des réseaux sociaux ne se résume pas à savoir se servir de ses pouces. Il suppose aussi de connaître le fonctionnement, les usages et les dangers de ces outils. Exactement de la même manière que l'apprentissage de la marche dans la rue, il comporte des règles souvent simples à respecter mais pas du tout intuitives. Il revient donc aux adultes responsables, en l'occurrence les parents, de passer du temps à guider, à expliquer et à éduquer les enfants dans ce monde sans limite – nous l'avons déjà dit.
C'est pourquoi il faut expressément rappeler aux parents, dans le document d'autorisation du mineur, en gras et en gros caractères, leur devoir d'éducation et de vigilance. Cela me paraît de bon sens et de bonne politique. Tel est le sens du présent amendement.
L'amendement n° 31 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Stéphane Lenormand, pour soutenir l'amendement n° 38 .
L'amendement n° 38 est retiré.
Il vise à préciser à l'alinéa 3 de l'article 2 que les parents ne peuvent demander la suppression des comptes de leurs enfants que lorsque ceux-ci n'ont pas atteint la majorité numérique, soit 15 ans.
Cette précision nous semble importante, dans un souci de cohérence avec le reste de la proposition de loi. En effet, l'instauration de la majorité numérique à 15 ans a deux effets. D'un côté, elle doit permettre de renforcer le contrôler parental pour les enfants de moins de 15 ans. De l'autre, elle prend acte de la liberté des enfants qui ont atteint cet âge, dans un souci de responsabilisation.
Si on laisse la possibilité à un parent de demander la suppression du compte de son enfant de plus de 15 ans, on risque de fragiliser la progressive émancipation de ce dernier. En outre, lorsque les relations au sein d'une famille sont mauvaises – je pense notamment aux enfants LGBTQI mal acceptés par leurs parents ou aux couples séparés –, cette possibilité risquerait d'être utilisée comme un moyen de pression sur l'enfant, voire de contrôle.
La parole est à Mme Béatrice Piron, pour soutenir l'amendement n° 105 .
J'avais défendu en commission un amendement visant à donner la possibilité de supprimer les comptes des enfants jusqu'à leur majorité civile, soit 18 ans. Après réflexion, nous nous sommes rendu compte que cette mesure pourrait être utilisée comme un moyen de censure de la part de parents en conflit avec leur enfant. Je m'aligne sur la proposition de mon collègue Esquenet-Goxes, qui consiste à limiter cette possibilité aux enfants de moins de 15 ans.
Je présenterai un peu plus tard un amendement visant à faciliter la procédure de signalement pour les enfants de 15 à 18 ans tout en permettant au modérateur de supprimer le compte uniquement si un usage malveillant, en lien avec ce compte, a été constaté.
La parole est à M. Antoine Léaument, pour soutenir le sous-amendement n° 121 .
Il vise à remplacer le mot « suppression » par « suspension ».
Si les parents suppriment le compte de leur enfant sur les réseaux sociaux, le contenu est totalement perdu, ce qui peut être traumatisant pour l'enfant. Je vous invite à faire très attention à ce problème.
La plupart des fournisseurs de réseaux sociaux offrent la possibilité de suspendre le compte plutôt que de le supprimer. Un compte suspendu existe toujours mais, de la même manière qu'un compte supprimé, il est inactif et l'enfant ne peut plus y avoir accès, pas plus que les autres membres du réseau social. En revanche, le contenu est conservé. Ainsi, si le parent souhaite que la suspension dure jusqu'à la majorité de son enfant, celui-ci pourrait ensuite, s'il le souhaite, réactiver le compte et retrouver ainsi le contenu qu'il avait publié sur le réseau social.
Une telle mesure, qui permettrait à la fois d'assurer la protection des enfants et d'éviter que la décision soit traumatisante pour eux, pourrait, me semble-t-il, recueillir l'assentiment de notre assemblée.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements et le sous-amendement ?
Même avis. Nous estimons toutefois qu'entre 15 et 18 ans c'est le droit commun qui doit s'appliquer dans les cas usuels que nous avons évoqués tout à l'heure, lorsque l'autorité parentale reste effective dans les conditions fixées par le droit.
La réflexion du Gouvernement sur cette question se poursuivra dans le cadre de la navette. J'invite d'ailleurs les députés qui souhaitent prendre part à cette réflexion à nous le faire savoir.
La réflexion de M. Léaument me semble très juste. Il faut donc voter son sous-amendement.
Je donnerai un argument supplémentaire. Lors d'une enquête, si un compte est supprimé, toutes les preuves peuvent disparaître alors que, si le compte est suspendu, elles sont conservées par le fournisseur d'accès. L'accès au compte, donc aux preuves, peut ainsi se révéler salvateur. C'est pourquoi il faut bien mentionner dans le texte la suspension et non la suppression.
J'aimerais insister car j'ai le sentiment que nous sommes dans un de ces rares moments où un de nos amendements pourrait recueillir l'assentiment de notre assemblée.
Je vous invite à vous mettre à la place de nos enfants. Tous autant que nous sommes – ou en tout cas la plupart d'entre nous –, nous avons des comptes sur les réseaux sociaux. Imaginez donc qu'une personne puisse décider de la suppression de votre compte, sans vous demander votre avis, parce qu'elle a autorité sur vous. J'ajouterai, en plaisantant, que si vos collaborateurs décidaient de supprimer votre compte du jour au lendemain, cela poserait un problème.
La possibilité de suspendre un compte existe déjà sur les plateformes, par conséquent la mesure ne serait pas très contraignante pour elles. Saisissons-nous de cette occasion. Ainsi, nous aurons accompli aujourd'hui une action positive pour nos enfants.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Le sous-amendement n° 121 est adopté à l'unanimité.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Dem.
Nous venons de voter une mesure contraire à l'article 16 de la Convention internationale des droits de l'enfant, mais nous en reparlerons !
Par l'amendement n° 49 , nous proposons de suivre une recommandation de la Cnil. Celle-ci précise : « Le RGPD impose de fournir aux personnes concernées une information sur les conditions d'utilisation de leurs données personnelles et sur leurs droits, qui soit compréhensible, aisément accessible en des termes clairs et simples, en particulier pour toute information destinée spécifiquement à un enfant. Pourtant, il suffit de naviguer sur certaines des plateformes massivement utilisées par les mineurs pour se rendre compte que c'est loin d'être une pratique généralisée. » Très loin même, car nous savons que nombre d'entre nous – et de nos enfants – « scrollons » jusqu'à la fin du texte et cochons la case « J'ai bien compris et j'accepte les conditions » sans avoir lu celles-ci. La Cnil indique encore : « Cette obligation d'une information adaptée est pourtant la clef de voûte du dispositif de protection des mineurs : elle conditionne la possibilité même d'un consentement éclairé ainsi que la connaissance des droits dont ils disposent ([par exemple le] droit à l'oubli), dont ils ne pourront bien évidemment pas se saisir s'ils les ignorent où n'en comprennent pas le sens et l'intérêt. »
Quant à l'amendement n° 50 , il vise à inscrire une nouvelle obligation pour les entreprises de services de réseaux sociaux, celle de délivrer une information sur l'existence d'un service d'information et d'assistance au cyberharcèlement lorsqu'un contenu est signalé par un mineur ou concerne un mineur.
Même si je trouve à titre personnel l'amendement n° 49 plutôt bien rédigé, ma chère collègue, il me semble satisfait par le troisième alinéa de l'article 45 de la loi « informatique et libertés » qui impose au responsable de traitement de rédiger « en des termes clairs et simples aisément compréhensibles par le mineur, les informations et communications relatives au traitement qui le concerne ». En outre, l'article 48 de la même loi dispose que « lorsque les données à caractère personnel sont collectées auprès d'un mineur de moins de 15 ans, le responsable de traitement transmet aux mineurs les informations mentionnées à l'article 13 [du RGPD] dans un langage clair et facilement accessible », à savoir l'identité du responsable de traitement, les finalités dudit traitement, la durée de conservation des données, le droit d'accès, etc. La loi prévoit donc déjà l'information claire et adaptée que vous réclamez dans votre amendement.
S'agissant de l'amendement n° 50 , on a déjà eu ce débat en commission, et l'adoption en séance de l'amendement n° 27 de M. Esquenet-Goxes le rend sans objet puisqu'il est dorénavant satisfait. Je demande donc le retrait.
Même avis. Ces deux amendements vont dans le bon sens, mais ils sont satisfaits, le premier en effet par la loi « informatique et libertés » complétée par le DSA qui va imposer des conditions générales d'utilisation facilement compréhensibles par les enfants, et le second par l'amendement n° 27 de M. Esquenet-Goxes adopté tout à l'heure. À défaut d'un retrait, l'avis serait défavorable.
Ces amendements visent à donner un caractère précisément obligatoire à des dispositions qui ne sont pas réellement appliquées par les plateformes. Nous savons que n'importe quelle plateforme, n'importe quel outil numérique peut donner les informations requises à l'utilisateur – qu'il soit mineur ou majeur – pour être en règle au regard de la loi, mais on se rend compte, comme vient de le souligner ma collègue, que le processus à suivre incite à ne pas prendre connaissance des indications ou des contre-indications. Le fait de préciser les dispositions renforcera leur caractère obligatoire afin que personne ne puisse s'en émanciper, en particulier les jeunes publics.
La parole est à Mme Béatrice Piron, pour soutenir l'amendement n° 103 .
Il permet de compléter les dispositions que nous avons votées concernant la suppression des comptes des mineurs de 15 ans en prévoyant la possibilité pour les parents, titulaires de l'autorité parentale, de signaler un usage malveillant de la part de leurs enfants – par exemple, s'ils sont informés par le chef d'établissement que leur fils harcèle une personne dans son lycée, cela leur permettrait de le signaler en urgence pour en tirer rapidement les conséquences.
Avis défavorable car je suis, avec la secrétaire d'État chargée de l'enfance, gardien du DSA, le cœur de ce dispositif étant les mesures de protection des mineurs. Nous en avons déjà évoqué certaines, mais il en existe d'autres, très importantes, notamment l'obligation d'un processus clair pour le signalement des contenus illicites, celle de modération et celle de transparence quant aux algorithmes utilisés, qui seront toutes auditées par des organismes extérieurs aux plateformes. J'ajoute qu'il est aussi prévu de mettre certaines données des plateformes à la disposition des chercheurs pour que ceux-ci puissent faire apparaître les dysfonctionnements éventuels.
La modération et le signalement sont donc, je le redis, au cœur du règlement sur les services numériques. Toutes les plateformes de réseaux sociaux, quelle que soit leur taille, auront l'obligation de mettre en place des processus de signalement clairs – nous l'avions d'ailleurs anticipé par la loi Avia et la loi confortant le respect des principes de la République. En matière de signalement, le droit est déjà bien en place, et l'amendement est satisfait. Il conviendrait de le retirer.
L'amendement n° 103 n'est pas adopté.
L'amendement n° 76 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Cet amendement de mon collègue Alexandre Portier vise à s'assurer que les solutions techniques pour satisfaire à l'obligation de vérification de l'âge de l'utilisateur des services de réseaux sociaux, répondant aux recommandations de la Cnil, seront proposées par un tiers indépendant des éditeurs. Cette précision permettra de faire obstacle à la transmission directe de données identifiantes relatives à l'utilisateur, au site ou à l'application, et ainsi de garantir la protection de l'identité de l'individu et le principe de minimisation des données, tout en maintenant un haut niveau de garantie sur l'exactitude des données transmises.
L'amendement irait à l'encontre de l'esprit général de l'article 2 qui renonce à imposer une technique particulière de vérification de l'âge afin de tenir compte de l'évolution des moyens technologiques.
« Vous tournez le dos à M. Minot, il est là ! » sur les bancs du groupe LR.
Sourires.
Sourires.
Sourires.
J'en reviens à l'amendement. Nous voulons que l'Arcom soit chargée de définir un référentiel et que la Cnil soit également consultée. Cela me semble beaucoup plus efficace que ce que propose l'amendement. Ces deux organismes n'ont plus à démontrer leur capacité et leur expertise sur cette question. Je propose de leur faire confiance pour élaborer les meilleures techniques d'identification et de vérification possibles. J'émets donc un avis défavorable.
L'amendement n° 64 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il vise à préciser le rôle de l'Arcom dans le cadre du dispositif prévu par le présent article. En l'état, celui-ci prévoit la certification par l'Arcom de solutions techniques qui pourront être utilisées par les fournisseurs de services de réseaux sociaux. Or l'Arcom n'a pas vocation à être un organisme certificateur de solutions techniques ; lui confier cette responsabilité constituerait une nouveauté par rapport à son périmètre d'intervention actuel. Elle peut toutefois déjà, aux termes du décret de 2021 relatif aux modalités de mise en œuvre des mesures visant à protéger les mineurs contre l'accès à des sites diffusant un contenu pornographique, « adopter des lignes directrices concernant la fiabilité des procédés techniques » et ainsi orienter le choix des entreprises vers des solutions respectant des critères établis par le régulateur. Nous proposons d'accroître la cohérence du dispositif en attribuant à l'Arcom le même rôle que celui que lui confère ce décret.
L'amendement n° 112 a fait l'objet d'un travail de fond, en lien avec le Gouvernement. Je vous propose, chère collègue, de retirer le vôtre, d'autant qu'il est quasi similaire, et à faire confiance au dispositif de mon amendement qui répond à la même préoccupation.
Même avis.
Sourires.
Sourires.
Cet amendement de ma collègue Estelle Youssouffa vise à interdire le ciblage publicitaire portant sur toute personne « n'ayant pas la majorité numérique » de la part des plateformes numériques, par l'intermédiaire des fournisseurs de services. Il s'agit de garantir le plein épanouissement des jeunes générations et, pour ce faire, il est nécessaire d'encadrer, voire de prohiber, les pratiques visant à les cibler exclusivement.
Depuis le début de l'examen de ce texte, nous essayons d'éviter les interdictions absolues. M. le ministre délégué s'est proclamé gardien du DSA, et je vais me joindre à lui en précisant que l'article 28 du DSA prévoit déjà des profilages qui permettent d'éviter un certain nombre de dérives en la matière. Avis défavorable.
Monsieur Lenormand, sans vous resservir un sempiternel refrain ,
Rires et exclamations sur divers bancs
j'indique que le Gouvernement a le même avis que le rapporteur.
L'amendement n° 89 n'est pas adopté.
L'amendement n° 77 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Nous proposons que les entreprises de services de réseaux sociaux en ligne aient l'obligation de proposer un dispositif permettant de signaler facilement et de façon accessible des comptes susceptibles d'être détenus par des mineurs de moins de 15 ans qui n'en ont pas le droit.
Actuellement, voici comment le processus est décrit, par exemple, sur WhatsApp : si on souhaite signaler un compte, il faut envoyer un courriel dans lequel on doit fournir une documentation abondante comportant notamment l'attestation de propriété du numéro de téléphone WhatsApp, c'est-à-dire une copie de la carte d'identité du propriétaire et une facture de téléphone, mais aussi un justificatif d'autorité parentale, un justificatif de la date de naissance de l'enfant, etc. WhatsApp confirme la réception du courriel, mais ne fournit pas d'information sur la suspension ou non du compte en question.
Nous proposons de faciliter les choses en prévoyant un processus plus clair, incluant par exemple la vérification de la majorité – et non plus de la minorité – du détenteur du compte.
Votre proposition de rendre plus opérante la demande de suppression du compte d'un mineur de 15 ans par le détenteur de l'autorité parentale est intéressante. Toutefois, je ne suis pas favorable à un dispositif qui facilite trop largement les signalements par tout utilisateur de comptes susceptibles d'être détenus par des mineurs de 15 ans. Pourquoi ? Une ouverture des vannes un peu trop large risquerait de mener à des excès : par exemple, des mineurs pourraient se dénoncer les uns les autres, afin de se nuire. Il me semble plus judicieux de faciliter les procédures de recours en direction des parents. Je le répète : le dispositif que vous proposez va trop loin. Avis défavorable.
J'ajouterai un argument : aux termes du règlement sur les services numériques, les plateformes de réseaux sociaux sont astreintes à mettre en place des processus de signalement. La Commission européenne contrôle ces plateformes en dernière instance, pour l'ensemble des obligations qui leur incombent. En cas de manquement, elle peut prendre des sanctions pouvant aller jusqu'à 6 % du chiffre d'affaires la première fois ; en cas de récidive, elle peut prononcer une interdiction de diffusion sur le territoire de l'Union européenne. Comme nous avons pu le souligner tout à l'heure à propos d'un amendement qui touchait au signalement, votre proposition est satisfaite. En conséquence, je sollicite le retrait de votre amendement ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
L'amendement n° 55 n'est pas adopté.
Il vise à ce que les réseaux sociaux en ligne soient légalement tenus de répondre à un signalement réalisé par un mineur ou concernant un mineur dans un délai de quarante-huit heures ouvrés. Lorsqu'il s'agit du bien-être des enfants, nous n'avons pas le droit de laisser plus de temps aux plateformes pour réagir – quand la santé et la sécurité d'un mineur sont en cause, il faut être très réactif !
Cet amendement, qui est partiellement satisfait dans le cadre de l'application du DSA, s'avère quelque peu risqué : en vertu du règlement, les plateformes en ligne doivent traiter les notifications et prendre leurs décisions en temps opportun et de manière diligente, non arbitraire et objective. Or inscrire dans le texte un délai minimum risquerait d'encourager les plateformes à une forme de surcensure, sans qu'elles aient le temps d'examiner de manière approfondie les signalements dont elles sont saisies. Avis défavorable.
Même avis. Je comprends les deux arguments qui s'affrontent. En réalité, ils sont partiellement résolus par l'un des dispositifs du DSA, les signaleurs de confiance, qui existe déjà pour certaines plateformes et qui sera généralisé. Au contraire, imposer aux plateformes un traitement trop rapide des signalements ne serait pas sans risque, en conduisant soit à un engorgement dans certaines situations, soit à un traitement bâclé des signalements, comme l'a indiqué M. le rapporteur.
Entre la plateforme et les usagers, des signaleurs de confiance peuvent s'interposer : c'est le cas de l'association e-Enfance et du 3018 avec certains réseaux sociaux. Autrement dit, si le 3018 signale à un réseau social qu'un contenu doit être retiré, le traitement est réalisé en priorité. Ce principe d'intermédiaire de confiance, si j'ose dire, permet de faire la jonction entre les deux propositions – celle du rapporteur et la vôtre, madame Amiot. Il est traité de manière générale dans le DSA dès lors que celui-ci ordonne l'interposition de signaleurs de confiance, qui sont d'ailleurs identifiés non pas par les plateformes elles-mêmes, mais par les autorités chargées, dans chaque État membre, de la coordination du DSA.
L'amendement n° 58 n'est pas adopté.
La parole est à M. Stéphane Lenormand, pour soutenir l'amendement n° 90 .
Pour rester dans l'ambiance apaisée de « La ballade des gens heureux » ,…
Rires
…vous me permettrez, madame la présidente, de présenter en même temps les trois amendements de ma collègue Youssouffa.
L'amendement n° 90 vise à restreindre la diffusion de contenus dont les sites ont été documentés comme diffuseurs de désinformations, de théorie du complot ou de discours de haine. Il apparaît en effet nécessaire d'encadrer ces sites par des dispositions légales, afin de préserver les jeunes générations de ces formes d'influence et des discours de haine.
L'amendement n° 91 tend à mettre en place un dispositif d'information visuel afin de sensibiliser les jeunes générations aux risques d'addiction aux réseaux sociaux. Des messages d'avertissement sur les plateformes de médias sociaux devraient être visibles pour informer les utilisateurs des dangers d'une utilisation excessive, tels que les risques de dépendance, en particulier chez les jeunes. Il est par conséquent nécessaire non seulement de pérenniser un dispositif d'avertissement visuel sur les risques de dépendance, mais aussi de restreindre le temps passé sur les réseaux sociaux.
Enfin, l'amendement n° 92 vise à obliger les plateformes à supprimer les comptes certifiés ou vérifiés qui diffusent des informations erronées, de la désinformation, des théories du complot ou des discours de haine. Les utilisateurs s'accordent à dire que leur confiance est accrue dès lors que les informations proviennent de comptes vérifiés. Il est donc important de les protéger contre leur influence.
L'amendement n° 90 vise à permettre aux réseaux sociaux de restreindre la diffusion de contenus de certains sites signalés comme particulièrement prolifiques en matière de fausses informations et de désinformation, après leur inscription par la Cnil sur un fichier dédié. Cet amendement soulève des questions majeures au vu du rôle accru de modération qui serait laissé aux réseaux sociaux et des contenus qui n'enfreindraient pas la loi. Je comprends votre démarche. Cependant, compte tenu des libertés publiques qui sont ici concernées, un véritable travail de fond doit être engagé pour réfléchir à la mise en place de telles listes noires. J'émets donc à ce stade un avis défavorable.
J'en viens à l'amendement n° 91 . Encore une fois, l'objectif poursuivi est louable, mais le dispositif me semble trop imprécis pour être véritablement opérationnel. Cette imprécision se heurte d'ailleurs à la sanction prévue : 1 % du chiffre d'affaires mondial pour le non-respect d'une simple obligation d'information, aussi importante soit-elle, me semble être une source majeure d'insécurité juridique. J'émets également un avis défavorable.
Je termine par l'amendement n° 92 . Pour quel motif ai-je déposé cette proposition de loi ? Je l'ai souligné lors de la présentation du texte, et je le rappelle ici avec force : la lutte contre la désinformation est essentielle – ce fléau, comme tous les autres, n'est jamais loin. Pour autant, il convient de rappeler qu'en vertu de la loi pour la confiance dans l'économie numérique, les plateformes sont soumises non pas à une obligation générale de surveillance des informations qu'elles transmettent ou stockent, mais à une obligation générale de recherche des faits ou des circonstances relevant d'activités illicites. Cela est heureux, car la lutte contre les fausses informations ne doit pas conduire à un empiétement disproportionné sur les libertés publiques – gardons-nous de mettre en œuvre des remèdes qui pourraient s'avérer bien pires que les maux que nous voulons combattre ! Votre dispositif conduirait à accorder un pouvoir par trop exorbitant aux réseaux sociaux, ce que nous ne souhaitons pas. Avis défavorable.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Les amendements n° 78 rectifié , 79 rectifié et 82 de M. le rapporteur sont rédactionnels.
Les amendements n° 78 rectifié , 79 rectifié et 82 , acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.
Sur l'amendement n° 51 , je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de deux amendements identiques, n° 42 et 47 .
La parole est à Mme Francesca Pasquini, pour soutenir l'amendement n° 42 .
Il vise à renforcer les sanctions prévues en cas de non-respect de la loi par les entreprises de services de réseaux sociaux. Seule une amende correspondant à un taux relativement élevé du chiffre d'affaires mondial de l'entreprise peut donner à cette loi une valeur réellement contraignante. Les chiffres d'affaires étant souvent très élevés, cette mesure ne peut être efficace que si le montant de l'amende éventuelle est dissuasif.
Cet amendement assure également la cohérence de la loi avec la législation de l'Union européenne, en particulier le DSA, qui entrera en vigueur en février 2024. Par le biais d'une série de mesures, le DSA permet de lutter contre les contenus illicites, la haine, la manipulation ou la désinformation en ligne. Un aspect du texte concerne également la protection des mineurs sur internet. En cas de non-respect du règlement, la Commission européenne pourra sanctionner les plateformes par des amendes allant jusqu'à 6 % de leur chiffre d'affaires mondial. En ce sens, et par cohérence avec la législation européenne, il paraît plus pertinent de rehausser la sanction maximale des entreprises de services de réseaux sociaux à 6 % de leur chiffre d'affaires mondial, au lieu de 1 %, comme cela est prévu.
TikTok, Facebook et Instagram interdisent leur utilisation aux mineurs de 13 ans, mais ces entreprises ne respectent pas actuellement le droit français. En effet, le RGPD ne consacre pas la capacité du mineur à s'inscrire seul sur un réseau social.
En principe, le droit commun de la minorité s'applique et les actions du mineur relèvent de l'autorité parentale. Malheureusement, le taux de 1 % du chiffre d'affaires ne suffit pas à persuader ces plateformes de respecter le droit. Nous vous proposons donc de nous aligner sur le dispositif du règlement de l'Union européenne et d'augmenter ainsi le plafond des sanctions à 6 % du chiffre d'affaires mondial.
Je vous ferais remarquer qu'il y a eu une évolution notable par rapport au texte initial, puisque nous sommes passés d'un plafond de sanctions de 100 000 euros à peine à 1 % du chiffre d'affaires mondial – pour des géants du numérique, je vous laisse imaginer ce que cela peut représenter. Dans un souci de proportionnalité, le plafond de 1 % paraît plus adéquat. Avis défavorable.
Je suis du même avis que le rapporteur. Comme je me dois de défendre le règlement sur les services numériques, je vais apporter une petite précision. La sanction peut aller jusqu'à 6 % du chiffre d'affaires, mais la sanction maximale ne sera pas appliquée par la Commission européenne à la première petite entorse, de bonne ou de mauvaise foi. Il suffit de regarder toutes les obligations nouvelles et les interdictions fixées par le DSA pour se rendre compte qu'il s'agit d'un ensemble très vaste. C'est la raison pour laquelle le plafond de 1 % approuvé par la commission, qui semble déjà particulièrement élevé aux yeux du Gouvernement, ne mérite pas d'être rehaussé.
Nous entendons prévenir les difficultés rencontrées, plutôt que de les traiter ex post. Cet amendement vise à demander aux entreprises de délivrer une information aux utilisateurs mineurs – nous avons défini précédemment le cadre qui s'applique à eux – et aux parents. Nous pensons que l'information facilite l'action d'éducation par les parents et répond à un besoin de parentalité, évoqué par de nombreux collègues. Elle permet de mettre en garde sur les questions de déviance et sur les actes délictueux auxquels on peut être confronté sur les réseaux sociaux. Elle facilite aussi l'accès aux mécanismes de soutien créés par la puissance publique et ses partenaires.
Cette aide à la parentalité est nécessaire, sachant que les enfants et les parents échappent actuellement à cette information, pourtant essentielle. Les campagnes d'affichage réalisées dans le milieu éducatif, évoquées tout à l'heure par le Gouvernement, ne sont pas suffisantes pour que les parents et les enfants accèdent pleinement à l'information et en bonne intelligence.
Défavorable également. Il arrive probablement que l'on passe à côté des affiches sans les voir. En revanche, il sera impossible de passer à côté du passeport internet, qui sera délivré à tous les élèves de sixième dans les salles d'informatique de tous les collèges de France. Cette mesure, dont la mise en œuvre commencera à la rentrée prochaine, est une très bonne nouvelle. À mon avis, sa portée est telle que votre amendement est satisfait.
Si je fais référence à l'école, c'est parce que s'y déroule l'acte d'éducation par excellence. Toutefois, nous savons très bien que l'éducation aux médias en milieu scolaire est loin d'être satisfaisante – ne nous cachons pas derrière notre petit doigt. Une politique plus volontariste d'information et de prévention s'adressant aux parents et aux utilisateurs serait de nature non seulement à compléter l'action éducative réalisée à l'école, mais aussi à placer le parent en position de coéducateur. Cela irait d'ailleurs dans le sens de la loi de 2014, qui fait des parents des coéducateurs aux côtés des enseignants. Une telle complémentarité est nécessaire. C'est précisément dans cet esprit que nous proposons cet amendement.
Le Gouvernement dans son ensemble – le ministre de l'éducation nationale, le ministre des solidarités et moi-même – est engagé dans une vraie politique de sensibilisation des parents et des enfants. Le passeport internet est évidemment une mesure très importante. Outre les campagnes d'affichage, il existe un site dédié. La sensibilisation menée par le Gouvernement nous paraît d'ailleurs plus neutre que celle que pourraient réaliser certains opérateurs qui peuvent ne pas être exempts de conflit d'intérêts.
L'amendement n° 48 n'est pas adopté.
L'amendement n° 51 tend à ce que les plateformes de réseaux sociaux soient légalement tenues de procéder à un traitement par une personne humaine lorsqu'un contenu est signalé par un mineur ou concerne un mineur.
Lors de l'examen de la proposition de résolution européenne relative à la proposition de législation européenne sur la liberté des médias, notre amendement appelant à interdire qu'un contenu mis en ligne puisse être bloqué sans avoir été vérifié au préalable par une personne a été adopté.
Nous proposons que ce principe soit transcrit dans notre droit. Nous nous assurerions ainsi qu'un signalement venant d'un mineur ou concernant un mineur soit traité non pas par un algorithme, mais bien par une personne.
L'amendement n° 52 est un amendement de repli. Il vise à ce que le traitement d'un contenu signalé par un mineur ou concernant un mineur soit supervisé par une personne. C'est une proposition que nous avions formulée lors de l'examen du texte en commission.
Nous avons effectivement débattu de la question en commission. Ces signalements doivent retenir une attention maximale, tout le monde en conviendra, et je comprends votre souhait de promouvoir une supervision humaine.
Il importe dans un premier temps de faire en sorte que la vérification de l'âge soit effective.
C'est l'objectif même du texte que nous examinons. Il s'agit en outre d'encourager, voire de contraindre – le volet relatif aux sanctions n'est pas négligeable – les plateformes à exercer un contrôle plus attentif des signalements concernant les mineurs, quelle que soit la méthode utilisée.
Il peut y avoir une difficulté à déterminer si les signalements émanent ou non de mineurs et s'ils concernent ou non des mineurs. Si nous retenions l'un de vos amendements, cela ferait peser sur les entreprises concernées des obligations disproportionnées, qui risqueraient de nuire à toutes ces vérifications. Ces mesures sont trop larges et leur application serait trop complexe. J'émets donc un avis défavorable sur les deux amendements, même si je comprends la préoccupation que vous exprimez.
Si je comprends bien l'esprit des amendements, les plateformes sont suspectes de ne pas traiter de manière suffisamment attentive, autrement dit de traiter trop rapidement, les signalements faits par des mineurs. On part du constat que les réseaux sociaux suppriment à la va-vite, sans modération humaine, les contenus signalés par des mineurs.
Effectivement. Vous voudriez que ces contenus soient supprimés après une appréciation plus approfondie. J'aurais tendance à penser que le problème est plutôt inverse. Un amendement examiné précédemment tendait d'ailleurs à ce que les signalements faits par des mineurs ou concernant des mineurs soient traités plus rapidement qu'ils ne le sont actuellement. On peut donc débattre du constat de départ.
D'autre part, reconnaissons l'apport de l'intelligence artificielle en matière de modération des contenus illicites. Elle a permis de traiter et d'écarter des contenus très clairement illicites – à caractère terroriste ou pédopornographique – bien plus rapidement qu'il n'était possible de le faire auparavant, en automatisant la recherche et la détection de ces contenus. Cela n'enlève rien à la nécessité d'une modération humaine.
Ajoutons que l'intelligence artificielle ne remplace jamais vraiment l'intelligence humaine.
Les dispositifs d'intelligence artificielle déployés par les plateformes assistent les modérateurs humains. Lorsqu'un contenu est pré-identifié comme pédopornographique, aucune question ne se pose : la suppression doit être automatique et la plus rapide possible. S'agissant d'autres contenus, il peut y avoir une ambiguïté, et c'est in fine un modérateur humain qui tranche la question.
Sur le fondement du DSA, qui fixe une obligation non pas de moyens, mais de résultat, nous pourrons vérifier de manière complète que la modération est bel et bien effectuée. Pour toutes ces raisons, je pense que vos amendements sont satisfaits. J'en demande le retrait ; à défaut, mon avis sera défavorable.
Vous avez raison d'évoquer la question de l'intelligence artificielle, monsieur le ministre délégué. Désormais, de nombreuses plateformes sont dépassées par des intelligences artificielles qui se développent par elles-mêmes. Beaucoup de celles et ceux qui ont élaboré ces programmes dans un passé pas si lointain sont dépassés par la technologie qu'ils ont eux-mêmes conçue et codée.
Outre le problème de la pédopornographie se pose celui du harcèlement. Or tous les linguistes s'accordent à dire que l'évolution du langage utilisé dans les cas de harcèlement, de ciblage, de violence ou d'autres manifestations de haine en ligne, contre laquelle cette proposition de loi vise à lutter, échappe à l'intelligence artificielle, à plus forte raison lorsque le codage est réalisé par des personnes qui ne partagent pas notre langue et nos codes culturels, mais parlent une langue étrangère et ont d'autres codes culturels, en particulier anglo-saxons.
Nous le savons tous ici, les dispositifs d'intelligence artificielle sont souvent composés par des portions de code qui s'additionnent les uns aux autres.
Dès lors, ils ne prennent pas en compte les évolutions linguistiques qui se produisent dans notre pays. L'intervention humaine est nécessaire dans le traitement des signalements précisément pour intégrer ces évolutions, sachant que c'est parfois l'emploi de ce langage qui pousse des jeunes dans les pires situations, notamment le repli sur soi, voire le suicide. En fin de compte, cela échappe aux adultes que nous sommes et aux services de l'État censés accompagner les jeunes, parce que nous évoluons beaucoup moins vite que la technologie, d'une part, et que le langage des jeunes, d'autre part.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 79
Nombre de suffrages exprimés 76
Majorité absolue 39
Pour l'adoption 29
Contre 47
L'amendement n° 51 n'est pas adopté.
L'amendement n° 52 n'est pas adopté.
Il vise à ce qu'une information soit délivrée aux parents, dont nous avons évoqué la responsabilité, mais aussi aux enfants, qui doivent être éduqués aux médias.
Nous savons bien que les plateformes s'affranchissent allègrement de leurs responsabilités en la matière, d'autant plus lorsqu'elles relèvent d'une législation moins exigeante que la nôtre.
Nous avons tous constaté que les enfants avaient développé des problèmes d'addiction pendant la période du covid. Nous avons évoqué tout à l'heure les conflits de loyauté : les parents disent à leur enfant de ne pas aller sur les réseaux sociaux ; l'enfant répond qu'il va quand même le faire parce qu'on lui a dit à l'école que c'était bien. Je pense notamment aux nombreuses plateformes utilisées dans les établissements. Cette pratique incite parfois les enfants à contrevenir aux prescriptions des parents.
Nous souhaitons que les plateformes indiquent directement et automatiquement aux parents et aux enfants le temps d'utilisation de leur service. Ce serait de nature à donner l'alerte et à permettre de contrôler ce temps d'utilisation. En cas d'addiction, les parents pourraient faire appel à des personnels qualifiés. Il s'agit de sortir de ces situations dont nous avons hérité.
J'invite mes collègues qui ne seraient pas convaincus et s'apprêteraient à voter contre cet amendement à interroger les pédopsychiatres. Ceux-ci affirment unanimement que, pendant la période du covid-19, nos enfants ont développé des troubles de l'attention, voire, pour certains, des troubles psychiatriques lourds, à la suite de l'utilisation intense des écrans, encouragée par le milieu scolaire ou par les compléments éducatifs, qui ont fait défaut pendant cette période.
La limitation du temps passé sur les écrans est un objectif louable, mais plus large que celui de cette proposition de loi, qui concerne plus précisément la surexposition aux réseaux sociaux. Je vous renvoie aux outils existants, développés notamment par les fabricants de smartphones, qui permettent de contrôler le temps passé sur les écrans. Mon avis est plutôt défavorable.
Le Parlement a récemment adopté un texte d'initiative parlementaire, qui généralise le contrôle parental, outil dont disposeront les parents pour contrôler le temps passé sur les écrans. Surtout, votre assemblée examinera dans quelques jours la proposition de loi de Caroline Janvier relative à la prévention de l'exposition excessive des enfants aux écrans. C'est plutôt sur ce texte qu'il faudrait éventuellement déposer cet amendement. Je vous invite à le retirer, sans quoi mon avis sera défavorable.
Vous allez donc voter pour. Il est question non pas d'interdire aux enfants de dépasser telle ou telle durée devant leur écran, mais de proposer un dispositif technique permettant à tous les parents, puisque ceux-ci participent désormais activement à l'inscription sur les réseaux sociaux de leur enfant, de choisir dès le début le temps maximal d'exposition quotidien de leur enfant sur les réseaux. Ce dispositif ne me semble pas techniquement compliqué à mettre en place. Il me semble que c'est une mesure de bon sens pour protéger nos enfants, pour contribuer à leur éducation aux réseaux sociaux et pour permettre que le dialogue s'installe entre les parents et les enfants au moment de définir le temps maximal autorisé.
L'amendement n° 53 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 98 .
Il vise à sanctionner par une amende pouvant aller jusqu'à 3 % du chiffre d'affaires annuel des acteurs du numérique, de l'audiovisuel ou du télévisuel le non-respect des mesures prévues par la loi pour lutter activement contre l'accès des mineurs à la pornographie. Il convient de se donner les moyens de lutter activement contre ce fléau : il y va de la santé de nos enfants.
Il est difficile de critiquer l'objectif de votre amendement, ma chère collègue, mais la loi que je défends aujourd'hui ne porte pas sur l'accès des mineurs à la pornographie, pour lequel des dispositifs d'encadrement spécifiques existent. Je vous demande donc de bien vouloir le retirer.
L'amendement n° 98 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 2, amendé, est adopté.
Applaudissements sur tous les bancs.
Mes chers collègues, il reste trente et un amendements à examiner. Si vous souhaitez adopter la proposition de loi avant la coupure de vingt heures, je vous invite à accélérer les débats.
La parole est à M. Stéphane Lenormand, pour soutenir l'amendement n° 93 portant article additionnel après l'article 2.
Cet amendement d'appel vise à instituer une peine complémentaire interdisant l'accès aux réseaux sociaux, pendant une durée déterminée, à toute personne condamnée pour harcèlement. Il est difficile de combattre le harcèlement, tant sur le plan technique que sur le plan juridique : l'amendement propose d'y réfléchir rapidement, car c'est un réel fléau.
L'amendement n° 93 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je défends ces deux amendements pour mon collègue Laurent Jacobelli.
Les réseaux sociaux sont, en théorie, interdits aux moins de 13 ans. Néanmoins, 93 % des enfants de 12 ans ont un compte sur un réseau social. Encore plus inquiétant, les très jeunes sont également de plus en plus connectés : 18 % des 6-7 ans et 41 % des 8-11 ans sont inscrits sur un ou plusieurs réseaux. Ces chiffres ne cessent de progresser et ils doivent nous interroger.
Les dangers sont réels et bien documentés : temps d'exposition aux écrans trop élevé, perte de concentration, cyberharcèlement. Si la proposition de loi cherche à y répondre, elle omet d'aborder la collecte de données personnelles des jeunes utilisateurs. Il s'agit pourtant d'un sujet majeur. Qui, ici, peut croire qu'un mineur lit l'intégralité des conditions générales d'utilisation ? Qui, ici, peut croire qu'un mineur a pleinement conscience du danger de confier à de grandes entreprises américaines ou chinoises le soin de collecter et de traiter ses données personnelles ? Bien souvent, les mineurs prennent conscience des risques trop tard et décident d'effacer tout ou partie des contenus et données publiés lorsqu'ils étaient plus jeunes.
Le traitement de cette demande peut prendre jusqu'à un mois, voire deux si le destinataire de la demande justifie ce délai : ce n'est qu'ensuite qu'un recours peut être formé auprès de la Cnil. C'est trop long, beaucoup trop long. Entre les intérêts des multinationales du numérique et ceux de nos enfants, ceux de nos enfants doivent bien évidemment primer. C'est pourquoi l'amendement n° 102 propose de ramener ce délai à quarante-huit heures pour les mineurs, mais également pour les majeurs demandant la suppression des données collectées lorsqu'ils étaient plus jeunes. Cet amendement relève du bon sens et, je l'espère, fera consensus.
J'en viens à l'amendement n° 104 . Comme l'a rappelé monsieur le rapporteur, tout n'est pas à jeter dans les réseaux sociaux, que les mineurs utilisent quotidiennement : ces plateformes leur permettent de maintenir un lien avec leurs camarades, de se sociabiliser et d'avoir accès à une information illimitée. La modération est la clé d'une utilisation saine des réseaux : or tout est fait pour dissuader les utilisateurs de quitter leur écran. Les données personnelles collectées par le réseau social sont utilisées pour proposer des contenus personnalisés retenant l'attention de l'utilisateur le plus longtemps possible. Les habitudes d'utilisation et les pages consultées sont également collectées afin de proposer du contenu publicitaire ciblé. Les conséquences sont simples à comprendre : d'une part, les mineurs, plus facilement influençables, passent beaucoup trop de temps sur les réseaux, au détriment d'activités telles que la lecture, les devoirs et le sport ; d'autre part, ils sont constamment incités à consommer.
L'enfance et l'adolescence sont des périodes charnières pour le développement personnel d'un individu. En ne contrôlant pas plus efficacement l'utilisation qu'ils font des réseaux sociaux, nous confions leur avenir aux Gafam. C'est pourquoi cet amendement propose de traiter le problème à la source en interdisant purement et simplement l'utilisation des données personnelles des mineurs à des fins commerciales et de personnalisation du contenu.
La parole est à M. Christophe Marion, pour soutenir l'amendement n° 86 .
Il vise à définir un paramétrage de confidentialité renforcé par défaut sur les comptes des mineurs. C'est d'ailleurs la position défendue par la Cnil. En effet, paramétrer automatiquement les comptes des mineurs de 15 ans en « privé » et non en « public », comme le fait déjà Snapchat, limite la visibilité de leur contenu à leurs abonnés, préservant ainsi l'utilisateur des prédateurs et facilitant l'accès du droit à l'oubli. De plus, soumettre à l'accord de l'autorité parentale la décision de passer à un compte public permettrait aux parents d'être conscients de l'activité de leur enfant sur le réseau et ouvrirait le dialogue entre parents et enfants. Enfin, l'amendement propose de supprimer la possibilité d'envoyer un message privé au compte d'un mineur lorsque l'émetteur ne fait pas partie de son réseau personnel. Meta envisage déjà cette option et TikTok a décidé de supprimer totalement la messagerie privée pour les mineurs.
Demande de retrait : l'amendement n° 110 , que nous avons adopté tout à l'heure dans le même esprit, renvoie à un décret pris en Conseil d'État la création d'une labellisation des applications accessibles aux moins de 13 ans ; à défaut, avis défavorable.
L'amendement n° 86 n'est pas adopté.
L'amendement n° 37 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je suis désolé de casser l'unanimité ambiante pour vous interroger, monsieur le rapporteur, mais il me semble que votre proposition de loi n'aborde pas suffisamment certains points qui permettraient d'atteindre l'objectif qui est le vôtre, à savoir protéger les mineurs sur internet, et notamment sur les réseaux sociaux. Le premier a été brièvement mentionné tout à l'heure : il s'agit de la responsabilité des parents. On voit beaucoup de parents publier, sur les réseaux sociaux, de multiples photos de leurs enfants. Comment expliquer à un gamin qu'il doit être vigilant quand ses propres parents publient des photos de lui dès son plus jeune âge, donnant ainsi son image aux éventuels prédateurs des réseaux ? Je n'ai pas vu cet aspect abordé dans la proposition de loi.
Une loi est en cours sur le sujet.
Je me pose également des questions concernant l'applicabilité du texte et son effectivité réelle. Tout cela pour dire que, si ce texte est intéressant, il me semble partiel, incomplet. Je sais que votre collègue de la majorité, Bruno Studer, a également travaillé sur la question.
Il a déposé une proposition de loi qui sera examinée la semaine prochaine.
Je me demande pourquoi tous ces textes n'ont pas été fusionnés en une seule et vraie proposition de loi qui nous permette de travailler correctement. Collègue Balanant, puisque vous m'interpellez, cela montre qu'il y a des difficultés entre les groupes de la majorité : vous n'arrivez pas à vous entendre, alors chacun fait sa petite proposition de loi, chacun fait deux ou trois petits articles ; à la fin, on obtient quelque chose qui n'est pas applicable.
Vous, c'est à l'intérieur de votre groupe que vous n'arrivez pas à vous entendre !
L'enseignement que l'on retiendra de la niche du groupe Horizons et apparentés est donc qu'il y a des soucis dans la majorité : on l'a vu avec la belle matinée que vous nous avez offerte. Sur ce texte, qui est un peu plus consensuel, il y a aussi quelques sujets de désaccord : vous devriez vous en inquiéter, collègue Balanant. J'ai peur que cette majorité ne divorce avant la fin de la législature. Cela ne marchait déjà pas bien, vous n'étiez pas assez nombreux. Je crains vraiment que cette journée ne laisse des séquelles !
Je salue la verve de notre collègue, mais elle n'arrivera pas à entamer notre bonne humeur.
Tout d'abord, je souhaite rappeler, comme je l'ai fait en commission, que j'arrive ici non seulement avec de la détermination, mais aussi avec beaucoup d'humilité. Lorsqu'on propose un texte à la représentation nationale, il faut être humble. J'ai conscience de la difficulté de rendre ces dispositifs non contournables et je pense qu'il y a des améliorations à apporter au texte, qui n'est pas l'alpha et l'oméga. Je l'ai déjà dit et je continue de le dire.
Deuxièmement, vous avez fait référence à un sujet sérieux, celui de l'image des enfants, qui doit appeler toute notre attention. Comme vous l'avez dit vous-même, nous débattrons bientôt d'une proposition de loi de notre collègue Bruno Studer sur le sujet.
Enfin, mon cher collègue, vous êtes bien placé pour savoir que, dans les familles politiques, ce n'est jamais facile : on l'a vu aussi chez vous.
Sourires sur les bancs du groupe HOR.
Cet amendement de notre collègue Fabienne Colboc vise à supprimer le mot « imminent » à l'alinéa 2 de l'article 3. Comme expliqué lors des auditions, les entreprises de réseaux sociaux affirment qu'elles sont capables de répondre aux réquisitions judiciaires qu'elles ont déterminées comme étant des situations d'urgence, notamment le terrorisme ou la pédocriminalité, dans un délai de trente minutes. La rédaction actuelle de l'article 3, qui limite leur intervention dans un délai de huit heures aux « cas d'urgence résultant d'un risque imminent d'atteinte grave aux personnes ou aux biens », est donc insuffisante compte tenu de leurs capacités d'action.
L'amendement propose donc la suppression du mot « imminent » pour étendre la définition des cas d'urgence, lesquels seront dorénavant pris en charge dans un délai de huit heures ; cela englobera le cyberharcèlement, dont l'imminence ne peut être déterminée. Sans la suppression de ce terme, les cas de cyberharcèlement seraient étudiés dans un délai de dix jours, durant lequel l'impact psychologique, notamment pour les mineurs, pourrait s'avérer terriblement destructeur, voire mortel.
L'avis du Gouvernement est identique à celui du rapporteur et je vais expliquer brièvement pourquoi. La mesure proposée entre en contradiction avec les dispositions du règlement « e-evidence » – relatif à l'accès aux preuves électroniques. En effet, ce règlement en cours de négociation au niveau européen réduit à huit heures le délai de réponse des opérateurs aux réquisitions uniquement dans les cas d'urgence caractérisés par un risque imminent d'atteinte aux personnes ou aux biens. En prévoyant des conditions d'application distinctes de celles prévues par le règlement, la mesure proposée par l'amendement entrera directement en contradiction avec le droit de l'Union européenne.
Je précise que ce règlement, qui sera publié prochainement, a fait l'objet de longues négociations au plan européen, avec un investissement particulièrement fort de la France. Un accord est intervenu récemment et sa mise en œuvre partielle anticipée autorisera déjà des progrès notables. C'est la raison pour laquelle je vous demande de retirer l'amendement. À défaut, mon avis sera défavorable.
L'amendement n° 85 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Catherine Couturier, pour soutenir l'amendement n° 57 .
Il vise à ce que les entreprises, dont l'activité est d'offrir au public un accès à des services de communication en ligne, encourent une amende représentant 6 % de leur chiffre d'affaires mondial lorsqu'elles ne répondent pas à la demande d'une autorité judiciaire « dans un délai de dix jours à compter de la réception de la demande ou, en cas d'urgence résultant d'un risque imminent d'atteinte grave aux personnes ou aux biens, dans un délai de huit heures ».
Avis défavorable. Il convient de respecter la proportionnalité des sanctions.
L'amendement n° 57 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement de repli propose une amende représentant non pas 6 %, mais 1 % du chiffre d'affaires mondial de l'entreprise. Pour des géants comme Facebook, TikTok ou Twitter, 1 % du chiffre d'affaires, c'est une goutte d'eau !
L'amendement n° 56 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 3 est adopté.
La parole est à Mme Francesca Pasquini, pour soutenir l'amendement n° 33 portant article additionnel après l'article 3.
Il vise à mettre en conformité la formation à l'utilisation responsable des outils et des ressources numériques dispensée dans les écoles avec la définition des réseaux sociaux contenue dans l'article 1er de la proposition de loi. Il renforce la formation des enfants aux questions de responsabilité des plateformes vis-à-vis des utilisateurs en portant une attention particulière aux droits opposables par les mineurs et leurs parents.
Avis défavorable. L'objet de la proposition de loi n'est pas de modifier le code de l'éducation. Votre préoccupation est légitime, chère collègue, mais elle mériterait d'être examinée dans le cadre d'un autre débat.
L'amendement n° 33 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 80 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 101 .
Il demande au Gouvernement la remise d'un rapport au Parlement pour examiner les enjeux non pas de l'exposition, mais de la surexposition des jeunes aux écrans et aux réseaux sociaux – je ne détaille pas les chiffres pour aller vite, mais ils figurent dans mon amendement et sont effrayants.
L'amendement n° 101 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Sur l'ensemble de la proposition de loi, je suis saisie par le groupe Horizons et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Géraldine Bannier, pour soutenir l'amendement n° 28 .
L'utilisation des plateformes, la surinformation et l'exposition aux fausses informations ont des conséquences non seulement sur le bien-être et la santé mentale des jeunes, mais également sur leurs capacités d'apprentissage. Il me semble donc impératif de le mentionner dans l'article 4. Selon une étude réalisée par le réseau Morphée, les jeunes âgés entre 3 et 17 ans passent en moyenne trois heures par jour devant les écrans. Ce temps dépasse même sept heures par jour pour 23 % des 15-17 ans. Les plus jeunes, âgés entre 3 et 6 ans, y consacrent une heure quarante de leur journée. Tous les jours, les enseignants constatent dans leur classe l'impact de cet usage sur les capacités d'apprentissage des élèves.
Certains parents savent utiliser les outils numériques à bon escient pour favoriser les apprentissages de leurs enfants, mais, dans la majorité des cas, les écrans ont des effets négatifs sur le sommeil et donc sur les capacités de mémorisation, de concentration et d'imagination des élèves. Il paraît donc nécessaire d'aborder cette question dans le rapport remis par le Gouvernement au Parlement.
Même avis.
L'amendement n° 28 est adopté.
Vous avez raison, les débats de cette niche parlementaire se déroulent bien et nous avançons vite. Il est dommage qu'un tel état d'esprit n'ait pas régné lors des autres niches parlementaires et que certains groupes se soient refusés à soutenir les amendements et les textes des autres formations politiques.
En effet, cela aurait pu être bien.
Tout comme le précédent amendement, celui-ci propose d'enrichir le rapport remis par le Gouvernement au Parlement. Plusieurs études internationales, notamment anglaises, ont démontré l'impact négatif des réseaux sociaux sur l'état psychologique des enfants, qui connaissent parfois des phases de grave dépression. Nous devons donc faire le bilan des conséquences, en France, de l'utilisation des technologies numériques sur le bien-être et la santé psychique des jeunes, afin de formuler des recommandations à même d'éclairer les débats.
Prenons garde à ne pas être dépassés par les technologies. Il existe de nombreux travaux sur les conséquences de leurs usages – cela a été rappelé tout à l'heure –, mais leurs conclusions mériteraient d'être réunies et mises à jour régulièrement dans le rapport remis au Parlement et prévu par l'article 4. Manifestement, la loi n'évolue pas à la même vitesse que les technologies. Pour que nos enfants soient protégés, il convient d'engager un travail prospectif sur les usages numériques. Tel est le sens de cet amendement qui, nous l'espérons, sera adopté à l'unanimité.
L'intention de votre amendement est louable, cher collègue, mais le rapport que nous demandons à l'article 4 a vocation à informer le Parlement et non à formuler des recommandations. Après avoir pris connaissance du rapport, rien ne nous empêchera de légiférer à nouveau si nous l'estimons nécessaire, que ce soit dans le cadre d'une proposition de loi ou dans celui d'un projet de loi, à l'initiative du Gouvernement. De manière générale, rappelons-le, les rapports remis par le Gouvernement au Parlement sont utiles pour améliorer les politiques publiques. Avis défavorable.
L'amendement n° 54 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il vise à soutenir nos collègues de l'éducation nationale, à qui l'on demande constamment de se transformer en couteaux suisses – ils doivent savoir tout faire ! Je dis que ce sont nos collègues car, comme les députés, ils représentent le service public et la puissance de l'État. À ce titre, nous travaillons main dans la main avec eux et cette coopération oriente bien souvent notre travail législatif. Mais les enseignants ne sont précisément pas des couteaux suisses et ils ont besoin d'être eux-mêmes formés, car ils sont parfois dépassés par les technologies et leurs usages. Si cet amendement était adopté, les associations et les partenaires spécialistes de l'éducation aux médias à même d'intervenir en milieu scolaire pourraient recevoir l'homologation du ministère de l'éducation nationale. On ne s'improvise pas éducateur ou accompagnant d'enseignant, malgré ce que l'on voit parfois dans certains établissements.
Votre idée de proposer un audit des associations spécialistes de l'éducation aux médias et à l'information est intéressante mais, par cohérence avec le sujet de la proposition de loi, je souhaite que le rapport se restreigne aux objectifs énoncés à l'article 4. L'éducation aux médias est un sujet à part entière, qui mériterait des travaux parlementaires spécifiques dans le prolongement de la mission flash sur l'éducation critique aux médias menée par nos collègues de la commission des affaires culturelles, Violette Spillebout et Philippe Ballard. Avis défavorable.
Même avis. Monsieur Arenas, si vous ne l'avez pas encore fait, je vous invite à consulter le rapport rédigé par Violette Spillebout et Philippe Ballard dans le cadre de leur mission flash. Ils ont réfléchi à la manière dont l'éducation aux médias pourrait être renforcée à toutes les étapes du parcours scolaire. Rappelons par ailleurs qu'une demi-journée est consacrée à la formation à l'esprit critique et à l'éducation aux médias dans le service national universel (SNU). Eu égard aux dispositifs existants et au rapport qui vient d'être remis, l'amendement me semble satisfait.
L'amendement est également satisfait par la loi du 2 mars 2022 visant à combattre le harcèlement scolaire, dont nous fêtons aujourd'hui le premier anniversaire. Ce texte contient des dispositifs permettant aux associations d'intervenir plus facilement pour appuyer les équipes pédagogiques.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 75
Nombre de suffrages exprimés 60
Majorité absolue 31
Pour l'adoption 13
Contre 47
L'amendement n° 62 n'est pas adopté.
Cet amendement de ma collègue Caroline Parmentier propose de compléter le rapport prévu à l'article 4 par « des recommandations visant à lutter contre l'addiction des jeunes aux plateformes ». De telles recommandations permettraient d'aider les parents et de protéger les jeunes de comportements addictifs qui ont des conséquences sur leur santé, leur sociabilité et leurs résultats scolaires – nous l'avons déjà longuement évoqué.
Même avis que sur l'amendement n° 54 , défendu par notre collègue Rodrigo Arenas précédemment. Le rapport n'a pas vocation à émettre des recommandations : il s'agit d'une information qui nous sera adressée. Ensuite, nous prendrons nos responsabilités et le Gouvernement aussi – en tout cas, je le pense et je l'espère. Avis défavorable.
En effet, il n'appartient pas au rapport que le Gouvernement remet au Parlement de faire des recommandations, qui plus est à l'attention des parents. C'est une mission importante qui sert à apporter des informations pour que le Parlement assume ses responsabilités et exerce son contrôle, et non à informer les parents.
L'amendement n° 63 n'est pas adopté.
L'article 4, amendé, est adopté.
Ces deux amendements ont été déposés par ma collègue Angélique Ranc. Alors que six enfants sur dix sont confrontés à des images violentes ou pornographiques avant la fin du collège, que 94 % des parents d'un enfant âgé de 6 à 11 ans déclarent qu'il a accès à internet et que 21 % des parents d'un enfant scolarisé à l'école élémentaire reconnaissent qu'il a un compte sur un réseau social, il est plus que nécessaire que nous prenions nos responsabilités en nous saisissant du sujet.
Ainsi, les mesures de filtrage instaurées pour protéger les mineurs de l'accès à certains contenus, notamment pornographiques, sont insuffisantes, et les fournisseurs de réseaux sociaux ne sont pas soumis à une obligation générale de surveillance de leur contenu qui garantirait une telle protection. Pourtant, ils sont les seuls à pouvoir réellement le faire.
L'amendement n° 46 poursuit le même objectif que le précédent mais il prévoit de manière plus précise que les mineurs ne puissent accéder qu'aux contenus des utilisateurs auxquels ils sont abonnés ou à ce qu'ils ont choisi de voir sur les réseaux sociaux.
L'amendement n° 81 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 5, amendé, est adopté.
La parole est à Mme Sophie Blanc, pour soutenir l'amendement n° 18 portant article additionnel après l'article 5.
Je vais défendre cet amendement de Mme Loir, dont l'objectif est de mener une vaste enquête sur les impacts de la pornographie sur les mineurs. En effet, il est nécessaire d'effectuer des études objectives et contradictoires pour connaître l'étendue du problème que cause l'utilisation des réseaux sociaux chez de jeunes mineurs. Il s'agirait ainsi de pallier le manque de recherches sur le cas français. Je rappelle que deux tiers des jeunes ont déjà eu accès à la pornographie et que seuls 7 % affirment avoir visionné des contenus pornographiques seulement à partir de 18 ans, alors même que, d'après la loi, ces sites sont réservés aux majeurs.
Afin de renforcer la présente proposition de loi, cet amendement demande donc au Gouvernement de remettre un rapport présentant les conséquences de l'utilisation des plateformes diffusant du contenu pornographique sur la santé physique et mentale des jeunes, notamment des mineurs, en vue d'avoir une meilleure compréhension de ce phénomène et de légiférer en aval du rapport, le but étant de protéger au mieux les enfants face à ces contenus trop souvent choquants.
Je vais essayer de répondre rapidement. Sur les demandes de rapport qui vont se succéder, je donnerai des avis défavorables. Qu'ils dépassent le champ de la proposition de loi et donc le cadre de ce véhicule législatif, ou qu'ils interviennent sur des sujets annexes, parfois peu pertinents, ces amendements ne recueillent pas mon approbation. Je ne suis pas fermé à l'idée de faire évoluer les contours du rapport demandé à l'article 5 – les débats en commission et celui que nous venons d'avoir ici peuvent témoigner des enrichissements réalisés par les parlementaires –, mais je pense que nous sommes parvenus à envisager la question qui nous occupe de manière à la fois suffisamment large et précise pour couvrir utilement le champ des sujets abordés par la présente proposition de loi. Celui mentionné par l'amendement pourra très clairement être compris dans le cadre du texte tel qu'il est rédigé – je pense notamment à l'article 4. Je ne crois donc pas qu'une telle précision soit utile.
L'amendement n° 18 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 88 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 100 rectifié .
Selon la Cnil, 82 % des enfants de 10 à 14 ans se rendent régulièrement sur internet sans leurs parents et deux tiers des moins de 13 ans ont au moins un compte sur un réseau social – la moitié des utilisateurs de TikTok ont entre 11 et 18 ans.
Les parents, n'étant que trop peu informés de la présence de leurs enfants sur les réseaux sociaux, sous-estiment leurs activités numériques et mesurent de plus en plus mal l'ampleur de celles-ci au fur et à mesure des années. Le présent amendement vise donc à mettre en lumière la difficulté pour certains parents à prendre en considération les risques que représentent les réseaux sociaux et à leur donner des moyens pour protéger leurs enfants. C'est l'objet de cette demande de rapport.
L'amendement n° 100 rectifié , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il vise à demander un rapport relatif aux manquements des entreprises de réseaux sociaux en ligne et des plateformes hébergeant des forums ayant pour sujet des contenus pornographiques. Il est nécessaire d'effectuer des études objectives et contradictoires pour connaître les failles actuelles de leurs systèmes de modération. L'objectif est de pallier le manque de recherches actuelles sur le cas français : des chiffres français permettront d'alerter au mieux les parents et les professionnels travaillant au contact des enfants sur l'ampleur du phénomène à notre échelle.
L'amendement n° 19 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 94 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Béatrice Piron, pour soutenir l'amendement n° 32 visant à modifier le titre de la proposition de loi.
Il visait à remplacer les mots « instaurer une majorité numérique » par « protéger les mineurs en renforçant les contrôles liés à l'âge sur les réseaux sociaux », parce qu'il me semblait que l'objectif du texte était avant tout de protéger les mineurs – il se résume surtout à l'instauration de contrôles liés à l'âge. Cela dit, nous avons commencé à communiquer autour de cette idée de majorité numérique et je ne voudrais pas casser l'image et la promotion de cette proposition de loi. Je vais donc retirer mon amendement, mais il ne faudrait pas que les adolescents croient que sur internet, c'est open bar à partir de 15 ans ! Il y a tout de même des règles qui s'appliquent, même après 15 ans.
L'amendement n° 32 est retiré.
Dans les explications de vote, la parole est à M. Jérémie Patrier-Leitus.
Nous avions renoncé aux explications de vote, mais il semblerait que la gauche en ait demandé : je dirai simplement deux mots. Nous nous réjouissons, l'ensemble des députés du groupe Horizons et moi-même, que la protection de l'enfance nous réunisse de manière unanime, sur tous les bancs. Je veux remercier le rapporteur de la proposition de loi et saluer son travail, non pas parce qu'il est le président de notre groupe – même si cela ne gâche rien –, mais parce que la politique s'honore lorsqu'elle répond de manière concrète aux préoccupations des Français et à des situations qui les laissent désemparés, et parfois désespérés.
Le présent texte, même s'il n'est qu'une première étape, illustre le pouvoir de notre assemblée et ce que nous devons faire en tant que parlementaires : apporter des réponses fortes aux mutations rapides et aux vertiges de la société. Grâce à lui, nous agissons et nous réaffirmons avec force que la protection de nos enfants est la boussole de notre engagement. Pour toutes ces raisons, c'est avec fierté que les députés du groupe Horizons et apparentés voteront cette proposition de loi du président Marcangeli qui, comme celle de notre collègue Naïma Moutchou, assume de regarder avec lucidité l'état de notre société et d'affronter les vertiges de notre temps.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR. – M. Frantz Gumbs applaudit également.
Je crois que nous avons voté tous les articles de cette proposition de loi à l'unanimité. Comme je le disais lors de la discussion générale, nous remercions Laurent Marcangeli, son rapporteur, pour ce texte, qui sera évidemment voté par le groupe Renaissance.
M. Emmanuel Pellerin applaudit.
Ça fait du bien d'avoir ce genre de débats ! On avait oublié qu'il était possible d'avoir des discussions apaisées dans l'hémicycle,…
…sur un sujet rassembleur et stimulant. Nous l'avons dit et nous en avions parlé en commission avec le rapporteur : ce texte, ce n'est pas la panacée ; il ne va pas tout régler. Il constitue cependant une avancée significative, qui doit aussi aider ceux qui se trouvent en première ligne, à savoir les parents, à se responsabiliser et à responsabiliser leurs enfants, à les éduquer aux nouveaux usages du numérique, à les surveiller pour éviter le pire, sur ces réseaux qui peuvent en effet produire le meilleur comme le pire. Quoi qu'il en soit, nous sommes fiers de participer à cette avancée, aussi modeste soit-elle.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Je voulais d'abord remercier le président Marcangeli et le groupe Horizons et apparentés pour avoir mis en avant ce sujet : plus on le fera, plus on améliorera la protection de nos enfants. Le groupe Démocrate (MODEM et indépendants) votera évidemment pour le texte, mais j'ai un petit regret : j'aurais aimé que l'amendement de Mme Piron soit adopté, afin que le titre évolue. En effet, il ne faut pas laisser croire à nos enfants qu'il y a une majorité numérique : cela n'existe pas. C'est peut-être le vice-président de la commission des lois qui parle ,
« Oh là là ! sur les bancs des groupes RN et LR
Ça va aller, ne vous inquiétez pas. Il n'y a qu'une majorité, donc, dans notre pays, elle est à 18 ans et il ne faudrait pas laisser croire à nos enfants que toutes les possibilités leur sont ouvertes. Les dispositions que nous prenons doivent les protéger tout en recherchant un équilibre qui garantisse leur droit à l'intimité. Pour ce faire, il faut leur donner à la fois la liberté et les codes qui vont avec. Je pense donc qu'il reste un travail immense à accomplir pour que les parents sachent donner ces outils à leurs enfants, afin que ces derniers puissent évoluer dans cet espace qui peut être particulièrement cruel, mais qui peut aussi être un espace d'apprentissage, de découverte et de sociabilisation. Continuons le travail : il est loin d'être achevé, mais je remercie le président Marcangeli pour ce texte.
J'exprimerai le soutien du groupe Socialistes et apparentés à cette proposition de loi qui permettra de renforcer la protection des mineurs : merci au groupe Horizons et apparentés de l'avoir inscrite à l'ordre du jour de sa niche. Je voudrais souligner en particulier une avancée, essentielle, qui a élargi la protection aux situations de harcèlement moral en permettant d'engager des actions pour faire retirer certains contenus.
Il reste beaucoup à faire, en particulier pour sensibiliser les parents. Je m'intéresse à la question des influenceurs et le député normand que je suis peut citer le cas de Poupette Kenza, à Rouen, qui s'est fait connaître en mettant sa vie en scène, y compris en filmant ses enfants en bas âge.
Nous devons aussi nous intéresser à l'exposition que subissent les enfants sur les réseaux sociaux car elle ne manquera pas de leur laisser des traces. Il serait bon que nous nous saisissions de cet enjeu dans les années à venir. Il y va de la formation des futurs citoyens et de leurs parents. Je vous remercie pour cette proposition de loi. Poursuivons le travail.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 84
Nombre de suffrages exprimés 84
Majorité absolue 43
Pour l'adoption 82
Contre 2
La proposition de loi est adoptée.
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE, Dem, LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
La parole est à M. Paul Christophe, rapporteur de la commission des affaires sociales.
Nous voici réunis pour discuter d'un sujet qui est au cœur des préoccupations de notre assemblée depuis plusieurs années déjà. Précisons tout d'abord que cette proposition de loi ne prétend pas répondre à toutes les difficultés auxquelles sont confrontées les familles d'enfants atteints d'une maladie, d'un handicap ou victimes d'un accident grave mais qu'elle entend améliorer leur vie quotidienne grâce à des mesures de protection et de simplification.
Ses dispositions visent les difficultés administratives, financières ou professionnelles qui viennent s'ajouter à la souffrance des parents. Elles peuvent paraître très ponctuelles mais elles répondent aux demandes formulées de manière répétée par les associations. Vous recevez d'ailleurs certainement, comme moi, de nombreuses sollicitations qui renvoient toutes à la même question : comment garantir la présence parentale dans une période difficile sans pour autant mettre en danger la situation financière de l'ensemble de la famille ?
Ce texte fait suite à une série d'avancées législatives permises par le travail de députés de tous les bancs. En novembre 2021, le Parlement adoptait une proposition de loi, que j'ai eu l'honneur de rapporter, visant à améliorer les conditions de présence parentale auprès d'un enfant dont la pathologie nécessite un accompagnement soutenu. Le dispositif de soutien apporté aux familles d'enfants atteints de pathologies graves avait été auparavant renforcé par la loi du 8 mars 2019, défendue par Nathalie Élimas, et a été consolidé, en décembre 2021, par l'adoption de la proposition de loi, dont notre collègue Béatrice Descamps était la rapporteure, visant à l'accompagnement des enfants atteints de pathologie chronique ou de cancer.
Nous avons pu faciliter la vie des parents concernés à travers les modifications apportées au congé de présence parentale (CPP), qui leur permet de bénéficier de congés, sur la base d'un certificat médical, et à l'allocation journalière de présence parentale (AJPP), qui constitue une rémunération minimale correspondant aux journées qu'ils passent auprès de leur enfant. Depuis 2021, il est en effet possible de renouveler le CPP et l'AJPP au-delà du total de 310 jours sur une période de référence de trois ans, ce qui assure une meilleure réponse aux besoins de certaines familles, spécialement les familles monoparentales, dont l'enfant est atteint d'une pathologie requérant une présence au-delà de cette limite.
En outre, par le vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2022, nous avons revalorisé le montant de l'AJPP au niveau du Smic, avec effet au 1er janvier 2022.
Malgré ces progrès, beaucoup reste à faire pour faciliter l'accompagnement d'un enfant atteint d'une maladie grave ou en situation de handicap. Notre rôle est d'alléger la charge des familles, en particulier lorsqu'elle trouve sa source dans des démarches administratives parfois excessivement complexes. Nul n'est besoin de rappeler le bouleversement que représente, pour les parents, la survenue de la maladie ou du handicap de leur enfant. Celui-ci a besoin d'une attention accrue tandis qu'ils doivent garantir à l'ensemble de la famille une nécessaire stabilité. Ils endossent alors une multitude de rôles : parent, mais aussi soignant, accompagnateur, expert administratif, voire instituteur quand trop de jours d'école ont été manqués.
Pour faire face à ces défis multiples, un grand nombre de parents sont contraints de réduire leur temps de travail ou d'interrompre leur activité professionnelle pour s'occuper de leur enfant. D'autres continuent de travailler, souvent poussés par la nécessité de garantir un revenu à leur famille. Qu'il s'agisse de l'accès aux dispositifs auxquels ils ont droit ou de la poursuite de leurs différents engagements financiers, ils continuent de se heurter à des obstacles à la fois inutiles et insupportables.
Ceux qui, malgré les rendez-vous à l'hôpital, malgré les sollicitations permanentes de l'administration et des institutions éducatives, malgré l'inquiétude et l'épuisement, continuent de travailler ne sont plus en mesure de consacrer autant de temps, d'attention et d'affection qu'ils le souhaiteraient à leur enfant, ce qui ne fait qu'ajouter à la douleur de leur situation. Ils sont par ailleurs souvent confrontés à l'incompréhension de leur employeur, notamment lorsqu'ils demandent à voir leur activité professionnelle adaptée à leur situation familiale. Et cette incompréhension peut mener à des tensions voire, malheureusement, à une rupture du contrat de travail. Ces difficultés qu'ont à endurer les parents d'enfants malades, handicapés ou victimes d'accidents graves, qui sont autant de sources de discriminations, sont insupportables.
La présente proposition de loi entend faciliter le quotidien de ces parents courageux, en réduisant autant que possible les différents obstacles administratifs et financiers qu'ils rencontrent dans la conciliation entre présence parentale et vie professionnelle comme dans leur accès aux droits. L'ensemble de ses dispositions ont été pensées au cours de nombreuses discussions avec des associations représentant ces parents, tout particulièrement la fédération Grandir sans cancer, mais aussi l'Union nationale des associations de parents d'enfants atteints de cancer ou de leucémie (Unapecle) et le collectif Gravir. Je les remercie pour leurs actions, leur dévouement et le temps qu'elles ont pu m'accorder. Coconstruire avec elles et avec les professionnels concernés est nécessaire pour répondre aux besoins réels de ces familles et de ces enfants.
Je tiens également à saluer l'esprit constructif dans lequel s'est déroulé l'examen en commission de ce texte. Nos discussions nous ont conduits à préciser les modalités de certains dispositifs, afin d'en garantir la sécurité juridique et d'en faciliter la mise en œuvre pratique, et à compléter la protection que nous souhaitons offrir aux familles concernées par de nouveaux droits. Je remercie également le ministre Jean-Christophe Combe qui s'est montré à l'écoute de nos préoccupations, notamment sur la question du délai de traitement des dossiers de demande de CPP.
Compte tenu de notre volonté commune d'améliorer encore le texte, l'ensemble des députés de la commission se sont accordés sur la nécessité d'approfondir le débat en séance, ce qui a motivé l'abandon de la procédure d'examen en commission. La discussion qui s'ouvre nous permettra, je n'en doute pas, de mieux accompagner les familles grâce à l'adoption de nouvelles dispositions.
J'en viens au contenu des articles de cette proposition de loi. Son article 1er vise à protéger du risque de licenciement les parents d'enfants dont l'état de santé est dégradé et qui sont contraints de réduire leur activité professionnelle, sur le modèle du dispositif existant pour le congé de maternité, de paternité ou de deuil parental. Le code du travail protège déjà de manière très large les salariés contre toutes les formes de discrimination, en particulier au regard de leur situation familiale. Cependant, nous souhaitons, par cette proposition de loi, protéger spécifiquement les salariés qui sollicitent un congé de présence parentale en interdisant a priori leur licenciement.
Poursuivant un même objectif de conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle, l'article 2 garantit un recours plus aisé au télétravail pour les salariés aidants d'un enfant, d'un parent ou d'un proche. Si de nombreuses entreprises prévoient déjà de faciliter son accès dans certaines circonstances, ces nouvelles dispositions permettront à l'ensemble des salariés aidants de voir leur demande prise en considération par leur employeur lorsque la mise en œuvre du télétravail est envisageable.
L'article 3 vise à faciliter les démarches administratives pour le renouvellement de l'AJPP en supprimant la condition d'un accord préalable explicite du service du contrôle médical. Celle-ci pénalise de nombreuses familles car l'allongement des délais empêche bien souvent le renouvellement de l'allocation.
Nous avons décidé d'aller plus loin dans la simplification des démarches en déposant un amendement autorisant les caisses d'allocations familiales (CAF) ou les organismes de la mutualité sociale agricole (MSA) à verser l'AJPP sans attendre que l'avis du service du contrôle médical des caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) soit rendu.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.
Le paiement sous forme d'avances constitue un progrès significatif. La réduction des délais de traitement permettra aux parents d'enfants malades de voir leurs arrêts d'activité compensés plus rapidement, objectif que nous partageons tous dans cet hémicycle.
L'article 4 supprime la mesure d'écrêtement de l'AJPP et de l'allocation journalière du proche aidant (Ajpa) pour les travailleurs indépendants et les personnes en recherche d'emploi. Cette disposition, qui devait entrer en vigueur au plus tard le 1er janvier 2024, entendait prévenir le risque d'un effet d'aubaine lié au fait que les montants versés aux bénéficiaires pouvaient être supérieurs aux revenus tirés de leur activité professionnelle ou de leur revenu de remplacement. Un an après l'indexation de ces allocations sur le Smic, cet effet d'aubaine n'est pas démontré. Cette mesure d'écrêtement entravait en outre la lisibilité du dispositif et constituait une difficulté supplémentaire de gestion pour les caisses d'allocations familiales.
L'article 4 bis, que nous avons adopté en commission, vise à protéger les familles ayant un enfant dont l'état de santé est dégradé contre le risque de rupture du bail par le propriétaire lorsque celui-ci souhaite reprendre ou vendre le logement. Il s'agit là aussi d'une importante avancée.
L'article 5 propose enfin une expérimentation visant à améliorer la situation des bénéficiaires de l'AJPP rencontrant des difficultés financières. Les échanges que nous avons eus avec la Cnaf – Caisse nationale des allocations familiales – et les associations nous ont amenés à proposer en commission un dispositif encore plus ambitieux, qui s'adresse aux bénéficiaires de l'AJPP et non pas seulement aux bénéficiaires du complément pour frais.
Mes chers collègues, je le répète, si cette proposition ne prétend pas répondre à toutes les difficultés que rencontrent les familles, elle constitue une avancée supplémentaire pour améliorer leur situation et alléger leurs charges. Sécuriser leur quotidien, renforcer le droit existant et améliorer l'accompagnement, voilà trois objectifs que je vous propose de poursuivre collectivement en votant ce texte à l'unanimité, je l'espère.
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE, LR, Dem, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
La parole est à M. le ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées.
Tous, sans avoir été forcément nous-mêmes directement confrontés à ces situations, nous connaissons les souffrances et les difficultés que rencontrent de trop nombreuses familles dans notre pays. Je pense à celles dont l'enfant est atteint d'une maladie grave, victime d'un accident, ou diagnostiqué comme étant en situation de handicap, à celles, donc, frappées par le sort, dont le quotidien bascule du jour au lendemain.
Ministre des familles, c'est à elles que je pense avant tout, en m'exprimant aujourd'hui devant vous. C'est en leur nom que j'adresse mes sincères remerciements au député Paul Christophe, auteur de cette proposition de loi, et aux députés de la commission des affaires sociales, qui ont adopté il y a quelques jours, à l'unanimité, ce très beau texte.
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE, LR, Dem, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
En matière de recherche, vous connaissez bien sûr l'engagement du ministre de la santé et de la prévention, François Braun, dans la lutte contre les cancers pédiatriques. C'est un enjeu médical majeur, qui touche chaque année environ 2 500 enfants et adolescents. Si on en guérit la majorité, il nous faut bien sûr poursuivre nos efforts car, pour 20 % d'entre eux, il n'y a qu'un seul et unique espoir : les progrès de la recherche.
La stratégie décennale de lutte contre les cancers 2021-2030 s'y attelle, en lui dédiant une partie de ses moyens. Les programmes de recherche ont ainsi été accélérés, et je mentionnerai à titre d'exemple le lancement du premier biocluster consacré à l'innovation thérapeutique contre le cancer, le Paris-Saclay Cancer Cluster, financé à hauteur de 100 millions d'euros par l'État. Je pense aussi aux assises de la pédiatrie et de la santé de l'enfant, installées par François Braun en décembre dernier, et dont les pilotes, Adrien Taquet et Christelle Gras-Le Guen, remettront leurs travaux au printemps.
Rarement donc, jamais, peut-être, une majorité n'avait autant agi que celle-ci. Est-ce une raison pour cesser notre recherche d'une amélioration constante de l'accompagnement de ces familles ? Non, bien sûr. Et à ce titre, je salue à nouveau l'initiative dont est aujourd'hui saisie l'Assemblée nationale. Les dispositions de cette proposition de loi viendront utilement compléter des mesures fortes déjà appliquées.
Je pense avant tout au dispositif de congé et d'allocation journalière de présence parentale, que ce texte propose justement de renforcer. Cette prestation est versée chaque année à environ 10 000 parents s'occupant d'un enfant malade ou victime d'un accident ou en situation de handicap. Son droit est ouvert pour une période égale à la durée du traitement de l'enfant, fixée dans un certificat médical établi par le médecin traitant.
Grâce à la représentation nationale, le nombre de jours maximum accordés dans le cadre du congé indemnisé par l'allocation, initialement fixé à 310 jours, peut, depuis la loi du 15 novembre 2021, être doublé pour atteindre 620 jours dans les situations caractérisées par des traitements longs, nécessitant un arrêt total d'activité de la part de l'un des parents sur une période très prolongée. Cette puissante avancée concerne 5 % des bénéficiaires de l'AJPP, qui utilisaient auparavant l'intégralité des 310 jours auxquels ils avaient droit. Ces situations, extrêmement difficiles, marquées par des maladies longues, appelaient bien une présence continue du parent auprès de l'enfant et la représentation nationale a eu raison de se saisir de ce sujet.
Le dispositif fonctionne. Toutefois, les remontées du terrain, les discussions avec les associations mobilisées et que je salue, telles que Grandir sans cancer, font état d'un fonctionnement parfois grippé par d'importants délais. Ce n'est pas satisfaisant et c'est d'autant plus incompréhensible pour les familles concernées qu'elles se trouvent dans des situations d'urgence.
C'est sur cet aspect qu'il convenait d'agir, afin de simplifier les démarches. Tout d'abord, au moment de l'ouverture des droits. Ce point a été, je le sais, débattu lors de l'examen du texte en commission, et à juste raison. Car si la prestation est aujourd'hui versée dans un délai de vingt jours en moyenne, de fortes disparités existent malheureusement. Afin de réduire les délais, plusieurs groupes proposent, avec le rapporteur, et je les en remercie, de procéder à la liquidation de la prestation sans attendre l'avis du service de contrôle médical de la caisse d'assurance maladie, prévu par les textes. D'un contrôle a priori, parfois retardé par la charge de travail importante à laquelle sont confrontés ses services, nous passerions donc à un contrôle a posteriori, facilitant un accès rapide à la prestation. Le Gouvernement est bien sûr favorable à cette évolution.
De même, nous sommes pleinement favorables à l'article 3 de la proposition de loi. Le renouvellement exceptionnel de l'AJPP était jusqu'à présent conditionné non seulement à un nouveau certificat médical, mais aussi à un avis explicite du service de contrôle médical. Le député Paul Christophe propose de supprimer le caractère explicite de cet avis, pour éviter toute rupture de droit. J'y souscris complètement.
Ce combat pour l'accès rapide et effectif aux droits est au cœur de la feuille de route que m'ont confiée le Président de la République et la Première ministre. J'y travaille, avec l'ensemble des acteurs, avec la Caisse nationale des allocations familiales, avec des administrations de plus en plus ouvertes, qui modernisent leurs pratiques et les adaptent aux attentes des concitoyens et à leurs besoins.
C'est parce que je suis cette logique que je crois aussi à l'importance cruciale de la lutte contre le non-recours et du développement des démarches d'« aller vers ». Nous avons la responsabilité, vis-à-vis des potentiels bénéficiaires, de faire connaître les dispositifs existants. Il faut que chacun ait conscience qu'il peut être soutenu et accompagné. C'est par exemple le sens de l'application 1 000 premiers jours, lancée le 1er juillet 2021 et qui est devenue depuis la porte d'entrée unique dans la parentalité, centralisant les informations clefs sur cette période et condensant les contenus pour les rendre accessibles à tous les parents.
Bien sûr, la présente proposition de loi ne se limite pas à l'amélioration du dispositif de l'AJPP, certes central dans l'accompagnement des parents, mais qui ne peut répondre à l'ensemble des difficultés qu'ils rencontrent. Le rapporteur les connaît bien, lui qui a remis l'an dernier au Premier ministre un excellent rapport sur l'accompagnement des parents d'enfants malades. Les situations dont il est question ont bien sûr des conséquences en matière de santé, mais aussi de travail pour les parents, d'éducation des enfants, de déplacements ou encore de logement et de moyens financiers.
Le texte qui vous est présenté aborde notamment les questions d'ordre professionnel. En renforçant la protection contre le licenciement ou encore en facilitant le recours au télétravail, le rapporteur a parfaitement saisi ce que j'aime à qualifier de responsabilité familiale des entreprises. Nous connaissons depuis longtemps leur responsabilité sociale et environnementale, mais je crois que, face aux enjeux de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle et alors que notre rapport collectif au travail change, cette composante familiale est devenue incontournable. Elle commence par une organisation qui tienne compte de la dimension parentale du salarié et donc de l'intérêt des enfants. Beaucoup d'entreprises l'ont déjà compris et je souhaite que cette tendance s'accélère.
Vous serez nombreux, mesdames et messieurs les députés, à présenter des amendements sur ce sujet, puisque vous souhaitez notamment allonger la durée du congé pour l'annonce du handicap ou d'une pathologie d'un enfant. Je salue cette très belle initiative et le Gouvernement y sera, bien entendu, favorable. Dans les faits, cela permettra aux parents concernés de disposer de davantage de temps pour prendre la mesure de ces situations et pour se préparer aux bouleversements, nombreux, qu'elles induisent.
Le texte dont nous nous apprêtons à débattre contiendra donc de nombreuses avancées pour les familles et je me réjouis par avance de la concorde qui devrait être observée sur ce sujet. Les familles méritent que nous nous interrogions collectivement sur la meilleure façon de les accompagner. Pour ma part, je suis convaincu que le meilleur accompagnement se dessine progressivement, au fil des expérimentations, des initiatives locales et des retours d'expérience. À ce titre, je trouve très intéressant l'article 5 de la proposition de loi. L'expérimentation qu'il prévoit permettra aux caisses d'allocations familiales de rester souples, agiles, et de proposer aux bénéficiaires qu'elles accompagnent des aménagements qui, si nous ne les connaissons pas aujourd'hui, auront peut-être demain vocation à être généralisés.
Les CAF accompagnent au quotidien 33 millions de nos concitoyens par leur offre de services et la quarantaine de prestations qu'elles assurent. Chaque année, elles versent près de 100 milliards d'euros de prestations. Cette place centrale est exigeante pour les 35 000 salariés des CAF, et je veux dire ma fierté d'être leur ministre de tutelle, d'autant plus que je sais qu'ils déploient déjà, au quotidien, des trésors d'ingéniosité pour parfaire les services offerts à nos concitoyens. C'est ce qu'ils attendent et c'est ce que nous leur devons.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR. – M. Michel Herbillon et M. Sébastien Peytavie applaudissent également.
La proposition de loi que nous examinons répond à une situation complexe et difficile à gérer pour les familles qui voient leur enfant atteint d'une maladie ou d'un handicap ou qui est victime d'un accident d'une particulière gravité. Chaque année, près de 2 500 enfants et adolescents se voient diagnostiquer un cancer et ces chiffres sont en augmentation en Europe depuis de nombreuses années. Des moyens importants et des stratégies de recherche sont engagés pour lutter contre les cancers infantiles et faire diminuer ce drame qui touche de nombreuses familles.
Plusieurs textes ont été adoptés ces dernières années, afin de renforcer la protection des proches aidants et des familles ayant un enfant atteint d'une maladie de longue durée. Certains de ces textes ont d'ailleurs été défendus par notre collègue Paul Christophe, dont nous connaissons l'engagement entier : la loi sur le don de jours de repos non pris au bénéfice des proches aidants de personnes en perte d'autonomie ou présentant un handicap, qui a été promulguée le 13 février 2018 ; l'indemnisation du congé de proche aidant dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 ; ainsi que la loi promulguée le 15 novembre 2021 visant à améliorer les conditions de présence parentale auprès d'un enfant dont la pathologie nécessite un accompagnement soutenu.
D'autres lois ont été défendues, à l'instar de celle visant à renforcer la prise en charge des cancers pédiatriques par la recherche, le soutien aux aidants familiaux, la formation des professionnels et le droit à l'oubli, celle visant à améliorer les droits des travailleurs et l'accompagnement des familles après le décès d'un enfant, qui a créé un congé de deuil, ou encore l'instauration d'un congé parental lors de l'annonce d'une pathologie chronique ou d'un cancer chez l'enfant, ainsi qu'une meilleure inclusion des enfants concernés à l'école.
Tous ces textes ont pour but de renforcer la protection des familles et des proches aidants. Ils témoignent de notre engagement à soutenir les familles dans les moments difficiles et à améliorer leur quotidien. Les parents d'enfants malades sont confrontés à une épreuve très difficile qui bouleverse non seulement leur vie mais également celle de toute la famille.
Très tôt, les enfants prennent conscience de la gravité de leur situation. Ils remarquent que toute l'attention de la famille est tournée vers eux, ainsi que le regard des autres enfants ; ils comprennent et intègrent très rapidement, dans leur quotidien, les termes techniques liés à leur maladie tels qu'aplasie ou transfusion. De même, ils apprennent à parler de leur « cathé », leur cathéter, ou de leur chambre d'hôpital. Pour aider l'enfant malade à faire face à la maladie, les parents doivent être particulièrement présents et attentionnés, mais cette tâche, à laquelle aucun parent ne peut se préparer, peut se révéler difficile et épuisante.
Il est donc important de soutenir les parents, notamment en leur offrant une assistance pratique afin d'alléger le fardeau qu'ils portent. Ils sont souvent confrontés à de nombreux obstacles lorsqu'ils doivent prendre soin de leur enfant malade, tels que la nécessité de réduire ou de cesser leur activité professionnelle pour se consacrer à leur enfant ou les difficultés administratives pour bénéficier des aides et des allocations auxquelles ils ont droit.
C'est pour répondre à ces besoins que la proposition de loi présente plusieurs mesures visant à améliorer leur situation. Elle propose de protéger les parents salariés contre le licenciement lorsqu'ils sont obligés de réduire ou de cesser leur activité professionnelle, bénéficiant du congé de présence parentale. Le CPP est ouvert au salarié, quelle que soit son ancienneté, dont l'enfant à charge est atteint d'une maladie, d'un handicap ou est victime d'un accident d'une particulière gravité rendant indispensables une présence soutenue et des soins contraignants ; il est assorti d'une allocation journalière de présence parentale.
La proposition de loi propose également de considérer le télétravail comme un aménagement de poste rendu nécessaire pour ces parents et prévoit d'imposer à l'employeur de motiver un refus du télétravail aux salariés aidants qui le demandent, à l'instar de ce qui existe actuellement concernant l'obligation de motiver un refus de télétravail pour les travailleurs handicapés et les proches aidants au sens du code de l'action sociale et des familles.
En outre, elle vise à simplifier les démarches liées au renouvellement de la demande d'AJPP, dont bénéficient près de 10 000 familles, et à supprimer l'écrêtement de celle-ci et de l'Ajpa pour les travailleurs indépendants et les personnes en recherche d'emploi. Par ailleurs, les familles et les aidants familiaux ayant un enfant atteint d'une maladie de longue durée seront protégés par la loi contre les expulsions de leur logement par le propriétaire.
Enfin, elle prévoit la remise d'un rapport d'évaluation sur l'expérimentation menée par les CAF visant à améliorer l'accompagnement des familles bénéficiaires de l'AJPP et des bénéficiaires du complément pour frais, dans l'objectif notamment de les prémunir de difficultés financières et de simplifier le parcours d'accès au droit.
À la suite des discussions intervenues en commission, cette proposition de loi pourra également, nous le souhaitons, augmenter la durée du congé pour l'annonce de la survenue d'un handicap ou d'une pathologie chronique de l'enfant, qui passera ainsi de deux jours à cinq jours ouvrés.
Le groupe Horizons et apparentés s'engage auprès des familles touchées par la maladie et le handicap et propose des réponses concrètes et opérationnelles aux familles dont l'enfant est victime d'une maladie grave, d'un handicap ou qui est victime d'un accident d'une particulière gravité. Il est important de considérer que la situation des familles touchées par la maladie et le handicap est complexe et nécessite une action et une attention particulières de la part des pouvoirs publics. En tant que législateurs, nous sommes conscients de l'importance de notre rôle dans la protection des familles et des aidants familiaux. Nous continuerons à travailler pour renforcer cette protection et à proposer des textes pour répondre aux besoins de ces personnes vulnérables.
Il est important également de souligner le rôle essentiel joué par les associations dans le soutien aux familles touchées par la maladie grave ou l'incident de la vie de leur enfant. Ces associations apportent une aide précieuse non seulement par un soutien moral et psychologique, si important, mais aussi par une assistance pratique pour aider les familles à surmonter les nombreux obstacles qu'elles rencontrent dans leur vie quotidienne. Leur soutien est inestimable. Nous sommes donc déterminés à appuyer les familles et à leur offrir des conditions de vie meilleures et plus justes. Il est essentiel de leur apporter toute l'aide nécessaire pour qu'elles puissent accompagner leur enfant avec amour, force et courage.
C'est pourquoi le groupe Horizons et apparentés soutient la proposition de loi défendue par notre collègue Paul Christophe, que nous remercions pour son travail et son engagement sur ce sujet depuis de nombreuses années. Nous espérons qu'elle sera adoptée à l'unanimité, comme elle l'a été en commission des affaires sociales le 15 février dernier, pour faciliter autant que possible, dans ces moments douloureux, le quotidien des familles concernées.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR. – M. Michel Herbillon applaudit également.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la proposition de loi visant à renforcer la protection des familles d'enfants atteints d'une maladie ou d'un handicap ou victimes d'un accident d'une particulière gravité ;
Discussion de la proposition de loi visant à soutenir les petites entreprises et les collectivités territoriales en cas de crise énergétique.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra