Nous voici réunis pour discuter d'un sujet qui est au cœur des préoccupations de notre assemblée depuis plusieurs années déjà. Précisons tout d'abord que cette proposition de loi ne prétend pas répondre à toutes les difficultés auxquelles sont confrontées les familles d'enfants atteints d'une maladie, d'un handicap ou victimes d'un accident grave mais qu'elle entend améliorer leur vie quotidienne grâce à des mesures de protection et de simplification.
Ses dispositions visent les difficultés administratives, financières ou professionnelles qui viennent s'ajouter à la souffrance des parents. Elles peuvent paraître très ponctuelles mais elles répondent aux demandes formulées de manière répétée par les associations. Vous recevez d'ailleurs certainement, comme moi, de nombreuses sollicitations qui renvoient toutes à la même question : comment garantir la présence parentale dans une période difficile sans pour autant mettre en danger la situation financière de l'ensemble de la famille ?
Ce texte fait suite à une série d'avancées législatives permises par le travail de députés de tous les bancs. En novembre 2021, le Parlement adoptait une proposition de loi, que j'ai eu l'honneur de rapporter, visant à améliorer les conditions de présence parentale auprès d'un enfant dont la pathologie nécessite un accompagnement soutenu. Le dispositif de soutien apporté aux familles d'enfants atteints de pathologies graves avait été auparavant renforcé par la loi du 8 mars 2019, défendue par Nathalie Élimas, et a été consolidé, en décembre 2021, par l'adoption de la proposition de loi, dont notre collègue Béatrice Descamps était la rapporteure, visant à l'accompagnement des enfants atteints de pathologie chronique ou de cancer.
Nous avons pu faciliter la vie des parents concernés à travers les modifications apportées au congé de présence parentale (CPP), qui leur permet de bénéficier de congés, sur la base d'un certificat médical, et à l'allocation journalière de présence parentale (AJPP), qui constitue une rémunération minimale correspondant aux journées qu'ils passent auprès de leur enfant. Depuis 2021, il est en effet possible de renouveler le CPP et l'AJPP au-delà du total de 310 jours sur une période de référence de trois ans, ce qui assure une meilleure réponse aux besoins de certaines familles, spécialement les familles monoparentales, dont l'enfant est atteint d'une pathologie requérant une présence au-delà de cette limite.
En outre, par le vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2022, nous avons revalorisé le montant de l'AJPP au niveau du Smic, avec effet au 1er janvier 2022.
Malgré ces progrès, beaucoup reste à faire pour faciliter l'accompagnement d'un enfant atteint d'une maladie grave ou en situation de handicap. Notre rôle est d'alléger la charge des familles, en particulier lorsqu'elle trouve sa source dans des démarches administratives parfois excessivement complexes. Nul n'est besoin de rappeler le bouleversement que représente, pour les parents, la survenue de la maladie ou du handicap de leur enfant. Celui-ci a besoin d'une attention accrue tandis qu'ils doivent garantir à l'ensemble de la famille une nécessaire stabilité. Ils endossent alors une multitude de rôles : parent, mais aussi soignant, accompagnateur, expert administratif, voire instituteur quand trop de jours d'école ont été manqués.
Pour faire face à ces défis multiples, un grand nombre de parents sont contraints de réduire leur temps de travail ou d'interrompre leur activité professionnelle pour s'occuper de leur enfant. D'autres continuent de travailler, souvent poussés par la nécessité de garantir un revenu à leur famille. Qu'il s'agisse de l'accès aux dispositifs auxquels ils ont droit ou de la poursuite de leurs différents engagements financiers, ils continuent de se heurter à des obstacles à la fois inutiles et insupportables.
Ceux qui, malgré les rendez-vous à l'hôpital, malgré les sollicitations permanentes de l'administration et des institutions éducatives, malgré l'inquiétude et l'épuisement, continuent de travailler ne sont plus en mesure de consacrer autant de temps, d'attention et d'affection qu'ils le souhaiteraient à leur enfant, ce qui ne fait qu'ajouter à la douleur de leur situation. Ils sont par ailleurs souvent confrontés à l'incompréhension de leur employeur, notamment lorsqu'ils demandent à voir leur activité professionnelle adaptée à leur situation familiale. Et cette incompréhension peut mener à des tensions voire, malheureusement, à une rupture du contrat de travail. Ces difficultés qu'ont à endurer les parents d'enfants malades, handicapés ou victimes d'accidents graves, qui sont autant de sources de discriminations, sont insupportables.
La présente proposition de loi entend faciliter le quotidien de ces parents courageux, en réduisant autant que possible les différents obstacles administratifs et financiers qu'ils rencontrent dans la conciliation entre présence parentale et vie professionnelle comme dans leur accès aux droits. L'ensemble de ses dispositions ont été pensées au cours de nombreuses discussions avec des associations représentant ces parents, tout particulièrement la fédération Grandir sans cancer, mais aussi l'Union nationale des associations de parents d'enfants atteints de cancer ou de leucémie (Unapecle) et le collectif Gravir. Je les remercie pour leurs actions, leur dévouement et le temps qu'elles ont pu m'accorder. Coconstruire avec elles et avec les professionnels concernés est nécessaire pour répondre aux besoins réels de ces familles et de ces enfants.
Je tiens également à saluer l'esprit constructif dans lequel s'est déroulé l'examen en commission de ce texte. Nos discussions nous ont conduits à préciser les modalités de certains dispositifs, afin d'en garantir la sécurité juridique et d'en faciliter la mise en œuvre pratique, et à compléter la protection que nous souhaitons offrir aux familles concernées par de nouveaux droits. Je remercie également le ministre Jean-Christophe Combe qui s'est montré à l'écoute de nos préoccupations, notamment sur la question du délai de traitement des dossiers de demande de CPP.
Compte tenu de notre volonté commune d'améliorer encore le texte, l'ensemble des députés de la commission se sont accordés sur la nécessité d'approfondir le débat en séance, ce qui a motivé l'abandon de la procédure d'examen en commission. La discussion qui s'ouvre nous permettra, je n'en doute pas, de mieux accompagner les familles grâce à l'adoption de nouvelles dispositions.
J'en viens au contenu des articles de cette proposition de loi. Son article 1er vise à protéger du risque de licenciement les parents d'enfants dont l'état de santé est dégradé et qui sont contraints de réduire leur activité professionnelle, sur le modèle du dispositif existant pour le congé de maternité, de paternité ou de deuil parental. Le code du travail protège déjà de manière très large les salariés contre toutes les formes de discrimination, en particulier au regard de leur situation familiale. Cependant, nous souhaitons, par cette proposition de loi, protéger spécifiquement les salariés qui sollicitent un congé de présence parentale en interdisant a priori leur licenciement.
Poursuivant un même objectif de conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle, l'article 2 garantit un recours plus aisé au télétravail pour les salariés aidants d'un enfant, d'un parent ou d'un proche. Si de nombreuses entreprises prévoient déjà de faciliter son accès dans certaines circonstances, ces nouvelles dispositions permettront à l'ensemble des salariés aidants de voir leur demande prise en considération par leur employeur lorsque la mise en œuvre du télétravail est envisageable.
L'article 3 vise à faciliter les démarches administratives pour le renouvellement de l'AJPP en supprimant la condition d'un accord préalable explicite du service du contrôle médical. Celle-ci pénalise de nombreuses familles car l'allongement des délais empêche bien souvent le renouvellement de l'allocation.
Nous avons décidé d'aller plus loin dans la simplification des démarches en déposant un amendement autorisant les caisses d'allocations familiales (CAF) ou les organismes de la mutualité sociale agricole (MSA) à verser l'AJPP sans attendre que l'avis du service du contrôle médical des caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) soit rendu.