Le CE2, c'est l'âge du plein développement cognitif et langagier. C'est l'âge auquel la lecture devient plus fluide. C'est l'âge, aussi, des premiers copains et des amitiés solides. Mais 8 ans et demi, c'est également, en France, l'âge moyen de la première inscription à un réseau social. Instagram, Facebook, Snapchat, TikTok : 63 % des moins de 13 ans ont au moins un compte sur un réseau social. Ce chiffre est encore plus inquiétant lorsque l'on connaît les conséquences de la présence démesurée d'un enfant devant un écran et sur les réseaux sociaux : fatigue excessive, rythmes désajustés, troubles et retraits relationnels. La santé – y compris mentale – et les relations sociales des jeunes étant durement affectées par le temps passé sur ces plateformes, il est important de fixer des règles, et nous saluons donc cette proposition de loi tendant à instaurer une majorité numérique.
En commission, mon collègue Inaki Echaniz avait souligné deux manques dans le texte initial : d'une part, l'absence de dispositif de vérification de l'âge de l'enfant et du consentement du parent, qui rendait votre texte peu opérationnel, d'autre part, l'absence de sanction, qui le rendait peu contraignant. Force est de constater que vous avez su faire évoluer votre texte, monsieur le rapporteur : il prévoit désormais que les fournisseurs de services de réseaux sociaux doivent déployer une solution technique de vérification de l'âge des utilisateurs finaux et du consentement des titulaires de l'autorité parentale. Cette méthode a été certifiée par l'Arcom après avis de la Cnil. En outre, le manquement à cette obligation est maintenant sanctionné par une amende pouvant aller jusqu'à 1 % du chiffre d'affaires mondial. La majorité numérique devient ainsi opérationnelle.
Par ailleurs, la Cnil recommandait que les parents disposent d'une voie de recours pour demander la suppression du compte de leur enfant. Nous soutenons donc les avancées du texte en ce sens.
Toutefois, n'oublions pas que la Cnil recommande également des garanties spécifiques pour protéger l'intérêt de l'enfant, ou encore le renforcement de l'information du mineur, selon des modalités claires et adaptées, sur les conditions d'utilisation de ses données, ainsi que sur ses droits informatiques et ses libertés, afin qu'il puisse comprendre le sens et la portée de son engagement. Des recommandations qui, pour l'instant, ne figurent pas dans le texte. Nous vous alertons donc sur le fait que l'instauration d'une majorité numérique ne saurait aller sans l'information des mineurs sur leurs droits, l'encadrement de leur pratique, l'assurance que les sites sont adaptés aux publics mineurs qu'ils accueillent, ou encore l'accompagnement des parents dans l'éducation au numérique.
Nous soutenons les articles tendant à faire contribuer les plateformes à la lutte contre les cyberdélits : l'article 3, qui les contraint à répondre aux réquisitions judiciaires dans le cadre de plaintes déposées, et le nouvel article 1er bis, qui définit de nouveaux contenus illicites pour lesquels les plateformes doivent instaurer un dispositif de signalement. Alors que le harcèlement sur les réseaux sociaux est de plus en plus présent et violent, notamment chez les jeunes publics, cette responsabilisation des plateformes dans la lutte contre la haine en ligne est la bienvenue.
Nous soutiendrons donc, monsieur le rapporteur, votre proposition de loi.