Un enfant a besoin de communiquer, de jouer, de toucher, d'observer, de découvrir, de sentir, parfois même de s'ennuyer. Il a besoin de sécurité, de stabilité et de sérénité. Surtout, un enfant a besoin d'être protégé. Ses droits doivent être respectés.
Depuis ma prise de fonction, avec l'ensemble des ministres – Jean-Noël Barrot, bien sûr, ministre délégué chargé de la transition numérique, mais aussi les ministres de l'éducation, de la santé, de la famille, de la justice et de l'intérieur –, avec les parlementaires – notamment les membres de la délégation aux droits des enfants –, avec les associations qui œuvrent aux côtés des familles et des jeunes, nous prenons tous les jours un peu plus la mesure des risques que représentent les écrans, internet et les réseaux sociaux pour les enfants.
Nous nous sommes accordés pour repérer cinq risques majeurs. Premièrement, l'utilisation excessive des écrans, dès le plus jeune âge, qui génère des difficultés d'acquisition du langage pour les plus jeunes, des comportements addictifs pour tous, des troubles de l'attention, du sommeil, de la vision pour certains. Deuxièmement, l'accès à des contenus légaux mais inadaptés à l'âge des enfants et à leur maturité. Je pense, bien sûr, aux images violentes et à la pornographie qui portent atteinte à l'équilibre affectif, à la santé physique et mentale ou au développement des enfants qui y ont accès de plus en plus jeunes. Troisièmement, les actes de délinquance dont les mineurs sont souvent victimes à travers le numérique : cyberharcèlement, revenge porn, grooming ou pédopiégeage, escroqueries, avec le sujet bien sûr très particulier de la pédocriminalité en ligne. Quatrièmement, la protection de l'image des enfants, de leurs données, de leur vie privée, laissées à disposition de tous sur le net. Enfin, cinquièmement, nul ne peut minimiser l'invasion, la perturbation quotidienne que constituent le petit smartphone et les comportements qu'il génère dans les familles, dans les relations sociales et affectives des enfants.
Le numérique, vous l'avez rappelé, offre des opportunités exceptionnelles d'ouverture au monde et aux autres pour nos enfants. Mais, hélas, j'en suis convaincue, il représente aujourd'hui pour eux l'un des plus grands risques. Nous devons donc les protéger. Telle est l'ambition du Président de la République qui, après la lutte contre les contenus haineux et terroristes, soutient personnellement ce projet. Il est l'une des cinq priorités que la Première ministre a fixées au Gouvernement, à l'occasion du comité interministériel de l'enfance le 21 novembre dernier.
Quels sont nos leviers d'action ? Il faut d'abord sensibiliser, informer, éduquer les enfants. Jean-Noël Barrot l'a évoqué, la généralisation du passeport internet est une avancée majeure. Pour savoir conduire, il faut déjà apprendre le code de la route. Il est donc essentiel, dès la sixième, d'apprendre, de comprendre et de mieux maîtriser les outils numériques. Avec la campagne d'information et le renforcement des moyens du numéro d'urgence pour les victimes de violences numériques, le 3018, nous avons envoyé un message clair aux enfants et aux jeunes : vous n'êtes pas seuls et nous pouvons vous aider !
Il faut aussi accompagner les parents et les réinvestir, les investir parfois, dans leurs responsabilités, en créant des outils pratiques pour les soutenir au quotidien. Seuls 12 % d'entre eux se déclarent sereins quant à la consommation d'écran de leurs enfants et plus de la moitié ignorent complètement leur vie en ligne. En février dernier, Jean-Noël Barrot l'a rappelé, nous avons lancé une campagne nationale sur la parentalité numérique pour redonner confiance aux parents dans leur rôle et leur rappeler une règle simple : vous apprenez à vos enfants à nager, apprenez-leur à surfer sur le net. Avec les associations partenaires – l'Unaf, Open, e-Enfance – nous renforçons la formation des parents et les temps d'échanges dédiés aux bonnes pratiques, avec le déploiement des ateliers « parents, parlons numérique » partout sur le territoire.
Mais, au-delà des enfants et des parents, nous devons évidemment encadrer et responsabiliser les acteurs du numérique eux-mêmes. Car ce sont bien eux qui définissent les règles techniques, les pratiques, les relations contractuelles, les règles algorithmiques sur leurs appareils, leurs sites, leurs plateformes. Ils participent donc largement à définir les actions, les interactions conscientes ou inconscientes des utilisateurs. Certes, les réseaux sociaux permettent de se connecter au monde, sans limite et sans frontière. Mais lorsqu'il s'agit d'enfants, il faut être prudent dans la vie réelle comme dans la vie en ligne.
Encadrement du travail des enfants influenceurs, contrôle parental par défaut, travaux du Laboratoire pour la protection de l'enfance en ligne. Avec l'impulsion du Président de la République, les fortes contributions de votre assemblée, les travaux des autorités et des administrations publiques, la France est devenue pionnière en matière de protection de l'enfance en ligne.
En 2023, le Gouvernement et la majorité présidentielle continuent d'avancer activement sur ces sujets. Pas moins de trois propositions de loi seront examinées dans votre hémicycle, en quelques jours : celle visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants, dont le rapporteur est Bruno Studer, très engagé sur cette thématique, et celle relative à la prévention de l'exposition excessive des enfants aux écrans, de la députée Caroline Janvier, dont nous débattrons lundi 6 mars prochain ; enfin, la proposition de loi visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne, du président Laurent Marcangeli, qui nous réunit aujourd'hui.
La présente proposition de loi, adoptée à l'unanimité par la commission des affaires culturelles, démontre qu'au moins un sujet nous rassemble tous dans cet hémicycle : nos enfants. Et je m'en réjouis !