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Intervention de Jean-Noël Barrot

Séance en hémicycle du jeudi 2 mars 2023 à 15h00
Instaurer une majorité numérique et lutter contre la haine en ligne — Article 2

Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications :

Le débat que nous abordons porte sur l'idée d'interdire purement et simplement l'accès de nos enfants aux réseaux sociaux en deçà d'un certain âge. Comme le rapporteur, le Gouvernement émettra sur cette proposition un avis défavorable, que je vais m'efforcer de vous expliquer.

D'abord, comme l'a dit le rapporteur, la présente proposition de loi a pour ambition de mieux accompagner les enfants. Je rappelle que les réseaux sociaux sont définis à l'article 1er comme toute « plateforme en ligne permettant aux utilisateurs finaux de se connecter ainsi que de communiquer entre eux, de partager des contenus et de découvrir d'autres utilisateurs et d'autres contenus, sur plusieurs appareils et, en particulier, au moyen de conversations en ligne, de publications, de vidéos et de recommandations. » Nous ne rejetons pas ces réseaux, ainsi définis, dans leur nature. Nous considérons, comme l'a noté le rapporteur, qu'ils peuvent, sous certaines conditions, être vecteurs d'échanges, de communication et de découverte du monde pour certains enfants. Notre vision – qui est aussi celle du règlement DSA, relatif aux services numériques – consiste à considérer que les réseaux sociaux doivent adapter leurs services aux mineurs et en particulier, comme le précise le règlement, proposer des interfaces adéquates et des paramètres adaptés, différents de ceux destinés aux majeurs.

Cette approche me semble équilibrée. En effet, si des plateformes telles que celles évoquées précédemment, du fait de leur modèle d'affaires, déploient aujourd'hui, avant l'application du DSA, des moyens très importants pour capter l'attention des mineurs au point de mettre parfois leur santé en danger, ce n'est pas le cas de tous les réseaux sociaux. On peut très bien imaginer des réseaux – il en existe – n'ayant pas pour modèle d'affaires l'attraction d'un maximum de publicité et n'ayant donc pas, au cœur de leur activité, l'objectif de capter le plus possible l'attention des enfants. À ce titre, ils ne méritent pas d'être interdits d'accès aux mineurs. Nous devons garder à l'esprit que nous dénonçons certaines pratiques des réseaux sociaux qui sont par ailleurs visées directement par le règlement européen, mais que nous ne visons pas – avec cette proposition de loi, en tout cas – la possibilité même pour les jeunes, grâce à des échanges passant par l'intermédiaire du numérique, de s'ouvrir sur les autres et sur le monde.

La seconde raison, c'est que nous avons foi dans l'autorité parentale. Choisir d'interdire aux mineurs de 15 ans l'accès aux réseaux sociaux – même momentanément, en attendant que les plateformes s'ajustent –, ce serait renoncer à l'idée que l'autorité parentale peut s'exercer dans ce domaine, que nous pouvons prendre nos enfants par la main pour les accompagner patiemment dans la découverte du numérique.

Je dirai donc que, d'une part, cette proposition de loi ne cible pas les réseaux sociaux mais vise à préserver les enfants de pratiques qui leur sont nuisibles et que, d'autre part, nous sommes confiants dans la capacité des parents à surmonter ces difficultés et à protéger leur enfant dans son cheminement dans l'espace numérique.

Nous voulons que les mineurs aient toujours la possibilité d'accéder à ces réseaux, sous réserve que leurs parents y consentent et que leur consentement exprès soit recueilli par les plateformes concernées.

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