Les photos partagées, les nudes par exemple, ces clichés dénudés, iront bien au-delà de leurs intentions, et bien au-delà de nos frontières. Les pièges se referment sur les jeunes et les entraînent dans la spirale infernale du manque de confiance en soi et d'atteinte à l'estime de soi. À un âge où la notion de vie privée et d'intimité reste floue, la diffusion de ces publications a des conséquences incalculables.
L'addiction aux réseaux sociaux met également en péril la santé physique des jeunes : ils font moins de sport, en partie en raison du temps qu'ils passent sur les écrans. Elle met aussi en danger leur santé mentale : certains voient leurs résultats scolaires se dégrader ; ils peuvent s'isoler et vivre dans un monde virtuel qui détériore leur état psychique et leur rapport aux autres. Il en résulte des risques accrus de développer des troubles psycho-sociaux, notamment des troubles de l'humeur et de l'anxiété, ou d'entrer dans de véritables spirales dépressives.
Enfin, les jeunes adeptes des réseaux sociaux sont influencés dans leur mode de vie : le recours grandissant des adolescents à la chirurgie esthétique en est le parfait exemple – et encore, nous n'en sommes qu'au début et n'en mesurons pas toutes les conséquences. Ce phénomène s'amplifie à grande vitesse. En effet, comment atteindre les standards de beauté dictés par les réseaux sans recourir de plus en plus tôt à la chirurgie esthétique – ces atteintes à des jeunes corps ou à des visages étant parfois le fait de non-professionnels ?
Les parents méconnaissent l'étendue des méfaits des réseaux sociaux. Eux-mêmes publient trop souvent des photos et des vidéos de leurs propres enfants, prenant le risque que ces images soient récupérées par des individus malveillants – quand ils n'agissent pas dans un but lucratif en tant qu'influenceurs. Le contrôle parental est la pierre angulaire, mais les parents ne sont pas toujours conscients des dangers. L'enfant, quant à lui, n'a pas la maturité et le discernement nécessaires. C'est souvent en grandissant que l'adolescent se sent en insécurité et demande de l'aide. Ses parents se trouvent alors démunis face à des usages numériques qui ont évolué trop rapidement pour qu'ils s'y soient adaptés ou pour qu'ils en comprennent les enjeux et les conséquences.
Il est donc urgent de revoir l'âge d'accès aux réseaux sociaux. En France, la majorité numérique à l'égard de ces réseaux est de 13 ans. C'est également l'âge fixé en théorie par des plateformes comme TikTok et Snapchat pour s'inscrire. Or cette règle n'est que symbolique, puisqu'en 2022, 62 % des moins de 13 ans possédaient un compte sur au moins un de ces réseaux. La loi « informatique et libertés » a déjà rehaussé la majorité numérique à 15 ans. La proposition de loi que défend le groupe Horizons et apparentés prévoit d'étendre cette mesure aux réseaux sociaux, afin de limiter leur utilisation aux plus de 15 ans, âge d'une forme de puberté numérique et, surtout, d'une plus grande maturité.
Le législateur doit désormais intervenir pour prévenir les risques primaires liés à l'utilisation de réseaux sociaux conçus pour retenir l'attention, mais aussi pour prévenir les risques secondaires, induits par des interactions avec d'autres utilisateurs : citons le cyberharcèlement, mais aussi le revenge porn, ou pornodivulgation, qui a pour seul but de partager publiquement, sans consentement, un contenu sexuellement explicite afin de se venger.
La proposition de loi va plus loin, et s'inscrit dans une dynamique de responsabilisation des plateformes. Elle renvoie la mise en œuvre du seuil d'âge et ses modalités d'application à un décret en Conseil d'État. Un amendement voté en commission confie à l'Arcom le soin de certifier les solutions techniques de vérification de l'âge et du consentement des titulaires de l'autorité parentale appliquées par les réseaux sociaux – étant entendu que ces derniers seront tenus d'utiliser lesdites solutions. De plus, la proposition de loi prévoit des obligations et des sanctions fortes à l'encontre des fournisseurs de réseaux sociaux en cas de manquement aux vérifications d'âge, ce à quoi s'ajoute l'instauration d'un délai de réponse aux réquisitions judiciaires. Les opérateurs de plateformes en ligne seront ainsi tenus de répondre aux réquisitions judiciaires, dans le cadre d'une enquête préliminaire ou d'une enquête de flagrance, dans un délai de quarante-huit heures. En l'absence de réponse, ils s'exposent à une amende ne pouvant excéder 1 % de leur chiffre d'affaires. La commission a amendé le texte en instaurant la possibilité, pour les parents, de demander la suppression du compte de leur enfant jusqu'à sa majorité civile.
Enfin, la proposition de loi est l'occasion de demander au Gouvernement un rapport présentant les conséquences des réseaux sociaux sur le bien-être et la santé mentale des jeunes, car les données restent encore très insuffisantes en la matière. La commission a également voté un amendement visant à solliciter auprès du Gouvernement la remise d'un rapport, dans un délai de six mois, concernant l'opportunité de fusionner les numéros nationaux 3020 et 3018, respectivement consacrés au harcèlement scolaire et au harcèlement en ligne, afin de gagner en visibilité – cela reste à étudier.
Pour le groupe Horizons et apparentés, l'enfant doit être au centre de ce combat, et doit être la seule boussole. C'est un enjeu primordial pour l'avenir de la jeunesse. Notre proposition de loi s'inscrit pleinement dans une politique de protection de l'enfance ambitieuse, indispensable pour que les jeunes grandissent dans de bonnes conditions. Il est donc urgent de s'emparer de ce problème à bras-le-corps. Je remercie donc le président Laurent Marcangeli d'avoir rédigé cette proposition de loi, que l'ensemble des députés du groupe Horizons et apparentés soutiennent, et qui a été votée à l'unanimité en commission.