La séance est ouverte à seize heures.
La commission procède à l'audition de M. Franck Chaumès, président de la branche restauration de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (UMIH), accompagné de Mme Julie Besse, directrice juridique.
Nous recevons cet après-midi M. Franck Chaumès, président de la branche restauration de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (UMIH), et Mme Julie Besse, directrice juridique.
La part des repas pris hors domicile est de plus en plus importante dans les habitudes alimentaires des Français. Ce constat a déjà été réalisé à l'occasion d'auditions précédentes. Nous avons donc souhaité approfondir ce point cet après-midi.
L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.
(M. Franck Chaumès et Mme Julie Besse prêtent serment.)
Merci de nous recevoir. La contribution à ces commissions est toujours un honneur pour une profession comme la nôtre qui se trouve en difficulté à l'heure actuelle. En ce qui concerne l'alimentation et la consommation d'aliments hors domicile, nous avons forcément notre avis à donner. Je déplore que le classement de la gastronomie française au niveau mondial se dégrade pour un ensemble de raisons assez connues. À l'heure actuelle, nous ne mettons pas suffisamment en valeur le travail de nos professionnels qui sont par ailleurs pourvoyeurs d'emplois.
Nous avons constaté que le chiffre d'affaires de la restauration rapide au niveau national depuis trois à quatre ans se trouve bien au-dessus du chiffre d'affaires de la restauration traditionnelle.
La restauration traditionnelle est pourvoyeuse d'emplois en embauchant presque deux fois plus de salariés que la restauration rapide pour le même chiffre d'affaires. Néanmoins, une nouvelle génération de restaurateurs s'oriente vers la deuxième option pour réduire ses risques. Quelque 44 % de dépôts de bilan supplémentaires ont été enregistrés en 2023, ce qui représente 7 200 établissements.
En comparaison d'autres filières, il nous est souvent reproché notre manque de collaboration. Or j'ai rendu visite la semaine dernière aux représentants de la filière du canard avec laquelle nous sommes solidaires. Je viens d'une région du Sud-Ouest dans laquelle les filières de l'ostréiculture et du vin sont très présentes. Nous défendons donc, dans la mesure du possible, les produits de notre pays, de notre région, même si notre situation financière est difficile.
Le Bordelais est limitrophe des Landes. Or je constate que la carotte des sables coûte 1,86 ou 1,87 euro le kilo et que la carotte espagnole coûte 1,24 euro ou 1,25 euro. Nous aimerions mettre en avant les producteurs locaux, mais, avec cette différence de prix colossale, nous ne nous sentons pas fautifs de ne pas le faire.
Il existe un autre style de restauration, la restauration bistronomique et gastronomique. Elle peut se permettre de tels achats car la tarification de ses menus est bien supérieure à celle des autres restaurants. Néanmoins, lorsque le secteur doit lutter contre la restauration rapide et ses prix assez bas, les restaurateurs sont dans l'obligation de faire attention à la tarification des produits. Nous en sommes désolés car nous aimerions au plus haut point aider nos confrères agriculteurs et leur travail remarquable. En tout état de cause, travailler avec des producteurs locaux mettrait en avant nos établissements.
Vous avez affirmé que la France régressait dans les classements mondiaux. À quels classements faites-vous référence ?
Au classement mondial de la gastronomie. Nous avons longtemps été premiers ou deuxièmes. Aujourd'hui l'Italie a pris la première place avec l'Asie en deuxième position. Certains classements nous positionnent troisièmes, d'autres neuvièmes. Je considère que le classement en troisième position est le plus réaliste. Toutefois, nous restons premiers sur le plan de l'exportation de la gastronomie haut de gamme aux États-Unis ou ailleurs.
Différents types de restauration existent : la restauration rapide et la restauration traditionnelle, laquelle représente 175 000 restaurants en France, dont 645 chefs étoilés. Ces derniers sont une vitrine remarquable pour notre pays, nous en sommes fiers et nous les remercions de porter haut et fort nos couleurs. Comme aux Jeux olympiques, l'élite joue, mais elle a besoin des clubs amateurs pour former ses futurs champions. Ces 175 000 restaurants traditionnels sont des pourvoyeurs d'emplois. Malheureusement, notre restauration périclite et fait face à des problèmes de personnel et des problèmes de rentabilité colossaux. En conséquence, la nouvelle génération de restaurateurs s'oriente naturellement vers les produits industriels et à juste titre. Des reproches sont adressés aux restaurateurs concernant leur usage de ces produits plutôt que du « fait maison ». Nous pourrions débattre à ce sujet, mais il est possible d'affirmer que ce choix n'est pas la volonté première du restaurateur. Dans une structure avec deux cents couverts et quatre ou cinq cuisiniers, si l'un des cuisiniers est absent, le travail peut être exceptionnellement reporté sur les autres. Mais la majorité des établissements comprennent entre quatre-vingts et cent couverts pour deux ou trois cuisiniers. Dans ce cas, si un chef est absent, le restaurateur peut faire face à un service une fois, deux fois, puis il fera appel à ces industriels qui vendront des produits déjà préparés à réchauffer avec un prix maîtrisé. – une entrée sera vendue à 2,42 euros du 1er janvier au 31 décembre.
Je suis restaurateur traditionnel depuis quatre générations, ce qui explique mon implication sur ces sujets. Je souhaite rendre à la profession ce qu'elle a donné à ma famille. Or je rencontre des difficultés pour motiver cette nouvelle génération malgré des profils brillants. Leurs efforts sont même plus fournis que dans les restaurants de notre génération, notamment en matière de scénographie, de décor, etc. Ils sont plus audacieux, mais ne prennent pas le risque de s'orienter vers la restauration traditionnelle faute de rentabilité et de personnel.
À cet instant, je n'ai peut-être pas de solution, mais le constat global est négatif. Si rien n'est fait pour contrer cette situation, la restauration française sera en mauvais état dans les années à venir.
Je précise ma question. À partir de quelles données ce classement est-il réalisé ? Prend-il en compte le nombre de restaurants ? Agrège-t-il un certain nombre de paramètres ?
Il prend en compte la qualité de la nourriture et l'accueil. Des personnes jugent les restaurants et chaque pays vote pour les autres pays. Une confédération se nommant la Tabula vote pour les professionnels.
Vous devez le savoir car ces chiffres sont annoncés par le Gouvernement. Le cabinet d'Olivia Grégoire nous a annoncé que nous étions troisièmes au classement mondial. De plus, l'ensemble des médias et des magazines spécialisés dans la restauration ont communiqué sur ces chiffres.
Concernant les denrées qui transitent par la restauration traditionnelle, avez-vous une estimation de la quantité provenant des productions françaises ? Existe-t-il des données agrégées ou des données sur les grandes familles d'aliments, notamment les fruits, les légumes, les viandes ?
Le syndicat ne dispose pas de ce type de chiffres. Nous savons néanmoins que la production française ne suffirait pas à elle seule à fournir tous les restaurants français. J'informe donc les agriculteurs locaux sur le fait que les restaurateurs ne pourraient pas utiliser uniquement leurs produits même s'ils le souhaitaient. De plus, les agriculteurs réalisent également des exportations, ce qui implique d'accepter des importations. J'échange à ce sujet avec les vignerons bordelais, par exemple, qui nous reprochent souvent de ne pas utiliser des produits locaux. Les exportations ne fonctionnent pas très bien actuellement, mais lorsque la dynamique était bonne, ils ne se souciaient pas de nous.
Nous devons évidemment nous soutenir les uns les autres car le constat évoqué est un échec pour l'ensemble des acteurs de la filière. Mais il est judicieux de noter que les chefs d'entreprise doivent également faire attention à leurs coûts dans une situation globale difficile.
Mes collègues et moi-même ne sommes pas forcément familiers de la manière dont fonctionne le système. Dans un restaurant traditionnel standard, comment se déroule l'approvisionnement en denrées principales ? De manière générale, un restaurateur sera-t-il amené à travailler directement avec les producteurs locaux ? Le restaurateur passera-t-il par des centrales ? Ces commandes sont-elles décidées pour l'année où par mois ?
Ma génération aime toucher le produit. Nous nous rendions donc au marché et rendions visite aux producteurs. Du reste, lorsque vous avez un producteur de légumes en face de vous, les prix se décident rapidement.
Ce métier est un métier de passion qui comprend beaucoup d'autodidactes. Toutefois, il nécessite de nombreuses compétences et demande à ceux qui s'y aventurent d'être gestionnaires, commerçants, cuisiniers, à l'accueil, RH, d'assurer les salaires. Les restaurateurs doivent exercer ce type de métier sans formation, car l'encadrement dans cette filière n'est pas suffisant. Nous avons obtenu il y a quelques années la création d'un permis de former pour pouvoir être restaurateur, mais ces mesures ne sont pas suffisantes, ce qui explique des dérives. Par exemple, le Bordelais comprend de nombreux châtelains dont les enfants n'ont pas réussi leurs études. Les parents investissent donc dans un restaurant ou un bar et ces enfants se proclament hauts restaurateurs ou cafetiers. Ce type de dynamique tire la profession vers le bas même si les restaurateurs ne sont pas responsables de cette situation. Ces personnes sont libres de devenir artisans, commerçants ou restaurateurs. Néanmoins, une plus grande fermeté sur l'acquisition des compétences fondamentales à l'exercice de ce métier semble nécessaire. En effet, ces personnes se retrouvent responsables d'une entreprise après avoir déposé leur capital social, s'être déclarées à la chambre de commerce du département, et doivent gérer de l'argent, des emprunts, etc. Des entrepreneurs courageux sont nécessaires dans notre pays mais l'encadrement de la profession n'est pas suffisant. La conséquence de cette situation est que les échecs sont nombreux.
En ce qui concerne l'approvisionnement, le temps consacré à cette activité s'est réduit. Je fais donc appel à des fournisseurs. Les magasins connus tels que Metro, Transgourmet ou Pomona sont souvent pointés du doigt. Or il s'agit uniquement de fournisseurs sollicités par les agriculteurs pour mutualiser leur approvisionnement. Pour le caviar d'Aquitaine par exemple, le producteur vend ses produits aux fournisseurs à des prix plus bas, mais ne se préoccupe plus des livraisons ou des visiteurs. Ces fournisseurs revendent ensuite ces produits.
Vous avez été critique à propos de la restauration rapide. Votre syndicat ne représente-t-il pas ce type de restauration ?
Ils font bien partie de notre syndicat et sont nombreux. Nous souhaitons même nous concentrer sur ces acteurs du milieu pour les encadrer. S'opposer à ces évolutions serait en effet une erreur de notre part. Je suis effectivement un représentant de la restauration hors domicile en général.
Des questions vous ont été posées sur les raisons du déclassement de la restauration française, ce qui intéresse également cette commission d'enquête. En effet, la souveraineté alimentaire prend également en compte la culture gastronomique française.
Vous avez évoqué l'avantage compétitif des importations dans vos approvisionnements. Avez-vous d'autres exemples à nous fournir à ce sujet ?
Vous avez également évoqué le développement d'enseignes spécialisées dans la restauration. L'effort d'achat de production française par les restaurateurs est-il valorisé ? Un magasin de la grande distribution peut réussir à valoriser cette provenance dans ses rayons, car les consommateurs français sont prêts à réaliser un effort supplémentaire pour acheter des productions françaises.
Nous aimerions bien évidemment valoriser cet effort et nous le faisons lorsque nous le pouvons. Si un restaurant utilise du porc noir de Bigorre, il l'indiquera sur sa carte. Une certaine catégorie de restauration peut se le permettre car le prix des cartes est plus élevé. En outre, les prix pratiqués à Paris sont beaucoup plus élevés qu'en province. Intégrer ce type de produit en province sera donc plus complexe au niveau financier. Si la provenance des produits n'est pas indiquée sur la carte, souvent la raison en est qu'elle n'est valorisante. Un restaurateur qui utilise du bœuf de Bazas, du Limousin, ou du Charolais, le mentionnera.
Sur ce point, le professionnel peut valoriser certaines provenances, mais il est également soumis à des obligations réglementaires d'affichage de l'origine des viandes. Cette dernière n'a pas de valeur particulière.
Vous nous affirmez que l'affichage de l'origine des viandes n'a donc pas un impact particulier sur le consommateur.
Cet affichage est effectué pour répondre à une obligation juridique. Il n'est pas spécialement destiné à être attractif.
Il ne garantit pas la qualité du plat. De même, un produit industriel n'est pas forcément plus mauvais qu'un mauvais plat « fait maison ». De grands chefs élaborent même certains de ces plats industriels. Nous ne sommes pas ici pour faire la promotion des plats industriels, mais il est judicieux de noter que le « fait maison » n'est pas la garantie de bien manger.
La valeur du travail n'est plus reconnue dans notre profession. Certains restaurateurs embaucheront dans leur cuisine huit, neuf ou dix personnes – ce qui est la moyenne des effectifs dans un restaurant en France – pour un bilan qui restera négatif. Quant à la nouvelle génération, elle a souvent fait des études et maîtrise ses coûts avec des tableaux Excel. Dans ces nouveaux restaurants, je me demande pourquoi les clients se lèvent pour aller chercher leur bière. Cette situation est inconcevable pour moi. Mais les nouvelles générations acceptent de se lever pour aller chercher une bière et seule une personne s'occupe de débarrasser les tables. Trois personnes au bar tirent des bières et un runner s'occupe de la salle. Ces restaurateurs gagnent plus d'argent que les restaurateurs plus traditionnels. Il est donc difficile de les convaincre de rejoindre la gastronomie traditionnelle qui pourtant constitue la valeur de la gastronomie française.
J'entends toutes ces difficultés. Néanmoins, je n'ai pas parfaitement compris si vous étiez pour ou contre le « fait maison ». Vous affirmez que de grandes chefs cuisinent des plats industriels. Il semble donc préférable que les restaurateurs utilisent des produits industriels français plutôt qu'un poulet ukrainien cuisiné maison.
Nous avons le même point de vue que les défenseurs du « non fait maison ». Nous préconisons tous une certaine transparence dans les assiettes. Nous avons uniquement expliqué au cabinet d'Olivia Grégoire et à vos collègues députés que nous souhaitions nous saisir des opportunités offertes par une telle transparence. Nous avons été une force de proposition. À l'UMIH, notre président confédéral, Thierry Marx, nous a toujours dit que nous devions apporter des solutions et ne pas nous limiter à émettre des critiques. Notre conseil d'administration a donc travaillé sur ces propositions.
Il y a six ans, j'ai pris rendez-vous avec M. Rousset à qui j'ai présenté certaines mesures inspirées des brasseurs. À une époque, les brasseurs alsaciens aidaient les entrepreneurs à monter leur établissement en leur donnant une enveloppe à fonds perdu sous réserve de justifier un certain niveau de production. Comme ces nouveaux brasseurs déclaraient des quantités toujours plus élevées que les quantités réellement produites, les brasseurs ont décidé de verser leurs aides en se fondant sur les quantités consommées.
La question qui se pose dans notre cas est de savoir si les aides versées aux producteurs locaux se répercutent sur le prix définitif. Les restaurateurs utilisent des bilans comptables qui répertorient les achats solides et les achats liquides. Ils peuvent se répartir en produits français ou régionaux et en produits internationaux. Dans ce cas, il n'est pas possible de tricher et, pour récompenser les restaurateurs vertueux, les autorités peuvent accorder une remise de fin d'année (RFA). Dans ce cas, elles encourageront concrètement les restaurateurs à acheter des produits français. La région m'a répondu qu'elle craignait que des enseignes comme McDonald's, qui peuvent également utiliser des produits locaux, ne mettent à mal les comptes publics. À l'heure actuelle, il ne faut pas se contenter de promesses et cette proposition me semblait intéressante car elle était réalisée sur la base du bilan comptable.
Je souhaite revenir sur l'étiquetage. Lorsqu'un restaurateur achète une carotte des sables par exemple, il ne peut pas le valoriser. Si l'acheteur peut faire valoir la provenance de son achat, il sera capable de réaliser un effort particulier dans ce sens. Pour les produits transformés, cette lisibilité se perd. Il serait donc judicieux de réaliser un effort sur la traçabilité de l'origine des aliments et non pas forcément sur des labels. Les labels comme le porc noir de Bigorre sont effectivement très chers et ne sont pas à la portée de tous les restaurants. Une réflexion peut être menée sur de nouvelles méthodes d'affichage qui permettraient peut-être à un restaurant d'obtenir un label d'origine France à partir du moment où un certain pourcentage de produits français est atteint. Une réflexion pourrait-elle être menée dans ce sens ?
Nos cartes sont très complexes et doivent répondre à un ensemble de normes telles que la signalisation des allergènes. Au-delà, mes restaurants sont à 100 % « fait maison » et à 100 % de vin de Bordeaux. Je l'ai mentionné sur mes cartes depuis 2010 pour donner l'exemple à mes adhérents. J'ai également expliqué à la presse que les restaurateurs devaient acheter au niveau local et collaborer avec les producteurs. Pourtant, malgré cette carte composée à 100 % de vins de Bordeaux, le Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB) ne vient pas dans mon établissement. Je continue néanmoins de créer ma carte de cette manière, mais ce constat est décourageant. Nous avons ce type de retours de la part des adhérents. Lorsque les exportations de vin étaient fortes, les vignerons ne se souciaient pas de nous, mais maintenant qu'elles vont mal, ils se plaignent de ne pas être mis en évidence sur nos cartes.
Je vous rejoins sur la valorisation des produits français. Je suis patriote et j'adhère aux produits locaux, mais il ne faut pas multiplier les labels. Notre profession doit avant tout se lever pour mettre à l'honneur les produits français et les produits de région.
Je suis également viticulteur et membre du CIVB. Nous avons d'ailleurs interrogé son premier vice-président dans cette commission d'enquête. Je ne commenterai pas ce que vous avez pu dire. Nous aurions d'ailleurs pu lui poser la question suivante : comment se fait-il que la Cité du vin, subventionnée par les impôts, organise des expositions sur la viticulture en Serbie ?
Ne serait-il pas temps de valoriser l'achat par les restaurateurs de produits 100 % français ? Je comprends toutefois qu'il existe un grand nombre de labels et que les consommateurs peuvent s'y perdre.
Bien évidemment, nous aimerions être acteurs d'une telle dynamique, mais elle ne pourra être initiée sans un avantage financier. La situation économique n'y est pas propice. Bénéficier d'une RFA encouragerait les restaurateurs à effectuer de tels efforts. Ils seraient alors plus enclins à acheter une carotte à 1,85 euro le kilo plutôt qu'à 1,29 euro. Si nous pouvons aider l'ensemble des acteurs français de la gastronomie, qu'il s'agisse des producteurs ou des restaurateurs, nous le ferons. Cependant, nous ne pourrons pas le faire sans avantage financier.
Disposez-vous d'un état de la situation des contrôles réalisés sur l'obligation d'affichage des viandes d'origine ? Savez-vous si cette obligation est respectée par la profession ?
Nous n'avons pas le choix et les amendes sont assez conséquentes. Je n'ai néanmoins pas de retour sur la régularité des contrôles. Les seuls retours que je peux vous communiquer à ce sujet concernent les cabinets d'hygiène, qui sont indépendants et réalisent aussi des audits. Un conflit d'intérêts est donc peut-être identifié. Socotec et l'Apave contrôlent les restaurateurs, mais ne sont pas des agents de l'État. Nous savons aussi que de nombreux contrôles d'hygiènes sont réalisés en ce moment.
J'ai une dernière qui question concerne les dark kitchens destinées uniquement à la livraison à domicile. Dans la loi Egalim 2, deux décrets devaient être pris concernant l'obligation d'affichage des origines. L'un d'entre eux a été pris, mais le second n'a pas été adopté pour être intégré au code de la consommation comme le prévoyait la loi. Cette modification fait suite à l'application d'un règlement européen. Ce type de restauration n'est donc pas soumis aux mêmes règles que les restaurateurs classiques. S'agit-il d'une difficulté ?
Nous déplorons bien évidemment ces différences de traitement. J'irai plus loin à ce sujet. Je combats les dark kitchens. L'état de la restauration française est dû à un ensemble dont fait partie l'ubérisation de la société. À l'heure actuelle, un chef d'entreprise comme moi embauche dix à douze personnes, quinze ou vingt l'été. À côté, il y a des gens que nous appelons dans la profession des « pédales à glacières ». Ils n'ont pas le droit de travailler, ils n'ont pas de permis sur le territoire. On parle de « Uber shit », bref, on voit où cela mène. Cet ensemble de difficultés qui s'ajoutent les unes aux autres dégrade les conditions de travail de la profession. Un certain ras-le-bol est donc exprimé.
Je me suis permis de dire à la filière du canard la semaine dernière qu'il fallait arrêter de favoriser l'ubérisation de la société. Nous ne pouvons agir les uns sans les autres. De même, la viticulture bordelaise doit aussi fréquenter nos restaurants afin d'initier un cercle vertueux.
En ce qui concerne l'ubérisation, vous n'évoquez que la partie relative à la livraison, avec laquelle la restauration traditionnelle travaille. J'ai déjà vu des restaurants traditionnels qui livraient par Uber Eats. Je ne comprends donc pas la difficulté que représentent ces livraisons pour la restauration.
Ce phénomène existait déjà mais s'est accru durant le covid. Les consommateurs exprimaient cette demande. Les restaurateurs faisant face à une baisse d'activité, ils estiment que la livraison est une solution sans avoir conscience du mal qu'ils font à la restauration française. Pour ma part, je me refuse à utiliser ce système. Les restaurants sont des lieux de vie permettant de créer du lien social. Le phénomène dénoncé est peut-être moins visible à Paris car la fréquentation est plus élevée. Cependant, le Parisien se fait aussi livrer au bureau et les établissements ne sont pas forcément aussi pleins qu'auparavant.
De plus, les sociétés profitant de l'ubérisation utilisent un moyen d'embauche hors-la-loi : les autoentrepreneurs. Un restaurateur dont le cuisinier est absent n'a pas le droit de faire appel à un autoentrepreneur, contrairement à ce qui est affirmé par certains membres du Gouvernement, mais les autorités ferment les yeux sur ces pratiques. Les conséquences sur la restauration française sont malheureusement visibles.
Ce que vous venez de dire n'entre pas dans le cadre de cette commission d'enquête. Il s'agit toutefois d'un sujet d'actualité traité entre autres par le journal Sud Ouest. Je partage vos questionnements sur ce point.
Organisiez-vous des débats structurés avec l'Association des maires de France ? En effet, un certain nombre de problèmes évoqués, notamment le développement de la restauration rapide, concerne une partie du territoire français en dehors des grandes villes. Cette partie de la France n'est pas encore concernée par l'ubérisation. Je viens moi-même d'un secteur constitué de villes moyennes et de villages, ce qui me permet de réaliser ce constat. Or, lors du développement des zones commerciales et industrielles dans ces villes moyennes, des chaînes de restauration rapide viennent s'agréger et je n'ai pas toujours le sentiment que votre profession réagit réellement. Dans certains cas, il me semble que si les corporations, les restaurateurs, l'UMIH avaient plus fait pression sur la municipalité, ils auraient pu empêcher l'ouverture de restaurants d'une chaîne très connue de restauration rapide. Je comprends donc le problème que vous posez et je partage votre point de vue à titre personnel. Il semblerait toutefois que le rapport de force ne soit pas suffisamment engagé par la profession auprès des élus locaux.
Je vous remercie de poser cette question car elle est pertinente. Nous n'avons pas de moyens d'agir dans un rapport de force. Les agriculteurs ou les taxis peuvent organiser des blocages, nous ne le pouvons pas. Bordeaux est la ville en France comptant le plus de restaurants par habitant, avec un restaurant pour 274 habitants. Dans ce classement, Paris se trouve à la huitième ou neuvième place, Nantes à la deuxième place, Lille à la troisième, Lyon à la quatrième. Néanmoins, pour nous, ce n'est pas une bonne chose. Je me suis donc confronté aux services de la mairie de Bordeaux en affirmant qu'il fallait trouver un moyen de stopper ces créations, notamment en faisant valoir le changement d'affectation des locaux. Ainsi, un magasin de vêtements ne pourrait pas devenir un restaurant. Un changement d'affectation dans le sens inverse est beaucoup moins fréquent car les propriétaires peuvent augmenter leurs loyers lorsque les locaux sont affectés à la restauration. Nous avons essayé de trouver des solutions juridiques avec Julie Besse. J'avais proposé à M. Juppé de ne pas octroyer les terrasses sur le domaine public, mais l'application d'une telle mesure n'était pas simple sur le plan juridique. La nouvelle mairie et la préfecture ont finalement réussi à définir un périmètre de sauvegarde pour trois ans afin de donner de l'air à la profession. Dans ce contexte, j'ai moi-même été vendeur d'un établissement à hauteur de 1,2 million d'euros. Des acheteurs potentiels se sont présentés, mais ont finalement décidé de racheter un fourreur dans la même rue pour 600 000 euros. Ils ont donc économisé la moitié du montant puis ont réalisé 200 000 euros de travaux et leur établissement a finalement coûté 800 000 euros. Il s'agit d'un exemple type des situations auxquelles nous sommes confrontés.
Nous alertons les mairies à ce sujet et nous avons créé une commission ruralité afin de prendre contact avec les maires de France. J'ai été interrogé vendredi par le maire de Villenave-d'Ornon, en Gironde, qui déplore l'absence de restauration traditionnelle dans son centre-ville. Un cahier des charges a été publié mais la municipalité ne reçoit que des offres de restauration rapide. La mairie Villenave-d'Ornon est donc sur le point d'acheter des locaux aux promoteurs et de les donner à un professionnel pour en faire une brasserie traditionnelle.
Ce que vous affirmez rejoint mon ressenti. Selon moi, des actions doivent être mises en œuvre auprès des maires. Il s'agit d'une généralisation et certains maires sont certainement plus attentifs à ces problématiques. Mais beaucoup se laissent aller à la facilité lors de la création d'une extension de zone dans les villes moyennes. La profession doit travailler auprès de l'Association des maires de France pour convaincre un certain nombre de maires.
Nous nous engageons sur ce sujet. Vous avez pressenti notre volonté de sensibiliser les maires de France. Par ailleurs, ces problématiques comprennent également les chaînes de restaurations telles que Courtepaille, Del Arte, etc. La profession a la sensation que le métier n'est plus valorisé.
Je souhaite aussi souligner que la restauration rapide bénéficie d'une TVA à 10 % alors qu'elle n'est pas pourvoyeuse d'emplois. Les restaurants traditionnels le sont, mais se voient appliquer une TVA à 20 %.
Ma circonscription de l'Aube comprend des vignobles, de la terre agricole et la grande agglomération de Troyes. Ma première question concerne la restauration rapide. J'ai connu un centre-ville et une agglomération comme il est possible d'en trouver partout en France. Quel est le rôle historique joué par l'UMIH lorsqu'elle a vu se multiplier les chaînes de restauration rapide ? Il y a vingt ans, le centre-ville comprenait seulement une chaîne de restauration rapide américaine et une chaîne de restauration rapide française.
Ma réponse sera honnête : nous n'avons pas anticipé cette évolution. Ces nouveaux acteurs sont arrivés dans un secteur où la restauration traditionnelle était à l'aise. Notre profession allait bien, mais ils se sont développés très rapidement. En outre, nous n'avons aucun pouvoir à ce sujet. Nous ne pouvons que constater cette évolution.
Il est possible de faire un parallèle avec les logements Airbnb. Nous avions alerté la mairie à ce sujet et Bordeaux a mis en place un logiciel de tracking pour les limiter. Mais ces mesures sont paradoxales car la mairie bénéficie de la taxe de séjour. En tout état de cause, nous nous demandons ce qu'attendent les autorités pour réglementer à ce sujet. Faut-il un mort dans un Airbnb pour prendre conscience que seuls les hôteliers appliquent des règles de sécurité pour le feu et l'évacuation, entre autres ?
De même, en ce qui concerne le sujet traité aujourd'hui, nous vous alertons sur le fait que l'ubérisation risque d'avoir un impact négatif sur la restauration traditionnelle.
Au-delà de l'ubérisation, l'une des problématiques soulevées par ces sujets est l'uniformisation. À présent, lorsque nous nous rendons dans n'importe quel centre-ville de France, nous retrouvons toujours la même zone avec les mêmes chaînes. Le parallèle est également possible avec les supermarchés et les hypermarchés qui se sont développés dans les agglomérations. L'UMIH et d'autres syndicats ont joué un rôle dans la dénonciation et la limitation de ces développements. Par conséquent, préconisez-vous que les politiques publiques adoptent des règles d'encadrement par territoire, par département et par nombre d'habitants de l'implantation de ces chaînes de restauration ? Que préconise votre syndicat à ce sujet ? Je comprends que vous n'ayez pas de pouvoir sur le terrain, mais vous avez le pouvoir de donner votre avis au législateur.
Il serait possible de mettre en place un numerus clausus comme pour les pharmacies. Une telle mesure semble évidemment utopique. Je dois vous dire qu'une telle situation me rend triste, notamment au regard de la tradition de ma famille dans la restauration. Nous sommes donc prêts à travailler afin de trouver des solutions en collaboration avec les membres du Gouvernement.
Afin de recentrer le sujet de ce débat sur le thème de cette commission d'enquête, je souhaite vous poser une question sur les normes dans la restauration de manière générale. Certains restaurateurs travaillent bien avec des producteurs ou des chasseurs locaux. Selon vous, certaines normes seraient-elles à l'origine de blocages dans l'utilisation des produits locaux, ce qui orienterait le restaurateur vers des produits industriels ?
Ce ne sont pas les normes, mais la provenance des produits qui orientent le restaurateur. De plus, le consommateur demande certains produits et tend à s'orienter vers la restauration rapide. À l'origine, la restauration traditionnelle ne cuisinait pas de hamburgers, mais elle a fini par répondre à une forte demande. Les restaurateurs sont obligés de s'adapter aux consommateurs. Je ne suis pas un défenseur des fournisseurs, mais je souhaite clarifier leur position : ce sont des rassembleurs. Ils sont responsables de la logistique de tout un panel de producteurs. La moitié des restaurants étoilés se rendent dans ces établissements, car des chefs de rayons y travaillent dont le rôle est de procurer des produits aux chefs. Ces établissements sont également partenaires des émissions comme « Top Chef ».
En ce qui concerne la viande halal, les restaurants qui utilisent ce type de produit en informent-ils suffisamment bien les consommateurs ? Disposez-vous des chiffres en ce qui concerne la consommation de viande halal de manière générale dans la restauration française ?
Je suis incapable de répondre à cette question. Ce sujet n'est pas primordial au sein de notre syndicat.
En ce qui concerne la consommation d'alcool dans la restauration, pourriez-vous nous communiquer la part de l'alcool importé ?
Non. Nous savons uniquement que le chiffre d'affaires généré par le vin dans la restauration traditionnelle représente entre 9 % et 11 % de l'addition. La consommation d'alcool est en baisse, ce qui est dû à un ensemble de campagnes.
Je possède une affaire dans un jardin public à Bordeaux. Elle ouvre lorsque le jardin est ouvert et ferme à vingt ou vingt et une heures. Elle ne peut donc réaliser un service du soir et ne vend quasiment pas de vin. Les clients consomment de moins en moins de vin à midi.
J'en viens à des sujets locaux, car je suis député de la Côte des Bar et du vignoble champenois. La part du champagne est-elle en baisse dans la restauration française ?
Oui, elle est en forte baisse. Vous pouvez peut-être le constater dans votre département. De nos jours, les principaux consommateurs sont les jeunes et ils souhaitent avant tout du volume. Les brasseurs ont rencontré des difficultés il y a une dizaine d'années avec la création de l' afterwork. Aux États-Unis, en sortant du travail, les gens buvaient un verre de vin. Lorsque cette pratique est arrivée dans notre pays, elle a créé un certain engouement et la consommation de bière a fortement régressé. Mais les brasseurs ont su se réinventer en créant des bières aromatisées. De plus, les jeunes consomment des volumes plus importants et boivent des pintes plutôt que des 25 centilitres. À cet environnement s'ajoutent les brasseurs locaux qui viennent concurrencer les autres acteurs du secteur. Je me suis entretenu avec les maîtres brasseurs de France lors du salon de l'agriculture. Ils m'affirment que les micro-brasseries n'ont pas réellement d'impact. J'en doute, car leur nombre est très important. Certains particuliers créent même des micro-brasseries dans leur garage et la région bordelaise comprend un grand nombre de marques de bières différentes produisant en petits volumes. Des restaurateurs proposent des panels de vingt à trente bières différentes à leur carte. Bref, la bière a fortement progressé au détriment du champagne et du vin.
Nous avons évoqué l'attractivité de la profession. Or il existe en France des déserts de restauration artisanale dans la ruralité. On voit de nombreuses tentatives de lancement de restaurant dans les petits villages. Parfois, les maires ou les élus locaux essaient de louer un local afin de créer un multiservice assurant un service de bar, de restauration, de dépôt de colis, etc. Avez-vous des propositions de politique publique permettant d'assurer une meilleure offre de restauration dans les petits villages ? Dans mon département, certains restaurateurs font le choix de fermer l'hiver car les charges sont trop importantes. Quelles sont les propositions concrètes de votre syndicat pour contrevenir à ce type de situation ?
Nous venons de créer une commission ruralité, car nous avons pris conscience de cette désertification dans nos villages. Nous revenons à la dimension économique. Un cafetier dans un village doit pouvoir vivre de son métier. Or, à ce jour, il se trouve en dessous du seuil de pauvreté. Ces difficultés expliquent que les restaurants deviennent des dépôts de pains et s'ouvrent à d'autres activités. Il faut d'ailleurs l'encourager. Dans cette optique, nous nous sommes rapprochés de la Confédération des buralistes pour tenter de trouver des solutions et motiver des chefs d'entreprise à s'installer en ruralité.
Il existe également un deuxième facteur. Dans ces zones, les jeunes boivent dans les bars, puis se tuent sur les routes. Le nombre d'accidents est plus élevé. Dans une grande ville, les clients vont dormir chez un ami ou utilisent les transports en commun. Des solutions existent, mais un certain nombre de problèmes empêchent donc les chefs d'entreprise de s'installer en ruralité. En tout état de cause, nous devons nous rapprocher de l'Association des maires de France pour les sensibiliser sur ces sujets. Un restaurateur n'achètera pas un fonds de commerce en ruralité, car, en s'y installant, il rend presque un service à la population. Les mairies doivent pouvoir mettre à disposition un établissement. Cependant, nous ne pourrons être les seuls à faire des propositions et nous devrons nous unir avec le boulanger, les cafetiers, etc.
Vous avez évoqué les fonds de commerce, ce qui soulève également la question des murs. Dans mon secteur, des fonds de commerce sont à vendre à 80 kilomètres de Troyes. Le chef d'entreprise peut choisir de racheter le fonds de commerce et prendre un risque, mais s'il doit racheter les murs, il peut se mettre en difficulté. Dans ce cas, le fait que la mairie soit propriétaire des murs enlève un risque et permet de redonner une certaine attractivité à ces lieux.
Nous constatons avec cette commission d'enquête que certains textes votés au Parlement européen visent à une décroissance, comme le Green Deal ou des textes sur la production. Êtes-vous inquiet d'avoir à travailler dans un avenir proche avec plus de produits importés et moins de produits de France ou d'Europe ?
Nos inquiétudes sont plus formulées dans une optique patriotique. Nous serions évidemment désolés de ne pouvoir acheter que des produits importés. J'espère néanmoins que nous en sommes très loin. Cependant, sans importations, nous ne pouvons nourrir la totalité de la population française.
Vous avez évoqué le lobbying anti-alcool qui peut nuire aux produits locaux, notamment la bière locale ou le champagne. Je peux aussi évoquer le lobbying anti-viande et anti-foie gras qui existe dans notre pays et qui favorise une vision liberticide de la production, même si un grand nombre de normes permettent de créer des produits de qualité. Ce type de pratique inquiète-t-il votre syndicat ?
De toute évidence, nous en sommes inquiets car, souvent, ces revendications ne sont pas justifiées. Nous avons par exemple contesté la présentation d'une étude affirmant que la restauration française comprenait de 55 % à 60 % de « non fait maison ». Ces annonces sont souvent réalisées sans preuve. À l'heure actuelle, nous pouvons constater que deux types de consommateurs s'opposent, les consommateurs se concentrant sur le bien-être et les consommateurs plus épicuriens.
Nous avons eu des échanges avec la filière du canard. Le créateur du magret de canard est André Daguin, membre de l'UMIH. Les dégustations étaient vieillissantes et ne proposaient que des produits gras. La filière a donc réalisé une campagne de communication pour les jeunes afin de moderniser l'image de ce produit. Je l'en ai félicitée. L'UMIH doit également se moderniser sur certains aspects tout en gardant ses valeurs.
Afin de répondre à votre question sur l'alcool, je peux vous indiquer que l'alcool vendu dans les cafés, hôtels, restaurants et discothèques représente environ 10 % de l'alcool vendu en France, parmi les plus chers, par une profession qui est encadrée, formée et réglementée.
Il est souvent reproché aux restaurants de réaliser une marge importante sur les vins. Nous avons compris que deux mondes, les viticulteurs bordelais et les restaurants, doivent être réconciliés. Toutefois, certaines bouteilles sont vendues 25 euros en restaurant alors qu'elles coûtent 6 ou 7 euros à la propriété. Comment l'expliquez-vous ?
Plusieurs intermédiaires existent entre le viticulteur et le restaurateur. Pour les vins de Bordeaux, il faut compter au minimum deux intermédiaires. Cependant, ce que vous affirmez est vrai et nous en avons pris conscience depuis quelques années. Dans mes établissements, je refusais d'appliquer un droit de bouchon supérieur à 15 euros. J'appliquais donc un barème en fonction du prix des bouteilles. À n'en pas douter, le consommateur continue néanmoins de décider. La bière est donc très présente à table et nous sommes obligés de nous adapter à la demande.
Dans la chaîne de distribution, il existe un ou deux intermédiaires. De manière générale, un viticulteur va vendre son vin à un grossiste qui prélèvera 20 % sur le prix de la bouteille. Vous évoquez également le comportement du consommateur. Or cette marge prélevée sur le vin a aussi un impact sur le consommateur. Dans ce cas, la bière coûte moins cher que le vin.
Vous avez en partie raison. La consommation est de plus en plus réduite. Je vous en ai déjà expliqué les raisons. Concernant les vins, les restaurateurs sont toutefois plus responsables. Les vins se trouvent dans la grande distribution et sont vendus dans des foires aux vins. Par conséquent, les consommateurs connaissent les prix du vin et les restaurateurs savent qu'ils peuvent être montrés du doigt. Néanmoins, il faut comprendre qu'il s'agit du seul produit sur lequel les restaurateurs gagnent leur vie. La partie alimentaire n'est pas rentable. Il ne reste que 1 % pour vivre aux restaurateurs sur leur compte d'exploitation à la fin du mois. Je peux vous affirmer que la profession va très mal. Des solutions économiques doivent être trouvées. Dans le cas contraire, rien ne pourra être fait. Nous ne pourrons que constater la fermeture de plus en plus d'affaires.
Je suis élu en Dordogne, à Bergerac, et nos restaurateurs essaient de tirer leur épingle du jeu en proposant des produits de qualité. Des chaînes de restauration se sont installées en périphérie dans les grands centres commerciaux et elles se concentrent sur le volume. Or les consommateurs estiment maintenant que le volume est signe de qualité.
Je souhaiterais évoquer l'émission « Cauchemar en cuisine ». Ce type d'émission ne tire-t-elle pas une balle dans le pied de la profession qui se trouve déjà en grande difficulté ? La fermeture des grandes chaînes de restauration intervient dans le plus grand des silences. Et, lorsque les restaurateurs traditionnels essaient de sortir la tête de l'eau, cette tentative se fait malheureusement à grand bruit.
Je connais très bien Philippe Etchebest. Nous n'abordons pas ce type de sujet. Cependant, vous avez raison d'affirmer que ces émissions ne font pas la promotion de notre métier. Au-delà, les émissions comme « Top Chef » ont créé 66 millions de critiques culinaires. Seule une infime minorité de restaurateurs prépare des plats de mauvaise qualité, mais les consommateurs sont de plus en plus exigeants. Les réseaux sociaux exercent également une influence sur ce point. De plus, je suis issu de la salle et nous n'avons pas réussi à trouver une émission qui mettrait en valeur le service, car ce métier n'est pas divertissant.
Merci pour ces échanges intéressants qui se trouvaient parfois à la lisière de la commission d'enquête.
La commission procède à l'audition de Mme Carole Ly, directrice de l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO).
Nous recevons pour la seconde audition de la journée Mme Carole Ly, directrice de l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO). Je rappelle que l'INAO est un établissement public à caractère administratif placé sous la tutelle du ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Par son ancienneté et son extrême diversité, le régime français des appellations d'origines et de qualité est sans équivalent dans le monde. Une grande partie de la valeur ajoutée de la production agricole et agroalimentaire en dépend. Sa protection face à la fraude et à la contrefaçon est un enjeu économique et culturel important. Il nous a donc semblé que cette audition complétait bien celle réalisée avec l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (UMIH).
L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.
(Mme Carole Ly prête serment.)
Merci de nous donner l'opportunité de présenter l'INAO et la politique d'identification des signes officiels de qualité et d'origine qu'il porte. Comme vous l'avez affirmé, l'INAO est une très vieille institution qui date de 1936 dans sa forme ancienne. Sa création est issue des grandes manifestations viticoles du début du XXe siècle, durant lesquelles le sujet de la fraude et de la contrefaçon avait émergé. Il ne s'agissait pas à l'époque de vraies appellations, mais plutôt des produits portant l'identité d'un certain nombre d'origines en France.
À ce jour, l'INAO est un établissement placé sous la tutelle du ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire qui est chargé de conduire la politique des signes d'identification de la qualité et de l'origine (SIQO). Elle comprend plusieurs types de signes dont les appellations d'origine protégées (AOP), les indications géographiques protégées (IGP), le Label rouge, qui est un signe français à 100 %, les spécialités traditionnelles garanties (STG) qui protègent les recettes et l'agriculture biologique pour une partie de ses missions.
L'INAO a trois missions qui lui sont confiées par le code rural dans ses articles L. 642-5 et L. 644-9-1. La première mission est la reconnaissance et le suivi des cahiers des charges qui sont relatifs aux signes d'identification de la qualité et de l'origine. Derrière chaque signe, il existe un cahier des charges qui définit les conditions de production et l'origine précise des produits. Il garantit le caractère typique du produit et son origine dans le domaine des AOP et des IGP. Il pourra aussi garantir sa qualité supérieure dans le cas du Label rouge ou sa recette dans le cas des STG. Dans le cas de l'agriculture biologique, le cahier des charges sera européen et garantira les modes de production de ce type d'agriculture. Nous avons à l'heure actuelle plus de 1 100 cahiers des charges en France et l'INAO est chargé d'en assurer le suivi, car ils évoluent régulièrement. Tout un travail de reconnaissance de ces produits a lieu même, si la majorité de son activité concerne davantage des modifications de cahier des charges que de nouvelles reconnaissances. Afin de vous donner un ordre d'idée, l'année dernière, nous avons reconnu, soit au niveau national, soit au niveau européen, vingt et un nouveaux produits par rapport aux 1 100 existants.
Sa deuxième mission porte sur l'organisation des contrôles, car les SIQO reposent sur des cahiers des charges transparents donnant lieu à des contrôles. L'INAO ne procède pas directement aux contrôles mais agrée des organismes certificateurs qui réaliseront ces contrôles. L'INAO vérifie que ces organismes effectuent correctement leur travail et organise tout le système de contrôle, c'est-à-dire les points à contrôler, la fréquence des contrôles, les sanctions après chaque manquement. Il peut retirer les agréments si ce travail n'est pas réalisé correctement.
Sa troisième mission est une mission de protection contre la fraude sur le plan national et le plan international, sachant que l'INAO travaille avec l'Institut national de la propriété industrielle (INPI). Un travail a lieu auprès de marques qui tentent d'usurper ou d'utiliser la notoriété de certains SIQO à leur avantage. L'INPI est ainsi en charge des marques et peut par exemple s'opposer, sur proposition de l'INAO, à l'enregistrement d'un certain nombre de marques qui porteraient atteinte aux SIQO. Ce travail va néanmoins bien au-delà et peut se traduire par des procédures civiles ou pénales selon les cas. L'INAO travaille également au niveau international avec des cabinets d'avocats, mais aussi des autorités des différents pays pour faire en sorte que les SIQO français soient protégés à l'étranger. Il est possible d'intenter un certain nombre d'actions dans ce but.
L'INAO communique également afin de faire connaître cette politique. Celle-ci a un poids économique relativement important : nous estimons que, hors agriculture biologique, un tiers des exploitations agricoles sont engagées au moins sous un des signes d'identification de la qualité et de l'origine. Elle génère environ 42 milliards d'euros par an en incluant l'agriculture biologique, soit à peu près 20 % du chiffre d'affaires de l'agriculture française. Il s'agit donc d'un élément essentiel pour créer de la valeur au sein d'une exploitation agricole même si l'entièreté de l'exploitation agricole n'est pas forcément consacrée à la production dudit SIQO.
Il s'agit également d'une politique très importante par son impact territorial. Nous savons que dans plusieurs régions, par exemple le Massif central, sans un certain nombre de SIQO de productions fromagères entre autres, des territoires auraient relativement peu d'agriculteurs. Ces productions génèrent une véritable valeur ajoutée à l'échelle territoriale. On peut aussi citer le comté dans les régions jurassiennes. Et dans certaines régions viticoles, la vigne étant une production qui pousse sur des terrains relativement arides, il serait difficile de trouver d'autres productions agricoles générant autant de valeur ajoutée.
Cette politique fonctionne relativement bien, même si une très grande hétérogénéité existe dans la valeur ajoutée d'un produit à un autre. Il est difficile de comparer une appellation viticole bordelaise avec un grand cru bourguignon. Toutefois, globalement, cette politique génère bien de la valeur à l'échelle des exploitations, à l'échelle territoriale et à l'échelle des filières – les exploitations agricoles sont beaucoup évoquées mais il existe aussi des entreprises consacrées à des produits transformés qui sont impliquées et qui tirent de la valeur de cette politique.
Une originalité de cette politique est qu'elle est complètement cogérée avec des représentants professionnels. L'INAO se targue d'une gouvernance assez unique dans le monde agricole. Il est piloté par un conseil permanent constitué de professionnels, eux-mêmes engagés dans les signes, nommés par l'État, et d'un président, Philippe Brisebarre, producteur viticole en Vouvray. Ce professionnel est nommé pour un mandat de cinq ans. Le conseil permanent définit les grandes orientations de l'INAO. Il vote son budget, qui s'élève à 25 millions d'euros. Notons que cet établissement ne coûte pas très cher au regard de la valeur créée qui s'élève à 42 milliards d'euros. Derrière ce conseil permanent se trouvent des comités, eux-mêmes constitués de professionnels et répartis par signes : un comité IPG viticole, un comité AOP agroalimentaire, un comité Label rouge IGP STG, un comité agriculture biologique. Enfin, un conseil également constitué de professionnels régit des règles de contrôle qui sont transversales. Ainsi, les professionnels décident réellement des orientations qu'ils souhaitent donner à cette politique. Dans ce but, chaque cahier des charges, à l'exception de l'agriculture biologique, est géré au niveau local par un organisme de défense et de gestion, c'est-à-dire un groupement. Par exemple, dans le domaine viticole, il peut s'agir d'exploitants viticoles. Dans les autres SIQO, les groupements impliquent à la fois des exploitants et des industriels. Ces groupements sont chargés de gérer les cahiers des charges et de faire vivre le signe, de s'impliquer en matière de promotion et de protection. L'INAO intervient en appui de ces organismes de défense et de gestion (ODG), à la fois pour les aider à faire reconnaître un produit, à faire évoluer un cahier des charges ou en matière de protection afin d'agir contre la fraude.
En quoi le travail de l'INAO contribue-t-il ou ne contribue-t-il pas à la souveraineté alimentaire ? Vous êtes un établissement public qui est maintenant placé sous la tutelle d'un ministère auquel la dénomination « souveraineté alimentaire » a été ajoutée officiellement en 2022. Quel est le lien entre le travail de l'INAO, qui précède très largement dans le temps l'apparition de cette notion, et la souveraineté alimentaire ?
Dans un premier temps, ma réponse sera négative. Cette politique a un objectif de segmentation. Pour créer de la valeur, il faut pouvoir segmenter. L'objectif n'est donc pas que l'agriculture française soit à 100 % sous des signes d'identification de la qualité et de l'origine. D'ailleurs, selon les filières, les pourcentages peuvent être très réduits ou au contraire très importants, atteignant 90 % dans le domaine du vin. Pour les fromages, par exemple, 17 % des produits sont sous SIQO.
Dans un second temps, ma réponse sera positive, car ces SIQO ancrent l'agriculture dans un certain nombre de territoires qui, sans ces signes, accueilleraient moins d'activité agricole. Cette politique de valorisation permet donc de créer une sorte de compétitivité hors prix et d'assurer le maintien de l'agriculture dans ces zones. D'autre part, en termes de souveraineté, cette politique crée également de la valeur sur la filière, notamment au niveau des entreprises. Une entreprise laitière qui dispose d'un ensemble de produits avec une part de son chiffre d'affaires basé sur les SIQO générera davantage de marge sur ces SIQO, ce qui contribue globalement à lui assurer une certaine souveraineté alimentaire.
Vous avez affirmé que pour l'agriculture biologique, le cahier des charges est européen. Or j'ai entendu dans le cadre de cette commission d'enquête différents acteurs qui ont répété à plusieurs reprises que le bio français n'est pas identique au bio produit dans d'autres pays. Comment fonctionne ce cahier des charges de l'agriculture biologique au niveau français, européen et international ? Les propos tenus au cours des auditions étaient contradictoires et confus à ce sujet.
Je vous confirme que le cahier des charges est européen. Ce cahier des charges de l'agriculture biologique pose un certain nombre de principes quant au respect des cycles naturels, au bien-être animal, à l'absence d'usage de produits de synthèse, et il entre dans les détails en fonction du type de produit concerné. Il est totalement uniforme au niveau européen. La situation diffère seulement au niveau international. Dans ce cas, des systèmes d'équivalence en matière d'agriculture biologique sont négociés avec des pays ou des groupes de pays. Globalement, 80 % des produits biologiques consommés en France sont d'origine française. Ensuite, la question qui se pose est la manière dont ce règlement est appliqué. En effet, il ne définira pas l'ensemble des règles dans les microdétails. Un certain nombre de questions peuvent se poser et nécessitent que chaque pays, en fonction de son organisation, établisse ses règles de mise en œuvre du règlement. En France, nous avons un guide de lecture qui est écrit en fonction des questions posées par les organismes certificateurs, par exemple. Comment cette règle sera-t-elle contrôlée ? Quels sont les seuils de contamination dans le bio ? Que signifie le seuil de contamination ? Quel type de produit puis-je utiliser pour correspondre au principe du bio ? Ce travail est réalisé pays par pays. Par conséquent, peut-être qu'en France certains acteurs du monde de l'agriculture biologique sont plus puristes que dans un certain nombre d'autres pays. En tout état de cause, la Commission européenne réalise des contrôles et des audits réguliers qui sont censés harmoniser les règles de mise en œuvre du règlement sur l'agriculture biologique.
Le système d'équivalence avec les pays tiers est organisé par la Commission européenne. Il existe un cahier des charges uniformisé au niveau de l'Union européenne. Les critiques exprimées portent donc plutôt sur les pays tiers.
En effet, le système d'équivalence est véritablement une mission de la Commission européenne. Dans ce cas, le ministère est en relation avec la Commission européenne. L'INAO, quant à lui, s'occupe uniquement des acteurs français. Des différences minimes peuvent exister au niveau de l'interprétation, mais elles sont marginales.
Quels sont les produits alimentaires français sur lesquels le plus de fraudes sont détectées ?
Plus les produits sont rentables, plus les risques de fraude sont grands. Des produits comme le champagne, le cognac, le bordeaux, sont sujets à des fraudes plus importantes. Toutefois, les produits créateurs de valeur sont protégés par des ODG qui sont capables de se défendre et qui sont appuyés par l'INAO. De même, les produits qui s'exportent seront également sujets à des tentatives de fraudes plus nombreuses au niveau international.
Vous avez essentiellement cité des spiritueux. Auriez-vous des exemples de produits alimentaires ?
Je peux vous citer le comté. Ce produit est une réussite mais peut être le sujet de fraudes. Afin de lutter contre ces pratiques, nous intervenons lors des contentieux et nous utilisons la réglementation existante. En revanche, le ministère intervient souvent en lien avec la Commission européenne, soit dans le cadre d'accords de libre-échange, soit dans le cadre d'accords plus globaux, pour protéger les produits et assurer un cadre réglementaire international qui permette de protéger les appellations.
Lors des auditions précédentes, nous avons évoqué l'utilisation de la signalétique « bleu, blanc, rouge » par des acteurs étrangers, que certains considèrent comme abusive. Ce cas concerne également certains acteurs français qui s'approvisionnent à l'étranger et font croire au consommateur que la chaîne de production des aliments se trouve en France. Ce débat est-il évoqué au sein de l'INAO ? La signalétique « bleu, blanc, rouge » pose-t-elle réellement problème ou les cas évoqués sont-ils marginaux ? Des réflexions sont-elles en cours afin d'améliorer la réglementation à ce sujet en France ?
Les SIQO utilisent des logos. Un logo AOP ou un logo IGP est forcément français car il signale une origine particulière dont la précision va parfois jusqu'à la parcelle. Par conséquent, les contrefaçons qui existent portent sur l'utilisation de ces logos. Les copies concernent davantage les noms d'appellation que l'usage de la signalétique « bleu, blanc, rouge ». En outre, les principaux problèmes rencontrés sur ce point concernent la France. Par exemple, des opérateurs qui ont été exclus d'un ODG car ils ne respectaient pas le cahier des charges vont tenter d'utiliser le logo ou le nom de l'appellation. Ce qui constitue la valeur de l'appellation est son nom, la typicité du produit, ce qui se trouve derrière le produit.
Vous avez indiqué que le budget de l'INAO est de 25 millions d'euros. Quelle est l'évolution de ce budget au cours des dernières années ?
Le budget de l'INAO est relativement stable. Il est composé à 70 % d'une subvention de l'État, donc du ministère de l'agriculture, et à 30 % de droits payés par les professionnels. Cette deuxième partie a légèrement augmenté car le volume des produits commercialisés sous SIQO a augmenté. De plus, au fil des années, l'INAO a récupéré le Label rouge, l'agriculture biologique, etc. Progressivement, la part des droits a donc augmenté, mais le budget reste relativement stable. Du reste, cette stabilité peut poser question car les coûts de l'INAO augmentent avec l'inflation.
Le budget de l'INAO est consacré à 74 % aux salaires. Le reste est utilisé pour le fonctionnement de l'établissement et la protection, notamment la protection internationale.
En 2013, un projet de fermeture d'un certain nombre de bureaux de l'INAO a été initié. S'est-il réalisé ? Comment expliquez-vous ce projet ?
Effectivement, une réforme de l'organisation de l'INAO a été initiée en 2015. Ce projet s'est réalisé. À l'heure actuelle, l'INAO est composé de vingt-deux sites, partout en France, regroupés au sein de huit délégations territoriales avec l'objectif de se trouver au plus proche des ODG. Au fil des années, un certain nombre de moyens de communication se sont développés et la transversalité du travail s'est accentuée. La réforme de 2015 avait pour objectif d'accroître l'efficacité et le pilotage de cette politique au niveau français. Depuis 2015, aucune nouvelle réforme n'est intervenue.
Une partie du budget est orientée vers la communication de votre établissement. Comment cette communication est-elle mise en place précisément ?
Nous ne pouvons pas affirmer que les budgets ont été orientés vers la communication. Cette année, le conseil permanent a exceptionnellement voté un budget de 630 000 euros consacré à la communication. En effet, nous avions besoin de réagir au contexte inflationniste qui a affecté les SIQO l'année dernière. Les années précédentes, le budget alloué à la communication allait de 100 000 à 120 000 euros. À titre de comparaison, le budget de la protection s'élève à 1,2 million d'euros. Nous réalisons essentiellement une communication institutionnelle et les ODG mettent en place leur propre communication sur leurs produits. A contrario, nos besoins en communication peuvent s'accroître car un certain nombre de démarches privées ou publiques se développent en parallèle des SIQO et peuvent induire une certaine confusion chez le consommateur. Nous devons donc réaffirmer l'existence des signes, notamment des signes officiels, basés sur des cahiers des charges, qui génèrent des coûts de production supplémentaires pour les producteurs et nécessitent une rémunération en conséquence.
Je ne connais pas ce chiffre.
À l'heure actuelle, l'INAO compte environ 240 agents soit 233 ETPT (équivalent temps plein travaillé). Comme tout opérateur public et comme tout ministère, le nombre d'agents a augmenté dans les années 1980 et 1990 après avoir récupéré un certain nombre de missions comme le Label rouge et l'agriculture biologique dans les années 2000. Les effectifs ont ensuite baissé à environ 261 ETPT en 2013. Je vous confirmerai ce chiffre. Les effectifs sont stables depuis deux ans et s'élèvent à 233 ETPT. Il est vrai que nous devons gagner en efficacité avec un certain nombre d'enjeux relatif à ces signes qui émergent : des enjeux de marché, une concurrence avec d'autres démarches, des enjeux climatiques et sociétaux.
Ainsi, lors de la sécheresse de 2022, nous avons dû accorder des modifications temporaires à certains agriculteurs, c'est-à-dire la possibilité de ne pas respecter certains points du cahier des charges pour qu'ils puissent continuer à produire. Ces évolutions suscitent toute une réflexion sur l'adaptation des cahiers des charges au changement climatique. L'objectif est de conserver la typicité des produits et ce qui constitue leur identité tout en adaptant la conduite des producteurs aux aléas du climat. Dans le monde viticole, ces réflexions ont conduit à une stratégie d'adaptation de la vigne au changement climatique qui définit un certain nombre d'axes de travaux de recherche appliquée pour faire évoluer le vignoble en matière de taille, de densité ou de pratique œnologique.
Les contrôles sont délégués à des organismes spécialisés. Portent-ils uniquement sur le respect du cahier des charges ou comprennent-ils également la fraude et l'emploi abusif d'AOC ? Lorsqu'un ODG élabore son cahier des charges ou le modifie, l'INAO intervient-il pour évaluer la pertinence de ces évolutions ou sont-elles librement appréciées par les professions concernées ?
En ce qui concerne les contrôles, nous nous arrêtons à la mise en cause avant la commercialisation. Ensuite, la responsabilité revient à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Elle fait partie de nos comités et des accords existent entre la DGCCRF et l'INAO. Les deux entités se transmettent des informations, des signalements, et peuvent intervenir en commun dans un certain nombre d'affaires judiciaires.
Par ailleurs, seul l'ODG peut être à l'initiative d'une modification du cahier des charges. Néanmoins, le comité national auquel se réfère le signe, composé de professionnels, a le droit de préconiser des actions à mener pour maintenir cette politique ainsi que la typicité du produit. Lorsqu'une demande de modification de cahier des charges émane d'un ODG, une commission d'enquête est créée. Elle est constituée de professionnels du comité qui travailleront avec l'ODG afin d'apprécier sa demande et parfois ouvrir certains horizons en lui apportant des éléments nouveaux. Certaines questions ne peuvent se traiter ODG par ODG, comme le changement climatique par exemple. Dans ce cas, l'INAO à un rôle clair d'animation afin de mettre en place une réflexion collective. Il s'agit néanmoins d'une politique de bottom-up dans laquelle le groupement à la base décide de son destin et l'INAO crée des interactions pour alimenter sa réflexion. L'INAO est avant tout un établissement de consensus et de compromis. Les décisions peuvent donc être plus lentes, mais sont très solides. Les orientations ne sont pas souvent remises en cause.
Je vous pose cette question car certaines décisions semblent surprenantes. Dans les AOC Bordeaux et Bordeaux supérieur, des cépages espagnols ont été tolérés, ce qui pose des questions quant à leur identité. Êtes-vous au courant de cette situation ? Comment expliquez-vous une telle décision ?
Il faut relativiser. Les vignes que vous évoquez sont certainement des variétés utilisées à des fins d'adaptation. En effet, face au changement climatique, des tests sont réalisés afin d'évaluer si des cépages sont mieux adaptés dans certaines zones. Cependant, ces tests sont réalisés sur 5 % des surfaces et 10 % de l'assemblage au maximum. Un suivi scientifique est assuré lors de la mise en place de ces tests et notamment une vinification séparée de ces cépages justement pour vérifier si la typicité du produit n'est pas remise en cause. Ils sont donc réalisés à petite échelle et durent généralement dix ans. À l'issue de ce délai, soit nous constatons que le cépage ne modifie pas la typicité du produit, ce qui permet de l'intégrer au cahier des charges, soit il est écarté. Ce type de pratique permet parfois de réintégrer des cépages autochtones oubliés par les producteurs. Par exemple, les cépages corses ont été réintégrés aux cahiers des charges et nous constatons qu'ils sont mieux adaptés au climat actuel que trente ans auparavant. Pour vous donner un ordre d'idée, en trente ans, la date des vendanges a été avancée d'un mois. Les changements vont donc de plus en plus vite. En cas d'expérimentation en dehors du cahier des charges, comme elles étaient réalisées auparavant, la lenteur du processus serait trop importante et il ne serait pas possible de revendiquer l'AOP.
La profession viticole s'alarme d'une volonté de la Commission européenne de changer la nature des AOC pour favoriser la prise en compte des critères de durabilité plutôt que ceux d'identité. Avez-vous été questionnée à ce sujet ? Avez-vous entendu parler de cette idée ?
Le nouveau règlement Revision of the machinery directive (Refit) vient d'être adopté le 26 avril. Il a fait légèrement évoluer l'encadrement communautaire des appellations. Néanmoins, il n'a pas eu d'impact conséquent en France. La Commission a plutôt mis à niveau sa réglementation en fonction de ce qui se pratiquait en France, notamment en ce qui concerne les groupements reconnus car nous avons tout un système pour agréer les ODG. Ce règlement étend effectivement la possibilité, déjà en place depuis 2018 dans le règlement Omnibus, d'introduire des éléments relatifs à la durabilité dans le cahier des charges. Ce point reste néanmoins assez flou car la durabilité comprend trois piliers : économique, environnemental et social. Certains ODG nous posent des questions sur ces sujets, par exemple celui du comté. Des appellations viticoles souhaitent également mettre en avant leurs pratiques environnementales et intégrer dans leur cahier des charges un certain nombre des pratiques liées à l'environnement. Ce règlement conforte donc cette tendance. De plus, des attentes sociétales émergent sur ces thématiques avec l'idée que les appellations, étant des produits d'excellence, doivent aussi prendre en compte ces évolutions. Toutefois, il ne s'agit en aucun cas d'une obligation européenne et cette évolution ne peut être réalisée qu'à la demande de l'ODG.
Lors d'une audition, une critique a été formulée sur le fait que le cahier des charges des AOC aggravait des conditions déjà précaires de production. Vous avez affirmé que ces AOC étaient mises en place après une proposition de la profession. Cependant, prenez-vous en compte le fait qu'un cahier des charges alourdi peut dégrader la compétitivité à l'export de produits comme le vin, dans un contexte de concurrence mondiale ? Avez-vous ce type de préoccupation lors de vos discussions avec les ODG ?
Nous avons entamé une discussion sur la durabilité au sein de l'INAO et elle prend en compte ces paramètres économiques. Néanmoins, je peux vous affirmer que les cahiers des charges les plus simples ne sont pas forcément ceux qui génèrent le plus de valeur. Parfois, des cahiers des charges très exigeants génèrent une valeur élevée. Il n'existe donc pas de corrélation entre le degré d'exigence du cahier des charges et la création de valeur. De plus, cette politique de qualité représente une compétitivité hors prix et crée de la valeur de manière immatérielle. Il n'est donc pas possible de lui appliquer les mêmes raisonnements que pour un produit classique. Enfin, comme vous l'avez dit, l'ODG propose la modification du cahier des charges, en matière viticole comme pour d'autres produits. Par exemple, la production au lait cru conduit à écarter certains volumes de lait pour lesquels les conditions sanitaires exigées pour un fromage au lait cru ne sont pas respectées. Ce type de production peut évidemment impacter la rentabilité d'une entreprise, mais si le niveau des cahiers des charges est rabaissé et la pasteurisation autorisée, la création de valeur ne sera pas la même et le fromage sera rabaissé au même niveau qu'un fromage classique hors appellation. Par conséquent, le comité AOP souhaite ardemment maintenir cette exigence de fromage au lait cru et ce point a fait l'objet d'échanges particulièrement vifs au moment des discussions sur le cahier des charges du camembert de Normandie.
Une revue spécialisée a publié une critique, peut-être un peu excessive, sur l'INAO. Elle dénonce le fait que l'INAO consacrerait sa force de travail à l'interprétation des textes européens plutôt qu'à la création de nouvelles AOC. Les textes européens représentent-ils une difficulté pour le respect des AOC, leur fonctionnement et le fonctionnement de l'INAO ?
Je ne le crois pas. La France est à l'origine de ce concept d'appellations puis elle l'a porté au niveau européen. Les textes européens respectent donc les contours de ce qui a été mis en œuvre en France. Par ailleurs, les textes européens sont très protecteurs. Il est possible que des critiques se fassent entendre sur la dimension trop contraignante du système d'appellations, notamment en matière de protection, mais il a justement été créé de cette manière pour protéger les appellations. La protection juridique d'une appellation est supérieure à la protection prodiguée par une marque. Elle protège contre la contrefaçon, contre l'usurpation, contre l'imitation. Par exemple, un célèbre parfum souhaitait utiliser le terme champagne, ce qui a été contesté par le comité interprofessionnel du vin de champagne. Ce dernier a gagné l'action en justice. Cette protection très forte permet donc de ne pas induire en erreur le consommateur et protège des producteurs qui feront l'effort de respecter un cahier des charges particulièrement exigeant, témoignant d'une identité très ancienne. Cette différenciation implique nécessairement des droits et des devoirs, avec un juste équilibre à maintenir entre les deux.
Je vous pose cette question car je pense au cas concret d'une coopérative viticole qui a renouvelé plusieurs de ses marques auprès de l'INPI avec du retard. Elle a reçu un courrier de vos services affirmant que ces marques correspondaient à des communes et qu'elle n'avait plus la possibilité de les utiliser, tout en se prévalant d'une directive européenne. Le fait que ce courrier s'appuie sur une directive européenne rend toute discussion impossible. N'existe-t-il pas un problème de rigidité qui peut, dans certains cas, défier le bon sens ?
Il est vrai qu'une appellation avec un nom voit ce nom protégé et il ne peut plus être employé par une marque. Néanmoins, si la marque est antérieure à cette appellation, a été déposée de bonne foi et n'a pas fait d'office de nullité par le passé, elle peut bénéficier de règles de coexistence. Si une personne dépose une marque après l'enregistrement d'une appellation, cette marque utilisera la notoriété d'une appellation en la détournant pour un profit individuel alors qu'une appellation est collective. En conséquence, le droit européen protège l'appellation et empêche qu'une marque soit déposée. Il est nécessaire de se questionner sur les raisons expliquant l'existence de ces règles. La réglementation est très stricte et les juridictions nous appuient dans la plupart des contentieux, que nous gagnons dans 90 % des cas. Cette réglementation est protectrice d'un savoir-faire, d'un terroir, d'une identité et évite une certaine confusion chez le consommateur.
Je n'évoque pas le dépôt d'une marque, mais son renouvellement. En l'espèce, les règles semblent trop rigides, car même si cette marque existait avant l'appellation, quelques mois de retard dans son renouvellement conduisent à un refus.
Encore une fois, en premier lieu, lorsqu'une marque a été déposée avant l'appellation, des règles de coexistence peuvent s'appliquer. En second lieu, lorsqu'une appellation est déposée, une procédure nationale d'opposition est possible. Lorsque le comité a validé une appellation, une sorte de consultation publique est organisée et ceux qui voudraient faire valoir le fait qu'ils possèdent une marque du même nom peuvent le faire. Dans le cas d'un signe européen, par exemple une appellation d'origine protégée, une nouvelle procédure européenne d'opposition est aussi organisée avant la reconnaissance définitive par l'Europe. La réglementation comprend donc certaines souplesses.
Nous avons auditionné les producteurs de graines de moutarde de Bourgogne. Ils nous ont confirmé que l'appellation de moutarde de Dijon leur avait échappé. Comment expliquer que ces appellations aient été perdues ? À présent, elles peuvent être produites n'importe où alors qu'elles font clairement référence à une localité, ce qui porte préjudice aux producteurs locaux.
Un certain nombre de termes existaient avant la création du système d'appellations, le camembert par exemple. Le produit est devenu un nom commun et il est difficile de protéger un nom commun. En revanche, le camembert de Normandie devient une appellation car ce nom fait référence à une origine particulière et un processus de fabrication particulier. Néanmoins, le nom commun camembert existait déjà avant le système d'appellation et il était produit partout. Protéger ce nom commun aurait donc remis en cause une tradition qui ne s'apparente pas à la combinaison d'une origine et d'un savoir-faire. La même situation a dû se présenter pour la moutarde de Dijon. Je vérifierai néanmoins ces informations.
L'INAO travaille-t-il à récupérer certaines de ces appellations ? L'appellation moutarde de Bourgogne a été développée, mais il est difficile de comprendre que des appellations telles que la moutarde de Dijon soient perdues. Avez-vous été sollicitée par la filière à ce sujet ?
En tout état de cause, tout ODG avec une demande peut contacter l'INAO et ses délégations territoriales. Dans ce cas, son dossier sera étudié.
L'intérêt des traités de libre-échange est souvent présenté en mettant en avant la protection des IGP. Cette protection ne se fait-elle que par ces traités de libre-échange ? Est-il possible de protéger les AOC internationales sans signer un traité de ce type ?
Cette protection peut prendre trois formes. Elle peut être organisée par des accords de libre-échange dans un cadre global s'il comprend un volet de protection des indications géographiques. De tels accords existent et fonctionnent correctement avec le Canada, la Corée, le Japon, etc. La protection peut également être organisée de manière bilatérale. Par exemple, la France a négocié avec la Chine la reconnaissance des appellations bordelaises. Actuellement, les appellations bourguignonnes négocient également avec la Chine. Enfin, cette protection est organisée par les accords multilatéraux au sein de l'organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) avec l'acte de Genève. Ainsi, l'ensemble des groupes de pays qui participent à cet accord voit leurs appellations protégées sur le sol européen. A contrario, toutes les appellations européennes sont protégées dans les pays qui adhèrent à cet accord. Par ailleurs, à l'INAO, nous avons quelques activités de coopération afin de promouvoir notre système à l'étranger et inciter un certain nombre de pays à y adhérer. Nous mettons en place ces actions en accord avec le ministère. De telles pratiques permettent des stratégies d'encerclement auprès des pays plus favorables aux marques qu'aux appellations. Nous avons ainsi un accord de libre-échange avec le Canada qui protège un certain nombre d'appellations. Si le Mexique adhère à l'acte de Genève, il est possible d'envisager que les États-Unis feront évoluer leurs positions.
Nous constatons que la mondialisation se développe au cours des années. Les effectifs de l'INAO sont-ils suffisants pour assurer ses missions ?
Nous ne sommes jamais assez, bien évidemment. Toutefois, nous tentons d'être efficaces et d'aller à l'essentiel. L'objectif est de trouver le juste équilibre entre les moyens dont nous disposons et les missions qui nous sont confiées.
Les missions qui vous sont confiées ont-elles augmenté ces derniers mois, notamment avec les manifestations des agriculteurs ? Avez-vous ressenti des directives politiques plus pressantes ?
Pour être honnête, nous n'avons pas été impactés par les manifestations. La raison en est probablement que les professionnels coconstruisent cette politique avec l'administration. L'INAO est leur maison. À titre d'exemple, en 2018 ou 2019, un projet avait pour ambition de supprimer certaines taxes dont les droits INAO. Les professionnels se sont battus pour garder ces droits INAO, ce qui est rare.
Les professionnels ont été fortement impactés par l'inflation. Nous avons constaté des débuts de modification des comportements d'achat. La catégorie fromage grossit au niveau des ventes mais diminue dans le domaine des appellations. Les consommateurs se détournent donc de certains produits pour des questions de prix. Dans ce contexte, il est donc important de conduire certaines actions de communication afin de rappeler la nature des appellations. Les ODG le font également. Le Conseil national des appellations d'origine laitières, par exemple, met en œuvre de nombreuses actions pour faire valoir le logo et expliciter la nature de l'appellation. Les enquêtes d'opinion nous montrent que ces actions fonctionnent correctement.
Le miel a été l'objet polémique récemment : du miel était vendu en supermarché avec un drapeau français alors que son origine n'était indéniablement pas française. Avez-vous une capacité d'intervention à ce sujet ? Que faudrait-il changer dans la législation pour que ce type de situation ne se produise pas à nouveau ?
L'INAO est responsable des origines et non pas de la provenance des produits. L'origine est réellement liée à la politique des SIQO, c'est-à-dire que la typicité d'un produit est liée à une origine particulière, parfois à des parcelles particulières, doublées d'un savoir-faire. La provenance est une notion différente. Elle désigne le lieu d'où provient le produit. Nous n'interviendrons qu'en cas de détournement d'une notoriété d'appellation ou d'usage d'une appellation pour un produit qui ne respecte pas le cahier des charges. Nous n'interviendrons pas sur des questions relatives à la provenance du produit. Nous avons reconnu récemment le miel des Landes. En revanche, la DGCCRF interviendra si elle s'aperçoit que du miel ukrainien est vendu sous l'étiquetage « miel des Landes ».
Selon vous, la DGCCRF dispose-t-elle de suffisamment de moyens pour assurer toutes ses missions ?
Il faudrait lui poser cette question. Je ne peux répondre à la place de cette administration.
Ma circonscription de l'Aube comprend la Côte des Bar et des vignobles champenois. La fraude au champagne est un sujet important, notamment avec la montée des prix sur les marchés. Auriez-vous des chiffres sur les quantités de saisies de faux champagnes entre autres ? Quelle est votre vision de l'évolution de l'AOC champagne ?
L'ODG et l'interprofession champagne sont très bien organisés en matière de fraude. Nous travaillons activement avec eux. Lorsque nous menons des actions pour lutter contre la fraude, elles sont financées à 50 % par l'INAO et à 50 % par l'ODG. Je n'ai pas de chiffre précis à ce sujet mais je dirais que 20 % à 30 % des dossiers concernent le champagne. Cet état de fait s'explique également par de très fortes exportations et une activité élevée en matière de protection. Cet exemple peut être mis en avant. Après le covid, lorsque le commerce international a repris, le nombre de dossiers de contrefaçon a également augmenté.
Il est donc possible de dire que plus les contrôles augmentent, plus les saisies sont susceptibles d'augmenter, quel que soit le domaine.
Tout à fait. Plus l'ODG est organisé et souhaite protéger son appellation, plus les saisies de contrefaçon seront importantes.
Dans le secteur du champagne, l'élargissement potentiel de la zone AOC à des villages qui en font la demande pose question. Ce débat a lieu dans la région depuis des années. Une telle mesure serait-elle favorable à la filière ?
La délimitation de la zone d'appellation pour le champagne doit dater de 1927. Il y a une vingtaine d'années, l'ODG nous a demandé de commencer à travailler sur cette délimitation. Des évolutions ont eu lieu entre 1927 et 2004 et la délimitation moderne est réalisée avec des moyens dont ne disposaient pas forcément des services à l'époque. Ce travail est donc mené par l'INAO, depuis vingt ans, de manière rigoureuse car les montants en jeu sont très importants. Lorsque le rapport de la commission d'enquête sera présenté à l'ODG, ce dernier devra décider d'y donner suite ou non. Si l'ODG le souhaite, une consultation publique sera organisée et elle prendra en compte les demandes de révisions. Enfin, le comité devra voter de manière définitive, puis une procédure nationale d'opposition devra être organisée et, à la suite de ce processus, la nouvelle délimitation pourra être validée.
En ce qui concerne l'AOC brie de Maux, de nombreux agriculteurs se trouvent à la frontière de l'AOC et demandent à y entrer depuis des années. Pensez-vous qu'une politique publique pourrait intervenir afin d'inclure de nouveaux agriculteurs-éleveurs ?
Si l'ODG souhaite revoir sa délimitation, l'INAO étudiera cette demande. Nous restons au service des ODG.
La séance s'achève à dix-neuf heures quinze.
Membres présents ou excusés
Présents. – M. Grégoire de Fournas, M. Jordan Guitton, M. Serge Muller, M. Charles Sitzenstuhl
Excusé. – Mme Anne-Laure Blin