Merci de nous donner l'opportunité de présenter l'INAO et la politique d'identification des signes officiels de qualité et d'origine qu'il porte. Comme vous l'avez affirmé, l'INAO est une très vieille institution qui date de 1936 dans sa forme ancienne. Sa création est issue des grandes manifestations viticoles du début du XXe siècle, durant lesquelles le sujet de la fraude et de la contrefaçon avait émergé. Il ne s'agissait pas à l'époque de vraies appellations, mais plutôt des produits portant l'identité d'un certain nombre d'origines en France.
À ce jour, l'INAO est un établissement placé sous la tutelle du ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire qui est chargé de conduire la politique des signes d'identification de la qualité et de l'origine (SIQO). Elle comprend plusieurs types de signes dont les appellations d'origine protégées (AOP), les indications géographiques protégées (IGP), le Label rouge, qui est un signe français à 100 %, les spécialités traditionnelles garanties (STG) qui protègent les recettes et l'agriculture biologique pour une partie de ses missions.
L'INAO a trois missions qui lui sont confiées par le code rural dans ses articles L. 642-5 et L. 644-9-1. La première mission est la reconnaissance et le suivi des cahiers des charges qui sont relatifs aux signes d'identification de la qualité et de l'origine. Derrière chaque signe, il existe un cahier des charges qui définit les conditions de production et l'origine précise des produits. Il garantit le caractère typique du produit et son origine dans le domaine des AOP et des IGP. Il pourra aussi garantir sa qualité supérieure dans le cas du Label rouge ou sa recette dans le cas des STG. Dans le cas de l'agriculture biologique, le cahier des charges sera européen et garantira les modes de production de ce type d'agriculture. Nous avons à l'heure actuelle plus de 1 100 cahiers des charges en France et l'INAO est chargé d'en assurer le suivi, car ils évoluent régulièrement. Tout un travail de reconnaissance de ces produits a lieu même, si la majorité de son activité concerne davantage des modifications de cahier des charges que de nouvelles reconnaissances. Afin de vous donner un ordre d'idée, l'année dernière, nous avons reconnu, soit au niveau national, soit au niveau européen, vingt et un nouveaux produits par rapport aux 1 100 existants.
Sa deuxième mission porte sur l'organisation des contrôles, car les SIQO reposent sur des cahiers des charges transparents donnant lieu à des contrôles. L'INAO ne procède pas directement aux contrôles mais agrée des organismes certificateurs qui réaliseront ces contrôles. L'INAO vérifie que ces organismes effectuent correctement leur travail et organise tout le système de contrôle, c'est-à-dire les points à contrôler, la fréquence des contrôles, les sanctions après chaque manquement. Il peut retirer les agréments si ce travail n'est pas réalisé correctement.
Sa troisième mission est une mission de protection contre la fraude sur le plan national et le plan international, sachant que l'INAO travaille avec l'Institut national de la propriété industrielle (INPI). Un travail a lieu auprès de marques qui tentent d'usurper ou d'utiliser la notoriété de certains SIQO à leur avantage. L'INPI est ainsi en charge des marques et peut par exemple s'opposer, sur proposition de l'INAO, à l'enregistrement d'un certain nombre de marques qui porteraient atteinte aux SIQO. Ce travail va néanmoins bien au-delà et peut se traduire par des procédures civiles ou pénales selon les cas. L'INAO travaille également au niveau international avec des cabinets d'avocats, mais aussi des autorités des différents pays pour faire en sorte que les SIQO français soient protégés à l'étranger. Il est possible d'intenter un certain nombre d'actions dans ce but.
L'INAO communique également afin de faire connaître cette politique. Celle-ci a un poids économique relativement important : nous estimons que, hors agriculture biologique, un tiers des exploitations agricoles sont engagées au moins sous un des signes d'identification de la qualité et de l'origine. Elle génère environ 42 milliards d'euros par an en incluant l'agriculture biologique, soit à peu près 20 % du chiffre d'affaires de l'agriculture française. Il s'agit donc d'un élément essentiel pour créer de la valeur au sein d'une exploitation agricole même si l'entièreté de l'exploitation agricole n'est pas forcément consacrée à la production dudit SIQO.
Il s'agit également d'une politique très importante par son impact territorial. Nous savons que dans plusieurs régions, par exemple le Massif central, sans un certain nombre de SIQO de productions fromagères entre autres, des territoires auraient relativement peu d'agriculteurs. Ces productions génèrent une véritable valeur ajoutée à l'échelle territoriale. On peut aussi citer le comté dans les régions jurassiennes. Et dans certaines régions viticoles, la vigne étant une production qui pousse sur des terrains relativement arides, il serait difficile de trouver d'autres productions agricoles générant autant de valeur ajoutée.
Cette politique fonctionne relativement bien, même si une très grande hétérogénéité existe dans la valeur ajoutée d'un produit à un autre. Il est difficile de comparer une appellation viticole bordelaise avec un grand cru bourguignon. Toutefois, globalement, cette politique génère bien de la valeur à l'échelle des exploitations, à l'échelle territoriale et à l'échelle des filières – les exploitations agricoles sont beaucoup évoquées mais il existe aussi des entreprises consacrées à des produits transformés qui sont impliquées et qui tirent de la valeur de cette politique.
Une originalité de cette politique est qu'elle est complètement cogérée avec des représentants professionnels. L'INAO se targue d'une gouvernance assez unique dans le monde agricole. Il est piloté par un conseil permanent constitué de professionnels, eux-mêmes engagés dans les signes, nommés par l'État, et d'un président, Philippe Brisebarre, producteur viticole en Vouvray. Ce professionnel est nommé pour un mandat de cinq ans. Le conseil permanent définit les grandes orientations de l'INAO. Il vote son budget, qui s'élève à 25 millions d'euros. Notons que cet établissement ne coûte pas très cher au regard de la valeur créée qui s'élève à 42 milliards d'euros. Derrière ce conseil permanent se trouvent des comités, eux-mêmes constitués de professionnels et répartis par signes : un comité IPG viticole, un comité AOP agroalimentaire, un comité Label rouge IGP STG, un comité agriculture biologique. Enfin, un conseil également constitué de professionnels régit des règles de contrôle qui sont transversales. Ainsi, les professionnels décident réellement des orientations qu'ils souhaitent donner à cette politique. Dans ce but, chaque cahier des charges, à l'exception de l'agriculture biologique, est géré au niveau local par un organisme de défense et de gestion, c'est-à-dire un groupement. Par exemple, dans le domaine viticole, il peut s'agir d'exploitants viticoles. Dans les autres SIQO, les groupements impliquent à la fois des exploitants et des industriels. Ces groupements sont chargés de gérer les cahiers des charges et de faire vivre le signe, de s'impliquer en matière de promotion et de protection. L'INAO intervient en appui de ces organismes de défense et de gestion (ODG), à la fois pour les aider à faire reconnaître un produit, à faire évoluer un cahier des charges ou en matière de protection afin d'agir contre la fraude.